Démocratie Directe: La transisiton vers la politique holistique

Démocratie Directe

La transition vers la politique holistique

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Michalis Lianos est professeur d’université, théoricien social et politique. D’origine grecque, il a enseigné au Royaume-Uni et en France et mené des recherches dans les domaines du rapport des sociétés modernes à la règle, du changement sociopolitique et du conflit.

©2022 Michalis Lianos

Préface

Les manifestes politiques se composent souvent de listes d’accusation et de projets de conflit. Mais il viendra peut-être un temps où les révolutions les plus radicales se réaliseront de façon pacifique, au fur et à mesure que nous reconnaissons les limites de l’espèce humaine. Cela nous permettra de comprendre comment vivre ensemble sans se faire souffrir les uns les autres.

La nature du pouvoir politique se transforme. Nous réalisons que notre planète n’est pas inépuisable et qu’en donnant le pouvoir à certains d’entre nous – peu importe leurs compétences ou leurs bonnes intentions – n’aboutit pas au même résultat que quand nous sommes toutes et tous engagés dans le processus politique.

La demande de démocratie directe augmente. Nous voulons être pris en compte, pas tenus pour acquis. Les idéologies en conflit se rencontrent sur la méfiance des élites et la quête de la gouvernance par le bas. Même ceux qui sont favorables aux modes politiques autoritaires, soutiennent la participation citoyenne. Comme tous les paradoxes, c'est un signe fort de notre temps.

Nous devons évoluer vers la démocratie directe sans que nos oppositions nous arrêtent, ce qui est un défi politique de premier rang. Pour le lever, nous devons abandonner les structures et les institutions qui ont intérêt à construire des blocs opposants, afin de les représenter. Nous devons amener le pouvoir au niveau individuel et traiter nos oppositions et désaccords question-par-question, au lieu de livrer une autorisation en bloc à des personnes qui décideront selon l’intérêt de leurs partis politiques.

La Politique Holistique est une culture, une attitude entre citoyens. Le terme représente l’examen de nos rapports d’une façon holistique, c’est-à-dire en tant qu’ensemble intégré, une condition qui fait face à nos différences, et même à nos conflits, de façon démocratique directe. Savoir que chaque fois nous arrivons au résultat réel de notre volonté collective, conduit à la confiance, la tolérance et le respect des différences. C’est la voie à suivre pour une espèce violente comme la nôtre, qui a dominé toutes les autres.

Ce texte est un manifeste ouvert pour bâtir la démocratie directe. C’est un pas vers une culture qui nous permettra de dépasser les formes de pouvoir qui vivent pour elles-mêmes et nous transforment souvent en des ressources au service de leurs propres objectifs. L’organisation politique est la clef de la confiance sociale, et la confiance sociale la clef d’une vie collective heureuse. Le débat, la concurrence et le conflit ne peuvent nous amener à cette condition. Nous devons nous organiser et regarder notre existence en tant que citoyens quotidiens qui limitent leur faim de pouvoir. Rester simple est compliqué. C’est pour cela que nous avons besoin d’une approche holistique.

Naturellement, ce manifeste est dédié à celles et ceux qui n’ont pas besoin de coercition pour changer. Celles et ceux qui abandonneraient volontiers leurs avantages afin de vivre dans un monde plus juste, où chacun a une place et personne n’influence la vie collective au-delà de sa petite part personnelle. Nous avons tous rencontré une ou deux de ces rares personnes qui non seulement vivent, mais permettent aussi aux autres de vivre. Leur marque est une distance critique face à leurs propres intérêts et un intérêt à faire ressortir chez les autres ce qu’ils ont de mieux. Nous pouvons nous organiser d’une façon qui nous aide à suivre leur exemple.

Michalis Lianos, Paris 2022

Interrogations et impasses

L’approche de la politique holistique constitue une réponse aux principales impasses de la démocratie:

Comment hiérarchiser de manière collective les priorités politiques sur lesquelles nous sommes en désaccord ?

Comment éviter la concentration du pouvoir et son utilisation au bénéfice de certains groupes et couches de la société ?

Comment atteindre collectivement l’égalité sociale alors que nous tendons individuellement à la concurrence ?

Comment devons-nous faire face au fait que nous ne sommes pas tous dotés des mêmes capacités et forces?

Un système politique peut-il être en constante mutation afin d’appliquer les mêmes principes dans différentes circonstances ?

Table des matières

Préface

Interrogations et impasses

PREMIERE PARTIE: PRINCIPES

A. Qu’est-ce que la politique holistique et pourquoi nous sera-t-elle utile

A.1 Un accès égal et libre au pouvoir

A.2 Objectifs globaux et priorités hiérarchisées

A.3 Idéologie et pratique

A.4 Questions et réponses

A.5 Le principe de la majorité dans la politique holistique

A.6 Immersion continue dans la société

B. Motivation, politique et «progrès»

B.1 Socialisme réel et irréel

B.2 L’économie en tant que valeur sociale

B.3 Le marché et l’économie

B.4 L’esprit d’entreprise

B.5 A Éloge de l’échec

B.6 La diversité

B.7 La coexistence sociale

B.8 La sécurité

C. Égalité

C.1 L’égalité des chances n’est pas l’égalité

C.2 L’égalité en tant que distribution consciente de la réussite

C.3 L’exploitation de l’«égalité des difficultés»

C.4 Les étrangers

C.5 Discriminations et différences culturelles

C.6 Géopolitique

C.7 Quel devrait être le sens actuel du «progrès» et du «développement»?

C.8 Pouvoir et leadership

D. Valeurs

D.1 Déconnecter l’autorité, le prestige et le pouvoir du revenu et de la richesse

D.2 Concurrence symbolique

E. Présent et futur

E.1 La démocratie parlementaire libérale : un système politique dépassé

E.2 Les politiques existantes

E.3 Le problème des partis politiques

F. Quelques orientations pratiques

F.1 Quelques applications possibles

F.2 La structure souple d’un système politique holistique

DEUXIEME PARTIE: ACTION

G. Système de gouvernance

G.1 Représentation et gestion

G.2 Le pouvoir politique

G.2.a Un réseau de scrutin continu

G.2.b Scrutin continu: Limites et priorités

G.2.c Scrutins locaux et régionaux

G.2.d L’Assemblée Sociale

G.2.e Les Secrétariats de l’Assemblée Sociale

G.2.f L’Assemblée de la Parité

G.2.g. Les Secrétariats Régionaux

G.2.h Postes électifs

G.3 La gestion

G.3.a La gestion dans le secteur public

G.3.b La gestion dans le secteur privé

G.3.c Conseil de Coordination

G.3.d Sanctions

G.3.e Gestion des crises

G.4 Le contrôle

G.4.a Enquête

G.4.b Contrôle continu

G.4.c Les jugements des tribunaux

G.4.d Le système pénal

G.4.e Autres formes de contrôle

G.5 Les médias

G.6 Influence disproportionnée

G.7 Armée et conflits

G.8 Secret

H. Une transition sans heurts depuis le système actuel

H.1 Questions contemporaines

PREMIERE PARTIE

PRINCIPES

A. Qu’est-ce que la politique holistique et pourquoi nous sera-t-elle utile

Le capitalisme, nous le savons toutes et tous, ne tient pas sa longévité et son expansion du hasard; il présente certains avantages comparatifs très importants par rapport à d’autres systèmes. Premièrement, il s’impose non pas en tant que programme que nous devons suivre, mais en tant qu’absence de programme. Cela signifie que nous nous sentons en principe libres, même si cette liberté nous impose la concurrence économique et sociale. Ensuite, il admet la nature humaine telle qu’elle est aujourd’hui, non telle que nous souhaiterions qu’elle soit. En d’autres termes, la solidarité dont nous sommes capables de faire preuve sur une période étendue est limitée et notre besoin d’entrer en concurrence les uns avec les autres est profond. Cette concurrence n’est pas nécessairement matérielle, elle peut être symbolique, par exemple concerner l’estime que l’on nous porte.

Ainsi, pour progresser vers un système politique qui ne se borne pas à s’épuiser dans la gestion de l’économie capitaliste mais utilise l’économie pour parvenir à la société souhaitée par les citoyens, nous devons accepter ces deux tendances fondamentales en tant que principes stables. L’expérience des régimes du socialisme réel a montré que la tentative de nous imposer à nous-mêmes des principes supérieurs à notre nature conduisent à l’hypocrisie, la corruption et la violence.

La Politique Holistique est probablement la première proposition politique qui ne prétend pas offrir de bonnes réponses, mais viser au contraire à poser chaque fois à la société les bonnes questions. Elle repose sur la société et sur ses limitations et oblige chacun d’entre nous à prendre position vis-à-vis de ces limitations, c’est-à-dire à réfléchir sur ce que nous pouvons raisonnablement attendre des autres et sur ce que les autres peuvent raisonnablement attendre de nous. Cela se produit dans le cadre du système de prise de décisions qui impose précisément une orientation globale avant de s’intéresser à des problèmes spécifiques, par exemple en nous obligeant à choisir quel degré de parité sociale et quel degré de prévoyance sociale nous souhaitons et si ces deux dimensions, pour chacun d’entre nous, passent avant ou après notre souhait de consommer le plus possible. Par ailleurs, elle s’oppose à la vision fragmentaire des objets qu’un système de gouvernance doit gérer. Aucune question n’est traitée en tant que problème isolé et toutes sont dotées d’une dimension politique qui doit obéir aux priorités déterminées par les citoyens. La vision holistique de la politique est dotée de certaines caractéristiques essentielles :

elle rejette la vision fragmentaire de toute question d’importance collective. Toute