La francophonie dans les politiques publiques au Canada: Un principe au second rang
Par Isabelle Caron
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À propos de ce livre électronique
Cet ouvrage porte un regard sur les enjeux de la francophonie et sa place dans les politiques publiques au Canada. Il nous permet de constater que la question de la francophonie est constamment reléguée au second plan des priorités en matière de politiques publiques, que ce soit en ce qui a trait aux relations intergouvernementales, aux formes émergentes de la francophobie, à l’exclusion de la langue comme facteur identitaire dans l’ACS+, aux communications publiques relatives à la COVID-19, à l’insécurité alimentaire au Nouveau-Brunswick, aux Forces armées canadiennes ou encore aux politiques publiques ontariennes.
S’inscrivant dans un contexte politique où le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec manifestent simultanément leur désir d’accroître les mesures pour protéger la francophonie au Canada et soutenir son essor, ce livre se veut le point de départ d’une réflexion qui invite les décideurs publics à ramener la francophonie au premier rang dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques.
Isabelle Caron
Isabelle Caron est professeure à l’École d’administration publique de l’Université Dalhousie depuis 2017. Elle détient un doctorat en administration publique de l’Université d’Ottawa. Ses travaux de recherche portent sur les éléments qui structurent l’élaboration des politiques publiques au sein des organisations publiques tels que l’intersectionnalité dans les politiques publiques, le contrôle, la reddition de compte et l’intégrité publique ainsi que la gestion des employés et de la diversité. Entre 1999 et 2012, elle a travaillé au Bureau du Conseil privé et au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, ainsi qu'à Santé Canada et à Patrimoine canadien à titre d'analyste principale des politiques.
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Avis sur La francophonie dans les politiques publiques au Canada
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Aperçu du livre
La francophonie dans les politiques publiques au Canada - Isabelle Caron
Introduction
Isabelle Caron et Louis Poulin-Langlois
Plus de 50 ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielles qui institua le français et l’anglais comme langues officielles au Canada, la place accordée au français et à la francophonie sur l’ensemble du territoire canadien demeure toujours un sujet d’actualité qui met constamment en lumière les défis rencontrés par les francophones au pays. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles qui prévoit donner plus de pouvoir pour le renforcement de l’usage français au Canada, y compris le Québec. C’est aussi dans ce contexte qu’il faut comprendre le récent dépôt à l’Assemblée nationale du projet de loi 96 (Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français), qui veut renforcer l’usage du français comme langue commune dans la sphère publique québécoise, mais qui prévoit explicitement un rôle pour le gouvernement du Québec dans l’essor des communautés francophones et acadiennes et de promotion et de valorisation du français dans l’Administration au Canada (Québec, 2021). Si, en plus de ces récents projets de loi, on tient compte des diverses dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982 eu égard aux droits linguistiques, on peut raisonnablement penser qu’au Canada, la francophonie est non seulement un enjeu fondamental de nos politiques publiques, mais qu’elle est aussi un jalon important d’un multilatéralisme qui caractérise les relations intergouvernementales canadiennes. Pourtant cet ouvrage est né d’un constat différent: la francophonie est la plupart du temps reléguée au second rang dans les politiques publiques au Canada.
Toutefois, depuis plusieurs années déjà, les recherches en politiques publiques ont souligné l’importance de tenir compte des conséquences des politiques sur la population, et en particulier, sur divers segments de la population, en ayant recours à de multiples outils d’évaluation (Lachapelle et al., 2010; Knoepfel et al., 2015; Lamari et Jacob, 2016; Howlett et al., 2020), dont l’analyse d’impact réglementaire, l’analyse d’impact sur la santé, l’analyse d’impact environnemental et l’analyse de genre. Plus récemment, le gouvernement fédéral canadien adoptait l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) afin d’évaluer comment divers facteurs identitaires influencent la façon dont les individus vivent les politiques publiques, les programmes et les initiatives du gouvernement (Canada, 2021). On pourrait alors croire que la langue constitue un facteur identitaire important qui influence la manière dont sont ressenties les politiques publiques. Mais comme le souligne Chantal Maillé (chapitre 2), la dimension linguistique a été retranchée des facteurs identitaires reconnus par l’ACS+ depuis 2018.
En s’intéressant précisément à la place accordée à la francophonie dans l’action publique, on remarque que souvent au Canada, tenir compte du fait français vient au second plan. Ainsi, comme on l’a vu récemment dans des décisions au Nouveau-Brunswick (Radio-Canada, 2021) sur l’usage du français dans les services de santé ou encore dans le cas de la fermeture des programmes en français à l’Université Laurentienne en Ontario (Fortier, 2021), l’usage du français est vu comme quelque chose de secondaire, quelque chose qui doit céder le pas à des principes plus fondamentaux comme l’efficience, l’efficacité et la rentabilité. Or la langue est un facteur identitaire qui façonne les perceptions des individus et leur expérience avec le monde. À cet égard, les divers chapitres de cet ouvrage montrent bien que les francophones, et encore plus particulièrement les francophones vivant en situation minoritaire, font face à des défis qui leur sont propres (p. ex. conditions socioéconomiques souvent plus précaires, difficulté d’accès aux services et aux ressources publiques en français (santé, éducation et autres), accès à l’emploi, etc.). Qui plus est, comme le soulignent Stéphanie Chouinard et Serge Miville (chapitre 3), les francophones sont souvent victimes des conséquences d’un discours économique des autorités étatiques qui «remet en question les politiques de bilinguisme, de services en français et/ou de toute autre forme de traitement différencié pour la population de langue française, voire demande leur abolition […], sur la base d’un coût trop élevé pour la population majoritaire» (p. 74). Ne pas tenir compte de la francophonie dans l’élaboration des politiques publiques, c’est donc ignorer la réalité de tout un segment de la population canadienne.
Ce refus de reconnaître les spécificités propres aux francophones est probablement l’une des conséquences de l’égalité du français et de l’anglais dans le régime linguistique canadien (Cardinal, 2008). S’il est vrai que le français a le même statut légal que l’anglais, il demeure parlé par un moins grand nombre d’individus au pays (Canada, 2019). Or, dans un contexte où des individus parlent une langue en situation minoritaire, on observe une différence entre leur comportement et celui des locuteurs en situation majoritaire (Mougeon et Beniak, 1991; Allard, Landry et Deveau, 2005), alors que ces derniers tendent naturellement à créer un contexte unilingue et à surreprésenter la langue majoritaire (Leclerc, 2020).
Toutefois, la langue devrait être mobilisée comme marqueur identitaire consensuel permettant de dépasser les autres types d’appartenance tels que le groupe social ou la région (Garcia, 2011). Suivant ce principe, parce que le Canada est un pays officiellement bilingue, les politiques publiques devraient inévitablement tenir compte de la question de la francophonie au premier plan, avant de considérer des questions d’efficience, d’efficacité ou autres.
Alors que le gouvernement fédéral a récemment présenté ses intentions dans le cadre de la réforme des langues officielles et du plan de modernisation de la Loi sur les langues officielles, cet ouvrage propose une réflexion sur la place de la francophonie dans les politiques publiques au Canada et s’interroge sur l’efficacité des divers mécanismes mis en place par les gouvernements fédéral et provinciaux susceptibles de ramener au cœur de l’action publique une francophonie souvent reléguée au second rang.
Deux précisions sont ici nécessaires. D’abord, qu’entendons-nous par politique publique? Notre perspective des politiques publiques est inspirée de l’analyse de l’action publique de Lascoumes et Le Galès (2012). Nous optons donc pour une vision plus sociologique de l’action de l’État que pour une vision systématique (Sabatier et Weible, 2007) ou fonctionnelle (Knoepfel et al., 2015; Howlett et al., 2020). Nous cherchons donc à voir comment à travers leurs décisions, leurs engagements, leurs discours et surtout leurs mesures concrètement mises en œuvre, les gouvernements du Canada, des provinces et des territoires tiennent compte du fait francophone. Ensuite, qu’entendons-nous par cette idée de second rang? Cette idée est en fait pluridimensionnelle. Nous nous intéresserons à savoir comment les gouvernements tiennent compte de la francophonie pour assurer un traitement équitable des divers groupes sociaux au pays, comment la francophonie apparaît dans les discours des gouvernements, comment la francophonie définit les relations entre les gouvernements, comment on tient compte de la francophonie dans les actions mises en œuvre, comment les engagements des gouvernements font évoluer la francophonie dans les organisations étatiques et comment on tient compte de la francophonie dans les régimes linguistiques. Ce livre soutient la thèse que dans chacune de ces dimensions, la francophonie constitue la plupart du temps le parent pauvre des choix des gouvernements. Ainsi, les enjeux financiers, managériaux, migratoires et autres ont souvent priorité sur la francophonie. Toutefois, il faut noter que nous ne disons pas que la francophonie est absente des politiques publiques au Canada, au contraire, tous les chapitres montrent la présence de cette francophonie. Nous ne disons pas non plus qu’elle est toujours mise de côté, car la réalité est plus nuancée. Ce que nous affirmons c’est que règle générale, la francophonie est reléguée au second rang des préoccupations des gouvernements alors qu’elle devrait, comme l’exprime Garcia (2011), être au cœur de l’identité des politiques.
Cet ouvrage n’est pas le seul à aborder la question de la francophonie. En effet, cette question a été abordée au Canada sous trois grands thèmes. Ainsi, plusieurs auteurs (Cardinal et al., 2008; Forgues, 2010; Hamel, 2010; Chouinard, 2012; Normand, 2012) abordent la question sous l’angle des communautés minoritaires francophones hors Québec et du bilinguisme. D’autres (Robichaud, 1983; Charbonneau, 2011; Léger, 2012) s’intéressent aux dimensions juridiques du régime linguistique canadien, dont la question de l’usage du français, mais la dépassent également, en traitant aussi des enjeux des langues autochtones et des langues des communautés immigrantes. Enfin, un plus petit nombre d’auteurs (Groeneveld et Walle, 2010; Hudon, 2011; Turgeon et Gagnon, 2013; Leblanc, 2014; Gaspard, 2019) s’intéresse à l’usage des langues officielles dans les fonctions publiques, particulièrement dans la fonction publique fédérale du Canada. Ce livre s