Discover millions of ebooks, audiobooks, and so much more with a free trial

Only $11.99/month after trial. Cancel anytime.

Je suis Pompéi
Je suis Pompéi
Je suis Pompéi
Ebook87 pages1 hour

Je suis Pompéi

Rating: 0 out of 5 stars

()

Read preview

About this ebook

Librement inspiré de faits réels, Je suis Pompéi retrace le destin d’Alice, survivante d’une enfance profondément malheureuse. Sa rencontre avec Paul, un homme d’une apparente stabilité, propre et lisse, lui permettra de concrétiser son rêve de devenir mère et d’avoir une famille bien à elle. Mais le grondement d’une violence ordinaire et silencieuse refait surface et l’histoire se répète, faisant écho aux désillusions. Pour les hommes qui n’aiment pas les femmes, les enfants deviennent une arme redoutable et la Justice, leur bras droit. Alice glisse alors dans le cauchemar qui engloutit toutes les mères à qui on arrache ce qu’il y a de plus précieux. Figée dans une peine aussi dure que la pierre, contre toute attente, une main tendue l’aidera à se relever. La douleur d’Alice ne pourra jamais s’éteindre, mais cette voix complice viendra apaiser, en quelque sorte, son tourment intérieur.
LanguageFrançais
Release dateOct 18, 2022
ISBN9782924847350
Je suis Pompéi
Author

Ava Rose Riverin

Née en 1979 là où l’eau est profonde, au creux d’un majestueux écrin bordé de falaises vertigineuses, AVA ROSE RIVERIN cultive les mots et fait pousser des jardins d’idées. Rédactrice professionnelle depuis plus d’une quinzaine d’années, elle vulgarise les concepts les plus laborieux avec souplesse et ingéniosité. Également mère de trois enfants, ce qu’elle préfère avant tout, c’est d’écrire des histoires-passeports, celles qui font voyager les petits et les grands. Je suis Pompéi est son premier récit.

Related to Je suis Pompéi

Related ebooks

General Fiction For You

View More

Related articles

Reviews for Je suis Pompéi

Rating: 0 out of 5 stars
0 ratings

0 ratings0 reviews

What did you think?

Tap to rate

Review must be at least 10 words

    Book preview

    Je suis Pompéi - Ava Rose Riverin

    Ava Rose Riverin

    JE SUIS POMPÉI

    Éditions
    Château d’encre

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre: Je suis Pompéi/Ava Rose Riverin.

    Noms: Riverin, Ava Rose, 1979 - auteur.

    Description: Mention de collection: Walkyries

    Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 2022001406X | Canadiana (livre numérique) 20220014078 | ISBN 9782924847343 | ISBN 9782924847350 (EPUB)

    Classification: LCC PS8635.I9439 J4 2022 | CDD jC843/.6 — dc23

    Édition: Lison Lescarbeau

    Révision et correction: Nathalie Savaria

    Grille intérieure et mise en page: Folio infographie

    Page couverture: Patricia Gaury et Lison Lescarbeau

    Photo de l’auteure: collection personnelle

    Visuel: Adobe Stock - Andrea Izzotti

    Dépôt légal – 4e trimestre 2022

    © 2022 Les Éditions Château d’encre inc.

    Les Éditions Château d’encre inc.

    407, boulevard Saint-Laurent, bureau 800

    Montréal, (Québec) H2Y 2Y5

    editionschateaudencre.ca

    Pour Marie.

    Écrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit.

    Marguerite Duras

    Le cratère

    L’enfance d’Alice, fille de Monique. Saguenay, 1993

    Je m’appelle Alice. Je suis l’accroc dans les mailles qui tissent l’histoire de ma famille. Avec mes yeux bleu gris, on pourrait croire que je porte le ciel en moi. Ce n’est pas le cas. À la loterie des naissances, j’ai hérité d’un manque de chance.

    Je le sais.

    Bonne à rien. Stupide. On me déteste. Je parle aux chevaux qui trottent dans ma tête. Je crée des drapeaux avec des piles de manteaux. Je colorie l’alphabet et je refuse d’obliger les lettres à former des mots sans contexte. Mon entêtement irrite.

    Tous les jours après l’école, délivrée de ce moule à formater, je pique la bicyclette rouge de mon ami Frank. Rouge comme les souliers exposés dans la vitrine du Petit cordonnier, ceux que je n’aurai jamais. Rouge comme mon envie de les voler. J’enfourche la monture rutilante et je dévale à toute allure les rues du village, sans mettre les freins. Qu’importe ce qui m’attend au bas de la pente, je n’arrête jamais, jamais, car si en pleine course je devais stopper, je ne saurais rassembler mon courage éparpillé pour me hisser en selle une autre fois. Je deviendrais ces autres que je méprise si fort, ceux qui ignorent que le goût du risque est doux-amer, faute de l’avoir porté à la bouche.

    Le nez au vent, à cheval sur la bécane, je pleure. L’air frais caresse mon visage. Toute cette douceur me brûle, comme l’eau chaude du bain brûle les orteils. Et même si parfois j’aimerais y plonger, je sais que je n’ai pas la couenne assez dure pour m’y habituer. Alors, je roule sans but, jusqu’à ce qu’inévitablement je dérape et que je tombe.

    Les genoux écorchés, je redonne à Frank sa bicyclette. Il voit le sang qui lèche mes jambes, mais il ne dit rien, parce qu’il n’est pas idiot. Il imagine, bien mieux que toutes ces grandes personnes qui m’entourent, la vie qui m’attend.

    Dehors, le ciel se déchire. Je tremble. Mes parents, dans l’autre pièce, hurlent. Sur un coup de tonnerre, la porte de ma chambre s’ouvre avec fracas et mon enfance fuit à toutes jambes. La vie d’adulte se présente à moi sous la forme d’un canon, d’un morceau de métal froid, glacial, posé sur ma tempe. Le clic du cran de sûreté me fait mourir avant l’heure et je ferme les paupières. Mes rêves s’évanouissent et je ne pourrai jamais les réanimer, faute d’espace pour eux. La terreur a conquis mon territoire intérieur. Il n’y a plus d’espace que pour elle.

    Dans mon lit une place, blottie entre les draps souillés, je deviens une autre que moi. J’ai dix ans. J’ai cent ans. À l’aurore, la lumière se pointe et se faufile dans ma chambre par une minuscule fente. Je me défroisse. Je quitte le radeau à bord duquel j’ai fait naufrage. À pas lents, je me dirige vers la cuisine. Autour de moi, tout est pareil qu’hier. C’est laid. C’est petit. Je m’arrête devant le miroir. Je me vois comme pour la première fois. Mes pupilles ont avalé le bleu de mes yeux. Je ne reconnais pas les traits de mon visage. Je touche les contours de ma bouche brodée de haine, pleine de cris silencieux, et je me déteste.

    Dans la cuisine, des milliers de morceaux de verre jonchent le sol comme autant d’astres tombés du ciel. Pieds nus, j’avance sur les éclats qui craquent et m’entaillent la peau. Je tente d’atteindre Monique. Ma mère. Elle me tourne le dos et s’accroche à l’évier comme à une bouée. Un fragment d’éternité s’égrène. Je lui tends la main, mais elle ne bronche pas. Elle est morte hier, avant moi. Je ne pourrai jamais la sauver.

    Une autre journée semblable à toutes celles qui l’ont précédée. En classe, la maîtresse parle, mais mon cerveau comme un hachoir broie tous ses mots. Seules les idées obscures demeurent intactes. Elles collent au fond de ma tête dure. Du bout des doigts, pour ne pas écraser ce qu’ils pourraient contenir de promesses lumineuses, je compte les années, celles que je devrai traverser avant de parvenir à la majorité. Huit. Il n’y a plus que huit ans à attendre dans le chaos rouge de ma vie.

    Quinze heures. La journée tire à sa fin. Tout le monde s’agite autour de moi, chacun rangeant plus ou moins bien ses cahiers et ses crayons, pressé de rentrer à la maison. Je prends mon temps. Je le repousse à deux mains. Je sais

    Enjoying the preview?
    Page 1 of 1