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Marie: Dans la tourmente de l'Histoire
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Ebook362 pages4 hours

Marie: Dans la tourmente de l'Histoire

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About this ebook

L'été 1860 illumine Fontaine-Notre-Dame, charmant petit village de Picardie, à treize kilomètres de Saint-Quentin, dans le département de l'Aisne. Hyacinthe, tisseuse et Vital, valet de charrue, s'aiment et vont se marier. De leur union naîtra une famille nombreuse. Leur fille, Marie, née juste après la guerre de 1870, va affronter les vicissitudes de la vie paysanne, découvrir l'amour et traverser les périodes noires de l'Histoire de France, notamment les ouragans des deux guerres mondiales. Sa vie sera une véritable tragédie !Ce roman, d'une écriture authentique et touchante, basé sur des faits réels relatifs à la famille de l'auteure, nous emmène tour à tour dans les affres de la colonisation, l'horreur de la guerre 14/18 et l'enfer de la guerre 39/45.Marie parviendra-t-elle à trouver le bonheur ?
LanguageFrançais
Release dateDec 12, 2022
ISBN9782918338246
Marie: Dans la tourmente de l'Histoire

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    Marie - Pascale Delacourt-Stelmasinski

    Pascale DELACOURT-STELMASINSKI

    MARIE

    dans la tourmente de l’Histoire

    MORRIGANE ÉDITIONS

    13 bis, rue Georges Clémenceau — 95 440 ÉCOUEN (France) 06 85 10 65 87 — morrigane.editions@yahoo.fr http://www.morrigane-editions.fr http://boutique-en-ligne.morrigane-editions.fr

    Siret : 510 558 679 000 13

    RÉSUMÉ

    L’été 1860 illumine Fontaine-Notre-Dame, charmant petit village de Picardie, à treize kilomètres de Saint-Quentin, dans le département de l’Aisne. Hyacinthe, tisseuse et Vital, valet de charrue, s’aiment et vont se marier.

    De leur union naîtra une famille nombreuse. Leur fille, Ma- rie, née juste après la guerre de 1870, va affronter les vicis- situdes de la vie paysanne, découvrir l’amour et traverser les périodes noires de l’Histoire de France, notamment les oura- gans des deux guerres mondiales.

    Sa vie sera une véritable tragédie !

    Ce roman, d’une écriture authentique et touchante, basé sur des faits réels relatifs à la famille de l’auteure, nous emmène tour à tour dans les affres de la colonisation, l’horreur de la guerre 14/18 et l’enfer de la guerre 39/45.

    Marie parviendra-t-elle à trouver le bonheur ?

    Pascale Delacourt-Stelmasinski est née à Saint-Quentin dans le département de l’Aisne. Depuis 1975, elle est professeur de Com- munication et Bureautique au lycée Julie Daubié à Laon. Pas- sionnée par l’écriture, elle commence à écrire des poèmes dès l’âge de 12 ans et obtient de nombreuses récompenses, dont le 2ème prix au Concours Académique de Poésie Aisne-Oise-Somme et la Médaille du Sonnet au Concours Les Meilleurs Poèmes à dire, Académie du Disque de Poésie. Elle se lance dans l’écriture de nouvelles et de romans. Elle aime George Sand, Winterhalter, la nature, les roses trémières, les chats, les écureuils et Sissi Impéra- trice.

    4

    5

    Je dédie ce livre à Arlette À mes aïeux de Fontaine-Notre-Dame, Ceux que j’ai connus, Et ceux que je n’ai jamais vus même en photo.

    CHAPITRE 1 Les foins

    Le coq se dressa sur ses ergots, sa crête rouge sang se gonfla et il lança un cocorico puissant qui s’entendit jusqu’au bout du village. Il déclinait toutes les notes

    de la gamme dans son chant matinal.

    Les étoiles s’estompaient, le ciel prenait des teintes irisées,

    une lueur de feu montait à l’horizon. Il était 5 h et Fontaine- Notre-Dame s’éveillait doucement.

    À la ferme, Laurent et Juliette s’apprêtaient à se rendre aux champs pour rentrer les foins. La journée s’annonçait belle et ensoleillée, il fallait en profiter. En effet, la girouette tournait et annonçait de la pluie pour le lendemain.

    Le cheval avait pris un solide petit-déjeuner d’avoine et de luzerne, son maître vint le caresser et le sortir de l’écurie.

    Il s’avança dans la cour de la ferme d’un pas lent et sûr, ses naseaux s’écartèrent, humant l’air encore imprégné de la cha- leur de la nuit. Il secoua la tête comme pour se débarrasser de tous les rêves qui avaient bercé son sommeil.

    Laurent s’approcha de lui pour le harnacher. Il se laissa faire d’un air paisible. Il recula jusqu’au chariot. Le fermier passa la sous-ventrière.

    Cette courroie solide part d’un brancard, passe sous le corps du cheval et se fixe sur l’autre brancard. Cela évite au chariot de culbuter en arrière.

    6

    Laurent chargea les fourches et appela sa femme.

    — Juliette ! Tu viens ? Nous partons.

    — J’arrive.

    Le convoi se mit en route. Les fers du cheval résonnaient sur

    les vieux pavés de la cour. Laurent et Juliette marchaient de chaque côté de sa tête.

    Ils sortirent dans la rue principale du village, passèrent devant l’église de la Nativité de la Sainte-Vierge et tournèrent à droite dans un chemin de terre. Ils dépassèrent le cimetière et conti- nuèrent jusqu’au champ. À ce moment précis, la cloche sonna 6 h d’un ton solennel, six coups brefs, graves, bien pesés.

    La veille, Laurent et Juliette, après avoir coupé l’herbe tôt le matin, avec la rosée, car cela augmente la qualité du foin, l’avaient étalée sur le sol pour la sécher avant de confectionner les meules.

    Aujourd’hui, il fallait les démolir, étendre l’herbe, la retour- ner encore et encore, de manière à ce que toute l’humidité s’évapore.

    Aussitôt arrivé, Laurent conduisit le cheval sous un grand chêne qui abritait une partie de la prairie de ses longues branches dégingandées.

    Le soleil chauffait en ce début du mois de juillet 1860. Laurent retroussa ses manches et attrapa la fourche de ses bras puissants. Juliette, petite, fluette, se mit à démonter les meules tandis qu’il éparpillait le fourrage.

    La rosée s’échappait de ces brins d’herbe. Les parfums de la terre, des marguerites, des coquelicots et des bleuets qui tapis- saient le champ se mélangeaient en un bouquet odorant.

    Ils travaillaient en silence. De temps à autre, le cheval hen- nissait, donnant de grands coups de queue pour chasser les mouches qui le harcelaient.

    Vers midi, une voix enfantine se fit entendre :

    — Coucou, Papa, Maman, j’apporte le déjeuner.

    7

    — Bonjour Hyacinthe. Tu n’as pas oublié le pain ?

    — Non, Maman, j’ai pensé à tout.

    Juliette et Laurent lâchèrent leurs outils et vinrent s’asseoir

    sous le chêne. Hyacinthe, leur fille, disposa sur l’herbe une nappe à carreaux multicolores. Elle sortit le pain, le fromage et les cerises du jardin.

    Ils mangèrent rapidement, car le travail ne manquait pas. Il fallait finir la fenaison.

    Les hirondelles volaient haut dans le ciel, signe de beau temps. Il n’y avait rien à craindre de ce côté-là, mais il fallait que le fourrage soit rentré dès le soir.

    — Bonjour tout le monde !

    Laurent, Juliette et Hyacinthe se retournèrent en même temps.

    Un jeune homme à l’allure dynamique s’avançait vers eux. Laurent lui tendit la main et dit d’un ton amical :

    — Bonjour Vital. Comment vas-tu ?

    — Ça va, ça va, merci. Vous rentrez le foin ?

    — Oui, il est grand temps, demain, il va pleuvoir.

    Vital se tourna vers Juliette :

    — Bonjour Madame.

    Laurent fit les présentations.

    — C’est le fils d’un ami. Il habite Fieulaine.

    Fieulaine, village situé à deux kilomètres, était autrefois une

    dépendance de Fontaine-Notre-Dame. À la Révolution, il fut détaché pour former une paroisse séparée.

    — Je te présente ma fille Hyacinthe.

    Les deux jeunes gens se saluèrent d’un signe de tête.

    — Laurent, est-ce que tu veux un coup de main ?

    — Ce n’est pas de refus, Vital, mais tu as sûrement du travail,

    toi aussi ?

    — Non, Papa est parti à Saint-Quentin, il ne rentrera que

    ce soir.

    8

    L’après-midi commençait sous un soleil de plomb. Les deux hommes avaient confectionné un chapeau avec un mouchoir noué à chaque coin. La sueur coulait sur leurs joues rougies par l’effort.

    Au loin, la lumière flottait, se mêlant à l’azur d’un ciel sans nuage. Le temps paraissait endormi, épuisé par une chaleur torride. Un halo de brume se confondait avec l’horizon.

    Soudain, une alouette des champs se mit à grisoller. Elle s’éleva dans le ciel, en spirale. Elle vola quelques instants puis redescendit en se laissant tomber comme une pierre.

    De l’autre côté du chemin, le petit bois de Fontaine se dres- sait, seul, au milieu d’un champ de blé. Les arbres entrela- çaient leurs branches pour lutter contre les rayons du soleil. Inertes, les feuilles attendaient le crépuscule pour exhaler le parfum de la campagne.

    Laurent, Juliette et Vital continuaient d’épandre et de retour- ner le foin. Hyacinthe avait ramassé les restes du repas et cares- sait le cheval.

    La jeune fille blonde aux yeux verts était aussi mince que sa mère, mais un peu plus grande.

    Vers 17 h, ils s’arrêtèrent. La journée paraissait sans fin. Ne dit-on pas en parlant d’une personne lente : « Tu es longue comme un après-midi de juillet » !

    Ils disposaient d’une demi-heure environ pour se reposer avant de remplir le chariot.

    Vital, beau jeune homme aux cheveux bruns frisés et aux yeux marron, s’assit sur l’herbe à côté d’Hyacinthe :

    — Vous aidez vos parents à la ferme ? demanda-t-il.

    — Non, je suis tisseuse.

    — Vous travaillez dans une usine ? Vous êtes jeune pourtant ? — J’ai dix-huit ans et vous ? questionna Hyacinthe.

    — J’ai vingt-trois ans. En quoi consiste votre métier ?

    9

    — Je tisse le fil pour fabriquer du tissu. Et vous ? Que faites- vous ?

    — Je suis valet de charrue.

    Le valet de charrue, domestique de ferme chargé unique- ment des travaux de culture, occupait le premier rang dans la hiérarchie des ouvriers agricoles. Il se louait à l’année, à la Saint-Michel, à un ou plusieurs exploitants qui possédaient des charrues, des chevaux ou des bœufs de labour.

    Laurent fit avancer le cheval et appela Vital.

    — Vital ! Tu nous aides à charger le foin ?

    — Oui, j’arrive tout de suite.

    Il se releva et se dirigea d’un pas énergique vers la charrette.

    Il s’empara d’une fourche, Laurent fit de même.

    Une fois le travail terminé, Laurent leva la tête et s’aperçut que les hirondelles rasaient le sol. Il ne put s’empêcher de jurer. Avant la pluie, l’air se charge d’humidité et de minuscules particules d’eau alourdissent les ailes des insectes qui volent plus bas que d’habitude. L’hirondelle descend afin de les attra-

    per.

    Vers 20 h, tout le monde reprit le chemin de la ferme. Laurent

    fit venir le cheval devant l’écurie. La grange se trouvait au-des- sus, on y accédait de l’extérieur. Il installa une échelle et Hya- cinthe, avec la légèreté de sa jeunesse, l’escalada pour ouvrir la porte. Juliette monta à son tour.

    Laurent et Vital, juchés sur la carriole, envoyaient le foin à l’intérieur tandis que Juliette et Hyacinthe l’étalaient soigneu- sement.

    Le soleil se couchait après une journée de dur labeur. Depuis l’aurore, ses rayons n’avaient cessé de briller avec force.

    Laurent s’adressa à Vital :

    — Merci pour ton aide, Vital, je te dois combien ?

    — Rien du tout, répondit-il, c’est un service pour un ami. — Nous te remercions de tout cœur. Veux-tu dîner avec

    10

    nous? Hier, Juliette et Hyacinthe ont cuisiné un savoureux pâté de lapin.

    — Ce n’est pas de refus. D’autant que l’effort m’a donné faim.

    Le repas fut convivial. Par moments, Vital lançait un regard à Hyacinthe qui rougissait. Soudain, on entendit un gronde- ment lointain dans le ciel.

    Vital se leva :

    — Je crois que l’orage arrive. Je vais me sauver avant la pluie. Il se tourna vers Hyacinthe et Juliette :

    — Je vous remercie pour ce délicieux repas. Au revoir, à bien-

    tôt.

    Hyacinthe aida sa mère à laver la vaisselle et monta se cou-

    cher. Épuisés par cette dure journée, Juliette et Laurent ne tardèrent pas à en faire autant.

    Hyacinthe pénétra dans sa petite chambre mansardée simple- ment meublée. Le lit, recouvert d’un tissu bleu fleuri, occupait un angle de la pièce face à une commode en bois blanc. De l’autre côté, près de la petite fenêtre aux rideaux de tulle qui donnait sur le potager, une armoire renfermait ses vêtements.

    Les grands yeux bleus de la poupée de son enfance suivaient ses moindres gestes. Assise sur une chaise, les cheveux blonds tressés attachés avec de vieux morceaux de ruban effiloché, elle offrait un visage un peu triste. On voyait qu’elle avait beau- coup souffert dans sa vie de jouet, entre les colères d’enfant d’Hyacinthe, les assauts de son affection débordante, les bai- sers et les étreintes. Rejetée dans les moments de doute et de désespoir, méprisée, abandonnée, aujourd’hui, elle n’était plus qu’un souvenir du passé rempli d’amour et de nostalgie.

    Hyacinthe se glissa entre les draps frais. Elle allait s’endormir lorsque le tonnerre entendu au loin se rapprocha. La fenêtre ne possédait pas de volets, elle vit de grands éclairs couleur argent zigzaguer dans la noirceur du ciel. Ils allumaient d’un

    11

    feu rapide les arbres et l’horizon. Les grondements devinrent plus menaçants, on avait l’impression que l’orage voulait se venger du soleil qui avait enchanté la journée.

    Hyacinthe ferma les yeux, se couvrit la tête avec ses draps et se boucha les oreilles. Le tumulte dura une grande partie de la nuit. Des trombes d’eau s’abattirent sur la ferme. Les gout- tières n’en pouvaient plus. L’eau clapotait, dégoulinait, jaillis- sait, rebondissant sur le rebord des fenêtres.

    Laurent se retourna dans son lit et poussa un soupir de soula- gement. Le foin était rentré, bien au sec, il pouvait pleuvoir...

    12

    CHAPITRE 2 Le valet de charrue

    Vital se rendait très rarement à Fontaine-Notre- Dame. Il exerçait son métier à Fieulaine et aidait son père dans la petite ferme qu’il exploitait.

    Mais depuis qu’il avait fait la connaissance d’Hyacinthe, il ne

    cessait de penser à elle et cherchait un moyen pour retourner dans cette commune.

    Soudain, il eut une idée. Fontaine-Notre-Dame était une pa- roisse dédiée à la Vierge Marie. Le 15 août, jour de l’Assomp- tion, approchait et il décida de se rendre à l’église du village espérant y apercevoir Hyacinthe.

    Quand il arriva, de nombreux habitants se trouvaient déjà devant le lieu de culte. Il salua quelques têtes connues et son regard fouilla le parvis. Il s’arrêta net. Hyacinthe donnait le bras à son père et s’apprêtait à entrer dans l’église. Les cloches sonnaient à toute volée, d’un air joyeux.

    Hyacinthe portait une robe bleue, le corsage ajusté jusqu’au cou. Des bottines plates chaussaient ses petits pieds. Les gants très courts ne couvraient que la main. Une capote, aux rubans bleus noués sous le menton, recouvrait ses cheveux blonds ramenés en chignon sur la nuque.

    Pendant la messe, Vital rongea son frein. Il n’était guère attiré par la religion. Il attendait avec impatience la sortie des fidèles et cherchait un moyen pour aborder la jeune fille de ses rêves.

    ¹³

    Enfin, le curé prononça les paroles libératrices :

    Ite missa est.

    Vital attendit que l’assemblée sorte de l’église. Il se diri-

    gea vers la grande porte et s’arrangea pour se trouver face à Laurent, le père d’Hyacinthe.

    — Bonjour Laurent, comment vas-tu ?

    — Tiens ! Bonjour Vital ! Je suis étonné de te voir ici.

    — C’est le pur hasard, j’accompagnais une cousine, mais elle

    a dû partir avant la fin de la messe.

    — C’est le 15 août ! Viens prendre un verre de vin à la mai-

    son.

    — Je ne veux pas vous déranger.

    — Mais si, Juliette et Hyacinthe seront contentes. Nous

    n’avons pas oublié le service que tu nous as rendu pour rentrer le foin. Tu peux même déjeuner avec nous.

    Laurent et Vital se dirigèrent vers la ferme. Hyacinthe et Ju- liette, déjà arrivées, dressaient la table de la grande pièce. Hya- cinthe rougit en voyant Vital. Elle le salua d’un air détaché et ajouta une assiette.

    Un délicieux parfum s’échappait de la cuisine. Pour le 15 août, Juliette avait mis les petits plats dans les grands. Un coq du poulailler familial mijotait depuis le matin, aromatisé avec les plantes du jardin, thym, laurier, oignons, aulx.

    Tout le monde s’installa. Hyacinthe avait préparé une purée avec les pommes de terre du potager et une tarte aux pêches.

    Le repas fut agréable. Il faisait beau. Vital s’approcha d’Hya- cinthe :

    — Accepteriez-vous de me faire visiter votre jardin ?

    Elle regarda son père qui acquiesça de la tête.

    Ils sortirent tous les deux et arpentèrent les allées. Hyacinthe

    montrait les haricots à rames avec les gousses vertes, jaunes et violettes, les poireaux repiqués qui allaient grossir jusqu’à l’hiver et donner de merveilleuses soupes parfumées, les jeunes

    14

    salades légères et rafraîchissantes qui se dressaient dans la terre noire.

    Puis, elle s’arrêta et désigna avec fierté une plate-bande :

    — C’est moi qui cultive les fleurs.

    Les roses trémières jaunes et blanches se hissaient fièrement

    vers le ciel, les pieds-d’alouette aux clochettes tendres frémis- saient sous la douce brise de ce mois d’août. Les capucines aux couleurs acidulées recouvraient la terre et serpentaient douce- ment vers le potager, menaçant d’envahir le parc de pommes de terre.

    Ces fleurs se mélangeaient en un somptueux brouhaha de couleurs et paraient le jardin de toutes les nuances de l’arc- en-ciel.

    — C’est magnifique, s’extasia Vital, vous êtes très douée.

    — Oh, ce n’est pas difficile, répondit Hyacinthe

    Vital ouvrit la bouche, hésita, la referma. Il respira à fond et

    se décida :

    — Hyacinthe, je vous trouve très jolie.

    Hyacinthe rougit encore une fois et balbutia :

    — Je vous remercie.

    — Non, non, c’est la vérité.

    À ce moment précis, Laurent ouvrit la porte :

    — Hyacinthe, Vital, venez prendre une tasse de café.

    — Nous arrivons.

    Le charme était rompu. Vital allait déclarer sa flamme à la

    jolie Hyacinthe, mais le destin en avait décidé autrement.

    La journée se termina dans la douceur d’un soir d’été. Vital reprit le chemin de Fieulaine et Hyacinthe, rêveuse, monta

    dans sa chambre.

    Il fallait trouver une solution. Vital aimait Hyacinthe et pen-

    sait que la jeune fille éprouvait quelque sentiment pour lui. Mais il devait s’en assurer.

    Le jeune homme fut pris par son emploi de valet de charrue.

    15

    Il se déplaçait d’une exploitation à l’autre et fournissait un travail apprécié de ses employeurs.

    Septembre arrivait, la terre se reposait, le labour allait bientôt pouvoir commencer.

    Vital ne manquait pas d’ouvrage, mais tout en travaillant la terre, il ne cessait de penser à Hyacinthe qu’il n’avait pas revue depuis le 15 août.

    Il marchait sur le bord de la route. La brume restait accrochée sur l’horizon. Elle donnait au paysage un visage irréel. Il faisait frais, l’odeur de la terre humide emplissait l’atmosphère, les feuilles jaunies tombaient sur le sol, ajoutant un parfum d’hu- mus aux effluves automnaux. Les soupirs du vent semblaient remonter du ventre de la terre.

    L’automne s’installait sur Fontaine-Notre-Dame et la plaine environnante. Les oiseaux désertaient leurs nids douillets et partaient vers le soleil.

    La campagne n’aime pas cette saison, elle se recroqueville et frissonne.

    Vital repoussa du pied une motte de terre, quand au détour du sentier, il vit un lièvre, grandes oreilles aux aguets, qui le contemplait d’un air soucieux. Sa fourrure d’hiver, de couleur fauve avec quelques poils noirs, le grossissait. Vital cessa de bouger pour ne pas l’effrayer.

    Comme il aimait cette campagne picarde. Il se fit le serment de ne jamais la quitter.

    Il avançait vers le chemin du retour quand un « pitt pitt pitt» le fit tressaillir. Trois ou quatre perdrix grises, collées les unes aux autres, tentaient de traverser le champ sans se faire remar- quer. Affolées par la présence de Vital, elles battirent des ailes bruyamment et s’envolèrent à basse altitude vers l’orée du bois.

    Un dimanche de décembre, Hyacinthe s’éveilla et comme d’habitude regarda par la fenêtre. Elle poussa un cri de sur- prise.

    16

    Pendant la nuit, la neige avait déposé un manteau immaculé sur la cour de la ferme et le potager. Les toits disparaissaient sous une couverture blanche et brillante.

    Dans la journée, la neige se remit à tomber. Elle posait avec douceur ses flocons sur les grands arbres rabougris. Leurs longs bras paraissaient transis sous le blanc duvet qu’ils tiraient jusqu’à la cime.

    Les mésanges et les bouvreuils, médusés devant tant de blan- cheur, se rapprochaient des maisons. Leurs couleurs vives cha- toyaient comme une éclaircie dans le ciel gris. Jamais ils ne s’étaient montrés aussi hardis, mais la faim et le froid suppri- maient toute idée de frayeur.

    Les reflets lunaires du soleil hivernal qui se montra pendant quelques instants irisèrent l’horizon de mille feux.

    Au jardin, la toile d’araignée suspendue au buisson semblait être tissée par la Fée des Lilas. Ses fils arachnéens diamantés sans façon habillaient l’hiver d’un soupçon d’apparat.

    L’après-midi, Hyacinthe, Juliette et Laurent se reposèrent près de la cheminée. De belles bûches se consumaient douce- ment. Laurent possédait un petit bois au bout du village et à l’automne, il préparait sa réserve pour tout l’hiver.

    Soudain, d’un air détaché, Hyacinthe demanda : — Tiens, on ne voit plus Vital !

    Laurent et Juliette échangèrent un regard. Laurent répondit :

    — Non, pourquoi ?

    — Oh ! Je demandais ça comme ça.

    — Écoute, Hyacinthe, je crois que Vital t’apprécie beaucoup

    et je pense que c’est réciproque. Ta mère et moi ne serions pas contre un mariage entre vous deux. C’est un garçon bien élevé, travailleur, qui ne dépense pas son argent dans les cafés. Nous pensons qu’il ferait un bon mari.

    17

    Hyacinthe avait écouté cette tirade sans broncher. Elle ré- pondit :

    — Tu crois qu’il m’aime ?

    Juliette assura :

    — Cela se voit. Il suffit de voir son visage s’éclairer quand il

    te regarde.

    Laurent reprit la parole :

    — Si tu veux, nous pourrons l’inviter à venir déjeuner à la

    maison, le jour de Noël.

    — Mais, Papa, à Noël, il voudra rester dans sa famille.

    — Tu sais, sa mère est morte il y a deux ans et son père

    ne souhaite plus participer à aucune fête. Je peux lui poser la question.

    — Merci Papa, cela me ferait très plaisir.

    Vital ne se fit pas prier. Il accepta l’invitation avec enthou- siasme. Le 25 décembre, à 12 h précises, il pénétra dans la maison de ceux qui allaient devenir ses beaux-parents.

    Juliette et sa fille avaient cuisiné un lapin accompagné de carottes et de pommes de terre du jardin. Un gâteau confec- tionné avec les pommes du verger terminait ce délicieux repas.

    Hyacinthe et Vital se fiancèrent ce jour-là sous le regard at- tendri de Juliette et de Laurent.

    Le 1er janvier, jour de l’An, Vital invita Hyacinthe à venir chez lui afin de faire la connaissance de son père.

    Très intimidée, elle pénétra dans la grande pièce de la ferme. Le père de Vital était assis près de la fenêtre. À son arrivée, il se leva. Vital fit les présentations.

    — Papa, je te présente Hyacinthe, ma fiancée.

    — Bonjour Monsieur.

    — Bonjour Mademoiselle. Je suis très heureux de faire votre

    connaissance. Vital me parle souvent de vous. — Je vous souhaite une bonne année 1861. — Merci, à vous aussi,

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