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ArKana Livre 1: Le temps des légendes
ArKana Livre 1: Le temps des légendes
ArKana Livre 1: Le temps des légendes
Ebook530 pages6 hours

ArKana Livre 1: Le temps des légendes

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About this ebook

Au VIe siècle, à la suite de la mort du roi Arthur, le monde celte s’effondre : ce sera la « Grande-brisure », mais grâce à la magie des Dieux, ce monde va perdurer dans un ailleurs qui se nomme ArKana...

« Le fillot de la sorceresse !... C’est le fillot de la sorceresse !... Au feu, le rejeton !... Au brûlot, la mauvaise herbe !... Haro sur lui ! »

Arnault parvient à s’enfuir de la Place-du-Passant, où sa mère, considérée comme « liseuse », vient d’être brûlée vive. Les hérauts du conseil des pairs du royaume l’avaient proclamé : les images et les livres sont interdits, sous peine de mort ! Jours sombres pour ce pays qui attend son roi depuis six siècles… Après avoir découvert l’illustration d’un conte narrant la triste histoire d’amour entre un mortel – le roi Gwinthur – et une fée dragone – la Bonne dame Fedelm –, Arnault, Guilhem et Aëla décident de partir à la quête des quatre objets magiques qui réuniraient le couple, soit le denier, l’épée, le flambeau et la coupe.

Une incroyable reconstitution historique des us et coutumes des gens vivants au XIIe siècle. La lectrice ou le lecteur sera surpris de découvrir qu’il est l’héritier de ce Moyen-Âge inattendu, bien présent dans sa vie de tous les jours tant par son langage que par sa manière de vivre, mais aussi qu’actuellement, le sort de l’humanité se joue dans ce pays qu’est ArKana.
LanguageFrançais
Release dateFeb 8, 2023
ISBN9782897924102
ArKana Livre 1: Le temps des légendes
Author

Kris Hadar

Avec ce quatrième livre, Le Tirage astrologique du Tarot, Kris Hadar ajoute la pierre majeure qui manquait à son œuvre tarologique. L’interprétation de ce type de tirage est toujours restée superficielle pour la plupart des Tarologues, parce que les règles pour lire l’avenir avec le Tarot sont difficilement applicables à une Roue astrologique. Cet ouvrage montre qu’il est maintenant possible de se servir des concepts de l’astrologie, tout en obtenant une précision d’interprétation aussi grande, sinon plus, qu’avec le tirage en croix.

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    ArKana Livre 1 - Kris Hadar

    Avertissement

    Les gens du Moyen-Âge croyaient aux fées et ils en rencontraient. En fait, tout est une question de perceptions et d’explications. Pour aider à l’immersion dans l’univers d’ArKana, de nombreux mots ont été empruntés au langage de l’époque et plusieurs s’écrivent différemment aujourd’hui ou ont un sens évident, même s’ils ne sont plus usités. Ex. : piétonner pour marcher, enfançon pour enfant, imagerie pour image, naissement pour naissance, mangeailler pour manger… Ne pensez pas un instant que ce sont des fautes d’orthographe !

    Il faut rappeler que l’écriture dite « vulgaire » s’écrivait comme elle se parlait sans pour autant avoir des règles grammaticales précises : c’était le langage du peuple. Il suffit de la lire pour qu’elle soit comprise.

    Bien sûr, la langue a évolué. À cette époque, les accents n’existaient pas. Ainsi les lettres « es » ont donné « é », « os » ont donné « ô », « as » ont donné « â », etc. C’est l’explication de l’accent sur le mot « hôpital », qui s’écrivait alors « hospital », tout comme « vaslet » pour « valet », « espee » pour épée, « baston » pour bâton, etc.

    Vous conviendrez avec moi que pour un livre traitant du merveilleux fantastique, le mot « estoille » est bien plus poétique que le mot « étoile », qu’il faut articuler. Souventemment, je plaisante en disant qu’il suffit de retirer son dentier pour parler comme ces gens-là.

    Les mots d’époque se comprehendent³ facilement. Laissez-vous porter par cette magie, et vous vivrez véritablement au XIIe siècle en lisant ArKana.

    Pour le plaisir d’étonner ou de rendre des situations cocasses, parfois, j’y ai mis des mots plus complexes, comme : « Bote-en-coroie » pour « coupeur de bourse » = voleur. Dans ce cas, une note de bas de page en donne l’explication.

    J’ai ajouté à la fin du livre un lexique complet pour ceux qui souhaitent découvrir pour un mot sa définition moyenâgeuse, ses origines et ses nuances.

    Mais si vous voulez un conseil…

    … ne vous en préoccupez pas immédiatement, laissez-vous bercer par la magie de cette saga, et vous découvrirez rapidement que vous n’en avez pas vraiment besoin, puisque vous aurez intégré en pensée ce monde fantastique.

    Christian Mory

    3Les verbes en ancien français sont parfois compliqués à conjuguer. Dans le livre, ils sont conjugués de manière moderne.

    Prologue

    Il

    Il

    se peut que vous n’ayez jamais rencontré le merveilleux. Moi, il fait partie de mon existence depuis fort longtemps. J’ai toujours été frileux d’en parler, car dès que j’exprime qu’un oiseau est venu me parler de ma mère disparue, que le vent me susurre des connaissances perdues ou qu’un rayon de soleil réfléchit les sentiments d’une personne aimée, les gens me regardent curieusement. Je sais que pour certains c’est anormal, et pourtant, je l’ai observé.

    C’est la raison pour laquelle cette authentique photo d’Alain Renaux ouvre ce livre, pour vous montrer hors de tout doute que le fantastique baigne notre existence. Regardez-la bien : elle n’est pas le résultat d’un jeu d’ombre, et les moindres détails « semblent » estampés dans la fleur de marronnier.

    Sa « petite fée » rend fragile la frontière qui sépare le rêve de la réalité. À nous, en notre âme et conscience, de croire en elle ou de penser à un clin d’œil de la nature. Le plus drôle, savez-vous quoi ? La « fée des arbres » fait partie intégrante de l’histoire d’ArKana… La vie a parfois d’étranges raccourcis !

    Vous devez savoir que ma passion pour l’univers médiéval a débuté il y a de cela fort longtemps, au printemps de ma vie, lorsque mes yeux parcouraient avec avidité les ouvrages consacrés aux légendes du roy Arthur et des chevaliers de la Table ronde. Quand j’ai atteint la vingtaine, j’ai voulu découvrir – raison oblige – ce qui était vrai et faux dans ces écrits. Les historiens enseignèrent que le roy Arthur avait dû exister au VIe siècle, voire au IIIe siècle, qu’il était romain ou celte, que son histoire se déroulait en Angleterre ou en Bretagne, et que la légendaire île d’Avalon dirigée par la fée Morgane serait l’Angleterre ou l’Irlande. De fil en aiguille, bercé par le chant lyrique des troubadours du sud de la France, j’ai découvert la belle Aliénor d’Aquitaine (vers 1122 – † 1204) et son poète amoureux, Bernard de Ventadour.

    J’ai ainsi appris que son deuxième mari, le roy Henri II Plantagenêt, fort instruit, avait demandé au poète Wace d’adapter l’Historia Regum Britanniae⁴ de Geoffroy de Monmouth, c’est-à-dire de réécrire l’Histoire de l’Angleterre. Cet écrit donnait au roy d’illustres ancêtres, dont le principal était le légendaire roy Arthur. Henri II s’en proclama le successeur et le vengeur. En fait, il cherchait à faire la promotion de son régime, dans le but d’intégrer les différents peuples composant son royaume, notamment les Bretons, les Gallois, les Irlandais et les Poitevins.

    Que Wace ait « adapté » l’histoire est un grand mot, car pour les hommes de cette époque, la magie, les contes et la réalité se mariaient merveilleusement bien sans que cela dérange quiconque. C’était « leur » réalité. Mais la manipulation des faits à des fins politiques venait de changer la « mienne ».

    Je détournai mon attention de la quête arthurienne et concentrai mes recherches sur les troubadours, l’amour courtois et cette fabuleuse philosophie qu’ils appelèrent la Fin’amor⁵. J’ai lu leur poésie et je n’oublierai jamais ce qu’ils m’ont appris sur la capacité que nous avons tous de vivre le bonheur absolu, ici et maintenant. Ils appelaient cela le « joy⁶ ». J’ai fini par saisir l’esprit de ce XIIe siècle, ainsi que le pourquoi des dragons, des magiciens et des fées.

    Cela étant dit, je me dois de vous faire une confidence : il y a quelques mois de cela, alors que je sommeillais sans dormir et que je flottais, entre le monde du jour et celui de la nuit, un étrange personnage aux cheveux blancs apparut dans ma chambre. Il baignait dans un halo bleuté et me souriait malicieusement. Ses yeux vert feuille reflétaient la joie de vivre et le plaisir de jouer de bons tours. Une petite barbiche prolongeait un visage tout en longueur, et sa bouche, faite de fines lèvres, laissait entrevoir des dents qui aimaient mordiller les jeux de mots.

    Il appuya le menton sur son bâton de pèlerin, qu’il tenait à deux mains, et se mit à scruter mon regard, ou plutôt mon âme. Je trouvai sa pose comique. J’avais l’impression que sa tête, tel un guignol pour enfant, était plantée au sommet de son bâton.

    °°°°°⁷ Eh oui, Christian, me communiqua-t-il sans prononcer un mot, ce n’est pas la première fois que nous nous rencontrons, mais je vois que cela fait si tant longtemps… que tu es parvenu à m’oublier. Comme dit le dicton, « le temps dévore tout ! » En as-tu la souvenance ? Quand tu étais un fillot, tu me surnommais « Lutignol ». J’étais le petit lutin qui partageait tes jeux d’enfançon. Un jour, tes nobles parents t’ont dit que j’étais un personnage imaginaire et que je n’existais que dans ta caboche. Tu les as crus, et tu as détourné les yeux de « notre » univers. J’en fus fort navré.

    — Lutignol ?!… Mais oui ! Attends… Je me rappelle, c’était le nom de ma marionnette.

    °°°°° Mais non… Mais oui… Enfin… Tu mélanges tout. Mais ce n’est pas mortel. L’important est que tes yeux sont demaintenant⁸ capables de me revoir.

    Il se leva et s’assit sur le bord de mon lit, son bâton en travers de ses jambes. Puis, d’un geste large de sa main, il balaya ma chambre, et les murs devinrent transparents. En fait, tel un courant d’air qui aurait chassé un écran de fumée, ils disparurent. Je vis un paysage de printemps – du moins, je le pensais –, car la végétation était pratiquement absente, mais çà et là, on voyait fleurir des crocus, ces fleurs habituées à percer la grisaille des jours d’hiver. Justement, cette grisaille remplissait le ciel. Quoi de plus normal ? Il dégoulinait une fine pluie me rappelant le crachin de la Bretagne.

    Et puis, les champs étaient de terre, certains fraîchement labourés. Au loin, une ville se dessinait. En y regardant bien, on distinguait sur une route empierrée une foule en marche, accompagnée de chariots, qui franchissait le grand portail. Il y avait aussi de nombreux soldats. Des cavaliers venaient, s’en allaient. Un cours d’eau longeait sur la gauche cette grande voie. On voyait d’ici un embranchement où commençait un chemin de terre qui, après avoir passé un magnifique petit pont de pierres, serpentait en ces lieux pour me rejoindre.

    Par-delà les champs, la forêt respectait les bornes imposées par les paysans, mais elle semblait se fondre avec la ligne d’horizon tant elle était étendue du nord au sud et de l’est à l’ouest.

    °°°°° Eh oui, je suis bellement ton Lutignol ! continua-t-il, puisque pour toi, c’est mon nom. Tu sais, nous avons vécu tellement de bons moments, quand tu étais un enfançon, que je voulais te faire un cadeau. Je trouvais plaisant de te revoir, pour nourrir ta curiosité sur le Moyen-Âge en te permettant de découvrir l’estoire d’un monde qui fut occulté par ce que les gens d’ici appelèrent la « Grande-brisure ». Effectivement, il y a plus de quinze siècles de ton temps, un événement majeur a déchiré en deux le haut Moyen-Âge. Deux cultures se sont affrontées : la celte et la chrétienne. Mais vos historiens en ont perdu les tenants et les aboutissants. Ils n’y voient qu’une simple évolution qui amena la culture grecque à faire de vous ce que vous êtes actuellement. Soviens-toi bien : ce sont les gens de la Renaissance qui ont nommé cette tranche d’estoire « l’âge moyen »,pour âge intermédiaire entre ces Grecs et eux. Quelle félonie de leur part, car toute leur inspiration provenait de ce Moyen-Âge qu’ils reniaient. Ils le devaient aux troubadours avec leur chant lyrique ; ils leur devaient l’invention de l’écriture du roman ; ils leur devaient tout simplement leur inspiration et l’art de rêver.

    » Le monde que tu esgardes à travers les murs de ta chambre se nomme ArKana. Il est livré à lui-même et à son étrange destin de devoir perdurer en marge de l’univers où tu vis. Il est gouverné par une autorité religieuse dite vitalienne, parce que leurs prières sacrées désignent ce plan d’existence sous le nom de Vitalis… »

    — Attends, tu me parles d’un système politique théocratique.

    Mon intervention illumina son regard ; il savait qu’il venait de capter toute mon attention, et c’est sur un ton complice qu’il poursuivit :

    °°°°° Effectivement, tout comme l’était la société celte avec ses druis⁹ ou la société judéo-chrétienne avec le pape et son roy. Ici, la caste sacerdotale vitalienne est celle des veilleurs, composée de moines et de prélats dirigés par un Saint-Veilleur choisi par les Dieux. Il a entre les mains le pouvoir absolu de ce beau pays d’ArKana.

    — Donc, c’est un régime totalitaire. Pouaah ! Ce ne doit pas être la joie de vivre dans ce… beau pays !

    °°°°° Détrompe-toi, Christian, le pouvoir religieux est contrebalancé par celui de la noblesse, représenté par douze pairs¹⁰, de surcroît chevaliers, qui dirigent douze provinces…

    — Ouaaaah ! Mais alors, il s’agit aussi d’un régime féodal… et cela, sans aucun roy ! Tu me perds… euh…, Lutignol.

    °°°°° « Il ne faut pas toujours croire ce que l’on voit ». Adonc, faisons simple. À la suite de la Grande-brisure, ArKana s’est bâti avec des habitants issus de ton VIe siècle. Quoi de plus normal que d’y retrouver de nobles familles épousant les valeurs chevaleresques. La différence réside dans le fait qu’il n’existe aucun roy – du moins pour l’instant – pour prendre en charge la gestion de l’État. Évidemment, il y a bien des rumeurs qui circulent sur un ancien roy et même, dans les plus hautes instances, on prête encore serment à l’Ancien Roy des légendes, sans pour autant savoir qui il est.

    » Depuis son origine, cette société a elle alsi¹¹ évolué. Sa structure d’hui est la même que celle de ton Moyen-Âge au XIIe siècle. Par exemple, une jeune fille qui a douze primevaires est en eage¹², donc adulte, et responsable devant la loi, alors que pour un garçon, l’eage légal est de quatorze ans. Vos historiens¹³ s’accordent pour dire que durant la période féodale, il en était de même chez vous. C’est pourquoi tu ne dois pas croire un instant que cette civilisation est si tant étrangère à la tienne, surtout que c’est justement dans ce monde que se joue ton humanité d’endemain.

    » Mais on s’éloigne de la raison de ma venue. Qui oublie sa mangeaille est pourchassé par sa faim ! Puisque tu recherches la vérité sur la magie et les enchantements qui emplissent ton existence, j’ai voulu que tu puisses découvrir ce qui les nourrit… en spectateur, s’entend. Nuit après nuit, alors que les gens raisonnables s’endormiront, tu pourras ouvrir tes yeux à cette autre réalité. Je serai toujours présent quand tu auras besoin de moi. Tu verras que cette civilisation possède, elle alsi, son ciel et son enfer, avec ses rêves enchanteurs et ses cauchemars diaboliques. »

    Et je perdis la pensée de Lutignol. Mon attention fut détournée par des cris et des rires. Je me levai de mon lit et, tout naturellement, je fis quelques pas dans leur direction. Cela allait de soi, puisque j’étais maintenant dans un autre univers. Très vite, je réalisai que ce n’était pas aussi simple. Certes, mes mains et mon corps dépassaient la dimension de ma chambre, mais en même temps je ne pouvais véritablement la franchir. Plus prosaïquement, j’étais prisonnier de ma pièce et en même temps, je pouvais vivre, respirer, entendre tout ce qui se passait dans ce beau pays. J’étais un dieu de l’Olympe qui regardait les humains sans avoir la possibilité d’intervenir.

    °°°°° Sire Fernand, je vous en prie, disait une voix de jeune femme. Que dirait votre dame, si elle vous voyait gai luron, bien emmanché en si agréable compaignie ?…

    °°°°° Je lui dirais que je vis une bonne médecine et que je m’en retrouve tout ragaillardi, répondit une voix d’homme. Il faut une main experte pour savoir remuer le prunier.

    Surpris par ce langage que je trouvais grivois, je tournai la tête vers Lutignol pour lui demander des explications. Il n’était plus là. Aussitôt, je ressentis un vide. Ooh ! Oui… Maintenant, je m’en souvenais… C’était le même que je vécus enfant lorsqu’il disparut.

    Je fouillai du regard le chemin, puis la route, mais je ne vis que les gens qui finissaient d’entrer dans la ville et des oiseaux qui criaient sous le ciel maussade.

    4L’Historia Regum Britanniae est un manuscrit en latin, rédigé entre 1135 et 1138 par l’écrivain gallois Geoffroy de Monmouth, traitant de l’histoire légendaire des rois de la Grande-Bretagne.

    5Fin’amor : le Fin mot ou l’Amour vrai.

    6Joy : n.m., joie, allégresse, bonheur.

    7°°°°° : ce trait de dialogue apparaît quand un personnage communique par la pensée.

    8Demaintenant : adv., tout de suite, aussitôt.

    9Druis : n.m., ce mot fait allusion aux druides, les grands prêtres de la tradition celtique. Pline (23-79 apr. J.-C.) et ses successeurs ont associé ce prêtre au chêne parce qu’il existait un mot gaulois druwis, dont la traduction littérale serait « celui qui sait sur le chêne ». Dans le mot druide, dru est un préfixe qui désigne d’une manière générale l’« arbre ». Il existe aussi le mot uidius pour « savoir » et le mot uidua pour « forêt ». Pour cette raison, le mot druide devrait s’écrire « druis » et se prononcer « drui » signifiant « celui qui connaît l’arbre ».

    10Pair : adj. et n.m., se disait des vassaux ayant le même rang par rapport au suzerain.

    11Alsi : adv., aussi, marque l’équivalence entre deux termes.

    12Eage : n.m., être majeur, majorité.

    13SÉGUY, Isabelle et Luc BUCHET. Manuel de paléodémographie, Ined Éditions, 2011, p.44.

    Il était une fois…

    – 1 –

    L’inconnu

    Le

    Le

    ciel étirait son voile grisâtre par-delà l’horizon. Quelques corneilles volaient en cercle et leurs cris éraillaient la symphonie du silence. D’évidence, une réunion au sommet s’y tenait, soit pour décider d’une direction à prendre, soit pour établir une stratégie pour fondre sur une proie providentielle.

    Elles contemplaient la cité de Rimoux, une agglomération d’environ cinq mille âmes qui s’agglutinaient autour d’un magnifique château médiéval, bien assis sur une petite colline en roc. Tel un cœur, il battait le rythme de la vie de ses habitants. On distinguait très bien le pont dormant qui donnait accès au pont-levis protégé par une herse en métal. Puis, de là cheminait sans détour la Grande-Allée de la Haute-Ville vers la porte principale de la Basse-Ville, connue sous le nom de Grand-Portail. D’immenses murailles ceinturaient la cité et limitaient sa capacité à respirer. C’est pour cette raison qu’en certains endroits les maisons s’entassaient les unes sur les autres. Des passerelles surélevées entretenaient des connexions étroites de bon voisinage et des tire-forts solidifiaient une demeure plus faible avec une bâtisse plus solide. Çà et là, de nombreuses ruelles veinaient la ville pour aider les échanges entre les diverses communautés.

    Rimoux abritait les plus prestigieux savants mystico-astrologues du pays d’ArKana. Un centre nerveux de communication, tout à fait exceptionnel, s’était développé autour d’un édifice vertigineux : la tour de l’Observatoire. Si d’évidence elle servait à scruter le ciel, elle était aussi – et, disons-le, surtout – utilisée pour observer à des lieues à la ronde tout ce qu’il s’y passait ou plutôt tout ce qui pouvait survenir… Elle constituait l’endroit rêvé pour envoyer des signaux lumineux à d’autres bâtiments qui, à leur tour, reliaient stratégiquement les différentes villes de la province de Mortavie, fief de la famille du comte Bernard de Toules, chevalier et nouvellement pair du royaume.

    Tout autour de cet édifice et dans les ruelles avoisinantes, de nombreuses échoppes et boutiques offraient la rencontre avec des astrologues, des alchimistes, des magiciens, des diseurs de bonne aventure en tous genres et de même acabit. Une foule se renouvelant sans cesse venait ici satisfaire à toutes ses vaticinations, qu’elles soient traditionnelles comme la translucidité par l’eau, la lecture des lignes de la main, la vision dans une boule de cristal et la cartomancie, ou qu’elles soient étrangères au pays, telle l’utilisation des runes, des os, des tripes d’animaux, des baguettes… Il était possible de voir des devins interpréter les augures, les présages, les signes, les rêves ou d’en appeler aux Dieux. Cette énumération succincte serait incomplète si on ignorait les enchanteurs, les jeteurs de sorts, les vendeurs de sortilèges ou de potions magiques et plus souvent qu’on ne le croit, de poison… Même si tous les milieux sociaux de la ville contribuaient à nourrir ces marchands de l’espoir ou de la mort, il était évident que les miséreux, les nécessiteux, les malheureux constituaient la plus grande clientèle : celle qui ne rêvait qu’à de meilleurs lendemains.

    Les grandes familles habitaient le château fort – cela allait de soi – ou, parfois, son pourtour. Tout dépendait de si elles se trouvaient dans les bonnes grâces du comte de Toules. Sinon, elles côtoyaient immédiatement les demeures des gens fortunés en quête de prestige, de bonne fortune ou de passe-droit. Tout ce beau monde qui formait la haute société rimouxienne détenait, de par son lieu d’habitation ou son statut social, le droit d’utiliser les ruelles gardées donnant accès aux merveilleux jardins où se déversaient des fontaines d’amour, véritables oasis de verdure dans cette citadine forêt de pierres.

    L’incontournable quartier du commerce de victuailles se tenait essentiellement au sud du château, pas très loin des fortifications du Petit-Portail. Il constituait le garde-manger de la cité et il assurait la pitance quotidienne de toute la population, mais aussi, et surtout, des hommes d’armes situés naturellement du côté ouest de la ville, lieu névralgique des défenses du château.

    Pour les oiseaux, vu d’en haut, c’était facile de s’y reconnaître, car ce que les habitants nommaient la Place du Marché était de larges ruelles construites pour faciliter l’étalement des marchandises et, par conséquent, celui des détritus, véritable manne pour les sous-alimentés.

    En fait, ce quartier approvisionnait aussi une autre ville, plus basse, plus souterraine, plus sombre, qui étirait ses innommables tentacules sous le tout Rimoux. On l’appelait « La Cour des Vertus¹⁴ ». À elle seule, cette ville dans la ville contenait pas moins de mille âmes, regroupant des repris de justice, des coupe-jarrets, des voleurs à la tire, des prostituées, des infirmes, des culs-de-jatte de toutes sortes, et possédant son roy, ses courtisans et son armée. Tous ces rebuts de la société constituaient le gros intestin et le rectum, âprement parlé, de Rimoux. La cité éliminait de sa surface tout ce qui la dénaturait. Cela donnait bonne conscience aux nobles, mais aussi aux garants des bonnes mœurs, les veilleurs, ces serviteurs de la religion d’État, la religion vitalienne, dont le chef, le Saint-Veilleur, s’appelait Clautide II.

    Comme dans toute bonne ville qui se respecte, une cathédrale siégeait à l’est. C’est là que se prêchait la bonne parole, se repentaient les pénitents, se condamnaient les renégats et maintenant, les « liseurs ». Comme tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, l’entrée s’ouvrait directement sur la Place-du-Passant, où trônait à demeure, sur une estrade, l’instrument des condamnations vénielles : le pilori, merveilleuse invention servant à immobiliser la tête et les mains du supplicié, afin que la population puisse l’injurier, lui cracher dessus et lui jeter des objets dégradants. C’est aussi sur cette place que se déroulaient les exécutions capitales, telles que la décapitation des nobles pour crimes d’État et les mises à mort publiques pour crimes odieux. Pour ceux-ci, les épreuves recommandées par le droit judiciaire étaient le supplice de la roue, l’écartèlement par quatre chevaux, l’écorchage à vif et en dernier, depuis douze ans, le bûcher. Cela faisait neuf ans qu’une telle exécution avait eu lieu ici, pour un manant qui avait pris plaisir à tuer cinq enfants de la noblesse. Il subit justement le supplice de la roue, qui consistait à avoir les membres et la poitrine rompus avec une barre de fer, et ce jour-là, l’exécuteur des basses œuvres, inspiré par les Dieux qui siégeaient dans la cathédrale, avait réussi le tour de force de lui briser les os en menus morceaux durant toute la journée… Il rendit l’âme en état de péché, la voix éteinte d’avoir trop hurlé, juste à la tombée de la nuit.

    Rappelons que l’espèce humaine est ainsi faite qu’elle engendre continuellement des âmes appelées à faire le mal pour tester celles des honnêtes gens. Quand elles étaient attrapées par la milice ou les soldats de guet, elles étaient tout simplement pendues sur le Tertre-aux-Branchés, situé en dehors de la ville, pas très loin du Grand-Portail. Les condamnés y restaient suspendus jusqu’à leur décomposition complète. Cela servait à nourrir la terreur et les oiseaux. Quel bon moyen de dissuasion contre le crime, autant pour les gens de la ville que pour les voyageurs qui s’arrêtaient en ces lieux !

    Mais ne nous y trompons pas, la vie des Rimouxiens était avant tout joyeuse, et les occasions ne manquaient pas pour s’amuser. En dehors des circonstances propres à la noblesse – tels les mariages, naissances, décès, tournois –, ils disposaient de plus de cent quarante jours fériés¹⁵ pour recommander leur âme aux Dieux, donc autant de moments de faire la fête.

    Justement, l’une de ces journées chômées se vivait aujourd’hui, quoique inattendue et unique en son genre. Et comme toutes les occasions sont bonnes pour festoyer… La foule avait envahi la place de la cathédrale et de nombreux soldats la cernaient pour maintenir l’ordre. Pour les habitants, c’était l’événement de l’année, pour ne pas dire celui de la décennie. Malgré l’annonce tardive faite par le crieur public, tout Rimoux mais aussi les gens des alentours se tassaient en ces lieux pour voir brûler vive une « liseuse ».

    Puisque la population avait pratiquement déserté tous les quartiers de la ville, dame nature en profitait pour entreprendre sa grande lessive du printemps. L’eau du ciel tombait goutte à goutte sur la cité. Elle lavait les toits des maisons et, sans bruit, ruisselait sur les pavés des ruelles trop étroites, pour finir par s’écouler dans la rigole centrale. Divers rus tentaient tant bien que mal de drainer les détritus nauséabonds qui encombraient leur parcours. Çà et là, des chevaux sans cavalier s’ennuyaient ; des charrettes mal garées obstruaient la libre circulation ; des tonneaux éventrés, des guenilles, des morceaux de bois, des fruits talés, des légumes pourris, des tripes et des matières fécales s’étalaient devant les échoppes fermées. Des chiens, mais surtout des cochons, et parfois des chats, venaient laper l’eau pour faire passer ce qu’ils venaient d’ingérer.

    Si ces quartiers semblaient exempts de toute vie, ce n’était qu’en apparence, car le bruit rythmé des pas de soldats qui veillaient au grain troublait le silence. Rischat de Marcy, surintendant de la ville, avait pris toutes les précautions d’usage. L’ordre de l’exécution de la liseuse était survenu dans le courant de la nuit. Un messager avait exprimé avec fermeté les directives du jeune comte Bernard de Toules :

    « Dès que vous serez à même de flamber l’hérétique, fermez vitement les portes pour que nulle gent ne puisse en sortir ou y entrer. Demandez que moult soldats patrouillent dans la cité afin que des proches ou des âmes maudites ne tentent de la délivrer. Arrêtez sur-le-champ toute truandaille qui montrerait un lien quelconque avec cette sorceresse et attendez mon retour avant de statuer sur leur sort. Soyez le bras séculier et rapportez-moi les faits et gestes que vous trouverez anormaux. »

    Tout à coup, à l’autre bout de la ville, côté est, la porte du Grand-Portail résonna d’un fort « Bang ! Bang ! »

    Force étant loi, seul l’écho répondit.

    « Bang ! Bang ! » insista-t-elle, aussitôt accompagnée d’une voix qui s’impatientait :

    — Y a quelqu’un, ici ? J’suis trempé comme une soupe… J’n’ai pas le goût de piétonner sur place toute la journée à faire l’épouvantail ! J’ai besoin d’une bonne flambée pour réchauffer mon derrière ! Et puis, j’ai besoin de mangier. J’ai faim. J’voudrais ben boire un bon hydromel, vingt dieux !

    Un « clic clic » métallique frotta pendant un temps le pavé, puis on entendit le bruit d’une barre de métal se rangeant contre les pierres d’un mur, et la porte s’entrouvrit en râlant. La tête mal lunée d’un soldat casqué apparut.

    — C’est quoi, ce boucan ? Plus moyen de tromper l’ennui avec son jeu de cartes sans qu’un malappris vienne vous briser les pieds ? C’est quoi, le problème ? La cité est fermée, et jusqu’à nouvel ordre, nul ne peut y entrer !

    L’inconnu, le visage allongé supportant une barbiche, les cheveux blonds hirsutes, les yeux verts hagards, mais tout sourire, son bâton de pèlerin d’une main, prit la pose de la charité. Il était entouré d’une dizaine de personnes qui observaient un silence attentif.

    — Ouaaaah, du calme, le coupa l’inconnu. Comme on dit : « Il parle tout à son aise celui qui a les pieds au chaud. » J’suis en train de froidir et j’recherche un peu de chaleur et pourquoi pas, me faire danseler¹⁶ le corps par une garcelette¹⁷, demaintenant que ma panse sera repue.

    — Pas de chance pour toi, l’ami, et vous tous alsi, les tavernes sont fermées au jour d’hui. Faudra attendre que la grand-messe soit finie ! se mit-il à rire de ses belles dents déchaussées.

    — La grande messe ? le questionna l’étranger. À c’que je sache, c’n’est pas jour de prière.

    — Ben non ! Mais c’est jour d’offrande aux Dieux. On leur renvoie l’une de leurs âmes chéries ! On va rôtir une sorceresse à la Place-du-Passant.

    — Mais qu’est-ce qu’elle a fait pour mériter ça ?

    D’un seul coup, le garde recula en ouvrant plus grande la porte tout en criant : « À la garde ! À la garde ! » D’une main rapide, il empoigna son épée et d’un geste leste pour sa corpulence, la pointa sur la gorge de l’homme.

    — Et pis, qui es-tu pour ignorer cela ? D’où viens-tu, drôle ? T’as pas l’air d’être du pays. On n’aime plus les étrangers, depuis cet hiver !

    En moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, de nombreux pas s’immobilisèrent dans un silence de mort. Des hommes d’armes venaient de franchir le Grand-Portail. Tout requinqué, le garde demanda d’un ton inquisiteur :

    — Toi et vous, ne feriez-vous pas partie de cette merdaille qui, avec des attrapoires, attaque les honnêtes gens ?… Vous ne seriez pas cette racaille qui met les pieds des paysans dans une flambée pour qu’ils leur disent où se trouvent leurs deniers ?… Leurs tristeux exploits durant l’hiver nous indiquent qu’ils se rapprochaient de Rimoux !

    Un chœur de contestations se fit entendre…

    — Du calme, soldat, que m’chantes-tu là ? M’as-tu bien vu la face ? répondit l’inconnu en montrant de son index ses yeux indignés. J’pense pas à mal. Mes chausses¹⁸ sont usées, pas parce que j’prends la peine de m’asseoir sur le cul à longueur de temps, mais ben parce que cela fait des lustres que j’marche jour après jour. J’viens de Limant. Avant, j’venais de Passelourd, puis de Chapereau, de Compiles-en-gros… J’suis un Cent-pas qui piétonne de ville en ville pour colporter les nouvelles d’ici et d’ailleurs.

    — Un Cent-pas ?… Hum ! Tu ne serais pas un cloporte qui propage l’art maudit de lire ? dit-il en prenant une attitude plus grande que de nature. Tu ne serais pas un prêcheur appartenant à cette secte maudite dont fait partie la sorceresse, qui s’en va sur le fagot, pour être flambée ce jour d’hui ? Et vous tous ici présents, ne seriez-vous pas par hasard ses complices ?

    Sous la violente accusation, tout le monde recula. Il allait de soi qu’il valait mieux passer son chemin plutôt que s’éterniser en ces lieux, lorsqu’une voix chaude interpella le garde.

    — Hello, bel Jauffrey, j’peux rentrer en ville ? Je ne veux pas rater l’exécution de la liseuse.

    Sans la voir, à la tonalité de sa voix suave et voluptueuse, il avait reconnu Margeline, la prostituée.

    — Que nenni, ma belle, car pour l’heure, nous avons reçu l’ordre de ne plus faire entrer âme qui vive dans la cité !

    — Ce n’est pas ce que j’ai ouï dire, protesta la femme. J’étais là ce matin, quand le crieur public a chanté au lever du coq. Ce n’est pas parce que j’ai été voir le gros Fernand, qui réclamait une ponction thérapeutique parce qu’un trop-plein de moelle¹⁹ lui occasionnait des serrements de couilles, que je dois être privée du spectacle de l’année ! C’était un cas de force majeure. Or, il a bien clamé : « Dès que sera prête à brûler l’hérétique, les portes de la ville seront fermées… » À c’que je sache, les trompettes annonçant l’exécution n’ont pas encore sonné.

    — Aaaah, vous voyez qu’on peut encore entrer dans la cité, dirent en écho des voix.

    Pendant ce temps, Margeline, tout comme une chatte qui se love en ronronnant, enveloppa par-derrière le garde de ses bras souples et tandis qu’elle lui mordillait le lobe de l’oreille, de sa main droite, elle se faufila vers sa poche située entre ses jambes. Doucement et fermement, elle le malaxa jusqu’au moment où cela prit une dimension vraiment gênante. Le soldat, mal à l’aise, tenta de se libérer en bougeant son derrière. D’un mouvement plus brusque, il parvint à éjecter la jeune femme, qui se retrouva sur son postérieur.

    Sous les rires des autres soldats et des spectateurs, il lui dit d’une voix manquant d’autorité :

    — Laisse-moi tranquille, pétasse !

    — Mon bon prince, répliqua-t-elle, le regard coquin, je suis à vous quand vous le voulez ! Il suffira que vous fassiez le paon quand vous en sentirez le besoin.

    — Bon, soit, dit-il avec un ton complice, mais d’abord, tu dois péager ton passage.

    — Pour nous alsi ? enchaîna l’inconnu. Ayez l’âme charitable !

    Le garde se retourna vers lui, et d’une voix qui se passait d’argumentation :

    — Ouvre-moi donc ta besace ! Ça presse…

    L’inconnu, le sourire mielleux, après avoir déposé son bâton de pèlerin, ouvrit son sac et étala le tout sur le sol. Un cure-oreille en métal roula sur le pavé. Dans une toile se trouvaient une flûte en roseau, une boussole dont l’aiguille n’arrêtait pas d’osciller entre deux directions, un double sextant, un petit linge brodé d’une rose, une barre graisseuse comme du saindoux, une fiole d’apothicaire remplie d’un onguent jaunâtre, une lanière en cuir, des graines rosées… et un morceau de pain d’épeautre.

    Sans autre forme de procès, le soldat se jeta dessus et l’engloutit. La bouche pleine, il mâchonna :

    — C’est quoi, tout ça, là, dit-il en désignant ce qui pendait à sa ceinture.

    — Une bourse contenant mon fusil²⁰ et tout ce qu’il faut pour faire feu. Comment veux-tu que je puisse mangier le soir pour apaiser ma faim, si je ne bats pas le fusil ?

    — Ouvre, j’veux voir si tu ne caches pas là un maléfice.

    Le Cent-pas prit la petite bourse, retira le morceau de ferraille aux extrémités recourbées en demi-boucles, l’ouvrit et versa tout son contenu à terre. Des éclats de silex roulèrent, ainsi que de l’amadou et de la bourre pelucheuse bien sèche pour allumer un feu.

    — C’est bien. Et ça ? dit-il en désignant le cure-oreille de la pointe de son espée.

    L’étranger se frotta la tête d’un air dubitatif et, tout en laissant sortir un soupir, il commenta :

    — Une curette pour s’retirer la cire des oreilles que m’a offerte le roy des Fols, après lui avoir débouché ses ouïes ! Ici, une flûte qui chasse les rats des villes, comme les rats qui tournent autour des seigneurs… Rien de magique à ça, c’est le son qui les fait fuir. Cette barre de matière grasse, sais-tu c’que c’est ? Ça sert à s’récurer la peau. Un apothicaire m’en a donné une recette parfumée.

    — Mouais…, le coupa le soldat. Et puis quoi, encore ?

    — Eh ben, on trouve là également une boussole particulière qui indique là où on va et là où on aurait pu aller. D’ailleurs, j’ai sa contrepartie avec le sextant. Il permet de s’guider avec les étoiles, mais alsi en fonction des feux des enfers, quand j’couraille sous terre ! Et voilà un linge pour me mochier²¹, d’une noble dame qui m’a

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