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éditorial, lieu de contre-jour.

Quand bien même se serait-elle estompée, éblouie d’une


lumière rasante, il y a une bouche qui dit le levant de la parole hors de soi. Il
Daniel Biga où la pensée du poète est si riche si foisonnante qu’elle refuse de fixer plus
ses moments d’angoisse que ses souvenirs d’enfance ou encore sa relation à
par Pierre Hunout se hisse, ce poème, notre étendard. Qu’il parcoure le trou noir de son propre par Matthieu Marie-Céline la femme.
secret, à contre-courant de l’entendement général. Peu importe. Ailleurs, toute
Point de répétition, seule une réitération : nous ne sommes maison qu’en la langue ferait défaut. À noter que le récent Prix Nobel de littérature J.M.G. Le Clézio a dit de lui dans
commun, un fragile édifice polyglotte et polémique. Politique donc. Publier, Né en 1940 à Nice, Daniel Biga exerce divers métiers, sans doute pour vivre, Le Monde, à propos de Né nu, qu’ « une grâce lui est venue, une luminosité ». Je
rendre le parole à, non pour occuper le terrain, mais bien parce qu’il y a nécessité Vous, vous êtes venus, vous avez vu, vous avez lu tandis que 2009 s’avançait. mais certainement pour se sentir vivant. Poète-explorateur de l’être passant me permettrais d’ajouter qu’elle embrasse sans doute l’ensemble de son œuvre
à faire entendre, urgence à se faire entendre. Certes, il ne s’agit pas d’atteindre Un siècle qui s’amorce, un nouveau berceau fait à [sic], le mensuel de dixit, par la pratique de la peinture, l’enseignement, il compose une poésie éclatée à que je vous invite à entamer par une anthologie de choix, Le Poète ne cotise pas à
à l’effacement de ce bruit ambiant ; certes, c’est par l’opulence que ce dernier et, au nom du collectif, je vous en remercie sans oublier de vous souhaiter bon vaisseaux multiples, qui a souvent l’air d’une fuite en avant. la sécurité sociale. Sans commentaire.
tend à masquer la perspective aveugle, le poids de l’aphasie. Toutefois, il faut courage. C’est que ce siècle, nous, sera courageux ou ne sera pas. Parce qu’il faut passer par tant d’états pour faire naître le poème, quitte à se Daniel Biga a dirigé la revue Chorus entre 1962 et 1974 et a été directeur de la
amener au jour ces tentatives de le détourner, de le dévier et de rendre audible casser les dents, les os… – taisons tôt la liste longue des organes à briser – il Maison de la Poésie à Nantes où il vit aujourd’hui.
ce qui jusqu’ici n’était que sous-jacent. Travailler l’acouphène. C’est donc ici faudrait aussi le lire comme on respire.
le rôle de dixit, du collectif dixit, que d’ouvrir une porte plurielle, une Ma première lecture de sa poésie remonte à 2003, et un certain Dits d’elle
proposition aux bras tentaculaires, une po[li/é]tique. où Biga, avec une justesse aiguisée – si tant est qu’elle le soit – de l’homme quelques ouvrages :
avis aux auteurs qu’il est et de son corps, avec son regard amusé, nous engouffre dans
En somme, il s’agit d’éclaircir le poème, ou l’arithmétique du désaccord. des plaisirs charnels au féminin. Des plaisirs partagés et digérés jaillit Oiseaux Mohicans (auto-édition en 1966, puis Editions Saint-Germain-des-
Mais soyons vigilants, le consensus n’est pas de notre temps, si tant est que dixit est actuellement à la recherche de manuscrits inédits, ainsi un long poème ré-jouissant. Et puis les dessins du non moins fameux Prés, 1969)
jamais ce ne fut le cas. Et si nous nous enorgueillons encore à défricher, n’hésitez pas à nous faire parvenir vos textes à : Ernest Pignon-Ernest, qui l’accompagnent, augmentent le bonheur de Kylroy Was Here (Editions Saint-Germain-des-Prés, 1972)
creuser de la liberté dans le soleil sera toujours le plus sûr moyen de voir collectifdixit@gmail.com la découverte, et les relectures qui suivent assurément. Né nu (Le Cherche-Midi, 1984)
surgir notre seuil, où gravir ; aujourd’hui et demain, comme hier, la poésie Eloges des joies ordinaires (Wigwam, 1999)
ou à l’adresse suivante : Quelques 30 ans avant le Biga décomplexé, l’homme s’arme
s’exprime dans la dissidence, à la marge des littératures ; précaire, ce Dits d’elle (Cadex Editions, 2000)
n’est qu’ensuite que les pouvoirs l’utilisent à desseins. Et pourtant, association dixit, 6/8 Place du Pont-Neuf, 31000 Toulouse, France. d’impertinence, de force insolente dans Oiseaux Mohicans, publié L’Afrique est en nous (L’Amourier, 2002)
de combien l’indispensable mise en marche se doit d’installer un Votre envoi vous sera réexpédié s’il est accompagné d’une enveloppe suffisamment affranchie pour le la première fois en 1966, ainsi que dans Kilroy Was Here Le Poète ne cotise pas à la sécurité sociale (Le Castor Astral, 2003)
retour. Nous n’assumons aucune responsabilité si un manuscrit est égaré.

responsabilité de cet échec, je l’espère provisoire, incombe


à tous les faussaires de la poésie dite contemporaine. agenda
avis aux jeunes poètes, « La poésie veut quelque chose d’énorme, de barbare et de
par Laurent Jarfer sauvage »2, elle n’offre aujourd’hui bien souvent que du bruit, du théâtre / lecture / rencontre janvier_2009_n°01
bricolage sonore ou encore de l’auto-psychanalyse de comptoir. 19 JANVIER : Walter Benjamin par Christian Le Bars, 21h00 - Cave Poésie
Mais rassurez-vous... (Toulouse) [sic] c’est gratuit,
Un éditeur m’écrivait récemment : « Que vous dire d’autre, sinon que plus Il existe ici comme ailleurs un travail du négatif, et cela je le dis à tous DU 20 AU 31 JANVIER : Les Beautés Inutiles d’après Guy de Maupassant (Eric et ce mois-ci, c’est avec :
ceux pour qui la poésie doit rester une œuvre de salubrité publique : Vanelle), 21h00 - Théâtre du Grand-Rond (Toulouse) laurence barrère
nous aurons de lecteurs, plus nous pourrons éditer... ». Inversement des
Chers amis, le champs est libre. 26 JANVIER : Poèmes, Jean Portante/ Vocalité du loup, Bernard Combi, 21h00 benoît legemble
valeurs ; en effet, ne conviendrait-il pas mieux de dire : « plus nous éditerons
Vous n’aurez que rarement, sauf exception bienheureuse, à vous sentir - Cave Poésie matthieu marie-céline
de véritables poètes, plus nous aurons de lecteurs ». Mais ce constat
DU 20 JANVIER AU 7 FÉVRIER : Le Journal de Nijinski (Cie Jean Séraphin) - Cave Poésie dimitri zerah
apparemment légitime ne semble en aucune manière inquiéter le petit cercle quelque peu intimidés par un Antonin Artaud ou un Ghérasim Luca pour
DU 28 JANVIER AU 7 FÉVRIER : Émilie Piqueboeuf ou la Vie en plein dedans (Cie du laurent jarfer
d’élus que plus personne ne lit. ne citer qu’eux.
Petit Matin), 21h00 (sauf le 1er février à 17h00) - Théâtre du Pont-Neuf (Toulouse) pierre hunout
Serge Pey que l’on interrogea l’année dernière lors du Marché de la Poésie de Etudiez-les, comparez votre travail au leur, interrogez-vous quant à la et ismaël
Paris sur le sentiment qui est le sien quant à la pertinence des actions menées modernité et la pertinence de votre propos – ce que ne font plus à l’évidence exposition
par le réseau des Maisons de la Poésie répondit la chose suivante, à savoir qu’il la majorité de nos « poètes » car ils seraient sinon bien inspirés de se taire – et
JUSQU’AU1ER FÉVRIER : Nonobstant, la couleur, Willy Ronis / Fred Herzog, Exposition direction de publication :
fallait en l’occurrence nous méfier que ces Maisons de la Poésie ne deviennent occupez cet immense espace qui s’offre à vous.
de photographies - Le Château d’Eau (Toulouse) matthieu marie-céline
pas en réalité « des maisons closes, avec leurs prostituées et leur proxénètes ». Car, comme le disait Dalì, les autres étant tellement mauvais, pompiers, quand pierre hunout
Le domaine de la création artistique, et c’est un truisme que de le dire, traverse on a un peu de talent ça se remarque... dixit vous propose
association dixit , 6/8 place du pont-neuf,
comme bien d’autres une crise majeure : la poésie n’échappe évidemment pas 23 JANVIER : soyons surréalistes, exigeons l’indicible, lecture préparée par dixit - 31000 toulouse, france. tél : 05 61 14 27 01 fax :
à ce constat affligeant. Librairie L’Autre Rive (Toulouse) - 19h30 05 34 32 05 81. dixit , collectif et revue
de poésie, est une association à but non-
Foucault écrivait déjà, reprenant Artaud, que « notre culture avait perdu

issn en cours
NOTEZ : Pour des raisons indépendantes de notre volonté la lecture-hommage à Bernard Manciet qui lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901.
1 Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, coll. Tel, 2007, p. 48.
son foyer tragique »1 ; j’affirme qu’en la matière une part majeure de la 2 Denis Diderot, De la Poésie Dramatique, § XVIII. Des Mœurs.
devait avoir lieu à Sarrant (32) le 10 janvier a été annulée et reportée à une date ultérieure dont nous président : anthony clément / vice-président :
vous tiendrons informés, veuillez nous en excuser. benjamin alexandre / secrétaire : matthieu
marie-céline - © dixit tous droits
réservés aux auteurs - toulouse - janvier 2009
libre-paroles
chiffre de plus Dimitri Zerah Benoît Legemble
posé
Pierre Hunout hors
de sa Sur un cyprès Dans l’embrasure des portes
communauté, le poète Une goutte de rosée Il n’y a que des mensonges
est le signe d’évidence Scintille au soleil Et contre-vérités.
de quelle bouche me parles-tu de sa
sans que parole n’en sorte main Dans l’embrasure des portes
mise Jaune et rouge cumin C’est ton nom qu’on prononce
hors sa communauté
Une orchidée Pour oublier, pour croire.
le poète n’est d’utilité
Close
qu’en tant sur le verbe être Sur un parterre de pivoines bleues Dans l’embrasure des portes
que moins le verbe avoir J’entends le chiffre trois,
Le cliquetis de l’horloge.
potentiel
Sur une fleur
hors la communauté Un papillon Dans l’embrasure des portes
hors sa communauté, notre chute en Blanc J’ai veillé de sang d’encre.
le poète n’est nous même
qu’un pèse Tel un empereur Il n’y avait personne.

d’elle, j’ai su, j’ai su que l’ombre sera la souffrance. J’ai su que de-
extrait
soyons surréalistes, exigeons l’indicible la page de tunis main n’aura pas d’oiseau dans la bouche. Alors j’ai laissé couler le secret
par Laurence Barrère Parlez-moi de ces silences tramés bleu du ciel par ismaël d’elle, pour faire couler son visage. Sans voix.
de mots de passe Parlez-moi de la canne des verriers
Le secret n’est pas réductible à une Quand il faut souffler quelques
Et quand l’heure de s’en aller arrivera, je n’emmènerai avec moi que quel-
formule simple mondes
dixit revisite le mouvement surréaliste et propose une lecture des poètes Parlez-moi de ce visiteur qu’amène un peu dansants Je crois en la Parole. ques paroles que j’aurais peut-être su garder. Que j’aurais, je l’espère, accli-
inconnus, ou oubliés du groupe surréaliste, mettant en voix des textes singuliers, le vent matées aux paumes de mes mains. Que j’aurais couvertes de mon ombre,
en union libre autour de la définition du mouvement telle que l’exprime Breton dans Un soir de premier quartier de lune Parlez-moi de tout perdre les vieilles, les ancestrales, après-midi de sirocco.
Parlez-moi de cette femme gréée C’est le commencement d’une énigme Si je devais un jour m’agenouiller devant un dieu quelconque, ce ne serait
son Manifeste. Les poèmes de cette sélection, délirants et lucides, illustrent la révolution
d’étincelles Dont tu détiens le dernier mot que devant sa toute impuissance, la blanche. A attiser le feu. A surprendre
poético-mentale de ce qu’a été le surréalisme dans les années trente, il faut citer ici le Qui sont la semence du phénix et Toi qui sais quel écorché vif Les paroles, elles m’appelleront d’un prénom que je ne connaîtrai pas, qui est
premier numéro de la Révolution surréaliste de 1924 : le réalisme c’est émonder les arbres, le le nuage, et lui servir à boire. Au sang irrégulier, son inconscience viscérale.
l’espoir en l’amour tient le couchant
Elle ne nourrit pas son homme, la désaxée, ni n’enlève la fièvre dans sa tête. le mien. Elles m’accompagneront, les blanches, joyeuses, sautillant de l’un de
surréalisme c’est émonder la vie. Parlez-moi de cette femme que j’aime A cette heure ancienne où je ploie
Elle est insensée, quoi qu’il en soit, toujours lointaine, mais en même temps, mes deux yeux à l’autre, dans la nuit du corps, d’où ne revient, qu’elles-mêmes
Et de la fatalité d’un tel amour Sous le faix de la vie sans toi
Emonder la vie par une autre fenêtre, et émonder la langue en la taillant dans le rêve, à la mémoire massive, presque concrète, de la pierre dans le ruisseau. ne savent pas encore nommer.
car il y aura une fois... des poètes oubliés, dont la profondeur certaine se love dans une Parlez-moi de ces pierres de foudre Parlez-moi de chercher l’issue d’une rue
renaissance méritée. On retrouve dans cette sélection surprenante autant que surréelle Si rares emmaillotées de soie à franges barrée Un vendredi à dix sept heures trente minutes.
des textes d’André Masson, de Benjamin Péret, mais aussi d’hommes de théâtre, comme Qu’il faut s’enfoncer deux à deux en forêt D’une vie barrée Je crois en sa tragédie. Essentielle. Perpétuelle. Organique.
Roger Vitrac, également des femmes, ainsi que des poètes très peu connus, comme Pour atteindre le lieu où s’étoile la Au bout de laquelle un arbre
Stanislas Rodanski ou encore Jean-Pierre Duprey. C’est sous d’autres plumes que celles vieillesse En est réduit à se débiter lui-même en Autre. La laisser traverser. Sourdre de soi. Ne pas la retenir. Recueillir la trace
planches
des plus célèbres surréalistes que sont Breton, Desnos, ou encore Eluard, que toute la Parlez-moi de langues légères Et parlez-moi à la rigueur d’un beau
multiple. En faire un feu. Invoquant son retour. Peut-être alors l’éclat de l’étoi-
puissance singulière, onirique des métaphores chères au surréalisme (se) donne à voir. les lieux de notre lutte où désigner des zones de liberté, où éclaircir la poésie
rompues aux politesses exquises suicide le, perdu. Sera Poésie. Ou bien, tout autre théorème de l’utopie.
0 l’éloge du front qui brûle La balle a été tirée à l’intérieur de la tête
contemporaine sont multiples. Retrouvez [sic] et toute l’actualité de dixit
C’est dans d’autres bouches que la croyance qui les réunit tous, cette résolution des deux sur le blog de l’association :
Contre la joue fraîche de la fenêtre [...]
états que sont le rêve et la réalité se fait entendre, neuve, et inaltérable. Elle avait confié au creux de ma main, un secret d’elle. Mais je l’ai ouverte,
Parlez-moi de langues faites au murmure
Au babil des sources qui lèchent le sorbet Jean-Louis Bédouin, Grandes lignes. le laissant, couler. Car quand je l’ai enfin regardé, quand j’ai pris conscience http://dominusdixit.blogspot.com
La lecture sera convulsive ou ne sera pas.

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