Vous êtes sur la page 1sur 8

Histoire de la politique marocaine postcoloniale

Mohamed RACHIDI
Chercheur en Sciences de Gestion

L’histoire des partis politiques marocains est intimement liée à celle du mouvement national (Santucci,
2001a :19), d’avant l’indépendance de 1956.Cependant, quatre partis viennent d’être créés et divulguent la
lutte pour l’indépendance comme le premier objectif1 :

- Comité d’action marocaine (CAM), fondé en 1934. Il s'insurge contre le Dahir français qui voulait séparer
la gestion des tribus marocaines sur la base de leurs spécificités, afin de bien les dominer;

- Parti de l’Istiqlal (PI), créé en 1943 par Allal Al Fassi. Il revendique l’indépendance, et il parvient à établir
une structure solide, un encadrement politique fort, une audience et une représentation internationale à
travers des bureaux surtout à Paris et au Caire et à se financer de la part d’un peuple forcé;

- Parti démocratique de l’indépendance (PDI), créé en 1946 par Bel Hassan El Ouazzani ;

- Parti Communiste Marocain (PCM), fondé en 1943 par un juif marocain Léon Saltan, pour limiter la
montée en puissance du PI.

Le PDI et sa position prise à l’époque fait de lui un parti spécifique, car il demanda d'une part la constitution
des institutions réellement démocratiques du Maroc d’indépendance, et de l'autre il critique la ligue arabe
perçue comme un simple cabinet anglais. Quant au PCM, il voulait instaurer une conscience des classes au
sein du prolétariat marocain, mais il n’arrive pas à franchir son projet politique pour devenir un parti de
masse.

Les obstacles de la non propagation du PCM sont multiples, internes et externes au pays. Les obstacles
internes émanent de la monarchie qui se protége naturellement de la disparition, de la première bourgeoisie
héritée du colonialisme, et du PI qui était ferme auprès du public marocain de la règle qui régie la
participation politique de chaque personne. Car toute affiliation, acceptation ou tout soutien, en général, pour
un parti autre que le PI, la conséquence la personne sera torturée et liquidée. Les obstacles externes au pays
proviennent de la grande mobilisation du pôle capitaliste, le Maroc lié à la France fait partie, contre le pôle
communiste.

Contrairement à tous les premiers partis politiques marocains, la puissance du PI fait un cas d’exception
dans un pays sous tutelle française, fortement à laquelle plaide. Le PI réussit à s’imposer comme parti
dominant avec une base populaire puissante, mais aussi comme parti unique dans un futur Maroc
indépendant. Toute cette image est fondée par des moyens illégaux de l’enlèvement, la torture... des
opposants au parti, des adhérents aux autres partis…. à l’instauration d’un enseignement qui favorise l’élite,
c'est-à-dire une diffusion consciente de l’analphabétisme. Les mêmes actions sont poursuivies après
l’indépendance. La réalité, conforme aux rêves du public marocain, a fini par mettre le PI et son idéologie en
grandes difficultés. En revanche, on trouve des contrebandiers historiens et politologues officiels relatent
cette domination du PI grâce à son affiliation à une idéologie arabo-musulmane.

Tout au long de l’histoire politique du Maroc, les rapports de lutte entre les grands acteurs du système
(monarchie et partis) courent derrière la conquête du pouvoir et du leadership politique. Les ambitions

1
Comme l’histoire va le dévoiler, l’indépendance n’était pas un objectif de bonne intention de tous les partis qui le
réclamaient au départ. Il y avait un parti de mauvaise intention qui chuchote pour manipuler « nous sommes pour
l’indépendance », au lieu de nous sommes avec vous tous ensemble pour l’indépendance, « notre objectif secret est
idéologique : détenir uniquement le pouvoir et rapprocher le Maroc des idées des Mouvements de la libération arabe ».
Ce parti, vous le savez, rappelez- vous de lui, mobilisez-vous contre lui, et faites attention.
diverses de ces derniers acteurs vont dessiner pour le Maroc postcolonial un parcours politique de plusieurs
phases.

A : la phase de la construction de l’Etat 1956 à 1975

Après l’indépendance de 3 mars 1956, la scène politique marocaine marque une remise en cause du pacte
national, déjà passé entre deux associés rivaux forts du pays : le roi et le Parti d’Istiqlal (PI). Ce dernier
estime facile le fait d’écarter pour toujours la monarchie et instaurer un système politique de parti unique,
comme c’est le cas de la Syrie, Egypte, Irak,... Ce début de la phase de construction de l’Etat divulgue les
vraies intentions du PI derrière les actions clandestines commues, mais aussi la raison de son existence en
France- il voulait être le seul héritier du protectorat, et en Egypte- d’où il importait l’idéologie des
mouvements orientaux de libération, plus le soutien financier.

La période de 1956-1960 est une phase de confrontation entre ces deux pôles dont l’enjeu tourne autour de
la gestion et le contrôle des affaires publiques et la conquête du leadership politique. Restauré de son exil et
convoqué comme le seul négociateur direct du protectorat, le roi Mohamed V constitue en décembre 1955
un gouvernement d’union national représentatif des différentes tendances d’opinions. Ce premier choix de la
monarchie est arrêté contre le déterminisme du PI qui veut siéger seul. Sur le champ politique, ce dernier
réagit toute de suite essayant de limiter les prérogatives du Roi en comptant sur son audience populaire et
son prestige national.

Ce premier gouvernement du Maroc de l’indépendance est confié à M. Bekkai, et dans lequel cohabite le PI
avec le Parti démocratique de l’indépendance (PDI) et quelques personnalités indépendantes. Cette première
expérience marque d’abord la chute des ambitions du Parti qui a prévu être unique, ensuite sa neutralisation
progressive par la monarchie qui vient enfin de gagner une clientèle locale lui assurant le contrôle du rural.

Un deuxième gouvernement est formé, en Octobre 1956, et confié de nouveau à M. Bekkai, où cohabitent
encore le PI (10 postes ministériels) avec son grand rival le Parti démocratique de l’indépendance (PDI) et
les indépendants. Les essais accentués du PI de déraciner l’influence politique de ses partenaires rivaux vont
engendrer des courants d’hostilité et d’embrasement au sein de la formation et dans le Maroc amazigh du
Souss, d’Atlas et du Rif dénonçant sa domination politique et administrative. Et ces troubles finissent par la
création du Mouvement Populaire (MP), par Haddou Barkach en octobre 1959, et à ces moments même ce
nouveau parti jouit les bienveillances pour la monarchie pour contrer le PI. Ce dernier et son entourage
qualifie le nouveau né politique comme un parti ethnique, ce qui va être justement démenti par ses propres
leaders en optant depuis 1962 au « socialisme islamique » comme base de leur programme politique
(Rachidi & Errachidi, 2004 : 67). Mais, j’ai une idée qui me pèse dans mon esprit et je la sors pour les
dirigeants actuels du PI, car elle a toujours de la signification : Nous les marocains, avons besoins-nous
d’une idiologie qui enracine dans le peuple, son histoire, ses valeurs, ses relations, sa géographie,… de
Tamazgha ou plutôt d’une idiologie orientale ? Car tout changement social, fons l'exemple du Maroc, ne
peut être sans son passé. Le futur est le produit de son passé.

Reconduit dans un troisième gouvernement du 12 mai 1958, le PI assure la primaire, confiée à son Secrétaire
général A. Ballafrej, et sa présence est limitée et confortée du poste de l’économie pour son leader A.
Bouabid, alors que les postes clés restent entre les mains des personnalités indépendantes du Roi. Plusieurs
facteurs vont précipiter la disparition de ce gouvernement qui, en plus des divergences internes au sein du
parti entre alliés et opposants à la participation avec ces conditions, il y a :
- la persistance de la rébellion du Rif et d’Atlas et faute de la maîtriser parce qu’il est incapable d’agir tant
qu’il est privé du contrôle de l’armée ;
- des grèves syndicales (UMT).

Devant cette situation, A. Bouabid démissionne de ses charges et une crise s’allume à l’interne du parti entre
deux ailes. Une aile traditionnelle et une autre de gauche progressiste. Cette dernière aile exige une réforme
économique profonde du pays et une démocratisation de ses structures internes. Ici, il est de préciser que les
réformes économiques conditionnent en premier des réformes politiques.
Face à son impuissance, le gouvernement de Ballafrej se retire en 2 décembre 1958, qui après 14 jours il
serait suivi par la désignation d’une nouvelle équipe gouvernementale dirigée par A. Ibrahim, le représentant
de l’aile gauche progressiste du PI. Mais une réalité demeure, c’est le durcissement de la puissance des
prérogatives du Roi dénoncées par les progressistes du PI guidé par M. Ben Barka ; et de l’impuissance du
gouvernement, privé du contrôle de l’armée, de la police et de la nomination des représentants du pouvoir
local, de faire face au soulèvement persistant du Rif. Si le PI et ses fils avaient la décision totale de l’armée,
que aurait-il pour le Rif comme destin ?

Opposé à la direction conservatrice, le PI va être scindé et suivra la création de l’Union National des Forces
Politiques (UNFP) en septembre 1959 par les leaders influents gauchistes, M. Asri, M. Benseddiq et M. Ben
Barka.

Ce nouveau parti continue la cohabitation avec le PI dans le même gouvernement. Mais ses divergences
avec la monarchie viennent s'intensifier: il dénonce les privilèges du palais, signe d’une gouvernance
absolue, et réclame des réformes économiques, administratives et structurelles profondes. Risque de voir ses
intérêts menacés à terme, la monarchie interrompt l’association avec ses partenaires rivaux, et qui à la veille
des élections communales de 19602 plus la pression du PI et du cabinet royal, le gouvernement de A.
Ibrahim se dissoute (Santucci, 2001a : 29).

En 1960 la monarchie s'empare du contrôle direct du gouvernement en la personne du prince héritier Hassan
II qui avec le décès du Roi Mohamed V et la succession au trône de l’avant dernier en 1961, il conclue un
accord avec les notables inspirés de la religion et du prestige de la monarchie 3 pour réussir le référendum de
la constitution de décembre 1962 et les élections législatives d’avril 1963 (Leveau, 1998) afin d’accréditer et
de légitimer son investiture.

Ces deux derniers événements nouveaux dans l’histoire de la politique marocaine ont suscités de larges
polémiques. En 1962, le Roi met à l’approbation du peuple un projet de constitution inspirée de la française,
qui finit par être : dénoncé par l’UNFP, le PCM et le parti démocrate communiste (PDC) (du Parti
démocratique de l’indépendance PDI) et soutenu par le PI, le MP et les indépendants. Le fait marquant à
l’époque est le PI qui avait opposé la monarchie, faute d’être écarté de la gestion d’affaires publiques, mais
il revient dans une deuxième volonté du palais, cette fois tout à fait différente, et vote pour le projet. L’ayant
toujours, ce parti était et reste l’ombre du pouvoir car le palais est infiniment présent au niveau de la
désignation de sa direction.

Le vice de ce projet de constitution demeure dans sa nature d’approbation, car les principales forces
politiques étaient privées de toute participation à sa formulation, ainsi que son insoumission aux
délibérations d’un conseil constitutionnel. En plus, cette constitution permette au Roi des prérogatives
puissantes : par exemple la désignation du gouvernement, la demande d’une deuxième étude des textes
juridiques et le recours au référendum ; et lui réserva une grande partie d’auto-désignation de celles connues
par les ministères de souveraineté (de défense, d’affaires étrangères, de l’intérieur et d’affaires islamiques).
C’est la constitution qui a dominé l’institution monarchique sur soi-même permettant au Roi le droit de
proclamer l’état d’exception (Harezni, 2004 : 10). Et c’est le pouvoir qui généralise le pays depuis 1965.

Les élections de 1963 vont maintenir l’audience des partis historiques PI et UNFP mais sans obtenir une
majorité favorable pour assurer le pouvoir et dominer les décisions du palais. Ces deux partis, situés dans
l’opposition, dénoncent les résultats de la consultation les estimant d’irrégulières. Cette position de
boycotter les résultats de l’élection les a fortement subi pour une vaste poursuite, d’intervention policière,
d’interpellation des membres et d’arrestation des publications spécialement du PI. Pour assurer le succès de
ce premier scrutin une coalition des partis (un bloc politique) est créée entre MP, PDC et les personnalités
indépendantes du Roi, formant le Front de Défense des Institutions Constitutionnelles (FDIC) dont le maître
d’œuvre de l’expérience est R. Guédéra, le Conseiller du Roi. Et le gouvernement sera dirigé par A. Bahnini,
le 13 novembre 1963. La remise en cause de ce gouvernement par l’opposition, qui reste puissante,
reconduit R. Guédéra à créer le parti social démocrate (PSD) pour conjurer la situation de crise.
2
Les élections communales de 1960 étaient un exercice de la monarchie pour mesurer l’audience du PI et UNFP.
3
Le prestige de la monarchie est consolidé aussi par des légendes de fiction. Ceux qui disaient avoir vu la face de
Mohamed V dans la lune en font une.
L’expérience parlementaire de 1963-1965, dans une certaine mesure, est un succès pour les partis de
l’opposition puisqu’ils avaient réussi à obliger le gouvernement à admettre un débat contradictoire au vu et
au su de tous (Bendourrou, 2000 : 121). La crise politique persiste et le Roi négocie avec l’opposition sur un
futur gouvernement d’union nationale. Tête-à-tête les conditions imposées par les leaders de l’opposition, la
négociation arrive à l’impasse et le Roi décide le renvoi du parlement, dès juillet 1965, et réclame en même
année l’état d’exception. Bref, cette phase est pour la monarchie la reprise de tous en main et dont il accorde
à l’armée une place importante dans le gouvernement afin de stopper les émeutes de Casablanca de 1965, le
soulèvement du Rif et d’Atlas, aussi pour l’enlèvement et l’exécution voir l’agression de l’opposition
(Leveau, 1998).

Depuis 1965 et plus de cinq ans, le Roi Hassan II renouvelle sa stratégie d’enjeu politique. D’abord, il
accuse les partis politiques de l’inefficacité institutionnelle, ensuite il assume la direction en personne du
pays, enfin il élimine progressivement les partis de l’opposition de leurs positions électorales. Cette dernière,
prête à participer aux élections, refuse par la suite tout engagement dans les mêmes conditions du jeu
politique, qui en fin de compte sera soldé par la victoire des indépendants. Au lever d’état d’exception, les
élections législatives, portées par les neutres, sont boycottées par tous les partis, à l’exception du MP.

Deux tentatives de coup d’Etat ont secoué l’histoire politique du Maroc, de 1971 et 1972. Les événements
vont révoquer les limites de la coalition avec l’armée, dont l’origine bouleversante est l’existence en ses
camps d’officiers en noir saturés d’idées de la grande unité arabophone, pour laquelle le PI théorise et même
sans nier d’implications éventuelles de ses membres et proches au parti. Car, le PI (et peu le UNFP,
notamment les leaders) avaient l’influence sur l’armé. C’est lui qui a dissout l’armée d’indépendance dont
certains braves militaires sont torturés (exemple : Abass Lamsaidi, Chef de l’armée d’indépendance) et
certains d’autres sont exportés comme miniers charbonniers au Nord de la France et à la Belgique, et il le
substitue par son élite militaire fidèle à l’idéologie du parti. Et pour contrôler le pays, le Roi arrête trois
décisions principales (je ne me rappelle pas de la référence) : l’augmentation du salaire minimum,
l’augmentation de la bourse des étudiants universitaires pour couper l’herbe sous les pieds de l’opposition, et
l’adoption de la stratégie de marocanisation laquelle est considérée comme la principale source de
corruption de l’élite militaire. Depuis les temps du putsh, la monarchie opte pour une stratégie de
recomposition politique durable qui le sort de son isolement contre tout risque de disparition (Leveau, 1998).

Tenu toujours en dehors de la gestion des affaires du pays, le PI et l’UNFP réunissent dans un front
d’opposition sous le nom de La koutla Al Watanya (ou bloc national). Et au cours des deux coups d’Etat
manqués, le Roi entame la discussion avec la Koutla. Cette dernière, dans un ordre dispersé, considère les
événements de 1971 et 1972 comme la conséquence de l’absolutisme de la monarchie. Ainsi, le Roi invoque
les partis politiques pour un gouvernement d’union nationale, afin d’appliquer son programme
unilatéralement arrêté. De leur part, les partis réclament que leur participation ne peut se faire que dans le
cadre d’un gouvernement clair et défini de pouvoirs et dont la mission sera la préparation et le
développement des institutions.

En 1972 un nouveau texte de la constitution en est proposé. Il n’est pas différent du précédent, ce qui va
engendrer de nouvelles tensions et l’opposition vote pour le non, mais le oui du PI (ombre discrète du
pouvoir et partenaire du Koutla) ratifie son adoption. Ainsi la conséquence était lourde pour l’UNFP qui va
se déchirer entre deux tendances de Rabat (dirigeants, intellectuels et petits militants) et de Casa
(syndicaux). La nouvelle constitution ne serait mise en pratique qu’à partir de 1975.

B : la phase de la «transition démocratique» 1975 à 1997

Après 1975, la monarchie exprime les vœux d’une démocratisation des institutions, et reconnue à l’occasion
la légitimité du parti de libéralisation sociale (PLS), ex PCM. Au cours de la même période l’Union Sociale
des Forces Populaires (USFP), créée de la scission 1975 du UNFP et qui représente la tendance de Rabat,
rompt avec la violence et opte pour l’action politique officiel représentant, par nature, une opposition
constitutionnelle et constructive. En conséquence, le processus de transition vient d’être relancé sur la base
d’un consensus national, auprès des constantes nationales dont le dossier du Sahara.
Pour la phase étalée de 1975 jusqu’au 1984, Bendourou considère que « l’opposition légale sera dans un
premier temps marginalisée pour être dans un second temps exclue en lui substituant une nouvelle
opposition » (Bendourou, 2000 : 187). Pour marginaliser l’opposition, l’administration confie un nouveau
gouvernement à Ahmed Ousman, président du Rassemblement National des Indépendants (RNI) créé dans la
foulée de la victoire électorale de la législation de 1977. Ce nouveau cabinet marque la rupture du PI avec
ses partenaires de la Koutla, et participe par le biais de M. Boucetta, comme ministre des affaires étrangères,
dans une majorité avec le MP. L’opposition est représentée par USFP, le Parti du progrès et du
socialisme (PPS) (ex-PCM) et sept membres de l’Union Marocaine du Travail (UMT). Cette composition
n’arrive pas à s’imposer comme une véritable opposition via son nombre réduit de sièges, et au sein de la
chambre des représentants seule l’opposition Ittihadia apparaît.

Les actions politiques ci-dessous menées par l'opposition aboutissent à la première des choses à son
exclusion par le Roi, parmi elles il y a (Bendourou, 2000 : 192):
- la dénonciation de la résolution de Nairoubi II du dossier du Sahara était suivie d’arrestation : des exécutifs
du bureau central de la Confédération Démocratique du Travail (CDT)4 dont Noubir Al Amaoui le Secrétaire
général, des membres et journaux de l’USFP et la perquisition de leurs bureaux ;
- refus de l’opposition de continuer de siéger au parlement après la fin du mandat normal prévu de quatre
ans.

Pour ces causes l’administration remet en cause l’opposition en proposant par la suite un référendum du
prolongement du mandat de siège au parlement pour 2 ans de plus. A l’instar des partis comme le PPS et
l’Organisation de l’action démocratique et populaire (OADP), né du mouvement de 3 Mars, qui opposent à
la proposition par non, les partis de la majorité votent pour oui. Alors que l’USFP focalise son action sur la
critique et la dénonciation des résultats du gouvernement et rappelle qu’il respectera le mandat ordinaire de
quatre ans et quittera le parlement même si la constitution révisée est appliquée avant ce dernier terme.

Les partis de l’opposition de 1977 vont subir leur engagement par leur exclusion définitive du système
politique. Cette exclusion est prononcée par le Roi Hassan II lors du discours d’ouverture de la session
ordinaire du parlement de printemps 1981. Le Roi décida que « ces gens (députés USFP) se sont exclus de la
communauté des musulmans (…) » par conséquent «quiconque ignore la loi doit s’attendre à être ignoré
d’elle » (Bendourou, 2000 : 192)

Après l’exclusion de l’opposition Ittihadia, la monarchie crée une nouvelle opposition par la scission en
1980 du RNI en un groupe parlementaire distinct, pour créer en 1982 le Parti national démocratique (PND)
dirigé par Arslan al Jadidi, et confie l’opposition du gouvernement aux membres du RNI. Un an plus tard, la
coupure de l’opposition légale avec le régime politique marocain arrive à sa fin et sera réintroduite par le
Roi en reprenant leurs sièges au parlement en tant qu’opposition définie aux normes statues par le Roi. Ainsi
l’opposition Ittihadia adhère à la pensée du Roi concernant le dossier du Sahara et sera représenter, après 23
ans d’absence, au gouvernement de 30 novembre 1983 de Mohammed Karim Lamrani5 par Abdelouhad
Radi, comme ministre de la coopération.

La période 1984-1992 marque le retour sur une scène commune, des partenaires de l’opposition historique,
le PI et l’USFP. Après les élections de 14 septembre 1984, les partis de l’administration : le RNI, l’Union
Constitutionnelle (UC)6 et le PND forment la majorité et le PI, l’USFP, le MP et autres se trouvent rejetés
dans l’opposition. Pendant cette phase historique de la politique marocaine, le PI et l’USFP se sont
rapprochés sur des points comme la présentation commune de lois, la contestation des résultats législatifs
d’illégitimité pour l’inefficacité du gouvernement (Suntucci, 2001a :47-48)… Ce rapprochement est

4
Le CDT est traditionnellement lié au USFP jusqu’au 6ème Congrès du parti de 2001, l’année de grandes divergences et
de séparation de AL Amaoui, chef de CDT, qui crée avec les grévistes le Congrès National Ittihadi.
5
Ce Mohammed Karim Lamrani était trois fois Premier ministre : de 6 août 1971 jusqu’à 2 novembre 1972, de 30
novembre 1983 jusqu’à 30 septembre 1986, et de 30 septembre 1986 jusqu’à 11 août 1992. Cet homme politique
n’avait besoin que de 9 ans de primaire pour devenir au début de 1992 le premier fortuné au Maroc.
6
Le parti de l’Union Constitutionnelle est crée en 1983 par M. Bouabid sous l’ordre de la monarchie comme une
étape pour préparer l’opération politique de 1984 qui sera soldée, pour la première fois de l’histoire politique du Maroc,
par un gouvernement monarcho-parlementaire.
concrétisé en 1992 par la création de la Koutla Addemocratia (ou bloc démocratique) avec le PPS, l’OADP
et l’UNFP.

A la veille des législations de 1992, la Koutla affirme son choix de continuer son opposition en critiquant les
résultats du scrutin. Les partis de Wifaq (UC, MP, PND) ont totalisé 88 sièges, l’opposition 101 et le RNI 28
sièges, pour un total de 222. Ainsi pour la révision de la constitution de 1992, l’opposition rassemblée au
sein du Koutla demande le départ immédiat du ministre de l’intérieur Idriss Basri et mobilise une masse
populaire pour voter contre accusant la nouvelle constitution de lutte contre la démocratie(Daoud &
Ouchelem, 1997). Et afin de stabiliser les tensions et de débloquer la situation, le Roi propose d’accéder au
gouvernement à condition qu’il choisisse, lui- même, la personne du primaire et les ministres de
souveraineté. L’opposition refuse la présence maintenue du D. Basri et des députés de RNI- parti officiel.

Devant cette impasse, le Roi se trouve déçu de la position de l’opposition et nomme un gouvernement
technocrate de A. Filali en 1993 en dehors de la majorité avec l’intention de convaincre l’opposition. Un an
plus tard, le Roi renouvelle son offre et l’opposition refuse encore en rappelant ses conditions.

C : la phase de l’alternance politique 1997 à 2OO2

Cette troisième phase est précédée en 1996 par une révision constitutionnelle, pour un Parlement bicaméral,
à laquelle l’USFP, le parti d’opposition de fer à la monarchie, participe pour la première fois. Ce changement
d’attitude du parti est justifié par ses dirigeants d’avoir être sûrs que pour la première fois le gouvernement
serait issu des urnes (Daoud & Ouchelem, 1997). Le seul parti de l’opposition qui se prononce contre le
référendum constitutionnel est l’OADP. Ce choix du parti a manifesté des tensions internes qui finiront par
le diviser en septembre 1996, et certains de ses cadres créeront le Parti Social Démocrate (PSD).

Le 28 février 1997, onze partis politiques dont cinq de l’opposition, signent sous le patronage du D. Basri un
engagement, qui est ni politique ni organisationnel7. Les deux acteurs de la charte (l’administration et les
partis) se disent responsables. L’administration devrait veiller au respect de la loi, prendre une position
neutre et sanctionner les partis illégaux. Quant aux partis, ils devraient mobiliser une population positive et
ne pas contester, à priori, les résultats. Il s’agit d’une rénovation de la pratique politique dans un pays
dépolitisé jusqu’au aux profonds de son âme.

Il faut attendre le 14 mars 1997 pour que le Roi nomme Abderrahman Youssofi, comme premier ministre. Et
c’était le fruit du projet entreprit par le Roi depuis 1992, pour dire que la désignation de ce gouvernement
était la fin d’une phase de cinq ans de précipitation politique, pour convaincre l’opposition de détacher d’un
ensemble d’idées politiques particulières. Le Roi gagne le cours et le gouvernement de Youssofi se trouve
bloqué entre une politique économique dont le champ de libération est délimitée d’avance et un parlement
bicaméral dont une deuxième chambre, la chambre basse se constitue de conseillers en général analphabètes
et opportunistes, créée spécialement pour neutraliser le gouvernement, si nécessaire.

Rémy Leveau considére ce gouvernement de Youssofi comme « une opération réussie de rénovation du
Makhzen » (Leveau, 1998). Cette expérience d’alternance n’a pas pu échapper à l’intervention de
l’administration. Cette intervention est investie comme une simple technique de régulation visant à interdire
toute coalition avec les islamistes, considérés comme la vraie opposition, et donner une carte politique
privée de toute majorité pour que le Roi maintienne présent son rôle d’arbitrage et de décideur ultime8.

Sept partis politique participent au gouvernement de Youssoufi : l’USFP, le PI, le PPS, le RNI, le
Mouvement National Populaire (MNP)9, le PSD et le Front des Forces Démocratiques (FFD)10. Les rapports

7
Selon un dirigeant d'un parti historique recréé, l'engagement entre D. Basri et les partis politiques notamment USFP
s'agit d'une charte d'honneur arrêtée par ceux qui n'ont pas d'honneur.
8
Observation à rappeler, il y a un scénario identique qui se prépare pour les élections qui se dérouleront en 2007, à
commencer par l'apparition de nouveaux partis ayant chacun des missions spécifiques dans la carte politique future.
9
Le parti du Mouvement National Populaire (MNP) est créé en 1991 par M. Ahardane après avoir été contrebalancé de
la tête du MP au profit de son frère rival M. Laenser.
10
Le parti du Front des Forces Démocratiques (FFD) a été créé en 1997 par T. Khyari.
de pouvoir de ce gouvernement avec le Roi sont pacifiques. Quant aux critiques subies par Youssoufi, elles
ont été communiquées par (Daoud, 1999):

- son propre parti ( de la jeunesse de l’USFP et du syndicat CDT ,affilié historique du grand parti ,qui était à
l'origine de plusieurs grèves et aussi elle s'est opposé à une loi de privatisation en se joignant à l’opposition
de droite dans la deuxième chambre) ;
- des alliés de la coalition. A ce niveau le PI n’a pas hésité d’exprimer ses différences et pratiquait un pied
dedans un pied dehors, et le PPS voit que le Premier ministre ne va pas très vite pour dérouler les
changements, ainsi l'OADP accuse « l’absence d’une volonté politique de déclencher une dynamique de
changement sur une base de consensus national productif » (Daoud, 1999)

Le gouvernement de l’alternance compare une opposition acharnée : des partis de droite utilisant les deux
chambres pour bloquer des lois ; des professionnels de l’audiovisuel qui deviennent grévistes alors que la
réforme du secteur de leurs métiers est en retard; de la presse écrite saisie et interdite ; des diplômés
chômeurs, déçus par les promesses des projets d’emploi, manifestent et se font réprimés ; de la monté en
puissance des islamistes comme nouvelles force d’opposition … En général, la société civile s’impatiente et
retire sa confiance. C’était le décevoir du public marocain de voir enfin le parti, sur lequel ont porté leurs
espoirs de changements pendant plus de 30 ans, s'incline et délaisse sa force et ses valeurs.

Le processus de démocratisation des institutions marocaines relancé deux fois en 1975 et en 1997 sous les
deux marques de la transition démocratique et de l’alternance politique respectivement échoue. Ainsi,
plusieurs facteurs expliquent cet échec :

- la volonté de la monarchie est toujours ambiguë;

- l’absence d’une direction de transition démocratique, ainsi on trouve Herzni se demande sommes-nous
devant une direction de principes de la transition démocratique ? Pour ce dernier en apparence n’est pas
vraie parce que la direction des principes conditionne l’existence d’un programme de transition et « le
programme cité ne peut être établi s’il ne vise pas des changements au niveau politique constitutionnel et au
niveau de la politique économique suivie» (Harzni, 2004), ajoute ce dernier;

- Les alliances politiques des partis marocains n’ont pas moins de signification et n’arrivent pas à s’imposer.
Cela revient à ce que la plus part d’entre eux n’ont rien d’idéologique. Seulement, ils sont reconnus par la
légitimité de la présence historique. Un parti politique se définit par un projet, des idées, une idéologie, c'est-
à-dire par tout un cadre de pensé auquel on peut se reconnaître ou s’opposer. Pour réaffirmer que l’histoire
est le seul critère de reconnaître les partis, supposés grands, qui blanchissent le régime autoritaire, on cite :
• d’une part, que les partis dits de Gauche, leur inspiration de l’idéologie marxiste n’a pas d’influence
sur leur orientation globale et lorsqu'ils l’évoquent, c'est pour affirmer leur existence dans un pays à
dominante religieuse (Tozy, 1999) ; et
• d’autre part, le PI qui dit s’inspirer d’une idiologie arabo-musulmane n’aboutira jamais à la
construction du pays mais plutôt à le détruire et à raser les valeurs du Grand Maghreb (partie Nord
de la Géographie de Tamazgha) et le rapprocher plutôt de l’Orient que de l’Islam, comme affirment
certains idéologues de là-bas. Car l’islam est universel, il n’est pas une religion orientale.

- Autre facteur explicatif est celui du phénomène de mobilité des députés entre les partis politiques et qui est
un détournement de la volonté publique. Layadi et Rerhaye parlent de phénomène de transhumance (Layafi
& Rerhaye, 1998). Enfin, la nouvelle loi des partis vient pour corriger ce phénomène.

Depuis le début des années 90, débute un processus de rapprochement exigé des partis de la droite que de la
gauche sur la seule unité du Roi. Cette nouvelle direction s’est imposée au fil des risques qui triomphent
avec la montée en puissance des partis islamistes comme nouvelle opposition forte. Avec ce rapprochement,
la monarchie se prépare pour éviter toute alliance de l’opposition avec les islamistes.

***********
Ce modeste travail, à notre avis, est une étape essentielle pour comprendre à la fois le champ et la pratique politique au Maroc,
notamment dans sa logique historique.
Une prochaine recherche sera intitulée « l’opposition à l'époque du gouvernement de Jettou ». Nous consacrerons l’article pour :
présenter un background de la notion de l’opposition, modéliser les rapports et modes de lutte des acteurs,- quels acteurs, contre-les
détenteurs du pouvoir, étudier les événements de l’élection de 2002 et comprendre l’opposition à l'époque du gouvernement de
Jettou par l’application dudit modèle.

Références

1- Bendourou O. 2000, le régime politique marocain, Dar Al Qalam, Rabat,


2- Daoud Z & Ouchelem B. (1997), vers une transition tranquille, juin 1997
3- Daoud Z. (1999) "Le Maroc en mutation, L’alternance à l’épreuve des faits",
disponible in: http://www.mondediplomatique.fr/1999/04/DAOUD/11895.html
4- Harezni A (2004) (en arabe), la transition démocratique au Maroc, Publications Aoudad Lel Ittissal.
5- Layafi F & Rerhaye N. (1998), Maroc chronique d’une démocratie en devenir, EDDIF.
6- Leveau R (1998), Monarchie, Acteur Central Du Système Politique. Disponible in : http://www.monde-
diplomatique.fr/1998/11/LEVEAU/11275
7- Rachidi N. & Errachidi H (2004) (en arabe), problématique de la transition démocratique et les parties
politique « vérité de discours et discours de vérité » , mémoire pour obtenir la licence en droit présenté à
l’université Mohamed I, Faculté de Droit, année universitaire 2003-2004.
8- Santucci J.-C. (2001), les partis politiques marocains à l’épreuve du pouvoir, Publication de la Revue
Marocaines D’Administration Locale Et De Développement, 1ère édition. Disponible
in:http://www.lejournal-hebdo.com/article.php3?id_article=358
9- Tozy M. (1999), Monarchie et Islam Politique au Maroc, Presses des Sciences PO, 2ème édition.

Vous aimerez peut-être aussi