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EN EL OJO DEL HURACAN NICARAGUA DANS L'CEIL DU CYCLONE Sous la direction de JOEL DELHOM & ALAIN MusseT LE NICARAGUA INTRODUCTION A UNE AMERIQUE LATINE EXTREME Joe. DeLtHom* ALAIN MusseT** Nicaragua/C’est Managua/La ville/!! reste encore/Une ratale/Un signe/Une blessure/Sur le futur/Fragile/Palais déserts/Des aigls en piere/Se signent/Quand a mémoirerit Vhistore/atine. Bernard Laviliers, Nicaragua, 1988. ce sans aucun doute démesurée, si ’on s'en tient a de simples données tistiques concernant la superficie (121 000 km2), la population (4,8 mil- lions d’habitants en 1998), ou le Produit intérieur brut (moins de 9 miliards de dollars en 1998, selon la méthode dite « a parité des pouvoirs d’achats » de la Banque mondiale). On entendrait peu parler de lui s'il n’était pas réguligre- ‘ment frappé par de grandes catastrophes (tremblements de terre, éruptions vol- caniques, cyclones, inondations..., qui éveilent de temps en temps intérét des ‘médias internationaux pour ces quelques arpents de terre tropicale martyrisés paar une « nature ingrate ». Ces cataclysmes meurtrersjalonnent histoire du pays, marquent la mémoire collective, transforment la topographie, provo- {quent des déplacements de populations et méme de vills enteres, appelle Alain Musset dans cet ouvrage. « Fatalité!», diront certains. Peut-étre pas autant qu’on | «¢ Nicaragua occupe dans la mémoire collective des Européens une pla- * Université de Bretagne-Sud, Lovet EHESS, Pars. JOEL DELHOM, ALAIN MUSSET pourrait le croire... Depuis la colonisation espagnole, le « centre de gravité » poll tique, économique et humain du pays est ancré & ouest, sur la facade Pacifique, dans une zone aux risques multiples, ce qui aggrave la vulnérabilité de la popu- lation. En outre, au Nicaragua comme ailleurs, le « risque naturel » est avant tout expression d'une réalité sociale, et parfois d'un enjeu politique. Le « sous- développement », mais aussi 'ampleur des disparités économiques expliquent. fen grande parti la fragilté d’un pays mal équipé pour faire face a des phéno- rmenes catastrophiques récurrents. Le désastre provoqué par le passage du cyclone Mitch, en octobre 1998, est cet égard révélateur des tensions qui déch- rent a société nicaraguayenne, comme I'a bien montré Sébastien Hardy dans son analyse des coulées de boue qui ont emporté plusieurs vilages sur les flancs, du volean Casita, provoquant la mort de plus de deux mille personnes. Cependant, le Nicaragua ne se limite pas & une longue ltanie de désastres, ni des chiffres qui le placent parmi les pays le plus pauvres d’ Amérique lati- ne, avec un indice de développement humain qui atteignait a peine 0,616 en 1997 (121¢ rang mondial) tres loin derriére son voisn le Costa Rica (0,801 ; 45° rang) ou encore les fameux « pays émergents », tels le Brésil (0,739 ; 79® rang) le Mexique (0,786 ; 50® rang), Argentine (0,827 ; 39® rang) ou le Chili (0,844 ; 34° rang). A bien des égards, ce petit morceau du puzzle centraméricain semble tre un résumé ou une caricature de Amérique latine tout entire, avec son his- toire chaotique, marquée par la dictature de la famille Somoza, ses structures socio-économiques particulérement inégalitaires, ses relations conflictuelles avec les Etats-Unis. Si Alain Rouquié a pu écrire que I’Amérique latine était un ‘extréme occident, le Nicaragua est sans aucun doute Iexpression d'une Amérique latine extréme!. Souvent présenté comme 'archétype des « républiques bana- rire», ila cependant fasciné les Européens, en particulier dans les années 1970- 1980, quand les guéilleros du Front sandiniste de libération nationale ont vain- cu la dictature somoziste avant de résister dix longues années au blocus nord-américain et aux continuelles attaques de la Contra (la contre-révolu tion), soutenue par les stratéges du Pentagone et les experts en opérations spéciales de la CIA. II s‘agissaiten effet pour les Etats-Unis d’éviter @mergen- ce d'un nouveau Cuba sur le continent, et de faire obstacle aux visées gour- andes de F'URSS, soupconnée de vouloir de porter secours, hors de son aire influence traditionnelle, a un peuple frére agressé par Vogre capitaliste. En 1990, a la suite d’élections libres, la droite libérale s'est installée au pou- Voir & Managua avec la bénédiction de administration nord-américaine et les encouragements de la communauté internationale. Entre temps, le mur de Berlin sétat effondré, le bloc socialste avait volé en éclats et le Nicaragua avait perdu aux yeux du monde une grande partie de son intérét médiatique, phi- Tosophique et politique. Ia fallu les miliers de morts du cyclone Mitch pour qu'on sfintéresse de nouveau a la patrie de Sandino et de Rubén Dario, avant de retourner des actualités plus joyeuses ou plus sanglantes. Pourtant, 'élan de solidaritésuscité parle désastre a démontré que le Nicaragua ne lassait pas insen- sible opinion publique - signe que, peut-étre, épopée sandiniste des années 1970-1980 n’était pas complétement effacée des mémoires. 6

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