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ARISTOTE Métaphysique

TRADUCTION DU PREMIER LIVRE DE LA MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE.

I CHAPITRE PREMIER.

[980α] [21] Πάντες ἄνθρωποι τοῦ Tous les hommes ont un désir naturel de
εἰδέναι ὀρέγονται φύσει. Σημεῖον δ' savoir, comme le témoigne l'ardeur avec
ἡ τῶν αἰσθήσεων ἀγάπησις· καὶ γὰρ laquelle on recherche les connaissances qui
s'acquièrent par les sens. On les recherche en
χωρὶς τῆς χρείας ἀγαπῶνται δι'
effet pour elles-mêmes et indépendamment de
αὑτάς, καὶ μάλιστα τῶν ἄλλων ἡ διὰ leur utilité, surtout celles que nous devons à la
τῶν ὀμμάτων. Οὐ γὰρ μόνον ἵνα vue; car ce n'est pas seulement dans un but
πράττωμεν ἀλλὰ καὶ μηθὲν [25] pratique, c'est sans vouloir en faire aucun
μέλλοντες πράττειν τὸ ὁρᾶν usage, que nous préférons en quelque manière
αἱρούμεθα ἀντὶ πάντων ὡς εἰπεῖν cette sensation à toutes les autres ; cela vient
τῶν ἄλλων. Αἴτιον δ' ὅτι μάλιστα de ce qu'elle nous fait connaître plus d'objets,
ποιεῖ γνωρίζειν ἡμᾶς αὕτη τῶν et nous découvre plus de différences (01). La
αἰσθήσεων καὶ πολλὰς δηλοῖ nature a donné aux animaux la faculté de
διαφοράς. Φύσει μὲν οὖν αἴσθησιν sentir : mais chez les uns, la sensation ne
ἔχοντα γίγνεται τὰ ζῷα, ἐκ δὲ produit pas la mémoire, chez les autres, elle la
produit; et c'est pour cela que ces derniers
ταύτης τοῖς μὲν αὐτῶν οὐκ
sont plus intelligents et plus capables
ἐγγίγνεται μνήμη, τοῖς δ' d'apprendre que ceux qui n'ont pas la faculté
ἐγγίγνεται. [980β] [21] Καὶ διὰ de se ressouvenir. L'intelligence toute seule,
τοῦτο ταῦτα φρονιμώτερα καὶ sans la faculté d'apprendre, est le partage de
μαθητικώτερα τῶν μὴ δυναμένων ceux qui ne peuvent entendre les sons, comme
μνημονεύειν ἐστί, φρόνιμα μὲν ἄνευ les abeilles (02) et les autres animaux de cette
τοῦ μανθάνειν ὅσα μὴ δύναται τῶν espèce; la capacité d'apprendre est propre à
ψόφων ἀκούειν (οἷον μέλιττα κἂν εἴ tous ceux qui réunissent à la mémoire le sens
τι τοιοῦτον ἄλλο γένος ζῴων ἔστἰ, de l'ouïe. Il y a des espèces qui sont réduites à
μανθάνει [25] δ' ὅσα πρὸς τῇ μνήμῃ l'imagination (03) et à la mémoire, et qui sont
καὶ ταύτην ἔχει τὴν αἴσθησιν. Τὰ peu capables d'expérience : mais la race
humaine s'élève jusqu'à l'art et jusqu'au
μὲν οὖν ἄλλα ταῖς φαντασίαις ζῇ καὶ
raisonnement. C'est la mémoire qui dans
ταῖς μνήμαις, ἐμπειρίας δὲ μετέχει l'homme produit l'expérience; car plusieurs
μικρόν· τὸ δὲ τῶν ἀνθρώπων γένος ressouvenirs d'une même chose constituent
καὶ τέχνῃ καὶ λογισμοῖς. Γίγνεται δ' une expérience; aussi l'expérience paraît-elle
ἐκ τῆς μνήμης ἐμπειρία τοῖς presque semblable à la science et à l'art; et
ἀνθρώποις· αἱ γὰρ πολλαὶ μνῆμαι c'est de l'expérience que l'art' et la science
τοῦ αὐτοῦ πράγματος μιᾶς ἐμπειρίας viennent aux hommes; car, comme le dit Polus
δύναμιν ἀποτελοῦσιν. (04), et avec raison, c'est l'expérience qui fait
l'art, et l'inexpérience le hasard. L'art
[981α] [1] Καὶ δοκεῖ σχεδὸν commence, lorsque, de plusieurs données
empruntées à l'expérience, se forme une seule
ἐπιστήμῃ καὶ τέχνῃ ὅμοιον εἶναι καὶ
notion générale, qui s'applique à tous les cas
ἐμπειρία, ἀποβαίνει δ' ἐπιστήμη καὶ analogues. Savoir que Callias étant attaqué de
τέχνη διὰ τῆς ἐμπειρίας τοῖς telle maladie, tel remède lui a réussi, ainsi qu'à
ἀνθρώποις· ἡ μὲν γὰρ ἐμπειρία Socrate; et de même à plusieurs autres pris
τέχνην ἐποίησεν, ὡς φησὶ Πῶλος, ἡ individuellement, c'est de l'expérience; mais
[5] δ' ἀπειρία τύχην. Γίγνεται δὲ savoir d'une manière générale que tous les
τέχνη ὅταν ἐκ πολλῶν τῆς ἐμπειρίας individus compris dans une même classe et
ἐννοημάτων μία καθόλου γένηται atteints de telle maladie, de la pituite, par
περὶ τῶν ὁμοίων ὑπόληψις. Τὸ μὲν exemple, ou de la bile ou de la fièvre, ont été
γὰρ ἔχειν ὑπόληψιν ὅτι Καλλίᾳ guéris par le même remède, c'est de l'art. Pour
κάμνοντι τηνδὶ τὴν νόσον τοδὶ la pratique, l'expérience ne diffère pas de l'art,
συνήνεγκε καὶ Σωκράτει καὶ καθ' et même les hommes d'expérience atteignent
ἕκαστον οὕτω πολλοῖς, ἐμπειρίας mieux leur but que ceux qui n'ont que la
théorie sans l'expérience; la raison en est que
ἐστίν· [10] τὸ δ' ὅτι πᾶσι τοῖς
l'expérience est la connaissance du particulier,
τοιοῖσδε κατ' εἶδος ἓν ἀφορισθεῖσι, l'art celle du général, et que tout acte, tout fait
κάμνουσι τηνδὶ τὴν νόσον, tombe sur le particulier; car ce n'est pas
συνήνεγκεν, οἷον τοῖς l'homme en général que guérit le médecin,
φλεγματώδεσιν ἢ χολώδεσι [ἢ] mais l'homme particulier, mais Callias ou
πυρέττουσι καύσῳ, τέχνης. Socrate, ou tout autre individu semblable, qui
se trouve être un homme; si donc quelqu'un
Πρὸς μὲν οὖν τὸ πράττειν ἐμπειρία possède la théorie sans l'expérience, et
τέχνης οὐδὲν δοκεῖ διαφέρειν, ἀλλὰ connaît le général sans connaître le particulier
καὶ μᾶλλον ἐπιτυγχάνουσιν οἱ dont il se compose, celui-là se trompera
ἔμπειροι τῶν ἄνευ τῆς ἐμπειρίας souvent sur le remède à employer; car ce qu'il
s'agit de guérir, c'est l'individu. Cependant on
[15] λόγον ἐχόντων (αἴτιον δ' ὅτι ἡ
croit que le savoir appartient plus à l'art qu'à
μὲν ἐμπειρία τῶν καθ' ἕκαστόν ἐστι l'expérience, et on tient pour plus sages les
γνῶσις ἡ δὲ τέχνη τῶν καθόλου, αἱ hommes d'art que les hommes d'expérience;
δὲ πράξεις καὶ αἱ γενέσεις πᾶσαι car la sagesse est toujours en raison du savoir.
περὶ τὸ καθ' ἕκαστόν εἰσιν· οὐ γὰρ Et il en est ainsi parce que les premiers
ἄνθρωπον ὑγιάζει ὁ ἰατρεύων ἀλλ' ἢ connaissent la cause, tandis que les seconds
κατὰ συμβεβηκός, ἀλλὰ Καλλίαν ἢ ne la connaissent pas; les hommes
Σωκράτην ἢ τῶν ἄλλων τινὰ [20] d'expérience en effet, savent bien qu'une
τῶν οὕτω λεγομένων ᾧ συμβέβηκεν chose est, mais le pourquoi, ils l'ignorent; les
ἀνθρώπῳ εἶναι· ἐὰν οὖν ἄνευ τῆς autres, au contraire, savent le pourquoi et la
ἐμπειρίας ἔχῃ τις τὸν λόγον, καὶ τὸ cause. Aussi on regarde en toute circonstance
les architectes comme supérieurs en
καθόλου μὲν γνωρίζῃ τὸ δ' ἐν τούτῳ
considération, en savoir et en sagesse aux
καθ' ἕκαστον ἀγνοῇ, πολλάκις simples manoeuvres, parce qu'ils savent la
διαμαρτήσεται τῆς θεραπείας· raison de ce qui se fait, tandis qu'il en est de
θεραπευτὸν γὰρ τὸ καθ' ἕκαστον)· ces derniers comme de ces espèces inanimées
ἀλλ' ὅμως τό γε εἰδέναι καὶ τὸ qui agissent sans savoir ce quelles font, par
ἐπαΐειν τῇ [25] τέχνῃ τῆς ἐμπειρίας exemple, le feu qui brûle sans savoir qu'il
ὑπάρχειν οἰόμεθα μᾶλλον, καὶ brûle. Les êtres insensibles suivent l'impulsion
σοφωτέρους τοὺς τεχνίτας τῶν de leur nature; les manoeuvres suivent
ἐμπείρων ὑπολαμβάνομεν, ὡς κατὰ l'habitude; aussi n'est-ce pas par rapport à la
τὸ εἰδέναι μᾶλλον ἀκολουθοῦσαν pratique qu'on préfère les architectes aux
manoeuvres, mais par rapport à la théorie, et
τὴν σοφίαν πᾶσι· τοῦτο δ' ὅτι οἱ μὲν
parce qu'ils ont la connaissance des causes.
τὴν αἰτίαν ἴσασιν οἱ δ' οὔ. Οἱ μὲν Enfin, ce qui distingue le savant, c'est qu'il
γὰρ ἔμπειροι τὸ ὅτι μὲν ἴσασι, διότι peut enseigner; et c'est pourquoi on pense
δ' οὐκ ἴσασιν· οἱ δὲ τὸ διότι [30] καὶ qu'il y a plus de savoir dans l'art que dans
τὴν αἰτίαν γνωρίζουσιν. Διὸ καὶ l'expérience; car l'homme d'art peut enseigner,
τοὺς ἀρχιτέκτονας περὶ ἕκαστον l'homme d'expérience ne le peut pas. En outre,
τιμιωτέρους καὶ μᾶλλον εἰδέναι on n'attribue la sagesse à aucune des
νομίζομεν τῶν χειροτεχνῶν καὶ connaissances qui viennent par les sens,
σοφωτέρους, [981β] [1] ὅτι τὰς quoiqu'ils soient le vrai moyen de connaître les
αἰτίας τῶν ποιουμένων ἴσασιν (τοὺς choses particulières ; mais ils ne nous disent le
δ', ὥσπερ καὶ τῶν ἀψύχων ἔνια ποιεῖ pourquoi de rien ; par exemple, ils ne nous
apprennent pas pourquoi le feu est chaud,
μέν, οὐκ εἰδότα δὲ ποιεῖ ἃ ποιεῖ,
mais seulement qu'il est chaud. D'après cela, il
οἷον καίει τὸ πῦρ· τὰ μὲν οὖν ἄψυχα était naturel que le premier qui trouva, au-
φύσει τινὶ ποιεῖν τούτων ἕκαστον dessus des connaissances sensibles,
τοὺς δὲ χειροτέχνας [5] δι' ἔθος), ὡς communes à tous, un art quelconque, celui-là
οὐ κατὰ τὸ πρακτικοὺς εἶναι fut admiré des hommes, non seulement à
σοφωτέρους ὄντας ἀλλὰ κατὰ τὸ cause de l'utilité de ses découvertes, mais
aussi comme un sage supérieur au reste des
λόγον ἔχειν αὐτοὺς καὶ τὰς αἰτίας
hommes. Les arts s'étant multipliés, et les uns
γνωρίζειν. Ὅλως τε σημεῖον τοῦ se rapportant aux nécessités, les autres aux
εἰδότος καὶ μὴ εἰδότος τὸ δύνασθαι agréments de la vie, les inventeurs de ceux-ci
διδάσκειν ἐστίν, καὶ διὰ τοῦτο τὴν ont toujours été estimés plus sages que les
τέχνην τῆς ἐμπειρίας ἡγούμεθα inventeurs de ceux-là, parce que leurs
μᾶλλον ἐπιστήμην εἶναι· δύνανται découvertes ne se rapportaient pas à des
γάρ, οἱ δὲ οὐ δύνανται διδάσκειν. besoins. Ces deux sortes d'arts une fois
[10] Ἔτι δὲ τῶν αἰσθήσεων οὐδεμίαν trouvés, on en découvrit d'autres qui n'avaient
ἡγούμεθα εἶναι σοφίαν· καίτοι plus pour objet ni le plaisir ni la nécessité, et
κυριώταταί γ' εἰσὶν αὗται τῶν καθ' ce fut d'abord dans les pays où les hommes
ἕκαστα γνώσεις· ἀλλ' οὐ λέγουσι τὸ avaient du loisir. Ainsi, c'est en Égypte que les
mathématiques se sont formées ; là, en effet,
διὰ τί περὶ οὐδενός, οἷον διὰ τί
beaucoup de loisir était laissé à la caste des
θερμὸν τὸ πῦρ, ἀλλὰ μόνον ὅτι prêtres. Du reste, nous avons dit dans la
θερμόν. Τὸ μὲν οὖν πρῶτον εἰκὸς Morale (05) en quoi diffèrent l'art et la science
τὸν ὁποιανοῦν εὑρόντα τέχνην παρὰ et les autres degrés de connaissance; ce que
τὰς κοινὰς αἰσθήσεις θαυμάζεσθαι nous voulons établir ici, c'est que tout le
[15] ὑπὸ τῶν ἀνθρώπων μὴ μόνον monde entend par la sagesse à proprement
διὰ τὸ χρήσιμον εἶναί τι τῶν parler la connaissance des premières causes et
εὑρεθέντων ἀλλ' ὡς σοφὸν καὶ des principes; de telle sorte que, comme nous
διαφέροντα τῶν ἄλλων· πλειόνων δ' l'avons déjà dit, sous le rapport de la sagesse,
εὑρισκομένων τεχνῶν καὶ τῶν μὲν l'expérience est supérieure à la sensation, l'art
πρὸς τἀναγκαῖα τῶν δὲ πρὸς à l'expérience, l’architecte au manoeuvre et la
théorie à la pratique. Il est clair d'après cela
διαγωγὴν οὐσῶν, ἀεὶ σοφωτέρους
que la sagesse par excellence, la philosophie
τοὺς τοιούτους ἐκείνων (06) est la science de certains principes et de
ὑπολαμβάνεσθαι διὰ τὸ μὴ πρὸς [20] certaines causes.
χρῆσιν εἶναι τὰς ἐπιστήμας αὐτῶν.
Ὅθεν ἤδη πάντων τῶν τοιούτων
κατεσκευασμένων αἱ μὴ πρὸς
ἡδονὴν μηδὲ πρὸς τἀναγκαῖα τῶν
ἐπιστημῶν εὑρέθησαν, καὶ πρῶτον
ἐν τούτοις τοῖς τόποις οὗ πρῶτον
ἐσχόλασαν· διὸ περὶ Αἴγυπτον αἱ
μαθηματικαὶ πρῶτον τέχναι
συνέστησαν, ἐκεῖ γὰρ ἀφείθη
σχολάζειν [25] τὸ τῶν ἱερέων ἔθνος.
Εἴρηται μὲν οὖν ἐν τοῖς ἠθικοῖς τίς
διαφορὰ τέχνης καὶ ἐπιστήμης καὶ
τῶν ἄλλων τῶν ὁμογενῶν· οὗ δ'
ἕνεκα νῦν ποιούμεθα τὸν λόγον
τοῦτ' ἐστίν, ὅτι τὴν ὀνομαζομένην
σοφίαν περὶ τὰ πρῶτα αἴτια καὶ τὰς
ἀρχὰς ὑπολαμβάνουσι πάντες· ὥστε,
καθάπερ εἴρηται πρότερον, [30] ὁ
μὲν ἔμπειρος τῶν ὁποιανοῦν
ἐχόντων αἴσθησιν εἶναι δοκεῖ
σοφώτερος, ὁ δὲ τεχνίτης τῶν
ἐμπείρων, χειροτέχνου δὲ
ἀρχιτέκτων, αἱ δὲ θεωρητικαὶ τῶν
ποιητικῶν μᾶλλον. [982α] [1] Ὅτι
μὲν οὖν ἡ σοφία περί τινας ἀρχὰς
καὶ αἰτίας ἐστὶν ἐπιστήμη, δῆλον.
II CHAPITRE II.

Ἐπεὶ δὲ ταύτην τὴν ἐπιστήμην Puisque telle est la science que nous
ζητοῦμεν, τοῦτ' ἂν εἴη [5] σκεπτέον, cherchons, il nous faut examiner de quelles
ἡ περὶ ποίας αἰτίας καὶ περὶ ποίας causes et de quels principes s'occupe cette
ἀρχὰς ἐπιστήμη σοφία ἐστίν. εἰ δὴ science qui est la philosophie. C'est ce que
nous pourrons éclaircir par les diverses
λάβοι τις τὰς ὑπολήψεις ἃς ἔχομεν manières dont on conçoit généralement le
περὶ τοῦ σοφοῦ, τάχ' ἂν ἐκ τούτου philosophe. On entend d'abord par ce mot
φανερὸν γένοιτο μᾶλλον. l'homme qui sait tout, autant que cela est
Ὑπολαμβάνομεν δὴ πρῶτον μὲν possible, sans savoir les détails. En. second
ἐπίστασθαι πάντα τὸν σοφὸν ὡς lieu, on appelle philosophe celui qui peut
ἐνδέχεται, μὴ καθ' ἕκαστον ἔχοντα connaître les choses difficiles et peu
ἐπιστήμην [10] αὐτῶν· εἶτα τὸν τὰ accessibles à la connaissance humaine; or les
χαλεπὰ γνῶναι δυνάμενον καὶ μὴ connaissances sensibles étant communes à
ῥᾴδια ἀνθρώπῳ γιγνώσκειν, τοῦτον tous et par conséquent faciles, n'ont rien de
σοφόν (τὸ γὰρ αἰσθάνεσθαι πάντων philosophique. Ensuite on croit que plus un
homme est exact et capable d'enseigner les
κοινόν, διὸ ῥᾴδιον καὶ οὐδὲν
causes, plus il est philosophe en toute science.
σοφόν)· ἔτι τὸν ἀκριβέστερον καὶ En outre, la science qu'on étudie pour elle-
τὸν διδασκαλικώτερον τῶν αἰτιῶν même et dans le seul but de savoir, paraît
σοφώτερον εἶναι περὶ πᾶσαν plutôt la philosophie que celle qu'on apprend
ἐπιστήμην· καὶ τῶν ἐπιστημῶν δὲ en vue de ses résultats. Enfin, de deux
τὴν [15] αὑτῆς ἕνεκεν καὶ τοῦ sciences, celle qui domine l'autre, est plutôt la
εἰδέναι χάριν αἱρετὴν οὖσαν μᾶλλον philosophie que celle qui lui est subordonnée;
εἶναι σοφίαν ἢ τὴν τῶν car le philosophe rie doit pas recevoir des lois,
ἀποβαινόντων ἕνεκεν, καὶ τὴν mais en donner; et il ne doit pas obéir à un
ἀρχικωτέραν τῆς ὑπηρετούσης autre, mais c'est au moins sage à lui obéir.
μᾶλλον σοφίαν· οὐ γὰρ δεῖν
ἐπιτάττεσθαι τὸν σοφὸν ἀλλ' Telle est la nature et le nombre des idées que
nous nous formons de la philosophie et du
ἐπιτάττειν, καὶ οὐ τοῦτον ἑτέρῳ
philosophe. De tous ces caractères de la
πείθεσθαι, ἀλλὰ τούτῳ τὸν ἧττον philosophie, celui qui consiste à savoir toutes
σοφόν. choses, appartient surtout à l'homme qui
possède le mieux la connaissance du général ;
Τὰς μὲν οὖν [20] ὑπολήψεις car celui-là sait ce qui en est de tous les sujets
τοιαύτας καὶ τοσαύτας ἔχομεν περὶ particuliers. Et puis les connaissances les plus
τῆς σοφίας καὶ τῶν σοφῶν· τούτων générales sont peut-être les plus difficiles à
δὲ τὸ μὲν πάντα ἐπίστασθαι τῷ acquérir; car elles sont les plus éloignées des
μάλιστα ἔχοντι τὴν καθόλου sensations. Ensuite, les sciences les plus
ἐπιστήμην ἀναγκαῖον ὑπάρχειν exactes sont celles qui s'occupent le plus des
principes; en effet celles dont l'objet est plus
(οὗτος γὰρ οἶδέ πως πάντα τὰ
simple sont plus exactes que celles dont l'objet
ὑποκείμενἀ, σχεδὸν δὲ καὶ est plus composé; l'arithmétique, par exemple,
χαλεπώτατα ταῦτα γνωρίζειν τοῖς l'est plus que la géométrie. Ajoutez que. la
ἀνθρώποις, τὰ μάλιστα [25] science qui peut le mieux enseigner, est celle
καθόλου (πορρωτάτω γὰρ τῶν qui étudie les causes; car enseigner, c'est dire
αἰσθήσεών ἐστιν), ἀκριβέσταται δὲ les causes de chaque chose.
τῶν ἐπιστημῶν αἳ μάλιστα τῶν
πρώτων εἰσίν (αἱ γὰρ ἐξ ἐλαττόνων De plus, savoir uniquement pour savoir,
ἀκριβέστεραι τῶν ἐκ προσθέσεως appartient surtout à la science de ce qu'il y a
λεγομένων, οἷον ἀριθμητικὴ de plus scientifique; car celui qui veut
apprendre dans le seul but d'apprendre,
γεωμετρίασ)· ἀλλὰ μὴν καὶ
choisira sur toute autre la science par
διδασκαλική γε ἡ τῶν αἰτιῶν excellence, c'est-à-dire la science de ce qu'il y
θεωρητικὴ μᾶλλον (οὗτοι γὰρ a de plus scientifique; et ce qu'il y a de plus
διδάσκουσιν, οἱ τὰς [30] αἰτίας scientifique, ce sont les principes et les causes;
λέγοντες περὶ ἑκάστοὐ, τὸ δ' εἰδέναι car c'est à l'aide des principes et par eux que
καὶ τὸ ἐπίστασθαι αὐτῶν ἕνεκα nous connaissons les autres choses, et non pas
μάλισθ' ὑπάρχει τῇ τοῦ μάλιστα les principes par les sujets particuliers. Enfin,
ἐπιστητοῦ ἐπιστήμῃ (ὁ γὰρ τὸ la science souveraine, faite pour dominer
ἐπίστασθαι δι' αὑτὸ αἱρούμενος τὴν toutes les autres, est celle qui connaît pourquoi
μάλιστα ἐπιστήμην μάλιστα il faut faire chaque chose; or, ce pourquoi est
αἱρήσεται, [982β] [1] τοιαύτη δ' le bien dans chaque chose, et, en général,
c'est le bien absolu dans toute la nature (07).
ἐστὶν ἡ τοῦ μάλιστα ἐπιστητοῦ),
μάλιστα δ' ἐπιστητὰ τὰ πρῶτα καὶ
De tout ce que nous venons de dire, il résulte
τὰ αἴτια (διὰ γὰρ ταῦτα καὶ ἐκ que le mot de philosophie dont nous avons
τούτων τἆλλα γνωρίζεται ἀλλ' οὐ recherché les diverses significations, se
ταῦτα διὰ τῶν ὑποκειμένων), rapporte à une seule et même science. Une
ἀρχικωτάτη δὲ τῶν ἐπιστημῶν, καὶ telle science s'élève aux principes et aux
[5] μᾶλλον ἀρχικὴ τῆς ὑπηρετούσης, causes; or, le bien, la raison des choses, est au
ἡ γνωρίζουσα τίνος ἕνεκέν ἐστι nombre des causes. Et qu'elle n'a pas un but
πρακτέον ἕκαστον· τοῦτο δ' ἐστὶ pratique, c'est ce qui est évident par l'exemple
τἀγαθὸν ἑκάστου, ὅλως δὲ τὸ des premiers qui se sont occupés de
ἄριστον ἐν τῇ φύσει πάσῃ. Ἐξ philosophie. Ce fut en effet l'étonnement
ἁπάντων οὖν τῶν εἰρημένων ἐπὶ τὴν d'abord comme aujourd'hui, qui fit naître parmi
les hommes les recherches philosophiques.
αὐτὴν ἐπιστήμην πίπτει τὸ
Entre les phénomènes qui les frappaient, leur
ζητούμενον ὄνομα· δεῖ γὰρ ταύτην curiosité se porta d'abord sur ce qui était le
τῶν πρώτων ἀρχῶν καὶ αἰτιῶν εἶναι plus à leur portée ; puis, s'avançant ainsi peu à
θεωρητικήν· [10] καὶ γὰρ τἀγαθὸν peu, ils en vinrent à se demander compte de
καὶ τὸ οὗ ἕνεκα ἓν τῶν αἰτίων ἐστίν. plus grands phénomènes, comme des divers
Ὅτι δ' οὐ ποιητική, δῆλον καὶ ἐκ états de la lune, du soleil, des astres, et enfin
τῶν πρώτων φιλοσοφησάντων· διὰ de l'origine de l'univers. Or, douter et
γὰρ τὸ θαυμάζειν οἱ ἄνθρωποι καὶ s'étonner, c'est reconnaître son ignorance..
νῦν καὶ τὸ πρῶτον ἤρξαντο Voilà pourquoi on peut dire en quelque
φιλοσοφεῖν, ἐξ ἀρχῆς μὲν τὰ manière que l'ami de la philosophie est aussi
πρόχειρα τῶν ἀτόπων θαυμάσαντες, celui des mythes (08); car la matière du
mythe, c'est l'étonnant, le merveilleux. Si donc
εἶτα κατὰ μικρὸν οὕτω προϊόντες on a philosophé pour échapper à l'ignorance, il
[15] καὶ περὶ τῶν μειζόνων est clair qu'on a poursuivi la science pour
διαπορήσαντες, οἷον περί τε τῶν savoir et sans aucun but d'utilité. Le fait eu fait
τῆς σελήνης παθημάτων καὶ τῶν foi : car tout ce qui regarde les besoins, le
περὶ τὸν ἥλιον καὶ ἄστρα καὶ περὶ bien-être et la commodité de la vie était déjà
τῆς τοῦ παντὸς γενέσεως. Ὁ δ' trouvé, lorsqu'on entreprit un tel ordre de
ἀπορῶν καὶ θαυμάζων οἴεται recherches. Il est donc évident que nous ne
ἀγνοεῖν (διὸ καὶ ὁ φιλόμυθος cherchons la philosophie dans aucun intérêt
φιλόσοφός πώς ἐστιν· ὁ γὰρ μῦθος étranger ; et comme nous appelons homme
σύγκειται ἐκ θαυμασίων)· ὥστ' εἴπερ libre celui qui s'appartient à lui-même et qui
διὰ [20] τὸ φεύγειν τὴν ἄγνοιαν n'appartient pas à un autre, de même la
ἐφιλοσόφησαν, φανερὸν ὅτι διὰ τὸ philosophie est de toutes les sciences la seule
εἰδέναι τὸ ἐπίστασθαι ἐδίωκον καὶ libre; car seule elle est à elle-même son propre
οὐ χρήσεώς τινος ἕνεκεν. Μαρτυρεῖ but. Aussi, ne serait-ce pas sans quelque
δὲ αὐτὸ τὸ συμβεβηκός· σχεδὸν γὰρ raison qu'on regarderait comme plus
qu'humaine la possession de cette science; car
πάντων ὑπαρχόντων τῶν ἀναγκαίων la nature de l'homme est esclave à beaucoup
καὶ πρὸς ῥᾳστώνην καὶ διαγωγὴν ἡ d'égards; la divinité seule, pour parler comme
τοιαύτη φρόνησις ἤρξατο ζητεῖσθαι. Simonide (09), aurait ce privilège, et il ne
Δῆλον οὖν ὡς δι' [25] οὐδεμίαν convient pas à l'homme de ne pas se borner à
αὐτὴν ζητοῦμεν χρείαν ἑτέραν, ἀλλ' la science qui est à son usage. Si donc les
ὥσπερ ἄνθρωπος, φαμέν, ἐλεύθερος poètes disent vrai, et si la nature divine doit
ὁ αὑτοῦ ἕνεκα καὶ μὴ ἄλλου ὤν, être envieuse, c'est surtout au sujet de cette
οὕτω καὶ αὐτὴν ὡς μόνην οὖσαν prétention, et tous les téméraires qui la
ἐλευθέραν τῶν ἐπιστημῶν· μόνη γὰρ partagent, eu portent la peine. Mais la divinité
αὕτη αὑτῆς ἕνεκέν ἐστιν. Διὸ καὶ ne peut connaître l'envie; les poètes, comme
dit le proverbe, sont souvent menteurs, et il
δικαίως ἂν οὐκ ἀνθρωπίνη
n'y a pas de science à laquelle il faille attacher
νομίζοιτο αὐτῆς ἡ κτῆσις· πολλαχῇ plus de prix. Car la plus divine est celle qu'on
γὰρ ἡ φύσις δούλη τῶν [30] doit priser le plus; or, celle-ci porte seule ce
ἀνθρώπων ἐστίν, ὥστε κατὰ caractère à un double titre. En effet, une
Σιμωνίδην « θεὸς ἂν μόνος τοῦτ' science qui appartiendrait à Dieu, et qui
ἔχοι γέρας », ἄνδρα δ' οὐκ ἄξιον μὴ s'occuperait de choses divines, serait sans
οὐ ζητεῖν τὴν καθ' αὑτὸν contredit une science divine : et seule, celle
ἐπιστήμην. Εἰ δὴ λέγουσί τι οἱ dont nous parlons satisfait à ces deux
ποιηταὶ καὶ πέφυκε φθονεῖν τὸ conditions. D'une part, Dieu est reconnu de
θεῖον, [983α] [1] ἐπὶ τούτου tout le monde comme le principe même des
συμβῆναι μάλιστα εἰκὸς καὶ causes; et de l'autre, la science des causes lui
appartient exclusivement ou dans un degré
δυστυχεῖς [2] εἶναι πάντας τοὺς
supérieur. Ainsi toutes les sciences sont plus
περιττούς. Ἀλλ' οὔτε τὸ θεῖον nécessaires que la philosophie, mais nulle
φθονερὸν ἐνδέχεται εἶναι, ἀλλὰ κατὰ n'est plus excellente. Et rien ne diffère plus
τὴν παροιμίαν πολλὰ ψεύδονται que la possession de cette science et son
ἀοιδοί, οὔτε τῆς τοιαύτης ἄλλην χρὴ début. On commence, ainsi que nous l'avons
νομίζειν τιμιωτέραν. [5] Ἡ γὰρ dit, par s'étonner que les choses soient de telle
θειοτάτη καὶ τιμιωτάτη· τοιαύτη δὲ façon ; et comme on s'émerveille en présence
διχῶς ἂν εἴη μόνη· ἥν τε γὰρ μάλιστ' des automates, quand on n'en connaît pas les
ἂν ὁ θεὸς ἔχοι, θεία τῶν ἐπιστημῶν ressorts, de même nous nous étonnons des
ἐστί, κἂν εἴ τις τῶν θείων εἴη. Μόνη révolutions du soleil et de l'incommensurabilité
du diamètre; car il semble étonnant à tout le
δ' αὕτη τούτων ἀμφοτέρων
monde qu'une quantité ne puisse être mesurée
τετύχηκεν· ὅ τε γὰρ θεὸς δοκεῖ τῶν par une quantité si petite qu'elle soit. C'est,
αἰτίων πᾶσιν εἶναι καὶ ἀρχή τις, καὶ comme dit le proverbe, par le contraire et par
τὴν τοιαύτην ἢ μόνος ἢ μάλιστ' [10] le meilleur qu'il faut finir, comme il arrive dans
ἂν ἔχοι ὁ θεός. Ἀναγκαιότεραι μὲν le cas que nous venons de citer, lorsqu'enfin
οὖν πᾶσαι ταύτης, ἀμείνων δ' on est parvenu à s'en rendre compte : car rien
οὐδεμία. n'étonnerait plus un géomètre que si le
diamètre devenait commensurable.
Δεῖ μέντοι πως καταστῆναι τὴν
κτῆσιν αὐτῆς εἰς τοὐναντίον ἡμῖν Nous venons de déterminer la nature de la
τῶν ἐξ ἀρχῆς ζητήσεων. Ἄρχονται science que nous cherchons, le but de cette
μὲν γάρ, ὥσπερ εἴπομεν, ἀπὸ τοῦ science et de tout notre travail.
θαυμάζειν πάντες εἰ οὕτως ἔχει,
καθάπερ τῶν θαυμάτων ταὐτόματα
[τοῖς μήπω τεθεωρηκόσι [15] τὴν
αἰτίαν] ἢ περὶ τὰς τοῦ ἡλίου τροπὰς
ἢ τὴν τῆς διαμέτρου ἀσυμμετρίαν
(θαυμαστὸν γὰρ εἶναι δοκεῖ πᾶσι εἴ
τι τῷ ἐλαχίστῳ μὴ μετρεῖταἰ· δεῖ δὲ
εἰς τοὐναντίον καὶ τὸ ἄμεινον κατὰ
τὴν παροιμίαν ἀποτελευτῆσαι,
καθάπερ καὶ ἐν τούτοις ὅταν
μάθωσιν· οὐθὲν γὰρ [20] ἂν οὕτως
θαυμάσειεν ἀνὴρ γεωμετρικὸς ὡς εἰ
γένοιτο ἡ διάμετρος μετρητή. Τίς
μὲν οὖν ἡ φύσις τῆς ἐπιστήμης τῆς
ζητουμένης, εἴρηται, καὶ τίς ὁ
σκοπὸς οὗ δεῖ τυγχάνειν τὴν
ζήτησιν καὶ τὴν ὅλην μέθοδον.
III CHAPITRE III.

Ἐπεὶ δὲ φανερὸν ὅτι τῶν ἐξ ἀρχῆς Il est évident qu'il faut acquérir la science des
αἰτίων δεῖ λαβεῖν [25] ἐπιστήμην causes premières, puisque nous ne pensons
(τότε γὰρ εἰδέναι φαμὲν ἕκαστον, savoir une chose que quand nous croyons en
connaître la première cause. Or, on distingue
ὅταν τὴν πρώτην αἰτίαν οἰώμεθα
quatre sortes de causes, la première est
γνωρίζειν), τὰ δ' αἴτια λέγεται l'essence et la forme propre de chaque chose
τετραχῶς, ὧν μίαν μὲν αἰτίαν φαμὲν (10); car il faut pousser la recherche des
εἶναι τὴν οὐσίαν καὶ τὸ τί ἦν εἶναι causes aussi loin qu'il est possible, et c'est la
(ἀνάγεται γὰρ τὸ διὰ τί εἰς τὸν raison dernière d'une chose qui en est le
λόγον ἔσχατον, αἴτιον δὲ καὶ ἀρχὴ principe et la cause. La seconde cause est la
τὸ διὰ τί πρῶτον), ἑτέραν δὲ τὴν matière et le sujet (11); la troisième le principe
ὕλην [30] καὶ τὸ ὑποκείμενον, du mouvement (12); la quatrième, enfin, celle
τρίτην δὲ ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς qui répond à la précédente, la raison et le bien
κινήσεως, τετάρτην δὲ τὴν des choses (13); car la fin de tout phénomène
ἀντικειμένην αἰτίαν ταύτῃ, τὸ οὗ et de tout mouvement, c'est le bien. Ces points
de vue ont été suffisamment expliqués dans
ἕνεκα καὶ τἀγαθόν (τέλος γὰρ
les livres de physique (14); reprenons
γενέσεως καὶ κινήσεως πάσης τοῦτ' cependant les opinions des philosophes qui
ἐστίν), τεθεώρηται μὲν οὖν ἱκανῶς nous ont précédés dans l'étude des êtres et de
περὶ αὐτῶν ἡμῖν ἐν τοῖς περὶ la vérité. Il est évident qu'eux aussi
φύσεως, [983β] [1] ὅμως δὲ reconnaissent certaines causes et certains
παραλάβωμεν καὶ τοὺς πρότερον principes : cette revue peut donc nous être
ἡμῶν εἰς ἐπίσκεψιν τῶν ὄντων utile pour la recherche qui nous occupe. Car il
ἐλθόντας καὶ φιλοσοφήσαντας περὶ arrivera ou que nous rencontrerons un ordre de
τῆς ἀληθείας. Δῆλον γὰρ ὅτι causes que nous avions omis, ou que nous
κἀκεῖνοι λέγουσιν ἀρχάς τινας καὶ prendrons plus de confiance dans la
αἰτίας· ἐπελθοῦσιν οὖν ἔσται τι classification que nous venons d'exposer.
προὔργου τῇ μεθόδῳ τῇ νῦν· [5] ἢ
La plupart des premiers philosophes ont
γὰρ ἕτερόν τι γένος εὑρήσομεν
cherché dans la matière les principes de toutes
αἰτίας ἢ ταῖς νῦν λεγομέναις μᾶλλον
choses. Car ce dont toute chose est, d'où
πιστεύσομεν. provient toute génération et où aboutit toute
destruction, l'essence restant la même et ne
Τῶν δὴ πρώτων φιλοσοφησάντων οἱ faisant que changer d'accidents, voilà ce qu'ils
πλεῖστοι τὰς ἐν ὕλης εἴδει μόνας appellent l'élément et le principe des êtres; et
ᾠήθησαν ἀρχὰς εἶναι πάντων· ἐξ οὗ pour cette raison, ils pensent que rien ne naît
γὰρ ἔστιν ἅπαντα τὰ ὄντα καὶ ἐξ οὗ et que rien ne périt, puisque cette nature
γίγνεται πρώτου καὶ εἰς ὃ φθείρεται première subsiste toujours. Nous ne disons pas
d'une manière absolue que Socrate naît,
τελευταῖον, τῆς μὲν [10] οὐσίας
lorsqu'il devient beau ou musicien, ni qu'il périt
ὑπομενούσης τοῖς δὲ πάθεσι lorsqu'il perd ces manières d'être, attendu que
μεταβαλλούσης, τοῦτο στοιχεῖον καὶ le même Socrate, sujet de ces changements,
ταύτην ἀρχήν φασιν εἶναι τῶν n'en demeure pas moins ; il en est de même
ὄντων, καὶ διὰ τοῦτο οὔτε γίγνεσθαι pour toutes les autres choses; car il doit y avoir
οὐθὲν οἴονται οὔτε ἀπόλλυσθαι, ὡς une certaine nature, unique ou multiple, d'où
τῆς τοιαύτης φύσεως ἀεὶ viennent toutes choses, celle-là subsistant la
σωζομένης, ὥσπερ οὐδὲ τὸν même. Quant au nombre et à l'espèce de ces
Σωκράτην φαμὲν οὔτε γίγνεσθαι déments, on ne s'accorde pas.
ἁπλῶς ὅταν γίγνηται καλὸς ἢ
μουσικὸς [15] οὔτε ἀπόλλυσθαι Thalès, le fondateur de cette manière de
ὅταν ἀποβάλλῃ ταύτας τὰς ἕξεις, διὰ philosopher, prend l'eau pour principe, et voilà
pourquoi il a prétendu que la terre reposait sur
τὸ ὑπομένειν τὸ ὑποκείμενον τὸν
l'eau, amené probablement à cette opinion
Σωκράτην αὐτόν, οὕτως οὐδὲ τῶν parce qu'il avait observé que l'humide est
ἄλλων οὐδέν· ἀεὶ γὰρ εἶναί τινα l'aliment de tous les êtres, et que la chaleur
φύσιν ἢ μίαν ἢ πλείους μιᾶς ἐξ ὧν elle-même vient de l'humide et en vit (15); or,
γίγνεται τἆλλα σωζομένης ἐκείνης. ce dont viennent les choses est leur principe.
Τὸ μέντοι πλῆθος καὶ τὸ εἶδος τῆς C'est de là qu'il tira sa doctrine, et aussi de ce
τοιαύτης ἀρχῆς οὐ τὸ αὐτὸ [20] que les germes de toutes choses sont de leur
πάντες λέγουσιν, ἀλλὰ Θαλῆς μὲν ὁ nature humides, et que l'eau est le principe
τῆς τοιαύτης ἀρχηγὸς φιλοσοφίας des choses humides. Plusieurs pensent que
ὕδωρ φησὶν εἶναι (διὸ καὶ τὴν γῆν dès la plus haute antiquité, bien avant notre
ἐφ' ὕδατος ἀπεφήνατο εἶναἰ, λαβὼν époque, les premiers théologiens ont eu la
même opinion sur la nature: car ils avaient fait
ἴσως τὴν ὑπόληψιν ταύτην ἐκ τοῦ
l'Océan et Téthys auteurs de tous les
πάντων ὁρᾶν τὴν τροφὴν ὑγρὰν phénomènes de ce monde, et ils montrent les
οὖσαν καὶ αὐτὸ τὸ θερμὸν ἐκ τούτου Dieux jurant par l'eau que les poètes appellent
γιγνόμενον καὶ τούτῳ ζῶν (τὸ δ' ἐξ le Styx. En effet, ce qu'il y a de plus ancien est
οὗ γίγνεται, τοῦτ' ἐστὶν [25] ἀρχὴ ce qu'il y a de plus saint; et ce qu'il y a de plus
πάντων) - διά τε δὴ τοῦτο τὴν saint, c'est le serment. Y a-t-il réellement un
ὑπόληψιν λαβὼν ταύτην καὶ διὰ τὸ système physique dans cette vieille et antique
πάντων τὰ σπέρματα τὴν φύσιν opinion? c'est ce dont on pourrait douter (16).
ὑγρὰν ἔχειν, τὸ δ' ὕδωρ ἀρχὴν τῆς Mais pour Thalès on dit que telle fut sa
φύσεως εἶναι τοῖς ὑγροῖς. Εἰσὶ δέ doctrine. Quant à Hippon, sa pensée n'est pas
assez profonde pour qu'on puisse le placer
τινες οἳ καὶ τοὺς παμπαλαίους καὶ
parmi ces philosophes. Anaximène et Diogène
πολὺ πρὸ τῆς νῦν γενέσεως καὶ (17) prétendaient que l'air est antérieur à
πρώτους θεολογήσαντας οὕτως l'eau, et qu'il est le principe des corps simples;
οἴονται περὶ τῆς φύσεως [30] ce principe est le feu, selon Hippase de
ὑπολαβεῖν· ᾿Ωκεανόν τε γὰρ καὶ Métaponte et Héraclite d'Éphèse. Empédocle
Τηθὺν ἐποίησαν τῆς γενέσεως reconnut quatre éléments, ajoutant la terre à
πατέρας, καὶ τὸν ὅρκον τῶν θεῶν ceux que nous avons nommés; selon lui, ces
ὕδωρ, τὴν καλουμένην ὑπ' αὐτῶν éléments subsistent toujours et ne deviennent
Στύγα [τῶν ποιητῶν]· τιμιώτατον pas, mais le seul changement qu'ils subissent
μὲν γὰρ τὸ πρεσβύτατον, ὅρκος δὲ est celui de l'augmentation ou de la
τὸ τιμιώτατόν ἐστιν. diminution, lorsqu'ils s'agrègent ou se
séparent. Anaxagoras de Clazomène, qui
naquit avant ce dernier, mais qui écrivit après
[984α] [1] εἰ μὲν οὖν ἀρχαία τις lui, suppose qu'il y a une infinité de principes :
αὕτη καὶ παλαιὰ τετύχηκεν οὖσα il prétend que toutes les choses formées de
περὶ τῆς φύσεως [1] ἡ δόξα, τάχ' ἂν parties semblables comme le feu et l'eau, ne
ἄδηλον εἴη, Θαλῆς μέντοι λέγεται naissent et ne périssent qu'en ce sens que
leurs parties se réunissent ou se séparent,
οὕτως ἀποφήνασθαι περὶ τῆς
mais que du reste rien ne naît ni ne périt, et
πρώτης αἰτίας (῞Ιππωνα γὰρ οὐκ ἄν que tout subsiste éternellement. De tout cela
τις ἀξιώσειε θεῖναι μετὰ τούτων διὰ on pourrait conclure que jusqu'alors on n'avait
τὴν εὐτέλειαν [5] αὐτοῦ τῆς considéré les choses que sous le point de vue
διανοίας)· ᾿Αναξιμένης δὲ ἀέρα καὶ de la matière.
Διογένης πρότερον ὕδατος καὶ
μάλιστ' ἀρχὴν τιθέασι τῶν ἁπλῶν Quand on en fut là, la chose elle-même força
σωμάτων, ῞Ιππασος δὲ πῦρ ὁ d'avancer encore, et imposa de nouvelles
Μεταποντῖνος καὶ ῾Ηράκλειτος ὁ recherches. Si tout ce qui naît doit périr et
᾿Εφέσιος, ᾿Εμπεδοκλῆς δὲ τὰ vient d'un principe unique ou multiple,
τέτταρα, πρὸς τοῖς εἰρημένοις γῆν pourquoi en est-il ainsi et quelle en est la
προστιθεὶς τέταρτον (ταῦτα γὰρ ἀεὶ cause? car ce n'est pas le sujet qui peut se
changer lui-même ; l'airain, par exemple, et le
διαμένειν καὶ οὐ [10] γίγνεσθαι ἀλλ'
bois ne se changent pas eux-mêmes, et ne se
ἢ πλήθει καὶ ὀλιγότητι, font pas l'un statue, l'autre lit, mais il y a
συγκρινόμενα καὶ διακρινόμενα εἰς quelque autre cause à ce changement. Or,
ἕν τε καὶ ἐξ ἑνός)· ᾿Αναξαγόρας δὲ ὁ chercher cette cause, c'est chercher un antre
Κλαζομένιος τῇ μὲν ἡλικίᾳ πρότερος principe, le principe du mouvement, comme
ὢν τούτου τοῖς δ' ἔργοις ὕστερος nous disions. Ceux des anciens qui dans
ἀπείρους εἶναί φησι τὰς ἀρχάς· l'origine touchèrent ce sujet, et qui avaient
σχεδὸν γὰρ ἅπαντα τὰ ὁμοιομερῆ pour système l'unité de substance, ne se
καθάπερ ὕδωρ ἢ πῦρ οὕτω tourmentèrent pas de cette difficulté; mais
γίγνεσθαι καὶ [15] ἀπόλλυσθαί φησι, quelques-uns de ces partisans de l'unité,
συγκρίσει καὶ διακρίσει μόνον, inférieurs en quelque sorte à cette question,
disent que l'unité et tout ce qui est, réel
ἄλλως δ' οὔτε γίγνεσθαι οὔτ'
n'admet pas de mouvement (18), ni pour la
ἀπόλλυσθαι ἀλλὰ διαμένειν ἀΐδια. génération et la corruption, ni même pour tout
autre changement. Aussi, de tous ceux qui
Ἐκ μὲν οὖν τούτων μόνην τις αἰτίαν partent de l'unité du tout, pas un ne s'est
νομίσειεν ἂν τὴν ἐν ὕλης εἴδει occupé de ce point de vue, si ce n'est peut-
λεγομένην· προϊόντων δ' οὕτως, être Parménide, et encore ne le fait-il qu'autant
αὐτὸ τὸ πρᾶγμα ὡδοποίησεν αὐτοῖς qu'à côté de son système de l'unité, il admet
καὶ συνηνάγκασε ζητεῖν· εἰ γὰρ ὅτι en quelque sorte deux principes. Mais ceux qui
μάλιστα [20] πᾶσα γένεσις καὶ admettent la pluralité des principes, le chaud
φθορὰ ἔκ τινος ἑνὸς ἢ καὶ πλειόνων et le froid, par exemple, ou le feu et la terre,
étaient plus à même d'arriver à cet ordre des
ἐστίν, διὰ τί τοῦτο συμβαίνει καὶ τί
recherches; car ils attribuaient au feu la
τὸ αἴτιον; Οὐ γὰρ δὴ τό γε puissance motrice, à l'eau, à la terre et aux
ὑποκείμενον αὐτὸ ποιεῖ μεταβάλλειν autres éléments de cette sorte, la qualité
ἑαυτό· λέγω δ' οἷον οὔτε τὸ ξύλον contraire. Après ces philosophes et de pareils
οὔτε ὁ χαλκὸς αἴτιος τοῦ principes, comme ces principes étaient
μεταβάλλειν ἑκάτερον αὐτῶν, οὐδὲ insuffisants pour produire les choses, la vérité
ποιεῖ τὸ μὲν ξύλον κλίνην ὁ δὲ elle même, comme nous l'avons déjà dit, força
χαλκὸς ἀνδριάντα, [25] ἀλλ' ἕτερόν de recourir à un autre principe. En effet, il n'est
τι τῆς μεταβολῆς αἴτιον. Τὸ δὲ guère vraisemblable que ni le feu, ni la terre,
τοῦτο ζητεῖν ἐστὶ τὸ τὴν ἑτέραν ni aucun autre élément de ce genre, soit la
ἀρχὴν ζητεῖν, ὡς ἂν ἡμεῖς φαίημεν, cause de l'ordre et de la beauté qui règnent.
dans le monde, éternellement chez certains
ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως. Οἱ μὲν
êtres, passagèrement chez d'autres ; ni que
οὖν πάμπαν ἐξ ἀρχῆς ἁψάμενοι τῆς ces philosophes aient eu une pareille pensée :
μεθόδου τῆς τοιαύτης καὶ ἓν d'un autre côté, rapporter un tel résultat au
φάσκοντες εἶναι τὸ ὑποκείμενον hasard ou à la fortune n'eût pas été
οὐθὲν ἐδυσχέραναν ἑαυτοῖς, ἀλλ' raisonnable. Aussi quand un homme vint dire
qu'il y avait dans la nature, comme dans les
ἔνιοί [30] γε τῶν ἓν λεγόντων,
animaux, une intelligence qui est la cause de
ὥσπερ ἡττηθέντες ὑπὸ ταύτης τῆς l'arrangement et de l'ordre de l'univers, cet
ζητήσεως, τὸ ἓν ἀκίνητόν φασιν homme parut seul avoir conservé sa raison au
εἶναι καὶ τὴν φύσιν ὅλην οὐ μόνον milieu des folies de ses devanciers. Or, nous
κατὰ γένεσιν καὶ φθοράν (τοῦτο μὲν savons avec certitude qu'Anaxagoras entra le
γὰρ ἀρχαῖόν τε καὶ πάντες premier dans ce point de vue; avant lui
ὡμολόγησαν) ἀλλὰ καὶ κατὰ τὴν Hermotime de Clazomène paraît l'avoir
ἄλλην μεταβολὴν πᾶσαν· καὶ τοῦτο soupçonné. Ces nouveaux philosophes
αὐτῶν ἴδιόν ἐστιν. érigèrent en même temps cette cause de
l'ordre en principe des êtres, principe doué de
[984β] [1] Τῶν μὲν οὖν ἓν la vertu d'imprimer le mouvement.
φασκόντων εἶναι τὸ πᾶν οὐθενὶ
On pourrait dire qu'avant eux, Hésiode avait
συνέβη τὴν τοιαύτην συνιδεῖν
entrevu cette vérité, Hésiode ou quiconque a
αἰτίαν πλὴν εἰ ἄρα Παρμενίδῃ, καὶ mis dans les êtres comme principe l'amour ou
τούτῳ κατὰ τοσοῦτον ὅσον οὐ le désir, par exemple Parménide. Celui-ci dit en
μόνον ἓν ἀλλὰ καὶ δύο πως τίθησιν effet dans sa théorie de la formation
αἰτίας εἶναι· [5] τοῖς δὲ δὴ πλείω del'univers:
ποιοῦσι μᾶλλον ἐνδέχεται λέγειν,
οἷον τοῖς θερμὸν καὶ ψυχρὸν ἢ πῦρ «Il fit l'amour le premier de tous les Dieux (19).
καὶ γῆν· χρῶνται γὰρ ὡς κινητικὴν »
ἔχοντι τῷ πυρὶ τὴν φύσιν, ὕδατι δὲ
καὶ γῇ καὶ τοῖς τοιούτοις Hésiode dit de son côté :
τοὐναντίον.
« Avant toutes choses était le chaos ; ensuite,
Μετὰ δὲ τούτους καὶ τὰς τοιαύτας
ἀρχάς, ὡς οὐχ ἱκανῶν οὐσῶν La terre au vaste sein...
γεννῆσαι τὴν τῶν ὄντων φύσιν,
πάλιν [10] ὑπ' αὐτῆς τῆς ἀληθείας, Puis l'amour, le plus beau de tous les
immortels (20). »
ὥσπερ εἴπομεν, ἀναγκαζόμενοι τὴν
ἐχομένην ἐζήτησαν ἀρχήν. Τοῦ γὰρ
Comme s'ils avaient reconnu la nécessité
εὖ καὶ καλῶς τὰ μὲν ἔχειν τὰ δὲ d'une cause dans les êtres capable de donner
γίγνεσθαι τῶν ὄντων ἴσως οὔτε πῦρ le mouvement et le lien aux choses. Quant à la
οὔτε γῆν οὔτ' ἄλλο τῶν τοιούτων question de savoir à qui appartient la priorité,
οὐθὲν οὔτ' εἰκὸς αἴτιον εἶναι οὔτ' qu'il nous soit permis de la décider plus tard
ἐκείνους οἰηθῆναι· οὐδ' αὖ τῷ (21).
αὐτομάτῳ καὶ τύχῃ τοσοῦτον
ἐπιτρέψαι [15] πρᾶγμα καλῶς εἶχεν. Ensuite, comme à côté du bien dans la nature,
Νοῦν δή τις εἰπὼν ἐνεῖναι, καθάπερ on voyait aussi son contraire, non seulement
ἐν τοῖς ζῴοις, καὶ ἐν τῇ φύσει τὸν de l'ordre et de la beauté, mais aussi du
αἴτιον τοῦ κόσμου καὶ τῆς τάξεως désordre et de la laideur, comme le mal
paraissait même l'emporter sur le bien et le
πάσης οἷον νήφων ἐφάνη παρ' εἰκῇ
laid sur le beau, un autre philosophe introduisit
λέγοντας [18] τοὺς πρότερον. l'amitié et la discorde, causes opposées de ces
Φανερῶς μὲν οὖν ᾿Αναξαγόραν effets opposés. Car si l'on veut suivre de près
ἴσμεν ἁψάμενον τούτων τῶν λόγων, Empédocle, et s'attacher au fond de sa pensée
αἰτίαν δ' ἔχει πρότερον ῾Ερμότιμος plutôt qu'à la manière presqu'enfantine dont il
[20] ὁ Κλαζομένιος εἰπεῖν. Οἱ μὲν l'exprime, on trouvera que l'amitié est la cause
οὖν οὕτως ὑπολαμβάνοντες ἅμα τοῦ du bien, et la discorde celle du mal ; de sorte
καλῶς τὴν αἰτίαν ἀρχὴν εἶναι τῶν que peut-être n'aurait-t-on pas tort de dire
ὄντων ἔθεσαν, καὶ τὴν τοιαύτην qu'Empédocle a parlé en quelque manière et a
parlé le premier du bien et du mal comme
ὅθεν ἡ κίνησις ὑπάρχει τοῖς οὖσιν.
principes, puisque le principe de tous les biens
est le bien lui-même, et le mal le principe de
Ὑποπτεύσειε δ' ἄν τις ῾Ησίοδον tout ce qui est mauvais.
πρῶτον ζητῆσαι τὸ τοιοῦτον, κἂν εἴ
τις ἄλλος ἔρωτα ἢ ἐπιθυμίαν ἐν τοῖς Jusqu'ici nous avons vu ces
οὖσιν ἔθηκεν [25] ὡς ἀρχήν, οἷον philosophesreconnaître deux des genres de
καὶ Παρμενίδης· καὶ γὰρ οὗτος causes déterminés par nous dans la Physique,
κατασκευάζων τὴν τοῦ παντὸς la matière et le principe du mouvement ; mais
γένεσιν ils l'ont fait confusément et indistinctement,
comme agissent dans les combats les soldats
Πρώτιστον μέν (φησιν) ἔρωτα θεῶν mal exercés; ceux-ci frappent souvent de bons
μητίσατο πάντων coups dans la mêlée, mais ils le font sans
science; de même nos philosophes paraissent
avoir parlé sans bien savoir ce qu'ils disaient,
PARMENIDE fr. 13 (Diels), ῾Ησίοδος car l'usage qu'on les voit taire de leurs
δὲ principes est nul ou peu s'en faut. Anaxagoras
se sert de l'intelligence comme d'une machine
Πάντων μὲν πρώτιστα χάος γένετ', pour faire le monde, et quand il désespère de
αὐτὰρ ἔπειτα trouver la cause réelle d'un phénomène, il
produit l'intelligence sur la scène; mais dans
γαῖ' εὐρύστερνος . . . tout autre cas, il aime mieux donner aux faits
une autre cause. Empédocle se sert
ἠδ' ἔρος, ὃς πάντεσσι μεταπρέπει davantage, mais d'une manière insuffisante
ἀθανάτοισιν, encore, de ses principes, et dans leur emploi il
ne s'accorde pas avec lui-même. Souvent chez
lui, l'amitié sépare, la discorde réunit : en effet,
HES. Th. 116-20 ὡς δέον ἐν τοῖς [30] lorsque dans l'univers les éléments sont
οὖσιν ὑπάρχειν τιν' αἰτίαν ἥτις séparés par la discorde, toutes les particules
κινήσει καὶ συνάξει τὰ πράγματα. de feu n'en sont pas moins unies en un tout,
Τούτους μὲν οὖν πῶς χρὴ διανεῖμαι ainsi que celles de chacun des autres
περὶ τοῦ τίς πρῶτος, ἐξέστω κρίνειν éléments; et lors-qu'au contraire c'est l'amitié
ὕστερον· ἐπεὶ δὲ καὶ τἀναντία τοῖς qui unit tous les éléments, il faut bien pour
ἀγαθοῖς ἐνόντα ἐφαίνετο ἐν τῇ cela que les particules de chaque élément se
φύσει, καὶ οὐ μόνον τάξις καὶ τὸ divisent.
καλὸν ἀλλὰ καὶ ἀταξία καὶ τὸ
αἰσχρόν, [985α] [1] καὶ πλείω τὰ Empédocle fut donc le premier des anciens qui
κακὰ τῶν ἀγαθῶν καὶ τὰ φαῦλα τῶν employa en le divisant le principe du
mouvement, et ne supposa plus une cause
καλῶν, οὕτως ἄλλος τις φιλίαν unique, mais deux causes différentes et
εἰσήνεγκε καὶ νεῖκος, ἑκάτερον opposées. Quant à la matière, il est le premier
ἑκατέρων αἴτιον τούτων. Εἰ γάρ τις qui ait parlé des quatre éléments; toutefois, il
ἀκολουθοίη καὶ λαμβάνοι πρὸς τὴν ne s'en sert pas comme s'ils étaient quatre,
διάνοιαν [5] καὶ μὴ πρὸς ἃ mais comme s'ils n'étaient que deux, à savoir,
ψελλίζεται λέγων ᾿Εμπεδοκλῆς, le feu tout seul, et en opposition au feu, la
εὑρήσει τὴν μὲν φιλίαν αἰτίαν οὖσαν terre, l'air et l'eau, ne faisant qu'une seule et
τῶν ἀγαθῶν τὸ δὲ νεῖκος τῶν même nature. C'est là du moins ce que ses
κακῶν· ὥστ' εἴ τις φαίη τρόπον τινὰ vers donnent à entendre.
καὶ λέγειν καὶ πρῶτον λέγειν τὸ
κακὸν καὶ τὸ ἀγαθὸν ἀρχὰς Voilà, selon nous, la nature et le nombre des
᾿Εμπεδοκλέα, τάχ' ἂν λέγοι καλῶς, principes d'Empédocle. Leucippe et son ami
εἴπερ τὸ τῶν ἀγαθῶν ἁπάντων Démocrite disent que les éléments primitifs
αἴτιον [10] αὐτὸ τἀγαθόν ἐστι [καὶ sont le plein et le vide, qu'ils appellent l'être et
le non être; le plein ou le solide, c'est l'être; le
τῶν κακῶν τὸ κακόν].
vide ou le rare, c'est le non-être; c'est pourquoi
ils disent que l'être n'existe pas plus que le
Οὗτοι μὲν οὖν, ὥσπερ λέγομεν, καὶ non-être, parce que le corps n'existe pas plus
μέχρι τούτου δυοῖν αἰτίαιν ὧν ἡμεῖς que le vide : telles sont, sous le point de vue
διωρίσαμεν ἐν τοῖς περὶ φύσεως de la matière, les causes des êtres. Et de
ἡμμένοι φαίνονται, τῆς τε ὕλης καὶ même que ceux qui posent comme principe
τοῦ ὅθεν ἡ κίνησις, ἀμυδρῶς μέντοι une substance unique, expliquent tout le reste
καὶ οὐθὲν σαφῶς ἀλλ' οἷον ἐν ταῖς par les modifications de cette substance, en
μάχαις οἱ ἀγύμναστοι ποιοῦσιν· καὶ donnant pour principe à ces modifications le
γὰρ ἐκεῖνοι περιφερόμενοι [15] rare et le dense, de même aussi ces
τύπτουσι πολλάκις καλὰς πληγάς, philosophes placent dans les différences les
causes de toutes choses; ces différences sont
ἀλλ' οὔτε ἐκεῖνοι ἀπὸ ἐπιστήμης
au nombre de trois, la forme, l'ordre et la
οὔτε οὗτοι ἐοίκασιν εἰδέναι ὅ τι position : ils disent en effet que les différences
λέγουσιν· σχεδὸν γὰρ οὐθὲν de l'être viennent de la configuration, de
χρώμενοι φαίνονται τούτοις ἀλλ' ἢ l'arrangement et de la tournure (22); or, la
κατὰ μικρόν. ᾿Αναξαγόρας τε γὰρ configuration c'est la forme, l'arrangement
μηχανῇ χρῆται τῷ νῷ πρὸς τὴν c'est l'ordre, la tournure c'est la position. Ainsi,
κοσμοποιίαν, καὶ ὅταν ἀπορήσῃ διὰ A diffère de N par la forme, AN de NA par
τίν' αἰτίαν [20] ἐξ ἀνάγκης ἐστί, l'ordre, et Z de N par la position. Quant au
τότε παρέλκει αὐτόν, ἐν δὲ τοῖς mouvement, à ses lois et à sa cause, ils ont
ἄλλοις πάντα μᾶλλον αἰτιᾶται τῶν traité cette question très négligemment,
γιγνομένων ἢ νοῦν, καὶ comme les autres philosophes. Nos devanciers
donc n'ont pas été plus loin sur ces deux
᾿Εμπεδοκλῆς ἐπὶ πλέον μὲν τούτου
genres de causes.
χρῆται τοῖς αἰτίοις, οὐ μὴν οὔθ'
ἱκανῶς, οὔτ' ἐν τούτοις εὑρίσκει τὸ
ὁμολογούμενον. Πολλαχοῦ γοῦν
αὐτῷ ἡ μὲν φιλία διακρίνει τὸ δὲ
νεῖκος συγκρίνει. [25] Ὅταν μὲν γὰρ
εἰς τὰ στοιχεῖα διίστηται τὸ πᾶν ὑπὸ
τοῦ νείκους, τότε τὸ πῦρ εἰς ἓν
συγκρίνεται καὶ τῶν ἄλλων
στοιχείων ἕκαστον· ὅταν δὲ πάλιν
ὑπὸ τῆς φιλίας συνίωσιν εἰς τὸ ἕν,
ἀναγκαῖον ἐξ ἑκάστου τὰ μόρια
διακρίνεσθαι πάλιν.

᾿Εμπεδοκλῆς μὲν οὖν παρὰ τοὺς


πρότερον πρῶτος [30] τὸ τὴν αἰτίαν
διελεῖν εἰσήνεγκεν, οὐ μίαν ποιήσας
τὴν τῆς κινήσεως ἀρχὴν ἀλλ' ἑτέρας
τε καὶ ἐναντίας, ἔτι δὲ τὰ ὡς ἐν ὕλης
εἴδει λεγόμενα στοιχεῖα τέτταρα
πρῶτος εἶπεν (οὐ μὴν χρῆταί γε
τέτταρσιν ἀλλ' ὡς δυσὶν οὖσι
μόνοις, [985β] [1] πυρὶ μὲν καθ'
αὑτὸ τοῖς δ' ἀντικειμένοις ὡς μιᾷ
φύσει, γῇ τε καὶ ἀέρι καὶ ὕδατι·
λάβοι δ' ἄν τις αὐτὸ θεωρῶν ἐκ τῶν
ἐπῶν)·

Οὗτος μὲν οὖν, ὥσπερ λέγομεν,


οὕτω τε καὶ τοσαύτας εἴρηκε τὰς
ἀρχάς· Λεύκιππος δὲ καὶ ὁ ἑταῖρος
[5] αὐτοῦ Δημόκριτος στοιχεῖα μὲν
τὸ πλῆρες καὶ τὸ κενὸν εἶναί φασι,
λέγοντες τὸ μὲν ὂν τὸ δὲ μὴ ὄν,
τούτων δὲ τὸ μὲν πλῆρες καὶ
στερεὸν τὸ ὄν, τὸ δὲ κενὸν τὸ μὴ ὄν
(διὸ καὶ οὐθὲν μᾶλλον τὸ ὂν τοῦ μὴ
ὄντος εἶναί φασιν, ὅτι οὐδὲ τοῦ
κενοῦ τὸ σῶμἀ, αἴτια δὲ τῶν ὄντων
ταῦτα ὡς [10] ὕλην. Καὶ καθάπερ οἱ
ἓν ποιοῦντες τὴν ὑποκειμένην
οὐσίαν τἆλλα τοῖς πάθεσιν αὐτῆς
γεννῶσι, τὸ μανὸν καὶ τὸ πυκνὸν
ἀρχὰς τιθέμενοι τῶν παθημάτων,
τὸν αὐτὸν τρόπον καὶ οὗτοι τὰς
διαφορὰς αἰτίας τῶν ἄλλων εἶναί
φασιν. Ταύτας μέντοι τρεῖς εἶναι
λέγουσι, σχῆμά τε καὶ τάξιν καὶ [15]
θέσιν· διαφέρειν γάρ φασι τὸ ὂν
ῥυσμῷ καὶ διαθιγῇ καὶ τροπῇ μόνον·
τούτων δὲ ὁ μὲν ῥυσμὸς σχῆμά
ἐστιν ἡ δὲ διαθιγὴ τάξις ἡ δὲ τροπὴ
θέσις· διαφέρει γὰρ τὸ μὲν Α τοῦ Ν
σχήματι τὸ δὲ ΑΝ τοῦ ΝΑ τάξει τὸ δὲ
Ζ τοῦ Η θέσει. Περὶ δὲ κινήσεως,
ὅθεν ἢ πῶς ὑπάρξει τοῖς οὖσι, καὶ
[20] οὗτοι παραπλησίως τοῖς ἄλλοις
ῥᾳθύμως ἀφεῖσαν. Περὶ μὲν οὖν τῶν
δύο αἰτιῶν, ὥσπερ λέγομεν, ἐπὶ
τοσοῦτον ἔοικεν ἐζητῆσθαι παρὰ
τῶν πρότερον.
IV CHAPITRE IV.

Ἐν δὲ τούτοις καὶ πρὸ τούτων οἱ Parmi eux et avant eux, ceux qu'on nomme
καλούμενοι Πυθαγόρειοι τῶν Pythagoriciens, s'étant occupés des
μαθημάτων ἁψάμενοι πρῶτοι ταῦτά mathématiques, furent les premiers à les
mettre en avant; et nourris dans cette étude,
τε προήγαγον, καὶ [25] ἐντραφέντες
ils pensèrent que les principes de cette science
ἐν αὐτοῖς τὰς τούτων ἀρχὰς τῶν étaient les principes de tous les êtres. Comme,
ὄντων ἀρχὰς ᾠήθησαν εἶναι de leur nature, les nombres sont les premiers
πάντων. Ἐπεὶ δὲ τούτων οἱ ἀριθμοὶ des êtres, et comme ils leur paraissaient avoir
φύσει πρῶτοι, ἐν δὲ τούτοις plus d'analogie avec les choses et les
ἐδόκουν θεωρεῖν ὁμοιώματα πολλὰ phénomènes que le feu, l'air ou l'eau, que, par
τοῖς οὖσι καὶ γιγνομένοις, μᾶλλον ἢ exemple, telle modification des nombres
ἐν πυρὶ καὶ γῇ καὶ ὕδατι, ὅτι τὸ μὲν semblait être la justice, telle autre rame et
τοιονδὶ τῶν ἀριθμῶν πάθος l'intelligence, telle autre l'à-propos (23), et à
δικαιοσύνη [30] τὸ δὲ τοιονδὶ ψυχή peu près ainsi de toutes les autres choses;
comme ils voyaient de plus dans les nombres
τε καὶ νοῦς ἕτερον δὲ καιρὸς καὶ
les modifications et les rapports de l'harmonie
τῶν ἄλλων ὡς εἰπεῖν ἕκαστον ; par ces motifs joints à ces deux premiers que
ὁμοίως, ἔτι δὲ τῶν ἁρμονιῶν ἐν la nature entière a été formée à la
ἀριθμοῖς ὁρῶντες τὰ πάθη καὶ τοὺς ressemblance des nombres, et que les
λόγους, nombres sont les premiers de tous les êtres, ils
posèrent les éléments des nombres comme les
Ἐπεὶ δὴ τὰ μὲν ἄλλα τοῖς ἀριθμοῖς éléments de tous les êtres, et le ciel tout entier
ἐφαίνοντο τὴν φύσιν ἀφωμοιῶσθαι comme une harmonie et un nombre. Tout ce
πᾶσαν, οἱ δ' ἀριθμοὶ πάσης τῆς qu'ils pouvaient montrer dans les nombres et
φύσεως πρῶτοι, [986α] [1] τὰ τῶν dans la musique qui s'accordât avec les
ἀριθμῶν στοιχεῖα τῶν ὄντων phénomènes du ciel, ses parties et toute son
ordonnance, ils le recueillirent, et ils en
στοιχεῖα πάντων ὑπέλαβον εἶναι,
composèrent un système; et si quelque chose
καὶ τὸν ὅλον οὐρανὸν ἁρμονίαν manquait, ils y suppléaient pour que le
εἶναι καὶ ἀριθμόν· καὶ ὅσα εἶχον système fût bien d'accord et complet. Par
ὁμολογούμενα ἔν τε τοῖς ἀριθμοῖς exemple, comme la décade paraît être quelque
καὶ ταῖς ἁρμονίαις πρὸς [5] τὰ τοῦ chose de parfait et qui embrasse tous les
οὐρανοῦ πάθη καὶ μέρη καὶ πρὸς nombres possibles, ils prétendent qu'il y a dix
τὴν ὅλην διακόσμησιν, ταῦτα corps en mouvement dans le ciel, et comme il
συνάγοντες ἐφήρμοττον. Κἂν εἴ τί n'y en a que neuf de visibles, il en supposent
που διέλειπε, προσεγλίχοντο τοῦ un dixième qu'ils appellent antichthone (24).
συνειρομένην πᾶσαν αὐτοῖς εἶναι Mais tout ceci a été déterminé ailleurs avec
τὴν πραγματείαν· λέγω δ' οἷον, plus de soin (25). Si nous y revenons, c'est
pour constater à leur égard comme pour les
ἐπειδὴ τέλειον ἡ δεκὰς εἶναι δοκεῖ
autres écoles, quels principes ils posent, et
καὶ πᾶσαν περιειληφέναι τὴν τῶν comment ces principes tombent sous notre
ἀριθμῶν φύσιν, [10] καὶ τὰ classification. Or, ils paraissent penser que le
φερόμενα κατὰ τὸν οὐρανὸν δέκα nombre est principe des êtres sous le point de
μὲν εἶναί φασιν, ὄντων δὲ ἐννέα vue de la matière, en y comprenant les
μόνον τῶν φανερῶν διὰ τοῦτο attributs et les manières d'être; que les
δεκάτην τὴν ἀντίχθονα ποιοῦσιν. éléments du nombre sont le pair et l'impair;
Διώρισται δὲ περὶ τούτων ἐν ἑτέροις que l'impair est fini, le pair infini; que l'unité
ἡμῖν ἀκριβέστερον. Ἀλλ' οὗ δὴ χάριν tient de ces deux éléments, car elle est à la
ἐπερχόμεθα, τοῦτό ἐστιν ὅπως fois pair et impair (26), et que le nombre vient
de l'unité; enfin que les nombres sont tout le
λάβωμεν καὶ παρὰ τούτων τίνας
ciel. D'autres pythagoriciens disent qu'il y a dix
εἶναι τιθέασι τὰς [15] ἀρχὰς καὶ πῶς principes, dont voici la liste :
εἰς τὰς εἰρημένας ἐμπίπτουσιν
αἰτίας. Φαίνονται δὴ καὶ οὗτοι τὸν Fini et infini,
ἀριθμὸν νομίζοντες ἀρχὴν εἶναι καὶ
ὡς ὕλην τοῖς οὖσι καὶ ὡς πάθη τε Impair et pair,
καὶ ἕξεις, τοῦ δὲ ἀριθμοῦ στοιχεῖα
τό τε ἄρτιον καὶ τὸ περιττόν, Unité et pluralité,
τούτων δὲ τὸ μὲν πεπερασμένον τὸ
δὲ ἄπειρον, τὸ δ' ἓν ἐξ ἀμφοτέρων Droit et gauche,
εἶναι τούτων [20] (καὶ γὰρ ἄρτιον
εἶναι καὶ περιττόν), τὸν δ' ἀριθμὸν Mâle et femelle,
ἐκ τοῦ ἑνός, ἀριθμοὺς δέ, καθάπερ
εἴρηται, τὸν ὅλον οὐρανόν. Repos et mouvement,

ἕτεροι δὲ τῶν αὐτῶν τούτων τὰς Droit et courbe,


ἀρχὰς δέκα λέγουσιν εἶναι τὰς κατὰ
συστοιχίαν λεγομένας, Lumière et ténèbres,

πέρας [καὶ] ἄπειρον, Bien et mal,

Carré et toute figure à côtés inégaux (27).


περιττὸν [καὶ] ἄρτιον,
Alcmæon de Crotone paraît avoir professé une
ἓν [καὶ] πλῆθος, doctrine semblable : il la reçut des
Pythagoriciens ou ceux-ci la reçurent de lui;
δεξιὸν [καὶ] ἀριστερόν, car l'époque où il florissait correspond à la
vieillesse de Pythagore; et son système se
ἄρρεν [25] [καὶ] θῆλυ, rapproche de celui de ces philosophes. Il dit
que la plupart des choses humaines sont
ἠρεμοῦν [καὶ] κινούμενον, doubles, désignant par là leurs oppositions,
mais, à la différence de ceux-ci, sans les
εὐθὺ [καὶ] καμπύλον, déterminer, et prenant au hasard le blanc et le
noir, le doux et l'amer, le bon et le mauvais, le
petit et le grand. Il s'exprima ainsi d'une
φῶς [καὶ] σκότος,
manière indéterminée sur tout le reste, tandis
que les Pythagoriciens montrèrent quelles sont
ἀγαθὸν [καὶ] κακόν, ces oppositions et combien il y en a. On peut
donc tirer de ces deux systèmes que les
τετράγωνον [καὶ] ἑτερόμηκες· contraires sont les principes des choses et de
l'un deux quel est le nombre et la nature de
ὅνπερ τρόπον ἔοικε καὶ ᾿Αλκμαίων ὁ ces principes. Maintenant comment est-il
Κροτωνιάτης ὑπολαβεῖν, καὶ ἤτοι possible de les ramener à ceux que nous avons
οὗτος παρ' ἐκείνων ἢ ἐκεῖνοι παρὰ posés, c'est ce qu'eux-mêmes n'articulent pas
τούτου παρέλαβον τὸν λόγον clairement; mais ils semblent les considérer
τοῦτον· καὶ γὰρ [ἐγένετο τὴν sous le point de vue de la matière; car ils
disent que ces principes constituent le fonds
ἡλικίαν] ᾿Αλκμαίων [30] [ἐπὶ
dont se composent et sont formés les êtres.
γέροντι Πυθαγόρᾳ,] ἀπεφήνατο [δὲ] Nous en avons dit assez pour faire comprendre
παραπλησίως τούτοις· φησὶ γὰρ la pensée de ceux des anciens qui admettent
εἶναι δύο τὰ πολλὰ τῶν la pluralité dans les éléments de la nature.
ἀνθρωπίνων, λέγων τὰς
ἐναντιότητας οὐχ ὥσπερ οὗτοι Il en est d'autres qui ont considéré le tout
διωρισμένας ἀλλὰ τὰς τυχούσας, comme étant un être unique, mais ils diffèrent
οἷον λευκὸν μέλαν, γλυκὺ πικρόν, et par le mérite de l'explication et par la
ἀγαθὸν κακόν, μέγα μικρόν. Οὗτος manière de concevoir la nature de cette unité.
μὲν οὖν ἀδιορίστως ἀπέρριψε περὶ Il n'est nullement de notre sujet, dans cette
τῶν λοιπῶν, [986β] [1] οἱ δὲ recherche des principes, de nous occuper
d'eux; car ils ne font pas comme quelques-uns
Πυθαγόρειοι καὶ πόσαι καὶ τίνες αἱ
des physiciens qui, ayant posé une substance
ἐναντιώσεις [2] ἀπεφήναντο. Παρὰ unique, engendrent l'être de cette unité
μὲν οὖν τούτων ἀμφοῖν τοσοῦτον considérée sous le point de vue de la matière ;
ἔστι λαβεῖν, ὅτι τἀναντία ἀρχαὶ τῶν ils procèdent autrement : les physiciens en
ὄντων· τὸ δ' ὅσαι παρὰ τῶν ἑτέρων, effet ajoutent le mouvement pour engendrer
καὶ τίνες αὗταί εἰσιν. Πῶς μέντοι l'univers; ceux-ci prétendent que l'univers est
πρὸς [5] τὰς εἰρημένας αἰτίας immobile ; mais nous n'en dirons que ce qui se
ἐνδέχεται συνάγειν, σαφῶς μὲν οὐ rapporte à notre sujet. L'unité de Parménide
διήρθρωται παρ' ἐκείνων, ἐοίκασι δ' paraît avoir été une unité rationnelle, celle de
ὡς ἐν ὕλης εἴδει τὰ στοιχεῖα τάττειν· Mélisse une unité matérielle, et c'est pourquoi
ἐκ τούτων γὰρ ὡς ἐνυπαρχόντων l'un la donne comme finie, l'autre comme
συνεστάναι καὶ πεπλάσθαι φασὶ τὴν infinie. Xénophane (28) qui le premier parla
d'unité (car Parménide passe pour son
οὐσίαν. disciple), ne s'est pas expliqué d'une manière
précise et paraît étranger au point de vue de
Τῶν μὲν οὖν παλαιῶν καὶ πλείω l'un et l'autre de ses deux successeurs; mais
λεγόντων τὰ στοιχεῖα τῆς φύσεως ἐκ ayant considéré l'ensemble du inonde, il dit
τούτων ἱκανόν [10] ἐστι θεωρῆσαι que l'unité est Dieu. Encore une fois, il faut
τὴν διάνοιαν· εἰσὶ δέ τινες οἳ περὶ négliger ces philosophes dans la recherche qui
τοῦ παντὸς ὡς μιᾶς οὔσης φύσεως nous occupe, et deux surtout, dont les idées
ἀπεφήναντο, τρόπον δὲ οὐ τὸν sont un peu trop grossières, Xénophane et
αὐτὸν πάντες οὔτε τοῦ καλῶς οὔτε Mélisse. Parménide paraît avoir eu des vues
τοῦ κατὰ τὴν φύσιν. Εἰς μὲν οὖν τὴν plus profondes : persuadé que, hors de l'être,
le non-être n'est rien, il pense que l'être est
νῦν σκέψιν τῶν αἰτίων οὐδαμῶς
nécessairement un, et qu'il n'y a rien autre
συναρμόττει περὶ αὐτῶν ὁ λόγος (οὐ chose que lui; c'est un point sur lequel nous
γὰρ ὥσπερ ἔνιοι τῶν φυσιολόγων ἓν nous sommes expliqués plus clairement dans
ὑποθέμενοι [15] τὸ ὂν ὅμως la Physique ; mais forcé de se mettre d'accord
γεννῶσιν ὡς ἐξ ὕλης τοῦ ἑνός, ἀλλ' avec les faits, et, en admettant l'unité par la
ἕτερον τρόπον οὗτοι λέγουσιν· raison, d'admettre aussi la pluralité par les
ἐκεῖνοι μὲν γὰρ προστιθέασι sens, Parménide en revint à poser deux
κίνησιν, γεννῶντές γε τὸ πᾶν, οὗτοι principes et deux causes, le chaud et le froid,
δὲ ἀκίνητον εἶναί φασιν)· οὐ μὴν par exemple le feu et la terre; il rapporte l'un
ἀλλὰ τοσοῦτόν γε οἰκεῖόν ἐστι τῇ de ces deux principes, le chaud à l'être, et
νῦν σκέψει. Παρμενίδης μὲν γὰρ l'autre au non-être.
ἔοικε τοῦ κατὰ τὸν λόγον ἑνὸς
Voici le résultat de ce que nous avons dit, et de
ἅπτεσθαι, Μέλισσος [20] δὲ τοῦ
tous les systèmes que nous avons parcourus
κατὰ τὴν ὕλην (διὸ καὶ ὁ μὲν jusqu'ici : chez les premiers de ces
πεπερασμένον ὁ δ' ἄπειρόν φησιν philosophes, un principe corporel; car l'eau, le
εἶναι αὐτό)· Ξενοφάνης δὲ πρῶτος feu et les autres choses de cette nature sont
τούτων ἑνίσας (ὁ γὰρ Παρμενίδης des corps, principe unique selon les uns,
τούτου λέγεται γενέσθαι μαθητής) multiple selon les autres, mais toujours
οὐθὲν διεσαφήνισεν, οὐδὲ τῆς considéré sous le point de vue de la matière;
φύσεως τούτων οὐδετέρας ἔοικε chez quelques-uns, d'abord ce principe, et à
θιγεῖν, ἀλλ' εἰς τὸν ὅλον οὐρανὸν côté de ce principe, celui du mouvement,
ἀποβλέψας τὸ ἓν εἶναί φησι τὸν [25] unique dans certains systèmes, double dans
d'autres. Ainsi, jusqu'à l'école italique
θεόν. Οὗτοι μὲν οὖν, καθάπερ
exclusivement, les anciens philosophes ont
εἴπομεν, ἀφετέοι πρὸς τὴν νῦν parlé de toutes ces choses d'une manière
ζήτησιν, οἱ μὲν δύο καὶ πάμπαν ὡς vague, et n'ont mis en usage, ainsi que nous
ὄντες μικρὸν ἀγροικότεροι, l'avons dit, que deux sortes de principes, dont
Ξενοφάνης καὶ Μέλισσος· l'un, celui du mouvement, est regardé tantôt
Παρμενίδης δὲ μᾶλλον βλέπων ἔοικέ comme unique et tantôt comme double. Quant
που λέγειν· παρὰ γὰρ τὸ ὂν τὸ μὴ ὂν aux Pythagoriciens, comme les précédents, ils
οὐθὲν ἀξιῶν εἶναι, ἐξ ἀνάγκης ἓν ont posé deux principes ; mais ils ont en outre
οἴεται εἶναι, τὸ ὄν, καὶ [30] ἄλλο introduit cette doctrine qui leur est propre,
οὐθέν (περὶ οὗ σαφέστερον ἐν τοῖς savoir: que le fini, l'infini et l'unité, ne sont pas
περὶ φύσεως εἰρήκαμεν), des qualités distinctes des sujets où ils se
trouvent, comme le feu, la terre et tout autre
ἀναγκαζόμενος δ' ἀκολουθεῖν τοῖς
principe semblable sont distincts de leurs
φαινομένοις, καὶ τὸ ἓν μὲν κατὰ τὸν qualités, niais qu'ils constituent l'essence
λόγον πλείω δὲ κατὰ τὴν αἴσθησιν même des choses auxquelles on les attribue;
ὑπολαμβάνων εἶναι, δύο τὰς αἰτίας de sorte que le nombre est l'essence de toutes
καὶ δύο τὰς ἀρχὰς πάλιν τίθησι, choses (29). Ils se sont expliqués sur ces
points de la manière que nous venons de dire,
θερμὸν καὶ ψυχρόν, οἷον πῦρ καὶ
et de plus, ils ont commencé à s'occuper de
γῆν λέγων· [987α] [1] τούτων δὲ l'essence des choses et ont essayé de définir;
κατὰ μὲν τὸ ὂν τὸ θερμὸν τάττει mais leur essai fut un peu trop grossier. Ils
θάτερον δὲ κατὰ τὸ μὴ ὄν. définissaient superficiellement, et le premier
objet auquel avait l'air de convenir la définition
Ἐκ μὲν οὖν τῶν εἰρημένων καὶ παρὰ donnée, ils le considéraient comme l'essence
τῶν συνηδρευκότων ἤδη τῷ λόγῳ de la chose définie; comme si l'on pensait, par
σοφῶν ταῦτα παρειλήφαμεν, παρὰ exemple, que le double est la même chose que
μὲν τῶν πρώτων σωματικήν τε τὴν le nombre deux, parce que c'est dans le
ἀρχήν (ὕδωρ γὰρ καὶ [5] πῦρ καὶ τὰ nombre deux que se rencontre en premier lieu
τοιαῦτα σώματά ἐστιν), καὶ τῶν μὲν le caractère du double ; mais deux ou double
ne sont pourtant pas la même chose, ou si
μίαν τῶν δὲ πλείους τὰς ἀρχὰς τὰς
non, l'unité sera multiple, ce qui arrive dans le
σωματικάς, ἀμφοτέρων μέντοι système Pythagoricien. Voilà ce qu'on peut
ταύτας ὡς ἐν ὕλης εἴδει τιθέντων, tirer des premiers philosophes et de leurs
παρὰ δέ τινων ταύτην τε τὴν αἰτίαν successeurs.
τιθέντων καὶ πρὸς ταύτῃ τὴν ὅθεν ἡ
κίνησις, καὶ ταύτην παρὰ τῶν μὲν
μίαν παρὰ τῶν δὲ δύο. Μέχρι μὲν
[10] οὖν τῶν ᾿Ιταλικῶν καὶ χωρὶς
ἐκείνων μορυχώτερον εἰρήκασιν οἱ
ἄλλοι περὶ αὐτῶν, πλὴν ὥσπερ
εἴπομεν δυοῖν τε αἰτίαιν τυγχάνουσι
κεχρημένοι, καὶ τούτων τὴν ἑτέραν
οἱ μὲν μίαν οἱ δὲ δύο ποιοῦσι, τὴν
ὅθεν ἡ κίνησις· οἱ δὲ Πυθαγόρειοι
δύο μὲν τὰς ἀρχὰς κατὰ τὸν αὐτὸν
εἰρήκασι τρόπον, τοσοῦτον [15] δὲ
προσεπέθεσαν ὃ καὶ ἴδιόν ἐστιν
αὐτῶν, ὅτι τὸ πεπερασμένον καὶ τὸ
ἄπειρον [καὶ τὸ ἓν] οὐχ ἑτέρας τινὰς
ᾠήθησαν εἶναι φύσεις, οἷον πῦρ ἢ
γῆν ἤ τι τοιοῦτον ἕτερον, ἀλλ' αὐτὸ
τὸ ἄπειρον καὶ αὐτὸ τὸ ἓν οὐσίαν
εἶναι τούτων ὧν κατηγοροῦνται, διὸ
καὶ ἀριθμὸν εἶναι τὴν οὐσίαν
πάντων. Περί τε [20] τούτων οὖν
τοῦτον ἀπεφήναντο τὸν τρόπον, καὶ
περὶ τοῦ τί ἐστιν ἤρξαντο μὲν λέγειν
καὶ ὁρίζεσθαι, λίαν δ' ἁπλῶς
ἐπραγματεύθησαν. Ὡρίζοντό τε γὰρ
ἐπιπολαίως, καὶ ᾧ πρώτῳ ὑπάρξειεν
ὁ λεχθεὶς ὅρος, τοῦτ' εἶναι τὴν
οὐσίαν τοῦ πράγματος ἐνόμιζον,
ὥσπερ εἴ τις οἴοιτο ταὐτὸν εἶναι
διπλάσιον καὶ τὴν [25] δυάδα διότι
πρῶτον ὑπάρχει τοῖς δυσὶ τὸ
διπλάσιον. Ἀλλ' οὐ ταὐτὸν ἴσως ἐστὶ
τὸ εἶναι διπλασίῳ καὶ δυάδι· εἰ δὲ
μή, πολλὰ τὸ ἓν ἔσται, ὃ κἀκείνοις
συνέβαινεν. Παρὰ μὲν οὖν τῶν
πρότερον καὶ τῶν ἄλλων τοσαῦτα
ἔστι λαβεῖν.
V CHAPITRE V.

Μετὰ δὲ τὰς εἰρημένας φιλοσοφίας ἡ Après ces différentes philosophies, parut la


Πλάτωνος ἐπεγένετο [30] philosophie de Platon , qui suivit en beaucoup
πραγματεία, τὰ μὲν πολλὰ τούτοις de points ses devanciers, mais qui eut aussi
ses points de doctrine particuliers, et alla plus
ἀκολουθοῦσα, τὰ δὲ καὶ ἴδια παρὰ
loin que l'école italique. Dès sa jeunesse,
τὴν τῶν ᾿Ιταλικῶν ἔχουσα Platon se familiarisa dans le commerce de
φιλοσοφίαν. Ἐκ νέου τε γὰρ Cratyle avec les opinions d'Héraclite, que
συνήθης γενόμενος πρῶτον toutes les choses sensibles sont dans un
Κρατύλῳ καὶ ταῖς ῾Ηρακλειτείοις perpétuel écoulement, et qu'il n'y a pas de
δόξαις, ὡς ἁπάντων τῶν αἰσθητῶν science de ces choses; et dans la suite, il
ἀεὶ ῥεόντων καὶ ἐπιστήμης περὶ garda ces opinions. D'une autre part, Socrate
αὐτῶν οὐκ οὔσης, ταῦτα μὲν καὶ s'étant occupé de morale, et non plus d'un
ὕστερον οὕτως ὑπέλαβεν· [987β] [1] système de physique, et ayant d'ail-leurs
Σωκράτους δὲ περὶ μὲν τὰ ἠθικὰ cherché dans la morale ce qu'il y a d'universel
πραγματευομένου περὶ δὲ τῆς ὅλης , et porté le premier son attention sur les
définitions, Platon qui le suivit et le continua
φύσεως οὐθέν, ἐν μέντοι τούτοις τὸ
fut amené à penser que les définitions
καθόλου ζητοῦντος καὶ περὶ devaient porter sur un ordre d'êtres à part et
ὁρισμῶν ἐπιστήσαντος πρώτου τὴν nullement sur les objets sensibles; car
διάνοιαν, ἐκεῖνον ἀποδεξάμενος διὰ comment une définition commune
τὸ τοιοῦτον [5] ὑπέλαβεν ὡς περὶ s'appliquerait-elle aux choses sensibles, livrées
ἑτέρων τοῦτο γιγνόμενον καὶ οὐ à un perpétuel changement? Or, ces autres
τῶν αἰσθητῶν· ἀδύνατον γὰρ εἶναι êtres, il les appela Idées, et dit que les choses
τὸν κοινὸν ὅρον τῶν αἰσθητῶν sensibles existent en dehors des idées et sont
τινός, ἀεί γε μεταβαλλόντων. Οὗτος nommées d'après elles; car il pensait que
οὖν τὰ μὲν τοιαῦτα τῶν ὄντων ἰδέας toutes les choses d'une même classe tiennent
προσηγόρευσε, τὰ δ' αἰσθητὰ παρὰ leur nom commun des idées, en vertu de leur
participation avec elles (30). Du reste, le mot
ταῦτα καὶ κατὰ ταῦτα λέγεσθαι
de participation est le seul changement qu'il
πάντα· κατὰ μέθεξιν γὰρ εἶναι τὰ apporta; les Pythagoriciens en effet disent que
[10] πολλὰ ὁμώνυμα τοῖς εἴδεσιν. les êtres sont à l'imitation des nombres, Platon
Τὴν δὲ μέθεξιν τοὔνομα μόνον en participation avec les idées. Comment se
μετέβαλεν· οἱ μὲν γὰρ Πυθαγόρειοι fait maintenant cette participation ou cette
μιμήσει τὰ ὄντα φασὶν εἶναι τῶν imitation des idées ? c'est ce que celui-ci et
ἀριθμῶν, Πλάτων δὲ μεθέξει, ceux-là ont également négligé de rechercher.
τοὔνομα μεταβαλών. Τὴν μέντοι γε De plus, outre les choses sensibles et les idées,
μέθεξιν ἢ τὴν μίμησιν ἥτις ἂν εἴη il reconnaît des êtres intermédiaires qui sont
τῶν εἰδῶν ἀφεῖσαν ἐν κοινῷ ζητεῖν. les choses mathématiques, différentes des
choses sensibles en ce qu'elles sont éternelles
Ἔτι δὲ παρὰ τὰ αἰσθητὰ [15] καὶ τὰ
et immuables, et des idées en ce qu'elles
εἴδη τὰ μαθηματικὰ τῶν πραγμάτων admettent un grand nombre de semblables ,
εἶναί φησι μεταξύ, διαφέροντα τῶν tandis que toute idée en elle-même a son
μὲν αἰσθητῶν τῷ ἀΐδια καὶ ἀκίνητα existence à part (31). Voyant dans les idées les
εἶναι, τῶν δ' εἰδῶν τῷ τὰ μὲν πόλλ' raisons des choses, il pensa que leurs
ἄττα ὅμοια εἶναι τὸ δὲ εἶδος αὐτὸ ἓν éléments étaient les éléments de tous les
ἕκαστον μόνον. Ἐπεὶ δ' αἴτια τὰ εἴδη êtres. Les principes dans ce système sont
τοῖς ἄλλοις, τἀκείνων στοιχεῖα donc, sous le point de vue de la matière, le
πάντων ᾠήθη τῶν ὄντων εἶναι [20] grand et le petit, et sous celui de l'essence,
στοιχεῖα. Ὡς μὲν οὖν ὕλην τὸ μέγα l'unité; et en tant que formées de ces principes
et participant de l'unité, les idées sont les
καὶ τὸ μικρὸν εἶναι ἀρχάς, ὡς δ' nombres. Ainsi, en avançant que l'unité est
οὐσίαν τὸ ἕν· ἐξ ἐκείνων γὰρ κατὰ l'essence des êtres et que rien autre chose que
μέθεξιν τοῦ ἑνὸς [τὰ εἴδη] εἶναι τοὺς cette essence n'a le titre d'unité, Platon se
ἀριθμούς. Τὸ μέντοι γε ἓν οὐσίαν rapprocha des pythagoriciens, et il dit comme
εἶναι, καὶ μὴ ἕτερόν γέ τι ὂν eux que les nombres sont les causes des
λέγεσθαι ἕν, παραπλησίως τοῖς choses et de leur essence; mais faire une
Πυθαγορείοις ἔλεγε, καὶ τὸ τοὺς dualité de cet infini qu'ils regardaient comme
ἀριθμοὺς αἰτίους εἶναι τοῖς ἄλλοις un, et composer l'infini du grand et da petit,
[25] τῆς οὐσίας ὡσαύτως ἐκείνοις· voilà ce qui lui est propre; avec cette
τὸ δὲ ἀντὶ τοῦ ἀπείρου ὡς ἑνὸς prétention que les nombres existent en dehors
des choses sensibles, tandis que les
δυάδα ποιῆσαι, τὸ δ' ἄπειρον ἐκ
pythagoriciens disent que les nombres sont les
μεγάλου καὶ μικροῦ, τοῦτ' ἴδιον· καὶ choses mêmes, et ne donnent pas aux choses
ἔτι ὁ μὲν τοὺς ἀριθμοὺς παρὰ τὰ mathématiques un rang intermédiaire. Cette
αἰσθητά, οἱ δ' ἀριθμοὺς εἶναί φασιν existence que Platon attribue à l'unité et au
αὐτὰ τὰ πράγματα, καὶ τὰ nombre en dehors des choses, à la différence
μαθηματικὰ μεταξὺ τούτων οὐ des pythagoriciens, ainsi que l'introduction des
τιθέασιν. Τὸ μὲν οὖν τὸ ἓν καὶ τοὺς idées, est due à ses recherches logiques (car
[30] ἀριθμοὺς παρὰ τὰ πράγματα les premiers philosophes étaient étrangers à la
ποιῆσαι, καὶ μὴ ὥσπερ οἱ dialectique ) ; et il fut conduit à faire une
Πυθαγόρειοι, καὶ ἡ τῶν εἰδῶν dyade de cette autre nature différente de
εἰσαγωγὴ διὰ τὴν ἐν τοῖς λόγοις l'unité, parce que lés nombres, à l'exception
des nombres primordiaux (32), s'engendrent
ἐγένετο σκέψιν (οἱ γὰρ πρότεροι
aisément de cette dyade, comme d'une sorte
διαλεκτικῆς οὐ μετεῖχον), τὸ δὲ de matière. Cependant, les choses se passent
δυάδα ποιῆσαι τὴν ἑτέραν φύσιν διὰ autrement, et cela est contraire à la raison.
τὸ τοὺς ἀριθμοὺς ἔξω τῶν πρώτων Dans ce système, on fait avec la matière un
εὐφυῶς ἐξ αὐτῆς γεννᾶσθαι ὥσπερ grand nombre d'êtres, et l'idée n'engendre
ἔκ τινος ἐκμαγείου. [988α] [1] qu'une seule fois ; mais au vrai, d'une seule
Καίτοι συμβαίνει γ' ἐναντίως· οὐ matière on ne fait qu'une seule table , tandis
γὰρ εὔλογον οὕτως. Οἱ μὲν γὰρ ἐκ que celui qui apporte l'idée, tout en étant un
τῆς ὕλης πολλὰ ποιοῦσιν, τὸ δ' εἶδος lui-même, en fait un grand nombre. Il en est de
ἅπαξ γεννᾷ μόνον, φαίνεται δ' ἐκ même du mâle à l'égard de la femelle; la
μιᾶς ὕλης μία τράπεζα, ὁ δὲ τὸ εἶδος femelle est fécondée par un seul
accouplement, tandis que le mâle en féconde
ἐπιφέρων εἷς ὢν πολλὰς ποιεῖ. [5] plusieurs : or, cela est l'image de ce qui a lieu
Ὁμοίως δ' ἔχει καὶ τὸ ἄρρεν πρὸς τὸ pour les principes dont nous parlons. C'est
θῆλυ· τὸ μὲν γὰρ ὑπὸ μιᾶς ainsi que Platon s'est prononcé sur ce qui fait
πληροῦται ὀχείας, τὸ δ' ἄρρεν πολλὰ l'objet de nos recherches : il est clair, d'après
πληροῖ· καίτοι ταῦτα μιμήματα τῶν ce que nous avons dit, qu'il ne met en usage
ἀρχῶν ἐκείνων ἐστίν. Πλάτων μὲν que deux principes, celui de l'essence et celui
οὖν περὶ τῶν ζητουμένων οὕτω de la matière; car les idées sont pour les
διώρισεν· φανερὸν δ' ἐκ τῶν choses les causes de leur essence, comme
εἰρημένων ὅτι δυοῖν αἰτίαιν μόνον l'unité l'est pour les idées: Et quelle est la
κέχρηται, τῇ τε [10] τοῦ τί ἐστι καὶ matière ou le sujet auquel s'appliquent les
idées dans les choses sensibles et l'unité dans
τῇ κατὰ τὴν ὕλην (τὰ γὰρ εἴδη τοῦ
les idées (33)? c'est cette dyade, composée du
τί ἐστιν αἴτια τοῖς ἄλλοις, τοῖς δ' grand et du petit : de plus il attribua à l'un de
εἴδεσι τὸ ἕν), καὶ τίς ἡ ὕλη ἡ ces deux éléments la cause du bien, à l'autre
ὑποκειμένη καθ' ἧς τὰ εἴδη μὲν ἐπὶ la cause du mal, de la même manière que l'ont
τῶν αἰσθητῶν τὸ δ' ἓν ἐν τοῖς εἴδεσι fait dans leurs recherches quelques-uns des
λέγεται, ὅτι αὕτη δυάς ἐστι, τὸ μέγα philosophes précédents, comme Empédocle et
Anaxagoras.
καὶ τὸ μικρόν, ἔτι δὲ τὴν τοῦ εὖ καὶ
τοῦ κακῶς αἰτίαν τοῖς στοιχείοις
[15] ἀπέδωκεν ἑκατέροις ἑκατέραν,
ὥσπερ φαμὲν καὶ τῶν προτέρων
ἐπιζητῆσαί τινας φιλοσόφων, οἷον
᾿Εμπεδοκλέα καὶ ᾿Αναξαγόραν.
VI CHAPITRE VI.

Συντόμως μὲν οὖν καὶ κεφαλαιωδῶς Nous, venons de voir, brièvement et


ἐπεληλύθαμεν τίνες τε καὶ πῶς sommairement, il est vrai, quels sont ceux qui
τυγχάνουσιν εἰρηκότες περί τε τῶν se sont occupés des principes et de la vérité,
et comment ils l'ont fait : cette revue rapide
ἀρχῶν [20] καὶ τῆς ἀληθείας· ὅμως
n'a pas laissé de nous faire reconnaître, que de
δὲ τοσοῦτόν γ' ἔχομεν ἐξ αὐτῶν, ὅτιtous les philosophes qui ont traité de principe
τῶν λεγόντων περὶ ἀρχῆς καὶ αἰτίας et de cause, pas un n'est sorti de la
οὐθεὶς ἔξω τῶν ἐν τοῖς περὶ φύσεως classification que nous avons établie dans la
ἡμῖν διωρισμένων εἴρηκεν, ἀλλὰ Physique, et que tous plus ou moins nettement
πάντες ἀμυδρῶς μὲν ἐκείνων δέ πως l'ont entrevue. Les uns considèrent le principe
φαίνονται θιγγάνοντες. Οἱ μὲν γὰρ sous le point de vue de la matière, soit qu'ils
ὡς ὕλην τὴν ἀρχὴν λέγουσιν, ἄν τε lui attribuent l'unité ou la pluralité, soit qu'ils le
μίαν ἄν τε πλείους [25] ὑποθῶσι, supposent corporel ou incorporel; tels sont le
καὶ ἐάν τε σῶμα ἐάν τε ἀσώματον grand et le petit de Platon, l'infini de l'école
τοῦτο τιθῶσιν (οἷον Πλάτων μὲν τὸ italique; le feu, la terre, l'eau et l'air
d'Empédocle; l'infinité des homoeoméries
μέγα καὶ τὸ μικρὸν λέγων, οἱ δ'
d'Anaxagoras. Tous ont évidemment touché
᾿Ιταλικοὶ τὸ ἄπειρον, ᾿Εμπεδοκλῆς cet ordre de causes, et de même ceux qui ont
δὲ πῦρ καὶ γῆν καὶ ὕδωρ καὶ ἀέρα, choisi l'air, le feu ou l'eau, ou un élément plus
᾿Αναξαγόρας δὲ τὴν τῶν dense que le feu et plus délié que l'air; car
ὁμοιομερῶν ἀπειρίαν· οὗτοί τε δὴ telle est la nature que quelques-uns ont
πάντες τῆς τοιαύτης αἰτίας ἡμμένοι donnée à l'élément premier. Ceux-là donc
εἰσί, καὶ ἔτι ὅσοι [30] ἀέρα ἢ πῦρ ἢ
n'ont atteint que le principe de la matière,
ὕδωρ ἢ πυρὸς μὲν πυκνότερον quelques autres le principe du mouvement,
ἀέρος δὲ λεπτότερον· καὶ γὰρ comme ceux par exemple qui font un principe
τοιοῦτόν τινες εἰρήκασιν εἶναι τὸ de l'amitié ou de la discorde, de l'intelligence
πρῶτον στοιχεῖον)· ou de l'amour. Quant à la forme et à l'essence,
nul n'en a traité clairement, mais ceux qui l'ont
fait le mieux sont les partisans des idées. En
οὗτοι μὲν οὖν ταύτης τῆς αἰτίας effet, ils ne regardent pas les idées et les
ἥψαντο μόνον, ἕτεροι δέ τινες ὅθεν principes des idées, comme la matière des
ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως (οἷον ὅσοι choses sensibles, ni comme le principe d'où
φιλίαν καὶ νεῖκος ἢ νοῦν ἢ ἔρωτα leur vient le mouvement (car ce seraient
ποιοῦσιν ἀρχήν)· τὸ δὲ τί ἦν εἶναι plutôt, selon eux, des causes d'immobilité et
[35] καὶ τὴν οὐσίαν σαφῶς μὲν de repos); mais c'est l'essence que les idées
οὐθεὶς ἀποδέδωκε, [988β] [1] fournissent à chaque chose, comme l'unité la
μάλιστα δ' οἱ τὰ εἴδη τιθέντες fournit aux idées. Quant à la fin en vue de
λέγουσιν (οὔτε γὰρ ὡς ὕλην τοῖς laquelle se font les actes, les changements et
les mouvements, ils mentionnent bien en
αἰσθητοῖς τὰ εἴδη καὶ τὸ ἓν τοῖς
quelque manière ce principe, mais ils ne le font
εἴδεσιν οὔθ' ὡς ἐντεῦθεν τὴν ἀρχὴν
τῆς κινήσεως γιγνομένην pas clans cet esprit, ni dans le vrai sens de la
ὑπολαμβάνουσιν - ἀκινησίας γὰρ chose; car ceux qui mettent en avant
αἴτια μᾶλλον καὶ τοῦ ἐν ἠρεμίᾳ εἶναι l'intelligence et l'amitié, posent bien ces
φασιν - ἀλλὰ τὸ τί ἦν εἶναι [5] principes , comme quelque chose de bon ,
mais non comme un but en vue duquel tout
ἑκάστῳ τῶν ἄλλων τὰ εἴδη
être est ou devient; ce sont plutôt des causes
παρέχονται, τοῖς δ' εἴδεσι τὸ ἕν)· τὸ d'où leur vient le mouvement. Il eu est de
δ' οὗ ἕνεκα αἱ πράξεις καὶ αἱ même de ceux qui prétendent que l'unité ou
μεταβολαὶ καὶ αἱ κινήσεις τρόπον l'être est cette même nature (34) ; ils disent
μέν τινα λέγουσιν αἴτιον, οὕτω δὲ qu'elle est la cause de l'essence, mais ils ne
οὐ λέγουσιν οὐδ' ὅνπερ πέφυκεν. Οἱ disent pas qu'elle est la fin pour laquelle les
μὲν γὰρ νοῦν λέγοντες ἢ φιλίαν ὡς choses sont et deviennent. De sorte qu'il leur
ἀγαθὸν μὲν ταύτας τὰς αἰτίας arrive en quelque façon de parler à la fois et
τιθέασιν, οὐ μὴν ὡς [10] ἕνεκά γε de ne pas parler du principe du bien; car ils
τούτων ἢ ὂν ἢ γιγνόμενόν τι τῶν n'en parlent pas d'une manière spéciale, mais
ὄντων ἀλλ' ὡς ἀπὸ τούτων τὰς seulement par accident. Ainsi, que le nombre
et la nature des causes ait été déterminé par
κινήσεις οὔσας λέγουσιν· ὡς δ'
nous avec exactitude, c'est ce que semblent
αὔτως καὶ οἱ τὸ ἓν ἢ τὸ ὂν témoigner tous ces philosophes dans
φάσκοντες εἶναι τὴν τοιαύτην φύσιν l'impossibilité où ils sont d'indiquer aucun
τῆς μὲν οὐσίας αἴτιόν φασιν εἶναι, autre principe. Outre cela, il est clair qu'il faut,
οὐ μὴν τούτου γε ἕνεκα ἢ εἶναι ἢ dans la recherche des principes, ou les
γίγνεσθαι, ὥστε λέγειν τε καὶ μὴ considérer tous comme nous l'avons fait, ou
λέγειν πως συμβαίνει αὐτοῖς [15] adopter les vues de quelques-uns de ces
τἀγαθὸν αἴτιον· οὐ γὰρ ἁπλῶς ἀλλὰ philosophes. Exposons d'abord les difficultés
κατὰ συμβεβηκὸς λέγουσιν. que soulèvent les doctrines de nos devanciers
et la question de la nature même des principes
Ὅτι μὲν οὖν ὀρθῶς διώρισται περὶ (35).
τῶν αἰτίων καὶ πόσα καὶ ποῖα,
μαρτυρεῖν ἐοίκασιν ἡμῖν καὶ οὗτοι
πάντες, οὐ δυνάμενοι θιγεῖν ἄλλης
αἰτίας, πρὸς δὲ τούτοις ὅτι ζητητέαι
αἱ ἀρχαὶ ἢ οὕτως ἅπασαι ἢ τινὰ
τρόπον τοιοῦτον, δῆλον· [20] πῶς
δὲ τούτων ἕκαστος εἴρηκε καὶ πῶς
ἔχει περὶ τῶν ἀρχῶν, τὰς
ἐνδεχομένας ἀπορίας μετὰ τοῦτο
διέλθωμεν περὶ αὐτῶν.
VII CHAPITRE VII.

Ὅσοι μὲν οὖν ἕν τε τὸ πᾶν καὶ μίαν Tous ceux qui ont prétendu que l'univers est
τινὰ φύσιν ὡς ὕλην τιθέασι, καὶ un, et qui, dominés par le point de vue de la
ταύτην σωματικὴν καὶ μέγεθος matière, ont voulu qu'il y ait une seule et
même nature, et une nature corporelle et
ἔχουσαν, δῆλον ὅτι πολλαχῶς
étendue, ceux-là sans contredit se trompent de
ἁμαρτάνουσιν. τῶν γὰρ σωμάτων τὰ plusieurs manières; car ainsi, ils posent
[25] στοιχεῖα τιθέασι μόνον, τῶν δ' seulement les éléments des corps et non ceux
ἀσωμάτων οὔ, ὄντων καὶ ἀσωμάτων. des choses incorporelles , quoiqu'il existe de
Καὶ περὶ γενέσεως καὶ φθορᾶς telles choses. Puis, quoiqu'ils entreprennent de
ἐπιχειροῦντες τὰς αἰτίας λέγειν, καὶ dire les causes de la génération et de la
περὶ πάντων φυσιολογοῦντες, τὸ corruption , et d'expliquer la formation des
τῆς κινήσεως αἴτιον ἀναιροῦσιν. choses, ils suppriment le principe du
Ἔτι δὲ τῷ τὴν οὐσίαν μηθενὸς mouvement. Ajoutez qu'ils ne font pas un
αἰτίαν τιθέναι μηδὲ τὸ τί ἐστι, καὶ principe de l'essence et de la forme; et aussi,
πρὸς τούτοις τῷ ῥᾳδίως τῶν [30] qu'ils donnent sans difficulté aux corps
ἁπλῶν σωμάτων λέγειν ἀρχὴν simples, à l'exception de la terre, un principe
ὁτιοῦν πλὴν γῆς, οὐκ ἐπισκεψάμενοι quelconque, sans avoir examiné comment ces
corps peuvent naître les uns des autres; je
τὴν ἐξ ἀλλήλων γένεσιν πῶς parle du feu, de la terre, de l'eau et de l'air,
ποιοῦνται, λέγω δὲ πῦρ καὶ ὕδωρ καὶ lesquels naissent en effet les uns des autres,
γῆν καὶ ἀέρα. Τὰ μὲν γὰρ συγκρίσει soit par réunion, soit par séparation. Or, cette
τὰ δὲ διακρίσει ἐξ ἀλλήλων γίγνεται, distinction importe beaucoup pour la question
τοῦτο δὲ πρὸς τὸ πρότερον εἶναι καὶ de l'antériorité et de la postériorité des
ὕστερον διαφέρει πλεῖστον. Τῇ μὲν éléments. D'un côté, le plus élémentaire de
γὰρ ἂν [35] δόξειε tous semblerait être celui d'où naissent
στοιχειωδέστατον εἶναι πάντων ἐξ primitivement tous les autres par voie de
οὗ γίγνονται συγκρίσει πρώτου, réunion; et ce caractère appartiendrait à celui
[989α][1] τοιοῦτον δὲ τὸ des corps dont les parties seraient les plus
petites et les plus déliées. C'est pourquoi tous
μικρομερέστατον καὶ λεπτότατον ἂν
ceux qui posent comme principe le feu, se
εἴη τῶν σωμάτων (διόπερ ὅσοι πῦρ prononceraient de la manière la plus conforme
ἀρχὴν τιθέασι, μάλιστα à cette vue. Tel est aussi le caractère que tous
ὁμολογουμένως ἂν τῷ λόγῳ τούτῳ les autres s'accordent à assigner à l'élément
λέγοιεν· τοιοῦτον δὲ καὶ τῶν ἄλλων des corps. Aussi, nul philosophe d'une époque
ἕκαστος ὁμολογεῖ τὸ στοιχεῖον εἶναι plus récente, qui admet un seul élément, n'a-t-
τὸ τῶν σωμάτων· [5] οὐθεὶς γοῦν il jugé convenable de choisir la terre, sans
ἠξίωσε τῶν ἓν λεγόντων γῆν εἶναι doute à cause de la grandeur de ses parties,
στοιχεῖον, δηλονότι διὰ τὴν tandis que chacun des trois autres éléments a
μεγαλομέρειαν, τῶν δὲ τριῶν eu son partisan : les uns se déclarent pour le
ἕκαστον στοιχείων εἴληφέ τινα feu , les autres pour l'eau, les autres pour l'air;
et pourtant pourquoi n'admettent-ils pas aussi
κριτήν, οἱ μὲν γὰρ πῦρ οἱ δ' ὕδωρ οἱ
bien la terre, comme font la plupart des
δ' ἀέρα τοῦτ' εἶναί φασιν· καίτοι διὰ hommes qui disent que tout est terre? Hésiode
τί ποτ' οὐ καὶ τὴν γῆν λέγουσιν, lui-même dit que la terre est le premier des
ὥσπερ οἱ πολλοὶ τῶν ἀνθρώπων; corps; tellement ancienne et populaire se
Πάντα [10] γὰρ εἶναί φασι γῆν, φησὶ trouve être cette opinion. Dans ce point de
δὲ καὶ ῾Ησίοδος τὴν γῆν πρώτην vue, ni ceux qui adoptent à l'exclusion du feu
γενέσθαι τῶν σωμάτων· οὕτως un des éléments déjà nommés, ni ceux qui
ἀρχαίαν καὶ δημοτικὴν συμβέβηκεν prennent un élément plus dense que l'air et
εἶναι τὴν ὑπόληψιν)· plus délié que l'eau, n'auraient raison; mais si
ce qui est postérieur dans l'ordre de formation
κατὰ μὲν οὖν τοῦτον τὸν λόγον οὔτ' est antérieur dans l'ordre de la nature, et que,
dans l'ordre de formation, le composé soit
εἴ τις τούτων τι λέγει πλὴν πυρός, postérieur, l'eau sera tout au contraire
οὔτ' εἴ τις ἀέρος μὲν πυκνότερον antérieure à l'air et la terre à l'eau. Nous nous
τοῦτο τίθησιν ὕδατος δὲ [15] bornerons à cette observation sur ceux qui
λεπτότερον, οὐκ ὀρθῶς ἂν λέγοι· εἰ admettent un principe unique tel que nous
δ' ἔστι τὸ τῇ γενέσει ὕστερον τῇ l'avons énoncé. Il y en aurait autant à dire de
φύσει πρότερον, τὸ δὲ πεπεμμένον ceux qui admettent plusieurs principes pareils,
καὶ συγκεκριμένον ὕστερον τῇ comme Empédocle qui dit qu'il y a quatre
γενέσει, τοὐναντίον ἂν εἴη τούτων, corps, matière des choses; car sa doctrine
ὕδωρ μὲν ἀέρος πρότερον γῆ δὲ donne lieu d'abord aux mêmes critiques, puis à
ὕδατος. quelques observations particulières. Nous
voyons en effet ces éléments naître les uns
des autres, de sorte que le feu et la terre ne
Περὶ μὲν οὖν τῶν μίαν τιθεμένων demeurent jamais le même corps : nous nous
αἰτίαν οἵαν εἴπομεν, ἔστω ταῦτ' sommes expliqué à ce sujet dans la Physique.
εἰρημένα· τὸ δ' [20] αὐτὸ κἂν εἴ τις Quant à la cause qui fait mouvoir les choses, et
ταῦτα πλείω τίθησιν, οἷον à la question de savoir si elle est une ou
᾿Εμπεδοκλῆς τέτταρά φησιν εἶναι double, on doit penser qu'Empédocle ne s'est
prononcé ni tout-à-fait convenablement, ni
σώματα τὴν ὕλην. Καὶ γὰρ τούτῳ τὰ
d'une manière tout-à-fait déraisonnable. En
μὲν ταὐτὰ τὰ δ' ἴδια συμβαίνειν somme, quand on admet sou système, on est
ἀνάγκη. Γιγνόμενά τε γὰρ ἐξ forcé de rejeter tout changement, car le froid
ἀλλήλων ὁρῶμεν ὡς οὐκ ἀεὶ ne viendra pas du chaud ni le chaud du froid;
διαμένοντος πυρὸς καὶ γῆς τοῦ car quel serait le sujet qui éprouverait ces
αὐτοῦ σώματος (εἴρηται δὲ ἐν τοῖς modifications contraires, et quelle serait la
περὶ φύσεως περὶ αὐτῶν), [25] καὶ nature unique qui deviendrait feu et eau? c'est
περὶ τῆς τῶν κινουμένων αἰτίας, ce qu'il ne dit pas. Pour Anaxagoras, si on
πότερον ἓν ἢ δύο θετέον, οὔτ' pense qu'il reconnaît deux éléments, on le
ὀρθῶς οὔτε εὐλόγως οἰητέον pense d'après des raisons qu'il n'a pas lui-
εἰρῆσθαι παντελῶς. ὅλως τε même clairement articulées, mais auxquelles il
aurait été obligé de se rendre, si on les lui eût
ἀλλοίωσιν ἀναιρεῖσθαι ἀνάγκη τοῖς
présentées. En effet, s'il est absurde de dire
οὕτω λέγουσιν· οὐ γὰρ ἐκ θερμοῦ qu'à l'origine tout était mêlé , pour plu-sieurs
ψυχρὸν οὐδὲ ἐκ ψυχροῦ θερμὸν motifs, et entre autres parce qu'il faut que les
ἔσται. Τὶ γὰρ αὐτὰ ἂν πάσχοι éléments du mélange aient existé d'abord
τἀναντία, καὶ τὶς εἴη ἂν μία φύσις ἡ séparés, et parce qu'il n'est pas dans la nature
γιγνομένη [30] πῦρ καὶ ὕδωρ, ὃ des choses qu'un élément, quel qu'il soit, se
ἐκεῖνος οὔ φησιν. ᾿Αναξαγόραν δ' εἴ mêle avec tout autre, quel qu'il soit; deplus,
τις ὑπολάβοι δύο λέγειν στοιχεῖα, parce que les qualités et les attributs seraient
μάλιστ' ἂν ὑπολάβοι κατὰ λόγον, ὃν séparés de leur substance; car ce qui peut être
ἐκεῖνος αὐτὸς μὲν οὐ διήρθρωσεν, mêlé peut être séparé; cependant quand on
ἠκολούθησε μέντ' ἂν ἐξ ἀνάγκης vient à approfondir et à développer ce qu'il
veut dire , on lui trouvera peut. être un sens
τοῖς ἐπάγουσιν αὐτόν. Ἀτόπου γὰρ
peu commun; car lorsque rien n'était séparé, il
ὄντος καὶ ἄλλως τοῦ φάσκειν est clair qu'on ne pouvait rien affirmer de vrai
μεμῖχθαι τὴν ἀρχὴν πάντα, [989β] de cette substance mixte, et par exemple,
[1] καὶ διὰ τὸ συμβαίνειν ἄμικτα qu'elle n'était ni blanche ni noire, ni d'aucune
δεῖν προϋπάρχειν καὶ διὰ τὸ μὴ autre couleur; niais elle était de nécessité sans
πεφυκέναι τῷ τυχόντι μίγνυσθαι τὸ couleur; autrement, elle aurait eu quelqu'une
τυχόν, πρὸς δὲ τούτοις ὅτι τὰ πάθη des couleurs que nous pouvons citer; elle était
καὶ τὰ συμβεβηκότα χωρίζοιτ' ἂν de même sans saveur , et pour la même rai-
τῶν οὐσιῶν (τῶν γὰρ αὐτῶν μῖξίς son elle ne possédait aucun attribut de ce
ἐστι καὶ χωρισμόσ), ὅμως εἴ τις genre; car elle ne pouvait avoir ni qualité ni
quantité ni détermination quelconque;
ἀκολουθήσειε [5] συνδιαρθρῶν ἃ
autrement quelqu'une des formes spéciales s'y
βούλεται λέγειν, ἴσως ἂν φανείη serait rencontrée, et cela est impossible
καινοπρεπεστέρως λέγων. Ὅτε γὰρ lorsque tout est mêlé; car, pour cela, il y aurait
οὐθὲν ἦν ἀποκεκριμένον, δῆλον ὡς déjà séparation , et Anaxagoras dit que tout
οὐθὲν ἦν ἀληθὲς εἰπεῖν κατὰ τῆς est mêlé, excepté l'intelligence, qui seule est
οὐσίας ἐκείνης, λέγω δ' οἷον ὅτι pure et sans mélange. Il faut donc qu'il
οὔτε λευκὸν οὔτε μέλαν ἢ φαιὸν ἢ reconnaisse pour principes l'unité d'abord; car
ἄλλο χρῶμα, ἀλλ' ἄχρων ἦν ἐξ c'est bien là ce qui est simple et sans mélange,
ἀνάγκης· εἶχε γὰρ ἄν τι τούτων [10] et d'un autre côté quelque chose, ainsi que
τῶν χρωμάτων· ὁμοίως δὲ καὶ nous désignons l'indéfini avant qu'il soit défini
ἄχυμον τῷ αὐτῷ λόγῳ τούτῳ, οὐδὲ et participe d'aucune forme. Ce n'est
s'exprimer ni justement, ni clairement; mais au
ἄλλο τῶν ὁμοίων οὐθέν· οὔτε γὰρ
fond il a voulu dire quelque chose qui se
ποιόν τι οἷόν τε αὐτὸ εἶναι οὔτε rapproche davantage des doctrines qui ont
ποσὸν οὔτε τί. Τῶν γὰρ ἐν μέρει τι suivi et de la réalité (36).Tous ces philosophes
λεγομένων εἰδῶν ὑπῆρχεν ἂν αὐτῷ, ne sont familiers qu'avec ce qui regarde la
τοῦτο δὲ ἀδύνατον μεμιγμένων γε génération, la corruption et le mouvement, car
πάντων· ἤδη γὰρ ἂν ἀπεκέκριτο, ils s'occupent à peu près et exclusivement de
cet ordre de choses, des principes et des
φησὶ δ' [15] εἶναι μεμιγμένα πάντα
causes qui s'y rapportent. Mais ceux qui
πλὴν τοῦ νοῦ, τοῦτον δὲ ἀμιγῆ étendent leurs recherches à tous les êtres, et
μόνον καὶ καθαρόν. Ἐκ δὴ τούτων qui admettent d'un côté des êtres sensibles,
συμβαίνει λέγειν αὐτῷ τὰς ἀρχὰς τό de l'autre des êtres qui ne tombent pas sous
τε ἕν (τοῦτο γὰρ ἁπλοῦν καὶ ἀμιγέσ) les sens, ceux-là ont dû naturellement faire
καὶ θάτερον, οἷον τίθεμεν τὸ l'étude de l'une et de l'autre de ces deux
ἀόριστον πρὶν ὁρισθῆναι καὶ classes d'êtres; et c'est pourquoi il faut
μετασχεῖν εἴδους τινός, ὥστε λέγει s'arrêter davantage sur ces philosophes pour
μὲν οὔτ' ὀρθῶς οὔτε σαφῶς, savoir ce qu'ils disent de bon ou de mauvais
βούλεται μέντοι [20] τι qui puisse éclairer nos recherches. Ceux qu'on
παραπλήσιον τοῖς τε ὕστερον appelle pythagoriciens font jouer aux principes
et aux éléments un rôle bien plus étrange que
λέγουσι καὶ τοῖς νῦν φαινομένοις
les physiciens; la raison en est qu'ils ne les ont
μᾶλλον. pas empruntés aux choses sensibles. Les êtres
mathématiques sont sans mouvement, à
Ἀλλὰ γὰρ οὗτοι μὲν τοῖς περὶ l'exception de ceux dont s'occupe l'astronomie
γένεσιν λόγοις καὶ φθορὰν καὶ (37); et cependant les pythagoriciens ne
κίνησιν οἰκεῖοι τυγχάνουσι μόνον dissertent et ne font de système que sur la
(σχεδὸν γὰρ περὶ τῆς τοιαύτης physique. Ils engendrent le ciel, ils observent
οὐσίας καὶ τὰς ἀρχὰς καὶ τὰς αἰτίας ce qui arrive dans toutes ses parties, dans
ζητοῦσι μόνησ)· ὅσοι δὲ περὶ μὲν leurs rapports, dans leurs mouvements , et ils
ἁπάντων τῶν ὄντων ποιοῦνται [25] épuisent à cela leurs causes et leurs principes,
τὴν θεωρίαν, τῶν δ' ὄντων τὰ μὲν comme s'ils convenaient avec les physiciens
que l'être est tout ce qui est sensible, et tout
αἰσθητὰ τὰ δ' οὐκ αἰσθητὰ τιθέασι,
ce qu'embrasse ce qu'or) appelle le ciel. Or, les
δῆλον ὡς περὶ ἀμφοτέρων τῶν causes et les principes qu'ils reconnaissent
γενῶν ποιοῦνται τὴν [27] sont bons pour s'élever, comme nous l'avons
ἐπίσκεψιν· διὸ μᾶλλον ἄν τις dit, à ce qu'il y a de supérieur dans les êtres
ἐνδιατρίψειε περὶ αὐτῶν, τί καλῶς ἢ (38), et conviennent plus à cet objet qu'à
μὴ καλῶς λέγουσιν εἰς τὴν τῶν νῦν l'explication des choses naturelles. Puis,
ἡμῖν προκειμένων σκέψιν. Οἱ μὲν comment pourra-t-il y avoir du mouvement, si
οὖν καλούμενοι Πυθαγόρειοι ταῖς on ne suppose d'autres sujets que le fini et l'in-
μὲν [30] ἀρχαῖς καὶ τοῖς στοιχείοις fini, le pair et l'impair? ils ne le disent
ἐκτοπωτέροις χρῶνται τῶν nullement; ou comment est-il possible que
sans mouvement ni changement, il y ait
φυσιολόγων (τὸ δ' αἴτιον ὅτι
génération et corruption, et toutes les
παρέλαβον αὐτὰς οὐκ ἐξ αἰσθητῶν· révolutions des corps célestes? Ensuite, en
τὰ γὰρ μαθηματικὰ τῶν ὄντων ἄνευ supposant qu'on leur accorde ou qu'il soit
κινήσεώς ἐστιν ἔξω τῶν περὶ τὴν démontré que de leurs principes on tire l'é-
ἀστρολογίαν), διαλέγονται μέντοι tendue, comment alors même rendront-ils
καὶ πραγματεύονται περὶ φύσεως compte de la légèreté et de la pesanteur? car
πάντα· γεννῶσί τε γὰρ τὸν οὐρανόν, d'après leurs principes et leur prétention
[990α] [1] καὶ περὶ τὰ τούτου μέρη même, ils ne traitent pas moins des corps
καὶ τὰ πάθη καὶ τὰ ἔργα διατηροῦσι sensibles que des corps mathématiques. Aussi
τὸ συμβαῖνον, καὶ τὰς ἀρχὰς καὶ τὰ n'ont-ils rien dit de bon sur le feu, la terre et
αἴτια εἰς ταῦτα καταναλίσκουσιν, ὡς les autres choses semblables, et cela, parce
qu'ils n'ont rien dit, je pense, qui convienne
ὁμολογοῦντες τοῖς ἄλλοις
proprement aux choses sensibles. De plus,
φυσιολόγοις ὅτι τό γε ὂν τοῦτ' ἐστὶν comment faut-il entendre que le nombre et les
ὅσον αἰσθητόν ἐστι καὶ περιείληφεν modifications du nombre sont la cause des
ὁ [5] καλούμενος οὐρανός. Τὰς δ' êtres qui existent et qui naissent dans le
αἰτίας καὶ τὰς ἀρχάς, ὥσπερ monde , depuis l'origine jusqu'à présent, tandis
εἴπομεν, ἱκανὰς λέγουσιν que d'autre part il n'y a aucun autre nombre
ἐπαναβῆναι καὶ ἐπὶ τὰ ἀνωτέρω τῶν hors celui dont le monde est formé? En effet,
lorsque pour eux, l'opinion et l'à-propos sont
ὄντων, καὶ μᾶλλον ἢ τοῖς περὶ dans une certaine partie du ciel, et un peu plus
φύσεως λόγοις ἁρμοττούσας. Ἐκ haut ou un peu plus bas l'injustice et la
τίνος μέντοι τρόπου κίνησις ἔσται séparation ou le mélange, attendu, selon eux,
πέρατος καὶ ἀπείρου μόνων que chacune de ces choses est un nombre, et
ὑποκειμένων καὶ περιττοῦ καὶ lorsque déjà dans ce même espace se trouvent
ἀρτίου, οὐθὲν [10] λέγουσιν, ἢ πῶς rassemblées une multitude de grandeurs,
δυνατὸν ἄνευ κινήσεως καὶ parce que ces grandeurs sont attachées
μεταβολῆς γένεσιν εἶναι καὶ φθορὰν chacune à un lieu ; le nombre qu'il faut
ἢ τὰ τῶν φερομένων ἔργα κατὰ τὸν regarder comme étant chacune de ces choses,
οὐρανόν. Ἔτι δὲ εἴτε δοίη τις αὐτοῖς est-il le même que celui qui est dans le ciel ,
ou un autre outre celui-là ? Platon dit que c'est
ἐκ τούτων εἶναι μέγεθος εἴτε
un autre nombre; et pourtant lui aussi pense
δειχθείη τοῦτο, ὅμως τίνα τρόπον que les choses sensibles et les causes de ces
ἔσται τὰ μὲν κοῦφα τὰ δὲ βάρος choses sont des nombres; mais pour lui les
ἔχοντα τῶν σωμάτων; Ἐξ ὧν γὰρ nombres qui sont causes, sont intelligibles, et
ὑποτίθενται [15] καὶ λέγουσιν, les autres sont des nombres sensibles.
οὐθὲν μᾶλλον περὶ τῶν
μαθηματικῶν λέγουσι σωμάτων ἢ
τῶν αἰσθητῶν· διὸ περὶ πυρὸς ἢ γῆς
ἢ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων
σωμάτων οὐδ' ὁτιοῦν εἰρήκασιν, ἅτε
οὐθὲν περὶ τῶν αἰσθητῶν οἶμαι
λέγοντες ἴδιον. Ἔτι δὲ πῶς δεῖ
λαβεῖν αἴτια μὲν εἶναι τὰ τοῦ
ἀριθμοῦ πάθη καὶ τὸν ἀριθμὸν [20]
τῶν κατὰ τὸν οὐρανὸν ὄντων καὶ
γιγνομένων καὶ ἐξ ἀρχῆς καὶ νῦν,
ἀριθμὸν δ' ἄλλον μηθένα εἶναι παρὰ
τὸν ἀριθμὸν τοῦτον ἐξ οὗ
συνέστηκεν ὁ κόσμος; Ὅταν γὰρ ἐν
τῳδὶ μὲν τῷ μέρει δόξα καὶ καιρὸς
αὐτοῖς ᾖ, μικρὸν δὲ ἄνωθεν ἢ
κάτωθεν ἀδικία καὶ κρίσις ἢ μῖξις,
ἀπόδειξιν δὲ λέγωσιν ὅτι [25]
τούτων μὲν ἕκαστον ἀριθμός ἐστι,
συμβαίνει δὲ κατὰ τὸν τόπον
τοῦτον ἤδη πλῆθος εἶναι τῶν
συνισταμένων μεγεθῶν διὰ τὸ τὰ
πάθη ταῦτα ἀκολουθεῖν τοῖς τόποις
ἑκάστοις, πότερον οὗτος ὁ αὐτός
ἐστιν ἀριθμός, ὁ ἐν τῷ οὐρανῷ, ὃν
δεῖ λαβεῖν ὅτι τούτων ἕκαστόν
ἐστιν, ἢ παρὰ τοῦτον ἄλλος; Ὁ μὲν
γὰρ [30] Πλάτων ἕτερον εἶναί φησιν·
καίτοι κἀκεῖνος ἀριθμοὺς οἴεται καὶ
ταῦτα εἶναι καὶ τὰς τούτων αἰτίας,
ἀλλὰ τοὺς μὲν νοητοὺς αἰτίους
τούτους δὲ αἰσθητούς.
VIII CHAPITRE VIII.

Περὶ μὲν οὖν τῶν Πυθαγορείων Laissons maintenant les Pythagoriciens ; ce


ἀφείσθω τὰ νῦν (ἱκανὸν γὰρ αὐτῶν que nous en avons dit, suffira. Quant à ceux
ἅψασθαι τοσοῦτον)· [990β] [1] οἱ δὲ qui posent pour principes les idées, d'abord, en
cherchant à saisir les principes des êtres que
τὰς ἰδέας αἰτίας τιθέμενοι πρῶτον
nous voyons , ils en ont introduit d'autres en
μὲν ζητοῦντες τωνδὶ τῶν ὄντων nombre égal à celui des premiers, comme si
λαβεῖν τὰς αἰτίας ἕτερα τούτοις ἴσα quelqu'un voulant compter des objets, et ne
τὸν ἀριθμὸν ἐκόμισαν, ὥσπερ εἴ τις pouvant le faire, alors même qu'ils sont en
ἀριθμῆσαι βουλόμενος ἐλαττόνων assez petit nombre , s'avisait de les multiplier
μὲν ὄντων οἴοιτο μὴ δυνήσεσθαι, pour les compter. Les idées sont presque en
πλείω δὲ ποιήσας ἀριθμοίη (σχεδὸν aussi grand nombre que les choses pour
γὰρ ἴσα - ἢ οὐκ [5] ἐλάττω - ἐστὶ τὰ l'explication desquelles on a eu recours aux
εἴδη τούτοις περὶ ὧν ζητοῦντες τὰς idées. Chaque chose individuelle se trouve
αἰτίας ἐκ τούτων ἐπ' ἐκεῖνα avoir un homonyme, non seulement les
προῆλθον· καθ' ἕκαστον γὰρ existences individuelles, mais toutes celles où
l'unité est dans la pluralité, et cela pour les
ὁμώνυμόν τι ἔστι καὶ παρὰ τὰς
choses de ce monde et pour les choses
οὐσίας, τῶν τε ἄλλων ἔστιν ἓν ἐπὶ éternelles. En second lieu, de tous les
πολλῶν, καὶ ἐπὶ τοῖσδε καὶ ἐπὶ τοῖς arguments dont on se sert pour établir
ἀϊδίοις)· ἔτι δὲ καθ' οὓς τρόπους l'existence des idées, aucun ne la démontre :
δείκνυμεν ὅτι ἔστι τὰ εἴδη, κατ' la conclusion qu'on tire des uns n'est pas
οὐθένα φαίνεται τούτων· [10] ἐξ rigoureuse, et d'après les autres, il y aurait des
ἐνίων μὲν γὰρ οὐκ ἀνάγκη γίγνεσθαι idées là même où les Platoniciens n'en
συλλογισμόν, ἐξ ἐνίων δὲ καὶ οὐχ ὧν admettent pas. Ainsi d'après les considérations
οἰόμεθα τούτων εἴδη γίγνεται. Κατά puisées dans la nature de la science, il y aura
τε γὰρ τοὺς λόγους τοὺς ἐκ τῶν des idées de toutes les choses dont il y a
ἐπιστημῶν εἴδη ἔσται πάντων ὅσων science; et d'après l'argument qui se tire de
l'unité impliquée dans toute pluralité, il y aura
ἐπιστῆμαι εἰσί, καὶ κατὰ τὸ ἓν ἐπὶ
des idées des négations mêmes ; et par ce
πολλῶν καὶ τῶν ἀποφάσεων, κατὰ motif qu'on pense aux choses qui ont péri, il y
δὲ τὸ νοεῖν τι φθαρέντος τῶν en aura des choses qui ne sont plus : car nous
φθαρτῶν· φάντασμα [15] γάρ τι nous en formons quelque image. En outre, on
τούτων ἔστιν. Ἔτι δὲ οἱ est conduit, en raisonnant rigoureusement, à
ἀκριβέστεροι τῶν λόγων οἱ μὲν τῶν supposer des idées pour le relatif dont on ne
πρός τι ποιοῦσιν ἰδέας, ὧν οὔ φαμεν prétend pourtant pas qu'il forme par lui-même
εἶναι καθ' αὑτὸ γένος, οἱ δὲ τὸν un genre à part, ou bien à l'hypothèse du
τρίτον ἄνθρωπον λέγουσιν. Ὅλως τε troisième homme (39). Enfin, les
ἀναιροῦσιν οἱ περὶ τῶν εἰδῶν λόγοι raisonnements qu'on fait sur les idées
renversent ce que les partisans des idées ont
ἃ μᾶλλον εἶναι βουλόμεθα [οἱ
plus à coeur que l'existence même des idées :
λέγοντες εἴδη] τοῦ τὰς ἰδέας εἶναι· car il arrive que ce n'est plus la dyade qui est
συμβαίνει γὰρ μὴ [20] εἶναι τὴν avant le nombre, mais le nombre qui est avant
δυάδα πρώτην ἀλλὰ τὸν ἀριθμόν, la dyade, que le relatif est antérieur à l'absolu,
καὶ τὸ πρός τι τοῦ καθ' αὑτό, καὶ et toutes les conséquences en contradiction
πάνθ' ὅσα τινὲς ἀκολουθήσαντες avec leurs propres principes, auxquelles ont
ταῖς περὶ τῶν ἰδεῶν δόξαις été poussés certains (40) partisans de la
ἠναντιώθησαν ταῖς ἀρχαῖς. doctrine des idées. De plus, dans l'hypothèse
sur laquelle on établit l'existence des idées , il
Ἔτι κατὰ μὲν τὴν ὑπόληψιν καθ' ἣν y aura des idées non seulement pour les
εἶναί φαμεν τὰς ἰδέας οὐ μόνον τῶν substances, mais aussi pour beaucoup d'autres
οὐσιῶν ἔσται εἴδη ἀλλὰ πολλῶν καὶ choses : car ce ne sont pas les substances
ἑτέρων (καὶ γὰρ τὸ [25] νόημα ἓν οὐ seules , mais les autres choses aussi que nous
concevons sous la raison de l'unité, et toutes
μόνον περὶ τὰς οὐσίας ἀλλὰ καὶ
les sciences né portent pas seulement sur
κατὰ τῶν ἄλλων ἐστί, καὶ ἐπιστῆμαι l'essence, mais sur d'autres choses encore; et
οὐ μόνον τῆς οὐσίας εἰσὶν ἀλλὰ καὶ il y a mille autres difficultés de ce genre. Mais
ἑτέρων, καὶ ἄλλα δὲ μυρία συμβαίνει de toute nécessité, ainsi que d'après les
τοιαῦτἀ· κατὰ δὲ τὸ ἀναγκαῖον καὶ opinions établies sur les idées, si les idées sont
τὰς δόξας τὰς περὶ αὐτῶν, εἰ ἔστι quelque chose dont participent les êtres, il ne
μεθεκτὰ τὰ εἴδη, τῶν οὐσιῶν peut y avoir d'idées que des essences : car ce
ἀναγκαῖον ἰδέας εἶναι μόνον. Οὐ n'est pas par l'accident qu'il peut y avoir
[30] γὰρ κατὰ συμβεβηκὸς participation des idées; c'est par son côté
μετέχονται ἀλλὰ δεῖ ταύτῃ ἑκάστου substantiel que chaque chose (41) doit
μετέχειν ᾗ μὴ καθ' ὑποκειμένου participer d'elles. Par exemple si une chose
participe du double en soi, elle participe de
λέγεται (λέγω δ' οἷον, εἴ τι
l'éternité, mais selon l'accident: car ce n'est
αὐτοδιπλασίου μετέχει, τοῦτο καὶ que par accident que le double est éternel; en
ἀϊδίου μετέχει, ἀλλὰ κατὰ sorte que les idées seront l'essence, et que
συμβεβηκός· συμβέβηκε γὰρ τῷ dans le monde sensible et au-dessus elles
διπλασίῳ ἀϊδίῳ εἶναἰ, ὥστ' ἔσται désigneront l'essence; ou sinon, que signifiera-
οὐσία τὰ εἴδη· ταὐτὰ δὲ ἐνταῦθα t-il de dire qu'il doit y avoir quelque chose de
οὐσίαν σημαίνει κἀκεῖ· [991α] [1] ἢ plus que les choses particulières , à savoir,
τί ἔσται τὸ εἶναι τι παρὰ ταῦτα, τὸ l'unité dans la pluralité? Si les idées et les
ἓν ἐπὶ πολλῶν; Καὶ εἰ μὲν ταὐτὸ choses qui en participent, sont du même
εἶδος τῶν ἰδεῶν καὶ τῶν genre, il y aura entre elles quelque chose de
μετεχόντων, ἔσται τι κοινόν (τί γὰρ commun : car pourquoi y aurait-il dans les
dualités périssables et les dualités multiples,
μᾶλλον ἐπὶ τῶν φθαρτῶν δυάδων,
mais éternelles, une dualité une et identique,
καὶ τῶν πολλῶν μὲν ἀϊδίων δέ, τὸ plutôt que dans la dualité idéale et dans telle
[5] δυὰς ἓν καὶ ταὐτόν, ἢ ἐπί τ' ou telle dualité déterminée (42) ? Si, au
αὐτῆς καὶ τῆς τινός;)· εἰ δὲ μὴ τὸ contraire, elles ne sont pas du même genre, il
αὐτὸ εἶδος, ὁμώνυμα ἂν εἴη, καὶ n'y aura entre elles que le nom de commun ,
ὅμοιον ὥσπερ ἂν εἴ τις καλοῖ et ce sera comme si on donnait le nom
ἄνθρωπον τόν τε Καλλίαν καὶ τὸ d'homme à Callias et à un morceau de bois,
ξύλον, μηδεμίαν κοινωνίαν sans avoir vu entre eux aucun rapport.
ἐπιβλέψας αὐτῶν.
La plus grande difficulté, c'est de savoir ce que
Πάντων δὲ μάλιστα διαπορήσειεν ἄν font les idées aux choses sensibles, soit à
τις τί ποτε συμβάλλεται τὰ εἴδη τοῖς celles qui sont éternelles, soit à celles qui
naissent et qui périssent : car elles ne sont
[10] ἀϊδίοις τῶν αἰσθητῶν ἢ τοῖς causes pour elles ni d'aucun mouvement, ni
γιγνομένοις καὶ φθειρομένοις· οὔτε d'aucun changement. D'autre part, elles ne
γὰρ κινήσεως οὔτε μεταβολῆς servent en rien à la connaissance des choses,
οὐδεμιᾶς ἐστὶν αἴτια αὐτοῖς. Ἀλλὰ puisqu'elles n'en sont point l'essence : car
μὴν οὔτε πρὸς τὴν ἐπιστήμην οὐθὲν alors elles seraient en elles; elles ne les font
βοηθεῖ τὴν τῶν ἄλλων (οὐδὲ γὰρ pas être non plus, puisqu'elles ne résident pas
οὐσία ἐκεῖνα τούτων· ἐν τούτοις γὰρ dans les choses qui participent d'elles. A moins
ἂν ἦν), οὔτε εἰς τὸ εἶναι, μὴ qu'on ne dise peut-être qu'elles sont causes,
ἐνυπάρχοντά γε τοῖς μετέχουσιν· comme serait, par exemple, la blancheur
οὕτω μὲν [15] γὰρ ἂν ἴσως αἴτια cause de l'objet blanc, en se mêlant à lui; mais
il n'y a rien de solide dans cette opinion
δόξειεν εἶναι ὡς τὸ λευκὸν
qu'Anaxagoras le premier, et après lui Eudoxe
μεμιγμένον τῷ λευκῷ, ἀλλ' οὗτος et quelques autres, ont mise en avant; et il est
μὲν ὁ λόγος λίαν εὐκίνητος, ὃν facile de rassembler contre une pareille
᾿Αναξαγόρας μὲν πρῶτος Εὔδοξος δ' hypothèse une foule de difficultés insolubles.
ὕστερον καὶ ἄλλοι τινὲς ἔλεγον Ainsi les choses ne sauraient venir des idées,
(ῥᾴδιον γὰρ συναγαγεῖν πολλὰ καὶ clans aucun des cas dans lesquels, on a
coutume de l'entendre. Dire que ce sont des
ἀδύνατα πρὸς τὴν τοιαύτην δόξαν)· exemplaires et que les autres choses en
ἀλλὰ μὴν οὐδ' ἐκ τῶν εἰδῶν ἐστὶ participent, c'est prononcer de vains mots et
τἆλλα [20] κατ' οὐθένα τρόπον τῶν faire des métaphores poétiques; car, qu'est-ce
εἰωθότων λέγεσθαι. Τὸ δὲ λέγειν qui produit jamais quelque chose en vue des
παραδείγματα αὐτὰ εἶναι καὶ idées? De plus , il se peut qu'il. existe ou qu'il
μετέχειν αὐτῶν τἆλλα κενολογεῖν naisse une chose semblable à une autre, sans
ἐστὶ καὶ μεταφορὰς λέγειν avoir été modelée sur elle; et, par exemple,
ποιητικάς. Τί γάρ ἐστι τὸ que Socrate existe ou n'existe pas, il pourrait
ἐργαζόμενον πρὸς τὰς ἰδέας naître un personnage tel que Socrate. D'un
ἀποβλέπον; Ἐνδέχεταί τε καὶ εἶναι autre côté, il est également vrai que , en
admettant un Socrate éternel , il faudra qu'il y
καὶ γίγνεσθαι ὅμοιον ὁτιοῦν καὶ μὴ
ait plusieurs exemplaires et par conséquent
εἰκαζόμενον [25] πρὸς ἐκεῖνο, ὥστε plu-sieurs idées de la même chose; de
καὶ ὄντος Σωκράτους καὶ μὴ ὄντος l'homme, par exemple, il y aurait l'animal, le
γένοιτ' ἂν οἷος Σωκράτης· ὁμοίως δὲ bipède, tout aussi bien que l'homme en soi. Il
δῆλον ὅτι κἂν εἰ ἦν ὁ Σωκράτης faut en outre qu'il y ait des idées exemplaires
ἀΐδιος. Ἔσται τε πλείω non seulement pour des choses sensibles ,
παραδείγματα τοῦ αὐτοῦ, ὥστε καὶ mais encore pour les idées elles-mêmes,
εἴδη, οἷον τοῦ ἀνθρώπου τὸ ζῷον comme le genre en tant que comprenant des
καὶ τὸ δίπουν, ἅμα δὲ καὶ τὸ espèces; de sorte que la même chose sera à la
αὐτοάνθρωπος. Ἔτι οὐ μόνον τῶν fois exemplaire et copie (43). De plus, il
αἰσθητῶν [30] παραδείγματα τὰ εἴδη semble impossible que l'essence soit séparée
de la chose dont elle est l'essence : si cela est,
ἀλλὰ καὶ αὐτῶν, οἷον τὸ γένος, ὡς
comment les idées qui sont les essences des
γένος εἰδῶν· ὥστε τὸ αὐτὸ ἔσται choses , en seraient-elles séparées? On voit
παράδειγμα καὶ εἰκών. [991β] [1] aussi dans le Phédon que les idées sont les
Ἔτι δόξειεν ἂν ἀδύνατον εἶναι χωρὶς causes de l'être et de la naissance : pourtant,
τὴν οὐσίαν καὶ οὗ ἡ οὐσία· ὥστε les idées étant données, les choses qui en
πῶς ἂν αἱ ἰδέαι οὐσίαι τῶν participent n'arrivent pas à la naissance, s'il
πραγμάτων οὖσαι χωρὶς εἶεν; Ἐν δὲ n'y a un principe moteur; et il se fait beaucoup
τῷ Φαίδωνι οὕτω λέγεται, ὡς καὶ τοῦ d'autres choses, comme une maison et un
εἶναι καὶ τοῦ γίγνεσθαι αἴτια τὰ εἴδη anneau, dont on ne dit pas qu'il y ait des idées;
ἐστίν· καίτοι τῶν εἰδῶν [5] ὄντων il est donc clair qu'il se peut que les autres
choses aussi soient et deviennent par des
ὅμως οὐ γίγνεται τὰ μετέχοντα ἂν
causes semblables à celles qui font être et
μὴ ᾖ τὸ κινῆσον, καὶ πολλὰ γίγνεται devenir les objets que nous venons de
ἕτερα, οἷον οἰκία καὶ δακτύλιος, ὧν nommer.
οὔ φαμεν εἴδη εἶναι· ὥστε δῆλον ὅτι
ἐνδέχεται καὶ τἆλλα καὶ εἶναι καὶ Maintenant, si les idées sont des nombres,
γίγνεσθαι διὰ τοιαύτας αἰτίας οἵας comment ces nombres seront-ils causes? Sera-
καὶ τὰ ῥηθέντα νῦν. ce parce que les êtres sont d'autres nombres ,
et que tel nombre par exemple est l'homme ,
Ἔτι εἴπερ εἰσὶν ἀριθμοὶ τὰ εἴδη, πῶς tel autre Socrate , tel autre Callias? Mais en
αἴτιοι ἔσονται; [10] Πότερον ὅτι quoi ceux-là sont-ils causes de ceux-ci? car,
ἕτεροι ἀριθμοί εἰσι τὰ ὄντα, οἷον ὁδὶ que les uns soient éternels, les autres non ,
μὲν <ὁ> ἀριθμὸς ἄνθρωπος ὁδὶ δὲ cela n'y fera rien. Si c'est parce que les choses
sensibles sont des rapports de nombres,
Σωκράτης ὁδὶ δὲ Καλλίας; Τί οὖν
comme est par exemple une harmonie, il est
ἐκεῖνοι τούτοις αἴτιοί εἰσιν; Οὐδὲ évident qu'il y a quelque chose qui est le sujet
γὰρ εἰ οἱ μὲν ἀΐδιοι οἱ δὲ μή, οὐδὲν de ces rapports; et si ce quelque chose existe,
διοίσει. Εἰ δ' ὅτι λόγοι ἀριθμῶν savoir la matière, il est clair qu'à leur tour les
τἀνταῦθα, οἷον ἡ συμφωνία, δῆλον nombres eux-mêmes seront des rapports de
choses différentes. Par exemple , si Callias est
ὅτι ἐστὶν ἕν γέ τι ὧν εἰσὶ λόγοι. Εἰ
une proportion en nombres de feu, de terre,
δή [15] τι τοῦτο, ἡ ὕλη, φανερὸν ὅτι d'eau et d'air, cela supposera des sujets
καὶ αὐτοὶ οἱ ἀριθμοὶ λόγοι τινὲς particuliers , distincts de la proportion elle-
ἔσονται ἑτέρου πρὸς ἕτερον. Λέγω même ; et l'idée nombre, l'homme en soi, que
δ' οἷον, εἰ ἔστιν ὁ Καλλίας λόγος ἐν ce soit un nombre ou non, n'en sera pas moins
ἀριθμοῖς πυρὸς καὶ γῆς καὶ ὕδατος une proportion de nombres qui suppose des
καὶ ἀέρος, καὶ ἄλλων τινῶν sujets particuliers et non pas un pur nombre,
ὑποκειμένων ἔσται καὶ ἡ ἰδέα et on n'en peut tirer non plus aucun nombre
ἀριθμός· καὶ αὐτοάνθρωπος, εἴτ' particulier (44).
ἀριθμός τις ὢν εἴτε μή, ὅμως ἔσται
λόγος [20] ἐν ἀριθμοῖς τινῶν καὶ Ensuite, de la réunion de plusieurs nombres ,
οὐκ ἀριθμός, οὐδ' ἔσται τις διὰ résulte un nombre unique; comment de
plusieurs idées fera-t-on une seule idée ? Si on
ταῦτα ἀριθμός. Ἔτι ἐκ πολλῶν
prétend que la somme n'est pas formée de la
ἀριθμῶν εἷς ἀριθμὸς γίγνεται, ἐξ réunion des idées elles-mêmes, mais des
εἰδῶν δὲ ἓν εἶδος πῶς; Εἰ δὲ μὴ ἐξ éléments individuels compris sous les idées,
αὐτῶν ἀλλ' ἐκ τῶν ἐν τῷ ἀριθμῷ, comme est par exemple une myriade,
οἷον ἐν τῇ μυριάδι, πῶς ἔχουσιν αἱ comment sont les unités qui composent cette
μονάδες; Εἴτε γὰρ ὁμοειδεῖς, πολλὰ somme? Si elles sont de même espèce, il
συμβήσεται ἄτοπα, εἴτε μὴ s'ensuivra beaucoup de choses absurdes; si
ὁμοειδεῖς, [25] μήτε αὐταὶ ἀλλήλαις d'espèce diverse, elles ne seront ni les mêmes,
μήτε αἱ ἄλλαι πᾶσαι πάσαις· τίνι γὰρ ni différentes; car en quoi différeraient-elles,
διοίσουσιν ἀπαθεῖς οὖσαι; Οὔτε γὰρ puisqu'elles n'ont pas de qualités? Toutes ces
εὔλογα ταῦτα οὔτε ὁμολογούμενα τῇ choses ne sont ni raisonnables ni conformes au
bon sens. Et puis, il est nécessaire d'introduire
νοήσει. Ἔτι δ' ἀναγκαῖον ἕτερον
un autre genre de nombre qui soit l'objet de
γένος ἀριθμοῦ κατασκευάζειν περὶ ὃ l'arithmétique, et de ce que plusieurs appellent
ἡ ἀριθμητική, καὶ πάντα τὰ μεταξὺ les choses intermédiaires; autrement de quels
λεγόμενα ὑπό τινων, ἃ πῶς ἢ ἐκ principes viendront ces choses (45) ? Et
τίνων [30] ἐστὶν ἀρχῶν; Ἢ διὰ τί pourquoi y aurait-il des choses intermédiaires
μεταξὺ τῶν δεῦρό τ' ἔσται καὶ entre les choses sensibles et les idées? De plus
αὐτῶν; Ἔτι αἱ μονάδες αἱ ἐν τῇ , les unités qui entrent dans une dualité,
δυάδι ἑκατέρα ἔκ τινος προτέρας viennent chacune d'une certaine dyade
δυάδος· καίτοι ἀδύνατον. [992α] [1] antérieure; or, cela est impossible. Et aussi,
Ἔτι διὰ τί ἓν ὁ ἀριθμὸς pourquoi le nombre composé serait-il un?
συλλαμβανόμενος; Ἔτι δὲ πρὸς τοῖς Outre ce que nous venons de dire, si les unités
sont différentes, il fallait s'expliquer comme
εἰρημένοις, εἴπερ εἰσὶν αἱ μονάδες ceux qui admettent quatre ou deux éléments :
διάφοροι, ἐχρῆν οὕτω λέγειν ὥσπερ ceux-ci en effet ne donnent pas comme
καὶ ὅσοι τὰ στοιχεῖα τέτταρα ἢ δύο élément fondamental des choses, ce qu'elles
λέγουσιν· καὶ γὰρ τούτων ἕκαστος ont de commun, par exemple le corps; mais ils
οὐ [5] τὸ κοινὸν λέγει στοιχεῖον, disent que c'est le feu et la terre, que le corps
οἷον τὸ σῶμα, ἀλλὰ πῦρ καὶ γῆν, εἴτ' soit ou non quelque chose de commun entre
ἔστι τι κοινόν, τὸ σῶμα, εἴτε μή. ces éléments : mais ici , on pose pour principe
Νῦν δὲ λέγεται ὡς ὄντος τοῦ ἑνὸς l'unité, comme si c'était quelque chose
ὥσπερ πυρὸς ἢ ὕδατος ὁμοιομεροῦς· d'homogène, à la manière du feu ou de l'eau ;
εἰ δ' οὕτως, οὐκ ἔσονται οὐσίαι οἱ s'il en était ainsi, les nombres ne seront pas
des êtres; mais il est clair que, s'il y a une
ἀριθμοί, ἀλλὰ δῆλον ὅτι, εἴπερ ἐστί
unité existante en soi, et que cette unité soit
τι ἓν αὐτὸ καὶ τοῦτό ἐστιν ἀρχή, principe, il faut prendre le mot unité dans
πλεοναχῶς λέγεται τὸ ἕν· ἄλλως [10] plusieurs sens; autrement, cela serait
γὰρ ἀδύνατον. impossible.

Βουλόμενοι δὲ τὰς οὐσίας ἀνάγειν Dans le but de ramener les choses aux
principes de cette théorie, on compose les
εἰς τὰς ἀρχὰς μήκη μὲν τίθεμεν ἐκ
longueurs du long et du court, c'est-à-dire.
βραχέος καὶ μακροῦ, ἔκ τινος d'une certaine espèce de grand et de petit, la
μικροῦ καὶ μεγάλου, καὶ ἐπίπεδον ἐκ surface du large et de l'étroit, le corps du
πλατέος καὶ στενοῦ, σῶμα δ' ἐκ profond et de son contraire. Or, comment le
βαθέος καὶ ταπεινοῦ. Καίτοι πῶς plan pourra-t-il contenir la ligne, ou le solide la
ἕξει ἢ τὸ ἐπίπεδον γραμμὴν ἢ τὸ ligne et le plan? car le large et l'étroit sont une
στερεὸν γραμμὴν καὶ ἐπίπεδον; espèce différente du profond et de son
Ἄλλο [15] γὰρ γένος τὸ πλατὺ καὶ contraire. De même donc que le nombre ne se
στενὸν καὶ βαθὺ καὶ ταπεινόν· trouve pas dans ces choses, parce que ses
ὥσπερ οὖν οὐδ' ἀριθμὸς ὑπάρχει ἐν principes , le plus ou le moins, sont distincts de
αὐτοῖς, ὅτι τὸ πολὺ καὶ ὀλίγον ceux que nous venons de nommer, il est clair
que de ces diverses espèces, celles qui sont
ἕτερον τούτων, δῆλον ὅτι οὐδ' ἄλλο
supérieures, ne pourront se trouver dans les
οὐθὲν τῶν ἄνω ὑπάρξει τοῖς κάτω. inférieures (46). Et il ne faut pas dire que le
Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ γένος τὸ πλατὺ τοῦ profond soit une espèce du large; car alors, le
βαθέος· ἦν γὰρ ἂν ἐπίπεδόν τι τὸ corps serait une sorte de plan. Et les points,
σῶμα. Ἔτι αἱ στιγμαὶ ἐκ [20] τίνος d'où viendront-ils ? Platon combattait
ἐνυπάρξουσιν; Τούτῳ μὲν οὖν τῷ l'existence du point, comme étant une pure
γένει καὶ διεμάχετο Πλάτων ὡς ὄντι conception géométrique; d'autre part, il
γεωμετρικῷ δόγματι, ἀλλ' ἐκάλει l'appelait le principe de la ligne, il en a fait
ἀρχὴν γραμμῆς - τοῦτο δὲ πολλάκις souvent des lignes indivisibles. Pourtant , il
ἐτίθει - τὰς ἀτόμους γραμμάς. Καίτοι faut que ces lignes aient une limite ; de sorte
ἀνάγκη τούτων εἶναί τι πέρας· ὥστ' que par la même raison que la ligne existe, le
point existe aussi.
ἐξ οὗ λόγου γραμμὴ ἔστι, καὶ στιγμὴ
ἔστιν.
Enfin , quand il appartient à la philosophie de
rechercher la cause des phénomènes, c'est
Ὅλως δὲ ζητούσης τῆς σοφίας περὶ cela même que l'on néglige : car on ne dit rien
[25] τῶν φανερῶν τὸ αἴτιον, τοῦτο de la cause qui est le principe du changement;
μὲν εἰάκαμεν (οὐθὲν γὰρ λέγομεν et on s'imagine expliquer l'essence des choses
περὶ τῆς αἰτίας ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς sensibles, en posant d'autres essences; mais
μεταβολῆς), τὴν δ' οὐσίαν οἰόμενοι comment celles-ci sont-elles les essences de
λέγειν αὐτῶν ἑτέρας μὲν οὐσίας celles-là ? c'est sur quoi on ne se paie que de
εἶναί φαμεν, ὅπως δ' ἐκεῖναι τούτων mots, car participer, comme nous l'avons déjà
οὐσίαι, διὰ κενῆς λέγομεν· τὸ γὰρ dit, ne signifie rien. Et ce principe que nous
regardons comme la fin des sciences , en vue
μετέχειν, ὥσπερ καὶ πρότερον
duquel agit toute intelligence et tout être; ce
εἴπομεν, οὐθέν ἐστιν. Οὐδὲ δὴ ὅπερ principe que nous avons rangé parmi les
ταῖς [30] ἐπιστήμαις ὁρῶμεν ὂν principes premiers , les idées ne l'atteignent
αἴτιον, δι' ὃ καὶ πᾶς νοῦς καὶ πᾶσα nullement : mais de nos jours les
φύσις ποιεῖ, οὐδὲ ταύτης τῆς αἰτίας, mathématiques sont. devenues la philosophie
ἥν φαμεν εἶναι μίαν τῶν ἀρχῶν, toute entière, quoiqu'on dise qu'il ne faut les
οὐθὲν ἅπτεται τὰ εἴδη, ἀλλὰ γέγονε cultiver qu'en vue des autres choses. De plus,
τὰ μαθήματα τοῖς νῦν ἡ φιλοσοφία, cette dyade , dont ils font la matière des
φασκόντων ἄλλων χάριν αὐτὰ δεῖν choses , on pourrait bien la regarder comme
πραγματεύεσθαι. [992β] [1] Ἔτι δὲ une matière purement mathématique , comme
τὴν ὑποκειμένην οὐσίαν ὡς ὕλην un attribut et une différence de ce qui est et
μαθηματικωτέραν ἄν τις ὑπολάβοι, de la matière, plutôt que comme la matière
καὶ μᾶλλον κατηγορεῖσθαι καὶ même : c'est comme ce que les physiciens
διαφορὰν εἶναι τῆς οὐσίας καὶ τῆς appellent le rare et le dense, ne désignant par
ὕλης ἢ ὕλην, οἷον τὸ μέγα καὶ τὸ là que les différences premières du sujet; car
μικρόν, ὥσπερ καὶ οἱ φυσιολόγοι [5] tout cela n'est autre chose qu'une sorte de
plus et de moins (47). Quant à ce qui est du
φασὶ τὸ μανὸν καὶ τὸ πυκνόν, mouvement, si le grand et le petit renferment
πρώτας τοῦ ὑποκειμένου φάσκοντες le mouvement, il est clair que les idées seront
εἶναι διαφορὰς ταύτας· ταῦτα γάρ en mouvement : sinon, d'où est-il venu? c'en
ἐστιν ὑπεροχή τις καὶ ἔλλειψις. Περί est assez pour supprimer d'un seul coup toute
τε κινήσεως, εἰ μὲν ἔσται ταῦτα étude de la nature. Il eût paru facile à cette
κίνησις, δῆλον ὅτι κινήσεται τὰ doctrine de démontrer que tout est un; mais
εἴδη· εἰ δὲ μή, πόθεν ἦλθεν; Ὅλη γὰρ elle n'y parvient pas , car, des raisons qu'on
ἡ περὶ φύσεως ἀνῄρηται σκέψις. Ὅ expose, il ne résulte pas que toutes choses
τε δοκεῖ ῥᾴδιον [10] εἶναι, τὸ δεῖξαι soient l'unité, mais seulement qu'il y a une
ὅτι ἓν ἅπαντα, οὐ γίγνεται· τῇ γὰρ certaine unité existante , et il reste à accorder
qu'elle soit tout : or cela , on ne le peut , qu'en
ἐκθέσει οὐ γίγνεται πάντα ἓν ἀλλ'
accordant l'existence du genre universel (48),
αὐτό τι ἕν, ἂν διδῷ τις πάντα· καὶ ce qui est impossible pour certaines choses.
οὐδὲ τοῦτο, εἰ μὴ γένος δώσει τὸ Pour les choses qui viennent après les
καθόλου εἶναι· τοῦτο δ' ἐν ἐνίοις nombres, à savoir, les longueurs, les surfaces
ἀδύνατον. Οὐθένα δ' ἔχει λόγον οὐδὲ et les solides, on n'en rend pas raison, on
τὰ μετὰ τοὺς ἀριθμοὺς μήκη τε καὶ n'explique ni comment elles sont et
ἐπίπεδα καὶ στερεά, οὔτε ὅπως deviennent, ni si elles ont quelque vertu. Il est
ἔστιν ἢ [15] ἔσται οὔτε τίνα ἔχει impossible que ce soient des idées; car ce ne
δύναμιν· ταῦτα γὰρ οὔτε εἴδη οἷόν sont pas des nombres, ni des choses
τε εἶναι (οὐ γάρ εἰσιν ἀριθμοί) οὔτε intermédiaires , car ces dernières sont les
τὰ μεταξύ (μαθηματικὰ γὰρ ἐκεῖνἀ choses mathématiques , ni enfin des choses
périssables ; mais il est évident qu'elle
οὔτε τὰ φθαρτά, ἀλλὰ πάλιν
constituent une quatrième classe d'êtres.
τέταρτον ἄλλο φαίνεται τοῦτό τι
γένος. Ὅλως τε τὸ τῶν ὄντων ζητεῖν Enfin, rechercher les éléments des êtres sans
στοιχεῖα μὴ διελόντας, πολλαχῶς les distinguer, lorsque leurs dénominations les
λεγομένων, ἀδύνατον εὑρεῖν, ἄλλως distinguent de tant de manières, c'est se
[20] τε καὶ τοῦτον τὸν τρόπον mettre dans l'impossibilité de les trouver,
ζητοῦντας ἐξ οἵων ἐστὶ στοιχείων. surtout si on pose la question de cette manière
Ἐκ τίνων γὰρ τὸ ποιεῖν ἢ πάσχειν ἢ : Quels sont les éléments des êtres? car de
τὸ εὐθύ, οὐκ ἔστι δήπου λαβεῖν, ἀλλ' quels éléments viennent l'action ou la passion
εἴπερ, τῶν οὐσιῶν μόνον ἐνδέχεται· ou la direction rectiligne, c'est ce qu'on ne
ὥστε τὸ τῶν ὄντων ἁπάντων τὰ peut certainement pas saisir; on ne le peut que
pour les substances; de sorte que rechercher
στοιχεῖα ἢ ζητεῖν ἢ οἴεσθαι ἔχειν
les éléments de tous les êtres ou s'imaginer
οὐκ ἀληθές. Πῶς δ' ἄν τις καὶ μάθοι qu'on les connaît, est une chimère. Et puis,
τὰ τῶν πάντων στοιχεῖα; [25] Δῆλον comment pourra-t-on apprendre quels sont les
γὰρ ὡς οὐθὲν οἷόν τε προϋπάρχειν éléments de toutes choses? Évidemment, il est
γνωρίζοντα πρότερον. Ὥσπερ γὰρ impossible alors qu'on possède aucune
τῷ γεωμετρεῖν μανθάνοντι ἄλλα μὲν connaissance préalable (49); car quand on
ἐνδέχεται προειδέναι, ὧν δὲ ἡ apprend la géométrie , on a des connaissances
ἐπιστήμη καὶ περὶ ὧν μέλλει préalables, sans qu'on sache d'avance rien de
μανθάνειν οὐθὲν προγιγνώσκει, ce que renferme la géométrie et de ce qu'il
οὕτω δὴ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων, ὥστ' εἴ s'agit d'apprendre; et il en est ainsi de tout le
τις τῶν πάντων ἔστιν ἐπιστήμη, reste; si donc il y a une science de toutes
choses, comme quelques-uns le prétendent, il
οἵαν δή τινές φασιν, [30] οὐθὲν ἂν
n'y a plus de connaissance préalable.
προϋπάρχοι γνωρίζων οὗτος. Καίτοι Cependant, toute science, aussi bien celle qui
πᾶσα μάθησις διὰ procède par démonstration (50) que celle q ni
προγιγνωσκομένων ἢ πάντων ἢ procède par définitions (51), ne s'acquiert qu'à
τινῶν ἐστί, καὶ ἡ δι' ἀποδείξεως ἡ l'aide de connaissances préalables, totales ou
particulières; car toute définition suppose des
δι' ὁρισμῶν (δεῖ γὰρ ἐξ ὧν ὁ
données connues d'avance; et il en est de
ὁρισμὸς προειδέναι καὶ εἶναι même de la science par induction (52).
γνώριμἀ· ὁμοίως δὲ καὶ ἡ δι' D'ailleurs, si la science dont nous parlons était
ἐπαγωγῆς. Ἀλλὰ μὴν εἰ καὶ τυγχάνοι innée en nous, il serait étonnant que nous
σύμφυτος οὖσα, [993α] [1] possédassions, sans le savoir, la plus puissante
θαυμαστὸν πῶς λανθάνομεν ἔχοντες des sciences. Et puis, comment connaîtra-t-on
τὴν κρατίστην τῶν ἐπιστημῶν. Ἔτι les éléments de toutes choses et comment
πῶς τις γνωριεῖ ἐκ τίνων ἐστί, καὶ arrivera-t-on à une certitude démonstrative ?
πῶς ἔσται δῆλον; Καὶ γὰρ τοῦτ' ἔχει Car cela est sujet à difficulté (53); et on
ἀπορίαν· ἀμφισβητήσειε γὰρ ἄν τις pourrait douter sur ce point comme on doute
ὥσπερ καὶ περὶ ἐνίας [5] συλλαβάς· au sujet de certaines syllabes : les uns disent
en effet que la syllabe DSA est composée des
οἱ μὲν γὰρ τὸ ζα ἐκ τοῦ ς καὶ δ καὶ α
trois lettres D, S, A (54); les autres prétendent
φασὶν εἶναι, οἱ δέ τινες ἕτερον que c'est un autre son, différent de tous ceux
φθόγγον φασὶν εἶναι καὶ οὐθένα τῶν que nous connaissons. Enfin, les choses qui
γνωρίμων. Ἔτι δὲ ὧν ἐστὶν tombent sous la sensation, comment celui qui
αἴσθησις, ταῦτα πῶς ἄν τις μὴ ἔχων est dépourvu de la faculté de sentir, pourra-t-il
τὴν αἴσθησιν γνοίη; Καίτοι ἔδει, εἴγε les connaître? Pourtant , il le faudrait si les
πάντων ταὐτὰ στοιχεῖά ἐστιν ἐξ ὧν, idées sont les éléments dont se composent
ὥσπερ αἱ σύνθετοι φωναί εἰσιν ἐκ toutes choses, comme des sons composés
τῶν [10] οἰκείων στοιχείων. viennent tous des sons élémentaires.

IX CHAPITRE IX.

Ὅτι μὲν οὖν τὰς εἰρημένας ἐν τοῖς Ainsi donc, il résulte clairement de tout ce que
φυσικοῖς αἰτίας ζητεῖν ἐοίκασι nous avons dit jusqu'ici, que les recherches de
πάντες, καὶ τούτων ἐκτὸς οὐδεμίαν tous les philosophes se rapportent aux quatre
ἔχοιμεν ἂν εἰπεῖν, δῆλον καὶ ἐκ τῶν principes déterminés par nous dans la
Physique, et qu'en dehors de ceux-là il n'y en a
πρότερον εἰρημένων· ἀλλ' ἀμυδρῶς pas d'autre; mais ces recherches ont été faites
ταύτας, καὶ τρόπον μέν τινα πᾶσαι sans précision; et si, en un sens, on a parlé
πρότερον εἴρηνται τρόπον [15] δέ avant nous de tous les principes, on peut dire
τινα οὐδαμῶς. Ψελλιζομένῃ γὰρ en un autre qu'il n'en a pas été parlé: car la
ἔοικεν ἡ πρώτη φιλοσοφία περὶ philosophie primitive (55), jeune et faible
πάντων, ἅτε νέα τε καὶ κατ' ἀρχὰς encore, semble bégayer sur toutes choses. Par
οὖσα [καὶ τὸ πρῶτον], ἐπεὶ καὶ exemple, lorsque Empédocle dit que ce qui fait
᾿Εμπεδοκλῆς ὀστοῦν τῷ λόγῳ φησὶν l'os c'est la proportion (56), il désigne par là la
εἶναι, τοῦτο δ' ἐστὶ τὸ τί ἦν εἶναι καὶ forme et l'essence de la chose ; mais il faut
ἡ οὐσία τοῦ πράγματες. Ἀλλὰ μὴν aussi que ce principe rende raison de la chair
et de toutes les autres choses, ou de rien; c'est
ὁμοίως ἀναγκαῖον καὶ σάρκας καὶ
donc par la proportion que la chair et l'os et
τῶν ἄλλων [20] ἕκαστον εἶναι τὸν toutes les autres choses existeront, et non pas
λόγον, ἢ μηδὲ ἕν· διὰ τοῦτο γὰρ καὶ par la matière, laquelle est selon lui feu, terre
σὰρξ καὶ ὀστοῦν ἔσται καὶ τῶν et eau. Qu'un autre eût dit cela, Empédocle en
ἄλλων ἕκαστον καὶ οὐ διὰ τὴν ὕλην, serait nécessairement convenu; mais il ne s'est
ἣν ἐκεῖνος λέγει, πῦρ καὶ γῆν καὶ pas expliqué clairement.
ὕδωρ καὶ ἀέρα. Ἀλλὰ ταῦτα ἄλλου
μὲν λέγοντος συνέφησεν ἂν ἐξ L'insuffisance des recherches de nos
ἀνάγκης, σαφῶς δὲ οὐκ εἴρηκεν. devanciers a été assez montrée (57).
Περὶ μὲν οὖν τούτων δεδήλωται καὶ Maintenant , reprenons les difficultés qui
[25] πρότερον· ὅσα δὲ περὶ τῶν peuvent s'élever sur le sujet, lui-même ; leur
αὐτῶν τούτων ἀπορήσειεν ἄν τις, solution nous conduira peut-être à celle des
difficultés qui se présenteront ensuite.
[26] ἐπανέλθωμεν πάλιν· τάχα γὰρ
ἂν ἐξ αὐτῶν εὐπορήσαιμέν τι πρὸς
τὰς ὕστερον ἀπορίας.

NOTES

(01) ARISTOTE, de Sensu et Sensili, cap. I, Bekk. 1, p. 437.

(02) Histor. animal., IX, 40, Bekk. I, 627.

(03) De Anima, II, 3, Bekk. I. 414.

(04) Dans le Gorgias de Platon, Ed. Bekk., Part. II, vol. I. p. 6 ;


trad. franç., t. III. p. 136.

(05) Ethic. Nicom., VI, 3, Bekk, II, i 139.

(06) σοφία. Ce mot correspond à celui de σοφὸς; employé


plusieurs fois précédemment et toujours traduit par sage. Mais
si on traduit ici σοφία par sagesse, on risque de s'écarter du
vrai sens d'Aristote qui, de degré en degré passe du sens
populaire de σοφία à son sens élevé qui est la sagesse
véritable, la philosophie. Voyez Rapport, p. 43 et 69-63.

(07) Conception de l'ordre universel. Voyez I. XII.

(08) Le mythe est en effet l'explication primitive et imparfaite


que l'esprit se forme des phénomènes qui l'étonnent et qui
provoquent sa curiosité et ses recherches. Ainsi l'Iris
Thaumantias est déjà une explication de l'arc-en-ciel. Plus tard,
sur cette solution imparfaite, le philosophe fonde une solution
sciéntifique au-delà de laquelle il n'y a plus rien à chercher.
Aristote, Ed. Brand. 1. III, p. 53 ; I. XII, p. 254. Rapprochez de
ces passages ceux du Cours de philosophie de 1828, 1ere
leçon, p. 22, et 5e lec. p. 19.

(09) Allusion à la phrase de Simonide que Platon cite plus


directement dans le Protagoras,.Ed. Bekk. p. 215, trad. F. t. III,
p. 86. Voyez Gaisford, Poetae Craeci min., t. I, p. 399-398.

(10) τὸ τί ἦν εἶναι. Locution qui se retrouve fréquemment


dans Aristote et particulièrement dans la Métaphysique, Ed. Br.
L I, p. 35, VII, p. 132, 133, 134, 136, 140, VIII, p. 168, pour
exprimer le caractère propre et essentiel d'une chose, ce qui la
fait être ce qu'elle est, ce qui fait qu'on peut la définir, qu'on la
distingue de toute autre, qu'on lui donne un nom qui ne
convient qu'à elle. Aristote l'emploie souvent pour εἶδος et
μορφή. C'est la quidditas des scholastiques, la causa formalis.

(11) τὴν ὕλην καὶ τὸ ὑποκείμενον. Causa materialis.

(12) ἀρχὴ τῆς κινήσεως. Causa efficiens, la cause efficiente.

(13) τὸ οὗ ἕνεκα καὶ τἀγαθόν. Causa finalis, la raison


suffisante qui, dans Leibnitz, comme dans Aristote, est
essentiellement bienfaisante.

(14) Les quatre principes énoncés ici se retrouvent en effet


dans la Physique, dans un ordre et avec des termes un peu
différents. Physic. Ausc. II, 3, Bekk. I, 194. Ibid. 7, Bekk. I, 198.

(15) Rapport du système d'Aristote à celui de Thalès, de l'ὕδωρ


à l'ὑγρόν, considéré comme le principe même du chaud, τὸ
θερμὸν, et par conséquent comme principe unique. Histor.
Animal. I, 4, Bekk. 1, 489. De partibus animal.. II, 3, Bekk. I,
649. Meteorol. IV, 4. De longitudine et brevitate vitae, 5, Bekk.
I, 240.

(16) En effet les prêtres de l'Ionie n'avaient pas le système


physique de Thalès, et pourtant la mythologie de ces prêtres
qui faisaient de l'Océan et de Téthys les auteurs de toutes
choses, est le fond primitif d'où plus tard est sorti le système de
Thalès à l'insu de Thalès lui-même. La mythologie, non
seulement précède, mais renferme déjà la philosophie à l'insu
de l'une et de l'autre.

(17) Aristote oublie ici Anaximandre dont le système, le τὸ


ἄπειρον comme principe des choses, appartient à l'ὕλη. II
répare cet oubli, l. XII, p. 241. Voyez aussi Physic. Ausc. III, 4,
Bekk. I, 203.

(18) Les Éléates et entre autres Xénophane et Zénon. Voyez


Nouveaux fragments philosophiques. p. 9-15o. Ici j'ai suivi
Brandis qui omet τοῦτο μὲν γὰρ ἀρχαῖον τε καὶ πάντες
ὡμολόγησαν, ainsi que τοῦτο αὐτῶν ἴδιόν ἐστι.

(19) Parmenidis fragmenta, Ed. Fulleborn, p. 86.

(20) Theogon, 116. Ed. Gaisford, I. 76-77.

(21) ἐξέστω κρίνειν ὕστερον. Ce jugement qu'Aristote


ajourne ici, ne se trouve nulle autre part dans ses ouvrages.
Mais plusieurs de ses traités sur certains points de l'histoire de
la philosophie ne sont pas venus jusqu'à nous. Voyez Diogène
de Laerte et Ménage.
(22) ῥυσμὸς, διαθιγὴ, τροπὴ

(23) Καιρὸς, expression pythagoricienne qui désigne le principe


qui fait tout à propos et comme il faut, la sagesse qui préside à
toutes choses.

(24) Cette supposition d'un dixième corps céleste est mieux


expliquée dans le traité de Caelo.

(25) Probablement dans son traité spécial sur les


Pythagoriciens, dont parle Diogène de Laerte.

(26) Nous ne voyons pas d'autre raison de cette idée attribuée


par Aristote aux pythagoriciens que celle qu'en a donné
Alexandre d'Aphrodisée, savoir : que l'unité est pair parce qu'en
s'ajoutant à un nombre impair, elle le rend pair, et qu'elle est
impair parce qu'en s'ajoutant à un nombre pair, elle le rend
impair.

(27) ἑτερόμηκες

(28) Voyez notre dissertation sur Xénophane, Nouv. fragm.


philosoph.

(29) Selon les Pythagoriciens le fini, l'infini et l'unité n'ont pas


une existence différente des sujets où ils se trouvent, tandis
que les Ioniens, lors même qu'ils admettent que la terre et le
feu sont infinis, distinguent le sujet même, le principe matériel,
feu, air ou terre, et la qualité qu'ils y admettent, à savoir,
l'infinité ou l'immensité. Dans le le système des pythagoriciens,
il n'y a pas deux choses : le sujet et son attribut; pour eux
l'attribut des Ioniens est le sujet lui-même : οὐχ ἕτερον, οὐχ
ἑτέρας τινὰς φύσεις τῶν κατηγορουμένων; ailleurs, 1. XIII,
Aristote emploie le μὴ χωριστὸν au lieu de οὐχ ἕ τερον, édit. Br.
p. 279. Ainsi les choses ont fait place aux conceptions
mathématiques, et les termes s'évanouissent dans leurs
rapports. Cours de philosophie de 1829, t. I p. 250.

(30) Ainsi trois hommes, trois triangles appartenant à la même


classe ont la même nature, συνώνυμα, et le même nom,
ὁμώνυμα ; et cette identité de nom leur vient de leur
participation commune à l'idée d'homme ou de
triangle,ὁμώνυμα τοῖς εἴδεσιν. Bekker et Brandis avec deux
MSS. seulement, retranchent ὁμώνυμα donné par tous les
autres MSS. Je me décide contre ce retranchement par les
raisons suivantes : 1° συνωνύμον appelle naturellement
ὁμώνυμα ; 2° on ne voit plus ce qui régirait τοῖς εἴδεσιν; 3°
cette leçon est celle d'Alexandre d'Aphrodisée. Nous nous
référons à M. Trendelenburg dans son excellent écrit , Platonis
de numeris et ideis doctrina ex Aristotele illustrata, Lips. 1826.
(31) Ainsi il y a bien des cercles et bien des triangles; mais il n'y
a qu'une seule idée de cercle et de triangle.

(32) Alexandre d'Aphrodisée entend par nombres primordiaux


(πρώτοι) les nombres impairs. M. Trendelenburg, dans la
dissertation déjà citée entend les nombres idéaux (εἰδητικοὶ);
et il apporte plusieurs exemples da ce sens de πρώτος. Brandis
propose de concilier ainsi ces deux explications. Les nombres
dont il s'agit sont bien les nombres idéaux, mais les nombres
idéaux impairs. En effet dans le système qu'Aristote attribue ici
à Platon, les nombres idéaux pairs sont le produit de la dyade
indéfinie, comme les nombres mathématiques pairs sont le
produit de la dyade déterminée ou du nombre limité. Brandis,
Rhein. Mus. T. II. p. 574.

(33) Je lis avec Alexandre d'Aphrodisée, avec Bekker et


Trendelenburg et Brandis lui-même (de perditis Aristotelis libris)
τὸ δ' ἓν ἐν τοῖς εἴδεσι , et non pas τὰ δὲ ἐπι τοῖς εἴδεσι
que Brandis donne dans son édition.

(34) Le Bien.

(35) Cette phrase ainsi entendue prolonge évidemment


l'introduction de la Métaphysique au-delà du premier livre.

(36) Je suis Brandis qui lit τοῖς φαινομένοις, mais je conviens


que Bekker a trouvé dans la plupart des manuscrits τοῖς νῦν
φαινομένοις, les opinions reçues aujourd'hui.

(37) Selon Aristote (l. XII ), les sphères célestes sont animées et
tiennent d'elles-mêmes leur mouvement.

(38) Τὰ ἀνωτέρω τῶν ὄντων. En effet les vérités


mathématiques sont des rapports nécessaires, supérieurs à
leurs termes.

(39) L'argument du troisième homme, qu'Aristote ne fait ici


qu'indiquer, comme suffisamment connu, était, à ce qu'il parait,
un argument célèbre contre la doctrine des idées. On le
produisait sous diverses formes qu'Alexandre d'Aphrodisée nous
a conservées: 1° Quand nous disons : l'homme se promène,
nous n'entendons pas parler de l'idée de l'homme, de l'homme
en soi ; car l'idée est sans mouvement; ni de l'homme
particulier; car le particulier, c'est le non-être, c'est ce que nous
ne pouvons connaître ; et comment savoir si ce qui n'est pas se
promène ou non ? Il y a donc un troisième homme, outre
l'homme individu et l'idée de l'homme. 2° Les partisans des
idées disent que tout ce qui peut être affirmé de plusieurs
choses particulières est une idée, un être à part, ayant une
existence distincte (χωριστὸν) de celle des objets particuliers
dont on l'affirme. S'il en est ainsi, puisque la dénomination
d'homme convient et à l'homme en général et à l'homme
particulier, il y aura un troisième homme, distinct des deux
premiers. Ce troisième homme ayant le même rapport d'un
côté avec l'idée de l'homme, de l'autre avec l'homme
particulier, il y aura, par la même raison, un quatrième et un
cinquième homme, et ainsi de suite à l'infini. Alexandre
d'Aphrodisée cite encore une troisième forme de cet argument
qui se rapproche beaucoup de la première , et qu'il attribue au
sophiste Polyxène. Enfin, Asclépias de Tralles, autre
commentateur d'Aristote, développe le même argument sous la
seconde des deux formes citées par Alexandre d'Aphrodisée.
Voyez Brandis, de perditis Aristotelis libris, pag. 19, Bonn. 1893.

(40) Probablement Speusippe et Xénocrate.

(41) Au lieu de ἑκάστου donné par Brandis et Bekker, le


manuscrit H de Bekker donne ἕκαστον, qui est appuyé par
Alexandre d'Aphrodisée et qui rend le sens plus facile.

(42) C'est-à-dire, pourquoi, si l'on ne conteste pas que la dualité


se trouve une et identique dans la dualité concrète et dans la
dualité abstraite et mathématique, parce que ces dualités sont
du même genre, pourquoi n'admettrait-ou pas aussi que la
dualité se trouve une et identique dans l'idée de la dualité et
dans les dualités particulières, si, ce qui est l'hypothèse, les
idées et les choses qui en participent sont du même genre? Il
faut ici aider un peu au texte d'Aristote en suivant Alexandre
d'Aphrodisée.

(43) L'espèce homme est une idée et par conséquent un


exemplaire par rapport aux hommes particuliers qu'elle
comprend. Mais le genre animal qui comprend l'espèce homme,
est une idée aussi, et par conséquent un exemplaire par rapport
à l'idée d'homme. L'idée d'homme est donc à la fois exemplaire
et copie.

(44) εἰ δ' ὅτι λόγοι ἀριθμῶν.................................. οὐδ'


ἔσται τις διὰ ταῦτα ἀριθμός. D'après le sens le plus
plausible qu'on puisse donner à cette phrase , elle revient à
établir ce qui est toujours en effet le dernier résultat auquel
veut arriver Aristote, savoir que rien de particulier ne peut sortir
du général pur, et que si l'on fait de ce général un nombre, il
est incapable de produire les nombres particuliers qui
représenteront alors dans ce système numérique les chocs
particulières; ou que, si on en fait une proportion de nombres, il
supposera évidemment des sujets, des termes préexistants , au
lieu d'expliquer ces sujets et aucun nombre particulier. D'où il
suit que l'idée nombre est une abstraction impuissante.

(45) C'est-à-dire les mathématiques.


(46) οὐθὲν τῶν ἄνω ὑπάρξει τοῖς κάτω. . Dans cette
phrase, τὰ ἄνω et τὰ κάτω équivalent à ce qui est appelé
ailleurs τὰ πρότερα et τὰ ὕστερα. Or, voici la définition
qu'Aristote donne de ces deux derniers mots, au livre IV de la
Métaphysique, Ed. Br., p. 103, 1. 21, définition qu'il attribue
aussi à Platon : Τὰ μὲν δὴ οὕτω λέγεται πρότερα καὶ ὕστερα, τὰ
δὲ κατὰ φύσιν καὶ οὐσίαν, ὅσα ἐνδέχεται εῖναι ἄνευ ἄλλων,
ἐκεῖνα δὲ ἄνευ ἐκείνων μή· ᾗ διαιρέσει ἐχρήσατο Πλάτων. En
appliquant cette définition aux choses dont il s'agit ici, il
s'ensuit que le nombre est antérieur à la ligne, la ligne au plan,
le plan au solide ; car la ligne peut exister sans la surface et
indépendamment d'elle , mais non pas la surface sans la ligne,
etc. Cette explication est la clef de la phrase qui nous occupe ;
elle a sa confirmation page 33 , Ed. Br. , 1. 20 ; rτὰ μετὰ τοὺς
ἀριθμοὺς μήκη καὶ ἐπίπεδα καὶ στερεά.

(47) ὑπεροχή τις καὶ ἔλλειψις.

(48) Γένος τὀ καθόλου

(49) En effet, vouloir remonter aux éléments de toutes choses


et expliquer tout, c'est ne s'arrêter à rien et détruire, par des
explications à l'infini, les bases mêmes de toute explication : à
savoir, les données, les principes, les connaissances préalables
dont il faut partir dans toute science, comme il est montré plus
bas.

(50) Δι' ἀποδείξεως.

(51) Δι' ὁρισμῶν.

(52) Δι' ἐπαγωγῆς

(53) En effet, puisque, comme Aristote vient de le dire, celui qui


veut acquérir la science de toutes choses, ne peut supposer
aucune connaissance préalable, pas même celle des axiomes,
comment saura-t-il quelque chose démonstrativement?
comment arrivera-t-il à l'évidence?

(54) Le texte : σμα . Mais on ne voit pas comment il a pu être


jamais mis en doute que la syllabeσμα vînt des trois lettres σ,
μ, α. C'est pourquoi nous avons substitué avec Alexandre
d'Apbrodisée la syllabe κσα ou δσα (ξα, ζα) à σμα. Brandis, par
respect pour les manuscrits, ne fait pas ce changement dans le
texte, mais il l'indique en note.

(55) ῾Η πρώτη φιλοσοφία. Le sens constant de cette expression


dans Aristote est celui de philosophie première. La place qu'elle
occupe ici en indique plus naturellement un autre, celui de
philosophie ancienne ou antérieure. Alexandre d'Aphrodisée
semble adopter ce dernier sens : cum priores de philosophia
disputabant.

(56) ῾Οστοῦν τῷ λόγῳ φησὶν εἶναι. Aristote attribue la


méme pensée à Empédocle dans plusieurs autres passages : de
generat. anim. I, 18; de partib. anim. I, 1; de anima, I, 5. Sur ce
point, voyez Sturz Empedocles Agrigentinus , pag. 407. Dans
Empédocle, on voit fréquemment λόγος à la place de φιλία .
L'amitié est en effet un rapport.

(57) Περὶ τούτων. Ceci ne s'applique pas seulement à ce qui


précède immédiatement, c'est à-dire au système d'Empédocle.
Il s'agit en général de la manière insignifiante dont les anciens
ont parlé des principes.

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