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Université Montpellier I – Master 1

COURS D’HISTOIRE DES


RELATIONS DU TRAVAIL

Notes personnelles.

Année 2008-2009
Bibliographie

Cf. Introductions des manuels d’histoire du droit du travail, voir en particulier


le manuel d’Aubin et Bouveresse Introduction historique au droit du travail dans la
collection Droit fondamental chez PUF.

Sur l’examen de fin d’année : il s’agira d’un oral de 10 minutes, questions de


cours.

Introduction

Evoquons rapidement l’Antiquité (-3000 + 476 environ).

L’histoire de la Rome antique se découpe de la façon suivante.

Empire
-27 à 565
République
-509 à -27

Royauté
-753 à -509

Depuis -753 et la fondation légendaire de Rome jusqu’à 565 et la mort de


Justinien qui vient signer la mort de l’empire romain d’Orient (pas de l’empire
d’Occident en revanche), on voit synthétiquement l’évolution historique.

Pour compléter, il faudrait ajouter qu’entre 27 et 284 s’ouvre le Haut empire à


opposer au Bas Empire entre 284 et 476.

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Pour les relations de travail, signalons le louage de services qui existait à
Rome. Cette convention était régie par les mêmes règles que pour le louage de
choses. De façon générale, l’organisation du travail était marquée par la
prédominance de l’esclavage. Le droit romain considère l’esclave comme chose.

De plus, le travail servile est une nécessité, aucune considération morale. C’est
la même chose en Grèce d’ailleurs. On trouvait des esclaves partout. Dans
l’agriculture, dans les grandes et petites exploitations, dans l’industrie (industries
extractives surtout, or argent et fer).

Sur l’organisation du travail à Rome notons qu’il y avait un système très


encadré. Les artisans étaient regroupés en corporations. On parlait de collèges et non
de corporations. Ces collèges avaient une déesse protectrice, Minerve, divinité
étrusque. Il s’agissait d’un système contraignant car l’affiliation au collège était
obligatoire pour chaque professionnel. Des règles strictes existaient. Par exemple
l’adhésion au collège revêtait un caractère héréditaire. Ou bien si l’on voulait
abandonner le collège on devait lui abandonner ses biens.

L’encadrement du travail va évoluer, dans une direction à peu près similaire à


travers le Moyen Âge et jusqu’à la révolution, celle-ci étant confirmée en partie par
l’Etat napoléonien dans une nouvelle période.

Ceci fondera le cours : en premier lieu nous verrons le travail encadré au


travail libéré, et du travail libéré au travail industriel.

Partie 1. Du travail encadré au travail libéré

Chapitre 1. Les relations de travail au Moyen Âge

Posons quelques repères ; le Moyen Âge s’étend du Vème au XIVème, ce qui


correspond à la monarchie médiévale.

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Fin du Moyen
Âge
Moyen Âge
classique / XIVème -
Epoque XVème siècle
féodale

Haut Moyen XIème -


Âge / Epoque XIIIème siècle
franque
Vème - Xème
siècle

Ceci étant la structure générale, on peut se pencher sur les deux premières
périodes, la troisième étant moins riche de faits :

Haut Moyen
• 1. Période mérovingienne : 481 - 751 -Retenons Clovis-
Âge - Epoque
franque -Vème • 2. Période carolingienne: 751-987 -Retenons Charlemagne-
-Xème siècle-

Moyen Âge
Classique - • -Les pouvoirs du roi sont limités par ceux des seigneurs.-
Epoque féodale • 1. Temps seigneuriaux: 987-1108 -Avènement d'Hugues Capet en 987-
-XIème - • 2. Temps de restauration royale: 1108-1223
XIIème siècle-

•Cette période signe la fin du Moyen Âge, dans une période


Fin du Moyen Âge - marquée par les bouleversements dans tous les domaines:
XIVème - XVème économie, démographie, citons la peste noire de 1348, le tiers
siècle- de la population française disparait politique, idéologique.

Sur les relations de travail, l’idée à retenir est que la condition des personnes
est liée à celle des terres et par conséquent au droit. Ceci explique, dans le monde
rural, que la terre est la principale source de richesse. Ceci explique que la plupart
des conventions sont en rapport avec l’agriculture. Dans l’organisation du travail on
remarque une constante, l’existence d’une paysannerie dépendante et dominée par le
seigneur. Pour le monde urbain, le travail artisanal et commercial reste peu développé.
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L’apparition des associations professionnelles est à noter, dans la continuité des
collèges de l’époque romaine selon certains. Enfin, dans les deux cas de figure rural /
urbain, les relations de travail sont déjà marquées par le conflit.

Section 1. La condition des personnes

Deux idées générales sont à retenir. 1. Au Moyen Âge, l’homme n’existe que par
rapport aux autres hommes et le droit établit le rapport entre droit et société. 2. La
société du Moyen Âge a une structure assez nette. Différentes classes existent, très
séparées selon leurs fonctions. Chaque fonction sociale est attribuée à une classe,
avec un statut particulier. Et dans ce statut une forme spéciale de propriété existe.

Quelles classes ? Jusqu’au XIème siècle, les libres s’opposaient aux non libres,
dans une distinction juridique. A partir du XIème siècle, la réalité sociale change. Un
moine, Adalberon, propose une autre distinction :

-Les oratores ceux qui prient

-Les bellatores ceux qui combattent

-Les laboratores ceux qui travaillent

Cette distinction apparaît cependant un peu artificielle. La distinction


principale est celle opposant monde rural et monde urbain. Au XIIIème siècle,
Beaumanoir, juriste, préfère découper la société en nobles et non nobles. On trouve
d’ailleurs à cette époque dans les sources juridiques des coutumiers, réalisés à l’écrit,
et dont certains distinguent catégories de la façon suivante :

Cette hiérarchie
était reconnue de
tous. Certaines
Les clercs fonctions sont
plus importantes
que d’autres, d’où
Les nobles
des droits à plus
de considération.
Les roturiers

Les serfs

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Paragraphe 1. Clercs et nobles

On peut les regrouper car ce sont des Etats privilégiés, au sens juridique. Le
terme vient de privata lex, loi particulière.

Les clercs : leur fonction est triple. 1. La prière. 2. L’enseignement. L’Eglise


en a le monopole, sous réserve des précepteurs privés. 3. La charité.

Le clergé était très important, pilier du pouvoir. Différentes catégories de


clercs existaient. Notons la distinction entre clergé séculier et clergé régulier. Le
premier vit dans le siècle, c'est-à-dire est au contact de la population. Par exemple le
prêtre dans sa paroisse. Le second vit retiré selon des règles par exemple dans les
monastères. Bas clergé et haut clergé existent dans les deux cas. Par exemple
prêtre / archevêque.

Pour la noblesse, Etat privilégié également, son travail consiste en la guerre. On


leur interdit d’exercer des activités non nobles comme l’artisanat ou le commerce. Si
les nobles cessent de vivre noblement ils peuvent perdre leur noblesse par
dérogeance. Notons enfin la hiérarchie entre petite noblesse et haute noblesse.

Paragraphe 2. Les roturiers

Eux incarnent la condition commune et non privilégiée, le vulgaire. Leur fonction


sociale est le travail. Les roturiers sont à distinguer des serfs car ils sont libres,
c'est-à-dire propriétaires de leurs personnes. La distinction de base pour eux relève
de l’opposition ville / campagne. Dans la ville vivent les bourgeois, dans la campagne
vivent les vilains, soumis au régime seigneurial de droit commun –dans une situation
moins favorables que les bourgeois.-

Paragraphe 3. Les serfs

Ils jouent un rôle important dans l’organisation du travail.

A. Définition et sources du servage

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Vers le XIIIème siècle, le serf est en bas de l’échelle sociale. Les serfs ne sont
pas libres. Sur les origines : pour certains ils viendraient des esclaves de l’époque
franque. On peut dire en tout cas que les serfs appartiennent aux catégories
inférieures de la société.

Comment être serf ? On peut tomber en servage. En faisant don de soi-même.


Ceci se produisait souvent du fait de l’insécurité d’alors. Ensuite par abus d’autorité
la condition servile pouvait être imposée. C'est-à-dire quand l’obligation militaire est
refusée par un roturier, par exemple. Enfin une troisième possibilité est l’hérédité.
C’est là la principale source. On parle de serf d’origine ou de serf d’ourine.
Normalement l’enfant suit la condition de sa mère. Certaines règles dérogent
toutefois au principe, notamment celle de l’adage en formariage le pire emporte le
bon. Ceci peut se produire quand un libre et un serf se marient par exemple.

B. La condition servile

Cette condition est très inférieure à celle des roturiers, car beaucoup
d’incapacités pèsent.

a. Les incapacités des serfs

1. Les serfs ne peuvent témoigner en Justice contre un homme libre.

2. Ils ne peuvent entrer dans le Clergé du fait d’une règle canonique imposant la liberté.

3. Le formariage doit être autorisé par le seigneur faute de quoi il y a amende. Notons
d’ailleurs que la plupart du temps des accords se forment entre seigneurs. Souvent les
enfants à naître sont partagés ; en cas de nombre impair on faisait entre l’enfant au
Clergé. Enfin les seigneurs ont fini par autoriser les formariages.

b. Les charges des serfs

1. Le chevage. C’est une taxe annuelle et fixe. On considère qu’elle est peu élevée, 1 ou 2
jours de travail. Surtout c’est une taxe recognitive de seigneurie. Finalement cette
charge a disparu du fait de la dévaluation de la monnaie.

2. La taille a merci. C’est une taxe payant la protection du seigneur, à la discrétion du


seigneur (= a merci). Pour les roturiers on parlait de taille abonnée car le montant était
fixé par la coutume.

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3. La main morte servile. Cela permet au seigneur de récupérer certains biens à la mort
du serf. Un adage exprime cela : « Le serf mort saisit vif son seigneur ». Le serf ne
peut faire testament.

c. La fin du servage

Deux moyens existent. Le principal, c’est l’affranchissement par le maître. Il


s’agit d’une simple déclaration. Au début individuel, par la suite collectif. Par exemple
le seigneur affranchit tout un village. A partir du XIIIème siècle, de plus en plus
d’affranchissements.

L’autre moyen est la suite. La bourgeoisie peut être acquise à condition de


vivre dans la ville où il se réfugie pendant un an ou un jour. L’adage « l’air de la ville
rend libre » est à noter en ce sens. On peut dire qu’à la fin du Moyen Âge toutes les
populations sont libres.

Section 2. Les relations du travail dans le monde rural : une paysannerie


dépendante et dominée

95 pour cent de la population travaille dans la campagne.

Paragraphe 1. L’évolution de l’outillage

A l’époque franque, l’outillage est hérité des romains. L’outil principal est
l’araire. C’est un outil parfait pour le sud, mais peu adapté au nord. Vers les Vème –
VIème siècles, au milieu de l’époque franque, la charrue d’origine scandinave apparaît.
Il s’agit d’un outillage lourd. Cette évolution va emporter certaines conséquences : le
rendement dans le nord du royaume va augmenter très rapidement.

De plus, la distinction sociale va surgir entre ceux propriétaires d’un attelage


dits laboureurs et ceux dits brassiers ou manouvriers.

Ceci est d’autant plus important qu’à compter du XIème siècle, il y a une
expansion démographique importante. On va défricher très largement.

Paragraphe 2. L’organisation domaniale


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Le capitulaire (loi) de villis de 800, époque carolingienne, traite des grands
domaines. Instructions pour leurs exploitations.

A. L’origine des grands domaines

Sur le régime, il faut avant tout distinguer entre domaines laïcs et domaines
ecclésiastiques. On pense que certaines latifundia ont demeuré et à côté des grands
domaines se sont disloqués. Leur démantèlement a amené la création de hameaux. Pour
les domaines ecclésiastiques constitués grâce à des dons pieux dits oblations grâce à
la dîme –impôt payé au Clergé- et aux prémices –dons en nature au Clergé, idée du
premier de quelque chose, par exemple la première partie d’une récolte-. Les dons
étaient très importants. Tous donnaient, pauvres comme riches.

B. La composition des grands domaines

Le système de la tenure existe, c'est-à-dire une terre où deux droits existent.


On parle de propriété simultanée :

-Le droit de concédant (le seigneur). Il reste propriétaire. Sa propriété est


juridique. Ce droit de propriété lui permet de recevoir des redevances, voire de
reprendre la terre. Plus tard pour désigner cette propriété on parlera du domaine
éminent.

-Le droit du concessionnaire : ce dernier est un tenancier c'est-à-dire un


cultivateur. Il a un droit de propriété économique sur la terre. Il peut donc cultiver la
terre et en percevoir les fruits. On parlera plus tard de domaine utile ou domaine
concédé.

La propriété est dualiste donc ; et le restera jusqu’à la révolution. Ce système


est important car la propriété est la seule institution sans réglementation ni par la loi
civile ni par la loi canonique, et cela jusqu’au code civil.

Le domaines est divisé en trois parties ; réserve, manses, eaux bois et


pâturages.

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a. La réserve

Elle est réservée au maître / seigneur. Plus tard on parlera de domaine retenu.
Environ un tiers du domaine. On y trouve le château. La vie économique y existe, car il
s’agit d’un système autarcique. Donc on y trouve forge, menuiserie, moulin, chapelle.

Certaines terres sont cultivées. Elles peuvent toucher la réserve ou être


dispersées. Des serfs vont mettre en valeur la terre. Ou bien des ouvriers, logés et
nourris.

b. Les manses

Elles constituent le domaine concédé. Il s’agit de petits lots de terres qui


doivent permettre à une ou deux familles de vivre. C’est la cellule élémentaire du
monde rural. On y travaille. La contrepartie, c’est la perception de redevances. La
superficie moyenne est de 15 hectares, et s’étale sur une fourchette de 3 à 30
hectares. L’exploitation peut y être faite soit par des hommes libres soit par des
esclaves. Dans ce cas là on dit qu’il est casé sur un manse. Chaque détenteur de
manse, libre ou esclave, doit payer des redevances et doit également des corvées (ou
jurées de travail)

c. Les eaux, bois et pâturages

Ce sont les propriétés exclusives du seigneur. Assez spécial ; les tenanciers ont
sur ces éléments des droits d’usage très étendus exemple type du ramassage du bois.
Toute la population va bénéficier de ces droits d’usage.

C. Les obligations du seigneur et des tenanciers

a. Obligations du seigneur

Une seule obligation = concéder la manse. Cela pour une longue durée, environ
30 ans souvent, voire perpétuelle. La concession doit permettre au tenancier de loger
sa famille. Par rapport à la superficie : en général les manses serviles ont une
superficie clairement inférieure aux manses libres. On demande aux esclaves bien plus
de corvées qu’aux roturiers.

b. Obligations des tenanciers


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Elles sont nombreuses. Retenons deux aspects.

1. Les redevances à payer : Elles sont annuelles. En nature normalement –


récoltes, bêtes…-. Plus rarement elles sont en espèces.

2. Les corvées : elles sont dues aux seigneurs c'est-à-dire jurées de travail.
Elles vont servir à la réserve, par exemple des corvées de labourage / fauchage /
ramassage de bois / transport des grosses marchandises. Leur fixation relève du
statut coutumier, la lex saltus du domaine les détermine.

Notons la différence entre manses libres et manses non libres. Trois ou quatre
jours par semaine pour les serviles, 20 à 40 pour les libres. Dans tous les cas les
corvées sont mal supportées par la population .

De plus une autre catégorie d’obligation existe pour les tenanciers. Mais elles
concernent aussi les autres. Le droit de ban du seigneur est en jeu / droit de donner
des ordres. Il s’agit d’un droit économique. Ces obligations concernant la population
constituent autant de droits pour le seigneur.

Le régime seigneurial de droit commun se constitue de la façon suivante :

-1. Le droit de gîte. C’est le droit d’être logé et nourri par la population quand il se
déplace sur ses terres.

-2. Le droit de prise : C’est le droit pour le seigneur de se procurer ce qui est
nécessaire. En général des denrées alimentaires. En dehors du commerce et en dehors
du juste prix.

-3. Les banalités : elles sont bien plus importantes sur le plan économique. Jusqu’au
XIème siècle, le propriétaire, le seigneur, possédait certains outillages agricoles à
l’usage de ses tenanciers. Toujours un moulin, un four, un pressoir. A partir du XIème
siècle, à la fois tenanciers et habitants sont obligés de se servir de ces constructions.
La banalité la plus répandue : le moulin. Un agent seigneurial va y demeurer, prélevant
des parts à l’usage.

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-4. La taille et les aides seigneuriales

La taille, nommée aussi sauvement parfois, ou encore questus. Elle est


justifiée par la coutume. On a vu qu’elle était plus lourde pour les serfs que pour les
roturiers. Le seigneur fixe généralement un chiffre global et ensuite les habitants du
village se répartissent entre eux l’impôt, en se basant sur les usages et selon ces
derniers l’impôt doit peser moins lourdement sur les pauvres. Le fort soutient le
faible selon l’adage.

Les aides ou les droits d’aides sont dus par la population qui invite les
tenanciers, mais aussi par les vassaux du seigneur, qui sont nobles. L’aide va être
payée dans des circonstances exceptionnelles. On parle de profit casuel et non annuel
pour le seigneur. Quand le seigneur doit engager de très lourdes dépenses donc. Les
circonstances vont dépendre avant tout des régions, et des périodes. On parle de
l’aide aux 4 cas même s’il y a beaucoup plus de 4 cas. 1. Au cas où le seigneur fait
son fils chevalier. 2. Si le seigneur marie sa fille. 3. S’il part pour la croisade. 4. S’il
est fait prisonnier et qu’il doit payer une rançon. L’aide consiste en une assistance
matérielle. Elle montre la solidarité qui doit exister entre seigneurs et le groupe.

Tous ces droits dus par la population sont la contrepartie de la première


mission du seigneur, on disait qu’il devait procurer le bien commun de la seigneurie.
Autrement dit assurer le bien-être matériel du groupe. A travers cette solidarité on
retrouve la notion d’intérêt public.

D. Des nouvelles formes de concessions des terres

Les premières formes apparaissent au XIIème siècle. Censive, champart,


métayage et fermage.

a. La censive

Elle apparaît au XIIème siècle. C’est une tenure -terre- roturière. Elle est
concédée à un cultivateur en échange de services roturiers –redevances et corvées,
rappelons-le-. On parle de censive par rapport à la redevance. Cette redevance est
d’abord fixe, mais aussi est annuelle, en argent, portable –le tenancier doit les payer,
pas quérable- imprescriptible, recognitive de seigneurie.

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Les seigneurs vont toutefois préférer une redevance en nature plutôt qu’en
argent du fait de la dévaluation. Par exemple X mesures de blé. Le cens est la
redevance principale.

b. Le champart

Lui aussi apparaît au XIIème. Lui aussi est une tenure roturière. Mais son
critère principal c’est qu’elle est proportionnelle à la récolte. Le seigneur supportera
donc les aléas. Presque toujours il s’agit de récoltes de grain. La proportion dépendra
des régions ; cela peut être une gerbe de blé sur 6 ou sur 10 par exemple.

c. Le métayage

Elle apparaît vers le XIVème siècle. C’est une sorte de champart, avec un
rapport de proportion. Le maître se réserve normalement la moitié de la récolte. Mais
il concède la terre, fournit un logement, fournit les outils, bêtes de somme. Il s’est
développé dans l’ouest le centre et le midi en particulier.

d. Le fermage

C’est une forme de censive. La redevance sera fixe. Il se développe vers le


XIVème siècle, et surtout dans le nord de la France.

On peut dire que métayage et fermage sont des systèmes utilisés sur des
terres déjà défrichées. Les redevances sont plus élevées, les baux sont de plus
courte durée. Toute cette organisation va être maintenue pendant l’Ancien Régime,
XVI-XVIIIème siècle.

Section 3. L’apparition et l’organisation des associations professionnelles dans le


monde urbain

Les associations professionnelles sont aussi nommées communautés de


métiers, on parle aussi de métiers tout court ou encore de corporations. Elles se
sont développées en même temps que les villes. Ces dernières se sont enrichies grâce
au commerce et à l’industrie. Elles sont ainsi sorties du régime seigneurial de droit
commun. Ces villes sont devenues des villes à privilège ainsi. Retenons bien que
pendant tout le Moyen Âge il n’y a pas eu de système de liberté du travail ou de
liberté du commerce et de l’industrie.
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Paragraphe 1. L’apparition des communautés de métier

Plusieurs facteurs expliquent cette apparition.

D’abord, le lien avec les villes. Le seigneur dirige l’économie, le commerce et la


production. Mais en fonction des différents types de ville ou constitutions urbaines
soit le seigneur préserve ses droits, c’est notamment le cas dans la ville de
bourgeoisie, soit il abandonne ses droits à un corps municipal, c’est le cas dans les
communes et dans les villes de consulat. Prenons l’exemple des communes : elles sont
administrées par des marchands.

Ensuite les coutumes. En effet les différentes professions comme les groupes
sociaux ont des coutumes. Ces coutumes sont marquées par la morale et par les
principes chrétiens. On parle des « louables coutumes du métier ». On a des principes
généraux qui s’imposent à tous. Deux exemples de ces louables coutumes, que l’on
trouve chez Beaumanoir –juriste du XIIIème- : « le commun ne peut souffrir que les
ouvrages ne soient faits. » Cela signifie que dans une situation normale on ne peut
supporter que le travail ne soit pas fait. Autrement dit, si on se place sur le plan du
droit du travail, il y a une interdiction de la grève. On a cette interdiction parce
qu’on considère qu’un service social s’impose au commerçant comme aux autres
membres du groupe social. Autre exemple de louable coutume : « les choses doivent
être vendues au juste prix » selon Beaumanoir. Les choses ne doivent pas être
vendues le plus cher possible. Les principes chrétiens se font ici sentir, on veut un
prix raisonnable pour permettre aux commerçants et artisans de vivre et d’élever sa
famille honorablement. Ces principes ne sont pas toujours respectés mais en tout cas
ne sont pas contestés. Ces principes inspiraient l’attitude des autorités responsables
c'est-à-dire des seigneurs. Et ces derniers rappellent constamment aux gens du
métier les règles d’une économie bonne et loyale.

La définition de la communauté de métiers : il s’agit d’un groupement de


maîtres d’ouvriers et d’apprentis d’une même profession, dont font obligatoirement
partie ceux qui exercent cette profession. En fait la communauté de métier est un
peu comme un syndicat obligatoire pour tel ou tel métier. En pratique, plusieurs sortes
de groupements sont apparus très tôt.

1. Les confréries. Elles apparaissent sous l’influence de l’Eglise.


Originairement, ce sont des groupements de toutes classes et toutes professions,
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organisés à fins religieuses, c'est-à-dire pour la prière et pour l’assistance mutuelle.
Elles vont cependant évoluer et ne plus regrouper que des gens d’une même profession
autour d’un saint qui va être le patron de leur profession. Exemple de Saint Joseph
patron des charpentiers, Saint Honoré patron des boulangers / pâtissiers, Saint
Vincent patron des vignerons, Saint Eloi patron des orfèvres et aussi des avocats…
Mais l’adhésion la confrérie n’est pas obligatoire. Ce premier type de groupement ne
constitue donc pas une communauté de métiers.

2. Les associations libres. On les nomme guildes ou hanses. Ces associations


se font entre marchands, entre entrepreneurs, avec un but professionnel, lequel
consiste à assurer la sécurité et le développement de leurs affaires. Mais le
caractère libre implique qu’elles ne sont pas des communautés de métiers.

3. La communauté de métiers. On la voit apparaître dans la fin du XIIème /


début XIIIème siècle. Cette apparition est spontanée. Cela parce que les gens d’un
même métier ont ressenti le besoin de s’organiser, pour se discipliner et s’entraider.
Evidemment, puisque l’apparition est spontanée, force métiers sont restés sans
organisations. On parle des métiers libres pour ceux-là. Au milieu du XIIIème siècle,
Etienne Boileau, prévôt de Paris, veut améliorer l’administration de la ville et va être à
l’origine de la rédaction des coutumes des métiers qui sont organisés à Paris. C’est ce
qui va donne le livre des métiers de Paris. Ce livre contient les règlements d’une
centaine de métiers environ. C’est instructif quant à l’organisation des communautés
de métiers du XIIIème siècle.

Paragraphe 2. L’organisation des communautés de métiers

A. L’organisation intérieure du métier

D’abord il faut constituer. La constitution prend sa source sur une délibération


prise en AG des gens du métier. Une fois constituée, il faut, obligatoirement, en faire
partie pour pouvoir exercer la profession. On disait que tout nouveau membre devait
jurer le métier. Il y a donc un serment d’affiliation à prêter. Et le nouveau membre
jure d’obéir aux dirigeants du métier et de respecter les règlements, les statuts du
métier.

Il y a une hiérarchie dans le métier. En haut il y a les maîtres ; ils supportent


charges et pertes. Notons qu’on ne peut travailler pour soi sans être maître. En-
dessous il y a les ouvriers. On les nomme encore compagnons ou valets. Dans le
commerce ce sont les commis. Les ouvriers sont les salariés. Ils sont payés à la pièce
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ou à l’heure. Enfin, en bas de la hiérarchie on trouve les apprentis. Eux sont jeunes.
Ils vivent dans la famille du maître. Ils sont logés, nourris par le maître qui leur
apprend le métier. Cela contre le paiement d’une somme d’argent par leurs parents. En
principe on pouvait progresser dans cette hiérarchie. Mais à condition d’en avoir les
capacités ; il fallait savoir lire / écrire / compter. A condition aussi d’en avoir les
moyens financiers. Cela parce que pour devenir maître il fallait offrir un banquer à la
profession.

La direction du métier est constituée par un petit nombre de maîtres. Là aussi


les noms varient selon les régions. On parle d’officiers des syndics, des jurés, des
gardes… On peut les désigner par l’élection, pour un an. On peut les nommer, à la
discrétion du seigneur mais sur la base d’une liste présentée par les gens du métier.
Ils ont une fonction précise à savoir faire respecter les statuts, les règlements du
métier. Par exemple ils peuvent inspecter des ateliers.

B. La réglementation professionnelle

Ce sont les statuts ; ils résultent d’une délibération de l’AG. Ce sont les
coutumes du métier. On retrouve une caractéristique déjà évoquée : on voit la marque
forte de la tradition et de la morale sur ces réglementations. D’une façon générale,
notons aussi que les statuts recherchent à concilier les intérêts de tous (ceux du
seigneur, ceux des gens du métier, et aussi les intérêts des consommateurs ce qui
peut apparaître surprenant). Que trouve t on dans ces statuts ?

On trouve d’abord les conditions d’entrée dans la communauté. Ensuite, on


trouve aussi comment on choisit les officiers / dirigeants et quels sont leurs pouvoirs.
De plus, on trouve les conditions générales du travail c'est-à-dire les horaires, jours
de chômage, rien sur les salaires en revanche ce qui peut sembler étonnant –les
salaires sont en fait librement discutés entre employés et salariés-, tout ce qui
concerne l’acquisition des matières premières, et enfin tout ce qui concerne soit les
conditions techniques de la fabrication ou alors les conditions de la mise en vente, par
exemple pour les denrées. En revanche les statuts ne fixent jamais le prix de vente
de tel ou tel produit, cela pour deux raisons. 1. Le prix est lié aux taxes, or ces
dernières relèvent du pouvoir seigneurial, on ne peut donc les figer. 2. De plus on
interdit au maître de vendre à un prix convenu. Ici on cherche à protéger l’intérêt du
consommateur, on cherche à lutter contre une coalition de maîtres potentiellement
nuisible.

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A travers le règlement on voit bien ici que les communautés jouent un rôle très
important. Cependant il faut garder à l’esprit que la direction de l’économie appartient
au seigneur qui garde toute sa juridiction. A ce titre, il n’y a que le seigneur qui puisse
trancher un litige entre les maîtres et les ouvriers. C’est lui qui représente le bien
commun de la seigneurie.

Section 4. Les conflits nés à l’occasion des relations de travail

Distinguons conflits ruraux et urbains.

Paragraphe 1. Les révoltes paysannes

Ces révoltes commencent à partir du XIVème siècle. C’étaient toujours des


révoltes antifiscales. Pas politiques donc. Logiquement, elles se produisaient dans des
périodes de crise économiques / guerre / insécurité. Souvent elles duraient
longtemps, plusieurs années. Exemple de 1323 en Flandres : les paysans se révoltent
contre le Clergé et la noblesse. Ils vont même s’attaquer à l’armée du roi. La
répression sera très sévère. En 1328 la révolte sera écrasée.

Paragraphe 2. Les révoltes ouvrières

La question de la grève se pose. Les revendications sont politiques. On a des


mouvements ouvriers. Ce ne sont pas des mouvements professionnels. Le terme
« révolte » parait donc plus approprié par rapport à la nature des revendications. Et
ce jusqu’à la fin du XVIème siècle. Notons qu’au Moyen Âge la grève était condamnée,
on l’a vue formulée par Beaumanoir. De façon plus précise, ce dernier explique que
ceux faisant la grève forment une alliance contre l’intérêt commun. Ce dernier exige
bien que le travail soit fait, et à bon marché. Beaumanoir recommande de retenir les
grévistes en « longue et étroite prison ». Et de les condamner de plus à 60 sous
d’amende, montant très élevé.

En cas de grève, normalement le tribunal des métiers sanctionnait les ouvriers.


Mais l’exécution était procurée par le seigneur. Le roi, évidemment, était de l’avis de
Beaumanoir. Il fallait des prix bas, et ce n’était possible qu’avec des salaires bas.
L’opinion publique, de façon générale, était contre la grève. Les grévistes étaient
d’abord perçus comme des fauteurs de trouble. Surtout, la population avait peur que
les mouvements ouvriers ne dégénèrent en émeutes. Cette situation, sur le plan
juridique, va se poursuivre sous l’Ancien Régime.

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Chapitre 2. L’organisation du travail sous l’Ancien Régime

Sur la période de l’Ancien Régime : il recouvre les XVIème, XVIIème et


XVIIIème siècle en France. 1789 = début de la révolution.

L’expression d’Ancien Régime est une invention de Mirabeau. Sur un plan


politique, on nomme aussi cette période la monarchie des temps modernes. Elle a
plusieurs caractéristiques. Ce qui est marquant = le renforcement des pouvoirs du roi.
On assiste aussi à un perfectionnement de l’état monarchique. Louis XIV, Louis XV
avec la régence au début, Louis XVI. Louis XV est l’arrière petit fils de Louis XIV.
Louis XVI est le petit fils de Louis XV. Deux grandes idées permettent de définir la
période. Sur le plan politique, l’absolutisme. On peut le définir comme la toute
puissance du roi c'est-à-dire qu’il n’est responsable que devant Dieu. L’autre idée c’est
la confusion des pouvoirs entre les mains du roi. Le roi les détient tous. Enfin, la
troisième idée est l’universalité de la puissance du roi. Aucun domaine n’échappe à
son emprise ; vie privée, vie spirituelle, vie intellectuelle…

L’autre idée, c’est le cadre de la société d’ordre que l’on développera. La


division monde rural / monde rural demeure la principale césure. Dans le monde rural,
la féodalité se maintient et les structures du travail agricole restent inchangées. En
revanche, dans le monde urbain le travail industriel et commercial va beaucoup
évoluer, parfois avec des dérives, et cela explique la persistance de conflits.

Section 1. La société d’ordres

Paragraphe 1. Les trois ordres du royaume

Pour faire la comparaison avec le Moyen Âge, début XVIIIème siècle on a 20


millions d’hommes répartis en 3 ordres. Clergé / Noblesse / Tiers Etat. Sur la
répartition, le Clergé est environ 160 000 personnes, la noblesse environ 300 000, le
Tiers Etat 97 pour cent de la population qui reste. Sur la terminologie, parlons bien
d’ordres et non pas de classes. Ces ordres consistent un classement juridique et
fonctionnel. Chaque individu appartient à un ordre. L’appartenance à un ordre est donc
sanctionnée juridiquement. La classe sociale est quant à elle un phénomène socio-
économique. On verra d’ailleurs que dans un ordre on a différentes classes sociales.

A. Le Clergé

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Sous l’Ancien Régime, juridiquement, le Clergé est le premier ordre du royaume.
Cela s’explique par la primauté du spirituel. Même fonction qu’au Moyen Âge = Prière,
enseignement, charité. On change cependant de termes, assistance au lieu de charité.
Enfin s’ajoute une 4ème fonction = la tenue des registres de l’état civil. Ceci parce que
les clercs étaient en gros les seuls à savoir lire et écrire. Le Clergé est un ordre
privilégié. Il a des privilèges fiscaux. Il perçoit la dîme payée uniquement par le Tiers
Etat. Il ne paie pas d’impôts, à l’exception du don gratuit versé à l’Etat, qui n’est pas
vraiment un impôt. C’est un subside annuel au montant négocié. Privilège aussi sur le
plan juridictionnel = les membres du Clergé sont jugés par des juridictions
ecclésiastiques que l’on nomme les officialités. C’est là le privilège du fors. Enfin
notons que le Clergé est un très important propriétaire foncier ; il possède entre 6 et
10 pour cent du foncier du royaume.

B. La noblesse

Le deuxième ordre en droit, après le Clergé. Sur l’origine, ce sont les chevaliers
du Moyen Âge. On peut être anobli. On distinguer trois types de noblesse : Noblesse
d’épée, noblesse de cloche –ce sont les ecclésiastiques nobles-, noblesse de robe –
les parlementaires la constituent-.

Comme le Clergé c’est un ordre privilégié. Privilèges sur le plan fiscal. On dit
que les nobles ne paient pas d’impôts en gros. Ils paient l’impôt du sang. Privilèges en
matière judiciaire. Ainsi en première instance, les nobles relèvent directement du
deuxième degré de juridiction. Rappelons que le premier degré est la prévôté, le
deuxième degré est le baillage, au dessus les présidiaux, et enfin les parlements. Il
s’agit d’un privilège car on suppose qu’au deuxième degré les membres sont plus
qualifiés. Ensuite il y a le privilège d’être décapité au lieu d’être pendu (sic). Ensuite
des privilèges honorifiques ; ainsi du port de l’épée, ainsi de l’honneur de la Cour le cas
échéant (vivre près du roi).

En contrepartie des privilèges, les nobles doivent mener un certain genre de vie
sous peine de sanctions. Comme au Moyen Âge, ils ne peuvent exercer d’activités
productrices non nobles. Par exemple une activité manuelle, ou être commerçant au
détail. La perte de la noblesse par dérogeance était possible. Par ailleurs la
déchéance était possible, par exemple du fait d’un crime.

Enfin, il y a une hiérarchie dans la noblesse. Haute noblesse / Noblesse de


Cour, celle qui vit près du roi, Moyenne noblesse, noblesse ecclésiastique,
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industrielle et commerçante, Petite noblesse provinciale qui vit sur ses terres. Cette
petite noblesse conserve souvent l’ancienne tradition de la valeur morale de la
noblesse. Certains seigneurs ont des conditions de vie difficiles.

C. Le Tiers Etat

Ce dernier ordre rassemble tous les roturiers. C’est la plus grande partie de la
nation. Il rassemble tous les non privilégiés. On parle du commun ou du vulgaire pour
désigner cet ordre. Sa fonction est économique. C’est aussi le Tiers qui supporte le
poids du royaume. On retrouve dans sa composition la distinction monde rural /
urbain.

a. La société roturière urbaine

Il y a une hiérarchie. Au sommet on trouve les membres des juridictions.


Ensuite les professions libérales. Ensuite les corps de commerce. Ensuite les
bourgeois roturiers environ 2 millions, ils sont en ville. On distingue bourgeoisie
passive et bourgeoisie active. La passive vit de ses rentes, qui peuvent être des
loyers, fermages, … L’active fait du commerce ; c’est la grande majorité. Notons aussi
qu’on a des professions libérales. Ensuite on trouve les corporations. Ensuite les
travailleurs indépendants. Ensuite les ouvriers, artisans, manœuvres. Et en bas de
l’échelle on a enfin les mendiants.

b. La société roturière rurale

La société paysanne ; on avait des paysans mais aussi des artisans ruraux, elle
représente environ 85 pour cent de la société. Elle est toujours économiquement
dépendante. Comme au Moyen Âge la condition sociale est conditionnée par la
possession des terres, on retrouve une hiérarchie.

En première position on trouve les laboureurs. Ce sont ceux qui exploitent des
tenures roturières, censives et champart. On trouve ensuite les fermiers. Ceux qui
louent la terre, mais en dehors de tout rapport féodal. Ensuite les métayers. Ceux
qui travaillent sur la réserve du seigneur. Ensuite, les mainmortables. Ils rappellent
beaucoup les serfs du Moyen Âge. Ensuite, les domestiques soit logés nourris soit
rémunérés, les brassiers, les manœuvres qui peuvent être payés à la tâche, des
journaliers travaillant à la saison. Retenons toutefois qu’il s’agit d’un découpage
artificiel. Exemple : un laboureur peut compléter ses revenus en travaillant comme
journalier.
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Paragraphe 2. Les changements dans la société

Ces changements apparaissent surtout dans la deuxième moitié du XVIIIème


siècle. Cela dans tous les domaines.

A. Les changements idéologiques

La philosophie des Lumières est là ; on dit souvent le siècle des Lumières.


Rappelons Voltaire, Rousseau auteur du Contrat social, Montesquieu auteur de
L’esprit des lois, Diderot et D’Alembert auteurs de l’encyclopédie, John Locke auteur
du Traité sur le gouvernement civil. On peut résumer cette philosophie dans deux
grandes idées ; rationalisme et individualisme.

Seule la raison, dans le rationalisme, peut expliquer et justifier l’action des


hommes. Cela permet d’écarter toutes les autres justifications, et d’abord d’écarter
la révélation. Ensuite la tradition, que l’on peut comprendre comme l’enracinement
historique. On voit donc comment le rationalisme permet de combattre l’absolutisme
sur le plan des idées.

L’individualisme signifie que l’individu a une existence en tant que tel. Il a aussi
des droits que l’Etat doit respecter. Il s’oppose à l’absolutisme, caractérisé par la
nation organisée, incarnée par le roi. Tout individu n’existe que dans un ordre ici.

B. Les changements démographiques

Début XVIIIème, il y a environ 20 Millions d’habitants en France. En 1789 on


est à 26 millions. Cette croissance s’explique pour l’essentiel par la baisse de la
mortalité. On peut signaler des progrès de la médecine, mais surtout l’amélioration de
l’hygiène et une meilleure nutrition. Cette croissance s’accompagne en outre d’une
forte mobilité sociale. A partir de 1750 c’est criant. Souvent les personnes mèneront
une vie d’errance, et la mendicité va aller croissant.

Evidemment, cette croissance aura un impact sur la production.

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C. L’essor économique

On parle du « glorieux XVIIIème siècle » en matière économique. Cet essor


recouvre deux aspects. Une augmentation de la production, un développement du
commerce.

Pour l’augmentation de la production ; si l’on prend l’agriculture elle est faible


dans ce domaine. Par contre elle est importante dans les secteurs industriels. A
l’époque on trouve le textile la houille et la sidérurgie. Il faut aussi citer les progrès
de la technique comme facteur, avec en particulier la découverte de la machine à
vapeur.

L’expansion commerciale est le trait le plus marquant. De 1720 à 1789, la valeur


du commerce français est multipliée par 4. Mais cette expansion est surtout due au
développement du commerce colonial, extrêmement rentable.

Section 2. L’évolution du monde du travail urbain

Le nom à retenir est celui de Colbert, contrôleur général des finances de Louis
XIV. Il va mettre en place une politique économique que l’on nomme à l’époque le
mercantilisme. Pour résumer, c’est une théorie d’enrichissement des nations par
l’accumulation des métaux précieux soit or et argent, car ce sont alors les seules
références constantes de l’économie. Les manufactures et les corporations vont se
développer.

Paragraphe 1. Les manufactures

Comment expliquer leur développement ? C’est un aspect du développement du


mercantilisme. Mais de plus cela répond au souci du roi de contrôler la production
industrielle, en dehors du cadre des corporations. 3 types de manufactures
existaient.

A. Les manufactures d’Etat

Ou « manufactures du roi ». Une charte constitutive de 1667 en signe leur


naissance. Elles se développent surtout au XVIIIème siècle, avec l’idée que les
produits en sortant sont réservés au roi ou à l’Etat. C’est donc l’Etat qui se fait

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entrepreneur ici. Par exemple les armes sont produites, de la poudre, arsenal de
Brest, arsenal de Toulon à citer. La manufacture des gobelins aussi, relative aux
tapisseries et teintures. Dans le cadre des gobelins il y a une école professionnelle.
Sur le plan organisationnel c’est assez militaire. Il y a de grands bâtiments où tout le
monde est logé.

B. Les manufactures royales

Ces manufactures sont privées mais encouragées par le roi. On pourrait dire
qu’elles sont subventionnées au sens moderne. Deux types d’avantages peuvent être
conférés.

Des avantages économiques, d’ordre financier. Ils peuvent consister en des


subventions, des dons, des primes, mais surtout l’Etat assurait des débouchés à la
production en octroyant des monopoles régionaux voire nationaux. Evoquons le nom
connu de Saint Gobain fondé en 1665 par un privilège exclusif, dans la verrerie. On
voulait dans le royaume une manufacture capable de produire des verres selon la
méthode italienne. On a donc fait venir des industriels de Venise, et le roi leur donne
des avantages. L’avantage le plus important est d’accorder des débouchés à la
production.

D’autre part des privilèges personnels peuvent être accordés. Par exemple le
fabricant peut être anobli. Autre exemple : si le fabricant est protestant, on va lui
permettre de pratiquer sa religion. En 1685, l’édit de Nantes est révoqué, édit de
tolérance qui datait de 1598.

Notons aussi que des avantages existaient pour les ouvriers. Ainsi des lettres
de naturalité conféraient la nationalité française aux ouvriers étrangers venus
travailler. On leur donnait des primes en diverses occasions. Ils pouvaient être
exemptés d’impôts et de service militaire également.

A l’inverse des contreparties, des contraintes existent. Elles résultent du


contrôle de l’Etat. De plus des contraintes économiques et sociales sont à noter. Les
contraintes économiques sont liées à la qualité des produits, on les contrôle pour
vérifier qu’ils soient de qualité exemplaire. Ces contrôles sont exercés par les
inspecteurs des manufactures qui dépendent du bureau du commerce. Lors du
contrôle un label de qualité est apposé. On peut brûler les produits, voire fermer la
manufacture en cas de manquement.
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Les contraintes sociales existent, ainsi la manufacture ne peut être fermée.
Les ouvriers ne peuvent quitter la manufacture également. Là aussi, on a une pratique
qui se retrouvera dans le cadre du travail urbain. La pratique du congé par écrit
existait alors, pour éviter que les ouvriers ne partent, pour éviter les déserteurs.
Cette pratique consistait pour les ouvriers à avoir de petits livrets comportant date
d’entrée / date de sortie / motif du départ et si l’ouvrier avait respecté les
règlements. Parfois ces règlements sont stricts, par exemple interdiction de parler.
Certains ont posé la question de savoir s’il n’y avait pas là une 1 ère forme de
réglementation du travail.

C. Les manufactures privilégiées

Ce sont des usines échappant aux règles des corporations. C’est leur
justification 1ère. Souvent l’Etat est leur seul client. Notons qu’on va voir tous les
styles nouveaux de procédés industriels ici, qui vont pouvoir être appliqués librement
à la différence des corporations. Par exemple dans l’imprimerie, dans la sculpture…

On peut comparer manufactures et corporations sur le plan de la sécurité du


travail. Les manufactures, de façon générale, n’offraient pas la sécurité du travail que
l’on trouvait dans les corporations. De plus dans les manufactures les débauches
c'est-à-dire les licenciements était très fréquents. Ces licenciements étaient faits du
jour au lendemain sans indemnités ; il y avait donc une grande précarité.

Paragraphe 2. Le développement puis le blocage des associations professionnelles

A. L’extension progressive des corporations

On retrouve Colbert qui fait prendre un édit, loi à l’objet précis, en mars 1673.
Cette loi oblige tous les métiers à se regrouper en corporations. Ce texte précise que
toute profession, tout art, tout métier doit s’organiser selon le modèle corporatif. Ne
confondons pas ce texte avec l’ordonnance de mars 1673 sur le commerce, ancêtre du
code du commerce. Une ordonnance est un acte législatif portant sur une question
générale. Comment a-t-on appliqué l’édit ? A Paris on passe de 60 à 129 corporations
par exemple. A l’inverse, dans endroits sans regroupements professionnels force
métiers restent libres. Deux caractéristiques permettent de définir ces métiers
libres. D’abord elles réclament des capitaux importants. Par exemple la banque, le
commerce international, le commerce en gros. A l’inverse, dans ces métiers dits libres,

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certaines activités sont exercées par des personnes trop pauvres pour payer des
cotisations. Notons par exemple les travailleurs, les colporteurs à domicile.

La deuxième étape, c’est quand Colbert étend son plan d’unification, dans le but
de contrôler la vie économique du pays. Là, il demande aux corporations d’harmoniser
leurs statuts. Pour faciliter leur travail Colbert va présenter des statuts types, avec
souvent les mêmes clauses que l’on retrouve pour différents métiers. Cela explique
que les corporations ont toutes la même organisation. Les corporations constituent ici
un système présentant un avantage pour le roi, mais aussi des inconvénients.

B. Le blocage de corporations

Il va résulter de 2 types d’abus, sociaux et économiques.

a. Les abus sociaux

Ils sont dus à la politique fiscale du roi. Ici le roi a réglementé à partir des
traditions une structure équilibrée des corporations. Il va tout gâcher par des excès
de fiscalité. On est dans une période de crise économique à cause des guerres. Or les
corporations sont souvent des groupements riches et faciles à imposer. Le roi va les
accabler de diverses taxes donc. On va même changer le système dans son ensemble,
le roi va utiliser le système des charges administratives c'est-à-dire des offices et va
mettre en place pour les corporations le système de la vénalité et de l’hérédité des
offices. On pouvait donc acheter les charges ou les transmettre. Le roi va même
créer de nouveaux métiers et leur appliquer ce système. On peut dire que le roi a
rendu vénal et héréditaire ce qui était avant électif et mobile. Aussi les fonctions de
jurés vont être déclarées achetables et héréditaires.

Deux cas de figure se présentent. Dans le regroupement des gens sont assez
riches pour acheter les fonctions. Alors le système est accepté. L’inconvénient, c’est
que le système est désormais bloqué par le haut. En fait au lieu d’avoir des chefs élus
l’obligation d’acheter le poste existe.

L’autre cas de figure : le regroupement refuse le système. Alors la corporation


doit racheter sa liberté. Il doit alors verser au roi une somme globale qui représente
le montant des charges. Mais il faut que la corporation ait la somme nécessaire au
rachat. Du coup la corporation va augmenter les cotisations payées par ouvriers et
maîtres. Puisque ça leur coûte cher, les maîtres vont limiter l’accès à la maîtrise, ils
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vont empêcher aux ouvriers de devenir maîtres. Là aussi le système se bloque. Aussi
finalement avec le système seuls les fils ou les gendres de maîtres pourront devenir
maîtres à leurs tours. Notons que le système se bloque fin XVIIème, première moitié
du XVIIIème siècle. Avant la maîtrise était ouverte, maintenant c’est terminé. Cela va
entrainer l’apparition du compagnonnage.

b. Les abus économiques

Ces inconvénients découlent du monopole qu’avaient les corporations puisque les


corporations avaient le monopole du travail. Ce monopole entraine deux types d’abus.
Toute innovation va être écartée sur le plan technique du fait de l’absence de
concurrence. Mais aussi c’est interdit d’innover… Alors que dans d’autres pays comme
l’Angleterre ou la Hollande la productivité augmente.

L’autre abus, c’est que des séparations, des cloisonnements sont très stricts
entre les différentes activités. Chaque corporation ayant le monopole d’une activité.
Souvent il y a des procès entre corporations. Un exemple concret : souvent des
procès entre tailleurs et boutonniers, pour savoir qui avait le droit de faire des
boutons en tissu. Finalement le Parlement de Paris va interdire aux tailleurs de faire
des boutons avec le tissu des vêtements. Au-delà des oppositions entre corporations,
on voit de plus en plus des corporations dépendre de corporations de marchands.

Finalement, dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle, les corporations sont


sclérosées. De plus la doctrine libérale va apparaître et se montrer critique.

c. Turgot et la tentative de suppression des corporations

Turgot est contrôleur général des finances. Il est influencé par certaines
doctrines libérales, l’influence des Physiocrates va jouer. Notamment avec François
Quesnay auteur du Tableau économique. Pour eux il existe des lois naturelles absolues
et universelles. L’homme peut découvrir ces règles par la raison et il doit les
respecter. En appliquant ces règles le gouvernement doit maintenir tout
particulièrement la liberté et la propriété.

En février 1776 Turgot demande au roi la suppression des corporations. Il avait


déjà fait un pas en 1774 lorsqu’il avait obtenu la liberté de la circulation et du
commerce des grains. Cela va être fait par l’édit de février 1776, loi proclamant le
principe de la liberté de commerce et de l’industrie en France. Une seule contrainte

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s’applique à ce régime, devant le lieutenant général de police il faut déclarer
préalablement.

Accueil de cette loi ? Elle l’est très mal, par tout le monde. D’abord par les
maîtres qui perdent certains avantages. Ensuite par les ouvriers ou compagnons, ceci
du fait d’un endoctrinement des maîtres… De plus la disparition des corporations
amène la disparition d’une structure sécurisante. Le monde du travail est donc
mécontent de façon globale. Les parlementaires sont aussi très mécontents. Ils
s’opposaient systématiquement à toutes les réformes de l’Etat dans la seconde moitié
du XVIIIème siècle. Les parlementaires se présentaient comme gardiens de la
tradition, dont les corporations font partie. Finalement Louis XVI a renvoyé Turgot et
en août 1776 un édit va rétablir les corporations. Turgot est renvoyé. Les
corporations sont rétablies dans une forme légèrement assouplie. Ce système va
rester en place jusqu’à la révolution.

Paragraphe 3. Les compagnonnages

A. L’apparition du compagnonnage

Cela commence en France au XVIème siècle ; cela correspond en gros au début


de l’Ancien Régime. De plus en plus il y a une rupture entre les compagnons et les
maîtres. Mais le mouvement se développe surtout dans la 2ème moitié du XVIIIème
siècle. Le but de ces groupements est double : solidarité entre les compagnons,
regroupement pour faire face aux maîtres, + bien apprendre un métier, la
formation donc.

Ainsi pour la solidarité, les compagnons vont se soutenir entre eux. Dans chaque
ville il y a des auberges, des bureaux de placement, tenus par des sociétés de
compagnonnage. Ces sociétés vont devenir de plus en plus puissantes, devenir
importantes, ils vont être assimilés à des syndicats contrôlant telle ou telle activité.

Par rapport au deuxième objectif de formation, notons que les employeurs ne


refusaient jamais de faire employer des compagnons. D’abord parce qu’ils travaillent
bien, ouvriers très qualifiés. Ensuite parce que si un employeur refusait d’embaucher
un compagnon alors la société de compagnonnage mettait en interdit l’employeur / le
déclarait interdit = plus aucun compagnon n’irait travailler chez cet employeur.

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B. L’organisation

Là aussi on trouve une hiérarchie ; en bas on trouve les apprentis. Ensuite,


niveau intermédiaire, on devient initiés, frères, fils, pères. Enfin au sommet on
trouve les chefs du compagnonnage avec une hiérarchie interne.

De plus des statuts, des règlements existaient. Ils mettaient différentes


obligations à la charge des compagnons. On y retrouve les 2 buts précités. La 1ère
obligation est de solidarité. La 2ème est celle de respecter les contrats de travail. Il
fallait donc que les compagnons exécutent correctement leur travail. Ces obligations
sont complétées par des sanctions. Ainsi des amendes, voire des rétrogradations dans
la hiérarchie, voire l’exclusion du compagnonnage pouvaient être appliquées. Les
compagnons étaient les ouvriers les mieux payés sous l’Ancien Régime ; ceci est
paradoxal car les sociétés de compagnonnage faisaient par ailleurs l’objet d’une
répression quasi générale.

C. La répression des compagnonnages

Le plus souvent ces groupements sont interdits. Ces interdictions résultaient


des demandes régulières faites par les maîtres, par les seigneurs aussi, adressées au
roi. Les maîtres invoquaient notamment la lutte contre les augmentations des salaires
réclamées par les sociétés de compagnonnage. L’Eglise également craint ces
compagnonnages. Ce qui lui déplait c’est l’aspect association secrète. L’Eglise craignait
également les violences, les troubles à l’ordre public que ces sociétés pouvaient
entrainer. Il y avait en outre des affrontements entre sociétés. Aussi tout le monde
condamne ces groupements ; la législation royale va en ce sens par la voie d’édits. Les
lois vont interdire la réunion des sociétés ; par exemple on va leur interdire la tenue
de banquets. Ou encore de prêter certains serments. La grève est toujours interdite.

Section 3. L’accroissement des tensions sociales

C’est surtout la 2ème moitié du XVIIIème siècle qui est concernée. Force
changements affectent la société. De plus en plus de tensions, du fait de la
paupérisation qui va croissant chez la population rurale. En même temps il y a aussi un
enrichissement des plus favorisés. Cela va se manifester de deux façons. 1. Certains
vont essayer de maintenir leurs situations. 2. D’autres veulent les améliorer.

Paragraphe 1. La réaction nobiliaire

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La noblesse a peur de perdre des privilèges, en particulier la petite noblesse,
qui se sent menacée par la bourgeoisie montante. Elle ne veut pas que la richesse se
substitue à l’anoblissement dans la hiérarchie sociale. Sa réaction revêt un double
aspect :

-Dans les campagnes, les seigneurs vont être bien plus pointilleux qu’avant en ce qui
concerne la perception des droits féodaux. La noblesse peut par là réaffirmer ses
spécificités, ses qualités. Cela va entrainer un mécontentement de la part des
paysans. Globalement le XVIème siècle a été plutôt calme, avec quelques révoltes
antifiscales –révoltes anti-gabelle, la gabelle étant l’impôt sur le sel-. Idem pour le
XVIIème siècle. Parfois les paysans vont obtenir du seigneur le rachat de la gabelle –
le seigneur encaisse une somme globale et ensuite elle n’est plus payée-.

-Dans l’armée, jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, constituait un moyen d’ascension


sociale. On pouvait même être anobli. A partir du milieu du XVIIIème siècle, on ne
peut plus être anobli de la sorte. Mais surtout, en 1781, une loi l’édit de Ségur ferme
aux roturiers l’accès direct au grade d’officier et surtout ce texte prévoit que
désormais les écoles d’officiers seront réservées aux seuls jeunes gens qui peuvent
prouver 4 générations de noblesse paternelle. On a appelé cela les 4 quartiers de
noblesse. Ceci a déplu à la bourgeoisie.

Paragraphe 2. Les grèves du prolétariat urbain

La forte augmentation de la production entraine un accroissement du


prolétariat urbain. Cela entraine aussi une détérioration de ses conditions de vie. Tous
les aspects sont concernés. Les logements sont pauvres, les loyers sont très élevés, il
y a une très grande précarité du travail, et l’ouvrier est quasi rivé à sa condition, il n’y
a pas possibilité d’évolution. L’agitation ouvrière va se développer avec des
revendications professionnelles. Les mobiles sont matériels = augmentation des
salaires + durée du travail.

Ce mécontentement ouvrier prenait plusieurs formes. La mise en interdit


notamment. Mais surtout la grève. Plusieurs ont pu agiter la période, une en 1539
notamment la grève des imprimeurs à Lyon qui a duré très longtemps. Ceci parce que
l’imprimerie était un milieu particulier ; les ouvriers étaient bien formés, cultivés, ils
devaient lire et écrire. De plus les ouvriers avaient le droit de porter l’épée. En tant
que métier nouveau, les règles étaient moins contraignantes que pour les anciens
métiers. Un exemple = on travaillait environ 12 heures par jour, moins que la moyenne.
Les ouvriers déclenchèrent la grève, constituèrent des formes de corps d’armées et
s’en prendre physiquement aux maîtres. Les revendications sont professionnelles ; ils
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demandent à être payés à la journée et non à la tâche. Sur la durée du travail ils
veulent une réorganisation des horaires. Enfin une 3ème revendication : ils veulent
limiter le nombre d’apprentis chez un même apprenti. Cette grève est bien organisée.
Ce qui est très en avance pour l’époque c’est que les grévistes ont mis en place une
caisse commune pour faire face aux frais. Ils ont aussi mis en place une milice pour
empêcher les non grévistes de travailler –on appelait les « jaunes » ceux qui
travaillaient-. L’affaire portée en justice donne raison en 1ère instance aux maîtres.
Les compagnons font appel et l’appel est tranché à l’occasion de ce que l’on nomme les
grands jours, procédure particulière c'est-à-dire un aspect de la justice retenue du
roi. Lors des grands jours, le roi envoyait des membres du Parlement en province pour
rendre la justice. Le Parlement de Paris en appel donne raison aux compagnons.
Réaction des maîtres : ils font transférer une partie de leur production hors de
France. Finalement, une déclaration du roi, loi, de 1572, met un terme au conflit. Elle
supprime tout salaire en nature. Elle fixe un salaire minimum de 18 francs par mois.
Pour l’apprentissage la durée est fixée à 3 ans ; et un maître ne peut employer que 2
apprentis. En 1618 notons que l’imprimerie sera transformée en métier jurée donc en
corporation dans tout le royaume. Les grèves vont se poursuivre aux XVII et
XVIIIème siècles avec trois dates charnières.

1ère date charnière : 1685. Jusqu’à cette année, il y a quelques grèves mais
elles sont limitées aux grandes villes et elles sont rapidement réprimées. Ces
mouvements ont lieu souvent dans le domaine du textile, domaine sensible. Révocation
de l’édit de Nantes, dit de tolérance, édit de 1598. Les protestants vont donc être
persécutés. Le contexte va être plus difficile sur le plan économique, sur le plan
financier, il va y avoir des guerres. Les ouvriers vont se soulever, ils vont remettre en
question les principes de l’ordre établi, cela pour des raisons classiques, famine +
hausse des prix + baisse du salaire réel. On dit qu’ils se révoltent « ouvertement ». On
dit aussi qu’ils veulent « faire la loi au maître ». Ou encore « ils ne travaillent
qu’autant qu’il leur plait ». Les compagnons vont aussi se mettre en grève, encore pour
des raisons matérielles. Mais chez eux d’autres revendications sont à ajouter =
embauche des forains notamment. Les forains étaient les travailleurs étrangers. –
L’étranger étant alors celui qui vient d’une autre province-. Les compagnons se
mettent en grève aussi parce que les employeurs refusent d’employer des techniques
nouvelles. Ces derniers n’en avaient pas le droit cf. statuts.

1750, 2ème date charnière : certaines grèves vont être motivées par ce que l’on
nomme le « droit syndical ». Cette expression signifie alors la reconnaissance tacite
du compagnonnage par les employeurs pour toutes les questions d’embauches et de
fixation d’un tarif syndical –ce dernier terme signifiant salaire minimum-. Pour
certains cette reconnaissance de la naissance d’une conscience de classe -ouvrière-.

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1770 : 3ème date charnière. A partir de cette date jusqu’en 1780 ce sont en
particulier les nouvelles branches de l’industrie qui sont touchées par les grèves. Par
nouvelles branches il faut comprendre le textile + la métallurgie + les mines. Tous
les centres industriels sont touchés. C’est aussi à ce moment que l’on voit apparaître
le prolétariat moderne. La condition de ce prolétariat va aller de mal en pis. Ceci
malgré la révolution.

Chapitre 3. Le droit social intermédiaire

Quand on parle de droit intermédiaire on parle de droit de la révolution. Entre


la fin de l’Ancien Régime et l’Etat napoléonien. Révolution = 1789-1799.

La convocation des Etats généraux, dans leur séance d’ouverture, marque le


début du processus révolutionnaire. 5 mai 1789. La réunion des représentants des 3
ordres s’y tient. 300 représentants du clergé + 300 de la noblesse + 600 pour le tiers
Etat. Ceci parce qu’en décembre 1798 le contrôleur général des finances, Necker, le
roi a accepté de doubler le nombre de députés du tiers Etat. La dernière réunion
remontait à 1614. On appliquait alors les formes traditionnelles pour la réunion, c’est à
dire autant pour chaque ordre. De plus on votait par ordre et donc par tête. Mais le
roi ne s’est pas prononcé sur la question du vote par tête ou par ordre. Aussi rien
n’est décidé. C’est cette question du vote qui va bloquer le déroulement des Etats
généraux. Début mai, progressivement les députés du Clergé rejoignent le tiers Etat.
Ceci s’explique facilement car force curés et prêtres étaient près des gens. Le 17
juin, les députés du Tiers se proclament assemblée nationale. C’est un coup d’Etat.
Autre date importante = le 20 juin. Le serment du jeu de paume ; les députés jurent
de ne pas se séparer avant de donner une constitution à la France. Sous-entendu une
constitution écrite. Auparavant la constitution était coutumière.

Le 23 juin, le roi tente une séance d’intimidation. Il présente son dernier


programme de réformes. Il menace implicitement l’assemblée de dissolution. Ca sera
un échec pour le roi. Le 9 juillet, l’assemblée nationale se proclame assemblée
nationale constituante. Avec cette proclamation on considère qu’il y a un transfert de
souveraineté du roi à la nation, représentée par l’assemblée nationale. On considère
aussi que juridiquement parlant la révolution est faite.

Le 14 juillet, les émeutiers prennent la Bastille, là où on enfermait les


personnes par les procédures de lettres de cachet. C’était donc le symbole de
l’arbitraire de la justice du roi.
31
Le 17 juillet, le roi se rend à la municipalité de Paris et il arbore la cocarde
tricolore. Ce faisant, il fait semblant d’approuver ce qui vient de se passer. Ceci car il
se considère depuis la prise de la Bastille comme privé de liberté sur le plan moral.

Pendant la 2ème quinzaine de juillet on assiste à un double bouleversement dans


les provinces. 1. Dans les villes, on a le mouvement municipal c'est-à-dire la
disparition de l’administration royale qui était très centralisée et qui était symbolisée
par l’intendant. Cette administration est remplacée par des municipalités désignées
par des électeurs. 2. La grande peur dans les campagnes : il s’agit d’un phénomène
psychologique. Des rumeurs ont couru sur les évènements de Paris. Les paysans vont
être effrayés des violences, vont avoir peur de la famine. Ils vont se regrouper et
s’armer pour certains, et parfois la peur collective va dégénérer en jacqueries. Les
paysans vont s’en prendre au seigneur donc. Cette inquiétude va gagner la bourgeoisie
et aussi l’assemblée nationale, composée de seigneurs et de propriétaires fonciers.
Pour ramener le calme, sur la proposition du duc D’Aiguillon et du vicomte De
Noailles, l’assemblée nationale vote l’abolition des droits féodaux, des privilèges et de
la dîme. On considère que dans cette nuit du 4 août la révolution sociale est faite,
après la révolution juridique. Quelques jours après, du 20 au 26 août, l’assemblée
adopte la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle sera placée en tête de
la constitution de 1791.

De 1789 à 1792, un 1er régime politique existe = la monarchie constitutionnelle.


Ou monarchie limitée. Ensuite, on a un régime politique de 1792 à 1799. A l’intérieur
on a la convention. C’est la période de la 1ère république, avec 2 régimes politiques :
1792-1795 la convention d’abord ; tout le pouvoir est détenu par la convention, il s’agit
d’un régime dictatorial centralisé. La convention a été élue au suffrage universel. C’est
la période de la terreur également. Evoquons Danton, Robespierre, les tribunaux
révolutionnaires. Après la convention, on a le directoire 1795-1799. La crainte de la
démocratie sociale l’anime. C’est une réaction à la convention. On va revenir à l’égalité
strictement juridique, on ne veut plus d’égalité sociale. Ainsi on supprime le droit à
l’assistance. La 2ème grande idée = crainte de la dictature politique. En réaction à la
convention on a séparé les pouvoirs à l’extrême. Ceci a été une des causes de l’échec
du régime. Précisons aussi que pendant la convention on avait une constitution de 1793
ou constitution de l’an I + une constitution en 1795 ou constitution de l’an III. La
révolution prend fin avec le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte en 1799.

Section 1. L’assemblée constituante et la liberté du travail

32
Le point de départ de la question = la nuit du 4 août 1789. On a décidé de
mettre un terme aux privilèges des communautés et des individus. Tous les privilèges
particuliers des provinces, principautés, corps et communautés soit pécuniaires soit
de toute autre nature sont abolis sans retour. C’est une proclamation théorique car
ensuite il faudra par la suite des décrets d’application et dans la nuit du 4 août le
principe de la liberté du commerce n’est que virtuellement proclamé. Le texte
définitif voté par l’assemblée le 10 août ne vise que les communautés d’habitants et
pas les communautés de métiers. Et dans ce texte on envisage simplement une
réformation des jurandes de portée incertaine. Un peu plus tard, le 26 août, la DDHC
ne fait pas référence à la liberté du travail ou à la liberté du commerce et de
l’industrie. Ceci n’était pas possible = les corporations existaient toujours. Cette
proclamation va résulter de 2 mesures = Décret d’Allarde + Loi Le Chapelier.

Paragraphe 1. Le décret d’Allarde

La loi des 2 et 17 mars 1791 portant suppression des droits d’aide, de maîtrise
et de jurande. La 1ère date correspond au vote du projet par l’assemblée ; elle
transforme le projet en décret. La 2ème date correspond à la sanction du roi. Quand le
roi accepte le décret. Elle transforme le décret en loi. Le baron d’Allarde est à
l’origine du texte. Ce texte proclame le principe de la liberté du commerce et de
l’industrie = principe de la liberté du travail. Une condition est toutefois posée
c'est-à-dire la patente, nouvel impôt à acquitter. On dit souvent qu’elle est l’ancêtre
de la taxe professionnelle. On supprime donc les corporations, on met en place la libre
concurrence. C’est un texte qui ne va soulever aucune protestation au sein de la
constituante.

Paragraphe 2. La loi Le Chapelier

C’est la loi des 14 et 17 juin 1791. Pourquoi y a-t-il eu besoin de ce texte ?


Après le décret d’Allarde les gens du monde du travail vont se réunir. Souvent, entre
ouvriers et maîtres, les discussions vont être violentes. La Commune de Paris va
s’inquiéter de cette violence. Le 22 avril 1791, la Commune de Paris interdit toute
coalition ouvrière. Elle interdit toute réunion ou toute concertation ouvrière. Les
ouvriers vont protester ; on pose le problème devant l’assemblée avec cette fois ci Le
Chapelier, député désigné pour préparer le texte. La loi est votée pratiquement sans
discussion.

Quel est l’apport de la loi Le Chapelier ? Elle réaffirme la suppression des


corporations. Elle interdit l’association entre individus d’une même profession. Elle
définit le délit de coalition. Ici il y a une contradiction chez les révolutionnaires
33
puisque d’un côté on proclame la liberté de réunion mais en même temps on interdit
toute réunion professionnelle. Quelles sont les conséquences de ce texte ? On veut
éviter le compagnonnage en interdisant l’association professionnelle, car on veut
interdire les pressions. On interdit les associations en la présentant comme contraire
à la liberté du travail, et comme contraire à la liberté de contracter. On considère
que le contrat de travail doit être négocié de gré à gré. On reprend ici les idées des
Lumières en droit du travail. On va mettre en avant la liberté individuelle. On met en
avant l’autonomie de la volonté. On va interdire les mouvements ouvriers, réunions,
attroupements, … On interdit aussi les coalitions patronales.

Les sanctions ? Des amendes importantes. On prévoit également la suspension


pendant un an des droits attachés à la citoyenneté active. Pour simplifier c’est la
suspension du droit de vote. Et une peine de prison de 3 mois aussi. Aussi la loi Le
Chapelier complète t elle le décret d’Allarde.

Section 2. Le dirigisme de la convention

Sur le plan politique, la convention est dominée par des intellectuels, des
avocats. Elle est très hostile au grand commerce. Il va donc y avoir des mesures
significatives prises sur le plan économique et sur le plan social.

Sur le plan économique, des mesures vont être prises contre les grandes
sociétés commerciales. On va dissoudre les plus grandes. La compagnie des Indes par
exemple, ou encore la caisse d’escomptes. On parle de terreur économique. Un peu
plus tard on interdit de constituer des sociétés par actions. On va aussi supprimer
toutes les sociétés financières. Conséquence = le grand commerce est paralysé ; on a
une crise économique et financière. L’Etat va essayer de réagir, en intervenant dans
l’économie ; l’Etat va tenter de lancer un papier monnaie, avec le système des
assignats. Ce sera cependant un échec, du fait d’une surproduction il y aura
dévaluation. La convention vote la loi du maximum. Ceci est inspiré du droit romain
antique. Avec ce texte l’Etat fixe de façon autoritaire, département par
département, le prix de tous les produits de détail et aussi le montant des salaires.
Sanction ? = on prévoit la peine de mort. On peut préciser qu’elle sera rarement
appliquée pour un délit économique. Cela concerne 1 pour cent des condamnations à
mort pendant la terreur. On a avancé le chiffre de 16 500 condamnations à mort
pendant la terreur. Le crime d’accaparement –c'est-à-dire le marché noir- s’est
développé cependant du fait de ce texte qui ne résout rien.

34
Sur le plan social, pour la convention il y a le souci de créer une forme
d’assistance publique. D’ailleurs, sur le plan des principes, la convention veut une
égalité sociale effective. C’est pour cela que l’on a créé le droit à l’assistance. La
convention met en place une forme d’assistance, d’autant nécessaire qu’il n’y a plus de
corporations, d’où un manque de solidarité auparavant assuré par ces dites
corporations. Sur un plan plus général, c’est à l’Etat qu’il appartient d’assurer du
travail à ceux qui n’en n’ont pas. C’est aussi l’Etat qui doit aider vieillards, orphelins et
veuves. On va envisager certaines mesures, mais elles ne seront pas appliquées faute
de temps.

1er exemple de mesure : loi sur l’assistance publique de 1794. On a imaginé


que dans le cadre départemental un livre de bienfaisance nationale est ouvert. Sur
ce livre on va inscrire toute personne en difficulté, par exemple vieillards, infirmes,
mères sans ressources. On prévoit le don de certaines sommes d’argent, des soins
médicaux, et aussi de la nourriture. Par exemple pour les paysans infirmes et âgés on
prévoyait la somme de 160 libres ; pour les artisans 120 livres ; 60 livres par enfant
pour les mères sans ressources. Cette loi n’a cependant jamais été appliquée.

Signalons un second exemple avec une loi de 1996 qui crée un droit des
pauvres. Un système de prélèvement de 10 pour cent sur les billets de spectacles est
prévu. Dans chaque département cette somme devait être redistribuée par les
bureaux de bienfaisance. Là aussi cette loi n’a jamais été appliquée.

Section 3. Le monde rural et la transformation de la propriété

Paragraphe 1. L’abolition des droits féodaux

Une idée commune chez les révolutionnaires : ils ont de la considération pour les
paysans. Ceci parce qu’ils sont perçus comme les victimes du système féodal. Le
problème paysan va être au centre des débats avec la question de l’abolition des
droits féodaux. Pour la terminologie, précisons tout de même : ces droits féodaux
recouvrent droits seigneuriaux c'est-à-dire ceux pesant sur les personnes, par
exemple les droits de justice + droits féodaux au sens strict c'est-à-dire les droits
fonciers, les redevances payées en contrepartie des concessions de terres.

Les droits féodaux ont été supprimés dans la nuit du 4 août 1789 on l’a vu ; mais
c’était là une proclamation de principe. Il faut donc des décrets d’application. Ces
décrets vont cependant tarder, ils montrent un embarras des révolutionnaires. En
effet si on les supprime, en même temps on porte atteinte à la propriété. La propriété
35
est un droit inviolable et sacré. On a un décret du 11 août qui commence avec une
formule solennelle, L’assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal –les
paysans ne vont retenir que ce début-. Ce décret implique la suppression de petites
contributions comme le cens ou le champart, la dîme également. On va supprimer aussi
les droits de mutation sur les marchés. En application de cette disposition, cela
représente de 2 à 10 pour cent du revenu paysan et à l’inverse cela représente entre
20 et 30 pour cent des revenus des seigneurs. Pour l’abolition des droits féodaux, on
distingue ceux abolis purement et simplement, sans contrepartie, il s’agit des droits
seigneuriaux –ceux pesant sur les personnes-. A côté il y a les droits féodaux, abolis
moyennant rachat. -Ce sont les droits féodaux au sens strict, les droits fonciers-.

Cette distinction va mécontenter les paysans, d’où de nouvelles jacqueries. En


1990, nouveau décret : il établit la liste des droits rachetables. D’autres décrets
vont intervenir pour fixer les modalités de rachat. En juin 1792, pour que le droit
féodal soit racheté et opposable au paysans, on va réclamer le titre primitif. C’était
la convention entre le seigneur et le paysan, le contrat de bail en fait. Les paysans
sont mécontents. Devant leur mécontentement, finalement le décret du 17 juillet
1793 va supprimer tous les droits féodaux donc toutes les redevances sans aucun
rachat et on prévoit aussi que les titres doivent être brûlés. Ce texte est resté
célèbre. On le nomme la loi de la colère ; il a été pris à l’initiative de Merlin de
Douai, plus grand juriste de la révolution.

Paragraphe 2. Le partage des biens communaux

Il est doublement justifié. Du fait d’un souci d’équité, et du fait d’une exigence
économique de rendement des terres. On va donc redistribuer les terres. Ceci va se
faire en fonction des patrimoines déjà possédés ; d’où les plus pauvres ne vont pas en
profiter. Ceci va même aggraver leur situation puisqu’ils perdent les droits d’usage sur
des lieux qui étaient communs. Rappelons l’exemple type du droit d’affouage. Ils vont
souvent quitter les campagnes pour aller chercher du travail dans les villes. D’où
augmentation de la masse du prolétariat urbain.

Pour conclure sur la révolution, finalement on voit que la révolution a mis


certains paysans et certains ouvriers dans une situation plus mauvaise que sous
l’Ancien Régime. En supprimant les corporations, on a en même temps supprimé toutes
les anciennes solidarités professionnelles sans avoir mis en place de structures de
substitution. Finalement cette évolution de la législation sociale a surtout profité aux
petits propriétaires. On l’a vu pour le monde rural. Dans le monde urbain, la
bourgeoisie a pu acquérir les biens nationaux –royaux et cléricaux- quand ils ont été
mis en vente. D’où ils ont pu élargir sensiblement leurs patrimoines. Cette évolution
36
sociale est finalement conforme au principe de la révolution, il suffit de citer l’article
1er de la DDHC de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en
droit (…) les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité
commune1. ». Aussi y a-t-il égalité strictement juridique, pas égalité sociale.
Finalement dans ce texte, dès 1789, on justifie toutes les inégalités sociales du
XIXème siècle.

Chapitre 4. La stabilisation napoléonienne

On parle aussi du 1er césarisme pour désigner l’Etat napoléonien. De 1799


jusqu’à 1814 il s’étend, avant la restauration. Cet Etat commence par un coup d’Etat,
celui du 18 Brumaire an VIII. Autrement dit le 9 novembre 1799. Notons que
Sieyès est à l’origine de ce coup d’Etat.

Sur le plan des idées générales, notons que Napoléon condamne l’instabilité du
directoire, aussi bien au niveau du politique qu’au niveau des droits. Son objectif est
d’abord de sauvegarder la république, puis de la stabiliser, ceci par deux moyens = un
gouvernement fort + le soutien du peuple. Une formule de Sieyès est éclairante : « La
confiance vient d’en bas, le pouvoir vient d’en haut ».

Sur le plan des réalisations, la période est très riche. Ceci sur le plan
institutionnel notamment. On a parlé des masses de granit pour désigner les
institutions napoléoniennes. Cour des comptes, Conseil d’Etat, Banque de France,
préfet, baccalauréat, lycée, légion d’honneur… Sur le plan législatif également : code
civil de 1804, code pénal de 1810, code de commerce de 1807, code de procédure
civile de 1806, code de procédure pénale de 1811-dit code d’instruction criminelle
alors-.

Aussi, pour une période extrêmement riche en changements, il n’y a presque


rien concernant la législation sociale. La philosophie de la législation évolue alors. De
façon caricaturale, on peut dire que globalement la révolution a été plutôt favorable
au peuple ; l’Etat napoléonien va quant à lui s’appuyer davantage sur le nouveau groupe
de propriétaires qui s’est dégagé de la révolution –bourgeoisie et paysannerie-. On va
ainsi proclamer l’intangibilité du droit de propriété. C’est pour cette raison que
Bonaparte va assurer la stabilité des acquis en limitant le plus possible les

1
Le concept d’utilité commune a été introduit par Sieyès ; il justifie qu’il n’y ait pas égalité sociale.
37
bouleversements sociaux. Ceci explique l’évolution de la législation sociale sur cette
période.

Bonaparte va maintenir le principe de la liberté du commerce et de l’industrie,


avec certains tempéraments. Il y a eu un débat important sur le rétablissement des
corporations toutefois. Il y a eu des demandes en ce sens, de la part des marchands
en particulier en 1804 –marchands de vin en particulier- à Lyon. A Paris, en 1803, la
chambre du commerce a été saisie d’un projet visant le rétablissement des jurandes.
La chambre du commerce de Paris a refusé d’aller dans ce sens. Un peu plus tard, en
1810, c’est le conseil général des manufactures qui est questionné à ce sujet. Cette
instance se prononce là aussi contre. Bonaparte va suivre l’avis de ces institutions. Lui
était partisan d’un contrôle de la vie économique, mais également ne voulait pas de
système trop strict, qui empêcherait l’innovation technique.

Bonaparte va maintenir le délit de coalition. Et même faciliter sa répression.


Ceci dans le cadre très large de la moralisation du commerce. C’est aussi dans ce
cadre qu’on va avoir une disposition relative au contrat de travail, toujours dans un
objectif de stabilité.

Section 1. Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et ses


tempéraments

Ce principe est maintenu par la législation napoléonienne et plus précisément


par le code du commerce de 1807, avec deux sortes de restrictions.

Paragraphe 1. Les restrictions concernant les personnes

Certaines personnes, en raison de leurs fonctions, ne pouvaient pas exercer


d’activité commerciale. Il y a donc certaines incompatibilités. Ceci est si évident dans
l’opinion publique que le code du commerce n’énumère pas ces personnes. Ainsi des
fonctionnaires qui ne peuvent exercer une activité commerciale –militaires,
instituteurs…-, des professions libérales –avocats, médecins…- des officiers
ministériels.

En revanche s’il y a incompatibilité cela ne nuit pas aux éventuels contrats


commerciaux conclus par ces personnes. Ceci explique notamment qu’un huissier puisse
être déclaré en faillite.

38
Paragraphe 2. Les restrictions concernant certaines activités

L’Etat s’est toujours réservé certaines professions. Il s’en est réservé le


monopole. Entrent aussi dans ces restrictions le cas des autorisations préalables.
Deux raisons à ces restrictions : intérêt public et du fait de la nécessité de
ressources publiques. Force commerces sont réglementés.

A. Les commerces réglementés

Certaines professions commerciales ne peuvent être exercées que par des


personnes instituées par l’Etat. Dans le code du commerce de 1807 on prévoit
notamment le cas des agents de change. Aussi le cas des courtiers. D’autres
dispositions plus tard vont prévoir le cas du commissaire priseur. On prévoit aussi que
certaines professions exigent un diplôme ou un brevet ; ainsi des pharmaciens ou des
imprimeurs.

B. Les autorisations préalables

Parfois une simple déclaration est insuffisante. L’exploitation préalable est


nécessaire par exemple pour l’exploitation des mines, selon le système des
concessions mis en place en 1810. Aussi, il fallait une autorisation préalable pour
constituer une société anonyme, ceci étant prévu par le code du commerce de 1807
quel que soit le capital ; cela supposait un accord sur les statuts. Ceci va entrainer
force abus et fraudes, et surtout cela va entrainer le développement d’une autre
forme de société, la société en commandite par actions. Début XIXème, on a même
parlé de la fièvre des commandites tant leur développement fut intense.

C. Les monopoles d’Etat

L’idée est que certaines activités pourraient fort bien faire l’objet d’un
commerce mais sont traditionnellement réservées à l’Etat. Ainsi, l’exemple type le
droit de frapper monnaie. Depuis toujours c’est une activité réservée à l’Etat –sauf
pendant la parenthèse de la féodalité-. On peut encore évoquer le monopole des
postes, ou encore celui des poudres, celui de l’émission de papier monnaie, de la
production et de la vente du tabac…

Section 2. La moralisation du commerce

39
L’Etat va assurer la moralisation du commerce. Le code du commerce de 1807 et
toute une législation complémentaire sont à signaler. Le code pénal de 1810 va aussi
jouer. Enfin il faut citer la loi du 22 Germinal an XI, soit du 12 avril 1803. Cette
moralisation du commerce prend des aspects très variés. 1er point : dans le code pénal,
le livre sur les crimes et délits traite des infractions relatives à l’activité
commerciale. Par exemple, la tenue de loteries non organisée par l’Etat, ou encore des
entraves à la liberté des enchères, ou bien encore la violation des règlements relatifs
aux manufactures et aux commerces, ou le pillage / dégât des denrées et
marchandises, voire l’espionnage industriel au profit d’étrangers.

La protection du consommateur constitue un 2ème aspect ; l’idée est de protéger


l’acheteur de tromperie avec de faux poids ou de fausses mesures.

Un 3ème aspect : l’Etat veut empêcher les usines de nuire à leurs voisins ou leur
voisinage. Une législation va se mettre en place à partir de 1810 qui soumet la création
de fonctionnement d’établissements insalubres, incommodes ou dangereux à l’enquête
et au contrôle de l’administration. Le but ici est de lutter contre les nuisances des
industries dans les villes. Indirectement, ces textes vont protéger les ouvriers.

4ème aspect de la moralisation du commerce : le délit de coalition. Par coalition


on peut entendre toute action concertée, soit d’un certain nombre d’ouvriers soit d’un
certain nombre de patrons. La loi du 22 Germinal an XI précitée avait prévu des
peines contre les coalitions. Le code pénal va aggraver la répression –articles 414 à
416-. Le code pénal place le délit de coalition aussi bien des ouvriers que des
employeurs sous le titre générique de violation des règlements relatifs aux
manufactures et aux commerces. Le fait le plus marquant sur ce délit, c’est la
présence d’inégalités (juridiques) entre employeurs et ouvriers. Ces inégalités sont
objectives, dans le texte. Ainsi, par rapport aux poursuites, toutes les coalitions
ouvrières sont poursuivies –cesser en même temps de travailler, interdire le travail
dans un atelier, empêcher de s’y rendre à certaines heures…-. « que cette coalition ait
un objet juste ou injuste, qu’elle soit abusive ou non abusive». Alors que les ententes
patronales ne sont poursuivies que si elles sont considérées comme injustes ou
abusives. Ou encore on peut évoquer les sanctions. Les peines sont plus lourdes pour
les coalitions ouvrières. L’infraction ouvrière n’entraine pas d’amende, trop
difficilement recouvrable, mais un emprisonnement de 1 à 3 mois. Les cadres de
l’action collective / chefs / moteurs ouvriers (comprendre les meneurs) risquent 2 à 5
ans de prison. L’infraction patronale quant à elle est punie d’une amende de 200 à
3000 francs, et d’un emprisonnement de 6 jours à 1 mois.

40
5ème aspect de la moralisation : La loi de Germinal an XI existe pour traiter des
associations professionnelles, et le code pénal va aggraver les sanctions. Elles restent
interdites (article 291 du code pénal). Toutes les associations de plus de 20 personnes
doivent demander une autorisation au gouvernement pour se constituer. Sinon
dissolution et amende. En pratique, on a pu constater que les associations patronales
ont été autorisées plus facilement que les associations ouvrières.

Section 3. Le cadre juridique du contrat de travail

Paragraphe 1. Le livret ouvrier

Il a été établi en 1749, supprimé en 1791 pendant la révolution, et rétabli en


1803. Pour désigner le livret ouvrier, on a souvent parlé de passeport intérieur. Il
s’agit d’un petit carnet obligatoire délivré par le commissaire de police dans les
grandes villes et par le maire dans les petites. Il doit le faire viser par les pouvoirs
publics chaque fois qu’il change de domicile. Sinon il pourrait être accusé de
vagabondage. En fait, quand un ouvrier quitter son emploi, son livret doit être signé
par son employeur avec ce que l’on appelle un congé pour acquis. On parle encore du
congé par écrit. La production du livret signé est nécessaire pour un nouvel emploi.
Normalement, il n’y a pas d’annotation sur le comportement de l’ouvrier. L’employeur
pouvait refuser de signer. Soit si le travail n’était pas terminé, soit si l’ouvrier avait
emprunté de l’argent à son patron et n’avait pas fini de rembourser. C’est là la
pratique des avances sur salaire. Une pratique très courante pour les ouvriers. Une
autre possibilité pour les salariés était de s’adresser au mont de piété, c'est-à-dire
un système de prêt sur gage. Le livret constituait une garantie d’être remboursé ;
l’employeur avait un droit de rétention sur le livret. Ce droit pouvait entrainer
certains abus d’ailleurs, comme forcer l’ouvrier de travailler à bas prix. Autre
utilisation de ce livret : pour « attacher l’ouvrier à la fabrique » c'est-à-dire ne pas
laisser l’ouvrier partir. Enfin citons une double dépendance vis-à-vis de l’employeur et
des pouvoirs publics.

Paragraphe 2. Le laconisme du code civil

Le code civil est le monument juridique de la nouvelle société. Il est


pratiquement muet sur le contrat de travail. On parle d’ailleurs de louage de
services, l’expression de contrat de travail n’existe pas. On retrouve ici l’influence du
droit romain.

41
Pour expliquer ce laconisme, on peut penser que les rédacteurs du code civil
n’avaient pas soupçonnés le développement de la grande industrie, et donc l’extension
logique du salariat qui l’accompagne.

Deux articles du code civil traitent du contrat de louage de services. Ces


articles sont placés sous la rubrique « louage des domestiques et des services ».
L’article 1780 interdit le louage de services à durée indéterminée. Ceci peut étonner ;
cela est justifié du fait qu’on veut éviter l’engagement perpétuel qui évoquait pour les
rédacteurs du code civil le servage / esclavage. Citons aussi la loi de Germinal an XI
de 1803. Ce texte interdisait les engagements d’une durée supérieure à un an mais qui
par contre étaient toujours reconductibles. 1781 est le 2ème article pertinent ; il
énonce que le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages –c'est-à-
dire le montant du salaire- pour le paiement du salaire de l’année échue et pour les
acomptes déjà donnés pour l’année courante. Ici cet article reprend une inégalité
juridique entre maître et domestique, inégalité reprise entre ouvriers et patrons.
Notons que cet article ne sera abrogé qu’en 1868.

Paragraphe 3. La durée du travail

Il y a peu de choses sur la durée du travail. Auparavant elle était fixée par les
statuts des corporations, et était à peu près supportable, environ 12 heures par jour.
Avec la suppression des corporations il n’y a plus aucune réglementation. Ceci jusqu’à
une décision de 1806 du préfet de police de Paris qui va fixer les horaires de travail.
Cette ordonnance prévoit que le travail doit avoir lieu entre 6 ou 7 heures et 19 ou 20
heures. Ceci donne une moyenne d’environ 13 heures par jour pour l’Etat napoléonien.
On constate donc une réglementation plus contraignante pour l’Ancien Régime.
Beaucoup d’exceptions à cette disposition de principe toutefois, pour travailler plus.

Paragraphe 4. Les conseils de prud’hommes

Sur l’origine, elle serait dans le milieu de la soie à Lyon sous l’Ancien Régime. Il
existait dans cette activité professionnelle une juridiction paritaire, la juridiction
des maîtres gardes chargée de concilier puis de trancher les différends entre
ouvriers et fabricants de soieries. En 1791 on a supprimé cette juridiction. A partir
de la suppression de cette juridiction, les conflits du travail relèvent désormais de la
compétence du juge de droit commun. Loi des 16 et 24 août 1790 à citer. Plus
précisément c’est de la compétence du juge de paix. Avec comme objectif premier la
conciliation. Là aussi le cas échéant on passe ensuite à une fonction contentieuse. On
peut noter aussi que pendant la révolution force litiges étaient conciliés par les
pouvoirs publics –maires ou commissaires de police-. En 1805, Bonaparte est de
42
passage à Lyon et les fabricants adressent une requête à l’empereur pour rétablir une
juridiction paritaire professionnelle. Bonaparte approuve l’idée, et de retour à Paris
crée un Conseil de prud’hommes à Lyon, ce sera l’objet de la loi du 18 mars 1806. A
Lyon le Conseil comprend 5 fabricants, 4 chefs d’atelier. En 1809 un décret exigeait
que les fabricants aient un représentant de plus que les ouvriers ou chefs d’ateliers.
C’est à la moitié du XIXème siècle que les juridictions deviendront vraiment
paritaires.

Ces juridictions doivent concilier et régler les conflits professionnels entre


patrons et ouvriers, sachant que 90 pour cent des litiges concernent alors les salaires.
Cette loi de 1806 prévoit que l’on pourra créer un conseil de prud’hommes partout où il
y en aura besoin compte tenu du développement de l’industrie ou du commerce. Par
exemple celui de Montpellier est créé en 1875.

En France on parle alors de législation ouvrière et non sociale. Si on veut faire


un bilan, disons que c’est un droit rare et plutôt défavorable au monde ouvrier. Les
ouvriers sont conduits à se rencontrer clandestinement, souvent ils sont considérés
par le reste de la population comme des délinquants potentiels, même s’il n’y a eu pas
d’agitation ouvrière ou pratiquement pendant l’Etat napoléonien. Signalons simplement
quelques grèves en 1805 dans le bâtiment. La condition ouvrière reste dominée par la
hantise du travail ou la hantise du pain quotidien. Les conditions de travail étaient
très difficiles. Les maladies professionnelles, le travail des enfants dans le textile,
vont se développer. L’existence des ouvriers est très précaire. Certains constatent
cependant une certaine amélioration de la condition ouvrière. Finalement, l’empreinte
de Bonaparte va beaucoup influencer le XIXème en matière sociale.

43
Partie 2. Du travail libéré au travail industriel

Pour introduire, quelques dates. La restauration commence en 1814. Etablissons


sa naissance au pacte de Chaumont du 9 mars 1914 conclu par les alliés contre
Napoléon Bonaparte. Autriche, Prusse et Russie donc. En France, les royalistes
obtiennent des alliés une restauration de la monarchie. Elle va se faire en la personne
du comte de Provence, frère de Louis XVI, Louis XVIII. On va cependant s’accorder
sur des garanties constitutionnelles à apporter à cette monarchie, de façon à
satisfaire ceux qui ont bénéficié de la révolution et de l’empire. Les alliés entrent à
Paris fin mars 1814. Le Sénat début avril, sénat impérial manœuvre par Talleyrand,
proclame la déchéance de l’empereur. Ensuite, le Sénat appelle au trône Louis XVIII
avec le titre de roi des Français. Début mai, Louis XVIII fait une déclaration restée
célèbre, la déclaration de Saint Oin. « Rappelé par l’amour de son peuple au trône de
ses pères ». Cette formule sous entend le rejet de la souveraineté nationale. Le
principe de la monarchie patriarcale de droit divin est affirmé. Comme avant la
révolution, il a le titre de roi de France. Pour la Restauration, un nouveau texte
constitutionnel est à noter : Louis XVIII octroie une charte constitutionnelle au
peuple le 4 juin 1814.

Pour résumer ce qu’il faut retenir de la Restauration : c’est un régime de compromis


entre les principes traditionnels et les principes révolutionnaires. Par exemple la
toute puissance du roi. On va conserver certains droits individuels issus de la
révolution par ailleurs. L’autre grande idée : on considère que sous la Restauration nait
le parlementarisme en France. Ceci est possible par des nouveaux rapports entre les
chambres et les ministres. -Chambre des députés et chambre des pairs alors-. Ce qui
rend également possible le parlementarisme c’est le droit de dissolution qui
appartient au roi.

En 1824, Louis XVIII décède, et Charles X lui succède. Il va mettre en œuvre


une politique réactionnaire, qui va emporter le régime. Il va non pas se contenter d’un
retour à la monarchie mais aller à un retour à l’absolutisme. Aussi la Restauration
prend fin en 1830, après 3 jours d’émeutes –« Les trois glorieuses », 27, 28 et 29
juillet 1830-.

Le régime politique qui suit : la monarchie de juillet. Charles X et son fils


abdiquent en août 1830 et s’exilent en Angleterre. C’est le duc d’Orléans qui va
devenir roi, Louis-Philippe. Un nouveau texte constitutionnel est rédigé, la charte
constitutionnelle du 14 août 1830. Louis-Philippe d’Orléans prête serment à ce
texte et est proclamé roi des Français –et non « roi de France »-.
44
Pour résumer la monarchie de juillet, deux idées. D’abord c’est une démocratie
libérale. On parle de charte libérale ou charte contractuelle. Ceci s’illustre dans le
titre de « roi des Français ». De plus il y a assouplissement du droit de vote. C’est la
continuité de l’affirmation du parlementarisme en outre. Ainsi la responsabilité
ministérielle2 nait, l’interpellation et la question de confiance.

Le régime prend fin en 1848. Avec les journées de juin. Ceci est compliqué.
Pour expliquer le passage entre régimes, partons de 1840. Le parti de la résistance,
c'est-à-dire les conservateurs, mené par Guizot, s’installe définitivement au pouvoir.
Les conservateurs refusent obstinément toute modification nouvelle de la loi
électorale. C’est un régime censitaire à suffrage restreint. Par exemple, la France
compte environ 30 millions d’habitants, c'est-à-dire dans le pays réel. Sur ce pays réel
il y a le pays légal, c'est-à-dire ceux qui votent : 80 000 votants. On passe à 220 000
lors de la monarchie de juillet, un mieux relatif donc… Le mécontentement va se
développer, autour de la crise économique.

Autour de 1847 et 1848 les tensions vont s’accroitre, les manifestations se


multiplier. Distinguons deux sortes de manifestations : les réformistes –celles
demandant une réforme de la loi électorale- et les révolutionnaires –hostiles au
régime lui-même -. Tout va commencer avec l’interdiction d’une manifestation
réformiste, le 22 février 1848. Elle va provoquer une émeute à Paris. Le 23 une
fusillade entre manifestants et l’armée se produit. Cette fusillade transforme
l’émeute en révolte. Les insurgés sont victorieux le 24. Ils prennent le château des
Tuileries, demeure du roi. Louis-Philippe abdique, et la -seconde- République est
proclamée.

La mise en place du régime va être difficile. On constitue un gouvernement


provisoire, où il faut retenir le nom de Louis Blanc, théoricien socialiste. Notons aussi
l’ouvrier Albert. Ces deux personnes n’ont pas de poste ministériel toutefois. Le
soutien qu’ils peuvent apporter aux ouvriers est donc limité. Le gouvernement
provisoire reprend la tradition républicaine et décide de l’élection d’une assemblée
constituante, qui doit être faite au suffrage universel. Les élections ont lieu le 23
avril 1848. C’est la 1ère fois en France qu’il y a une participation électorale importante.
7 millions et 800 000 votants. Résultat des élections : l’assemblée est nettement
conservatrice. Ceci était inattendu. L’assemblée va attendre pour rédiger la
constitution, en raison des troubles sociaux, économiques. L’extrême gauche va
décider d’organiser une journée révolutionnaire pour renverser le régime, pour
2
La responsabilité politique des ministres est née avec la monarchie de juillet ; auparavant n’existait qu’une
responsabilité pénale.
45
renverser la république conservatrice, consacrée rappelons le par le suffrage
universel. On va trouver un prétexte : manifestation de soutien à la Pologne révoltée
contre la Russie. Le 15 mai a lieu cette manifestation. La condamnation politique de la
république se produit donc. L’assemblée va être déclarée dissoute. Un nouveau
gouvernement provisoire va être mis en place.

L’ordre va cependant être établi par la garde nationale, menée par le général
Clément Thomas. Cette journée révolutionnaire est un échec donc. Elle va avoir deux
conséquences. Elle a indisposé la majorité de la population d’une part ; les ouvriers
sont ainsi apparus comme des individus dangereux, violents. D’autre part, la gauche
républicaine a été privée de ses chefs, ainsi Louis Blanc s’est enfui par exemple. Cette
journée va être suivie par une condamnation sociale de la république. C’est
l’insurrection de juin 1848, les journées de juin. Deux raisons sont avancées à ce
mouvement : 1. L’influence des idées sociales / socialistes 2. La volonté des ouvriers
d’améliorer leurs conditions.

Les ouvriers attendaient en effet du social depuis février, depuis la


proclamation de la république. Ils avaient été déçus par le succès des conservateurs,
et par l’échec de la journée du 15 mai. Ce qui va déclencher l’insurrection, c’est la
fermeture des ateliers sociaux ou nationaux. Il s’agit d’un système d’organisation du
travail pensé par Louis Blanc. Cette organisation devait permettre aux ouvriers de
bonne moralité –c'est-à-dire ceux qui savent lire et écrire- d’acquérir les instruments
de travail. On avait bien mis en place des ateliers nationaux, mais c’était assez fictif.
On avait réuni 100 000 ouvriers à Paris et on les occupait à remuer la terre au Champs
de mars. Mais le fait de fermer ces ateliers nationaux a causé l’insurrection.

C’est le 30 mai que la constituante décide la dite fermeture. Le 21 juin le


décret est publié ; c’est là le début de l’insurrection. Le général Cavaignac est chargé
de la répression. Il va mettre en œuvre une tactique inédite, la technique du
nettoyage. Entre 3000 et 6000 morts dont l’archevêque de Paris. Le mouvement
ouvrier est décapité… Il est ensuite réduit au silence pendant une vingtaine d’années.
La répression va décider de la suite ; après juin 1848 on sait que la République n’est ni
populaire ni sociale.

3. 1848-1851 : l’ouverture de la seconde république

L’assemblée nomme Caldegnac président du conseil des ministres et élabore la


constitution. C’est ici qu’apparaît pour la 1ère fois un président de la république. Le

46
président est élu en 1848, au 10 décembre, il s’agit de Louis Napoléon Bonaparte. C’est
le neveu de Napoléon Bonaparte.

On peut aussi noter que pour la 1ère fois « Liberté égalité fraternité » apparaît,
en 1848 donc. Sur le plan politique c’est le parti conservateur qui continue de gagner.
Il s’agit de députés catholiques monarchistes. Cette majorité à l’assemblée va
favoriser une réaction anti-démocratique, qui va permettre progressivement de
supprimer la liberté de réunion et d’association.

4. Le second empire

L’empire est rétabli par Louis Napoléon Bonaparte par un senatus-consulte de


novembre 1852. Avec ce senatus-consulte, Louis-Napoléon président de la République
devient empereur, Napoléon III. On va approuver par plébiscite.

Retenons sur le régime quelques idées : Louis-Napoléon va surtout copier ce qui


a été fait pendant le 1er Etat napoléonien. Ceci en raison de la pérennité des
institutions du 1er césarisme. Il présente son programme dans le discours de
Bordeaux. D’abord sur le plan militaire, on peut citer que « certaines personnes se
disent que l’empire c’est la guerre, moi je dis l’empire c’est la paix. ». Sur le plan
économique, les objectifs seront atteints. Sur le plan politique, Louis-Napoléon va
refuser le pluralisme politique comme son oncle. Sur le plan de la conquête sociale,
Louis-Napoléon a un double but. D’une part il veut moraliser les pauvres. C’est là un
thème conservateur traditionnel. D’autre part il veut réintégrer les plus défavorisés
dans la communauté nationale. Il s’agit surtout des ouvriers. Et le plan social sera un
échec.

Comment appréhender la chronologie sur le plan social ? On a d’abord une


grande phase, qui se commence avec la Restauration et qui s’achève au début de la
IIIème République. Ce qui marque cette 1ère phase c’est la naissance de la législation
sociale en France. Ensuite, on voit émerger une nouvelle société rurale. Enfin, cette
1ère phase est caractérisée par l’ébauche d’un mouvement ouvrier moderne.

La 2ème phase commence dans les années 1870 avec la IIIème République. Elle
aboutit à la codification du droit du travail. Le 1er code du travail date du début du
XXème siècle.

47
Chapitre 1. La naissance du droit social

C’est sous la monarchie de juillet qu’il apparaît vraiment. Monarchie de juillet :


1830-1848. Mais dès la Restauration le monde du travail urbain prend une nouvelle
dimension. La condition ouvrière, dès la Restauration, s’aggrave. Cela va aboutir à la
naissance d’un mouvement ouvrier moderne.

Section 1. La nouvelle dimension du monde du travail urbain

Paragraphe 1. La situation au début de la Restauration

Début XIXème en gros. Précisions le sens de deux termes souvent confondus :


travailleurs et urbains.

A. Les travailleurs

On peut aussi parler de travailleurs industriels. Deux définitions existent, une


étroite, une large.

-Au sens étroit le travailleur industriel est un travailleur salarié strictement


dépendant vivant exclusivement de la location de sa force de travail, c’est un
prolétaire. On peut distinguer deux types de salariés sur cette 1ère définition : le
salarié de fabrique –qui subit déjà les conséquences de la concentration industrielle-
, et à côté le salarié d’atelier –l’ouvrier artisanal-.

-Au sens large, dans le monde des travailleurs on fait entrer les petits artisans
qui sont propriétaires de leurs ateliers et de leurs instruments de production. On
associe à ces petits artisans l’idée d’une certaine indépendance. Cependant en réalité
ces artisans sont dépendants en amont pour la fourniture des matières premières, et
en aval pour tout ce qui concerne la vente des produits finis. Par rapport à cette
double dépendance, réelle, leur rémunération que l’on appelle le prix de façon n’est
qu’un salaire indirect. Aussi cette indépendance n’est elle pas si évidente. Pour sa
partie supérieure, l’artisanat a tendance à se confondre avec la bourgeoisie. Dans sa
partie inférieure, l’artisanat se confond avec le prolétariat.

B. Les urbains

48
Définissons le terme « urbain ». Il faut distinguer le travail industriel fait dans
les villes et celui fait dans le monde rural. Cette distinction est assez floue, parfois
elle n’existe même pas.

Pour prendre un 1er exemple, si l’on prend le domaine du textile notamment le


domaine du tissage on a constaté que les ouvriers qui travaillaient dans les ateliers de
village ou dans les campagnes, notamment dans les départements du Rhône de l’Isère
et de l’Ain travaillent exactement comme les canuts, ouvriers lyonnais de la soie,
intra muros. Aussi n’y a-t-il pas de différence en fin de compte, les canuts travaillent
de la même façon.

Un second exemple : les mineurs paysans. Ils ont une double qualité. On a
constaté que le monde du travail urbain a presque le même rythme que celui du monde
rural. En 1840, dans certains bassins miniers, la courbe de l’absentéisme est
déterminée par les travaux des champs. Principalement, on a vu que les mineurs
quittaient le puits à 3 moments dans l’année : au printemps pour les vignes, en juin
pour la récolte des foins et à l’automne pour les vendanges. La coupure n’existe donc
pas vraiment, mais elle va se faire peu à peu pendant tout le XIXème siècle.

C. Quelques chiffres sur la société urbaine

Le monde du travail urbain est très minoritaire dans la société française. Ainsi
en 1846, milieu du XIXème, la France compte 31 millions et 850 000 habitants. 4
millions 300 000 vivent de l’industrie soit environ 13 pour cent. Autre chiffre : 3 villes
ont plus de 100 000 habitants ; Paris, Lyon et Marseille. A Paris et Lyon seulement on
trouve une importante population ouvrière. A Marseille, l’activité est avant tout
commerciale. Enfin dans certaines régions on remarque de fortes concentrations
ouvrières. Le Nord en particulier ; en 1826 les ouvriers représentent 40 pour cent de
la population. C’est à peu près pareil pour le Haut Rhin.

Paragraphe 2. L’extension du monde ouvrier

Cette extension est progressive, tout au long du XIXème siècle. Elle concerne
surtout le prolétariat de fabrique. Il y a la conséquence du développement industriel
mais aussi celle du développement des transports qui accélère l’urbanisation. En effet
on a remarqué que l’augmentation des ouvriers correspond à l’accroissement de la
population urbaine. On remarque par ailleurs que la catégorie des petits artisans
diminue en pourcentage. Ceci à l’exception de Paris et de Lyon dans les métiers
traditionnels.
49
Plus de femmes vont être employée dans l’industrie ; ainsi en 1838 242 000
femmes travaillent dans l’industrie. Elles représentent 56 pour cent de main d’œuvre
dans l’industrie du coton, 70 pour cent dans l’industrie de la laine et de la soie. En gros
milieu XIXème siècle = le secteur textile est féminin.

Par ailleurs 145 000 enfants travaillent dans l’industrie. Cela représente
94 000 dans le textile, 12 000 dans la métallurgie et 3000 dans les mines de charbon.

Enfin remarquons qu’on fait entrer de plus en plus dans la catégorie des
prolétaires certains employés. Ce sont notamment ceux de commerce, dans les grands
magasins, les employés sans qualification également, ou encore les garçons de bureau.
On assimile donc certaines catégories aux prolétaires. Ceci étant, dès l’origine il y a
toujours eu une différence de mentalité entre ouvriers et employés. C’est ce qu’on a
appelé l’esprit col blanc –les employés se sentent au dessus-.

Il faut ajouter que le sous-prolétariat se développe. Il regroupe les chômeurs


temporaires, les errants de l’industrie, tous les ruraux qui n’ont pas trouvé de travail
en ville… Toutes ces personnes vivent en marge de la société. Elles constituent ce que
l’on appelle les classes dangereuses.

Section 2. L’aggravation de la condition de la classe ouvrière

Les dates à retenir : entamée au début de la Restauration, elle va durer jusqu’à


la fin de la monarchie de juillet, milieu XIXème donc. Ensuite on remarque une relative
stabilisation jusqu’en 1880 environ.

Deuxième point : les sources. Les enquêtes sur la condition ouvrière sont
révélatrices. Beaucoup vont être conduites. Les plus célèbres sont celles du Docteur
Villermé. Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les
manufactures de coton, de laine, et de soie paru en 1840 est à retenir. Ou encore de
Buret De la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France. Ducpetiaux a
écrit De la condition physique et morale des jeunes ouvriers et des moyens de
l’améliorer, 1843. Ces enquêtes sont marquées par un ton très moralisateur. D’autre
part ces enquêtes révèlent à l’opinion publique ce qu’était l’enfer des fabriques.

50
Enfin notons l’évolution de la terminologie. Notons le terme paupérisme, venu
d’Angleterre. En 1823 le mot apparaît en France. On l’associe de suite au mot
industrialisme, apparu au même moment.

Paragraphe 1. Le contrat de travail et le non interventionnisme

Distinguons droit et pratique.

A. Le droit : l’affirmation du principe de la liberté contractuelle

En principe les rapports employeur / employé sont du domaine de la libre


discussion entre les parties. C’est le principe de l’autonomie de la volonté. Ce principe
est rappelé à plusieurs reprises, à l’occasion de conflits. En 1831 notamment. Au
lendemain de l’insurrection des Canuts, ouvriers de la soie, à Lyon. Le ministre de
l’intérieur adresse une circulaire au préfet, où il rappelle que tout accord collectif est
incompatible avec la notion d’un contrat de travail qui ne peut être passé qu’entre
deux individus. Toute convention collective est contraire à la libre concurrence et à la
loi Le Chapelier. Un autre exemple : en 1842, le ministre de l’intérieur écrit au préfet
que « l’autorité ne doit jamais s’immiscer dans les questions de salaire alors même que
les parties intéressées lui demandent d’intervenir. Le taux des salaires exprime
toujours le rapport qui existe entre l’offre et la demande. » Le principe est donc
affirmé.

B. La pratique : l’existence de disparités contractuelles

Au moment de l’embauche ainsi : puisque le contrat de travail est presque


toujours verbal, il implique l’acceptation des conditions du donneur de travail. Ensuite,
après l’embauche, le même contrat implique la soumission au règlement de la fabrique.
Or le règlement est le fait exclusif de l’employeur.

Pour les accidents du travail aussi. Dans ce domaine, on applique que le droit
commun de la responsabilité civile, 1382 et suivants du code civil. Pour être indemnisé
l’ouvrier doit prouver une faute ou une imprudence de l’employeur ou d’un de ses
préposés. C’est sur lui que pèse la charge de la preuve donc.

Paragraphe 2. L’embauche et le livret ouvrier

51
A. L’embauche

La pratique du marchandage existe : c’était défavorable aux ouvriers ; il s’agit


de sous-location de main d’œuvre. Un ensemble de contrats existe. Chaque
intermédiaire prélève une commission pour se rémunérer sur le salaire des ouvriers.
C’était très répandu dans le monde du bâtiment.

Le système des bureaux de placement existe : ces bureaux dépendaient soit


directement des employeurs soit indirectement des services de police. Des droits
étaient prélevés par les placiers, très élevés. Les ouvriers devaient donc payer pour
travailler…

La foire aux hommes existe : cela concerne aussi les ouvriers du bâtiment.
Devant l’hôtel de ville, elle se produit. On la présente comme une forme de marché
aux esclaves de l’antiquité. Ceux qui voulaient travailler se présentaient là, et les
patrons venaient les chercher.

B. Le livret ouvrier

On l’a déjà vu, il met en état de dépendance l’ouvrier vis-à-vis des pouvoirs
publics et vis-à-vis de l’employeur. Jusqu’en 1832, le code pénal sanctionne tout
ouvrier qui voyage sans son livret sous la peine du vagabondage. Deux ordonnances de
police de 1830 et 1834 prévoient que l’ouvrier qui arrive à Paris doit faire viser son
livret dans les 8 jours à la préfecture. Ceci montre bien le contrôle des pouvoirs
publics. Par rapport à la dépendance vis-à-vis des employeurs : elle existe notamment
du fait des pratiques des avances, pratique très courante. Milieu XIXème, les
ouvrières dans le textile gagnent 40 centimes par jour reçoivent des avances qui
peuvent aller à 300 francs. Les ouvriers ne pouvaient du coup pas changer de travail,
la signature du livret étant subordonnée au remboursement de ces sommes
extravagantes. Cette pratique des avances concerne aussi les petits artisans.

Les salariés, ouvriers et petits artisans sont aussi débiteurs vis-à-vis du mont
de Piété. Un chiffre : en 1844 à Paris, sur 1000 déposants on compte 700 ouvriers et
40 employés. On constate aussi que les dépôts et les retraits suivent l’évolution de la
condition ouvrière.

Paragraphe 3. Les conditions de travail

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A. La durée du temps de travail

La journée de travail était longue, mais le rythme du travail était inégal. Force
jours chômés existaient cependant. Dans le travail industriel, la durée du travail va
s’allonger. D’abord en raison de l’éclairage au gaz, qui permet le travail de nuit. Ensuite
du fait de l’utilisation de la machine à vapeur qui devait tourner en continu pour des
raisons de rentabilité.

En 1830-1848, la durée du travail atteint le maximum dans le secteur du


textile. Cette durée va s’étendre aux autres branches de l’industrie. Pour les horaires
il y a des règlements de fabriques, très précis. En cas de non respect on prévoit des
amendes.

Sur la durée, milieu XIXème, 13 heures par jour est considéré comme court. 14
heures normal, et on a une durée courante du travail par jour entre 15 et 17 heures.

B. Les conditions matérielles

Sur ces conditions il y a aggravation du fait de conditions malsaines du travail.


On retrouve les mêmes secteurs, textile par exemple. Souvent les ateliers de tissage
étaient enterrés. Ou encore pour l’impression des tissus on utilisait des produits
chimiques qui polluaient l’air. On pourrait encore citer le secteur du bâtiment. A Paris
c’est là où il y a le nombre record d’accidents du travail. Enfin un 3ème secteur sensible
est à citer : les mines.

Paragraphe 4. Le travail des enfants et la loi du 22 mars 1841

A. La prise en compte de la durée du travail des enfants

Pas de limitation légale pour les adultes. Cependant la loi du 18 novembre 1894
est à citer. Il prévoit que les travaux ordinaires seront interrompus les dimanche et
jours de fête reconnus par la loi. Mais on est sous la restauration. Le texte est motivé
par des considérations religieuses, pas sociales.

Notons cependant que la loi va dépendre des coutumes locales ou alors on se


réfère aux décisions des employeurs. On va cependant se poser la question pour le

53
travail des enfants. Sachant que ce n’est pas quelque chose de nouveau au XIXème.
L’âge n’est pas un problème, des enfants travaillent à partir de 5 ans. Un texte, loi du
3 janvier 1813, est à citer. Il interdit dans les mines le travail au fonds des puits des
enfants de moins de 10 ans.

Toutefois deux facteurs vont intervenir : la détérioration des conditions de


travail des adultes va rejaillir sur celle des enfants. D’autre part, une augmentation
du nombre des enfants ouvriers. Ceci va amener le législateur à réfléchir sur la
question. Sachant que le fait de faire travailler des enfants doit aussi être associé à
la main d’œuvre féminine. Ceci permet de diminuer au maximum le salaire des ouvriers
adultes. On en arrive ainsi à la notion de salaire familial. Une raison financière existe
donc. Des raisons techniques justifient aussi le travail des enfants. Notamment dans
l’industrie tactile.

A partir de 1835, 1840, on va constater un changement d’attitude à l’égard des


enfants. Il ne vient pas de la part des ouvriers toutefois. Ceux-ci ont en effet besoin
des salaires. Ce changement d’attitude vient d’une partie de la bourgeoisie, de
propriétaires d’usines, des manufacturiers. Avec des arguments fondés sur un plan
moral. On va dire qu’il faut assurer aux enfants des moyens d’instruction. Instruction
est ici à comprendre sur le plan religieux. En face, un autre argument : le travail est
présenté comme un instrument de moralisation. Par exemple ceux qui travaillent ne
sont pas dans le vagabondage.

Un constat va motiver le législateur, vers 1837-1840. Il est basé sur les


chiffres des conseils de révision pour l’armée –pour voir qui est apte / pas apte à
faire le service militaire-. Dans les 10 départements les plus manufacturiers, sur
10 000 conscrits on compte 8980 infirmes ou difformes.

B. Le contenu et l’application de la loi du 22 mars 1841

Ce texte a été le fruit de 14 mois de discussion. On considère qu’il s’agit de la


ère
1 grande loi sociale en France. C’est aussi pour cela que l’on considère généralement
que c’est sous la monarchie de juillet qu’apparaît la législation sociale.

Le domaine d’application est toutefois restreint. D’abord par rapport aux


structures. En effet cette loi ne s’applique qu’aux manufactures, aux usines et aux
ateliers à moteur mécanique ou à feu continu, et à toute fabrique qui emploie plus de
20 ouvriers réunis en ateliers. En clair ça s’applique aux grosses structures.
54
D’autre part, l’âge d’admission au travail est de 8 ans. Le débat a tenu entre 8 /
10 ans.

Concernant la durée du travail, de 8 à 12 ans les enfants ne peuvent être


employés plus de 8 heures par jour + un repos. Ensuite, de 12 à 16 ans, les enfants ne
peuvent être employés plus de 12 heures divisées par « des repos ». On interdit aussi
le travail de nuit pour les enfants de moins de 13 ans. Sur l’application de cette loi :
elle va poser des problèmes, car elle crée un décalage entre la journée de travail des
adultes et celle des enfants. Aussi ce texte va-t-il entrainer force fraudes. La loi a
toutefois prévu des inspecteurs pour contrôler l’application du texte. Mais ces
inspecteurs sont des négociants, des manufacturiers. Donc ils ont les mêmes intérêts
que ceux qu’ils contrôlent. Ces inspecteurs se heurtaient aussi à la résistance des
familles des enfants. Aussi la presse dénonce t elle régulièrement des infractions à
cette réglementation. On va mettre en place un projet plus rigoureux mais qui ne sera
pas appliqué à cause de la révolution de 1848.

Ce texte a été critiqué. Du fait du domaine restreint d’application. Mais c’est


aussi un texte qui a mis un terme à la théorie et à la pratique du non interventionnisme
dans les relations de travail. Ce texte a entrainé force commentaires. Sans être
déterminante, cette loi ouvre le temps du libéralisme corrigé par les lois de l’Etat.

Paragraphe 5. Les salaires

Plusieurs sortes de salaires existent. Certains ouvriers, en guise de salaire,


étaient seulement logés et nourris par l’employeur. Ceci était pratiqué notamment
dans les papeteries. Aussi dans le textile. Ensuite, les ouvriers pouvaient être payés
soit à la tâche, voire à l’heure, ou encore à la journée. Certains ouvriers vont même
être payés mensuellement. Ceci ne concernait que certains ouvriers spécialisés.

Distinguons salaire nominal et réel. En ce qui concerne les salaires nominaux, de


la Restauration jusqu’à 1850 ils sont assez stables pour les professions anciennes,
tells que le bâtiment ou l’habillement. En revanche la tendance est à la baisse dans les
domaines en voie de mécanisation, dans les domaines où on voit apparaître une
certaine concentration industrielle. Par exemple dans la métallurgie, dans le textile.
Ainsi en 1840, le salaire journalier d’un homme est de 2 francs, 1 franc pour la femme,
O,75 pour l’enfant de 13 à 16 ans, 0,45 de 8 à 12 ans. La règle est la suivante : un
homme gagne 2 fois plus qu’une femme et la femme 2 fois plus qu’un enfant…

55
Vers 1840, les ouvriers spécialisés par exemple dans l’imprimerie sur étoffe
gagnent au maximum 4 à 5 francs par jour. Même chose dans certains domaines telle
que la bijouterie, imprimerie, boulangerie. On a aussi constaté que les ouvriers
spécialisés travaillent dans des petites entreprises gagnent parfois 2 fois plus. En
1844 le salaire moyen des ouvriers homme / femme est de 2 francs dans les mines.

Pour le salaire réel : on assiste à une baisse du salaire réel. Elle s’explique en
raison de l’augmentation du coût de la vie. A ce moment là on remarque que le prix des
objets manufacturés est en baisse. En revanche, les loyers et les produits
alimentaires augmentent. Dans une famille d’ouvriers industriels, les dépenses
alimentaires représentent 80 pour cent du budget. La condition ouvrière se définit
surtout par le budget.

Paragraphe 6. Le logement ouvrier

Ceci est un facteur d’aggravation de la condition ouvrière. Dans les villes


manufacturières, les quartiers ouvriers sont des taudis insalubres. Et ils sont chers.
Ainsi, vers 1840, une cave se loue entre 2 et 3 francs par semaine. Soit 12 francs par
mois… Dans certains cas exceptionnels, des employeurs faisaient construire des
logements pour leurs ouvriers. Ceci s’inscrit dans ce que l’on appelle la philanthropie
patronale. Avantage : les loyers étaient beaucoup plus sains pour les ouvriers. Défaut :
la dépendance des ouvriers vis-à-vis de l’employeur était renforcée.

Une autre caractéristique du logement ouvrier : souvent ils sont éloignés du lieu
de travail. Ceci car plus les logements sont loin des villes plus ils sont chers.

Paragraphe 7. La misère physiologique et la misère morale des ouvriers

Cette misère physiologique était importante pendant la monarchie de juillet. A


Lille, dans les quartiers riches, 21 pour cent des enfants meurent avant 5 ans. Dans
les quartiers pauvres 1 enfant sur 2 meurt avant l’âge de 5 ans. Cette différence va
aussi jouer en cas d’épidémies.

Pour la misère morale : d’une façon assez générale elle est liée à l’illettrisme.
Mais d’autres aspects, notamment pour les femmes. Ainsi de la prostitution.
« Mélange de désespoir et fatalisme » chez les ouvriers selon le mot de Villermé.

56
Certains ouvriers peuvent cependant échapper à la misère. Certains étaient
instruits, savaient lire et écrire. Certains pouvaient avoir une vie décente. Voire un
peu de loisir. Ces ouvriers à la vie décente restent cependant des exceptions, au point
qu’on les qualifie de marginaux du monde ouvrier. Ce seront les 1ers militants pour
l’amélioration de la condition ouvrière.

Section 3. La formation d’une conscience de classe et la naissance d’un


mouvement ouvrier

Paragraphe 1. La formation d’une conscience de classe

Cette formation d’une conscience de classe est nécessairement décalée par


rapport à l’existence même d’une classe ouvrière. Elle est aussi nécessairement
progressive. Cette formation s’est heurtée à certains obstacles.

A. Les obstacles à la formation d’une conscience de classe

Un obstacle interne : les ouvriers étaient majoritairement illettrés. Ceci parce


qu’ils avaient commencé à travailleur très jeune. Ils n’ont donc bénéficié d’aucun
enseignement. Certains manufacturiers ont eu ce souci de l’enseignement toutefois
pour leurs ouvriers enfants. Cela rentre dans le cadre de ce que l’on nomme la
philanthropie patronale. Certains employeurs ont ainsi fait construire des écoles.
Toutefois ceci a été sans résultat, les ouvriers étant trop fatigués pour y travailler
après le travail ouvrier.

Plusieurs obstacles externes : ils résultent de l’encadrement légal du monde du


travail. On peut rappeler l’état de subordination et de dépendance des ouvriers vis-à-
vis de leurs employeurs. Cf. Livret ouvrier par exemple. Ou encore le code pénal qui
exigeait une autorisation pour tout groupement de plus de 20 personnes. Notons la loi
du 10 avril 1834, qui applique les dispositions du code pénal aux associations et
groupes de moins de 20 personnes.

B. La disparition des obstacles à la formation d’une conscience de classe

Cette disparition est progressive. Elle résulte de plusieurs facteurs :

57
-Ainsi du nombre croissant des ouvriers, qui leur donne un sentiment de puissance.

-Le déclin de l’artisanat renforce l’homogénéité de la classe ouvrière. Mêmes lieux de


travail, mêmes horaires, mêmes règlements de travail, mêmes concentrations… D’où un
sentiment d’appartenance à une même catégorie sociale. On voit d’ailleurs apparaître
certains mots relevant d’un lexique ouvrier. Ainsi « le bagne » au lieu de « l’usine »…

-La qualification professionnelle va de plus en plus disparaître, en raison du


machinisme. Les différents métiers perdent de leurs spécificités. La division du
travail s’accroit, s’intensifie. Ceci veut dire que l’ouvrier n’exécute plus qu’une seule
tâche. En même temps, sur le plan psychologique, l’ouvrier devient de plus en plus
étranger / indifférent à l’objet final du processus de production.

-Le développement de la taille des usines, qui modifie les rapports ayant existé entre
patrons et ouvriers. Ceci va bouleverser les relations du travail. Le monde ouvrier va
de plus en plus se refermer sur lui-même. De toute façon, il n’y a pas de possibilité
d’ascension sociale, cf. misère morale.

Avec ces éléments, on va peu à peu voir apparaître la volonté de lutter pour
améliorer la condition ouvrière. Ceci va contribuer à la naissance du mouvement
ouvrier.

Paragraphe 2. La naissance du mouvement ouvrier

Le mouvement de naissance nait surtout dans le compagnonnage mais aussi dans


différentes formes de lutte ouvrière, dont la principale est la grève, qui parfois
dégénère en émeute. Le monde ouvrier va finalement aspirer à une certaine unité.

A. Le compagnonnage

On se place ici vers 1815, début de la Restauration. Le compagnonnage


progresse. C’est le seul type de groupement qui a survécu à la révolution. On peut dire
que s’il n’est pas illicite, il est très étroitement surveillé. Rappelons les dispositions du
code pénal sur la liberté de réunion notamment. Sur ces caractéristiques, le
compagnonnage demeure lié au métier, métier dans le sens de groupement façon
corporation. C’est un mouvement très peu présent dans les nouvelles activités
industrielles. Ainsi du textile. En revanche le compagnonnage est très présent dans
les professions anciennes. Exemple : dans le bâtiment. C’est toujours la même
organisation, de départ, avec des rites, une hiérarchie très présente… Il y a
également de fortes rivalités entre les sociétés de compagnonnage.
58
On va vouloir réformer le compagnonnage ; les mutualistes ou dissidents du
compagnonnage en sont la cause, ils veulent réformer. Ainsi entre 1823 et 1863 on
compte environ une dizaine de révoltes d’aspirants au sein du compagnonnage. Le but
de ces réformateurs est de faire sortir le compagnonnage d’un cadre étroit, celui du
métier. Ceci sera toutefois un échec. Le compagnonnage va s’avérer très rigide,
incapable de se réformer. Finalement l’institution va devenir anachronique au milieu du
XIXème, fin de la monarchie de juillet.

B. Les différentes formes de lutte ouvrière

Ce sont là des formes de lutte ancienne qui restent en place. Ainsi de :

-La damnation ; mise en interdit d’un patron, d’une usine, d’une ville… Plus aucun
ouvrier ne va travailler dans telle usine / ville, frappée de damnation. Exemple 1824
Bordeaux : la ville est mise / en interdit / en état de damnation par les ouvriers
boulangers. Ceci car ils protestaient contre l’ouverture d’un bureau municipal de
placement. On nommera cela le boycott plus tard. Ceci pourra aussi fonctionner dans
un autre sens : un ouvrier peut être mis en état de damnation par les autres, les
ouvriers vont l’empêcher de travailler. Ainsi en 1836, un ouvrier de papeterie avait
accepté de travailler sur de nouvelles machines.

-Le luddisme ; il s’agit là de la destruction des machines. C’est là une forme


spontanée, motivée par la peur et par la colère contre la machine. Ces actes sont bien
plus nombreux en période de crise économique et politique. Ainsi on en a eu chez des
ouvriers imprimeurs, juillet août 1830. Exemple par rapport à la machine : ouvriers
coupeurs de poil à lapin détruisent des machines en provenance d’Angleterre.

-La lutte des ouvriers français contre les ouvriers étrangers3 ; ceci est là aussi
bien plus important en période de crise économique et politique. Notons que souvent
ces luttes opposaient les français aux allemands. Par exemple en juin 1819 à Marseille
ce sont les ouvriers tailleurs, français, qui manifestent pour faire interdire le travail
aux allemands.

C. La grève

3
L’étranger est alors celui qui vient d’une autre province, pas seulement d’un autre pays. Aussi les
luttes peuvent elles opposer des provinces. Par exemple les ouvriers de Grenoble sont souvent en
opposition avec les savoyards.
59
On parlait alors de coalition plutôt que de grève. C’est la forme de lutte
typiquement ouvrière. Interdite, délit de coalition, et très utilisée. On constate des
vagues de grève, qui coïncident avec les périodes de crise économique, parfois
politique, c’est plus rare, et en général concernent toutes les professions. Ainsi en
1817 on a une 1ère vague, une deuxième entre 1825 et 1830, une troisième entre 1830
et 1834.

Cette dernière vague de grève a surtout pour motif des raisons politiques.
1830, on l’a évoqué, cela correspond aux trois glorieuses 27 28 29 juillet 1830 on
passe de la Restauration à la monarchie de juillet. A l’ouverture de la session
parlementaire, le roi adresse un discours aux chambres, il donne son programme en
fait, sur la politique qu’il envisage. Ce discours est dit discours du trône. Ensuite, les
chambres font connaître au roi leurs opinions sur ce programme en adressant aussi un
discours au roi dit discours de l’adresse.

En 1830, la chambre des députés vote une réponse au discours de Charles X


dans laquelle elle affirme que le concours entre le roi et la chambre n’existent plus.
Ceci est resté comme « l’adresse des 221 ». Charles X va riposter à ce vote en
prenant 4 ordonnances le 26 juillet :

-La 1ère supprime la liberté de la presse –on rétablit l’autorisation préalable pour la
publication de journaux-

-La 2ème dissout la chambre qui vient d’être élue.

-La 3ème modifie le régime électoral. On exclut la patente du champ de calcul


électoral, en clair on ne prend plus au compte cet impôt ce qui permet d’exclure en
partie la bourgeoisie de la vie politique. Ceci permet aussi de restreindre le pays légal
à la seule aristocratie foncière, assez favorable à Charles X.

-La 4ème prévoit de nouvelles élections pour septembre.

C’est donc là un coup de force de Charles X. Cela va entrainer l’insurrection des


3 glorieuses, 27 au 29 juillet 1830. C’est là une émeute parisienne qui compte environ
50 000 hommes et qui a pris la ville. Force ouvriers s’y trouvent. 1000 morts environ.

Dans cette 3ème vague de coalition, 1830-1834, toutes les professions sont
concernées. D’ailleurs dans un procès qui a lieu à Lyon en 1833 contre des ouvriers
cordonniers le ministère public parle d’une fièvre des coalitions. D’autre part juillet

60
1830 marque une rupture dans le déroulement des grèves, dans le motif des grèves.
D’abord avant 1830 les coalitions étaient plutôt défensives. Autrement dit pour se
défendre, par exemple d’une baisse du salaire. On voit aussi que les grèves ont
souvent un caractère local et sont limitées à une entreprise ou à une ville. Après 1830
les grèves sont bien plus offensives, les ouvriers vont aller réclamer par conséquent.
Les grèves sont mieux organisées également. Par exemple dans certaines grèves on
voit se mettre en place des commissions exécutives, par exemple chez les imprimeurs.
Enfin, les grèves sont beaucoup plus générales c'est-à-dire que dans certains
mouvements on voit des ébauches de solidarité nationale.

D. Les émeutes ouvrières

A Houlme se déroulent les 1ères dans le domaine du textile. La réduction du


temps d’une demi-heure pour le repas ne passe pas. Il y a eu combat avec les troupes
royales et la gendarmerie. En novembre 1831 l’insurrection des canuts lyonnais est à
citer. Cette insurrection est de type ancien. Elle est en effet très liée à la structure
traditionnelle du métier. Le métier étant en l’occurrence l’industrie de la soie. Une
organisation mutualiste va être créée, la société de devoir mutuel. Elle pose le
problème de l’augmentation des prix de façon. Le prix de façon étant le salaire ; on
disait aussi le tarif. Souvent le « tarif » renvoie au salaire minimum. Le salaire est
négocié par l’entremise du préfet. Mais ce tarif est déclaré illégal à Paris, sous la
pression des négociants. Ils menacent ainsi de fermer leurs activités. Ils invoquent le
principe de la liberté du commerce et de l’industrie.

21, 22 et 23 novembre 1831 : insurrection, et ils se rendent maîtres de la ville.


Notons toutefois l’opposition entre les ouvriers et les chefs d’ateliers. L’armée
intervient, et le 3 décembre l’ordre est rétabli, sous le commandement du maréchal
Soult. On va proclamer le tarif contraire à l’augmentation. Notons enfin qu’un
phénomène de peur va se développer vis-à-vis du monde urbain du travail. Dans
certaines émeutes, les ouvriers sont mélangés à d’autres catégories de population par
exemple ouvriers + contribuables. En 1830 par exemple il y a eu des révoltes contre
les contributions indirectes. Ou bien encore ouvriers + consommateurs. Là on est dans
le cadre de crises de subsistance urbaine, dans la famine en clair. Par exemple en
1837, en 1853-1856 ou encore 1860-1861.

Dans toutes ces émeutes il y a des meneurs. Parmi eux on voit apparaître ceux
qu’on appellerait aujourd’hui des militants. En général, sur le plan politique, ils sont
favorables à la République. Ils appartiennent au milieu des métiers traditionnels. Là
aussi c’est une nouveauté : les militants vont ajouter aux revendications

61
professionnelles des revendications politiques. Par exemple ils vont demander un
élargissement du droit de suffrage, visant un caractère plus démocratique au régime.

E. L’aspiration du monde ouvrier à l’unité

On commence à la ressentir assez nettement à partir de 1835. Là aussi


plusieurs facteurs se conjuguent :

-La presse ouvrière se développe, on voit apparaître des journaux ouvriers. Ces
journaux entendent s’exprimer au nom des prolétaires. Exemples : L’Atelier,
L’Egalitaire, La Fraternité, L’Humanitaire, L’Intelligence… On trouve ces journaux
surtout à Paris et à Lyon. Il est délicat de qualifier ces journaux : s’agit-il de presse
populaire, de presse ouvrière, de presse socialiste ou de presse communiste ? En tout
cas ce qui est important c’est le phénomène.

-L’influence des idées socialistes ou sociales. D’une façon générale, les idées
socialistes restent éloignées du monde ouvrier. Citons en ce sens Saint-Simon, Louis
Blanc, ou encore Proudhon. On les nomme les communistes des années 1840.

-Les grèves. De nouvelles vagues, par exemple 1835-1840, période d’augmentation du


coût de la vie et de baisse du salaire réel. Tous les corps de métiers veulent alors se
mettre en grève. Pendant l’automne 1840 relevons un mouvement de grève très
important. Les revendications sont traditionnelles mais on assiste à des innovations
dans les formes d’action. Il s’agit surtout de gestes de solidarité ou de
rassemblement qui accompagnent les grèves. Ainsi des tailleurs parisiens, soutenus
par les tailleurs de villes de province. Des cortèges se forment pour intimider les
patrons. Pour intimider aussi les jaunes, ouvriers non grévistes. En 1840, parmi les
meneurs, on retrouve les militants de la période 1831-1834. Notons que l’agitation
reprend vers 1835 avec la coalition des charpentiers. En 1844-1846 on a aussi des
grèves très dures chez les mineurs dans le bassin de la Loire. Tous ces mouvements
ont été très sévèrement réprimés.

-Enfin notons que le monde du travail urbain va commencer à attirer les écrivains.
Toujours avec cette mauvaise image d’une classe dangereuse. Toutefois les romans
sociaux vont apparaître, avec il est vrai beaucoup de misérabilisme –c'est-à-dire en
exagérant-. Par exemple Georges Sand. Le monde ouvrier entre dans la littérature, et
cela va lui donner une certaine fierté. Cette fierté est une des composantes de la
conscience de classe qui se développera par la suite.

Chapitre 2. L’émergence de la nouvelle société rurale


62
Quand on parle de la nouvelle société rurale, cela concerne la majorité de la
population. Fin XIXème 2 personnes sur 3 vivent de la terre, soulignons le. Pendant la
Restauration, la monarchie de juillet et la seconde République, les mouvements
paysans se poursuivent. Cela pour donner naissance à compter du second empire à une
nouvelle société rurale. Vers 1880 elle va tomber dans une très importante
dépression. On va la nommer la crise agricole. Ceci va durer jusqu’à la fin du XXème
siècle.

Section 1. Les mouvements paysans

Ces mouvements ont toujours existé. Pour le XIXème, on reste dans la tradition
des jacqueries. Ces jacqueries font référence au mouvement paysan. Elles sont
engendrées par la condition de vie difficile des plus pauvres. C’est donc là un courant
classique des mouvements paysans. Sur ce courant classique vont venir se greffer des
troubles d’une origine plus récente. Ces troubles ont pour cause le développement de
la nouvelle agriculture, et aussi l’introduction du capitalisme dans l’agriculture. Ces
mouvements sont toujours différents par leurs formes, leurs intensités, et ces
mouvements sont en principe régionaux mais peuvent parfois acquérir une dimension
nationale.

Par parenthèse citons un ouvrage d’Yves Delbrel publié en 2006 sur l’histoire
sociale, très succinct toutefois.

Paragraphe 1. Les différents troubles

4 catégories de troubles.

A. Les troubles de subsistance

Ce sont là les famines, les disettes, qui ont toujours existé dans le monde
paysan. Ces famines entrainent des réactions chez les paysans. Par exemple une
entrave à la libre circulation du grain. Ou éventuellement des pillages. En cas de
pillage il faut envoyer l’armée. Multiplication des errants, accroissement de la
délinquance notamment des vols, multiplication des incendies. Ces réactions sont
entrainées par les famines et ont pour cause souvent les mauvaises récoltes. Souvent
c’est par rapport au grain. Du fait d’inondations, de sécheresse, d’incendies… Très peu
de grain = très cher. Longtemps l’unique souci de la population a consisté à se nourrir.

63
Dans ces troubles de la faim on peut remarquer que les femmes ont pris une part
particulièrement active. On a aussi remarqué que la chronologie des ces troubles suit
la courbe du prix des céréales.

Quelques dates : 1816,1817, 1828, 1829, 1839-1840, 1846-1847. Dans cette


dernière période la crise alimentaire est générale. Particulièrement grave dans l’ouest
de la France. Dans l’ouest le prix du blé à augmenté de 50 pour cent. Le gouvernement
doit prendre des mesures contre les bandes de mendiants. 15 pour cent
d’augmentation dans le monde méditerranéen à la différence.

Ces troubles résultent du jeu des facteurs économiques. On est dans le cadre
d’une économie de subsistance. Par conséquent ces troubles vont avoir un caractère
inéluctable aux yeux des paysans.

B. Les troubles antifiscaux

L’hostilité de la population à l’égard des impôts joue ; c’est là une tradition


héritée de l’Ancien Régime. Ce qui va mécontenter la population : le rétablissement
des droits sur les boissons. Mécontentement des vignerons, de la communauté
rurale dans son ensemble… Dans les campagnes les notables ont aussi été solidaires de
ce mouvement. L’agitation a lieu dans les villages. En réalité elle est plus le fait des
artisans que des paysans. Ces troubles sont soutenus par l’opinion publique. Même la
garde nationale reste passive devant ces troubles. La garde nationale étant une milice
bourgeoise.

Parfois cette agitation dégénère en émeutes. Chaque fois que la crise


économique devient plus importante, ou alors à chaque fois que l’autorité du
gouvernement s’affaiblit. Quand cela dégénère en émeutes, la population poursuit –
physiquement…- les agents de l’administration fiscale, « les rats » selon le surnom. Les
bureaux de l’administration fiscale sont ravagés. Là la troupe intervient pour rétablir
l’ordre. En 1813-1814, 1832-1833, 1848-1849.

C. Les troubles forestiers

Ces troubles sont le fait des paysans pauvres vivant les régions montagneuses.
Dans ces régions, l’agriculture demeure traditionnelle et les droits d’usage sont très
importants dans les forêts. Exemple type du droit d’affouage.

64
L’Etat veut mettre en application un code forestier en 1827. Ceci va entrainer
une crise majeure dans les Pyrénées. Là encore les paysans pourchasseront, cette fois
ci les gardes forestiers. De 1827 à 1830 cela va durer. En 1830 la révolution, les 3
glorieuses, va étendre ces troubles au Jura et aux Alpes. Pendant la monarchie de
juillet il y a une augmentation constante des condamnations pour tout délit forestier.

Crise à nouveau après 1848. On retrouve les mêmes montagnes, Pyrénées Jura
Alpes, mais il faut cette fois y ajouter les Vosges et l’Alsace notamment.

D. La contestation de la nouvelle agriculture

Ceci fait référence à l’introduction du capitalisme dans l’agriculture. Ceci va


avoir plusieurs conséquences.

Ainsi la communauté paysanne se sent chaque jour de plus en plus menacée.


Menace pour des raisons d’ordre technique puisque l’extension des nouvelles méthodes
de culture réduit la pratique des anciens usages. Il s’agit aussi des droits collectifs.
Ces anciens usages sont aussi condamnés par les notables, sous le nom de routines.

Deuxième conséquence : une différenciation des conditions paysannes. La


cohésion va être brisée, dans la société rurale traditionnelle. Pourquoi ? Parce que le
capital prend une place de plus en plus importante dans la nouvelle agriculture.

Troisième conséquence : le monde paysan est très inquiet en raison de


l’apparition de nouvelles techniques. La faux, le sécateur, la machine à battre… C’est la
même réaction que pour les ouvriers dans le monde urbain, on croit que la machine va
voler les emplois. Aussi va-t-on avoir une rupture de l’équilibre traditionnel du travail.
On va assister à des actes de destruction des machines.

Sur la période, ces troubles sont surtout présents pendant la monarchie de


juillet.

Paragraphe 2. La généralisation des troubles et la crise de la société rurale

65
Les désordres dans les campagnes attendent leur paroxysme entre 1846 et
1851. Ceci s’explique par la conjoncture nationale. Les troubles localisés vont prendre
un caractère national. Ce sont surtout les plus défavorisés qui vont être concernés.
Notons aussi la pression démographique, de plus en plus forte. Cela entraine une lutte
plus dure encore pour l’emploi. Notons aussi qu’à partir du XIXème siècle il y a un
déclin des industries rurales.

Conséquence de cette aggravation : les droits collectifs sont de plus en plus


précieux pour la population. Le principal critère de cette crise est celui de
l’endettement. Ce critère sera d’ailleurs récurrent. Tous les villages sont touchés par
l’endettement, coutumier dans les campagnes. Par exemple de 1820 à 1824 le volume
de la dette hypothécaire aurait augmenté de 50 pour cent. En même temps que cette
augmente, le prix de la terre diminue. Les paysans sont obligés d’emprunter, c’est un
endettement de subsistance, pour survivre. Les taux d’intérêt peuvent être de l’ordre
de 15 ou 20 pour cent. Aussi cette charge anéantit elle les revenus des exploitations.
On assiste à une multiplication des expropriations, évictions des propriétaires…

Ce phénomène de l’endettement va devenir la 1ère préoccupation dans la société


rurale en crise. Il est porteur de plusieurs conséquences :

-La société rurale est figée dans une situation de crise, c'est-à-dire qu’il n’y a plus
de possibilité d’ascension sociale. La plupart des petits propriétaires sont ruinés. Un
ouvrier agricole n’a plus aucun espoir de devenir propriétaire d’exploitation un jour.

-Il y a une animosité générale du monde rural contre celui de la ville. On voit aussi se
multiplier les violences contre les usuriers –individus prêtant avec intérêt mais sans
alignement sur le taux légal-.

-Les ouvriers agricoles vont être réceptifs aux thèses de la propagande du socialisme
agraire. Il mobilise les plus pauvres. C’est l’éternel problème agraire de la répartition
plus juste des terres au fond. Une redistribution de la propriété est demandée. Ces
thèses vont inquiéter les possédants, les notables des campagnes. Ceci va entrainer
une opposition entre grands et petits propriétaires et d’autre part les partageux,
ceux qui veulent partager les terres.

Paragraphe 3. L’expression politique du mécontentement paysan

Ceci correspond à la seconde république. On va pouvoir interpréter le


mécontentement car sous la seconde république on met en place le suffrage universel.
Les paysans vont ainsi exprimer leur opinion par un vote, et le mécontentement va se
66
traduire par un vote républicain. Ce vote s’explique aussi par le souvenir de la
Révolution toutefois. L’abolition des droits féodaux a beaucoup marqué la mémoire des
masses paysannes. En 1849 ont lieu des élections, et pendant leur déroulement le
débat va porter sur la question agraire. D’un côté il y a le parti de l’ordre, les
conservateurs, largement majoritaires, en conflit avec les plus misérables et ceux ci
voudraient que la république prenne plus en compte leurs propres intérêts.

En 1851, fin de la seconde république, on peut dire que la société rurale est
consolidée dans ses bases. La phase de contestation qui avait commencé en 1815 est
terminée. Et la société rurale s’affirme vraiment comme une société de paysans
propriétaires. Dans cette société, l’écart s’est creusé avec les paysans sans terre.
Cette différenciation de conditions s’inscrit dans l’esprit de 1789.

Section 2. La nouvelle société rurale

Chronologiquement on est dans la période du second empire, la nouvelle société


rurale y apparaît en raison de l’économie en plein essor. D’un point de vue général mais
rural aussi. Les revenus augmentent. Y compris les plus pauvres bénéficient de
l’enrichissement. On constate une augmentation de la production par travailleur
agricole, on constate un désendettement global, et une augmentation importante des
dépôts en caisse d’épargne. Un contexte favorable donc.

Paragraphe 1. L’amélioration du niveau de vie

Les conditions d’existence des paysans vont s’améliorer, indéniablement. Ceci


signifie que l’on passe d’une détresse du monde paysan à une certaine aisance, qui
reste relative toutefois. Ceci apparaît plus dans l’alimentation et dans l’habillement
que dans l’habitation et le mobilier. Par exemple on a constaté que la consommation de
viande et de vin augmentaient. C’est à cette période que les vitres apparaissent, ainsi
que les matelas, dans les résidences des paysans. La malnutrition demeure importante
toutefois. L’hygiène est insuffisante également. Finalement, pour la majorité des
paysans de campagne la vie reste dure et inconfortable. Notons aussi plus du fait de
l’habitude que du manque de moyens, en clair ils sont un peu radins…

Paragraphe 2. La libération des paysans

Cette libération se manifeste économiquement d’abord. Par le désendettement


des métayers et des fermiers. Ceci diminue la subordination vis-à-vis des

67
propriétaires des terres. Concernant l’endettement on assiste à la substitution d’un
endettement de subsistance à un endettement d’investissement.

Il y a un manque de main d’œuvre d’autre part, dans les campagnes, qui va placer
les ouvriers agricoles dans une situation de force par rapport à l’employeur, à l’inverse
de la situation précédente.

Cette libération est intellectuelle ensuite. Un esprit d’indépendance se


développe. Cela se traduit par les plaintes des notables, qui vont se plaindre du
comportement des paysans. « Insolence des travailleurs » par exemple.

Enfin cette libération est spirituelle : on assiste à un certain détachement


religieux dans les campagnes, notamment vis-à-vis de l’autorité des prêtres. Ceci
s’explique notamment parce qu’aux yeux de la population les prêtres apparaissent
comme les représentants des notables.

Paragraphe 3. « Le grand calme dans les campagnes »

Cette situation s’explique par le contexte économique ; le monde paysan est


très calme, ceci malgré le désir général d’émancipation. A partir de 1850-1860, peu à
peu on voit disparaître les troubles de subsistance. Quelques plaintes à l’occasion de
crises de surproduction, c’est tout. Paysans et notables se plaignent de la politique
économique du gouvernement. Ces plaintes concernent le capitalisme en montée, et
surtout le monde paysan déprécie les faveurs accordées à l’industrie. Mais ces
plaintes demeurent portion congrue.

A la fin du second empire, la société rurale s’affirme comme une société de


paysans propriétaires conservateurs. Il n’y a pas non plus d’unité dans cette classe.
Cette unité n’est pas permise en raison de la réalité économique, qui est le capitalisme.
D’un côté il y a des petits producteurs, dits les « sans-culottes ». En face il y a les
« entrepreneurs de cultures ». Cette rupture va être une des causes de ce que l’on a
appelé la « crise agricole ».

Section 3. La « crise agricole »

On est ici vers 1880. C’est le début de la IIIème République. Le point le plus
visible c’est la chute des prix de vente pour les produits agricoles. Cela concerne
68
l’exploitation. On prend souvent l’exemple du grain. Par exemple en 1896 et 1900 le
prix du blé baisse de 34 pour cent. Cette baisse est très préjudiciable au producteur.
La raison la plus vraisemblable parmi les explications doctrinales expliquant cette
baisse serait l’accroissement de l’offre. Ceci s’explique par les progrès de la technique
d’ailleurs.

Outre cette baisse des prix, on constate des effets plus graves en ce qui
concerne la propriété agricole. Ceci avec une forte diminution de la rente foncière.
Notamment pour le fermage et le métayage. On va retrouver un critère déjà évoqué à
savoir que le montant de la dette hypothécaire est très élevé. Les paysans sont très
endettés. Le poids des intérêts est très lourd. Ceci d’autant du fait de la dépréciation
des prix de vente. A nouveau, dans ce contexte de crise, on va avoir une influence des
thèses socialistes.

Enfin, troisième point, la crise concerne aussi les industries rurales qui sont
encore très importantes au XIXème siècle. Notons ainsi le travail de la laine, celui du
textile, celui du bois…

Dernier point, la politique agricole, en réponse à la crise, va d’abord donner dans


le protectionnisme. Sur l’efficacité, on pense que cela a permis d’atténuer la chute
des prix. Ceci n’a pas été suffisant. Le gouvernement a ainsi pris des mesures
d’encouragement à l’agriculture, mesures financières par exemple on va accorder des
crédits pour l’amélioration de l’irrigation.

Les effets de la crise vont s’atténuer au début du XXème siècle. Exemple de


cette extinction : le secteur de la viticulture. Début XXème on retrouve les chiffres
des bonnes années du XIXème.

Chapitre 3. La mise en place d’un mouvement ouvrier moderne

Le mouvement va se mettre en place d’abord avec l’influence des idées


socialistes. Chronologiquement c’est surtout sous le second empire, et dans le monde
urbain.

Section 1. La diffusion des idées socialistes ou sociales

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La terminologie n’est pas encore fixée. Les premières idées socialistes sont
diffusées pendant la monarchie de juillet. Le terme « socialiste » apparaît entre 1830
et 1840, à peu près en même temps en France et en Angleterre. Avec un sens alors
indéfini. On trouve ainsi en France le mot sous la plume de Leroux en France. On
définit surtout le socialisme par contraste avec l’individualisme. 1833 en France.

Ces doctrines vont apparaître dans les pays les plus industrialisés en Europe.
Elles sont la conséquence sur le plan social de la révolution industrielle. On sait qu’elle
a commencé bien plus tôt en Angleterre qu’en France. Ceci a une incidence sur la
doctrine à savoir que quand les théoriciens français écrivent il y a décalage car la
France n’a pas encore connu la Révolution industrielle, à la différence de l’Angleterre.
On y trouve les 1ères dénonciations du machinisme vers 1820 –en Angleterre-.

Paragraphe 1. Les idées sociales en Angleterre

A. Robert Owen

1771-1858. Autodidacte. A 19 ans, il dirige une usine. On le caractérise souvent


comme patron philanthrope. En fait c’est ce qui caractérise sa 1ère solution pour
réformer la société, la philanthropie patronale. Au début de sa carrière. Amélioration
de l’hygiène par exemple. Il a aussi été partisan pour ses ouvriers de la diminution du
temps de travail et d’augmentations du salaire. Notons aussi des méthodes un peu
étranges : ainsi il a mis un indicateur de couleur auprès de chaque ouvrier, pour voir si
l’ouvrier est bon, très bon, mauvais… Cette méthode a entrainé des résultats
spectaculaires. Toutefois sur les méthodes utilisées on a souvent dit qu’il fallait
parler de « patrons éclairés » plus que de socialisme.

L’autre solution qu’il propose : le recours à l’Etat. Notamment pour qu’il y ait des
lois de nature à encadre le monde du travail, en particulier une loi sur le travail des
enfants. Cette loi interviendra en 1819, même si très loin de ce qu’aurait voulu Owen.
En France 1841 rappelons le .

Enfin le communisme agraire est prôné : il voudrait dissoudre l’industrie dans


l’agriculture. Ceci en créant des communautés où la propriété privée n’existerait pas.
Il y a eu des tentatives qui ont été des échecs.

70
Quatrième solution d’Owen : le socialisme mutualiste et coopératif. Pour Owen,
c’est le travail qui est la mesure de la valeur. Il veut donc fonder une banque où on
échangerait des bons de travail. Ceci sera fait en 1832, on va créer « l’équitable
banque d’échange ». Ceci va marcher pendant deux ans, en 1834 elle disparaît. Cette
idée sera reprise plus tard, vers 1848, par Proudhon en France. Il a fondé sur le même
principe la « banque du peuple ».

Cinquième solution : le messianisme social. Il annonce le règne de Dieu sur terre


et l’avènement d’une ère de vertu et de bonheur. Ceci est vague, autant que l’est sans
doute sa définition du socialisme, « système rationnel de société fondé sur la
nature ».

Notons qu’Owen a été très célèbre à l’époque, grand nom du social.

B. Le chartisme

Le mouvement chartiste débute en 1836 en Angleterre. C’est un mouvement


populaire qui ne comprend que des ouvriers. Parmi les chefs de ce mouvement
retenons Lovett et Benbow. Ils pensent que la reconquête politique est le seul moyen
d’une nouvelle répartition des richesses. L’élément déterminant est donc l’action
politique pour eux. Par exemple le suffrage universel.

Le chartisme va se transformer en mouvement révolutionnaire quand il va


toucher le nord de la Grande-Bretagne. Vers 1843 il va décliner et prendre fin en
1848. C’est le seul mouvement ouvrier animé d’une idéologie de classe. Là aussi,
idéologie de classe = idéologie ouvrière. On ne peut dire que c’est une idéologie
socialiste, en ce sens que le chartisme est simplement un mouvement de révolte
contre la misère et le machinisme.

Paragraphe 2. Les socialismes en France

Deux groupes de doctrines sont à distinguer. Ceux donnant prépondérante la


réforme de l’économie et du social d’une part, ce qui exclut donc l’aspect politique
d’une part. D’autre part ceux qui ne font pas de distinction entre réforme économique,
sociale, démocratie politique et révolution de 1789.

71
A. La réforme de la société

a. Le saint simonisme -1770-1825-

Son nom, Claude Henri de Rouvroy comte de Saint Simon, aristocrate éclairé ;
sa doctrine est avant tout de production. Pour désigner les producteurs il parle des
industriels. Pour lui la classe industrielle est la « classe fondamentale, la classe
nourricière de la société ». Sous l’expression est large car sont compris les
propriétaires terriens, les industriels… Le plus important est de réorganiser
l’économie. Cette réorganisation est bien plus importante que l’aspect politique, que
les institutions politiques. Le but de Saint Simon, c’est la réforme sociale. Il y a une
critique de l’économie libérale qui vise à améliorer la condition ouvrière. Saint Simon
fonde le travail sur la distinction des classes. « Il n’y a point de changement dans
l’ordre social sans un changement dans la propriété ».

Sur l’application : il y a eu des succès indéniables. Les saint-simoniens ont


activement participé au développement du capitalisme français. Par exemple très
grande influence des saint simoniens sur le développement des chemins de fer en
France. Des saint simoniens ont réalisé le canal de Suez par ailleurs. Ferdinand de
Lesseps, saint simonien en a dirigé la réalisation. De grandes banques ont été créées
par des saint simoniens de la même façon. Ainsi du Crédit Immobilier créé par les
frères Pereire. Il y a aussi des saint simoniens dans les cercles politiques. La 1ère
agence de publicité –pour les journaux alors- a été créée par un saint simonien,
Charles Duveyrier.

b. Charles Fourier -1772-1837-

Moins influent que Saint Simon. Son œuvre est importante car elle renseigne
sur la mentalité de la société. Contrairement à Saint Simon, il est contre l’industrie.
Pour lui les manufactures progressent en raison de l’appauvrissement des ouvriers.

L’homme ne devrait consacrer que le quart de son temps à l’industrie pour


Fourier. Les fabriques doivent être à la campagne pour que le reste du temps les
ouvriers se consacrent à l’agriculture. La base de ces réflexions, c’est que Fourier a
vécu à Lyon et a vu la réalité ouvrière. Sa réforme de la société doit s’appuyer sur les
phalanstères. Ce sont de petites sociétés, plus de 1500 personnes, qui sont closes, et
dont les personnes doivent assurer toutes les fonctions sociales avec une rotation
pour éviter une trop grande spécialisation.

72
Sur les réalisations : on a bien créé des phalanstères, petites sociétés
autonomes, tant en France qu’en Angleterre. Toutefois les tentatives ont été soldées
par des échecs. Les rares fois où cela a fonctionné, les tentatives avaient plutôt la
forme d’associations coopératives.

c. Proudhon -1809-1865-

Il s’est juré de rester fidèle à la classe ouvrière et de travailler sans relâche à


l’amélioration de sa condition. Ses œuvres ont été très influentes. Certaines formules
ont fait scandale, ainsi « la propriété c’est le vol ». « Dieu c’est le mal ».

Il rejoint Saint Simon au sens où le problème pour lui ne peut être résolu par
la voie politique. Il se méfie de la démocratie. Cette méfiance vis-à-vis de l’action
politique en général va marquer la tradition syndicaliste française. Pendant longtemps,
les syndicalistes français ont distingué l’action syndicale de l’action politique. Aussi
pour les syndicalistes français seule l’action syndicale était véritablement
révolutionnaire. L’action politique risque de tomber dans l’opportunisme. Si Proudhon
se méfie de la démocratie, il se méfie encore plus de l’Etat. Il rêve d’une société
anarchique dans laquelle le pouvoir politique laisserait place à de libres ententes entre
travailleurs. Sur ce point il a une doctrine d’égalité, de liberté, et aussi de solidarité.

Pour résoudre le problème social, Proudhon propose un système de l’association


mutualiste. C’est dans cet esprit qu’il a essayé de créer la « banque du peuple ».

B. Socialisme et démocratie

a. Cabet et le communisme utopique -1788-1856-

Cabet était avocat, procureur, député. Il est partisan du suffrage universel et


pour lui l’égalité et la fraternité amènent naturellement à la communauté des biens. Il
avait un journal, « le populaire ». Il n’a pas eu beaucoup d’influence toutefois, sur le
milieu populaire, pas de réalisations. Des échecs donc.

b. Buchez et le socialisme chrétien -1796-1865-

Lui était médecin. Il se prétend l’héritier du saint simonisme authentique. Il


cherche à montrer que les principes chrétiens ne sont pas en opposition avec la
73
révolution française mais au contraire en découlent directement. C’est un théoricien
de l’association ouvrière et de la coopérative de production. Il veut réorganiser le
travail en éliminant le salariat. Ses idées auraient inspiré Louis Blanc, et auraient eu
une certaine influence dans les milieux ouvriers. Son journal, «L’atelier », est rédigé
toujours par des ouvriers. Sa devise : « celui qui ne travaille pas ne doit pas manger »,
parole de Saint Paul.

En 1848 il est par ailleurs le 1er président de l’assemblée nationale.

c. Pierre Leroux et la religion de l’humanité -1791-1871-

Il a aussi été influencé par Saint Simon, et il admire aussi la révolution


française et l’Evangile. Il a été très admiré de son vivant. On a dit qu’il a lancé le mot
« socialisme » en France, en l’associant à la Révolution française. « Le socialisme a
pour mission d’accorder par une synthèse véritable la liberté, la fraternité et
l’égalité ».

Leroux a expliqué que la lutte des prolétaires contre la bourgeoisie est la lutte
de ceux qui possèdent les instruments de travail contre ceux qui les possèdent.

d. Louis Blanc et l’organisation du travail -1811-1882-

« La Revue du progrès » est son journal. Mais il est surtout resté célèbre pour
avoir été président de la commission du Luxembourg, c'est-à-dire la « commission du
gouvernement pour les travailleurs ». C’est la 1ère fois que le monde du travail est
officiellement pris en compte. Cette commission est mixte, paritaire, avec des
représentants des ouvriers et des représentants des patrons. Cette commission a
arbitré force conflits sociaux et qui est aussi à l’origine de plusieurs lois notamment
sur la durée du travail. Louis Blanc a été très populaire dans les milieux ouvriers, sa
popularité venant de son système d’organisation du travail. Ce système est celui des
ateliers sociaux ou nationaux. Rappelons que ce système doit permettre aux ouvriers
de bonne moralité –instruits autrement dit- d’acquérir les instruments de travail avec
l’aide de l’Etat. Ce système, pour Louis Blanc, devait permettre le progrès technique,
d’augmenter la qualité de la production, d’augmenter la rémunération des travailleurs
et d’augmenter enfin les profits des investisseurs. Louis Blanc ne préconisait pas du
tout la lutte des classes.

e. Blanqui et la révolution -1805-1881-

74
Lui était un révolutionnaire intégral. Homme d’action, il a fait plusieurs
tentatives révolutionnaires et plusieurs séjours en prison. Sa devise est « liberté
laïcité instruction ». Il est très patriote et aussi xénophobe. Il est partisan d’une
révolution politique et d’une révolution sociale. Pour lui, la république doit permettre
l’émancipation des travailleurs, la fin du régime d’exploitation, l’avènement d’un nouvel
ordre destiné à libérer les travailleurs de la dynastie du capital.

Assez souvent, dans les témoignages et documents on pose la question politique en


termes de morale, en termes d’idéalisme. On constate une absence générale de
conscience de classe. En revanche il y a des tendances à ce que l’on nommera
« l’ouvriéalisme ».

Section 2. Le monde du travail urbain

Ceci correspond à la seconde république. Une réaction marque ce monde urbain,


qui s’explique par l’insurrection de juin 1848 et par la répression qui s’est ensuivie. Il v
a y avoir, en réaction, des réactions défavorables au monde ouvrier.

Paragraphe 1. La durée du travail

La loi du 9 septembre 1848 est à citer : elle abroge la réglementation


antérieure, qui limitait la durée du travail. Ainsi la durée passe à 12 heures. Avant
c’était 11 heures en province. Peu après ce texte, d’autres vont apporter des
dérogations. Ainsi de la loi du 17 mai 1851 qui fixe les secteurs où on peut travailler
plus de 12 heures par jour. Exemple : l’imprimerie, la métallurgie. On peut par ailleurs
obliger les ouvriers à faire des heures supplémentaires, par exemple pour nettoyer
les machines ou quand il y a des réparations urgentes à faire. Là aussi certains
secteurs sont visés, ainsi de l’industrie chimique, des blanchisseries. Le 24 juin 1851,
une circulaire rappelle que la loi de septembre 1848 ne s’applique pas aux simples
ateliers. Enfin une loi du 22 février 1851 limite à 10 heures par jour la durée de
travail des enfants de moins de 14 ans.

Paragraphe 2. Le statut ouvrier

Les bureaux de placement retrouvent leur organisation antérieure. Cela signifie


qu’ils sont payants et soumis à une autorisation et une surveillance de la municipalité.
De façon plus large, à partir de 1850, l’attitude des pouvoirs publics sur le statut
ouvrier va alterner entre paternalisme et répression. Exemple d’attitude

75
paternaliste : on va attribuer des crédits aux sociétés de secours mutuel. Autre
exemple : on va créer des orphelinats, des maisons de convalescence, des « asiles pour
les ouvriers invalides ». On va aussi créer des caisses de retraite pour la vieillesse. On
va aussi créer une caisse d’assurances en cas de décès et une caisse d’assurances en
cas d’accident du travail. Ces mesures toutefois ne touchent qu’une minorité
d’ouvriers, l’aspect répressif l’emporte largement. On est donc dans le cadre d’une
réaction en ce sens. Exemple : 1852, on modifie le statut des sociétés de secours
mutuel. Le bureau de ces sociétés est nommé par le chef de l’Etat, et on interdit aux
sociétés de distribuer des « aides de chômage ». Autre exemple : concernant le
livre ouvrier, on demande son abrogation en mars 1851. En mai 1851 on ne supprime
pas le livret mais on réduit au dixième du salaire la retenue obligatoire pour solde des
avances. Dernier exemple : la loi du 27 novembre 1849 atténue en théorie les
dispositions du code pénal en matière de délit de coalition, ouvrière ou patronale.

Section 3. La société urbaine sous le second empire

Paragraphe 1. Le statut des ouvriers

Concernant le contrat de travail –dit contrat de louage de service-, le 2 aout


1868 on supprime l’article 1781 du code civil –si litige sur salaire l’employeur est cru
sur parole-. Mais aucune modification n’intervient sur la question de l’indemnisation
des accidents du travail.

Sur le délit de coalition : en 1862, l’empereur va gracier des ouvriers qui


avaient été condamnés pour faible grève. Cette grâce de l’empereur va rouvrir le
débat sur la grève et le délit de coalition. Suite à ce débat on va voter la loi 25 mai
1864. Ce texte supprime le délit de coalition. On autorise la grève donc. On va
rédiger d’une nouvelle façon 1414 et 1416 du code pénal. Un autre délit toutefois va
être mis en place, le délit d’entrave à la liberté du travail. Quiconque à l’aide de
violences, menaces ou manœuvres frauduleuses aura amené ou maintenu, tenté
d’amener ou de maintenir une cessation du travail dans le but de force la hausse ou la
baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l’industrie et du travail.
Les tribunaux vont appliquer très largement ce texte. Par exemple, en 1865, des
ouvriers sont condamnés pour avoir formé une association à l’occasion d’une grève.
L’association ouvrière reste interdite. Le tribunal déclare que la coalition suppose
seulement une entente accidentelle, mais non point une organisation en quelque sorte
permanente et indéterminée.

76
Notons enfin que le 30 aout 1868 on déclare que les chambre syndicales sont
tolérées –pas reconnues pour autant toutefois-.

Paragraphe 2. Les conditions de travail et les conditions de vie

Ces conditions de vie sont ressenties très douloureusement par les ouvriers et
d’autant plus douloureusement que le second empire est une période de prospérité
économique. Aussi de plus en plus l’écart se creuse entre les ouvriers et le reste de la
population.

Pour la main d’œuvre féminine : elle reste très nombreuse dans la production
industrielle, surtout dans les manufactures textiles et dans les métiers de la mode.
C’est valable aussi pour la main d’œuvre infantile.

Pour les salaires : le salaire nominal progresse, mais le salaire réel baisse entre
1853 et 1857. Jusqu’en 1864 cela remonte, puis baisse jusqu’en 1868 avant de
remonter à partir de 1869.

Pour les loyers : augmentation très forte. Les logements neufs sont
inaccessibles aux ouvriers, qui doivent émigrer vers la périphérie des grandes villes.
En 1852, on a utilisé 10 millions sur les biens confisqués à la famille d’Orléans, pour
faire construire des maisons pour les travailleurs. On a donc créé des cités ouvrières,
vers le milieu du XIXème. Souvent elles sont dites « cités napoléon » ; elles
ressemblent souvent à des casernes. Ces initiatives, globalement, n’ont pas été
appréciées par les ouvriers, par exemple le peuple n’aime pas qu’on le parque. La
menace était l’expulsion en cas de grève par ailleurs. En février 1853 à Epinal des
mineurs grévistes ont été expulsés de leurs logements. Ces initiatives étaient aussi
critiquées par d’autres que les ouvriers, certains pensaient qu’il était dangereux de
concentrer les ouvriers dans des quartiers qu’on leur réservait.

Pour conclure ce chapitre, la naissance du mouvement ouvrier moderne est là.

-Evolution générale : en ce qui concerne le compagnonnage, c’est un mouvement ouvrier


qui reste très calme. Il achève son déclin jusque vers 1860. En ce qui concerne les
sociétés de secours mutuel, elles sont plus ou moins clandestines, interdites, et se
reconstituent régulièrement. Un secteur d’importance à ce titre : les chapeliers. Pour
les grèves, on a enregistré 109 grèves en 1853, 58 grèves en 1864, 168 grèves en
1865, 73 grèves en 1866. Sur cette question, on a constaté que les rapports des
77
procureurs généraux avaient tendance à exagérer et faisaient état d’une importante
activité souterraine.

-L’évolution des mentalités : on ne peut pas encore parler d’unité de pensée. Le


socialisme, à ce moment là, est surtout une doctrine qui met l’accent sur la nécessité
d’un combat quotidien pour améliorer les conditions de vie et de travail. En revanche
on voit la mise en œuvre d’un processus de maturation chez les ouvriers, c'est-à-dire
que les ouvriers agissent et parlent par eux-mêmes.

-L’action de l’AIT : Association internationale des travailleurs ; elle apparaît en 1865.


Elle va dominer l’action ouvrière. L’association va dominer le monde ouvrier. A partir
de 1869 on constate dans certaines professions un taux de syndicalisation très
important. Environ 40 pour cent chez les mécaniciens, 65 pour cent dans la
métallurgie, 70 pour les ouvriers typographes… L’internationale ne comprend pas que
des ouvriers toutefois. Elle comprend des syndicats, des coopératives, des cercles
d’études… Ceux qui font partie de l’internationale sont influents, placés à la tête des
sociétés ouvrières, disposent d’une certaine audience dans la presse, cela va leur
permettre de faire connaître les motivations des grévistes à l’opinion publique. Leur
action va avoir une influence sur l’évolution des grèves. Cette influence de
l’internationale annonce le syndicalisme moderne. Ainsi le revendications classiques
demeurent, salaires et durée du travail. Sous l’influence de l’internationale on va avoir
des exigences plus affirmées, par exemple certains grévistes vont combattre
l’aggravation du rythme du travail. Dans d’autres grèves, certains grévistes défendent
leurs droits à l’organisation, par exemple dans la métallurgie il y a des ouvriers qui
font grève parce qu’ils veulent gérer eux-mêmes la caisse de secours de l’usine. Sur
ces revendications nouvelles les membres de l’internationale vont conseiller, influer.
Autre aspect : ils vont aider à rédiger les cahiers de revendications. Cette activité de
l’internationale et le mouvement gréviste s’inscrivent dans un contexte de crise
politique. D’une façon plus générale, il faut rappeler le lien entre monde du travail
urbain et contexte politique.

Chapitre 4. Le droit du travail et la nouvelle codification sous la IIIème République

Section 1. L’installation de la IIIème république : de l’hésitation du 4 septembre


1870 aux lois constitutionnelles de 1875

Au 4 septembre 1870, les républicains proclament un gouvernement provisoire,


encore appelé gouvernement de la défense nationale. Ce gouvernement ne parvient pas
à renverser la situation militaire. Le 19 septembre Paris est encerclé, et le 19 janvier
1871 le président de ce gouvernement, Trochu, démissionne. Le 28 janvier 1871 le
gouvernement provisoire est obligé de signer un armistice de 21 jours avec
l’Allemagne. Les conditions de cet armistice sont imposées par Bismarck, et elles sont
78
très dures pour la France : capitulation de Paris, élection d’une assemblée qui doit
ratifier le traité de Paix, cession de toute l’Alsace sauf de Belfort et d’un tiers de la
Lorraine. Paiement de cinq milliards de francs, enfin occupation d’une partie de la
France jusqu’au paiement de cette indemnité.

Les élections à l’assemblée nationale ont lieu, au suffrage universel, début


février 1871. Même si on votait pour des tendances politiques, les électeurs votaient
en réalité pour ou contre la paix. Les républicains étaient pour la guerre, les
monarchistes étaient pour la paix. Résultat de ces élections : la grande majorité a
voté pour les monarchistes. Un succès très net donc, dans la recherche de la paix et
non pour la restauration de la monarchie. Cette assemblée confie le pouvoir à Adolphe
Thiers.

Paragraphe 1. La présidence de Thiers et la commune de Paris

Le 17 février 1871, l’assemblée nomme Thiers « chef du pouvoir exécutif de la


République française ». Il exerce ses fonctions sous autorité de l’assemblée, et il
s’agit d’une organisation provisoire. Le 10 mars 1871, Thiers déclare qu’il restera
fidèle au régime dont il est le chef, c'est-à-dire qu’il ne prépare aucune restauration
de la monarchie. La commune de Paris v être marquante, et précède la présidence de
Mac Mahon.

A. La commune de Paris

a. La mise en place de la commune

Plusieurs facteurs interviennent :

-La situation particulière de Paris d’abord, la population y a beaucoup souffert de la


guerre et de la faim, et surtout une clause de l’armistice va révolter la population,
pour conserver Belfort Thiers a accepté que les Allemands défilent sur les champs
Elysées, ce qui est fait le 1er mars 1871. Ceci a été perçu comme une insulte par les
parisiens. D’autant que le gouvernement a quitté Paris pour Bordeaux, le
mécontentement est en accru.

-L’action du gouvernement ensuite, l’assemblée fraîchement élue va encore favoriser


l’attention par différentes mesures. Ainsi elle décide de s’installer à Versailles et pas
à Paris. La solde des gardes nationaux –milice bourgeoise composée de citoyens,
rappelons-le- est supprimée par l’assemblée. C’était là le seul revenu des ouvriers qui
en faisaient partie, le travail n’ayant pas repris à Paris. De plus, l’assemblée a pris des
79
mesures concernant les prêts et emprunts, qui vont entrainer la faillite des petits
commerçants.

-Le gouvernement militaire de Paris suspend tous les journaux d’extrême gauche le 11
mars. Aussi avec toutes ces mesures la tension est extrême à Paris. Thiers se rend à
Paris le 15 mars, et devant la tension veut reprendre les canons de la garde nationale.
Cela crée une émeute, une partie de l’armée rejoint les insurgés, et les insurgés vont
exécuter deux généraux, Lecomte et Thomas. A partir de là c’est une impasse, car
Thiers refuse de discuter avec des assassins et le peuple de Paris refuse de discuter
avec un traitre ayant négocié avec l’Allemagne.

Le 26 mars, les émeutiers sont maîtres de la ville et font élire le conseil


général de la commune -90 élus-. On a une 20aine de modérés parmi eux qui
démissionnent vite, on a des blanquistes, des membres de l’internationale et des
ouvriers. La commune veut des réformes sociales, et a un programme, exprimé dans 3
documents : un manifeste du 23 mars où on veut l’égalité sociale, la fin de la lutte
des classes, l’influence des idées de Proudhon s’y ressent. Une déclaration du 19
avril qui pose un double principe, reconnaissance et consolidation de la République
d’une part et d’autre part la décentralisation. Enfin, l’appel aux paysans du 28 avril
1871 est un texte d’inspiration socialiste, l’outil est à l’ouvrier et le travail est à tous,
c’est ce qu’on y proclame.

b. Les réalisations de la commune

1. Le gouvernement de la commune

Après les élections du 26 mars, la commune est proclamée à l’hôtel de ville.


Neuf commissions sont mises en place qui correspond, en gros, aux anciens ministères.
Ainsi on a une commission des finances, une commission militaire, une commission du
travail, de l’industrie et de l’échange, une commission de la justice… Aux commissions
il faut ajouter une commission exécutive, qui va dominer les autres commissions. On
peut dire que le régime de la commune est un régime de confusion des pouvoirs au
profit d’une assemblée élue.

Notons en outre que le 28 avril est créé le comité de salut public, qui
remplace la commission exécutive. Ceci pour faire référence à la période de la terreur
sous la révolution. Ce comité de salut public s’est déchainé contre Thiers : saisie de
ses biens, destruction de sa maison, la haine de la population vis-à-vis de Thiers est
très marquée. « Nain sanglant », sobriquet qu’on lui donne…

80
2. La législation sociale de la commune

Dans les 72 jours de la commune, il y a tout de même des mesures pour l’école
qui est souhaitée laïque, gratuite, obligatoire et intégrale –c'est-à-dire complétée par
une formation professionnelle-. Ainsi on crée des écoles professionnelles pour jeunes
filles, et on met en place l’égalité des salaires dans l’enseignement entre instituteurs
et institutrices.

Sur un plan social plus large, on peut retenir l’interdiction des retenues sur
traitements et salaires. Ou encore l’interdiction du travail de nuit dans les
boulangeries. On prévoit aussi la restitution gratuite des objets qui ne mentionnent
pas un prêt supérieur à 20 francs au Mont de piété. On a aussi réquisitionné des
locaux abandonnés pour loger ceux dont les appartements ont été détruits par les
bombardements.

Faute de temps, la commune qui ne dure que 72 jours n’est pas allée plus loin.
Elle se termine dans ce que l’on nomme la semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871,
répression impitoyable.

c. La répression de la commune

Cette répression a lieu pendant la semaine sanglante donc ; mais elle commence
en fait déjà début avril. Les « versaillais » -l’armée-, partisans de Thiers, veulent
venger les généraux assassinés. Ils vont reconquérir Paris, quartier par quartier. Les
combats seront durs ; on appliquera la même tactique que pour la répression des
journées de juin. Les affrontements vont être violents, environ 1000 morts du côté
des versaillais, et entre 10 000 et 20 000 morts du côté de la commune. Ce chiffre
s’explique par les exécutions sommaires qui ont lieu après les combats. Il y a eu aussi
beaucoup de négociations, jugements par les tribunaux militaires suivis d’exécutions,
et beaucoup de condamnations à la déportation. Les dernières exécutions ont lieu le
28 mai, l’armée fusille les derniers résistants dans le cimentière du Père Lachaise, au
mur des fédérés.

Sur les conséquences de cette répression :

-Le mouvement socialiste révolutionnaire a été décapité en France pour environ 10


ans. Signalons la loi d’amnistie du 11 juillet 1880.

81
-Dans tout le pays, un sentiment de rejet a été suscité, à cause des violences. La
commune est rejetée. Zola, Hugo, Flaubert ont condamné cette commune. Verlaine et
Rimbaud sont les seuls à l’avoir approuvée.

Avec cette répression Thiers montre que la République peut aussi bien qu’une
monarchie entretenir l’ordre, d’où la République est consolidée.

B. La présidence et la chute de Thiers

Le 31 août 1871, la loi Rivet organise temporairement les pouvoirs publics. C’est
l’assemblée qui détient les pouvoirs constituants, et elle confère à Thiers le titre de
Président de la République. Ceci en attendant de mettre en place les institutions
définitives du pays. Par parenthèse, sur son titre, il a lui-même souhaité changer,
« chef de la république » lui faisait penser à « chef cuisinier » d’où il a voulu changer…
Il est très puissant car il cumule les fonctions député, président du Conseil et
président de la République. Il nomme et révoque les ministres. Il veut réorganiser le
pays mais la majorité de l’assemblée va être inquiète, et surtout par rapport à ses
véritables intentions. La majorité va engager la lutte avec Thiers. Cette majorité se
trouve un chef en 1872, le duc Albert de Broglie. Dans la lutte, signalons une loi votée
le 13 mars 1873 que l’on a nommée constitution de Broglie. Cette loi a pour but de
rendre très difficiles les interventions de Thiers à l’assemblée. En effet on prévoit un
cérémonial très complexe, tant complexe qu’on a pu parler de « loi chinoise » pour
désigner cette constitution.

En avril 1873, les élections vont mécontenter la majorité de l’assemblée, et cela


va entrainer la chute de Thiers puisque cette chute va résulter d’un complot préparé
par le duc de Broglie et par ses amis. En fait, le duc de Broglie et ses amis se sont mis
d’accord à l’avance sur le successeur de Thiers à la présidence de la République.
Thiers va être désavoué le 19 mai par l’assemblée. Il démissionne, mais est persuadé
qu’on va le rappeler, il se croit « l’homme nécessaire ». Le soir même, c’est le maréchal
de Mac Mahon, duc de Magenta, qui est élu président de la République.

Mac Mahon déclare, le lendemain de son élection, la nécessité de rétablir


l’ordre moral dans le pays. Autrement dit il va tenter de rétablir la monarchie, mais
cela va échouer.

Paragraphe 2. La présidence de Mac Mahon et les lois constitutionnelles de 1875

82
A. L’échec de la restauration monarchique

En 1871, les monarchistes ne sont pas pressés de restaurer la monarchie, pour


deux raisons :

-ils ne veulent que l’impopularité de l’empire se reporte sur la personne du roi

-les monarchistes sont toujours divisés entre légitimistes et orléanistes, ce qui va


être l’obstacle principal.

Ainsi, en 1873 le prétendant bourbon, côté légitimiste, Henri V, et le


prétendant orléaniste se réconcilient. Ceci parce qu’Henri IV n’a pas eu de fils, donc
les droits dynastiques vont obligatoirement aux orléanistes. Les droits dynastiques
vont donc passer au comte de Paris, qui est le petit-fils de Louis-Philippe d’Orléans –
roi au début de la monarchie de juillet-. Là tout va bloquer sur la question symbolique
du drapeau tricolore. Henri V, pour son entrée officielle à Paris, s’obstine à refuser le
drapeau tricolore. Aussi les monarchistes vont-ils devoir attendre la mort du comte
de Chambord.

Solution d’attente : le 20 novembre 1873, l’assemblée vote la loi du septennat.


Cette loi proroge pour 7 ans les pouvoirs de Mac Mahon en tant que président de la
République. Ce qu’il faut retenir toutefois : le septennat est arrivé de façon
accidentelle. C’était d’ailleurs la 1ère fois que l’on attribuait une durée fixe à la
présidence de la République, présidence qui est toujours de fait.

B. La « République in extremis »

En 1874, les monarchistes vont perdre l’espoir d’une restauration de la


monarchie. A nouveau, la majorité monarchiste va se déchirer. D’abord parce que les
orléanistes sont mécontents de l’obstination des légitimistes. Et surtout les
orléanistes sont effrayés par les succès des bonapartistes à chaque élection.
Finalement les orléanistes vont se rapprocher des républicains, c’est cela qui va
permettre, paradoxalement, d’instaurer définitivement la IIIème République.

En janvier 1875, on commence les discussions sur les textes constitutionnels.


er
Un 1 amendement contenant le mot « république » est repoussé. L’amendement
Wallon va être adopté, à une voix de majorité. Le texte prévoit que le Président de la
république est élu par le Sénat et la chambre. Cette formulation est neutre, on ne
83
proclame pas officiellement la république. Mais implicitement on a bien un président,
on rejette la monarchie.

Après cette proclamation, l’assemblée vote 3 textes constitutionnels. Un sur le


Sénat, en février 1875, un texte sur l’organisation des pouvoirs publics en février
aussi et un texte sur les rapports … en juillet 1875. Cet ensemble de textes constitue
la constitution de 1875, la constitution de la IIIème République.

Section 2. Le ralliement tacite du mouvement ouvrier au nouveau régime

Pourquoi un ralliement tacite ? A ce moment là le mode de production industriel


se généralise. La classe ouvrière va soutenir, tacitement, le nouveau régime. Elle va
donc soutenir la République au moment de son établissement et au moment de sa
consolidation. Cependant ce soutien n’est pas manifeste, au point qu’on a pu expliquer
que la résignation fondait ce ralliement au nouveau régime. Les conditions de vie
étaient si difficiles pour les ouvriers qu’elles leurs enlevaient tout espoir.

La lutte ouvrière n’est cependant pas totalement éteinte, elle est surtout
présente dans l’arrière garde des vieux métiers traditionnels. A ce moment là, l’idée
du grand soir de la révolution se développe ; l’idée de la grève générale est là. On a
pensé à cette grève générale dès 1887, à l’occasion du deuxième congrès de la
fédération nationale des syndicats.

Un an après, au congrès de Bordeaux, on déclare que seule la grève générale


peut entrainer l’émancipation des travailleurs. On précise aussi que la grève ne doit
pas toutefois dégénérer en insurrection, le souvenir de la commune est là.

L’idée fait son chemin : en 1895, à l’issue du congrès de Limoges qui est
constitutif de la CGT les délégués acclament l’idée de la grève générale. Et en 1906 la
charte d’Amiens confirme ce choix. Par cette grève on voudrait effacer toute trace
du vieil ordre social. L’expression récurrente est le « grand soir », mais la presse
d’extrême gauche use d’autres termes, « la grande lessive », « le grand jour », Zola
évoque dans Germinal le soir sanglant. Ce grand soir doit être le soir de la destruction
de la société bourgeoise.

En même temps que la classe ouvrière se rallie tacitement, on constate chez


elle un apprentissage de la citoyenneté au sens qu’elle rejette les extrêmes. Elle
84
rejette le socialisme collectiviste sans libertés individuelles, mais aussi un capitalisme
sans limites.

Paragraphe 1. La lutte ouvrière

Ce qui est caractéristique c’est l’extension de la grève.

Ainsi de 1880 à 1914 les grèves se multiplient, et elles vont mobiliser


intensément les classes populaires. En 1881 : 271 grèves. En 1900 : 890 grèves. 1910 :
1517 grèves. Pour le nombre de grévistes : 1880 : 100 000 grévistes. 1906 : 474
000. 1913 : 200 000 grévistes.

Toutes les catégories de travailleurs sont concernées. Un rôle dominant


toutefois est à relever chez les gens des vieux métiers. En outre, un rôle dominant
est joué par les ouvriers des secteurs sensibles : mines, textile et métallurgie. Même
le prolétariat rural participe à ces grèves, soulignons-le. Exemple local : le
soulèvement général des viticulteurs du Languedoc en 1907. Ce mouvement a été
sévèrement réprimé par Clémenceau. C’est aussi à ce moment-là qu’on voit apparaître
les premières grèves dans la fonction publique –alors qu’on est dans des années
prospérité…-. Les premiers seraient les agents de police en 1905. Aussi en 1906 : les
agents des PTT de Paris.

Sur les formes de la grève : elles sont diverses. Spontanées, planifiées,


partielles, tournantes, ou générales. Ces grèves s’accompagnent aussi de pratiques
contestataires. L’absentéisme par exemple. L’accident volontaire de travail également.
Le freinage de la production. Ou encore la mise à l’index –le boycott-. Et des
débrayages ou défilés. Enfin, ces mouvements pouvaient dégénérer en émeutes, on a
alors des violences, des actes de sabotage ou de bris de machines. Début XXème il
faut tout de même noter que la classe ouvrière est restée « bon enfant ».

La réaction gouvernementale face à la grève : le gouvernement veut éviter les


conflits entre patrons et ouvriers. La prévention se développe par des mesures de
pacification sociale et des mesures de régularisation des rapports professionnels.
Précisément la loi du 27 décembre 1892 va établir des mesures en ce sens. « Loi sur
la conciliation et l’arbitrage facultatif en matière de différend collectif entre patron
et ouvrier ou employé ». Une procédure est ainsi mise en place : elle commence par
une tentative de conciliation. Ensuite, si l’on trouve un accord, ou alors si les parties
ont choisi de recourir à l’arbitrage, la loi ne confère pas à la sentence la force
85
exécutoire, mais c’est uniquement l’autorité morale de la sentence qui amène à son
exécution. L a tentative de conciliation est menée par le juge de paix. On considère
que ce juge est étranger aux querelles industrielles. Chaque partie désigne ses
délégués, avec 5 comme limite, parmi les personnels de l’entreprise. Si la conciliation
échoue, le juge de paix peut inviter les parties à nommer librement un arbitre. Enfin,
si les parties refusent, c’est terminé. Le texte a recours a des règles engageantes
pour désamorcer le conflit ; aussi a-t-on présenté le texte comme d’inspiration
libérale.

D’autres initiatives ont été conduites en outre, d’inspiration socialiste ou


marxiste. Par exemple en février 1884 le chef du parti ouvrier français, Jules
Guesde, dépose un projet de loi visant à subordonner le déclenchement d’une grève au
vote des ouvriers. L’idée justifiant ce système : les entreprises forment une
collectivité, et le droit de grève ne peut être exercé que collectivement par
conséquent. Ceci restera toutefois un projet. Et même avec la loi de 1892 cette
volonté de conciliation restera sans résultat. Avant 1914, il n’y a pas une grève sur 10
qui fasse l’objet d’une conciliation ou d’un arbitrage.

Paragraphe 2. Le refus des médiations

Il recouvre deux aspects : refus de la médiation politique, et de la médiation


syndicale.

Le refus de la médiation politique : on le voit concrètement au congrès de


Londres en 1896. Les délégués des syndicats français font savoir qu’ils n’acceptent
pas l’action parlementaire. En 1906, à l’occasion du congrès d’Amiens de la CGT –
constituée au congrès de Limoges en 1895 par parenthèse-, rappelle dans sa charte la
« volonté arrêtée du syndicalisme de se suffire à lui-même et de ne pas se préoccuper
des parties ».

En 1907 : réaction de l’Internationale au congrès de Stuttgart. Pour lutter


contre ce projet, l’Internationale invite fermement syndicats et organisations
politiques à entretenir des rapports permanents et étroits. Le syndicalisme français
va toutefois préférer rester totalement isolé jusqu’en 1914.

Le refus de la médiation syndicale quant à lui : il faut déjà rappeler que la


répression de la Commune a dispersé les organisations ouvrières. Il faut également
rappeler le sentiment de dégoût vis-à-vis de la violence. La loi du 14 mars 1872
86
prévoit des peines sévères contre les membres des sections françaises de
l’Internationale, considérée comme « un attentat contre la paix publique ». Toutefois
malgré le contexte les esprits vont évoluer. L’attitude de l’administration va en outre
suivre. On va passer dans l’administration de la suspicion à la tolérance, et de la
tolérance à la bienveillance. Par exemple en juillet 1876, un député dépose un projet
de loi pour légaliser les chambres syndicales. Ce projet demande aux syndicats de
déclarer les noms de tous leurs membres. Ce projet va être rejeté par les délégués du
congrès ouvrier de Paris. Rejeté aussi par le Sénat et la Chambre. On retrouve une
défiance vis-à-vis des ouvriers et du syndicalisme. Il faudra attendre 1884 pour la
liberté syndicale.

Section 3. La législation sociale de la IIIème République

On parlait beaucoup de législation ouvrière alors ou encore législation


industrielle. Toutes les grandes questions vont être traitées. Cette législation va
former un ensemble impressionnant, d’autant par contraste avec quelques décennies
auparavant. Tous les domaines vont être concernés. Traitons par thème et à l’intérieur
par chronologie.

Paragraphe 1. La durée du travail

La loi de 1841 sur le travail des enfants est la base ; elle a vite été jugée
insuffisante. La plupart des pays d’Europe ont une meilleure réglementation sur le
travail des enfants. La question est reprise en 1871 à l’assemblée nationale. Ces
discussions vont aboutir à la loi du 19 mai 1874 sur le travail des enfants et des
filles mineurs dans l’industrie. Cette loi s’applique à tous les établissements
industriels, à la différence de la loi de 1841. L’âge d’admission passe à 12 ans en outre.
En revanche la durée du travail est maintenue à 12 heures par jour. Dans certains cas
on peut faire travailler des enfants de 10 à 12 ans 6 heures par jour, divisés par un
repos. On interdit tout travail la nuit, le dimanche et les jours de fête jusqu’à 16 ans
révolus pour les garçons et 21 ans pour les filles. On prévoit aussi un corps
d’inspecteurs chargés de contrôler la loi.

La loi de novembre 1892 est à citer en outre, deuxième texte. On a invoqué


comme raison la pleine responsabilité des femmes adultes ; on acceptait qu’une femme
puisse nuire à sa santé, ça relevait de sa responsabilité. En revanche on va
commencer à refuser que l’éventuel excès de travail ait des conséquences sur la santé
des enfants. C’est ce qui va motiver la loi de 1892 qui limite la durée du travail des
femmes majeures à 11 heures, comme aux enfants on leur accorde le repos
hebdomadaire et des jours fériés. On interdit le travail de nuit aux femmes en outre.
87
La loi va aussi traiter du travail aux enfants. La loi du 22 mars 1882 en outre est à
citer ; elle a imposé la scolarité obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans. Deuxième
point pour cette loi : les enfants de moins de 16 ans ne peuvent travailleur plus de 10
heures par jour, et de 16 à 18 ans c’est maximum 11 heures par jour. En tous les cas
avec un maximum de 60 heures par semaine.

Enfin citons la loi du 30 mars 1900 : le texte de base étant le décret de loi du
9 septembre 1848. Ce texte réduisait à 12 heures par jour le travail dans les
manufactures et usines. 50 ans après donc le texte est toujours en vigueur. On
commence à débattre de la durée du travail en 1893. Notons le soutien du ministre du
commerce, Millerand. Les ouvriers adultes embauchés dans des ateliers mixtes,
ateliers où travaillent les femmes mais aussi des enfants. On va passer à 11 heures
par jour pour les hommes. La loi prévoit aussi que la durée sera ramenée à 10 heures
et demie en 1902, et 10 heures en 1904. Ca pour les ateliers mixtes donc ; à défaut on
applique encore le décret de 1848 donc 12 heures par jour. Ensuite il n’y aura plus rien
sur la durée du travail avant 1919. Cela malgré les grandes manifestations sur la
journée à 8 heures, qui commencent dès le début du XXème siècle. Loi du 29 juin 1905
toutefois à citer comme exception : elle limite à 8 heures par jour le travail des
ouvriers dans les mines, et spécialement ceux occupés à l’abattage.

Paragraphe 2. Le repos hebdomadaire

Depuis l’Ancien Régime, la législation, faite d’ordonnances et d’édits, imposait le


repos dominical et le respect des fêtes consacrées. Ces lois confirmaient des usages
très anciens. Ces règles s’imposaient d’elles-mêmes. Evidemment avec la Révolution
ces usages sont bouleversés. La loi du 18 novembre 1814, sous l’influence du Clergé,
prescrit à nouveau le repos dominical. 1814 = la restauration. Ce texte, peu à peu, ne
va plus être appliqué. Jusqu’à la loi du 12 juillet 1880 de qui va l’abolir. L’argument
des républicains c’est d’invoquer la liberté du travail et la liberté de conscience. Mais
en réalité le gouvernement républicain veut décourager la pratique religieuse.

Officiellement, l’Etat n’a pas à imposer le respect d’une coutume religieuse,


même indirectement. La loi de 1892 ne fixait pas le repos hebdomadaire
immanquablement au dimanche. A partir de 1880, jusqu’en 1906, la loi du 13 juillet
1906 va être en débat ; on va aboutir à l’idée que le repos hebdomadaire est
nécessaire à la famille et à la cité. L’ouvrier doit utiliser ce repos, pour s’occuper de
ses enfants par exemple. Ce texte rétablit le repos hebdomadaire en France, en 1906.
Cette loi s’applique aux ouvriers et aux employés. Donc aux auxiliaires réguliers des
industriels et des commerçants qui sont liés à eux par un contrat de travail. Cette loi
n’interdit pas de travailler le dimanche comme la loi de 1814.
88
Paragraphe 3. La liberté syndicale

Le régime de liberté syndicale va résulter de la loi du 21 mars 1884, dite loi


Waldeck-Rousseau. Deux aspects : liberté des syndicats et liberté des intéressés. La
liberté des syndicats car leur constitution n’est assortie d’aucune autorisation
préalable. La loi de 1884 ne prévoit qu’une seule obligation, formelle, le dépôt des
statuts par les fondateurs avec indication du nom des administrateurs du syndicat. Il
est prévu que les syndicats disposent de la personnalité civile. Cela leur donne la
capacité d’ester en Justice, la capacité d’acquérir des biens, et la capacité de
contracter, à l’exclusion des contrats commerciaux.

La liberté des intéressés est donc le second aspect : le syndicat est un


groupement volontaire, c'est-à-dire que personne n’est obligé d’en faire partie, et
chaque adhérent peut toujours en sortir. Les ouvriers ont tout de même dénoncé le
caractère policier du texte. Un texte qui apparaît d’ailleurs d’inspiration libérale.
C’est en application de ce texte que les fédérations de métiers se sont
progressivement constituées.

Paragraphe 4. La sécurité du travail

On a deux idées que l’on doit essayer de concilier. D’abord vers 1890 les
acteurs sociaux sont d’accord, admettent qu’il est légitime d’intervenir pour
l’application de normes sanitaires dans les ateliers et fabriques, et ceci au nom de
l’intérêt public. Un autre point de vue : on doit respecter la liberté de l’industrie. Dans
ce domaine, la réglementation va être progressive, avec un objet limité. Ca sera
l’esprit de la loi du 12 juin 1893. Cette loi est différente des textes précédents :
elle ne se contente pas d’écarter certaines catégories de la population de travaux
très pénibles, mais oblige l’employeur à prendre des décisions qui vont garantir à tous
les salariés, sans aucune distinction, les meilleures conditions de sécurité.

La 1ère préoccupation du texte est l’hygiène. Les lieux de travail doivent être
maintenus dans un état constant de propreté. Le texte fait référence à l’éclairage, à
l’aération et à la ventilation des locaux, aux mesures contre les incendies notamment.
Là aussi des inspecteurs du travail seront chargés de contrôler l’application de ce
texte. Ce texte ne sera réservé qu’aux manufactures. Les ateliers ne seront donc pas
concernés. Ensuite la loi du 11 juillet 1903 va étendre le domaine aux commerces et
établissements d’Etat. Cette législation a donné de bons résultats.

89
Paragraphe 5. L’indemnisation des accidents du travail

Le droit commun de la responsabilité ne pouvait jouer. La loi de référence, loi


du 9 avril 1898, on a parlé de révolution juridique ou conceptuelle. Le droit civil s’est
alors effacé devant le droit social. Ce texte ne considère plus l’accident comme une
faute. Elle considère l’accident comme relevant du risque professionnel. Ce qui
justifie le texte, c’est le principe d’équité ; on considère d’abord que l’employeur
organise son entreprise donc c’est lui qui donne naissance au risque. L’employeur tire
profit de la production. La réparation des accidents va peser sur les frais généraux de
l’entreprise. La première loi d’assurance sociale, on la décrit comme cela. Elle a été
critiquée toutefois : trop restrictive. L’indemnisation prévue est forfaitaire et non
pas intégrale.

Paragraphe 6. Les retraites ouvrières et paysannes

A partir de 1876 environ on commence à parler au Parlement des retraites ;


toutefois il faudra attendre 1906 pour qu’un projet soit adopté par la Chambre.
Certains sénateurs vont toutefois s’opposer à ce projet. L’argument sénatorial est le
suivant : l’assurance obligatoire est une prime à l’imprévoyance. En face on leur répond
que l’imprévoyance est une conséquence de la misère, misère à laquelle l’assurance
tente de remédier. Cette deuxième thèse va l’emporter largement. On va ainsi aboutir
à la loi du 5 avril 1910, qui prévoit l’âge de la retraite à 65 ans. Le texte prévoit
même 60 ans en 1912. En revanche, on va supprimer certaines dispositions du projet
de 1906. Un minimum garanti va être institué. Dans la loi de 1910, il ne va pas y avoir
non plus d’exonération de versement pour les travailleurs quotidiens ayant un salaire
quotidien à 1 franc 50. Ce texte ne concerne pas les salariés dont la rémunération
excède 5000 francs par an.

Paragraphe 7. Le licenciement et le chômage

La législation est très en retrait en France par rapport aux autres pays
industrialisés. Il n’y a que deux textes sur cette question : la loi du 27 décembre
1890 d’abord. Elle met un terme au caractère discrétionnaire du licenciement. On va
mettre en place un délai de préavis. Par ailleurs on met en place un recours en
dommages-intérêts contre le congédiement abusif.

Le second texte est une loi du 14 mars 1904. Elle oblige les villes de plus de
10 000 habitants à ouvrir un bureau de placement gratuit. Pour les communes, le maire

90
doit tenir un registre des offres et des demandes de travail. Ce texte n’a eu
presqu’aucun résultat.

Paragraphe 8. La création d’une administration du travail

Rappelons la loi de 1841 sur le travail des enfants, on a mis en place des
inspecteurs pour contrôler l’application de cette loi. 1ère étape : la loi du 19 mai
1874. Loi sur le travail des enfants dans l’industrie. On met là en place les
inspecteurs du travail. C’est un véritable corps de contrôle, composé de
fonctionnaires.

2ème étape, toujours sur la loi de 1874 : le texte a aussi prévu que ces
inspecteurs avaient besoin d’être assistés par des commissions locales composées de
5 à 7 membres, et composées de notables prudents, nommés par le préfet. La loi du 2
novembre 1892 remplace ces commissions locales par des commissions
départementales. Ces commissions sont purement consultatives. Ceci pour éviter que
les industriels assujettis à l’inspection fassent partie des commissions.

3ème étape : décret du 22 janvier 1891. Ce texte crée le conseil supérieur du


travail. Ce conseil est composé de délégués patronaux et ouvriers, des parlementaires
et des spécialistes de la législation industrielle.

4ème et dernière étape : le décret du 25 octobre 1906, pris par le


gouvernement Clémenceau. Il prévoit un ministère du travail et de la prévoyance
sociale. Cette idée datait toutefois de 1848 avec Louis Blanc rappelons-le.

Section 4. La codification du droit du travail

Lyon-Caen a écrit « La France, pratiquement seule de son espèce, a voulu faire


du droit du travail un droit codifié ». La France a inauguré une forme de droit
étatique du travail. Cette forme ne se trouve nulle part ailleurs en Europe. Même dans
les pays où la législation sociale est très développée. Comme par exemple en
Allemagne, en Belgique ou en Espagne.

Le 1er code du travail est né de la réunion de 4 livres, adoptés par 4 lois, qui ont
été votées et promulguées entre 1910 et 1927. Ce code n’a pas du tout impressionné la
91
doctrine. On peut dire que les grands maîtres de la législation ouvrière n’ont pas été
impressionnés. Immédiatement on l’a qualifié de « code en trompe l’œil », de texte de
façade. On a parlé de simple compilation et même de « prétendu code du travail »
pour Capitant.

Pour les étapes de la codification :

-1ère étape : on a, en 1889, des propositions parlementaires qui visent à rassembler


les lois ouvrières.

-2ème étape : Alexandre Millerand en 1901, alors ministre du commerce et de


l’industrie, charge une commission extra parlementaire de codifier des lois ouvrières
« en corrigeant les différentes imperfections et redites ». Sur cette initiative, en
1904 un « projet du code du travail et de la prévoyance sociale » est soumis à la
chambre des députés. Ce projet contient 5 livres.

-3ème étape : En 1910, le Sénat va dissocier l’ensemble pour n’examiner que le livre I,
intitulé « Des conventions relatives au travail ». Finalement, ce livre I va être accueilli
par la loi et aboutir à la loi du 28 décembre 1910 qui crée « une codification des lois
ouvrières ». Elle doit entrer en vigueur en 1911.

Pendant ce temps, on a un autre projet, plus novateur, mis en place, à savoir un


projet de code du travail « véritable et authentique œuvre législative », préparé le
Conseil national du travail en novembre 1905.

A partir de ce projet, le ministre du commerce et de l’industrie, Gaston


Doumergue, tire un projet de loi sur le contrat de travail. Ce projet est présenté en
1906 à la chambre. Il est étudié en 1907 par l’association française pour la protection
légale des travailleurs. Mais ce projet ne sera jamais discuté au Parlement. Un texte
va quand même être tiré de ce projet, un texte sur les conventions collectives. Ce
texte va être à l’origine du livre premier du code du travail. Les 3 autres livres eux
résultent de la réunion de textes dispersés.

Pour le contenu :

-Le livre I traite des conventions relatives au travail. Loi du 28 décembre 1910. –

-Livre II : de la réglementation du travail. Loi du 26 novembre 1912.

92
-Livre III : des groupements professionnels. Loi du 25 février 1927.

-Livre IV : de la juridiction, de la conciliation et de l’arbitrage, de la représentation


professionnelle, c’est là la loi du 21 juin 1924.

Pour dresser un bilan, c’est un code unanimement critiqué jusqu’aux années


1970. Cette critique unanime de la doctrine s’étend aussi aux acteurs du monde du
travail, notamment les syndicats. Tout le monde demande un nouveau code.

On reproche ainsi le manque de dispositions générales sur le contrat du travail.


Mais aussi, on reproche que le code n’ait pas repris les divers textes postérieurs à
1927. Il n’a pas repris en particulier les textes législatifs de la libération sur les
comités d’entreprises, sur les délégués du personnel, et les lois de 1968 sur le droit
syndical dans l’entreprise. Enfin, en 1958, le livre IV du code est amputé des
dispositions sur les conseils de prud’hommes. A partir de là cela relève d’un décret.

Le 23 novembre 1973, suite à ces critiques, un deuxième code du travail entre


en vigueur. Là aussi ce code va toutefois être critiqué. Force débats vont avoir lieu. Là
aussi on a pu parler de compilation, de consolidation, de codification à droit constant.

Pour conclure, 1930-1970 est l’âge d’or du travail. Cette période débute avec le
Front populaire, qui donne une impulsion au droit social.

Vers 1930, les différents partis de gauche sont divisés sauf quelques alliances
électorales. On a les socialistes –la SFIO-, les radicaux, les communistes.

Le 8 février 1934, en réponse à des manifestations nationalistes de lutte


fasciste, l’Humanité appelle les ouvriers à manifester le 9 février 1934. Dans cette
manifestation il n’y a que les communistes. La police va tuer 9 manifestants. Les
socialistes lancent pour le 12 février un mot d’ordre de grève générale. Le 12, les
manifestants socialistes rejoignent le cortège communiste dans un mouvement de
défense de la république. Donc plus de division.

En juin 1934, le PCF est favorable à la négociation avec le SFIO pour une unité
d’action. Fin juillet, PCF et SFIO, l’alliance défensive contre le fascisme est conclue,
le 27 juillet. Les communistes demandent aux socialistes d’y intégrer les radicaux.

93
Finalement ces derniers vont intégrer, en novembre 1934, l’alliance, dite alors le
rassemblement populaire.

Le chef du PCF, Thorez, donne un nouveau nom à cette politique d’union : « le


Front Populaire du Travail de la Liberté et de la Paix ».

En janvier 1936, malgré des dissensions, un programme commun est conclu, avec
des revendications politiques –défense de la liberté, respect du droit syndical- et des
revendications économique et sociale pour faire face à la crise économique –ainsi on
demande l’institution d’un fonds national de chômage ; réduction de la durée du
travail, revalorisation des produits agricoles…-. Bref sur le plan économique on
recherche la relance de la consommation par le biais de la restauration du pouvoir
d’achat.

En mai 1936, les élections vont être un succès pour le Front Populaire ; mais au
même moment la situation sociale va se dégrader. Multiplication des grèves,
occupations d’usines, …

Début juin, Léon Blum, alors président du Conseil, présente son gouvernement
auquel les communistes ne veulent pas participer. Conformément au programme
commun, le gouvernement Blum réalise plusieurs réformes. Les réformes sociales en
particulier, dont les accords de Matignon signés le 8 juin 1936 sont la pierre
angulaire. Signés entre les représentants du patronat, Confédération Générale de la
Production Française, CGPF, ceux des syndicats, CGT, et des ministres. Ces accords
comportent une augmentation des salaires -7 à 15 pour cent-, le respect de la liberté
syndicale, l’élection de délégués ouvriers dans les entreprises de plus de 10 salariés –
autrement dit apparition des délégués du personnel-, l’octroi de deux semaines de
congés par an aux salariés, et la semaine de travail est fixée à 40 heures –ces deux
dernières réformes sont majeures-. Les procédures de règlement des conflits
collectifs deviennent obligatoires en outre. On crée aussi dans leur cadre une cour
supérieure d’arbitrage. Cette cour a une jurisprudence audacieuse ; elle considère
notamment que la grève ne rompt pas le contrat de travail. Enfin, on favorise le
développement des conventions collectives. On les qualifie de traités de paix entre
les forces sociales d’ailleurs, ou encore lois de la profession.

Le second volet des réformes sont des réformes structurelles ; une loi d’aout
1936, le 11 août, nationalise les industries de guerre.

94
Le Front Populaire toutefois ne résout pas les difficultés économiques : pas de
pouvoir d’achat gagné en particulier. 1ère dévaluation en octobre 1936, qui commence à
marquer le déclin du Front, 2ème dévaluation en juillet 1937, avec force grèves alors,
pendant l’année 1938 le ministère radical Daladier va prendre diverses mesures très
critiquées, très impopulaires, en particulier une 3ème dévaluation. Un aménagement de
la loi sur les 40 heures aussi.

Les communistes sont très mécontents des dites mesures ; ils se mettent
d’accord avec la CGT pour une grève générale le 30 novembre 1938. Cette grève a lieu,
mais est un échec total. C’est cet échec qui signe la fin du Front Populaire.

Donc pour résumer le Front Populaire, née d’une grève réussie de février 1934,
meurt dans la grève ratée du 30 novembre 1938.

Notons que ce sont les années 30 qui voient naitre l’expression « droit du
travail » ; mais l’expression va se généraliser au milieu du XXème siècle. Vers 1950 on
arrête donc de parler de droit ouvrier ou de législation ouvrière.

Pendant WWII, pendant l’occupation, le régime de Vichy prend la Charte du


travail en 1941. L’idée sur l’organisation du travail c’est d’introduire en France et
d’organiser un corporatisme, sur le modèle qui a inspiré les régimes fascistes allemand
et italien.

Le nouvel essor pour le droit du travail a lieu sur 1944-1946, à la libération.


D’abord le préambule de la constitution de 1946 proclame les libertés politiques et à
côté le préambule proclame des droits sociaux, qualifiés de « particulièrement
nécessaires à notre temps ». Il s’agit notamment de la liberté d’action et d’adhésion
en matière syndicale, et du droit de grève. L’article 1 de la constitution de 1946 fait
de la France « une république indivisible, laïque démocratique et sociale ».

En 1945, on crée un service public de la sécurité sociale. Il est chargé


d’assurer la protection de tous les actifs contre l’ensemble des risques sociaux à
l’exclusion du chômage. Les risques sociaux : la maladie, la maternité, vieillesse,
charges de famille. C’est donc à partir de 1945 qu’il va y avoir deux branches dans le
droit social : droit du travail et droit de la sécurité sociale.

95
La loi du 11 février 1950 a marqué son temps, sur les conventions collectives
et les conflits collectifs du travail. Il reprend ce qui a été voté en 1936. Cette loi
crée en outre le SMIG. Ce texte libère aussi la négociation collective des salaires,
bloquée depuis 1939. Enfin, ce texte intègre une règle que la Cour de cassation
refusait d’appliquer, en dépit du préambule de la constitution : « la grève ne rompt pas
le contrat de travail sauf faute lourde du salarié ».

Le CNPF, Centre National du Patronat Français, qui remplace la CGPF et les


syndicats vont créer en 1958 l’UNEDIC ; régime d’allocations au travailleur privé
d’emploi, qui repose sur une assurance obligatoire contre le risque chômage.

Pour la Vème République, notons que le gaullisme est fondé sur l’idée d’une
association entre capital et travail pour parachever l’intégration de la classe ouvrière
à la nation.

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Table des matières
Partie 1. Du travail encadré au travail libéré .............................................................................................. 3
Chapitre 1. Les relations de travail au Moyen Âge .................................................................................... 3
Section 1. La condition des personnes .......................................................................................................... 5
Paragraphe 1. Clercs et nobles ........................................................................................................................ 6
Paragraphe 2. Les roturiers ............................................................................................................................. 6
Paragraphe 3. Les serfs..................................................................................................................................... 6
A. Définition et sources du servage .............................................................................................................. 6
B. La condition servile ........................................................................................................................................ 7
Section 2. Les relations du travail dans le monde rural : une paysannerie dépendante et
dominée ................................................................................................................................................................... 8
Paragraphe 1. L’évolution de l’outillage .......................................................................................................... 8
Paragraphe 2. L’organisation domaniale ........................................................................................................ 8
A. L’origine des grands domaines .................................................................................................................... 9
B. La composition des grands domaines ........................................................................................................ 9
C. Les obligations du seigneur et des tenanciers ..................................................................................... 10
D. Des nouvelles formes de concessions des terres ............................................................................... 12
Section 3. L’apparition et l’organisation des associations professionnelles dans le monde urbain
................................................................................................................................................................................. 13
Paragraphe 1. L’apparition des communautés de métier ........................................................................ 14
Paragraphe 2. L’organisation des communautés de métiers ................................................................. 15
A. L’organisation intérieure du métier ........................................................................................................ 15
B. La réglementation professionnelle .......................................................................................................... 16
Section 4. Les conflits nés à l’occasion des relations de travail ........................................................ 17
Paragraphe 1. Les révoltes paysannes ......................................................................................................... 17
Paragraphe 2. Les révoltes ouvrières .......................................................................................................... 17
Chapitre 2. L’organisation du travail sous l’Ancien Régime ................................................................... 18
Section 1. La société d’ordres ....................................................................................................................... 18
Paragraphe 1. Les trois ordres du royaume ............................................................................................... 18
A. Le Clergé ......................................................................................................................................................... 18
B. La noblesse ..................................................................................................................................................... 19
C. Le Tiers Etat ..................................................................................................................................................20
a. La société roturière urbaine ........................................................................................................20
b. La société roturière rurale ..........................................................................................................20
Paragraphe 2. Les changements dans la société ...................................................................................... 21
A. Les changements idéologiques .................................................................................................................. 21

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B. Les changements démographiques ........................................................................................................... 21
C. L’essor économique .......................................................................................................................................22
Section 2. L’évolution du monde du travail urbain ...................................................................................22
Paragraphe 1. Les manufactures ...................................................................................................................22
A. Les manufactures d’Etat ............................................................................................................................22
B. Les manufactures royales ..........................................................................................................................23
C. Les manufactures privilégiées ..................................................................................................................24
Paragraphe 2. Le développement puis le blocage des associations professionnelles ....................24
A. L’extension progressive des corporations ............................................................................................24
B. Le blocage de corporations ........................................................................................................................25
a. Les abus sociaux .........................................................................................................................25
b. Les abus économiques ................................................................................................................26
c. Turgot et la tentative de suppression des corporations ...............................................................26
Paragraphe 3. Les compagnonnages..............................................................................................................27
A. L’apparition du compagnonnage ................................................................................................................27
B. L’organisation .................................................................................................................................................28
C. La répression des compagnonnages .........................................................................................................28
Section 3. L’accroissement des tensions sociales ...................................................................................28
Paragraphe 1. La réaction nobiliaire.............................................................................................................28
Paragraphe 2. Les grèves du prolétariat urbain.......................................................................................29
Chapitre 3. Le droit social intermédiaire ................................................................................................... 31
Section 1. L’assemblée constituante et la liberté du travail ................................................................32
Paragraphe 1. Le décret d’Allarde ................................................................................................................33
Paragraphe 2. La loi Le Chapelier..................................................................................................................33
Section 2. Le dirigisme de la convention ....................................................................................................34
Section 3. Le monde rural et la transformation de la propriété ........................................................35
Paragraphe 1. L’abolition des droits féodaux ............................................................................................35
Paragraphe 2. Le partage des biens communaux......................................................................................36
Chapitre 4. La stabilisation napoléonienne.................................................................................................37
Section 1. Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et ses tempéraments .........38
Paragraphe 1. Les restrictions concernant les personnes.....................................................................38
Paragraphe 2. Les restrictions concernant certaines activités ..........................................................39
A. Les commerces réglementés ......................................................................................................39
B. Les autorisations préalables .......................................................................................................39
C. Les monopoles d’Etat ................................................................................................................39
Section 2. La moralisation du commerce ....................................................................................................39

98
Section 3. Le cadre juridique du contrat de travail ............................................................................... 41
Paragraphe 1. Le livret ouvrier ...................................................................................................................... 41
Paragraphe 2. Le laconisme du code civil.................................................................................................... 41
Paragraphe 3. La durée du travail ................................................................................................................42
Paragraphe 4. Les conseils de prud’hommes ..............................................................................................42
Partie 2. Du travail libéré au travail industriel ........................................................................................44
3. 1848-1851 : l’ouverture de la seconde république .....................................................................46
4. Le second empire .......................................................................................................................47
Chapitre 1. La naissance du droit social ......................................................................................................48
Section 1. La nouvelle dimension du monde du travail urbain ...............................................................48
Paragraphe 1. La situation au début de la Restauration ........................................................................48
A. Les travailleurs .............................................................................................................................................48
B. Les urbains ......................................................................................................................................................48
C. Quelques chiffres sur la société urbaine..............................................................................................49
Paragraphe 2. L’extension du monde ouvrier.............................................................................................49
Section 2. L’aggravation de la condition de la classe ouvrière ............................................................50
Paragraphe 1. Le contrat de travail et le non interventionnisme ........................................................ 51
A. Le droit : l’affirmation du principe de la liberté contractuelle ..................................................... 51
B. La pratique : l’existence de disparités contractuelles ...................................................................... 51
Paragraphe 2. L’embauche et le livret ouvrier .......................................................................................... 51
A. L’embauche .....................................................................................................................................................52
B. Le livret ouvrier ............................................................................................................................................52
Paragraphe 3. Les conditions de travail......................................................................................................52
A. La durée du temps de travail ....................................................................................................................53
B. Les conditions matérielles .........................................................................................................................53
Paragraphe 4. Le travail des enfants et la loi du 22 mars 1841 ..........................................................53
A. La prise en compte de la durée du travail des enfants ....................................................................53
B. Le contenu et l’application de la loi du 22 mars 1841 ........................................................................54
Paragraphe 5. Les salaires ..............................................................................................................................55
Paragraphe 6. Le logement ouvrier...............................................................................................................56
Paragraphe 7. La misère physiologique et la misère morale des ouvriers ........................................56
Section 3. La formation d’une conscience de classe et la naissance d’un mouvement ouvrier ...57
Paragraphe 1. La formation d’une conscience de classe .........................................................................57
A. Les obstacles à la formation d’une conscience de classe .................................................................57
B. La disparition des obstacles à la formation d’une conscience de classe .....................................57
Paragraphe 2. La naissance du mouvement ouvrier .................................................................................58
99
A. Le compagnonnage ........................................................................................................................................58
B. Les différentes formes de lutte ouvrière ............................................................................................59
C. La grève ...........................................................................................................................................................59
D. Les émeutes ouvrières ................................................................................................................................ 61
E. L’aspiration du monde ouvrier à l’unité ...................................................................................................62
Chapitre 2. L’émergence de la nouvelle société rurale ..........................................................................62
Section 1. Les mouvements paysans .............................................................................................................63
Paragraphe 1. Les différents troubles........................................................................................................63
A. Les troubles de subsistance .....................................................................................................................63
B. Les troubles antifiscaux .............................................................................................................................64
C. Les troubles forestiers ..............................................................................................................................64
D. La contestation de la nouvelle agriculture............................................................................................65
Paragraphe 2. La généralisation des troubles et la crise de la société rurale ...............................65
Paragraphe 3. L’expression politique du mécontentement paysan ......................................................66
Section 2. La nouvelle société rurale ..........................................................................................................67
Paragraphe 1. L’amélioration du niveau de vie ...........................................................................................67
Paragraphe 2. La libération des paysans ....................................................................................................67
Paragraphe 3. « Le grand calme dans les campagnes » ..........................................................................68
Section 3. La « crise agricole ».....................................................................................................................68
Chapitre 3. La mise en place d’un mouvement ouvrier moderne ..........................................................69
Section 1. La diffusion des idées socialistes ou sociales ......................................................................69
Paragraphe 1. Les idées sociales en Angleterre .......................................................................................70
A. Robert Owen ..................................................................................................................................................70
B. Le chartisme................................................................................................................................................... 71
Paragraphe 2. Les socialismes en France ................................................................................................... 71
A. La réforme de la société ............................................................................................................................72
a. Le saint simonisme -1770-1825- ................................................................................................72
b. Charles Fourier -1772-1837- ......................................................................................................72
c. Proudhon -1809-1865-................................................................................................................73
B. Socialisme et démocratie ...........................................................................................................................73
a. Cabet et le communisme utopique -1788-1856- ........................................................................73
b. Buchez et le socialisme chrétien -1796-1865- ...........................................................................73
c. Pierre Leroux et la religion de l’humanité -1791-1871- .............................................................74
d. Louis Blanc et l’organisation du travail -1811-1882- ................................................................74
e. Blanqui et la révolution -1805-1881- .........................................................................................74
Section 2. Le monde du travail urbain.........................................................................................................75

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Paragraphe 1. La durée du travail .................................................................................................................75
Paragraphe 2. Le statut ouvrier ....................................................................................................................75
Section 3. La société urbaine sous le second empire .............................................................................76
Paragraphe 1. Le statut des ouvriers ..........................................................................................................76
Paragraphe 2. Les conditions de travail et les conditions de vie ........................................................77
Chapitre 4. Le droit du travail et la nouvelle codification sous la IIIème République ................78
Section 1. L’installation de la IIIème république : de l’hésitation du 4 septembre 1870 aux
lois constitutionnelles de 1875 ......................................................................................................................78
Paragraphe 1. La présidence de Thiers et la commune de Paris .........................................................79
A. La commune de Paris ...................................................................................................................................79
a. La mise en place de la commune ................................................................................................79
b. Les réalisations de la commune .................................................................................................80
1. Le gouvernement de la commune ..............................................................................................80
2. La législation sociale de la commune ........................................................................................81
c. La répression de la commune .....................................................................................................81
B. La présidence et la chute de Thiers .......................................................................................................82
Paragraphe 2. La présidence de Mac Mahon et les lois constitutionnelles de 1875 .....................82
A. L’échec de la restauration monarchique ................................................................................................83
B. La « République in extremis » ...................................................................................................................83
Section 2. Le ralliement tacite du mouvement ouvrier au nouveau régime .....................................84
Section 3. La législation ouvrière .................................................................................................................87
Section 4. La recodification du droit du travail ...................................................................................... 91

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