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Les défis du multicanal

Par Philippe Mudry le 26/04/2007

Il y a un vrai paradoxe dans les relations entre les banques et leurs clients. Jamais les premières, grandes ou
petites, n’ont autant investi dans les canaux par lesquels elles entretiennent le contact avec les seconds, mais
sans pour autant venir à bout d’une certaine réserve de ces derniers quant aux résultats obtenus. Ce n’est pas
que les clients n’aient pas bien noté les efforts des banques pour améliorer leurs services et prendre en compte
leurs besoins. Les enquêtes de satisfaction sont claires sur ce point, qui montrent que 4 Français sur 5 ont une
bonne opinion de leur banque et que ce pourcentage est en augmentation.
De fait, pour constater le chemin parcouru, il suffit de se pencher sur l'évolution du nombre d’agences bancaires
en France par exemple : désormais ouvertes à 60 % le samedi, leur nombre a crû de près de 10 % entre 2000 et
2006 après une longue période de stagnation. Quant aux distributeurs automatiques de billets, ils ont été
multipliés par 2,6 en moins de 15 ans. Profitant de ses sites internet constamment rénovés, 60 % des Français
gèrent désormais leurs comptes en ligne. Globalement, sur 9 milliards de dépenses informatiques l’an dernier,
une large part a précisément eu pour objet de poursuivre l’amélioration de la relation clientèle, considérée avec
raison comme l’une des clés du développement équilibré de l’exploitation bancaire.
Pourtant, les chiffres portent aussi la trace persistante de la réserve d’une fraction significative de la clientèle. Nul
doute qu’elle s’explique
en partie par la nostalgie d’une époque où la relation avec un conseiller unique était certes lente, mais aussi
simple et personnelle. La banque multicanal, qui enrichit la relation, la complexifie aussi. Pour les établissements
financiers, la coordination des différents canaux requiert des procédures de plus en plus lourdes et complexes à
mettre en œuvre, tandis que pour le client, l’habitude prise avec internet d’obtenir satisfaction de ses désirs en un
simple clic rend les imperfections résiduelles du service de plus en plus irritantes. A l’heure du temps réel,
l’exigence de la clientèle se trouve démultipliée. On accepte moins la queue au guichet, le fax au lieu du courriel
ou l’attente via l’impersonnelle plate-forme téléphonique, surtout si la qualité de service diffère d’un canal à
l’autre.
Pour les acteurs, là est le défi. Dans un métier de la banque de détail qui s’industrialise, la coûteuse nécessité de
conserver un caractère personnel, et même « sur mesure », à la si particulière relation bancaire est plus forte que
jamais. Surtout en un temps où, dans le secteur financier comme ailleurs, la traditionnelle fidélité de la relation
commerciale a tendance à s’éroder. n

La relation banque-client à l'épreuve


Par Soraya Haquani le 26/04/2007

Les acteurs bancaires assurent améliorer la qualité de leur service mais les usagers restent réservés.

Les banques le clament haut et fort : l’un de leurs grands sujets de préoccupation porte sur l’amélioration de la
relation client et ce par le biais du multicanal qui consiste à coordonner l’ensemble des canaux (agences,
téléphone, internet, distributeurs de billets, téléphonie mobile...) pour que les services soient le plus accessible
possible aux clients. Pourtant, ceux-ci jugent encore la qualité de la relation bancaire insatisfaisante, comme l’a
montré la deuxième édition du Baromètre de la relation banque-client réalisée fin 2006 par le cabinet de conseil
Cosmosbay-Vectis auprès d’un millier de clients des neuf principales banques de détail françaises. Parmi eux, 40
% ont attribué à cette relation une note inférieure à 6 sur 10, alors que la moyenne dans le secteur des services
se situe à 7. Or, les établissements bancaires affirment pour leur part que la qualité de leur service a
considérablement progressé. En effet, selon une étude de l’Efma (association européenne de management et
marketing financiers) et du cabinet de conseil Finalta, réalisée entre juin et novembre 2006 auprès de banques
européennes, 82 % d’entre elles affirment avoir amélioré le service rendu à la clientèle en 2006, contre 66 %
l’année précédente. Il faut dire que le sujet mérite d’être pris en compte par les acteurs : selon cette enquête, une
banque de taille moyenne et dotée d’une performance moyenne gagne un avantage financier annuel supérieur à
40 millions d’euros en adoptant de meilleures pratiques en matière de service à la clientèle.
Un client plus exigeant
Mais le hiatus entre la perception des clients et les affirmations des banques existe bel et bien. « Trois grandes
banques viennent de lancer des appels d’offres à destination de prestataires technologiques sur le sujet du
multicanal », confie Stéphane Dietrich, directeur général de l’éditeur de logiciels Neolane, dédié au marketing et
à la communication. Si les banques investissent toujours dans des outils destinés à mieux communiquer avec
leurs usagers, comment expliquer le sentiment d’insatisfaction d’une partie de ces derniers ? Selon certains
experts, la réponse est liée aux clients eux-mêmes. « Ce qu’il y a de plus frappant dans le CRM (customer
relationship management) bancaire, c’est le comportement du client. Il est plus volatil, moins fidèle car il est plus
informé et mieux équipé. Concernant les services bancaires, il se montre plus exigeant et veut savoir
concrètement à quoi correspondent les tarifs qu’il paie », constate Donald François, directeur associé chez Soft
Computing, éditeur spécialisé notamment dans les outils de CRM. La cause de ce changement
d’attitude : internet. « Les clients ont atteint une certaine maturité dans l’utilisation des nouvelles technologies,
relève Fabrice Kahn, associé chez Roland Berger. Internet va plus loin que la simple fourniture d’information ou
la réalisation de transactions de base, en permettant de faire des simulations et des comparaisons, d’acheter des
« Les outils se complètent »
Par Sophie Maréchal le 26/04/2007

Quelle est votre campagne de marketing multicanal la plus réussie ?


Le lancement de la carte football, en avril 2006, a été le terrain d’expérimentation d’une campagne de marketing
direct qui accompagnait la commercialisation d’un nouveau produit financier. L’objectif était d’inciter à souscrire
pour une deuxième carte sur un même compte. Nous avons réussi à placer 17.000 cartes sur une base de
280.000 porteurs la première année. Aujourd’hui, le stock s’établit à 12.500 porteurs.
Comment avez-vous utilisé les différents outils ?
Nous avons défini des messages spécifiques pour chacun d’eux (argumentaire préparé pour nos conseillers en
agences et dans nos centre d’appels, bannières sur le site internet Bred.fr, affiches publicitaires dans les
agences).
Quid du marketing affinitaire ?
Dans la monétique, les cartes affinitaires sont un formidable moyen non seulement de vendre un produit financier
différencié de l’offre standard, mais aussi de fidéliser nos clients et de constituer une base de contacts qualifiés.
La moitié des membres du club acceptent de recevoir une newsletter par e-mail et des alertes SMS sur leur
téléphone portable. Nous pourrions envisager de réaliser des campagnes « rebond », par exemple en proposant
une assurance multirisque à un client qui vient de réserver pour assister à un match à l’étranger.
N’existe-t-il pas d’autres moyens d’utiliser
les canaux comme l’e-mail et les SMS ?
Les campagnes d’e-mailing ou de SMS présentent des attraits en termes de coûts.
Mais pour les utiliser à bon escient, nous devons d’abord conquérir nos clients comme des prospects. Ils doivent
consentir à recevoir
des offres promotionnelles selon les principes
de l’« opt-in »*. Nous avançons avec prudence
dans ces nouveaux usages, le consentement des clients étant un préalable indispensable.
* Le client donne son aval pour recevoir des offres commerciales sur son e-mail ou son téléphone mobile.

L'AVIS DE DENIS TASSEL, ASSOCIÉ AU SEIN DU PÔLE BANQUE ET FINANCES D'EUROGROUP


"Une attente d'autonomie dans l'achat de produits bancaires"
le 26/04/2007

Le multicanal est-il une réalité


dans les banques françaises aujourd’hui ?
Oui et non. Oui, car le multicanal en termes d’offres de service et de réalisation d’opérations est une réalité de
marché : les clients peuvent réaliser leurs opérations du quotidien via plusieurs canaux. En ce sens, le multicanal
est même désormais un standard de marché. Non, dès lors que l’on quitte le périmètre des opérations courantes,
où la réalité du multicanal dans la banque de détail devient plus discutable. Les interactions entre les canaux sont
faibles et on est encore plus dans une logique de juxtaposition de canaux (pluricanal) que de réelle synergie. A
titre d’illustration, une étude que nous avons réalisée début 2006 mettait en évidence le fait que quasiment aucun
site internet bancaire ne permettait de prendre un rendez-vous en agence ou d’initier une vente avec un rebond
possible vers la plate-forme téléphonique. En outre, les plates-formes téléphoniques et les sites internet des
banques ont une contribution marginale à la vente alors que la dimension marchande d’internet est une réalité
dans la plupart des secteurs d’activité. Internet devient incontournable dans la distribution de crédits à la
consommation, de valeurs mobilières… Cette mutation est mieux appréhendée par les acteurs spécialisés, voire
par de nouveaux acteurs (courtiers, brokers on line, etc.)
Cette situation va-t-elle perdurer ?
Assurément non. Des initiatives récentes ( Boursorama Banque et Monabanq. notamment) nous semblent être
en mesure de rencontrer un réel succès et pourraient faire « sauter » le verrou créé par les échecs des pure
internet players des dernières années. Mais, et cela nous semble être le principal facteur de changement, les
grands acteurs de la Place sont ou se mettent progressivement en situation de renforcer la dimension multicanal
de leur dispositif de distribution (adaptation des métiers, des systèmes d’information, des dispositifs de suivi et de
pilotage…).
Pourquoi une accélération dans le déploiement effectif du multicanal ?

Deux raisons nous semblent pouvoir être mises en avant. Tout d’abord, une prise de conscience généralisée des
enjeux commerciaux et financiers associés à la vente à distance de produits financiers et des risques de
marginalisation dans le cas contraire. Et, d’autre part, la satisfaction des attentes d’une frange de la clientèle qui
souhaite être autonome dans tout ou partie de l’acte d’achat. Tout cela milite pour un accroissement très
significatif de la part de produits bancaires vendus à distance, concrétisant ainsi les promesses du multicanal.

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