LOrigine des mtiers Voltaire

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Quand Promthe eut form son image Dun marbre blanc faonn par ses mains, Il pousa, comme on sait, son ouvrage : Pandore fut la mre des humains. Ds quelle put se voir et se connatre, Elle essaya son sourire enchanteur, Son doux parler, son maintien sducteur, Parut aimer, et captiva son matre ; Et Promthe, lui plaire occup, Premier poux, fut le premier tromp. Mars visita cette beaut nouvelle ; Lclat du dieu, son air mle et guerrier, Son casque dor, son large bouclier, Tout le servit, et Mars triompha delle. Le dieu des mers, en son humide cour, Ayant appris cette bonne fortune, Chercha la belle, et lui parla damour : Qui cde Mars peut se rendre Neptune. Le blond Phbus, de son brillant sjour, 1

Vit leurs plaisirs, eut la mme esprance ; Elle ne put faire de rsistance Au dieu des vers, des beaux-arts et du jour. Mercure tait le dieu de lloquence : Il sut parler, il eut aussi son tour. Vulcain, sortant de sa forge embrase, Dplut dabord, et fut trs maltrait ; Mais il obtint par importunit Cette conqute aux autres dieux aise. Ainsi Pandore occupa ses beaux ans, Puis sennuya sans en savoir la cause. Quand une femme aima dans son printemps, Elle ne peut jamais faire autre chose ; Mais, pour les dieux, ils naiment pas longtemps. Elle avait eu pour eux des complaisances : Ils la quittaient ; elle vit dans les champs Un gros satyre, et lui t les avances. Nous sommes ns de tous ces passe-temps ; Cest des humains lorigine premire : 2

Voil pourquoi nos esprits, nos talents, Nos passions, nos emplois, tout diffre. Lun eut Vulcain, lautre, Mars pour son pre, Lautre, un satyre ; et bien peu dentre nous Sont descendus du dieu de la lumire. De nos parents nous tenons tous nos gots. Mais le mtier de la belle Pandore, Quoique peu rare, est encor le plus doux ; Et cest celui que tout Paris honore.