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Les négociations d’adhésion à l’Union Européenne, la libre circulation des

capitaux & l’acquisition de propriétés par les non résidents.

1) Les négociations sur le chapitre concernant la libre circulation des capitaux représentent
une bonne illustration de la complexité du processus de négociations de l’adhésion à l’UE
pour les pays d’Europe centrale & orientale. Je vais essayer de décrire ce mécanisme en
choisissant des exemples essentiellement en Pologne et en République Tchèque mais j’en
prendrai aussi dans un contexte différent, à Malte car ce cas de figure a pu pour des raisons
différentes, être considéré comme un cas d’école.

2) Au paravent, je tiens à présenter un point : je n’aborderai pas au cours de mon exposé la


question de la restitution des terres, puisqu’il a été clairement reconnu que ce thème était un
thème de conséquence totalement national et que les institutions communautaires ne voulaient
s’immiscer en aucune manière dans un débat qui dépendait en totalité des orientations
politiques qui étaient prises au niveau national.

3) Après un aperçu général sur la conduite des négociations, je me propose d’aborder les
questions de la libre circulation des capitaux et des investissements directs étrangers avant
d’évoquer le thème plus spécifique de l’acquisition de propriétés par les non résidents.

A la fin de mon exposé je vous donnerai, si vous le souhaitez, quelques informations


d’actualité sur la situation de la politique d’élargissement de l’UE.

I. Les négociations d’adhésion à l’Union Européenne

1) Après la chute du mur de Berlin, il est rapidement devenu évident que l’objectif politique
des pays d’Europe centrale et orientale était l’adhésion à l’Union Européenne.
Pour la première fois de son histoire, l’Union Européenne devait faire face à un processus
d’élargissement d’une telle ampleur, à la fois de par le nombre de pays candidats, mais aussi
de par l’importance des écarts de niveau de développement socio-économique entre les Etats
membres et candidats.

Mais ce n’était pas, en termes économiques et de population relative, l’élargissement le plus


considérable auquel avait du faire face l’Union Européenne. En 1973 l’élargissement au
Royaume Uni, au Danemark et à l’Irlande était plus important économiquement et en
population par rapport à la communauté à six de l’époque, que ne le fût l’élargissement de
2004 par rapport à l’Union à 25.

Néanmoins, politiquement il s’agissait d’un événement majeur car il avait pour ambition la
réconciliation et la réunification des deux moitiés de l’Europe, séparées par le rideau de fer
pendant approximativement un demi-siècle.

2) Devant le nombre particulièrement important de candidats potentiels, il a été jugé


nécessaire d’établir des critères d’adhésion objectifs. Ce furent les fameux critères de
Copenhague de 1973 : ils étaient au nombre de trois. Le pays candidat devait politiquement
avoir une démocratie qui fonctionne, il devait économiquement posséder une économie de
marché et être capable le jour de son adhésion d’être compétitif avec les autres Etats membres
de l’Union et enfin sur le plan administratif, il devait être en situation d’intégrer l’acquis
communautaire dans son ordre juridique national et de le mettre en œuvre.
13 pays ont présenté leur candidature, dix ex-communistes d’Europe Centrale et orientale,
plus la Turquie et les deux îles de Chypre et de malte dans des situations radicalement
différentes.

3) Les négociations ont été relativement longues, mais cette caractéristique était nécessaire
dans la mesure où leur objet portait sur l’ensemble de l’acquis communautaire, soit trente et
un chapitres qu’il a fallu aborder avec douze pays, soit plus de trois cent négociations
particulièrement techniques en parallèle. Nous n’avons négocié qu’avec douze pays (six qui
ont débuté après Luxembourg en 1998 et six autres qui ont commencé après Helsinki en
2000) car la treizième, la Turquie, n’a pas été jugée apte à répondre au critère politique de
Copenhague qui commandait l’ouverture du processus. Vous pouvez facilement imaginer la
technicité des négociations avec un pays comme la Pologne, sur le chapitre agricole.

4) Jamais, à une exception près, qui nous concerne aujourd’hui, nous n’avons accordé de
dérogations. Les pays qui négociaient devaient intégrer la totalité de l’acquis communautaire
et surtout être capables de la mettre en œuvre. Comme il s’agissait bien souvent d’Etats qui
n’étaient pas excessivement riches, la mise en œuvre de cet acquis leur était très coûteux, je
peux vous citer de nombreux exemples (contrôle aux frontières extérieures, règles
phytosanitaires, qualité de l’eau, de l’air etc…). C’est pourquoi l’objet des négociations a été
la fixation de périodes transitoires, lorsqu’elles étaient nécessaires. Celles-ci se sont
échelonnées de six mois à douze années dans les cas les plus délicats. Elles ont concerné
aussi des domaines pour lesquels le coût de mise en œuvre de l’acquis n’était pas l’élément
déterminant par exemple celui qui nous intéresse aujourd’hui, la libre circulation des capitaux.
Elles ont aussi parfois été réclamées par l’Union Européenne, comme pour la libre circulation
des personnes et le droit d’établissement.

5) Néanmoins ces négociations ont pu être menées à bien et conclues avec dix des douze pays
avec lesquels elles avaient été ouvertes, à Copenhague en décembre2002. Seules la Bulgarie
et la Roumanie n’ont pas été jugées prêtes. Elles n’ont pas pu adhérer avec les dix autres pays
le premier 2004. Les négociations ont continué avec ces deux Etats et elles ont été
techniquement conclues avec la Bulgarie en juin 2004 et avec la Roumanie en décembre
2004. Ces deux pays devaient normalement adhérer en janvier 2007 (ou éventuellement
2008).
Nous sommes, comme vous le savez, actuellement en train d’amorcer le processus de
négociations avec la Turquie et la Croatie.

Après ce bref rappel d’ensemble, je souhaiterais maintenant aborder la question qui nous
concerne plus directement, à savoir la libre circulation des capitaux.

II. La négociation sur le chapitre concernant la libre circulation des capitaux et les flux
d’investissements directs étrangers.

A. La libre circulation des capitaux

Le chapitre 4 des négociations d’adhésion porte sur une des quatre grandes libertés du traité
de Rome à savoir la libre circulation des capitaux qui doit être garantie à la date d’adhésion,
sauf accord sur une période transitoire plus ou moins longue. Ce point se réfère aux articles 56
à 60 du traité prohibant toutes restrictions sur les mouvements de capitaux et les paiements
entre Etats membres mais aussi, sauf exception, avec des pays tiers.
Il se réfère aussi aux articles 119 et 120 du traité sur les clauses de sauvegarde en matière de
balance de paiements.

Il vise enfin des règlements du Conseil sur l’assistance financière à moyen terme et des
directives sur les transferts transfrontaliers et sur le blanchiment de l’argent sale.

L’ensemble de ces points ont pu être négociés avec la totalité des pays candidats sans de trop
grandes difficultés, à la seule exception importante du marché de l’immobilier, des achats de
résidences secondaires, de terres agricoles ou de forêts, que nous examinerons ultérieurement.

La libre circulation des capitaux et des paiements transfrontaliers a été plus ou moins acquise
dans ses grandes lignes avec la totalité des pays candidats à la date d’adhésion à quelques
adaptations techniques mineures près.

B. Les flux d’investissements directs étrangers

Cette libre circulation des capitaux a permis un décalage très rapide des investissements
directs étrangers dans la plupart des pays candidats.

L’Europe centrale et orientale qui était un désert en matière d’investissements directs


étrangers au début des années 1998 est rapidement devenue une zone d’attraction privilégiée
dans le monde, selon un récent rapport de la CNUCED.

A la fin de 2004 c’est presque un total de 200 milliards d’euros qui sont entrés dans cette
région, depuis le début de la période transitoire. La Pologne à elle seule, a attiré plus du quart
de l’enveloppe globale. Depuis une dizaine d’années, ce sont presque 5milliards d’euros
d’investissements directs étrangers qui entrent chaque année en Pologne.

Dans un premier temps, essentiellement pendant les années 1990 ce flux a été favorisé par les
politiques de privatisations qui étaient conduites dans les différents pays en transition. Mais
depuis le début du vingt et unième siècle ces politiques marquent le pas, car l’essentiel de
leurs objectifs a été atteint. Et pourtant, loin de diminuer, les flux d’investissements directs
étrangers se maintiennent à leur niveau antérieur : il s’agit maintenant de ce que l’on appelle
des « greenfields » ou des investissements ex nihila qui sont effectués par des firmes, sans
reprise d’actifs existant antérieurement.
Ce nouveau type d’investissements devrait permettre le décollage des nouveaux Etats
membres et leur convergence économique avec l’UE.
Je souhaiterais maintenant revenir à un thème qui vous intéresse plus directement, à savoir
l’acquisition d’immobilier par les non résidents.

III. L’acquisition de propriétés par les non résidents et la situation dans chacun des
nouveaux Etats membres.

Comme je vous l’ai déjà dit, ce thème a constitué le seul dossier particulièrement sensible des
négociations sur le chapitre sur la libre circulation des capitaux.

A. Le contexte historique

Ce dossier était sensible dans de nombreux pays candidats essentiellement pour des raisons
historiques.
Les polonais, les tchèques, les slovaques, les estoniens, les lettons, les lituaniens et les
hongrois avaient peur que des citoyens allemands ou autrichiens disposant de hauts revenus
veuillent acquérir les propriétés immobilières que leurs ancêtres avaient pu posséder au cours
de l’histoire.

Cette crainte concernait essentiellement des terres agricoles ou des forêts, notamment en
Silésie, Poméranie ou dans les Sudètes, mais aussi des immeubles qui pouvaient constituer de
belles résidences secondaires à Tallin, Riga, Vilnius, Prague, Bratislava ou Budapest.
Je vous rappellerai par ailleurs que Tallin est situé juste en face d’Helsinki dans le golfe de
Finlande, que Bratislava n’est qu’à 60 km de Vienne et que Garitzia, dans le Frioul, est ville
frontalière.

Cette situation se retrouvait, dans un contexte légèrement différent, dans les deux îles de
Chypre et de Malte (la Valette) où des citoyens britanniques avaient déjà pris l’habitude de
s’acheter des résidences secondaires pour venir passer leurs vieux jours au soleil.
Le problème était encore rendu plus aigu, à Malte, à cause de l’exiguité de l’île et de sa
densité de population.

La difficulté était amplifiée dans de nombreux pays d’Europe centrale et orientale par le fait
que beaucoup de ces propriétés avaient été nationalisées à la période communiste et faisaient
l’objet de politiques de privatisations qu’elles étaient donc l’objet potentiel de ventes à des
étrangers.
Dans la plupart des pays candidats il est apparu nécessaire d’établir des périodes transitoires
relativement longues, afin d’attendre que les niveaux des prix et des revenus, inflation aidant,
se soient rapprochés de ceux des anciens Etats membres.

B. Le résultat des négociations

Elles ont été longues et difficiles avec chacun des pays candidats.

Il faut différencier d’une part les terres agricoles et les forêts et de l’autre les résidences
secondaires. Les investissements industriels étaient libéralisés dés la date d’adhésion, des
argumentations serrées ont eu lieu sur la nature exacte des propriétés concernées.

Pour ce qui est des terres agricoles et des forêts, les étrangers sont soumis aux dispositions
nationales restrictives existantes pendant la période transitoire sauf si les ressortissants
communautaires concernés peuvent faire valoir leur qualité d’agriculteurs indépendants avant
l’adhésion.
La période transitoire acceptée pour la Pologne a été particulièrement longue : 12 ans
jusqu’en 2016 pour des raisons évidentes, elle a été aussi relativement longue pour les autres
pays (c'est-à-dire l’Estonie, le Lituanie, la Lettonie, la République Tchèque, la Slovaquie et la
Hongrie) : 7 ans jusqu’en 2011, mais avec possibilité de révision au bout de 4 ans en 2007.

Pour ce qui est de l’achat des résidences secondaires, les non résidents sont soumis aux
dispositions nationales restrictives existantes pendant 5 ans jusqu’en 2009 à Chypre, en
Hongrie, en Pologne et en République Tchèque.
Malte, pour des raisons tout à fait particulières évoquées ci-dessus, a obtenu la seule
dérogation permanente à l’acquis communautaire accordée dans le cadre des négociations.
De son côté la Slovénie a obtenu pour l’ensemble du marché immobilier la possibilité d’avoir
recours à la clause générale de sauvegarde jusqu’en 2011 et non seulement pendant trois
années après l’adhésion, comme il est généralement prévu.

Voilà Mesdames et Messieurs ce que je voulais vous dire, je laisse maintenant à des experts
plus qualifiés que moi le possibilité de vous apporter des informations mieux argumentées sur
cette question de la libre circulation des capitaux et de l’acquisition des propriétés par les non
résidents.
Je veux simplement vous dire d’une manière plus globale, qu’avec un an et demi de recul le
pari de l’élargissement de l’Union Européenne nous semble relativement bien engagé,
notamment du côté des nouveaux Etats membres, si l’on prend en considération les
indicateurs qui sont en notre possession. Un important travail reste néanmoins à accomplir.
L’élargissement est d’ailleurs un processus continu qui est amené à se poursuivre comme les
événements de la semaine dernière vous l’ont démontré. C’est la raison pour laquelle, si vous
le souhaitez, je suis prêt à répondre à vos questions sur ces thèmes d’actualité et notamment
sur l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Turquie.

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