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Le passage de 1761

(P. Rocher, Observatoire de Meudon, Formation des enseignants à l'astronomie, Unité de Formation et d'enseignement, Meudon, mars 2003)

Pour ce premier passage, l’ensemble de la communauté astronomique se mobilisa. Aux


difficultés liées aux voyages, vint s’ajouter la guerre de sept ans, conflit quasi-mondial qui
embrasa non seulement l’Europe mais aussi les mers et les colonies.

La mobilisation des astronomes pour l’observation de ce passage fut faite par l’astronome
français Joseph-Nicolas Delisle (1688-1768) qui envoya à plus d’une centaine de correspondants
de par le monde sa Mappemonde du passage de 1761.

L’Académie Royale des sciences organisa à cette occasion trois campagnes d’observation.
Deux de ces voyages eurent lieu dans des pays alliés de la France, celui de César-François Cassini
de Thury (1714-1784) à Vienne qui observa le passage en compagnie de l’archiduc Joseph et celui
de l’Abbé Jean-Batiste Chappe d’Auteroche (1728-1769) àTobolsk en Sibérie sur invitation de
l’impératrice Élisabeth I. Le troisième fut celui d’Alexandre Guy Pingré qui se rendit dans l’île
Rodrigues (au nord de Madagascar), desservi par la compagnie des Indes. Un quatrième
astronome, Guillaume Joseph Hyacinthe Jean-Batiste Le Gentil de La Galaisière (1725-1792),
prit la mer dans le but d’observer le passage de Vénus aux Indes à Pondichéry; malheureusement
son voyage fut interrompu, la ville de Pondichéry étant tombée aux mains des anglais, son navire
fit demi-tour et rallia l’île de France (île Maurice) où Le Gentil décida de rester en attendant le
passage suivant. Enfin l’astronome Joseph-Jérôme Lefrançois de Lalande (1732-1807) se rendit
au Luxembourg.

Les astronomes anglais organisèrent également deux campagnes lointaines pour


l’observation du phénomène. Nevil Maskelyne (1732-1811) se rendit à Sainte-Hélène où il ne put
observer le passage à cause du mauvais temps et un second groupe formé de Charles Mason
(1728-1786), de James Bradley et de Jeremiah Dixon (1733-1779) devait observer le passage
depuis Bencoolen (Sumatra). En réalité, ils observèrent le passage de Vénus près du Cap, ayant
eux aussi fait demi-tour, Bencoolen étant tombé aux mains des français! John Winthrop,
professeur à Harvard se rendit à St-John (Terre-Neuve) où “entouré de milliards d’insectes
décidés à saboter sa besogne” il réussit à observer le dernier contact du passage.

D’autres pays participèrent à cette campagne, ainsi l’Allemand Maximilien Hell l’observa
depuis Vienne, le Suédois Peer Wargentin l’observa à Stockholm, le Danois Peter Wargentin à
Copenhague, l’Italien Eustacio Zanotti à Bologne, le Portugais De Almeida à Porto, les
Hollandais Johan Lulofs à Leiden, Jan de Munck à Middelburg, Dirk Klinkenberg àla Hague et
enfin Johan Maurits Mohr à Batavia (Jakarta). Le nombre total d’observateurs professionnels
du passage fut de 120, répartis sur 62 sites (S. Newcomb, 1959). Il convient de remarquer qu’une
partie des lieux d’observations (Bencoolen, Pondichéry, Batavia) avait déjà été sélectionnée par
Halley dès 1716.

Les résultats furent assez décevants, les valeurs trouvées pour la parallaxe solaire varièrent
de 8.5” à 10.5” en fonction des auteurs qui firent les réductions des observations. Cette grande
marge d’erreur est due à deux causes principales, une mauvaise connaissance des longitudes des
lieux d’observation et le phénomène dit de la goutte noire qui faussa la détermination des instants
du premier et du dernier contact intérieur.
Le passage de 1769
(P. Rocher, Observatoire de Meudon, Formation des enseignants à l'astronomie, Unité de Formation et d'enseignement, Meudon, mars 2003)

L’expérience acquise lors de l’observation du passage de 1761 va servir à améliorer les


méthodes d’observations pour le passage de 1769, passage plus favorable car plus central.
Lalande organisa les observations des astronomes français. L’étude des lieux propices à
l’observation fut faite par Pingré. Le Gentil resté à Madagascar, se rendit d’abord à Manille,
puis à Pondichéry où un nuage fatal le priva de l’observation.
Chappe accompagné de l’ingénieur géographe Pauly, du dessinateur Noël et de l’horloger
Dubois ainsi que deux astronomes espagnols Vicente de Doz et Salvador de Medina se rendit en
basse Californie sur la côte ouest du Mexique, près du Cap Lucas dans une mission espagnole
portant aujourd’hui le nom de San José del Cabo. L’observation du passage par Chappe et ses
collaborateurs fut un succès, ils restèrent sur place pour observer l’éclipse de Lune du 18 juin
1769 afin de déterminer avec précision la longitude de leur lieu d’observation et succombèrent à
une épidémie de typhus qui décima les trois quarts de la population, seul Pauly survécu à
l’épidémie. La troisième expédition française fut une expédition maritime dont le but n’était pas
uniquement l’observation du passage de Vénus mais de tester les horloges marines inventées par
Berthoud. Pingré et le Comte de Fleurieu, commandant de l’expédition observèrent le passage de
Vénus depuis le Cap François à Saint-Domingue

En Angleterre l’observation du passage de 1769 fut activement préparée. Dès 1763, James
Ferguson décrivit le futur passage dans les Philosophical Transactions et deux ans plus tard,
Thomas Hornsby publia un mémoire important sur l’opportunité d’observer le prochain passage

En novembre 1767, un comité spécial fut créé pour préparer l’observation du passage de
1769. Ce comité décida d’envoyer trois équipes d’observateurs. Une première équipe
d’observateurs, formée de Dymond et Wales, se rendit à Fort Churchill dans la Baie d’Hudson.
Une seconde équipe, formée par le père Maximilen Hell, assisté par l’astronome danois
C. Horrebow et par un jeune botaniste Borgrewing, devait se rendre à Vardô, une petite île au
nord de la péninsule scandinave et une dernière équipe devait se rendre dans les îles des mers du
sud comme l’avait suggéré Thomas Hornsby. L’observation à Tahiti fut faite par Charles Green
et James Cook. A ces trois équipes il convient d’ajouter Bayley et Dixon ; Bayley observa le
passage au Cap Nord et J. Dixon l’observa sur l’île norvégienne d’Hammerfest. A ces
observations, il convient d’ajouter celles réalisées (environ 90) dans les colonies britanniques
américaines sous l’impulsion de J. Winthrop, auteur de la seule observation américaine en 1761.

L’Académie impériale de Russie sous l’impulsion de la tzarine Catherine Il invita


également de nombreux astronomes étrangers à venir observer le passage de Vénus. Ce fut le cas
du jésuite allemand C. Mayer, des astronomes suisses Mallet et Pictet et du suédois J. Lexell, L.
Euler fit également le voyage. La Russie envoya ces observateurs sur de nombreux sites répartis
sur son vaste territoire (Yakutsk, Orks et Orenbourg dans le sud de l’Oural, la péninsule de
Kola, St Petersbourg).

De la troisième place pour le nombre d’observations effectuées lors du premier passage de


Vénus, les Anglais vont passer à la première place avec 69 observations sur des sites distincts, ils
sont suivis par la France avec 34 observations seulement, ce qui marque le futur déclin de
l’hégémonie scientifique de la France en Europe. Finalement le passage de 1769 se solda par 151
observations professionnelles, réparties sur 77 sites. Malgré les moyens d’observations mis en
œuvre, 27 lunettes achromatiques (il n’y en avait que trois pour l’observation du passage de
1761), les observations ne permirent pas de donner une valeur définitive à la parallaxe solaire. De
plus il faut signaler que cette campagne d’observation avait fait de nombreuses de victimes dans
l’équipe de l’expédition de Chappe au Mexique, mais également lors du voyage de Cook
Le passage de 1874
(P. Rocher, Observatoire de Meudon, Formation des enseignants à l'astronomie, Unité de Formation et d'enseignement, Meudon, mars 2003)

En un siècle, les progrès techniques furent importants, notamment avec l’apport de


l’enregistrement photographique. L’observation du passage de 1874 fut possible des terres
australes, de la Chine (Pékin), du Japon (Nagasaki) et du nord est asiatique.

Les Anglais sous la direction de l’astronome royal Sir George Airy organisèrent cinq
expéditions réparties sur huit stations d’observations une en Égypte à Alexandrie, une à l’île
Rodrigues (devenue anglaise), une en Nouvelle Zélande à Christchurch, deux aux îles Kerguelen
à Port Christmas au site de la Baie de l’Observatoire et à Port Palliser et trois aux îles Sandwich
(actuellement archipel d’Hawaii) à Honolulu, à Owhyhee et à Atoui. A ces expéditions il convient
d’ajouter l’expédition privée de Lord Lindsay à l’île Maurice.

En Russie le phénomène fut visible et observé depuis 24 stations réparties sur une grande
partie du territoire allant de la mer du Japon jusqu’à la mer Noire.

Les français, organisèrent six expéditions : Trois dans l’hémisphère boréal, comportant une
expédition en Chine à Pékin dirigée par Fleuriais, une expédition au Japon confiée aux
astronomes J. Janssen et F. Tisserand, une expédition en Indochine à Saïgon dirigée par Heraud
et trois dans l’hémisphère austral, comportant une expédition à l’îles Campbell confiée à Bouquet
de la Grye, une expédition à l’île Saint-Paul confiée au commandant Mouchez et enfin une en
nouvelle Calédonie à Nouméa confiée à André. A cette occasion, Janssen avait inventé une sorte
de “revolver photographique” avec lequel il a pris 48 clichés du passage de Vénus sur une plaque
daguerréotype circulaire.

Il convient de signaler trois autres expéditions deux allemandes, une à l’île Maurice et
l’autre au Kerguelen (l’Anse Betsy) et une expédition américaine au Kerguelen.

Le revolver photographique de Jules Janssen en 1874


© Observatoire de Paris ; La recherche hors série n°15 avril 2004
Le passage de 1882
(P. Rocher, Observatoire de Meudon, Formation des enseignants à l'astronomie, Unité de Formation et d'enseignement, Meudon, mars 2003)

Le passage de 1882 sera également l’occasion de nombreuses expéditions. Le passage fut


visible depuis l’Amérique du Sud.

Les Français organisèrent dix missions une mission à l’île d’Haïti (Callandreau), une au
Mexique (Bouquet de la Grye), une à la Martinique (Tisserand, Bigourdan, Puiseux), une en
Floride (Colonel Perrier), une à Santa-Cruz de Patagonie (Capitaine de Frégate Fleuriais), une
au Chili (Lieutenant de vaisseau de Bernardières) , une à Chubut (Hatt), une au Rio-Negro
(Perrotin, le directeur de l’observatoire de Nice), une au Cap Horn (Lieutenant de vaisseau
Courcelle-Seneuil) et enfin une à Bragado (Lieutenant de vaisseau Perrin).

Le Naval Observatory envoya huit expéditions à travers le monde pour observer le passage.

Ces expéditions de nouveau ne se limitèrent pas à l’étude du passage de Vénus ; ainsi aux
îles Shandwich, en 1882, les allemands s’installèrent à Royal Bay dans le cadre de la première
année géophysique internationale. Une station similaire fut installée par des français dans la baie
Orange près du Cap Horn. Le même jour, ces deux stations enregistrèrent des oscillations
étranges de la marée. Ils surent plus tard que c’était une onde de choc provoquée par l’explosion
du volcan Karkatoa en Indonésie !

Leonard DARWIN (fils de Charles) observe le passage en 1882


Arkan Simaan, Vénus devant le soleil, Vuibert 2003
University of queensland Library (Fryer Library, Hume Family collection, UQFL 10, item n°374

“C’est là, le sort qui attend souvent les Astronomes. J’avois fait près de dix mille lieues; il
sembloient que je m'avois parcouru un si grand espace de mers, en m’exilant de ma patrie que pour
être spectateur d’un nuage fatal, qui vint se présenter devant le Soleil au moment précis de mon
observation, pour m’enlever le fruit de mes peines & de mes fatigues”

“In this uncertainty, the astronomers of the present age are peculiarly fortunate in being able
so soon to have recourse to another transit of Venus in 1769, when, on account of that planet’s
north latitude, a difference in the total duration may conveniently be observed, greater than could
possibly be obtained, or was even expected by Dr. Halley from the last transit”.

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