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Cours magistraux 1 et 2

Question 110
Besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte.
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Besoins nutritionnels de l’adulte en bonne santé


PLAN
1. Définition
2. Méthodes d’évaluation
3. Besoins énergétiques
4. Apports hydriques
5. Apports en macro-nutriments
6. Besoins en micro-nutriments
7. Les groupes alimentaires et leurs caractéristiques
8. Conseils nutritionnels en pratique
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1. Définition
L’alimentation est nécessaire à la vie mais entre jeûne et suralimentation où se situe l’alimentation
adéquate? Deux concepts
• Besoin nutritionnel (individu)
• Apport nutritionnel conseillé (population)
A. Besoin nutritionnel (individuel)
Quantité à ingérer pour couvrir les besoins
• Prise en compte de la quantité réellement absorbée au niveau intestinal
A distinguer des besoins minimaux
• Seuil de carence
Comprennent
• Besoins quantitatifs (énergie)
• Nutriments indispensables
o Ne peuvent être synthétisés
o Ex: Acide folique
• Nutriments essentiels
o Synthétisables en quantité insuffisante
o Protéines, certains acides gras
B. Apports nutritionnels conseillés (ANC population)
Reposent sur besoins nutritionnels moyens
Tiennent compte du contexte de la
population
• Habitudes de vie
• Niveau socio-économique
• Aliments disponibles
Sont des repères, un guide
• Supérieurs aux besoins
pour la majorité des sujets
• Capacité d’adaptation de
l’organisme
La référence à la journée doit être
nuancée
Prévention des déficiences
• …mais risques liés à des
apports excessifs
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2. Méthodes d’évaluation des besoins nutritionnels


Dosages sanguins sans intérêt
Modèles animaux
• Connaissance sur les effets des nutriments
Apports d’une population ‘en bonne santé’
Méthodes de déplétion-réplétion
Méthode factorielle
• Connaissance théorique
Méthode des bilans
• Circonstances données, temps donné
Isotopes stables: l’avenir +++
Méthodes des bilans
Postulat: bilan équilibré si les besoins sont satisfaits
• Besoins = entrées – pertes
Ne tient pas compte
• Pertes obligatoires
• Mécanismes d’adaptation
Certaines réserves échangeables importantes (Ca)
• Mois pour atteindre l’équilibre
Permet surtout de vérifier l’adéquation des apports
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3. Besoins énergétiques
Bilan énergétique équilibré lorsque le poids (composition corporelle) est stable
Dépense énergétique totale (DET) : 3 composantes
Activité physique
Variabilité +++
Thermogenèse
Alimentaire
Obligatoire (thermorégulation)
Métabolisme de Repos (DER)

A. Dépense énergétique de repos


Repos, neutralité thermique, le matin, à jeun
Dépend de la masse maigre
Différences selon
• Sexe
• Age
• Composition corporelle
Calcul
• Formules (Benedict,…)
• Femme 20 ans, 60 kg 1.68m : approximativement 1440 kcal
B. Thermogenèse alimentaire
Environ 10 % apports (varie selon les nutriments)
C. Activité physique
Rôle régulateur ++
• DET dépend du niveau d’activité physique (NAP)
• DET = DER *NAP
NAP
• Faible 1.4
• Moyen 1.6
• Fort 1.8
• Très élevé 2 chez les hommes, 1.9 chez les femmes
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D. Capacités d’adaptation de l’organisme importantes


Besoin minimum = ?
• On peut survivre 2 mois avec apport hydrominéral
… 8 mois si obésité massive
• Occident: problème de pléthore plus que déficit

Variabilité +++ de l’AP


• Pas d’apports conseillés pour une population
En situation stable, apports énergétiques = DET
• Chez l’obèse….

Dépense énergétique de repos


Composition corporelle (kg)
8 8
7 7
6 6 M.
5 5 re
4 4 p
30 3 os

2 2
1 1
0 0
2 4 6 8 10 12 14

Masse grasse Masse corporelle (kg)


Masse maigre Forbes GB, 1987
N=164 femmes
Métabolisme de repos
Taille 156-170 cm


DE minimale vitale = 1.3 *DER
Homme de 130 kg, 1,80m, 25 ans
• 3100 kcal si couché, 3800 kcal si NAP moyen
E. Besoins énergétiques spécifiques
Enfant et adolescent
• Croissance
• Ó séculaire de AP
• Challenge : maintenir les apports en nutriments essentiels sans excès d’énergie
Personnes âgées
• Ó masse musculaire
• Ó AP
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4. Besoins Hydriques
Indispensables
Mort rapide en absence d’eau
• Eau = 60% poids corps
35 à 45 g/ kg poids /jour
• Boissons (1 l), aliments (1 l), oxydation aliments (0.3 l)
Ï avec chaleur et travail musculaire intense
Souvent insuffisants chez le sujet âgé

5 Les Macronutriments
A Les protéines
Synthèse des constituants protéiques
Renouvellement des cellules et compensation des pertes
0.8 g/kg/j en partie sous forme de protéines de haute qualité (œuf, viande, poisson)
• 11-15% des AET (apports énergétiques totaux)
• ….avec la marge de sécurité des ANC
8 acides aminés indispensables
Apports dans la population Française
• 14-18% des AET soit 1.3 à 1.6 g/kg/j
• Effets délétères d’apports élevés mal établis
Deux types de protéines
• Animales (viandes œufs charcuterie) et poissons
o 65% des protéines en France
o Bonne qualité mais riches en lipides pour les protéines animales
• Végétales
o Peu de lipides mais moindre digestibilité
o Déficit en aa essentiels : Céréales en lysine, légumineuses en aa souffrés
o Peu de vitamine B12
• Idéalement 50%/50%
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B Les glucides et les lipides


Principales sources d’énergie
Pas de recommandation minimale
Notion d’équilibre en macronutriments
• Risque associé à l’excès de certains nutriments
• Aliments riches en glucides n’apportent pas que des glucides
• 50-55 % de glucides, 30-35 % de lipides
Apports dans la population Française
• Glucides 39-41% AET
• Lipides 38-40 % AET
Hétérogénéité des glucides
• Glucides complexes, non raffinés
o Céréales, légumes secs
o Sources d’amidon, de micro-nutriments, de fibres, de protéines
• Sucres simples (mono-, disaccharides)
o Moins de 10% AET mais deux types de sources
ƒ Fruits et laitages (minéraux, fibres,…)
ƒ Junk-food (lipides), boissons sucrées (calories vides)
• Fibres
o ANC 20-30 g/j (céréales, fruits, légumes)
Notion de densité nutritionnelle et énergétique
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Hétérogénéité des lipides


• Saturés
o Ò risque de pathologies CV et cancers
o Moins de 8% AET
o Lipides de constitution: viande, laitages
o Huile de coco et de palme (végétaline)
• Monoinsaturés
o Peu athérogènes
o 20% des AET
o Lipides de constitution: volailles, poisson
o Huile d’olive et de colza
• AG polyinsaturés
o AGPI 18 carbones non synthétisables
ƒ AG18:2 n-6 linoléique 4% AET (h.tournesol)
ƒ AG18:3 n-3 linolénique 0.8% AET (h.soja colza noix)
o Précurseurs d’AGPI ‘indispensables’ sous condition
ƒ EPA et DHA (n-3): (poisson, animaux marins)
ƒ Interaction avec athérogenèse, thrombose, troubles du rythme
ƒ A.arachidonique (n-6): (viande, œuf)
o Rapport n-6/n-3 ne devrait pas dépasser 5
ƒ Compétition
• Trans-saturés
o Isomère trans des AG insaturés
o Athérogènes
o Procédés de fabrication (hydrogénation) de certaines margarines ou huile
o Chauffage à haute température
• Cholestérol
o Moins de 300 mg/j
o Œuf, abats, cervelle
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6 Besoins en micronutriments
A. minéraux
• Macro-éléments: besoins proche du gramme
o Na, Cl, K, Ca, P, Mg
• Oligoéléments: besoins <100 μg
o Fe, Zn, Cu, ….
• Contenu de l’organisme
o 1100 g Ca, 700 g P
o 25 g Mg, 4 g Fe
o 2 à 3 g Zn et une vingtaine d’autres minéraux
• Calcium n’est qu’en partie absorbé: 30 à 60%
o >1000 mg chez l’adolescent
o 800 mg chez adulte
o >1200 mg chez la femme allaitant ou ménopausée
o Laitages: écrémés autant que entiers
o Eaux minérales, légumes secs
• Phosphore: peu de carences
• Magnésium: 30 à 40% absorbés
o 350 mg (pas toujours atteints chez la femme)
o Céréales non raffinées, fruits secs, oléagineux, chocolat
• Fer
o Absorption 10 à 15%
ƒ Fer héminique (viande, poisson) mieux que non héminique (épinards,
légumes secs, céréales)
ƒ Ò par la Vit C et les protéines
ƒ Ó par les phytates et le thé
o Besoins accrus chez la femme (hémorragies menstruelles et grossesses)
o Homme: 10 mg/j; femme: 15-20 mg/j
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B Vitamines
• Vitamines hydrosolubles
o Vitamine C: 60-80mg/j
ƒ Agrumes et légumes à chair jaune
ƒ Besoins augmentés par le tabac, le café...
o Vitamines groupe B
ƒ Pyridoxine (B6): 2mg/j
ƒ Acide folique (B9) 400ug/j
• Fruits et légumes verts, produits d’origine animale
ƒ Cobalamine (B12): 1 à 2 ug/j
• Produits d’origine animale
• Besoins accrus par la consommation d’alcool
• Vitamines liposolubles : A, D, E, K
o Vitamine A (Rétinol)
ƒ Foie des poissons marin , beurre, jaune œuf
ƒ Carotène = provitamine A (fruits et légumes à chair jaune, salade, épinards)
o Vitamine D 10 ug/j
ƒ Métabolisme calcique
ƒ Synthèse endogène et alimentaire: apports faible dans zones peu
ensoleillées
o Vitamine E
ƒ 10 mg/j
ƒ Antioxydant
ƒ Huiles végétales mais aussi poissons, produits laitiers, légumes verts
o Vitamine K
ƒ 1mg/j
C. Apports en vitamines et minéraux des Français
Minéraux: peu de carences sauf
• Pour le fer
• Femmes jeunes, enceintes, mères de jeunes enfants
• Chez le sujet âgé (institutions)
Vitamines
• Peu de forme historique
• Déficiences infracliniques
• Effets mal connus: maladies CV, cancers, RCIU
• Carences chez la femme enceinte et les enfants?
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7. Les classes alimentaires


Diversifier, varier : 8 classes
• Viande Œufs Poissons
• Lait et Produits Laitiers
• Matières Grasses
• Légumes frais et fruits
• Céréales
• Produits sucrés
• Boisson (eau)
• Activité Physique
Groupe 1 Viande Œufs Poissons
Protéines de haute valeur biologique
Attention: hétérogénéité lipidique
• Quantitative (2 à 30%)
• Qualitative
o Saturés pour les viandes sauf les volailles (MI)
o Poissons moins riches en lipides (PI n-3)
• Œufs riches en cholestérol
Fer héminique, vitamines
• Vitamine B et PP pour les viandes
• Iode, vitamines B, A et D pour les poissons
Conseils: Ó les viandes et Ò les poissons
Groupe 2 Lait et Produits Laitiers
Protéines de haute valeur biologique
• 35 g/l lait: 500 ml =100 g viande
Calcium: 1200 mg/l lait
Vitamine A, D et E
Attention !
• Absence de fer
• Apports en AG variables (surtout saturés)
• Évolution de l’offre
o 1 yaourt = 50 kcal à 150 kcal
o Boissons sucrées contenant du lait
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Groupe 3 Matières Grasses


Graisses visibles
• Saturés: beurre, crème
• MI: olive, colza
• PI: maïs, soja, tournesol, pépin raisin, noix
Vitamines liposolubles et AG essentiels
• D, E dans les huiles, A dans le beurre
• αlinolénique (n-3): colza et Ac linoleique (n-6)
Attention !
• Énergétiques et denses en énergie (9kcal/g)
Groupe 4 Légumes frais et fruits
Glucides
• 1 à 6% pour les légumes, 10 à 20% pour les fruits
Pas de lipides ni de protéines
Fibres
• Faible densité énergétique
Sels minéraux, Vitamines (C, carotène, acide folique) et Anti-oxydants
Groupe 5 Céréales
Glucides complexes (70 à 80%)
Protéines (8% pour riz, 12% pour blé)
Peu de lipides
Fibres (céréales non raffinées)
Vitamines B
Magnésium
Groupe 6 Produits sucrés
Sucre dits rapides…. souvent associés à des lipides
Boissons sucrées
Groupe 7 Boissons
Seule l’eau est indispensable
Autres boissons amènent de 450 kcal/l (jus orange, coca, limonade) à 750 kcal/l (jus de raisin)
Vin = 670 kcal/l
Groupe 8 Activité Physique
La sédentarité =facteur de risque CV
aussi important que le tabac, l’HTA, le cholestérol
Chez l’adulte au moins 30 minutes d’AP modérée tous les jours (marche rapide)
Chez l’enfant 60 minutes d’activité modérée ou intense par jour
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Cours magistral 3

Question 110
Alimentation et santé : l’exemple du cancer.
Alimentation et cancer
22

Alimentation et cancer

Points à comprendre nutrition déficiente et cancer de l’œsophage était déjà


avancé. Plus proche de nous, les études épidémiolo-
Le poids des cancers de par le monde, tant du point de giques décrivant d’une part les incidences des cancers,
vue de la souffrance humaine que du point de vue de d’autre part la consommation de divers aliments, ont sug-
l’économie de la santé, est énorme. En France, il est la géré que dans certains pays (par exemple, les pays médi-
première cause de mortalité pour les femmes avant terranéens) consommant plus de certains aliments (par
65 ans, ainsi que la deuxième cause pour les hommes exemple, légumes ou céréales) et moins d’autres (par
(tous âges) et pour les femmes de plus de 65 ans. exemple, les produits laitiers) montraient des incidences
La part de l’hérédité des gènes de cancer est faible dans de cancers plus faibles (fig. 1 et 2). D’autres études, dites
la cancérogénèse humaine, c’est dire l’importance des écologiques, qui comparent la consommation alimentaire
facteurs environnementaux, c’est dire aussi que les et la mortalité par cancers de différentes régions ou pays,
cancers peuvent être prévenus. Parmi les facteurs envi- ou prenant en compte l’effet des migrations, ont renforcé
ronnementaux, l’alimentation joue un rôle majeur, même l’hypothèse de la relation alimentation/cancer. Pourtant, il
si ce rôle n’est pas aussi facile à mettre en évidence que faudra d’autres études épidémiologiques, dites analy-
celui d’autres carcinogènes environnementaux comme le tiques (car elles apportent des éléments permettant
tabac ou les radiations ionisantes. On a estimé à 30 % la d’établir une relation de cause à effet entre aliments et
part de l’alimentation dans la genèse des cancers, mais risque de cancers), études cas-témoins ou mieux pros-
avec une large marge d’incertitude (10 à 60 %). En effet, pectives, pour pouvoir préciser l’effet de certains aliments
l’alimentation apporte à l’organisme une multitude de sur le risque de certains cancers.
nutriments et autres micro-constituants qui auront des
effets divers, certains un effet inducteur et/ou promoteur
de cancérogenèse, d’autres un effet protecteur.
Enfin, le rôle de l’alimentation ne peut se comprendre Histoire naturelle du cancer
sans connaître l’histoire naturelle du cancer, son proces- Pour comprendre les résultats de l’épidémiologie analy-
sus multi-étapes : initiation, promotion, progression et tique, il faut comprendre comment les facteurs alimen-
métastases. taires peuvent jouer un rôle dans la cancérogenèse, et
Le contenu de ce chapitre est basé sur des données épi- pour cela la connaissance du processus multiétapes du
démiologiques humaines, ce qui nous a paru le plus per- cancer est nécessaire.
tinent en relation avec son intitulé, et n’a pas pris en 1) L’initiation de la cancérogenèse correspond à une mutation
compte la multitude d’expérimentations animales ou in d’un gène cellulaire induite par un carcinogène environ-
vitro, conduites le plus souvent en dehors des conditions nemental, ou endogène comme le stress oxydatif d’ori-
de la physio-pathologie humaine. gine inflammatoire. Il est fréquent que le carcinogène
chimique soit un procarcinogène et nécessite l’activation
des enzymes de phase I pour devenir un carcinogène à
part entière. L’ADN muté peut s’évader du processus
A savoir absolument cancérigène grâce aux enzymes de réparation de l’ADN,
aux défenses antioxydantes, quand le stress oxydatif est
Genèse de la relation impliqué, aux enzymes de phase II capables de détoxifier
les carcinogènes.
alimentation/cancer L’alimentation peut jouer un rôle à différents niveaux de
L’histoire de la relation alimentation et cancer remonte cette première phase : elle peut être un facteur protec-
dans le temps jusqu’à la dynastie Song en Chine (960- teur, elle peut interagir avec les enzymes de phase I et II
1279 après J.-C.), où le constat de la relation causale entre en les inhibant (enzymes de phase I) ou en les stimulant

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S41


Alimentation et cancer 23

(enzymes de phase II). Plus rarement, semble-t-il dans mentation (contamination des arachides, notamment).
l’état actuel des connaissances, elle peut être cancérigè- Etant donné son incidence relativement faible, peu
ne, soit par transformation de certains de ses consti- d’études ont été conduites qui suggèrent seulement
tuants en produits mutagènes, soit par contamination qu’une forte consommation de légumes peut diminuer le
avec un xénobiotique. risque de cancer du foie.
2) L’étape suivante est la promotion, c’est-à-dire la dérégula-
tion de gènes cellulaires favorisant la prolifération. Cancer de l’estomac
Cette étape comporte la mise en place de la signalisa-
tion cellulaire pour la synthèse des facteurs de crois- C’est le deuxième cancer le plus fréquent dans le monde,
sance, l’utilisation d’hormones se comportant comme mais surtout dans les pays défavorisés, où l’infection par
des facteurs de croissance au travers de récepteurs Helicobacter pylori joue un rôle majeur à côté de l’utilisation
spécifiques. Un événement génétique ou épigénétique de saumure pour conserver les aliments. En Europe, son
sera nécessaire pour que cette prolifération, qui peut incidence continue à décroître doucement. La principale
être contenue (tumeur bénigne, dysplasie), devienne raison en est l’évolution des modes de conservation des
incontrôlée et passe au stade de néoplasie. L’ali- aliments où le réfrigérateur et le congélateur ont rempla-
mentation peut éventuellement jouer un rôle protec- cé fumages, salaisons et conserves. De nombreuses
teur en inhibant la signalisation intra-cellulaire par les études ont été entreprises et elles s’accordent sur la
antioxydants, mais elle peut aussi favoriser la synthèse réduction du risque de cancer de l’estomac par la
des facteurs de croissance ; elle aura alors un rôle défa- consommation de fruits et légumes, dont l’effet protec-
vorable. teur est qualifié de convaincant (tableau I).
3) Au stade de néoplasie, la croissance tumorale sera encore favo-
risée par les facteurs de croissance ; cette croissance peut Cancer du col utérin
être aussi négativement régulée par certains acides gras, C’est le deuxième cancer le plus commun de la femme, son
qui entraîne la mort cellulaire, très probablement par incidence diminue de par le monde, grâce au dépistage (les
apoptose. Mais de fortes doses d’antioxydants vont formes prénéoplasiques de dysplasies et de cancer in situ
s’opposer à cette mort programmée de cellules compor- sont bien identifiées), à l’amélioration de l’hygiène et aux
tant des aberrations génétiques. modifications des pratiques sexuelles. En effet, le risque
Ainsi, l’alimentation peut avoir des rôles opposés suivant majeur est la contamination sexuelle par le virus du papillo-
les nutriments apportés et suivant l’étape considérée de me. Le tabac serait également un facteur de risque. Un
l’histoire naturelle du cancer. nombre limité d’études montrent de façon convergente
une diminution du risque liée à la consommation de fruits
et légumes dont l’effet protecteur est qualifié de possible.
Alimentation et initiation
des cancers Mécanismes impliqués dans la protection
par les fruits et légumes
Appartiennent à ce paragraphe, les cancers pour les-
quels on peut suspecter en premier lieu un carcinogène D’une part, le contenu des fruits et légumes, riches en
de l’environnement agissant directement sur l’épithélium micro-constituants antioxydants, d’autre part, le mécanis-
pour le transformer. me de la cancérogenèse à l’œuvre dans les cancers que
nous venons d’évoquer (carcinogène reconnu comme
Cancers liés au tabac et à l’alcool agissant au début de l’histoire naturelle du cancer) sug-
gèrent fortement que l’effet des fruits et légumes porte
Il s’agit des cancers des voies aéro-digestives supérieures (oro-pha- sur la réduction du stress oxydatif et, plus généralement,
rynx, larynx, œsophage) et du cancer du poumon. Le tabac est la sur la détoxification des carcinogènes xénobiotiques.
cause majeure des deux premiers, éventuellement Les antioxydants de fruits et légumes ont donc fait les
aggravé par l’alcool. Il en est de même pour le cancer du premiers, l’objet de recherches intenses et parmi eux les
poumon. Au contraire, l’alcool est le premier facteur de caroténoïdes et la vitamine C, puisque c’était essentielle-
risque pour le cancer de l’œsophage, éventuellement ment les légumes et les fruits jaunes, rouges, oranges
aggravé par le tabac, dans les pays occidentaux ; dans (carottes et tomates, notamment) et les légumes verts qui
certains pays en voie de développement, carence et mal- étaient le plus fréquemment retrouvés comme protec-
nutrition sont également des facteurs de risque. Il est teurs pour les cancers des VADS et du poumon, et plutôt
admis que l’effet protecteur des fruits et légumes est les légumes verts et jaunes, rouges, oranges consommés
convaincant pour ces cancers, les livres de référence (voir crus, et les agrumes pour le cancer de l’estomac.
CNERNA, Alimentation et cancer) et les études récentes ren- Cependant, les essais d’intervention utilisant des supplé-
forcent cette conclusion (tableau I). ments contenant ces antioxydants (β-carotène, vitamine
Les facteurs de risque du cancer de la vessie sont en premier lieu, E) ont été décevants, puisqu’ils se sont montrés sans effet
tabagisme, mais aussi l’exposition professionnelle (amines protecteur ou même parfois ont eu un effet délétère (plus
aromatiques et hydrocarbures polycycliques). Dans les forte incidence de cancer du poumon chez les sujets sup-
régions tropicales et subtropicales, la bilharziose est égale- plémentés que chez les sujets recevant le placebo).
ment en cause. L’effet protecteur des fruits et légumes est Ces résultats indiquent que la supplémentation par une
qualifié de probable dans les livres de référence et les études pilule contenant un nutriment ne peut remplacer un
récentes renforcent cette conclusion (tableau I). apport d’aliments où différents nutriments et consti-
L’alcool augmente le risque de cancers du foie (survenue du tuants peuvent jouer un rôle éventuellement de façon
cancer sur foie cirrhotique), mais d’autres facteurs de synergique. Ils montrent également que des doses très
risque sont à prendre en compte, tels les virus des hépa- supérieures aux doses nutritionnelles comportent des
tites B et C et la contamination par l’aflatoxine, liée à l’ali- risques d’aggravation du processus cancéreux.

2S42 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Alimentation et cancer
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Tableau I
Etudes épidémiologiques portant sur la relation fruits et cancers

Cancer sites Authors and year Country Design OR (CI) Trend Remarks
Mouth and Franceschi et al., Italy raw vegetables: H (> 31.1 g/day) < 0.01
pharynx 1999 cases: 598, controls: 1,491 vs L (8): 0.29 (0.15-0.56)
cooked: H (> 4.5/week)
vs L (1.5/week): 0.5 (0.3-0.7) < 0.01
Bosetti et al., Italy and Switzerland green vegetables H (frequency) < 0.0001
2000 female cases: 195 vs L: 0.25 (0.15-0.44)
female control: 1,113 fresh fruits H (frequency)
vs L: 0.58 (0.37-0.89) 0.02
Œsophagus Levi et al., Switzerland raw and cook vegetables: < 0.001 citrus OR= other fruits but
2000 cases: 101, controls: 327 H (9.5/week) vs L (< 5.5): with 5 times less quantity
0.14 (0.1-0.4)
fruits (other than citrus) < 0.001
H (11.3/week) vs L (< 5.2):
0.20 (0.1-0.4)
Larynx De Stefani et al., Uruguay H (302.7/day) vs L (143.0): < 0.001 cooked vegetables: 0.96
2000 cases: 148, controls: 444 0.30 (0.15-0.59) (0.50-1.84)
Stomach Ji et al., China H (≥ 9 servings/day) < 0.0001 after subgroups, only yellow-
1998 cases: 1,124, controls: 1,451 vs L (≤ 5): 0.4 (0.3-0.5) green vegetables: 0.5 (0.4-0.7),
T: 0.0001
Ekström et al., Sweden H (> 2/day) vs L (5/week)
1998 cases: 567, controls: 1,165 0.5 (0.3-1.1) cardia 0.05
0.7 (0.5-1.0) non cardia 0.02
Galanis et al., Hawai Japanese H (< 1/day) vs L (≥ 2/day) 0.02 better in men than in women
1998 Cohort: 108/11,907 0.4 (0.2-0.8)
Terry et al., Sweden L vs H: 5.5 (1.7-18.3) < 0.05 wide CI tertiles defined as high,
1998 Cohort: 116/11,500 moderate, small, none
Botterweck et al., Netherlands H (374 g/day) vs L (250 g/day) 0.14 0.49 (0.20-1.18) on first year cases
1998 310/3,500 (subcohort) 0.72 (0.48-1.10) and precancer disorders vegeta-
bles, only, little variation in intake
Lung Agudo et al., Spain H vs L (not defined) 0.026 women, tomatoes
1997 cases: 103, controls: 206 0.45 (0.22-0.91)
Nyberg et al., Sweden fruits except agrumes H (daily) 0.03 expressed in consumption
1998 cases: 124, controls: 235 vs L (2-4/week) frequency, tomatoes: 0.79
0.49 (0.25-0.94) (0.43-1.46), trend: 0.4
De Stefani et al., Uruguay total vegetables: H (> 2/day) < 0.001
1999 cases: 541, controls: 540 vs L (< 1/day) 0.48 (0.34-0.66)
total fruits: H (> 8/week) < 0.001
vs L (< 4/week) 0.52 (0.37-0.73)
Brennan et al., multicentric European fresh vegetables: H (daily) < 0.05 in non smokers, OR for
2000 cases: 256, controls: 599 vs L (1/week) squamous cell and small cell
0.5 (0.3-0.7) adenocarcinoma carcinomas NS fruit: NS
Ocké et al., Netherlands fruit: L (< 107 g/day) 0.03 men stability of consumption of
1997 Cohort: 19 years; 54/561 vs H (> 166 g/day) fruit: 2.52 (1.15-5.57)
1.92 (1.04-3.55) vegetables: NS
Knekt et al., Finland H vs L (not defined) 0.02 fruit: 0.58 (0.37-0.93), p: 0.013,
1999 Cohort: 25 years; 0.60 (0.38-0.965) root vegetables: 0.56 (0.36-0.88),
138/4,545 p: 0.03
Voorips et al., Netherlands H (554 g/day) vs L (191 g/day) < 0.0001 mainly due to vegetables
2000 6.3 years; 0.7 (0.5-1.0)
1,010/2,953 (subcohort)
Bladder Michaud et al., USA H (> 8 servings/day) vs L (< 3.5) 0.09 cruciferous: 0.49 (0.32-0.75)
1999 Cohort: 10 years; 0.72 (0.47-1.09) trend: 0.008
252/47,909
Nagano et al., Japan H (> 5/week) vs L (1) 0.02 green-yellow vegetables
2000 Cohort: 20 years; 0.54 (0.39-0.94)
114/38,540

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S43


Alimentation et cancer 25

Par ailleurs, ces antioxydants ne résument pas à eux seuls gauche étant plus clairement associé à l’apport alimentaire.
les micro-constituants des fruits et légumes. Il faut y ajou- On a noté une certaine divergence dans les résultats sur la
ter en particulier les différents composés phénoliques, relation entre obésité et cancer du côlon, mais les études
(les flavonols des pommes et des oignons, les catechines récentes sont plutôt en faveur d’un lien entre surpoids/obé-
du raisin, les anthocyanes des fruits rouges, etc.) qui ont sité et cancer du côlon, permettant de qualifier ce risque de
des effets antioxydants, mais aussi interfèrent avec les possible ou probable. L’apport calorique a aussi été incrimi-
enzymes de phase I et II, et celles impliquées dans la pro- né, mais ce qui paraît le plus important, c’est la rupture de
lifération cellulaire. l’équilibre énergétique, donc l’insuffisance de dépense
énergétique par rapport à la consommation calorique, d’où
Autres cancers l’importance de l’activité physique dans la prévention.
Pour les autres cancers, tels le cancer du sein, du pancréas
ou du côlon, le ou les facteurs responsables de l’initiation Cancers hormono-dépendants
sont moins clairement désignés et l’effet fruits/légumes Le cancer du sein est la première cause de mortalité chez la
n’est pas retrouvé avec autant de régularité et de force. femme avant 65 ans. Si la mortalité a fortement régressé,
On a cité l’effet mutagène de la consommation d’amines l’incidence est stagnante ou en légère augmentation
hétérocycliques, donc lié à la consommation de viande, dans les pays occidentaux, mais augmente plus sérieuse-
comme facteur de risque des cancers du sein et du côlon. ment dans les pays émergeants et au Japon, qui voient
La consommation importante de charcuterie et autres leur alimentation et mode de vie s’occidentaliser. Les fac-
fumaisons ou salaisons est également associée au risque teurs de risque les mieux décrits sont ceux liés à l’impré-
de cancer du côlon. De même, la formation de sels gnation œstrogénique (âge aux premières règles, à la
biliaires secondaires dans la lumière colique serait un première grossesse et à la ménopause, nombre d’en-
risque pour le cancer du côlon ; dans ce dernier cas, le cal- fants) ; il en va de même pour le cancer de l’endomètre, lui
cium est présenté comme protecteur par la précipitation aussi plus fréquent dans les pays développés.
des sels biliaires, mais un autre mécanisme est invoqué : On note une légère augmentation de l’incidence des can-
le calcium diminuerait la perméabilité aux carcinogènes. cers de l’ovaire dans les pays occidentaux, sans que l’on
En effet, plusieurs études d’intervention montrent que la puisse suggérer un facteur environnemental particulier.
supplémentation en calcium diminue le risque de récidive L’incidence du cancer de la prostate est en augmenta-
d’adénomes coliques, dont on sait qu’ils peuvent évoluer tion, en partie à cause de sa plus facile et précoce détec-
vers le stade de tumeur maligne. tion, elle est la plus élevée dans les pays occidentaux, elle
l’est particulièrement pour les Africains-Américains, alors
Alimentation et promotion qu’elle est faible chez les Africains, ce qui suggère bien
l’importance d’un facteur environnemental.
Dans ce paragraphe, nous allons considérer la relation
entre apports alimentaires et facteurs de croissance des Mécanismes associant obésité
tumeurs. Cette relation est expliquée en grande partie
par l’excès calorique, le surpoids ou l’obésité, qui apparaîtront
et facteurs de croissance des cancers
comme des facteurs de risque majeurs pour certains can- Dans les cancers pour lesquels l’obésité viscérale est un
cers. Certains de ces cancers sont assez rares et moins facteur de risque (cancer colo-rectal, du sein, de l’endo-
bien étudiés, d’autres plus fréquents : le cancer du côlon mètre, de la prostate), le syndrome d’insulino-résistance
et les cancers hormono-dépendants de l’homme (prosta- apparaît comme le mécanisme privilégié, entrant dans le
te) et de la femme (sein, endomètre, ovaire) sont le plus cadre de la promotion des cancers. L’obésité abdominale
souvent associés à un type d’obésité bien caractérisé, ou viscérale (ou encore androïde ou en pomme) est un des
l’obésité abdominale/viscérale, mesurée par le rapport éléments du syndrome d’insulino-résistance, qui se carac-
hanches-taille ou le tour de taille. térise par ailleurs par une hyperinsulinémie, une insulino-
résistance, une altération des paramètres lipidiques et des
Cancers de l’œsophage, du pancréas, hormones stéroïdiennes avec une augmentation de la tes-
des voies biliaires, du rein et de la thyroïde tostérone et, dans une moindre mesure, des œstrogènes,
une diminution de la sex hormone binding globuline (SHBG) qui
Pour ces cancers, les résultats sont limités, mais suggèrent entraîne une augmentation de l’activité des hormones
l’obésité, mesurée par l’index de masse corporelle, comme sexuelles et une altération de la régulation de l’IGF-I, avec
facteur de risque probable pour les cancers du rein et de notamment diminution de sa protéine liante (IGFBP-3)
l’œsophage, et l’apport calorique excessif, notamment de résultant en une augmentation des taux d’IGF-I.
lipides, comme facteur de risque possible pour les cancers On pense actuellement que ces taux élevés d’IGF1 résu-
de la thyroïde, du pancréas et des voies biliaires. Il est diffi- ment le rôle du syndrome d’insulino-résistance dans la
cile pour ceux-ci de proposer un mécanisme ou une expli- promotion des cancers et que l’effet de l’altération des
cation physio-pathologique, sauf dans le cas du cancer de hormones stéroïdiennes dans le syndrome d’insulino-résis-
l’œsophage où il est admis que l’obésité entraîne un reflux tance passe par la stimulation de l’IGF-I. IGF-I est un puis-
gastrique qui augmente le risque de cancer (dans ce cas, cet sant mitogène, également capable de bloquer l’apoptose.
effet est à rapprocher d’un effet sur l’initiation du cancer). La réalité de ce syndrome comme facteur de risque a été
attestée par la mise en évidence d’une association entre
Cancer colo-rectal risque de cancers et taux circulants d’IGF-I, spécifique-
Quatrième cause de cancer dans le monde, il est dans son ment pour le cancer du côlon, du sein et de la prostate. Il
ensemble un peu plus fréquent chez l’homme que chez la est aussi suspecté dans le cancer de l’endomètre.
femme, mais la localisation au niveau du côlon droit est plus Cependant, toute réserve du tissu adipeux (abdominale
fréquente chez la femme, que chez l’homme et apparaît dif- ou non) peut être le lieu de synthèse endogène des
férente en terme de facteurs de risque ; le cancer du côlon œstrogènes, grâce à la présence d’aromatase, les œstro-

2S44 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Alimentation et cancer
26

gènes étant facteurs de croissance pour les cancers du femmes végétariennes excrétaient dans les selles plus
sein et de l’endomètre. d’œstrogènes que les femmes omnivores, leur flore
colique en effet comporte des bactéries dépourvues de
Aliments et facteurs de croissance β-glycuronidase, et les œstrogènes qui sont excrétés
Aliments qui favorisent le développement de l’obésité, sous forme glycuro-conjuguée par les voies biliaires dans
la synthèse et la circulation d’IGF-I et d’œstrogènes le côlon seront éliminés. Au contraire, la flore colique des
femmes omnivores contient des bactéries capables de
Un apport protéique trop important, notamment dans déconjuguer les œstrogènes qui rejoignent ainsi la cir-
l’enfance et l’adolescence, induit une augmentation de la culation sanguine avant d’être éliminés dans les urines.
synthèse d’hormone de croissance (GH) qui, à son tour, Les céréales complètes et les légumineuses, outre leur
stimule la synthèse hépatique d’IGF-1. De la même richesse en fibres, vont apporter des phyto-œstrogènes.
façon, l’apport exogène de GH induira des taux élevés Ces micro-constituants (isoflavones et lignanes) présents
de IGF-1 dans la circulation. respectivement dans le soja et les légumineuses, pour les
Un apport élevé de lipides et glucides est à considérer en premiers, et dans les graines de lin et de sésame, ainsi
relation avec la constitution de l’obésité, puisque l’on a que dans les légumes et fruits riches en caroténoïdes et
montré que l’excès calorique était directement lié au dans les crucifères, pour les seconds. Or, les femmes asia-
taux d’IGF-1 d’une part, et que d’autre part l’obésité tiques, qui ont un apport élevé d’isoflavones, présentent
favorisait la synthèse endogène d’œstrogènes. un taux d’incidence de cancer du sein plus faible que celui
Les lipides sont les nutriments les plus riches en calories des femmes occidentales, et certaines études suggèrent
par unité de poids et, de ce fait, sont majoritairement qu’une forte consommation de soja et de produits déri-
impliqués dans le développement de l’obésité par les vés diminue le risque de cancer du sein. Les phyto-œstro-
nutritionnistes, bien que leur rôle soit contesté par cer- gènes seraient capables de se comporter comme des
tains épidémiologistes. Ils sont aussi les derniers macro- modulateurs sélectifs des récepteurs à œstrogènes, donc
nutriments à être oxydés lors de la dépense énergétique de bloquer l’effet agoniste des œstrogènes sur les cellules
et auront ainsi tendance à s’accumuler. On a ainsi évoqué mammaires transformées. Cependant, les phyto-œstro-
le risque de certains cancers, côlon notamment, associé gènes possèdent d’autres propriétés, comparables à
à la consommation des viandes riches en graisses satu- celles des autres composés phénoliques qui peuvent
rées (par substitution, remplacer la consommation de expliquer un éventuel effet anti-cancérigène.
viande par celle de poisson pourrait réduire ce risque).
Bien que les glucides et les réserves en glycogène repré-
sentent la première ligne d’oxydation lors de dépenses Points essentiels à retenir
énergétiques, en présence d’un déséquilibre énergé- 1. La relation alimentation-cancer est une relation
tique lié à un excès d’apport, une lipogenèse s’installera complexe, d’une part, parce que le cancer est une
avec risque de surpoids ou d’obésité. L’index glycémique maladie multifactorielle qui se déroule en plusieurs
des aliments peut être un indicateur précieux de leur étapes, d’autre part, parce que l’alimentation est un
capacité à générer l’obésité. phénomène complexe mettant en jeu des facteurs de
Bien qu’il ne soit pas considéré comme un aliment, comportement et de culture, et aussi parce que l’ali-
l’alcool est un facteur lié à l’alimentation dont nous avons ment lui-même est constitué de très nombreux micro-
parlé comme cancérigène, impliqué dans l’initiation du constituants, chacun pouvant avoir un rôle à jouer, iso-
processus cancéreux. Même si l’effet de l’ingestion lément ou en synergie. D’où la difficulté à obtenir des
d’alcool sur le taux d’IGF-1 semble dépendre du niveau résultats facilement interprétables.
d’alcoolisation, l’alcool doit être considéré dans le cadre 2. On peut cependant dire que les fruits et légumes
de la promotion, par son apport calorique d’une part (la protègent de façon convaincante contre les cancers
consommation d’alcool est associée à la constitution des voies aéro-digestives supérieures et de l’estomac.
d’une obésité abdominale), mais aussi parce que sa On peut également dire, pour le cancer du poumon,
consommation est un facteur de risque pour le cancer du qu’ils interfèrent avec le tabac pour diminuer en partie
sein que l’on a expliqué par la présence augmentée du le très fort risque attaché au tabagisme. Les anti-oxy-
taux d’œstrogènes chez les femmes consommant même dants des fruits et légumes expliqueraient en grande
des quantités modérées d’alcool. On a montré qu’une partie leur action, associés à d’autres micro-consti-
consommation élevée de folates (présents dans de nom- tuants, tels les composés phénoliques et les folates.
breux fruits et légumes, mais aussi dans certains produits 3. Les légumes (plus que les fruits, car ici ce sont sur-
animaux comme le foie) interférait avec le risque de can- tout les fibres qui expliqueraient le mécanisme)
cer du sein associé à la consommation d’alcool. auraient aussi un rôle dans les cancers qui sont asso-
ciés à l’obésité en diminuant l’apport énergétique de
Aliments qui réduisent le risque l’alimentation. Ainsi, un régime riche en légumes sera
de développement de l’obésité et la synthèse généralement moins riche en lipides ou en calories
et la circulation d’IGF-I et d’œstrogènes “vides” : céréales raffinées pratiquement dépourvues
de fibres et autres micro-constituants, où ne reste que
Plusieurs rapports montrent que la consommation d’une
l’amidon. En effet, ces autres micro-constituants,
grande variété de légumes et de fibres sont négati-
fibres, vitamines et phyto-œstrogènes ont chacun des
vement corrélés à la masse graisseuse, que les fibres
potentialités anti-carcinogéniques.
s’opposent également au développement du syndrome
4. Enfin, même si les modifications de risque des can-
d’insulino-résistance, donc à la constitution d’obésité.
cers liés à l’alimentation sont relativement faibles,
Ceci peut expliquer l’effet protecteur qualifié de possible
étant donné que tout un chacun s’alimente, une pré-
des fibres alimentaires dans les cancers du sein et du côlon. vention des cancers basée sur l’alimentation reste un
Mais les fibres pourraient avoir un autre effet sur le déve- objectif extrêmement important.
loppement du cancer du sein. On a montré que les

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S45


Alimentation et cancer 27

Le rôle de la vitamine C paraît probable dans la protection


Pour approfondir contre le cancer de l’estomac. Le rôle de la vitamine E est moins
clairement démontré, il y aurait peut-être une protection contre
Histoire naturelle du cancer le cancer de la prostate.
Le cas du β-carotène paraît plus complexe. On a régulière-
L’initiation de la cancérogenèse correspond à une mutation ment montré en effet que les personnes consommant moins de
d’un gène cellulaire induite par un carcinogène environnemen- β-carotène ou en ayant des taux faibles dans le plasma présen-
tal responsable d’une agression de type physique comme les taient un risque élevé de développement du cancer du pou-
radiations ionisantes, de type chimique, comme le tabac, ou mon. On en a déduit que le β-carotène était hautement pro-
d’origine endogène comme le stress oxydatif, lié à une inflam- tecteur vis-à-vis de ce cancer et on a mis en place trois études
mation chronique (cas de l’amiante). Il est fréquent que le car- d’intervention utilisant des suppléments de β-carotène à forte
cinogène chimique soit un procarcinogène et nécessite l’acti- dose (20 à 30 mg/jour).
vation des enzymes de phase I (cytochromes) pour devenir un Dans deux études conduites, l’une en Finlande, l’autre aux
carcinogène à part entière. Ainsi muté, l’ADN peut sortir du USA, les sujets supplémentés ont présenté significativement
processus cancérigène grâce aux enzymes de réparation de plus de cancers que les sujets prenant le placebo, dans la troi-
l’ADN, aux défenses antioxydantes, quand le stress oxydatif est sième, le β-carotène n’a eu aucun effet. Comment expliquer ces
impliqué, aux enzymes de phase II (glutathion transférases) résultats contradictoires entre l’épidémiologie et les études
capables de détoxifier les carcinogènes. expérimentales humaines ?
Ces enzymes sont caractérisées par un polymorphisme géné- Tout d’abord conclure que parce que le β-carotène plasmatique
tique qui entraîne des différences de susceptibilité aux facteurs est bas chez les sujets qui vont développer un cancer indique
environnementaux, de telle sorte que les sujets présentant un qu’il est protecteur est probablement une déduction hâtive, car
allèle mutant entraînant une hyperactivité enzymatique des cyto- le β-carotène peut être seulement un marqueur d’exposition au
chromes, ou au contraire une délétion au niveau de enzymes de carcinogène environnemental, soit qu’il soit consommé lors de
phase II, seront plus susceptibles aux facteurs environnementaux, l’agression oxydative, soit qu’il soit plus rapidement métabolisé
et notamment aux risques mutagènes apportés par l’alimenta- en vitamine A. En effet, certains de ces carcinogènes chimiques
tion comme la production d’amines hétérocycliques à partir des activent les cytochromes entrant dans la synthèse de vitamine
protéines de la viande longuement chauffées à haute tempéra- A à partir des caroténoïdes pro-vitamine A.
ture ou la présence d’une contamination par un xénobiotique Le β-carotène peut aussi simplement être le marqueur de la
(DDT, PCBs). Certains micro-constituants des fruits et légumes consommation de fruits et légumes contenant d’autres micro-
(composés phénoliques, isothiocyanates, glucosinolates) interfè- constituants qui sont, eux, les composés actifs et ne sont pas repé-
rent avec ces activités modifiant l’effet de la susceptibilité géné- rés, car ils ne sont pas répertoriés dans les tables de composition.
tique et du facteur environnemental cancérigène. Ces deux hypothèses peuvent expliquer l’absence d’effet, mais
L’étape de promotion comporte la mise en place de la signali- pas l’augmentation du risque. Pour cela, il faut invoquer l’his-
sation cellulaire pour la synthèse des facteurs de croissance (le toire naturelle du cancer. En effet, dans l’étude finlandaise, les
rôle d’espèces actives d’oxygène dans cette fonction suggère sujets recrutés étaient des gros fumeurs, dans l’étude améri-
ici aussi un rôle pour le stress oxydatif), l’utilisation d’hormones caine, soit des gros fumeurs, soit des sujets ayant été profes-
se comportant comme des facteurs de croissance au travers de sionnellement exposés à l’amiante. Dans les deux cas, on peut
récepteurs spécifiques. Un événement génétique (perte des penser que le processus de carcinogénèse était initié au niveau
gènes répresseurs, par exemple) ou épigénétique (hypo ou de certaines cellules bronchiques. Or, le mécanisme d’action
hypermethylation de l’ADN) sera nécessaire pour que cette des antioxydants suggère qu’ils jouent un rôle majeur au niveau
prolifération, qui peut être contenue (tumeur bénigne, dyspla- de l’initiation. Donc, on peut penser que la “fenêtre” d’action
sie), devienne incontrôlée et passe au stade de néoplasie. du β-carotène était dépassée. Au contraire, au stade de pro-
Au stade de néoplasie, la croissance tumorale peut être néga- motion, et en présence du maintien des carcinogènes (les sujets
tivement régulée par certains acides gras (acide α-linolénique ont continué à fumer) et à forte dose, il peut avoir un effet pro-
notamment, 18:3 n-3), qui entraîne la mort cellulaire, très pro- oxydant, donc favorisant la synthèse des facteurs de croissance.
bablement par apoptose. On rapproche de cette observation Au stade de croissance tumorale, à forte dose, il pourrait favo-
le potentiel effet protecteur du poisson gras (bleu) qui serait dû riser cette croissance en la protégeant d’une régulation éven-
à la proportion d’acides gras fortement poly-insaturés de la tuelle apoptotique, comme cela a été montré pour la vitamine
série n-3 contenue dans leur chair. Mais de fortes doses d’anti- E. Le fait que l’on ne retrouve pas cet effet aggravant dans la
oxydants vont s’opposer à cette mort programmée de cellules troisième étude, qui ne comportait que 10 % de fumeurs parmi
comportant des aberrations génétiques. On sait en effet que les participants, souligne bien l’importance de cet effet
l’action du produit du gène bcl-2 qui inhibe l’apoptose peut “fenêtre” dans la relation alimentation/cancer.
être obtenue par l’utilisation d’antioxydants.
Lors de la progression tumorale vers les métastases, on trouve- Synthèse et régulation de l’IGF-1
ra encore l’effet de l’alimentation sur la synthèse des facteurs de
Le syndrome d’insulino-résistance s’accompagne d’une aug-
croissance, mais aussi des effets particuliers, telle, par exemple,
mentation du taux de l’IGF-1 qui résulte d’une augmentation
la protection par composés phénoliques contre l’angiogénèse.
de la synthèse, mais aussi d’une altération de la régulation avec
notamment diminution de sa protéine liante (IGFBP-3) résultant
Effet des antioxydants en une augmentation des taux d’IGF-I.
On a rapproché très tôt l’effet protecteur des fruits et légumes Dans le syndrome d’insulino-résistance, les effets de l’IGF-1
de celui des antioxydants, caroténoïdes, vitamine C, vitamine E. sont renforcés par les taux élevés d’insuline qui présente une
Ceci est probablement vrai, notamment pour les cancers des certaine affinité pour le récepteur de l’IGF-I.
voies aéro-digestives supérieures, du poumon et de l’estomac. Par ailleurs, l’IGFBP-3 serait un médiateur de l’effet suppresseur
Il est intéressant de noter que la tomate, qui contient un grand de la p53, donc sa diminution dans ce syndrome favoriserait
nombre d’antioxydants (vitamines C et E, caroténoïdes, acides aussi la prolifération tumorale.
phénoliques) plus des folates dont on connaît l’interaction avec Il faut revenir sur le cancer du sein, car la relation à l’obésité
le risque cancérigène de l’alcool, a été trouvée régulièrement abdominale concerne essentiellement le cancer en post-méno-
protectrice dans ces cancers liés au tabac (stress oxydatif) et à pause. En effet, l’obésité (plutôt du type gynoïde, en poire)
l’alcool. Par contre, elle ne semble pas avoir d’effet sur les diminue le risque de cancer du sein chez la femme jeune, par
autres cancers, alors que d’autres légumes, telles les carottes, un mécanisme lié à l’altération du métabolisme hormonal, mais
qui contiennent des lignanes (phyto-œstrogènes), ont été mon- une grande taille augmente le risque. On peut retrouver là une
trées protectrices vis-à-vis du cancer du sein dans plusieurs possible association avec l’IGF-I au travers de sa relation à l’hor-
études. mone de croissance (GH). On sait que l’apport protéique et

2S46 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Alimentation et cancer
28

calorique stimule la GH endogène, qui à son tour induira une


augmentation de synthèse de l’IGF-1. Mais de la même façon, Pour en savoir plus
l’apport exogène de GH induira des taux élevés de IGF-1 dans
la circulation. Cet apport exogène peut être d’origine théra- Alimentation et Cancers. Évaluation scientifique. Eds Decloitre,
peutique ou, comme le suggèrent des auteurs américains pour
Collet-Ribbing, Riboli, Eds, Tec-Doc Lavoisier, Paris, 1996.
leur pays, de la contamination du lait de vache par de la GH
bovine recombinante qui est injectée aux vaches pour aug- Alimentation Méditerranéenne et Santé, Actualités et perspectives. Ed.
menter la production de lait. Agropolis. John Libbey, Paris, 2000.

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S47


29

TD 1
Question 110 A
Besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte.

Question 179
Prescription d’un régime diététique.

Question 111 B
Besoins nutritionnels chez le sportif
30
dossier enseignement

dossier enseignement

LES CATÉGORIES D’ALIMENTS

A. DESALME1, D. QUILLIOT1, 2, O. ZIEGLER2

Apprendre à connaître les aliments est une nécessité pour quiconque s’inté-
resse quelque peu à la nutrition. Des nutriments aux aliments, l’apprentissage
est parfois ingrat… Le but de cette revue est de présenter le plus simplement
possible les données essentielles. Les points qu’il faut « absolument retenir »
apparaissent sous forme d’encadrés. Le problème de la conservation des
aliments est abordé dans la rubrique finale : « pour en savoir plus ».

Il est classique de regrouper dans une même « catégorie » sine, myoalbumine et de collagène. Il s’agit, pour la myo-
les aliments qui présentent une parenté biochimique, une sine et la myoalbumine, de protéines d’excellente qualité
composition en nutriments voisine ou des modalités de pro- comportant tous les acides aminés indispensables ce qui
duction semblables. Nous envisagerons donc 7 catégories confère aux viandes un très bon coefficient d’efficacité
d’aliments : protidique. Les morceaux de 2e et 3e catégorie1 sont plus
• viandes – poissons – œufs, riches en tissus conjonctifs (élastine et collagène surtout).
• produits laitiers, Le collagène, pauvre en tryptophane et en acides aminés
• matières grasses, soufrés, diminue la valeur biologique des viandes qui en
• légumes et fruits, sont riches. Il en est de même pour l’élastine dont l’équi-
• céréales et dérivés – légumineuses, libre en acides aminés indispensables est médiocre. Les
• sucres et produits sucrés, viandes apportent d’autre part une petite quantité de subs-
• boissons. tances azotées non protéiques (purines entre autres).
Apports en lipides
Viandes – poissons – œufs La teneur en matières grasses des viandes varie selon
l’espèce, l’état d’engraissement de l’animal et le morceau
Apports nutritionnels caractérisant les aliments considéré. Elles se trouvent à la surface de la carcasse
de ce groupe : (graisses de couverture), autour des muscles ou à l’inté-
• Protéines rieur du muscle (marbré, persillé). Il est possible de dimi-
• Minéraux : fer (viande, jaune d’œuf), iode (poisson) nuer le taux de lipides des viandes en éliminant les
• Vitamines : groupe B ; A (foie et jaune d’œuf) graisses visibles. Compte tenu de ces considérations une
• Pas de calcium et pratiquement pas de vitamine C viande peut contenir 2 à 30 % de graisses (tableau I).
• Apports potentiels en lipides Les viandes les plus maigres (< 10 %) sont le lapin, le
• Apport en cholestérol cheval, le veau, le poulet et la dinde (sans peau). Parmi
les viandes les plus grasses (10 à 30 %) on trouve certains
Les viandes morceaux de bœuf et de porc ainsi que l’agneau, l’oie et le
Apports en protéines canard. Ces différences restent relatives car il est toujours
Les viandes renferment en moyenne 20 % de protéines. possible de choisir des morceaux très maigres (filet de
Ces protéines sont composées essentiellement de myo- porc, filet de canard sans la peau…). Les abats (foie,
cœur, rognons) ainsi que le gibier sont des viandes mai-
1. Laboratoire de nutrition et maladies métaboliques, faculté de Médecine de gres (~ 5 %).
Nancy, université Henri Poincaré-Nancy I, Bâtiment RB, 1er étage, 9, avenue de
la forêt de Haye, BP 184, 54 500 Vandoeuvre Les Nancy. Les lipides des viandes sont constitués principalement
2. Service de diabétologie, maladies métaboliques, maladies de la nutrition, CHU d’acides gras saturés et monoinsaturés. Leur composi-
de Nancy, hôpital Jeanne d’Arc, BP 303, F54201 Toul Cedex.
1. La 1re catégorie représente les morceaux à cuisson courte : filet, escalope, bif-
Correspondance : O. Ziegler, à l’adresse ci-dessus. E-mail : o.ziegler@chu-nancy.fr teck, côte…

Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004 217


31
dossier enseignement

Tableau I. Phosphore. Les abats, en particulier le foie, sont très


Composition lipidique de quelques aliments du groupe des viandes, riches en fer et en phosphore.
poissons, œufs.
Apports en vitamines
Lipides Acides gras Les viandes sont dépourvues de vitamines liposolubles.
Aliment totaux (% des AG totaux) Elles sont riches en vitamines du groupe B. Les abats (prin-
(g/100 g) Saturés Monoinsaturés Polyinsaturés cipalement le foie) en sont les plus riches et représentent
en outre un apport important de vitamines A et D.
Agneau* 15 53 41,9 5,1
Bœuf* 8,5 45,7 50 4,3 Les charcuteries
Porc* 12 41,2 48,9 9,9
À l’origine, la charcuterie est une méthode de conservation
Cheval 4,6 39,5 34,9 25,6 de la viande. Toute charcuterie fait l’objet d’une salaison
Œuf 10,5 36 48,8 15,1 avec un mélange de sel et de nitrate de potassium, ou de
Oie 17,5 43,7 41,3 15 sel et de nitrite de sodium. Les charcuteries contiennent
Poulet 4 35,1 48,6 16,2 10 % à 20 % de protéines. Les jambons cuits ou secs en
Dinde 2,9 36,7 35,5 27,8 sont les plus riches.
Thon au 1,6 37,8 28, 34,1 Cette catégorie d’aliments se caractérise surtout par sa
naturel richesse en lipides : 20 % à 35 % pour les saucisses, sau-
Sardine 9 34,2 31,6 34,2 cissons cuits, pâté de foie et 35 % à 40 % pour les rillettes,
saucissons secs et salamis. Seuls les jambons débarrassés de
Saumon 10,1 21,1 40 38,9
leurs graisses contiennent moins de 10 % de lipides. La
Hareng 14,6 23,1 32,1 44,8 composition de ces lipides se rapproche de celle des grais-
* Moyennes. ses animales (voir chapitre matières grasses). La teneur en
Source : Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995. cholestérol des charcuteries est variable : 100 mg/100 g
dans les saucissons et saucisses, 150 à 260 mg/100 g dans
les pâtés de foie et 60 à 70 mg/100 g dans le jambon
(tableau II).
tion varie cependant en fonction du type de viande consi-
déré. Les volailles représentent globalement une bonne Les poissons
source d’acides gras mono et polyinsaturés (tableau I).
Toutes les viandes, mêmes maigres sont sources de cho- Apports en protéines
lestérol, en particulier les abats (tableau II). Le poisson représente un apport en protéines d’aussi
bonne qualité que la viande. Il contient en outre une quan-
Apports en glucides tité plus importante de substances azotées non protéiques
Il est négligeable car il n’y a pratiquement plus de glyco- (ammoniaque, urée…) qui lui donnent une odeur caractéris-
gène dans la viande au stade de sa commercialisation. tique. Le poisson contient en moyenne 20 % de protéines.
Les huîtres et les moules 7 à 10 %.
Apports en minéraux
Apports en lipides
Les viandes sont riches en phosphore et représentent la
meilleure source alimentaire de fer héminique. Il s’agit de Les poissons sont pour leur immense majorité moins gras
fer ferreux (++), mieux absorbé que le fer ferrique (+++) que les viandes. Il est souhaitable d’encourager leur
des végétaux. Cette catégorie d’aliments est pauvre en consommation à la place de la viande ou de la charcute-
calcium et présente un très mauvais rapport Calcium/ rie. La teneur en lipides des poissons est variable (0,5 %
à 15 %). On les classe généralement en 3 groupes, pois-
sons maigres (0,5 % à 5 %) : merlan, sole, dorade, morue
(ou cabillaud), truite, colin… ainsi que mollusques et crus-
Tableau II. tacés, poissons demi-gras (5 % à 10 %) : maquereau, sar-
Teneur en cholestérol des viandes, poissons et œufs. dine, saumon, thon…, poissons gras (> 10 %) les moins
nombreux : anguille, hareng… Cependant la composition
Aliments Cholestérol (mg/100 g)
lipidique des poissons varie beaucoup selon l’espèce
Cervelles 2 000 à 2 200 considérée et la saison de la pêche. Par exemple celle du
Rognons 365 à 380 thon blanc est de 0,7 %-18,2 % !
Foie 265 à 555 Les lipides des poissons sont composés d’une proportion
Cœur 150 à 170 non négligeable d’acides gras monoinsaturés et polyin-
Langue 110 à 140
saturés (tableau I) en particulier de la série n-3 (l’acide
eicosapentaénoïque ou EPA : C20:5 et l’acide docosa-
Jaune d’œuf 1 480
hexaénoïque ou DHA : C22:6).
1 jaune d’œuf (20 g) 300 La teneur en cholestérol du poisson est de 50 mg à
Charcuteries 100 à 380 70 mg pour 100 g. Les crustacés ont une teneur assez
Viandes en général 65 à 80 élevée, en revanche les coquillages (huîtres, moules,
Viandes de porc 100 palourdes…) contiennent des quantités relativement
Crustacés (crevettes, homard) 140 à 182 importantes de stérols mais le cholestérol ne représente
Œuf de « lump », caviar 300 en fait qu’un tiers de ces stérols (tableau II).
Coquillages (moules, coquille St Jacques) 50 à 70 Apports en glucides
Poissons (moyenne) 50 à 70 Les coquillages contiennent un peu de glycogène.

218 Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004


32
dossier enseignement

Apports en minéraux indispensables sont présents. Ces protéines sont très bien
Comme les viandes, le poisson apporte peu de calcium. Il assimilées par l’organisme (CUD = 95 à 98).
représente une source importante de phosphore et pour Apports en lipides
les poissons de mer d’iode. Il est d’autre part moins riche
en fer que la viande. Les coquillages et crustacés ont la La teneur en lipides du lait de consommation courante est
particularité d’être plus riches en divers minéraux (cal- standardisée à un taux minimum de 36 g par litre de lait
cium, zinc, fer, sodium…). Poissons et crustacés sont entier. Cette teneur en lipides confère au lait entier une
riches en sélénium. valeur énergétique importante (700 Kcal soit 2 930 KJ pour
1 litre). Les laits demi-écrémé et écrémé apportent respecti-
Apports en vitamines vement 15 g à 18 g et 1 g de lipides par litre. Les triglycéri-
Les poissons sont une bonne source de vitamines du des du lait comportent essentiellement des acides gras
groupe B (en particulier B12) et de vitamine E. Les vita- saturés (60 à 65 %) et monoinsaturés (32 %). Le lait est
mines A et D sont également abondantes dans les pois- pauvre en acides gras essentiels (environ 3 %) et comporte
sons gras et surtout dans le foie de poisson. 11 % à 15 % d’acides gras à chaîne courte ou moyenne (C4
à C12). Le lait contient également du cholestérol (lait entier :
Les œufs 140 mg/litre, lait 1/2 écrémé : 90 mg/litre).
Apports en protéines Apports en glucides
Les protéines de l’œuf (l’ovalbumine dans le blanc et ovovi- Le lactose, glucide essentiel du lait, favorise l’absorption
telline dans le jaune) ont une excellente valeur biologique. du calcium contenu dans cet aliment. Un litre de lait, qu’il
Leur composition en acides aminés, parfaitement équilibrée, soit entier ou écrémé apporte 50 g de lactose. Celui-ci
en fait la protéine de référence pour le calcul du coefficient peut provoquer des troubles digestifs chez les sujets ayant
d’efficacité protidique des autres aliments sources de proti- perdu l’habitude de consommer du lait (production de lac-
des. La teneur protéique de l’œuf entier est de 14 % ce qui tase très faible). Il est alors conseillé de remplacer le lait
représente un apport de 8 g pour un œuf de 55 g. par du yaourt ou des fromages.
Apports en lipides Apport en minéraux et oligo-éléments
Les lipides représentent 12 % de l’œuf entier. Ils sont Le lait est une source importante de calcium : 1 200 mg
contenus uniquement dans le jaune (33,5 g pour 100 g de par litre (les besoins journaliers de l’adulte sont de
jaune d’œuf soit environ 7 g de graisses dans 1 jaune) et 900 mg). Le calcium du lait est mieux absorbé que celui
comportent une forte proportion de phospholipides. Le de toute autre source grâce à la présence d’éléments favo-
jaune d’œuf est d’autre part une source importante de rables (protéines, graisses et un peu d’acide lactique). Il est
cholestérol (1 500 mg environ pour 100 g soit 300 mg mieux utilisé par l’organisme car le lait apporte en même
pour 1 jaune). temps du phosphore (rapport Ca/P = 1,4) et de la vita-
mine D. Le lait apporte en outre du chlorure de sodium,
Apports en minéraux du chlorure de potassium et de faibles quantités de soufre,
Le jaune d’œuf est riche en phosphore et en fer. Comme magnésium et cuivre. Il ne contient pas de fer.
la viande et le poisson il représente un faible apport de
calcium associé à un rapport Ca/P très défavorable à son Apport en vitamines
absorption. Le lait entier est une source appréciable de vitamine A.
La teneur en vitamine D est variable (plus élevée dans le
Apports en vitamines lait d’été que dans le lait d’hiver). Presque toutes les vita-
L’œuf est une bonne source de vitamines du groupe B et mines du groupe B sont présentes, en particulier la
pour le jaune de vitamines A et D. Il n’y a pas de relation vitamine B12. Les vitamines liposolubles (A et D) sont
entre la couleur plus ou moins intense du jaune et sa absentes dans le lait écrémé.
teneur en vitamines.
Les fromages

Produits laitiers Définition et classification


La fabrication d’un fromage comporte 3 étapes :
Apports nutritionnels caractérisant les aliments
de ce groupe : Tableau III.
Apports nutritionnels moyens des différents laits/100 g.
• Protéines
• Calcium P L G Ca
• Vitamines : B2 – A et D dans les produits non écrémés kcal KJ
(g) (g) (g) (mg)
• Pas de fer ni de vitamine C Lait entier 263 3,2 3,5 4,6 120
• Apports potentiels en lipides
Lait 1/2 écrémé 63 195 3,2 1,6 4,6 114
• Apport de cholestérol
Lait écrémé 46 142 3,3 0,2 4,6 112
Lait en poudre écrémé* 34 1 467 35,5 0,8 50 1 300
Le lait
Lait concentré entier non sucré 351 544 6,4 7,5 9,2 255
Apport en protéines Lait concentré sucré 130 1 358 8,4 9,1 55,8 280
Un litre de lait de vache, qu’il soit entier ou écrémé apporte 325
35 g de protéines. Il s’agit principalement de caséine, de * 10 g de poudre permet de reconstituer 100 ml de lait.
lactalbumine et de lactoglobuline. Tous les acides aminés Source : Répertoire général des aliments, produits laitiers, Ciqual, 1995.

Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004 219


33
dossier enseignement

Tableau IV. Tableau V.


Apports en minéraux et en acide folique des laits de consommation Apports nutritionnels moyens des principaux produits laitiers et des diffé-
courante et de quelques laits enrichis/100 g. rentes classes de fromages/100 g.

Acide P L G Ca
Fe Zn Mg kcal KJ
folique (g) (g) (g) (mg)
(mg) (mg) (mg)
(µg)
Yaourt nature 50 213 4,3 1,2 5 173
Lait entier stérilisé UHT 0,05 0,4 10 3,00 Fromage blanc 120 498 7,7 8 3,4 111
Lait 1/2 écrémé stérilisé UHT 0,05 0,4 10 2,90 à 40 % MG
Lait « Croissance » de Candia* 1,3 0,8 9,3 3 Fromage blanc 80 335 8,5 3,4 3,6 117
Lait « Grand Vivre » Candia 0,8 0,7 16 11,9 à 20 % MG
Lait « Future Maman » Candia 1,6 1 17 130 Fromage à pâte molle :
Lait « Pour Maman » Gervais 1 – 24 25 Camembert 284 1 178 21,2 22 0,2 400
45 % MG
* De plus, enrichis en acides gras essentiels (acide lino-
léique et acide linolénique). Munster 333 1 380 19 28,5 0 430
Sources : Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995; Fromages persillés :
Documentation Candia, Gervais.
Roquefort 370 1 532 18,7 32,8 0 600
Fromages à pâte
La coagulation du lait par acidification lactique et/ou ajout pressée :
de présure qui aboutit à la formation d’un gel de caséine. Saint-Paulin 298 1 236 23,3 22,7 0 780
Ce gel est égoutté et on obtient le caillé. Celui-ci subit une Emmental 378 1 572 29,4 28,8 0,2 1 185
maturation provoquée par les enzymes produites par des Fromage fondu 292 1 213 16,8 22,7 2,8 492
micro-organismes spécifiques à chaque type de fromage. Source : Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995.
Il est habituel de classer les fromages selon leur mode
de fabrication :
• fromages frais (fromages blancs, suisses, demi-sel…) : fromage blanc à 40 % de matières grasses contient en réalité
ces fromages ne subissent pas d’affinage. Ils sont riches 8 g de graisses pour 100 g. Les fromages les plus riches en
en eau (70 % à 80 %). matières grasses sont les fromages à pâte cuite type gruyère
• fromages à pâte molle à croûte moisie (Camembert, (32 g de matières grasses pour 100 g). Les lipides des fro-
Carré de l’Est, Brie, Neufchâtel…). mages sont composés majoritairement d’acides gras saturés
• fromages à pâte molle à croûte lavée (Livarot, Muns- (60 % à 65 %) et monoinsaturés (30 % environ). Les froma-
ter, Maroilles…) : le lavage de la surface des fromages à ges affinés contiennent en moyenne 90 mg à 100 mg de
l’eau salée favorise l’implantation d’une flore bactérienne cholestérol pour 100 g.
rouge orangée qui confère à ces fromages leur saveur et Apports en glucides
leur odeur prononcée. Le lactose est presque totalement éliminé lors de l’égout-
• fromages persillés (moisissures intérieures) (Roquefort, tage. La quantité restante est transformée en acide lac-
Bleus d’Auvergne, de Bresse…). Le roquefort est fabriqué tique lors de l’affinage.
exclusivement avec du lait de brebis, tous les autres à par- Apports en minéraux
tir de lait de vache. L’apport en calcium et en phosphore dépend du mode
• fromage à pâte pressée non cuite (Port-Salut, Cantal, de fabrication des fromages. L’emmental (pâte pressée
Edam, Saint-Nectaire…) : l’égouttage du caillé est effectué cuite) apporte environ 1 000 à 1 200 mg de calcium pour
par pressage. 100 g. Un fromage type pâte molle en contient 200 à
• fromages à pâte pressée cuite (emmental, comté, 400 mg pour 100 g et les fromages frais 100 mg pour
beaufort, gruyère…) : le caillé subit une cuisson avant 100 g. Les fromages sont plus ou moins riches en chlo-
d’être pressé. rure de sodium. Leur teneur dépend de la quantité de sel
• fromages fondus : ils sont constitués par des fromages ajoutée lors de leur fabrication.
divers broyés et fondus. Apports en vitamines
Composition La teneur en vitamine A des fromages est proportion-
On retrouve dans les fromages l’essentiel des composants nelle à leur teneur en matières grasses. Les fromages
du lait (tableau V). bleus sont de bonnes sources de vitamines du groupe B
(les moisissures en réalisent la synthèse).
Apports en protéines
C’est la caséine qu’on retrouve dans le fromage, les pro-
téines solubles étant éliminées lors de l’égouttage. La
teneur en protéines est variable : 8 % à 10 % dans un fro-
Matières grasses
mage frais, 20 % à 24 % dans les fromages à pâte molle
et 28 % à 30 % dans les fromages à pâte pressée. Apports nutritionnels caractérisant les aliments
Apports en lipides de ce groupe :
La totalité des lipides du lait est conservée dans les fromages. • Acides gras essentiels (acide linoléique (C18 : 2 n-6),
La teneur en lipides d’un fromage dépend de sa richesse en acide α-linolénique (C18 : 3 n-3)
eau. Les teneurs en matières grasses indiquées à la vente • Vitamines liposolubles – D – A (rétinol) – E (alpha
sont toujours exprimées en pour cent de matière sèche. Un tocophérol)
camembert à 45 % de matières grasses en contient en fait • Source d’énergie importante (9 kcal/g)
22 grammes pour 100 g de fromage prêt à consommer. Un • Aucun élément minéral

220 Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004


34
dossier enseignement

Les matières grasses d’origine animale 8 % d’acide linolénique. Les nouvelles variétés de colza ne
contiennent pratiquement plus d’acide érucique.
La crème et le beurre
L’huile d’arachide comporte 30 % à 35 % d’acides gras
La crème comporte environ 30 % à 35 % de lipides et le polyinsaturés dont moins de 1 % d’acide linolénique. C’est
beurre 82 % à 84 %. Les acides gras saturés représentent une bonne source d’acides gras monoinsaturés (45 % à
plus de 60 % des acides gras totaux (en particulier acide pal- 50 %). Les acides gras saturés représentent environ 20 %
mitique C16:0, acide myristique C14:0 et acide stéarique des acides gras totaux.
C18:0). Le beurre apporte également des acides gras saturés Les huiles de maïs, soja, tournesol, pépin de raisin, et
à chaîne courte ou moyenne (environ 13 %) (tableau VIa et noix représentent les meilleures sources d’acides gras
c). Ces produits sont pauvres en acides gras polyinsaturés polyinsaturés (60 % à 70 % des acides gras totaux). Les
(2 %) et apportent du cholestérol (250 mg/100 g de huiles de soja et de noix comportent en outre 7 % à 15 %
beurre). d’acide linolénique. Ces huiles sont une source très impor-
Ces matières grasses sont une excellente source de vita- tante de vitamine E.
mine A (teneur variable selon la provenance du beurre) et
contiennent un peu de vitamine D lorsqu’ils sont réalisés à Les huiles concrètes (ou graisses végétales)
partir du lait d’été. Ils n’apportent pas du tout de calcium. Ces huiles sont caractérisées par une forte teneur en aci-
des gras saturés. L’huile de palme comporte 50 % à
Beurres allégés et spécialités laitières à tartiner
60 % d’acides gras saturés et 5 % à 10 % d’acides gras
Ces produits sont tous fabriqués à partir de matières grasses polyinsaturés. Elle est principalement employée par les
d’origine laitière (beurre ou crème). Il en existe trois grandes industries alimentaires (margarineries, biscuiteries) et pour
catégories dont la teneur en lipides est respectivement de la réalisation des fritures en collectivités. L’huile de
60 %, 40 % et 27 %. Les caractéristiques nutritionnelles de coprah (végétaline) comporte plus de 90 % d’acides gras
ces produits, en dehors du fait qu’ils sont moins caloriques, saturés (dont 50 à 60 % à chaîne courte).
sont semblables à celles du beurre. La plupart sont enrichis
en vitamine A et parfois en vitamine E. Les margarines
Il existe aussi d’autres pâtes à tartiner à teneur en lipides La margarine est constituée par l’émulsion d’une phase
réduite, qui associent des matières grasses laitières et des aqueuse dans une phase grasse qui représente 82 % du
matières grasses végétales. Leurs caractéristiques nutrition- produit final. Elle comprend, selon les cas, des huiles ou
nelles dépendent alors du type de matières grasses utilisées. des graisses végétales et animales. Le type d’huile ou de
graisse entrant dans la composition d’une margarine est
Autres matières grasses d’origine animale très variable et les caractéristiques nutritionnelles du pro-
Il s’agit des matières grasses obtenues par fusion des tissus duit final en dépendent. On distingue les margarines clas-
gras des animaux : saindoux, graisse d’oie ou de canard, siques vendues en emballage papier qui sont solides à
suif de bœuf ou de cheval… Ces graisses contiennent température ambiante. Elles sont composées en partie de
toutes 90 à 100 % de lipides. graisses animales (saindoux), de graisses de poisson ou de
Le saindoux et le suif de bœuf sont composés d’acides gras beurre associées à des huiles et comportent surtout des
saturés (45 %) principalement à chaîne longue (C16 et acides gras saturés et monoinsaturés. Elles contiennent
C18), d’acides gras monoinsaturés (42 % environ) et de en outre du cholestérol.
peu d’acide linoléique (5 % à 9 %). Ce sont des composi- Les margarines d’origine exclusivement végétale sont
tions moyennes. Les proportions relatives d’acides gras composées d’un mélange d’huiles diverses hydrogénées en
varient en fonction notamment de l’alimentation qu’a reçue partie. Les margarines faites exclusivement avec de l’huile
l’animal. Les graisses de volaille (oie, canard) contiennent de tournesol ou de maïs sont de plus en plus présentes sur
en moyenne moins d’acides gras saturés (environ 30 %) et le marché. Elles ont les caractéristiques nutritionnelles des
nettement plus d’acides gras monoinsaturés (50 % à huiles avec lesquelles elles sont fabriquées. Leur teneur en
60 %) et polyinsaturés (11 % à 15 %). Toutes ces graisses acides gras polyinsaturés est cependant inférieure à celle
apportent en outre 100 mg de cholestérol pour 100 g. des huiles du même nom du fait de l’hydrogénation qu’elles
ont subie au cours de la fabrication.
Les huiles et margarines Comme les spécialités laitières à tartiner, les margarines
Les huiles allégées ont une teneur en matières grasses totale de
60 %, 41 % ou 27 %. Elles sont réalisées à partir d’huiles
Ce sont les huiles fluides ou concrètes préparées à partir
riches en acide gras polyinsaturés partiellement hydrogé-
de graines ou de fruits oléagineux. Les huiles sont géné-
nés et d’une fraction d’huile de palme. Elles sont en géné-
ralement liquides à une température ambiante. On appelle
ral enrichies en vitamine A et parfois en vitamine E.
huiles concrètes ou graisses les matières grasses solides à
Du fait de l’extrême diversité des beurres et margarines allé-
température ambiante (huile de coprah…). Ces matières
gées, il n’est pas possible d’en donner une composition
grasses ne contiennent pas de cholestérol et apportent
moyenne représentative. On trouve depuis peu une marga-
toutes 100 % de lipides.
rine allégée enrichie en stérols végétaux (Pro-Activ-Fruit
Les huiles se distinguent les unes des autres par leur
d’Or). Cette margarine est fabriquée à partir d’huiles végéta-
composition en acides gras (tableau VIb). L’huile
les non hydrogénées. On y a ajouté des esters de stérols
d’olive est une source importante d’acides gras monoin-
végétaux (13,8 % du produit) qui ont la propriété de réduire
saturés (70 % à 75 % des acides gras présents). Sa
le cholestérol sanguin en inhibant son absorption intestinale.
teneur en acides gras saturés et polyinsaturés est faible.
L’huile de colza présente aussi une forte teneur en acides
gras monoinsaturés (60 % à 65 % des acides gras totaux). Remarques :
Elle est un peu plus riche en acides gras essentiels (30 % des Les acides gras ayant un effet hypercholestérolémiant
acides gras totaux) et se distingue surtout par la présence de sont les acides gras saturés, et plus particulièrement les

Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004 221


35
dossier enseignement

acides palmitique et myristique. Par contre l’acide lauri- Légumes et fruits


que a peu d’effet et l’acide stéarique est sans effet, de
même que les acides gras à chaîne courte ou moyenne.
Apports nutritionnels caractérisant les aliments de
ce groupe :
• Fibres
Tableau VIa.
Composition de quelques corps gras solides.
• Minéraux
• Vitamines : C, bêta-carotène, vitamines du groupe B
Lipides Acides gras (% des AG Totaux) • Glucides
Aliment Totaux Mono- Poly- • Pas de lipides et apport de protéines négligeable
(g/100 g) Saturés insaturés insaturés
Légumes
Beurre 83 67,3 30,1 2,6
Crème 33,5 67,3 30,1 2,6 Les légumes frais proviennent de toutes les parties de la
Saindoux 99 45,7 44,6 9,6
plante : racines (carottes, navet…), tubercules (pommes de
terre), tiges (céleri branche), feuille (épinard), fleur (chou-
Graisse d’oie 99 28,6 59,8 11,5
fleur), fruit (tomate, courgette). Ils se caractérisent par une
Végétaline 100 99,3 0,7 tr.
teneur en eau très importante (90 % en moyenne), un
Margarine apport en glucides modéré : 1 % à 6 % pour les parties
tourne-sol
aériennes des plantes (salades, épinards, courgettes, toma-
Margarines maïs 82,5 18 39,7 42,3 tes…) et 9 % environ pour les racines (carottes, céleri…).
82,5 17,5 42,1 40,4 Les légumes représentent un apport important de potas-
Sources :Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995. sium. On y trouve également du calcium (surtout dans les
Répertoire général des aliments, Corps gras, Ciqual, choux), du magnésium, du fer et du cuivre (légumes à feuilles
1987.
type épinard), du soufre (choux, oignons, ail, poireaux,
Tableau VIb. navets, radis) et de nombreuses autres matières minérales.
Composition de quelques huiles.
Les légumes sont riches en vitamines hydrosolubles : vita-
Acides gras (% des AG mine C (choux, légumes à feuilles, tomates), provitamine A
Lipides Totaux) ou bêta-carotène (partie colorée des plantes : légumes à
Aliment Totaux feuilles vertes, carottes…) et vitamines du groupe B.
(g/100 g) Mono- Poly-in-
Saturés Les fibres des plantes se composent surtout de cellulose,
insaturés saturés
d’hémicellulose et de matières pectiques.
Huile d’arachide 100 20,8 47,5 31,7 La pomme de terre se distingue par un apport plus impor-
Huile d’olive 100 15,2 74,3 10,5 tant en amidon (20 %) et une teneur en vitamine C assez
Huile de colza 100 6,5 64,3 26,5 faible surtout après quelques mois de conservation. Elle
Huile de noisette 100 7,3 76,3 16,4 doit être assimilée aux aliments sources d’amidons (pâtes
Huile « Isio 4 » 100 12 41 47 alimentaires, riz) plutôt qu’à un légume frais.
Huile de maïs 100 12,9 27,4 59,6
Fruits
Huile de soja 100 14,8 21,6 63,6
Huile de tournesol 100 12,2 23,5 64,3 Composition des fruits
Huile de noix 100 9,8 17,1 72,3 La composition des fruits est semblable à celle des légumes.
Sources :Répertoire général des aliments, Ciqual, 1995. Leur teneur en glucides est cependant plus élevée. Il s’agit
Répertoire général des aliments, Corps gras, Ciqual, le plus souvent de sucres (de fructose mais aussi de saccha-
1987.
rose ou de glucose et plus rarement d’amidon (banane, châ-
Tableau VIc. taigne). L’apport en sucres est très variable. Il est peu
Composition en acides gras de quelques lipides alimentaires d’après important pour les agrumes, les groseilles, les fraises, les
Grundy et Denke (% des acides gras totaux). framboises, les mûres, le melon et la pastèque (5 % à
Beurre 10 %). Les fruits les plus riches en sucres sont le raisin, la
Porc Mou- banane (18 % à 20 %).
Acides gras Beurre Bœuf Poulet de
(lard) ton Un fruit apporte généralement 15 g à 20 g de glucides
cacao
4 Chaîne 9,2 0,1 0,1 0,2
(tableau VII).
à courte L’intérêt principal des fruits réside dans leur richesse en
10:0 vitamines. Les plus riches en vitamine C sont les fruits
12:0 Laurique 3,1 0,1 0,1 0,2 0,3 acides (agrumes, groseilles, cassis, fraises…), les plus
14:0 Myristique 17,7 3,3 1,5 1,3 5,2 0,1 riches en carotène sont les fruits colorés (abricots, pêches,
16:0 Palmitique 26,2 25,5 24,8 23,2 23,6 25,8 myrtilles, cassis…).
16:1 Palmitoléique 1,9 3,4 3,1 6,5 2,5 0,3
Seuls, les agrumes contiennent du calcium.
Il y a peu d’oligo-éléments dans les fruits. Ils sont tous
18:0 Stéarique 12,5 21,6 12,3 6,4 24,5 34,5
riches en potassium et pauvres en sodium.
18:1 Oléique 28,2 38,7 45,1 41,6 33,3 35,3
Les fibres des fruits sont composées à part égale de cellu-
18:2 Linoléique 2,9 2,2 9,9 18,9 4 2,9
lose, lignine, hémicellulose et matières pectiques. Certains
18:3 Linolénique 0,5 0,6 1,1 1,3 1,3 fruits sont particulièrement riches en pectines (pomme,
Autres 4,6 3,0 0,6 5,1 1,1 coing, groseille).

222 Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004


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dossier enseignement

Tableau VII. Composition nutritionnelle


Fruits : équivalence pour 15 g-20 g de glucides (60-80 kcal). Apports en glucides
• 1 petite banane, soit 100 g Cette catégorie d’aliments est principalement source
• 1 petite grappe de raisin, soit 100 g d’amidon : 74 % dans les farines, 72 %-73 % dans les
• 1 poire ou pêche ou pomme ou orange moyenne, soit 150 g pâtes alimentaires et les biscottes, 55 % dans le pain et
• 1/2 pamplemousse (jaune ou rose) 80 % dans le riz. Les céréales et farines complètes appor-
• 3 mandarines ou clémentines, soit 150 g
• 4 abricots moyens, soit 150 g tent en plus des fibres. Le son de blé se compose princi-
• 12 cerises, soit 100 g palement d’hémicellulose et de cellulose.
• 10 mirabelles, soit 100 g Apports en protéines
• 5 prunes-quetsche ou Reine Claude, soit 150 g
• 1 coupelle de fraises, framboises, myrtilles ou groseilles, Les farines apportent en moyenne 10 % de protéines, le
soit 250 g
• 200 g de melon pain 7 % à 8 %, le riz et les pâtes alimentaires 10 %. Ces
protéines sont pauvres en lysine. En leur associant des
produits laitiers ou des œufs, riches en cet acide aminé,
on augmente notablement leur valeur biologique.
Fruits secs Apports en minéraux
– Les fruits séchés (raisins, pruneaux, bananes, pommes, Les céréales et leurs dérivés sont pauvres en calcium. Elles
poires) renferment en moyenne 73 % de glucides assimi- apportent beaucoup de phosphore, pour les 3/4 sous
lables. Si la dessiccation est bien conduite (par des procé- forme d’acide phytique dans les produits à base de farines
dés industriels plutôt que grâce au soleil), ces fruits complètes. Ce type d’aliments apporte du fer et du
constituent une bonne source de vitamines A et C. Ils ont magnésium malheureusement mal absorbés.
une teneur élevée en fibres. Apports en vitamines
– Les fruits oléagineux (noix, noisettes, amandes, caca- Il s’agit essentiellement de vitamines du groupe B (B1,
huètes, noix de cajou) représentent un apport important B2, PP). Les teneurs sont plus élevées dans les céréales
de lipides (plus de 50 %) et de protéines (10 % à 15 %). et farines complètes. Cependant la présence d’acide phy-
Les noix et les noisettes sont riches en acides gras insa- tique et de son peut nuire à leur absorption.
turés (poly ou mono). Aliments à base de céréales
Les fruits oléagineux représentent par ailleurs une bonne – Le pain
source de minéraux (calcium, magnésium, fer) et de Le pain est composé de farine, eau, sel et levure. Il existe
fibres. Il s’agit d’aliments très énergétiques. une grande variété de pains réalisés à partir de divers
types de farines et de méthodes : pain complet, pain au
son, pain de campagne, pain de seigle, pain aux céréales,
Céréales et dérivés – légumineuses pain de mie. Le pain blanc est moins riche en fibres,
minéraux et en vitamines que le pain complet. Cependant
Céréales et dérivés l’apport d’acide phytique et de son peut être cause d’une
moins bonne absorption de ces éléments nutritifs.
Les céréales les plus utilisées en France sont le blé, le riz
et dans une moindre mesure le maïs, l’avoine, le seigle, le – Les biscottes
sarrasin et le manioc (tapioca). Elles contiennent en plus un peu de sucre et de matières
grasses.
Apports nutritionnels caractérisant les aliments de – La viennoiserie et les biscuits
ce groupe : Les croissants, brioches, pains au raisins et biscuits de toutes
• Glucides (amidon) sortes représentent un apport supplémentaire en matières
• Protéines végétales grasses, sucre et œuf (d’où une valeur énergétique élevée).
• Vitamines du groupe B – Le riz
• Pas de lipides Le riz subit divers traitements avant d’être commercialisé
• Fibres sous forme de riz blanc. Le riz blanchi et poli perd 60 %
• Minéraux à 75 % de ses vitamines d’origine. Le riz étuvé est cepen-
dant 2 à 3 fois plus riche en vitamines que le riz blanc
Formes d’utilisation des céréales ordinaire (au cours de l’étuvage les vitamines et certains
minéraux diffusent à l’intérieur du grain).
Blé Farines : pain, biscottes, pâtisseries
Semoule : potages, entremets, couscous Légumineuses
et pâtes alimentaires
Céréales pour petit déjeuner Cette catégorie comprend les légumes secs (lentilles, hari-
Riz Riz blanc, riz brun, riz complet cots, pois, pois chiches…), le soja et l’arachide.
Farines : amidon de riz
Céréales pour petit déjeuner
Les légumes secs
Maïs Farine : (maïzena) Ces aliments sont riches en protéines, éléments minéraux
Céréales pour petit déjeuner (phosphore, fer) et vitamines du groupe B. Ils se rapprochent
Manioc Tapioca de ce fait des aliments du groupe « viande, poisson, œuf ».
Avoine Flocons Les légumes secs apportent 24 % de protéines. Ces protéi-
Seigle Farine : pain nes sont pauvres en méthionine ; leur valeur biologique est
Sarrasin Farine donc moins bonne que celle de la viande, du poisson, des

Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004 223


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dossier enseignement

œufs ou des produits laitiers. Il est intéressant d’associer des Le chocolat


céréales aux légumes secs afin de les compléter mutuelle-
ment en leur acide aminé déficitaire. Cette association est Il est obtenu par le mélange de sucre et de pâte de cacao.
indispensable dans une alimentation strictement végéta- La pâte de cacao représente, sauf pour le chocolat au lait,
lienne. au moins 35 % du produit final dont 18 % de beurre de
cacao.
Les légumes secs sont riches en fibres (12 % à 25 % du
Le chocolat apporte en moyenne 50 % à 65 % de sac-
poids sec), ce qui rend leur digestibilité parfois difficile. La
charose, 20 % à 30 % de lipides (beurre de cacao essen-
consommation des légumes secs nécessite une cuisson
tiellement), 6 % de protéines, des minéraux (phosphore,
plus longue préjudiciable à leur apport en vitamines.
calcium, magnésium, et un peu de fer) et un peu de vita-
Les minéraux des légumes secs sont mal absorbés (le taux mines.
d’absorption intestinale du fer est d’environ 3 %). Cepen-
dant il faut rappeler que le fer non héminique représente
85 % à 90 % du fer alimentaire et que son absorption
augmente lorsqu’il existe un déficit du statut en fer de Boissons
l’organisme.
L’eau
Le soja et l’arachide
Ces aliments sont comparables aux légumes secs du point La composition de l’eau est extrêmement variable. La
de vue de leur teneur en protéines, vitamines et minéraux. législation impose pour les eaux potables un taux maxi-
Ils apportent en plus des lipides (respectivement 18 % et mum de minéraux de 2 g/l. Les minéraux qui peuvent
45 %). L’industrie extrait les protéines du soja et fabrique être présents dans l’eau sont nombreux : calcium, magné-
des produits « texturés » rappelant la viande. Ces produits sium, fer, sodium, potassium, fluor…
sont ajoutés aux viandes hachées. Il en est toujours fait Les eaux de boissons sont classées en 4 catégories :
mention sur l’étiquetage des ces aliments. les eaux de distribution publique correspondant à la
définition des eaux potables, les eaux de table sont des
eaux de distribution vendues en bouteille, les eaux de
source doivent avoir une origine déterminée et être
Sucres et produits sucrés commercialisée telles qu’elles sortent du sol sans avoir subi
de traitement, les eaux minérales font l’objet d’une légis-
Apports nutritionnels caractérisant les aliments lation particulière et ont des propriétés « favorables à la
de ce groupe : santé ». Selon leur degré de minéralisation (évalué par le
• Glucides essentiellement (saccharose, glucose « résidu sec » : RS), les eaux minérales sont réparties en :
ou fructose) – eaux riches en sels minéraux (RS > 1 500 mg/l) : Contrex,
• Aucun autre élément nutritif sauf dans le chocolat Hépar, St-Yorre, Vichy Célestins, Quézac…
– eaux moyennement minéralisées (50 mg/l < RS
La dénomination de sucre est réservé aux mono et disac- < 1 500 mg/l) : Vittel, San Pellegrino, Badoit…
charides à l’exclusion des polyols, d’après la réglementa- – eaux faiblement minéralisées (RS < 500 mg/l) : Valvert,
tion nationale et communautaire relative à l’étiquetage et Evian, Volvic, Perrier…
à la présentation des denrées alimentaires.
Boissons sucrées
Le sucre
Il s’agit des limonades, sodas, sirops, coca-cola, boissons
Sucre de canne ou de betterave ne sont pas différents sur aux fruits. Les boissons aux fruits composées d’eau, de
le plan de leur composition. De même cassonade et sucre sucre et de 12 % seulement d’extraits de fruits ne doivent
roux ne présentent pas de caractéristiques nutritionnelles pas être confondues avec les jus de fruits. Un litre de ces
particulières. Tous ces sucres sont composés de 100 % boissons apporte 90 à 120 g de sucres.
de saccharose rapidement assimilé par l’organisme. Il Dans les boissons « light » le sucre est remplacé par un
s’agit d’une source d’énergie rapidement utilisable, inté- édulcorant de synthèse. Ce type de boissons n’apporte
ressante en cas d’efforts physiques importants. pas de sucre.
Les confiseries Le thé, le café
Leur définition légale est la suivante : « Préparations ali- Ces boissons sont très utilisées pour leurs qualités stimu-
mentaires dans lesquelles le sucre constitue l’élément domi- lantes (caféine, théine). Elles ne contiennent aucun élé-
nant à l’exclusion des confitures, gelées et marmelades ». ment nutritif assimilable.
En dehors du sucre les matières premières entrant dans leur
composition sont nombreuses et variées. Par exemple : Les jus de fruits
matières grasses végétales, amidon, gommes, gélatines, Les jus de fruits contiennent les éléments nutritifs des
colorants, parfums naturels et synthétiques, amandes, noi- fruits dont ils sont issus : minéraux, vitamines et sucres.
settes… Les sucres utilisés sont le saccharose mais aussi le La teneur en sucres d’un jus de fruit est variable : le jus de
sucre inverti, le glucose, le miel. raisin contient environ 200 g de sucres par litre, le jus
d’orange 90 g à 100 g.
Le miel
On appelle « jus de fruit » un produit composé exclusive-
Le miel est constitué pour 3 % à 6 % de saccharose, 35 % ment de fruits pressés. Les jus reconstitués à partir de
de glucose et 35 % de fructose. Vitamines et minéraux concentré de jus de fruits et d’eau ont également droit à
sont présents à l’état de traces. cette appellation. Les « nectars » qui sont des mélanges de

224 Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004


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dossier enseignement

jus de fruits (25 % à 50 % du produit final), d’eau et de de leur consommation. La conservation au froid n’empê-
sucre ne sont pas des jus de fruits. che pas le rancissement des graisses ce qui limite la durée
de conservation par ce procédé à quelques mois.
Boissons alcoolisées • Les conserves de viandes ou les plats cuisinés en
La densité de l’éthanol est de 0,8 ; une boisson titrant 10° conserve subissent une stérilisation à 112 °C-117 °C pen-
d’éthanol (soit 10 volumes pour 100 volumes d’eau) dant un temps variable avec la nature du produit. Une
contient 100 ml d’éthanol pur par litre soit 80 g. Les conserve entamée doit être gardée au froid et utilisée dans
boissons faiblement alcoolisées sont le cidre (2° à 6°), la les plus brefs délais.
bière (4° à 8°), le vin (9° à 15°) et les vins « cuits » (15° à Conservation et utilisation des poissons
25°). Les alcools « forts ou spiritueux » (liqueurs, eaux de
vie, cognac, boissons anisées) contiennent 35° à 60° Comme les viandes, les poissons sont conservés par le
d’alcool. froid ou par la chaleur. Plus rarement, on consomme du
poisson séché, salé, fumé ou mariné.
Les apports en éléments nutritifs de la bière ou du vin
(minéraux et vitamines du groupe B) sont faibles. • La réfrigération permet une conservation de 3 à 6 jours
L’alcool représente un apport énergétique de 7 kcal pour pour des poissons non éviscérés et de 10 à 12 jours pour
1 g soit 5,6 Kcal pour 1 ml d’alcool pur. Le tableau IX des poissons éviscérés.
regroupe quelques exemples de boissons alcoolisées cou- • La surgélation du poisson est souvent réalisée à bord des
ramment consommées. bateaux de pêche. Le poisson surgelé, comme la viande, peut
être conservé plusieurs mois à une température < – 18 °C.
Un entreposage trop long provoque cependant une déshy-
Pour en savoir plus dratation, l’oxydation des matières grasses et une dénatura-
tion des protéines. Pour limiter ces phénomènes il est
conseillé de conserver les poissons à des températures de
Viandes – Poissons – Œufs – 25 °C à – 30 °C. La surgélation permet de détruire les
Conservation et utilisation des viandes parasites comme les anisakies, elle doit être conseillée lors-
que les poissons sont destinés à être consommés crus.
Les viandes sont le plus souvent conservées par le froid • Les conserves de poisson concernent principalement les
(réfrigération, surgélation) ou grâce à la chaleur (conserves sardines, les maquereaux et le thon.
de plats cuisinés par exemple).
• Les autres modes de conservation sont souvent associés
• La réfrigération permet une conservation de courte entre eux et ces produits en dehors des poissons fumés
durée (15 à 20 jours pour les carcasses entre 0 °C et sont relativement peu consommés en France.
2 °C). Elle est limitée à quelques jours pour la conservation
domestique de la viande débitée en morceaux. Une viande Conservation des œufs
hachée fraîche doit être consommée dans la journée. Après leur achat les œufs peuvent être conservés au froid
• La surgélation est effectuée de façon à obtenir très rapi- pour une durée d’une semaine environ. La date de ponte
dement une température à cœur inférieure à – 18 °C. Les est de plus en plus fréquemment apposée sur la coquille
viandes surgelées doivent être maintenues à cette tempé- de l’œuf et une DLC (date limite de consommation) est
rature ou à une température inférieure jusqu’au moment mentionnée sur l’emballage.

Tableau VIII.
Composition de quelques eaux minérales (mg/l).

Ca2+ Mg2+ Na+ K+ HCO3– Cl– SO42– F– Résidu sec*


Calcium Magnésium Sodium Potassium Bicarbonates Chlorures Sulfates Fluor mg/l
Eaux plates :
Hépar 555 110 14 4 403 11 1 479 0,4 2 580
Contrex 486 84 9,1 3,2 403 8,6 1 187 0,3 2 125
Vittel 202 36 3,8 2 402 7,2 306 0,3 841
Evian 78 24 5 1 357 4,5 10 0,1 309
Valvert 67,6 2 1,9 0,2 204 4 18 < 0,1 201
Volvic 10 6 9,4 5,7 65,3 8,4 6,9 0,2 109

Eaux gazeuses :
Saint-Yorre 90 11 1 708 132 4 268 322 174 9 4 774
Vichy Célestins 90 9 1 265 71 3 245 227 129 6 3 486
Quézac 252 100 255 52,2 1 761 36 157 1,8 1 703
Badoit 200 100 160 10 1 410 39 33 1 1 325
San Pellegrino 208 55,9 43,6 2,7 219,6 74,3 549,2 0,5 1 109
Perrier 147 3 9 1,1 390 22 33 < 0,1 447
* Résidu sec : obtenu après évaporation de l’eau à 180 °C. Il est le reflet de la minéralisation de l’eau.
Sources : Étiquettes ou analyses de laboratoires agréés.

Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004 225


39
dossier enseignement

Tableau IX.
Évaluations par équivalence de la consommation d’alcool : boissons apportant environ 10 g d’alcool.

Degré d’alcool
Nature et quantité correspondant à 1 dose Alcool g/l Glucides g/l kcal pour une dose
(valeurs courantes)
Vin :
1 verre (100 ml) 10-13 80-104 – 70
Bière de luxe :
1 demi (250 ml) 5 40 35 120
Cidre :
sec :
2,5 verres (250 ml) 5-6 40-50 2 100
doux :
5 verres (500 ml) 1,6-2,7 13-24 40-60 200
Apéritif anisé :
1 dose (25 ml) ≤ 45 < 360 – 70
Whisky :
1 dose (25 ml) 40-45 320-360 – 70
Rhum :
1 dose (25 ml) 33-40 280-320 – 70
Eaux de vie blanches (mirabelle)
1 dose (25 ml) 40-60 320-480 – 70
Eaux de vie de vin (cognac)
1 dose (25 ml) 40-60 320-480 – 70
Champagne :
1 coupe (100 ml) 10 80 – 70

Produits laitiers azote, lorsqu’il s’agit de lait entier ou demi-écrémé, pour


éviter l’oxydation des matières grasses. La poudre de lait
Formes classiques de commercialisation du lait peut être conservée au sec et à température modérée pen-
– Le lait pasteurisé est soumis à un chauffage modéré en dant plusieurs mois. Cependant, ce produit étant très
vue de détruire les microbes pathogènes éventuellement hygroscopique, un emballage ouvert doit être consommé
présents. La pasteurisation du lait s’effectue par un chauf- rapidement. La poudre n’étant pas stérile, le lait ne doit
fage à une température de 72 °C à 85 °C pendant 15 à pas être reconstitué à l’avance.
20 secondes, suivi d’un refroidissement rapide. Ce lait
Ces laits sont commercialisés sous la forme de lait entier,
conserve une flore microbienne inoffensive qui pourrait
demi-écrémé ou écrémé. La couleur dominante de
altérer ses qualités organoleptiques. C’est pourquoi il faut
l’emballage est respectivement rouge, bleue ou verte en
le conserver au froid (0 °C à 6 °C). Il doit être consommé
dans un délai maximal de 7 jours, ou 2 jours dès que fonction de la teneur en matières grasses. Les laits pasteu-
l’emballage est ouvert. risés n’existent pas sous la forme écrémée. Les technolo-
gies mises en œuvre permettent de conserver au lait
– Le lait stérilisé subit un chauffage énergique destiné à
l’essentiel de ses qualités nutritionnelles de départ. Cepen-
détruire tous les micro-organismes présents. C’est le pro-
dant, les laits stérilisés subissent une perte vitaminique
cédé UHT (Ultra Haute Température) qui est le plus uti-
lisé. Il consiste à appliquer un chauffage instantané à modérée (environ 10 %) et la valeur biologique de leurs
140 °C-150 °C pendant 2 secondes. Le conditionnement protéines peut être affectée en raison du blocage de cer-
est effectué dans les emballages stériles. Ce lait peut être tains acides aminés (réaction de Maillard).
conservé à température ambiante pendant plusieurs mois. Conditions de conservation du lait
– Le lait concentré subit une déshydratation partielle par
Contrairement au lait cru, il n’est pas nécessaire de faire
évaporation de l’eau de constitution. Le lait subit d’abord
bouillir les laits conservés par l’une ou l’autre des métho-
une pasteurisation puis une évaporation sous vide partiel
des décrites ci-dessus avant de les consommer.
à basse température. Le lait concentré non sucré est
ensuite conditionné puis stérilisé à 115 °C-120 °C pen- Laits à teneur garantie en vitamines – Laits enrichis
dant 20 mn. Le lait concentré sucré est additionné de
Des laits à teneur garantie en vitamines ou enrichis en
sucre puis conditionné en boîte ou en tube. Ces laits peu-
vent être conservés à température ambiante pendant plus divers éléments nutritifs sont proposés aux consomma-
d’1 an dans leur emballage fermé. teurs. En voici quelques exemples :
– Le lait en poudre contient moins de 4 % d’eau ce qui • lait enrichi en fer, zinc, vitamine D et acides gras essen-
empêche tout développement microbien. Le lait, préala- tiels (« Croissance » de Candia),
blement concentré, est desséché par pulvérisation dans un • lait enrichi en fer, zinc, magnésium, acide folique et vita-
courant d’air chauffé à 150 °C-160 °C. L’évaporation est mine D (« Future Maman » de Candia, « Pour Maman » de
immédiate. La poudre obtenue est conditionnée sous Gervais),

226 Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004


40
dossier enseignement

Après le raffinage, trois types de transformation sont


Conditions appliquées aux matières grasses dans le but de modifier
Conditions
Type de lait et durée leurs caractéristiques physico-chimiques. Ces transforma-
de consommation
de conservation tions permettent de créer des produits adaptés aux
Lait pasteurisé au réfrigérateur besoins culinaires et industriels ainsi que des produits
(0 à 6 °C) « nouveaux » à teneur en lipides réduite.
pendant 7 jours
au maximum
Hydrogénation
(emballage fermé) L’hydrogénation, selon qu’elle est sélective ou non sélec-
Lait stérilisé Dès que l’emballage est tive consiste à saturer en partie ou en totalité les doubles
ouvert on doit conserver liaisons des acides gras insaturés par de l’hydrogène.
ces laits au réfrigérateur et L’hydrogénation conduit à la formation d’isomères trans
les consommer dans un (acide élaïdique : C18:1 trans) dont le métabolisme est
délai maximal de 48 heures proche de celui des acides gras saturés. Ces transforma-
– classique 150 jours à tempé- tions permettent de modifier le point de fusion d’un corps
rature ambiante gras et d’améliorer sa stabilité à la chaleur. Cette techni-
(emballage fermé) que permet de fabriquer des margarines spéciales pour la
– UHT 90 jours à tempéra- pâtisserie, des margarines à partir d’huiles de tournesol ou
ture ambiante de maïs et des pâtes à tartiner à teneur réduite en lipides.
(emballage fermé)
Inter-estérification
Lait concentré Plus d’un an à tem-
pérature ambiante C’est le réarrangement moléculaire des acides gras sur le
Lait en poudre 1 an emballage glycérol qui permet d’améliorer les propriétés physiques
fermé et plastiques des corps gras. L’inter-estérification est en
général associée à l’hydrogénation.
Fractionnement
• lait enrichi en fer, zinc et magnésium à teneur garantie Le fractionnement consiste à séparer un corps gras en frac-
en vitamines du groupe B et en vitamines A, C et E tions de caractéristiques physiques différentes. Un corps
(« Grand Vivre » de Candia), gras (par exemple l’huile de palme) peut ainsi être séparé
• lait écrémé à teneur garantie en vitamines A, E, C et en une huile et une fraction solide dont le point de fusion
vitamines du groupe B (« Silhouette » de Candia), est plus élevé que le corps gras de départ. Chacune des
• lait enrichi en Calcium et en vitamine D (lait Calcium fractions obtenues est utilisée pour des usages différents.
Plus de Candia), Utilisation des matières grasses
• lait enrichi en acides gras essentiels de type Oméga 3
Il est souhaitable d’utiliser plusieurs types de matières
(lait aux Oméga 3 de Candia) : il s’agit d’un lait 1/2 grasses. Leurs apports nutritionnels (acides gras, vitamines)
écrémé auquel on a ajouté de l’huile de poisson (0,29 %) diffèrent et ils se prêtent plus ou moins bien aux divers
source d’acides gras de type Oméga 3 (EPA, DHA). usages culinaires.
L’apport en Oméga 3 de ce type de lait est de 60 mg/ Le beurre sera de préférence consommé cru ou fondu.
100 ml (les apports nutritionnels conseillés pour la popu- On estime généralement qu’il commence à se décompo-
lation française sont de 500 mg/j). ser à 120 °C. Les beurres et les margarines allégées, à
• lait enrichi en Protéines et/ou en Calcium et à teneur 40 % ou 27 % de lipides, supportent mal la cuisson du fait
garantie en vitamines A, E, et en vitamines du groupe B de leur richesse en eau.
(« Viva Protéines » de Candia et « Nactalia » de Gervais). Les margarines au tournesol ou au maïs peuvent être
• lait à teneur garantie en vitamines A, B1, B2, B5, B6 et utilisées en remplacement du beurre. Pour la réalisation de
PP (entier ou 1/2 écrémé) (« Viva Vitamines » de Candia). cuissons à feu vif et de fritures, il est préférable d’utiliser
Certains de ces laits sont destinés à des consommateurs les huiles d’arachide ou d’olive ou encore l’huile de palme
spécifiques : enfants de 1 à 3 ans (Lait « Croissance »), ou de coprah (végétaline). Du fait de leur teneur élevée en
femmes enceintes ou allaitantes (Lait « Future Maman » ou acides gras saturés, ces deux dernières huiles supportent
« Pour Maman »). Le tableau IV compare les teneurs res- des températures de 200 °C. Une huile de friture ne doit
pectives des laits de consommation courante et des laits jamais fumer. Il est souhaitable de la filtrer après chaque
usage et de la remplacer après 7 ou 8 cuissons.
enrichis en quelques minéraux et en acide folique.
Les huiles de soja, colza et noix sont préférentiellement
La consommation de ce type de lait reste encore modeste.
utilisées pour les assaisonnements à froid.
Le choix de ces exemples ne constitue en aucun cas un Les autres huiles (tournesol, maïs, pépin de raisin) peu-
jugement de valeur sur l’intérêt de ces produits. De nom- vent indifféremment servir aux assaisonnements et aux
breux autres fabricants proposent des produits de ce type. cuissons.
Matières grasses Légumes et fruits
Technologie des corps gras Effet de la cuisson sur les légumes
Le raffinage est pratiqué dans le but d’éliminer les consti- La cuisson modifie la consistance, la couleur et le goût des
tuants gênants des matières grasses brutes : acides gras légumes. Elle provoque une dissociation des fibres cellulo-
libres, phospholipides, mucilages, cires, produits d’oxyda- siques, qui améliore la digestibilité du légume. L’amidon
tion, odeurs et saveurs trop prononcées, pigments, métaux se gélatinise et se transforme partiellement en dextrines.
lourds, pesticides et mycotoxines. Le raffinage ne modifie Les composés sulfurés des légumes à goût fort sont hydro-
pas notablement la composition globale des corps gras. lysés en composés volatils (choux).

Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004 227


41
dossier enseignement

En dehors de ces effets positifs, la cuisson est responsable duits analogues, détruire les insectes des productions
si elle n’est pas bien menée d’une perte plus ou moins céréalières et retarder l’altération d’un aliment (fraises,
importante de vitamines et de minéraux (par dissolution champignons).
et par inactivation due à la chaleur). Si on veut conserver – Produits de 4e gamme2
aux légumes un maximum de leurs propriétés nutrition-
La mise à disposition du consommateur de légumes et fruits
nelles, il est nécessaire de les cuire dans un minimum
frais et prêts à l’emploi (épluchés, découpés) s’est large-
d’eau ou si possible à la vapeur, en gros morceaux ou sans
ment développée au cours de ces dernières années (en par-
les peler de façon à limiter les pertes par dissolution, en
ticulier salades et divers légumes râpés et émincés). Ces
l’immergeant dans l’eau bouillante afin de détruire
produits sont conditionnés dans un emballage étanche,
l’enzyme responsable de la destruction de la vitamine C
sous atmosphère modifiée et conservés à une température
(oxydase).
inférieure à 8 °C. Leur durée de conservation est limitée à
Conservation des légumes et des fruits une semaine. Les procédés mis en œuvre permettent de
– Conserves appertisées prolonger la durée de vie du légume en lui conservant ses
Les légumes subissent un blanchiment qui conduit à la propriétés organoleptiques, hygiéniques et nutritionnelles.
destruction des enzymes en particulier des oxydases,
puis ils sont mis en boîte et généralement préchauffés
afin d’évacuer un maximum d’oxygène. Les boîtes, ser- Bibliographie
ties, sont stérilisées pendant un temps et à une tempé-
rature variables avec la nature et l’acidité du produit. La [1] Basdevant A., M. Laville M., Lerebours E. – Traité de
valeur alimentaire des légumes ainsi conservés est com- nutrition clinique de l’adulte. Flammarion Médecine-
parable à celle d’un légume cuit à la maison. L’acidité de Sciences, Paris 2001.
la plupart des fruits permet la stérilisation à des tempé- [2] Dupin H.J.L., Malewiak M.J., Leynaud-Rouaud C., Ber-
ratures inférieures ou égales à 100 °C et de durée plus thier A.M. – Alimentation et Nutrition Humaines, Éditions
courte. Les conserves de légumes et de fruits gardent ESF, 1992.
leurs propriétés organoleptiques et nutritives pendant [3] Grundy S.M., Deke M.A. – Dietary influences on serum
plusieurs années (1 à 4 ans selon les cas). lipids and lipoproteins, J. Lipid, Res., 1990, 31, 1149.
[4] Martin A. – Coordonnateur, Apports nutritionnels
– Surgélation conseillés pour la population française, 3e éd., Tec &
Les légumes sont préalablement blanchis afin d’inactiver Doc, Lavoisier, Paris, 2001.
les enzymes. Les fruits sont sucrés et additionnés [5] Répertoire général des aliments, INRA, CIQUAL,
d’antioxydants (acide citrique ou acide ascorbique) pour 1. Table de composition des corps gras (1987), 2. Table
éviter le brunissement et l’oxydation de la vitamine C. de composition des produits laitiers (1987), 3. Table de
Ces légumes et ces fruits peuvent être conservés 1 à Composition Générale, 2e éd., 1995. Éditions Lavoisier-
2 ans à des températures inférieures à – 18 °C. Leur Tec & Doc, Paris.
valeur nutritionnelle est très proche de celle des produits
frais.
– Ionisation ou irradiation
2. La 1re gamme représente les fruits et légumes frais vendus en état, la 2e gamme
Cette méthode est utilisée en particulier pour inhiber la les conserves, la 3e gamme les surgelés. Il existe une 5e gamme qui correspond aux
germination des pommes de terre, des oignons et des pro- denrées cuites conditionnées sous vide.

228 Cah. Nutr. Diét., 39, 3, 2004


Besoins nutritionnels 42

Besoins nutritionnels (2)


Conseils nutritionnels,
évaluation des apports,
et prescription d’un régime

dir”). Elles dépendent essentiellement de la composition


Points à comprendre corporelle et principalement de la masse maigre.
Les DE totales des 24 h sont calculées en fonction du
Avant d’envisager de donner des conseils nutritionnels, il niveau habituel d’activité physique (NAP) par une formu-
est hautement souhaitable de connaître : le simple : DE 24 h = DER x NAP. Quatre niveaux de NAP
- le concept de besoins nutritionnels et d’apports recom- [1,4 : niveau faible ; 1,6 niveau moyen ; 1,8 niveau fort ;
mandés en macro et micro-nutriments, 2 (hommes), 1,9 (femmes) : niveau très élevé] permettent
- les principales caractéristiques des aliments, de décrire avec suffisamment de précision les dépenses
- les risques de carences ou d’excès alimentaires de cer- habituelles du sujet (ANC 2001). On voit ici que l’activité
tains groupes de la population, physique quotidienne joue un rôle régulateur majeur. En
- les maladies à déterminisme nutritionnel et les moyens considérant l’évolution moyenne de la corpulence à l’âge
de les prévenir. adulte dans les pays industrialisés, on réalise combien il
Par ailleurs, ce conseil, s’il s’adresse à un individu, doit est difficile de réguler ce bilan énergétique : une erreur
tenir compte de son mode de vie et de ses habitudes ali- quotidienne de moins de 1 % permet d’expliquer la prise
mentaires, c’est pourquoi tout médecin doit savoir les de poids de 6 kg chez les femmes et de 8 kg chez les
évaluer, en sachant qu’il s’agit plus de s’intéresser à la hommes entre l’âge de 20 ans et celui de 50 ans !
typologie de consommation que de se lancer dans un
calcul de calories qui sera approximatif et inutile.
• Les glucides
Les glucides devraient, en règle générale, représenter 50-
A savoir absolument 55 % des apports énergétiques totaux (AET). C’est rare-
ment le cas ! Les apports spontanés sont souvent insuffi-
sants (39-41 % des AET dans les enquêtes françaises).
Les besoins nutritionnels La consommation d’aliments contenant des glucides
Les apports nutritionnels conseillés (ANC) pour la popu- complexes, sous une forme non ou peu raffinée, devrait
lation française, qui ont été actualisés en 2001, consti- être favorisée pour au moins deux raisons : ils sont une
tuent une bonne base d’information et de réflexion pour bonne source d’amidon d’une part et ils sont souvent
le clinicien. Mais il ne faut pas oublier qu’ils sont destinés riches en micro-nutriments (oligo-éléments et vitamines)
à couvrir les besoins de la quasi-totalité de la population et en fibres d’autre part. Ce sont en particulier les pro-
et ne correspondent pas une norme individuelle. En pra- duits céréaliers peu transformés et les légumineuses. Les
tique, il est admis que si les apports d’un individu se études épidémiologiques ont montré que la consomma-
situent entre le besoin moyen, correspondant à un peu tion de céréales complètes et de fibres diminuait sensi-
plus des deux tiers des ANC, et l’ANC, les risques de blement le risque de maladies cardio-vasculaires et de
carences nutritionnelles sont faibles. diabète. Celle de fruits et de légumes est particulière-
ment conseillée pour diminuer le risque de cancer et le
Apports énergétiques risque vasculaire.
et macro-nutriments La quantité de sucres simples (glucose, fructose, saccha-
rose) doit-elle être limitée ? La règle de ne pas dépasser
Le bilan énergétique doit être équilibré pour que le poids 10 % des AET ne repose pas sur des arguments scienti-
et la composition corporelle restent stables : il convient fiques irréfutables. L’effet hyperglycémiant du saccharo-
donc d’adapter les entrées aux sorties (et vice versa). Les se (cf. la notion d’index glycémique) est voisin de celui du
dépenses énergétiques de repos (DER) peuvent être esti- pain blanc ou de la pomme de terre. Néanmoins, les ali-
mées par diverses équations (prenant en compte l’âge, le ments riches en sucres le sont souvent aussi en lipides
sexe, le poids et éventuellement la taille, cf. “pour approfon- (barres chocolatées, pâtisseries, collations diverses) et

2S14 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Besoins nutritionnels
43

apportent donc beaucoup de calories sous un faible par la consommation de poisson, d’animaux marins et
volume (densité énergétique élevée). C’est également le chez le nourrisson par le lait maternel. L’acide arachido-
cas des boissons sucrées qui sont souvent consommées nique (C 22 : 4 n-6) est le représentant des AGPI-LC de
en grandes quantités, notamment par les enfants ou les la série n-6. Les principales sources alimentaires sont la
adolescents. On dit que ces aliments sont sources de viande, l’œuf et le lait maternel.
“calories vides” car ils sont pauvres en micro-nutriments Du fait de phénomènes de compétition entre les deux
(cf. notion de densité nutritionnelle). Par conséquent, familles n-6 et n-3, le rapport C 18: 2 n-6/ C 18 : 3 n-3 ne
même sans “diaboliser” les aliments riches en sucres doit être ni trop haut ni trop bas. Il a été fixé à 5 dans les
simples, il ne faut pas en favoriser la consommation derniers ANC. Un excès d’apport de DHA entraîne par
excessive. Cela est particulièrement vrai pour les sujets exemple une carence en acide arachidonique.
sédentaires. A l’inverse, ils sont utiles au sportif car le glu-
cose est le nutriment de l’effort. • Les protéines
Les régimes hyperglucidiques (> 55 % des AET) n’ont pas
Les ANC ont été revus à la baisse pour les protéines, soit
d’inconvénients pour la santé. Toutefois, ils peuvent dans
0,8 g/kg/j (à la place des 1 g/kg/j), pour des protéines de
certains cas avoir des effets métaboliques défavorables
bonne qualité (œuf, lait, viande, poisson). Cela correspond
en augmentant la concentration plasmatique des trigly-
à 11-15 % des AET, pour des protéines de qualité moyen-
cérides et baissant celle du cholestérol-HDL. Ces anoma-
ne (ANC 2001). L’alimentation de la population française
lies sont favorisées par l’obésité androïde et font partie
est habituellement riche en protéines (14 –18 % des AET
du syndrome plurimétabolique (ou syndrome X d’insuli-
ou 1,3-1,6 g/kg /j). Les effets délétères de cet excès ne
no-résistance).
sont pas clairement établis. Mais il faut souligner que les
aliments riches en protéines le sont souvent aussi en
• Les lipides lipides. Cela est particulièrement vrai pour les produits
Les lipides alimentaires devraient fournir 30-35 % des d’origine animale (viande, charcuterie, fromage). En pra-
AET. Or, les enquêtes de consommation montrent que tique, on est donc souvent amené à proposer une diminu-
les Français consomment en moyenne trop de lipides tion des apports de protéines animales, qui représentent
(38-40 % des AET). De plus, l’excès d’apport concerne 65 % des apports protéiques en France, au profit de la
particulièrement les acides gras saturés (AGS), dont la consommation de protéines végétales. Néanmoins, les
consommation est associée à un risque accru d’obésité, protéines animales ont l’avantage d’être très digestibles et
de maladies cardio-vasculaires et de certains cancers ont une teneur élevée en acides aminés indispensables.
dans de nombreuses études épidémiologiques. Selon les Les protéines végétales ont des propriétés variables en
ANC, il faudrait donc limiter leur consommation à envi- fonction de leur origine (céréales ou légumineuses), tant
ron 8 % des AET, soit 19,5 g /j chez l’homme et 16 g/j pour leur digestibilité que pour leur composition en acides
chez la femme, pour un apport énergétique respective- aminés indispensables (de l’ordre de 40 %). Les céréales
ment de 2 200 et de 1 800 kcal/j. Les aliments en cause sont déficitaires en lysine et les légumineuses en acides
sont les produits d’origine animale : viande-charcuterie et aminés soufrés ; d’où l’intérêt de les associer, notamment
produits laitiers. dans les régimes végétariens. Les régimes végétaliens, qui
En revanche, les acides gras monoinsaturés (AGMI) et les excluent tous les produits animaux, sont carencés en
acides gras polyinsaturés (AGPI) ont des propriétés inté- acides aminés essentiels et en vitamine B12.
ressantes. Leurs apports sont parfois insuffisants ! Les
AGMI sont favorisés dans les dernières recommanda- Les minéraux et les vitamines
tions (ANC : 20 % des AET), car ils ne sont pas athéro-
gènes. L’intérêt nutritionnel spécifique des 2 familles Les éléments minéraux sont classés en 2 catégories : les
d’AGPI, la série n-6 et la série n-3 est reconnu. Les AGPI minéraux majeurs ou macro-éléments (apports quoti-
à 18 carbones sont considérés comme des acides gras diens de l’ordre du gramme) et les oligo-éléments ou élé-
essentiels car ils ne sont pas synthétisables par l’homme ments trace (apports inférieurs à une centaine de micro-
ou l’animal et car ils sont indispensables pour la croissan- grammes).
ce et les fonctions physiologiques. Ce sont l’acide lino- Les macro-éléments sont le sodium, le potassium, le
léique (C 18 : 2 n-6) et l’acide alpha-linolénique (C 18 : 3 chlore, le calcium, le phosphore et le magnésium.
n-3). Le premier est abondant dans les huiles de tourne- Les oligo-éléments sont beaucoup plus nombreux. Ce
sol et de maïs ; l’ANC est de 10 g/j chez l’homme et de sont par exemple le fer, le zinc le cuivre le manganèse,
8 g /j chez la femme, soit 4 % des AET. Le second est l’iode...
apporté par les huiles de soja, de colza ou de noix. L’ANC Les études sur le statut minéral et vitaminique de la
est de 0,8 % des AET, soit environ 2 g/j. Ces deux acides population française ont montré qu’il n’existait pas de
gras sont les précurseurs d’acides gras dérivés à longue carence majeure à deux exceptions près : 1) l’anémie fer-
chaîne (AGPI-LC), qui ont plus de 18 carbones et qui ont riprive chez les femmes enceintes, les femmes en âge de
également des fonctions physiologiques spécifiques. Les procréer et les jeunes enfants ; 2) les carences multiples
AGPI-LC sont considérés comme “indispensables sous des sujets âgés en institution. Les déficiences moins
conditions”. Il faut donc veiller à un apport alimentaire sévères ne s’accompagnent pas de signes cliniques évi-
suffisant dans certaines situations physiologiques ou dents et sont donc diagnostiquées sur des critères biolo-
pathologiques. Les personnes à risque de carences sont giques, parfois imprécis. Elles posent par conséquent des
en France : les nouveau-nés prématurés, les femmes problèmes d’appréciation. Il n’est pas certain que leur
enceintes ou allaitantes, les personnes âgées, les patients traitement permette d’améliorer l’état de santé. Des
souffrant de malabsorption intestinale ou d’autres patho- études d’intervention sont en cours.
logies graves. Pour la série n-3, il s’agit de l’acide eicosa-
pentaénoïque (C 20 :5 n-3 ou EPA) et l’acide docosa- Les apports de vitamine A, bêta-carotène, vitamine E
hexaénoïque (C 22 : 6 n-3 ou DHA), qui sont apportés pour les vitamines liposolubles, de vitamines B1, B2,
Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S15
Besoins nutritionnels 44

B6, C et acide folique pour les vitamines hydroso- des ANC) lorsque les apports énergétiques sont insuffi-
lubles seraient insuffisants dans certains groupes de la sants.
population française. En ce qui concerne les miné-
raux, des déficits en cuivre, en sélénium et en iode ont Eau
été observés.
Retenons, en règle générale, qu’une alimentation équili- Le comportement dipsique est finement régulé. Pourtant
brée et donc diversifiée apporte suffisamment de micro- les apports en eau sont souvent inadaptés. Les insuffi-
nutriments lorsque les apports énergétiques sont supé- sances d’apports sont fréquentes, notamment chez le
rieurs à 1 500 kcal/j. Les besoins sont facilement couverts sujet âgé. Les excès ne sont pas rares et doivent être
par la consommation de certains aliments courants avec recherchés chez l’insuffisant cardiaque ou rénal.
une fréquence adéquate (tableau I). Rappelons que les besoins de base sont estimés à
Il faut particulièrement insister sur les besoins en calcium 2 600 ml/j et qu’ils sont couverts par des apports exo-
qui sont plus élevés (ANC : 1 200 mg/j) chez l’adolescent gènes (1 300 ml pour l’eau des boissons, 1 000 ml pour
(de 10 à 18 ans) et dans la deuxième partie de la vie l’eau contenue dans les aliments) et par la production
(femmes de plus de 55 ans et homme de plus de 65 ans) endogène d’eau par le métabolisme.
que chez l’adulte jeune (ANC : 900 mg/j).
Les apports en sodium dépassent largement les besoins
physiologiques (< 4 g/j de chlorure de sodium), les L’évaluation de l’apport alimentaire
Français consommant en moyenne 7,9 g/j de NaCl. La Les méthodes
pression artérielle est susceptible d’augmenter chez les
gros consommateurs de sel, mais ce problème ne On peut individualiser 4 groupes de méthodes utilisables
concerne que certains sujets hypertendus (répondeurs pour le recueil des données nutritionnelles. Elles ont été
aux variations des apports de sel). Les besoins de potas- mises au point pour les études épidémiologiques, aucu-
sium et de phosphore sont couverts par une alimentation ne de ces approches n’apporte une image réelle de l’ali-
normale. Il en va de même pour le magnésium, mais il mentation habituelle, mais ce sont des outils que l’on
peut néanmoins exister des carences d’apports (< 2/3 peut adapter à la pratique clinique.

Tableau I
Fréquence de consommation des aliments permettant un apport adéquat notamment en acide folique (1),
calcium (2), iode (3), fer (4) et vitamine C (5)
(ANC 2001)

Un produit laitier (en variant laitages frais et fromages) (1.2.3) A chacun des trois principaux repas

Viande ou jambon (4), poisson ou fruits de mer (3.4)


et/ou de temps en temps de l’œuf (1.3), de la charcuterie chaude, 1 fois par jour
du pâté de foie (1.4), ou du foie (au plus 1 fois/semaine) (1.4)

Légumes** (1) cuits : haricots verts, petits pois, épinards,


endives, courgettes, choux-fleurs, tomates, carottes, champignons…
(frais, surgelés, ou même en conserve)

Ou 2 fois par jour

Pomme de terre, riz, pâtes, ou légumes secs (1.4), châtaignes, maïs,


pois chiches (1), avec salade verte ou crudités
(dont avocat et melon) ou potage de légumes (1.5)

1 fruit de saison (pomme, poire, fruits rouges, raisins, abricot, pêche…) (1.5) 1 fois par jour
+ 1 agrume (1.5), + éventuellement fruits secs (1.4) de chaque sorte

Dessert sucré ou viennoiserie Au plus 1 fois par jour

Du pain : varier les pains, les préférer aux céréales A tous les repas

Des matières grasses variées (huiles diversifiées, beurre,


Crues de préférence
crème fraîche, margarine…)

De l’eau (si eaux minérales ou de source, varier les origines) A volonté

Utiliser du sel enrichi en iode (3)


* La vitamine C facilite l’absorption du fer ; il est donc conseillé de consommer au même repas des aliments contenant ces deux nutriments.
** Les légumes surgelés sont aussi conseillés que les légumes frais pour la teneur en acide folique ; dans les deux cas, il est déconseillé de cuire
trop longtemps les légumes.

2S16 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Besoins nutritionnels
45

➤ Les enregistrements alimentaires méthodes peuvent être des questionnaires de fréquence


On demande au sujet de noter les aliments et boissons simplifiés ou peuvent s’intéresser davantage aux atti-
consommés sur une période donnée, en précisant les tudes par rapport à l’alimentation.
quantités. L’enregistrement alimentaire apporte poten-
tiellement des informations précises sur les aliments L’évaluation des apports dans le cadre
consommés pendant la période d’enregistrement, d’un suivi nutritionnel thérapeutique
mais le fait de noter les aliments peut modifier à la
fois le type d’aliments, leur nombre et les quantités L’évaluation des apports doit s’intégrer dans la démarche
consommées. éducative du patient, il faut distinguer la première
➤ Le rappel de 24 heures consultation des consultations de suivi qui ont des objec-
Dans le rappel de 24 heures, on demande au sujet de tifs spécifiques différents.
se rappeler et de rapporter tous les aliments et bois-
sons consommés pendant les 24 heures qui ont pré- La première consultation
cédé l’entretien. Cette méthode est rapide et ne Lors du premier entretien, l’objectif de l’évaluation des
demande pas d’implication du répondant, mais du fait apports est :
de la variabilité intra-individuelle de l’apport alimen- - d’évaluer les pratiques alimentaires habituelles du sujet :
taire, elle ne permet pas de caractériser l’alimentation type d’aliments, répartition des prises alimentaires, ce qui
d’un individu ; de plus, les sujets peuvent ne pas rap- permettra d’adapter le conseil nutritionnel ;
porter la réalité de leur prise alimentaire, soit par - de sensibiliser le patient à son alimentation. Changer un
défaut de mémorisation, soit en raison de l’interven- comportement est un phénomène complexe qui com-
tion de facteurs cognitifs tels que le désir d’approbation prend plusieurs étapes et le premier entretien peut per-
sociale. mettre une prise de conscience de la nécessité de cer-
➤ Les questionnaires de fréquence de consommation tains changements ;
Contrairement aux deux méthodes précédentes, la - de dépister d’éventuels troubles du comportement ali-
méthode des questionnaires de fréquence s’intéresse mentaires, notamment dans le cadre d’une prise en char-
non pas à la consommation réelle, mais à la consomma- ge pour obésité.
tion habituelle. Elle consiste à demander au sujet de Deux méthodes peuvent être utilisées : l’histoire alimen-
reporter la fréquence habituelle de consommation de taire et le carnet alimentaire. Le choix de la méthode
chaque aliment d’une liste pré-établie De nombreux dépend des préférences du médecin et de la manière
questionnaires de fréquence ont été mis au point. dont est organisée la consultation, mais aussi du patient.
L’utilisation d’un questionnaire répond à une population
et à un but donnés. Ils peuvent être utilisés pour dépister Dans ce contexte, il peut être utile, notamment chez l’en-
d’éventuelles carences d’apports comme le fer ou le cal- fant, de s’intéresser aux habitudes familiales et au com-
cium chez la femme enceinte. portement de la famille par rapport à l’alimentation et à
➤ L’histoire alimentaire l’activité.
L’histoire alimentaire consiste à estimer l’apport habituel
sur une période donnée. Elle est basée sur un interroga- Les consultations de suivi
toire détaillé de l’alimentation habituelle du sujet, auquel Lors du suivi, l’examen de la prise alimentaire a pour but :
s’ajoute parfois un rappel de 24 heures et un question- - d’encourager le patient en soulignant les points positifs,
naire de fréquence. - de préciser les éléments éventuellement mal compris,
Le principal avantage de la méthode de l’histoire alimen- - de l’aider à adapter des stratégies de contrôle des
taire réside dans le fait qu’elle permet d’étudier la répar- prises alimentaires.
tition habituelle de la prise alimentaire et les détails de
l’alimentation sur une période prolongée. Deux méthodes peuvent répondre à ces objectifs :
Cependant, l’approche basée sur les repas qui est prati- • Le rappel des dernières 24 heures
quée dans l’histoire alimentaire est difficilement appli- Cette méthode n’est pas un reflet exact de l’alimentation
cable chez les sujets, de plus en plus nombreux, dont la habituelle, mais elle permet de faire dire au patient ce
répartition de l’alimentation ne suit pas la répartition clas- qu’il mange, de parler de l’alimentation réelle et ainsi de
sique par repas. Elle peut amener les sujets à omettre permettre au soignant de percevoir la manière dont les
volontairement ou non les prises alimentaires inter-pran- conseils donnés ont été entendus.
diales et donc à accentuer la sous-estimation de l’apport • Le carnet alimentaire peut également être utile
alimentaire. Tenu par le patient, il permet de noter les différentes
➤ Les méthodes simplifiées prises alimentaires de la journée et les circonstances des
Un questionnaire de fréquence complet contient plus de prises alimentaires, notamment celles qu’il n’a pas pu
100 questions. Lorsque l’on s’intéresse à un seul nutri- contrôler. La tenue quotidienne de ce carnet demande
ment ou à une seule catégorie d’aliments, 15 à 30 ques- au patient un effort considérable, il n’a de sens que si le
tions peuvent suffire. Plusieurs méthodes simplifiées ont soignant accorde une attention et un temps suffisants à
été développées. Ces instruments sont utiles dans les l’analyser, de concert avec le patient.
situations qui ne nécessitent pas la mesure de l’ensemble
de l’alimentation, ou lorsqu’il n’est pas utile d’avoir une Dans le contexte clinique qui privilégie le dialogue, l’in-
approche relativement précise. Par exemple, ces formatique a rarement sa place en dehors des services
méthodes peuvent être utiles pour sélectionner des spécialisés ; mais elle peut être utilisée, notamment chez
groupes à risque, pour sensibiliser les sujets à l’intérêt les sujets jeunes, pour les aider à se familiariser avec les
d’une information nutritionnelle, ou évaluer l’impact de aliments et leur composition. Le logiciel utilisé doit donc
campagne d’information. De tels instruments peuvent être davantage conçu pour l’éducation que pour le calcul
être utiles en clinique ou à des fins éducatives. Ces des apports.
Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S17
Besoins nutritionnels 46

Quels conseils nutritionnels ? tières grasses, sucres et produits sucrés. La variété cor-
respond à la possibilité de choisir des aliments différents
Même s’il va s’adapter à une pathologie, le conseil nutri- au sein d’une même catégorie.
tionnel doit répondre à des principes généraux, regrou- Pourquoi diversifier et varier l’alimentation ? Aucun ali-
pés sous le terme usuel d’équilibre alimentaire. Ces ment, à l’exception du lait maternel, n’apporte l’en-
conseils s’adressent à tous, et peuvent dans la généralité semble des nutriments. Une alimentation monotone,
être regroupés dans les objectifs du PNNS (tableau II), limitée à quelques aliments, est donc source de carences
dans certains cas, il va être nécessaire de les adapter nutritionnelles. De plus, elle est susceptible d’augmenter
dans le cadre d’une pathologie. les risques toxicologiques si, le cas échéant, un des ali-
ments contient des contaminants ou des substances anti-
L’équilibre alimentaire nutritionnelles. Apprendre au jeune enfant à manger de
tout et lui donner la possibilité de choisir est donc impor-
Définition tant en matière d’éducation nutritionnelle. Les goûts et
Le concept d’équilibre alimentaire est souvent utilisé les préférences alimentaires sont en grande partie acquis
dans la pratique clinique, car c’est un bon outil pédago- au cours de la période d’apprentissage.
gique pour faire passer des idées simples. Mais le définir
n’est pas facile. Une alimentation équilibrée doit per- • Ajuster les fréquences de consommation de certains
mettre d’assurer la couverture des besoins en macro et aliments
micro-nutriments, qui varient en fonction des situations Aucun aliment, présumé consommable, n’est mauvais en
physiologiques, la croissance harmonieuse chez l’enfant lui-même pour l’équilibre alimentaire ou la santé ! Le plai-
ainsi qu’un vieillissement physiologique dans la deuxiè- sir alimentaire et la convivialité des repas autorisent
me partie de la vie. Le but d’une alimentation saine est quelques excès… L’important est d’évaluer les habitudes
aussi de retarder l’apparition des maladies dégénératives alimentaires. Le paramètre essentiel est la fréquence de
à déterminisme nutritionnel. consommation. Pris quotidiennement en dehors des
Spontanément, aucune population n’a une alimentation repas, les aliments de type snacks, souvent riches en
équilibrée. Dans les pays industrialisés, l’abondance ali- graisses et/ou en sucres simples, peuvent avoir un effet
mentaire conduit souvent à favoriser les excès tout en ne défavorable sur la corpulence, s’ils contribuent à désé-
supprimant pas le problème des carences. Un des seuls quilibrer le bilan énergétique…
exemples que l’on puisse citer est le régime méditerra- A l’opposé, la consommation d’“aliment de recharge”
néen des années 60. peut être favorisée en situation de carence ou de besoins
Sur quelle période de temps faut-il équilibrer les prises accrus. Ce sont les produits carnés pour le fer, le zinc et
alimentaires ? La période d’une semaine est probable- les protéines, le foie riche en vitamine A, les produits lai-
ment l’unité de temps à retenir, plus par commodité que tiers pour le calcium et les protéines, les fruits de mer
pour des raisons scientifiques. “Equilibrer” chaque pour l’iode, le zinc et le sélénium…
repas est néanmoins recommandé pour la restauration
collective, que ce soit à l’école ou dans l’entreprise. Le • Savoir lire l’étiquetage nutritionnel
jeune enfant est capable de réguler ses apports énergé- La notion d’apports journaliers recommandés (AJR) est
tiques sur une durée de quelques jours, alors que ses utilisée pour l’étiquetage. Les AJR, qui sont moins élevés
choix alimentaires sont très variables d’un repas à l’autre. que les ANC, correspondent approximativement aux
Mais il semble que cette faculté d’adaptation soit moins besoins moyens de la population. Ils répondent à des
efficace à l’âge adulte pour de multiples raisons. En effet, règles fixées au niveau européen. L’étiquetage nutrition-
le comportement alimentaire a aussi des fonctions socio- nel est obligatoire lorsqu’une allégation nutritionnelle est
culturelles et un déterminisme psychologique. faite par le fabricant, qui est alors tenu d’informer le
consommateur sur la teneur en énergie, en macro et en
Le choix des aliments micro-nutriments de son produit.
• Diversifier l’alimentation
La variété et la diversité alimentaires ont des définitions Rythme des prises alimentaires
précises. La diversité est assurée par la consommation La répartition des apports alimentaires au cours de la
quotidienne d’aliments de chacune des grandes catégo- journée se fait habituellement en 3 repas principaux : le
ries d’aliments : produits céréaliers-légumineuses, fruits- petit déjeuner couvrant environ 20-30 % des AET, le
légumes, produits laitiers, viandes-poissons-œufs, ma- déjeuner 30-40 % et le repas du soir ou dîner (30 %). Le

Tableau II
Les neuf objectifs nutritionnels spécifiques visant des populations particulières dans le Programme National Nutrition
Santé (PNNS).
1) réduire la carence en fer pendant la grossesse,
2) améliorer le statut en folates des femmes en âge de procréer, notamment en cas de désir de grossesse,
3) promouvoir l’allaitement maternel,
4) améliorer le statut en fer, calcium et vitamine D des enfants et adolescents,
5) améliorer le statut en calcium et vitamine D des personnes âgées,
6) prévenir la dénutrition des personnes âgées,
7) lutter contre les déficiences vitaminiques et minérales et les dénutritions chez les personnes en situation de précarité,
8) lutter contre les déficiences vitaminiques et minérales et les dénutritions chez les personnes suivant des régimes
restrictifs et les problèmes nutritionnels des sujets présentant des troubles du comportement alimentaire,
9) prendre en compte les problèmes d’allergies alimentaires.

2S18 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Besoins nutritionnels
47

goûter constitue un 4e repas chez l’enfant, l’adolescent • Pour l’obésité


et parfois chez l’adulte. Il n’existe pas d’arguments scien- - Equilibrer le bilan énergétique en limitant la consom-
tifiques pour proposer un nombre idéal de repas. Leur mation d’aliments à densité énergétique élevée.
fréquence comme leurs modalités (composition et - Promouvoir l’activité physique
horaires) sont essentiellement influencées par des fac- • Pour le diabète de type 2
teurs socio-culturels et varient beaucoup d’un pays à Les mesures sont les mêmes que pour l’obésité.
l’autre. Le petit déjeuner ne doit pas être considéré - Afin d’éviter les pics hyperglycémiques post-prandiaux,
comme obligatoire ! La prise d’une collation dans la mati- on vise à répartir les apports glucidiques en tenant comp-
née pourra éviter un jeûne de longue durée (de 19 h à te de l’effet hyperglycémiant des aliments évalué par l’in-
midi le lendemain) et qui n’est peut-être pas idéal sur le dex glycémique.
plan physiologique. Le fractionnement organisé de l’ali-
mentation pourrait avoir l’avantage, au moins pour cer- Pour approfondir, on peut consulter le site suivant :
tains individus, d’éviter les prises extra-prandiales, anar- http://www.alfediam.org/alfediam_fr/recomandations/
chiques et irrégulières, sous forme de grignotages ou de alfediam-nutrition-diabete.htm
compulsions, qui peuvent constituer de véritables
troubles du comportement alimentaire. Il permet alors • Pour l’ostéoporose
de mieux réguler les apports énergétiques. Veiller aux apports de calcium et de vitamine D.
La structure et l’organisation des repas
Traditionnellement dans la culture française, la structure Pour qui ?
du repas est ternaire : entrée, plat garni, fromage ou des-
sert… Le mangeur a donc l’occasion de consommer sous
A l’échelon individuel
forme froide ou chaude, sucrée ou salée, l’ensemble des Il est important que les conseils nutritionnels soient per-
aliments nécessaires à l’équilibre alimentaire. Mais les sonnalisés. Prendre en compte toutes les caractéristiques
normes et les pratiques évoluent. Ce phénomène de de l’individu (âge, sexe, situation familiale, activité pro-
transformation sociale des habitudes alimentaires ne doit fessionnelle, goût et préférences, pratiques religieuses...)
pas être interprété trop rapidement comme néfaste, au est donc essentiel, de même que connaître son mode de
profit d’“un ordre alimentaire” qui n’a pas de réelle justi- vie (horaires de travail, déplacements professionnels, loi-
fication scientifique. Cependant, les repas pris hors du sirs). L’analyse de ces facteurs et des antécédents per-
domicile sont souvent limités à un seul plat ou à un sand- sonnels et familiaux permet d’évaluer le risque de mala-
wich et il est donc nécessaire d’évaluer les conséquences dies à déterminisme nutritionnel. Les messages seront
de ce type de pratiques sur l’équilibre nutritionnel… Le donc ciblés sur certains facteurs.
terme de repas destructuré est purement descriptif et ne L’intérêt de la prévention primaire et/ou secondaire de
doit pas être associé à un jugement de type normatif. ces maladies sera développé ailleurs. Il n’est pas raison-
La prise du repas devrait être considérée comme un nable dans l’état actuel des connaissances de soigner un
moment privilégié de détente et de rencontre. patient diabétique, dyslipidémique, obèse ou coronarien
sans prendre en compte sa façon de manger. Les traite-
Conseils spécifiques pour les maladies ments diététique et médicamenteux sont complémen-
à déterminisme nutritionnel taires et ont souvent des effets synergiques.
L’alimentation joue un grand rôle dans la prévention et le
traitement de certaines maladies fréquentes, comme l’a Population générale
souligné récemment le “Programme National Nutrition L’alimentation de la population générale change en France
Santé” (PNNS, janvier 2001). Certes, les facteurs nutri- comme dans d’autres pays industrialisés en fonction de
tionnels ne sont pas les seuls en cause, qu’ils soient des déterminants socio-économiques et culturels. Parmi les fac-
facteurs de risque ou des facteurs de protection. Ces teurs les plus importants, il faut citer le vieillissement de la
maladies multifactorielles résultent de l’interaction de population et le développement de l’alimentation hors
facteurs génétiques et de facteurs d’environnement. foyer. Ajoutons que l’immense majorité de nos aliments
Mais elles concernent l’ensemble de la population. La sont fabriqués par l’industrie agroalimentaire. Celle-ci peut
promotion de comportements favorables à la santé est donc avoir une influence importante sur les choix des
un des buts affichés de ce plan. Les détails des mesures consommateurs, selon les lois de l’offre et de la demande.
spécifiques seront donnés dans les chapitres correspon- L’analyse des comportements a permis récemment de
dants de cet ouvrage. Nous rappellerons ici brièvement décrire 6 groupes de consommateurs en fonction de leur
quelques messages essentiels : Typologie alimentaire (cf. “pour approfondir”).
• Pour les maladies cardio-vasculaires
- Pour lutter contre l’hypercholestérolémie, limiter l’ap- Populations particulières, groupes à risque
port lipidique, notamment en réduisant la consommation
d’AG saturés. Des Indices d’athérogénicité ont été éta- Le PNNS a prévu 9 objectifs nutritionnels spécifiques,
blis en fonction de la composition en AG saturés des ali- correspondant aux problèmes posés par certains grou-
ments (cf. “pour approfondir”). pes à risque (tableau II).
- Régime anti-thrombogène : mêmes consignes.
Favoriser la consommation de fruits et légumes et de
poisson. Modalités pratiques
- Régime de l’hypertension artérielle : perte de poids en
cas d’obésité et contrôle des apports de sodium.
Par qui ?
• Pour les cancers Tous les acteurs de la santé sont concernés, mais le rôle
Favoriser la consommation de fruits et de légumes. essentiel est joué par le médecin de famille (ou le

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S19


Besoins nutritionnels 48

pédiatre). En effet, celui-ci intervient au niveau de la pré- Figure 1


vention comme dans le suivi à long terme des maladies Le bateau alimentaire (P. Sabatier, G. Pérès, A. Martin (ANC
nutritionnelles. Les médecins spécialistes (par exemple : 2001).
le cardiologue ou le gynécologue…) ont un rôle spéci- Les différentes parties du bateau représentent les catégories
fique quand il faut traiter une pathologie donnée ; ils sont d’aliments : la surface des éléments graphiques est proportion-
donc bien placés pour convaincre le patient de modifier nelle à la quantité journalière conseillée.
ses habitudes alimentaires dans un but précis.
Le diététicien est le “technicien” de l’aliment et de l’acte
alimentaire. Il aide le patient à mettre en pratique les
conseils généraux donnés par le médecin, en orientant
sur le choix des aliments ou en expliquant des modes de
préparation culinaires. Malheureusement, l’acte de diété-
tique n’existe pas dans la nomenclature et n’est donc pas
actuellement remboursé par la Sécurité sociale. La plu-
part des diététiciens travaillent donc au sein de centres
hospitaliers. De plus en plus, en raison de l’importance de
la sédentarité et de sa lutte, on est amené à le faire tra-
vailler en binome avec un animateur médico-sportif qui
aide le patient à retrouver une activité physique.
Les spécialistes en nutrition (DESC de Nutrition), qu’ils
soient libéraux ou hospitaliers, interviennent en “deuxiè-
me ligne” pour traiter les cas difficiles.
Les psychologues et les psychiatres peuvent être sollici-
tés pour prendre en charge les troubles graves du com-
portement alimentaire (boulimie, frénésie alimentaire,
anorexie mentale…).

Comment ?
Moyens
L’éducation nutritionnelle fait partie de toutes les prises
en charge, qu’elles soient préventives ou curatives. Les
objectifs pédagogiques seront adaptés en fonction du
contexte : connaissances des aliments et des nutriments,
évaluation des prises alimentaires et des rythmes biolo- L.V. : Légumes verts P.I. : Produits laitiers
giques, analyse des facteurs socio-culturels. Fr. : Fruits P.p.b. : Produits pêche
L’éducation nutritionnelle ne peut se résumer à proposer & boucherie
une liste type d’aliments interdits ou au contraire autorisés. Fec : Féculents & farineux G.a. : Graisses animales
Tout personnel de santé devrait être capable de donner S.s. : Sucres simples G.V. : Graisses végétales
des conseils simples basés sur l’équilibre alimentaire. Les
moyens utilisables sont multiples : discussion ouverte, uti-
lisation de fiches, de livrets, de logiciels spécifiques, ou Des connaissances dans le domaine de la pédagogie et
d’Internet… Nous donnons à titre d’exemple l’image du de la communication, voire de la psychologie seront ici
bateau, proposée récemment pour expliquer facilement bien utiles.
l’intérêt des différents groupes d’aliments (figure 1).

Prescription personnalisée Pour approfondir


Les conseils généraux ont peu de chance d’être suivis
(par exemple : vous n’avez qu’à manger mieux ou man- • Calcul des dépenses énergétiques de repos
ger moins…). Il faut nécessairement tenir compte des 1) Equations de Black (ANC 2001)
multiples facteurs déjà cités qui influencent le comporte-
ment alimentaire sans oublier les convictions philoso- Femmes DER = 0,963 x P 0,48 x T 0,50 x A –0,13
phiques et religieuses. Hommes DER = 1, 083 x P 0,48 x T 0,50 x A –0,13

DER en MJ.J-1, Poids en kg, Taille en m et Age en années.


Le rôle du soignant Pour passer en kcal/j : DER MJ.J-1 x 1000/ 4,1868
Le médecin doit faire preuve d’empathie (capacité intui- Cette équation surestime de 3 à 6 % la DER des personnes
tive de se mettre à la place du sujet), lorsqu’il aborde une obèses et sous-estime de 3 à 5 % celle des sujets âgés de 60 à
prise en charge nutritionnelle. Changer sa façon de man- 70 ans actives pour leur âge (ANC 2001).
ger, c’est aussi changer sa façon de vivre. Le concept de Le groupe d’experts des ANC 2001 ont choisi cette formule
“médecine centrée sur la personne” et non exclusive- comme étant la plus précise.
ment sur la maladie prend ici tout son sens. L’objectif est Pour évaluer les DE 24 h, il faut multiplier la DER par le NAP
d’aboutir à une gestion commune des problèmes, à un (niveau activité physique) pour lequel il existe 4 niveaux :
partenariat, qui permet au soigné de faire sienne la - inactivité : 1,4
démarche thérapeutique. Il est illusoire de vouloir modi- - activité usuelle : 1,6
fier un comportement en promulguant des interdits ! - sujets actifs : 1,8
L’envie est un bien meilleur moteur que la contrainte. - sujets très actifs : 2 (hommes), 1,9 (femmes)

2S20 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Besoins nutritionnels
49

2) Equations de l’OMS (1985) Groupe 2 : Les gros mangeurs diversifiés


DER en kcal/j Les apports énergétiques sont importants et l’alimentation est
variée. La consommation de pain, de beurre, de viande, de
Âge Hommes Femmes sauce, de sucre et de dérivés est importante. L’obésité et le sur-
poids sont fréquents dans ce groupe qui comporte surtout des
3-10 ans 22,7 x poids + 495 22,5 x poids + 499 hommes âgés de 25 à 54 ans.
10-18 ans 17,5 x poids + 651 12,2 x poids + 746 Conseils nutritionnels : limiter la consommation d’aliments à
18-30 ans 15,3 x poids + 679 14,7 x poids + 496 densité énergétique élevée ; augmenter la consommation de
fruits et légumes (densité énergétique faible), ainsi que l’activité
30-60 ans 11,6 x poids + 879 8,7 x poids + 829 physique.
> 60 ans 13,5 x poids + 487 10,5 x poids + 596
Groupe 3 : Les mangeurs standards
Comme son nom l’indique, ce groupe est caractérisé par l’ab-
Valeur du NAP selon l’OMS (1985) sence de choix alimentaire spécifique et par un niveau de
consommation de toutes les catégories d’aliments proche de la
Activité physique Hommes Femmes moyenne. On y trouve beaucoup de retraités et autant de
Faible 1,55 1,56 femmes que d’hommes. Les habitudes alimentaires de ce grou-
pe pourraient être représentatives de l’alimentation tradition-
Modérée 1,78 1,64
nelle française. Le surpoids est fréquent.
Intense 2,10 1,82 Conseils nutritionnels : renforcer l’éducation nutritionnelle sur
l’équilibre alimentaire, promouvoir l’activité physique.

• Densité nutritionnelle et densité énergétique Groupe 4 : Les jeunes mangeurs


La densité nutritionnelle d’un aliment représente le contenu en L’âge est compris entre 18 et 34 ans. La consommation de biscuits
micro-nutriments indispensables par rapport à son contenu sucrés, de riz, de pâtes, de soda et de chocolat est importante.
énergétique (et non pas au poids ou au volume de l’aliment). Conseils nutritionnels : diversifier l’alimentation et prévenir
La densité énergétique correspond à la quantité d’énergie l’obésité.
apportée par l’aliment divisée par le poids ou le volume de cet
aliment. Groupe 5 : Les petites mangeuses pressées
Ce groupe est formé surtout des femmes jeunes (70 %).
• Indice d’athérogénicité L’apport énergétique est faible. La consommation de viennoi-
L’indice d’athérogénicité a été développé en 1991 par serie, de pizza, de quiche est fréquente. La diversité alimentai-
Southgate et Ulrich. Cet indice prend en compte les trois re est limitée.
classes d’acides gras (AGS, AGMI, AGPI) et leurs capacités à Conseils nutritionnels : prévenir les carences par l’éducation
faire varier plus ou moins la cholestérolémie. Plus l’indice nutritionnelle et l’apprentissage de la diversité alimentaire.
d’athérogénicité est élevé, plus l’aliment analysé est athérogè-
ne. Le tableau ci-dessous donne quelques exemples. Groupe 6 : Les gros mangeurs monotones
Les apports énergétiques sont importants dans ce groupe,
Lait, Poulet constitués à 90 % d’hommes d’âge moyen (25-54 ans). La diver-
beurre, Mouton Bœuf Porc (viande sité alimentaire est faible. La consommation de boissons alcoo-
fromage et peau) lisées est élevée (20 % des AET). Ce groupe est caractérisé par
Indice la surconsommation de certains aliments : fromage, charcute-
d’athérogénicité 2,03 1 0,72 0,60 0,50 rie, abats, pommes de terre et café. Le surpoids et l’obésité
sont fréquents.
Conseils nutritionnels : prendre les mesures de prévention de
• Typologie alimentaire l’obésité.
L’observatoire des consommations alimentaires (OCA) et le
CREDOC ont proposé récemment une typologie des consom-
mateurs de plus de 18 ans. L’analyse des aliments consommés
pendant une période de 7 jours, classés en 44 catégories, a per- Pour en savoir plus
mis de distinguer 6 profils de consommateurs. Les risques nutri-
tionnels apparaissent différents selon les groupes. Ce type Basdevant A., Laville M., Ziegler O. - Guide pratique pour le dia-
d’approche n’a pas de finalité clinique, mais il peut être inté- gnostic, la prévention et le traitement de l’obésité en France. Diabetes
ressant de l’utiliser pour prendre en compte la dimension socio- Metab., 1998, 24 (Suppl 2), 10-42. Ou Cah. Nutr. Diet., 1999; 34,
logique des comportements alimentaires.
hors-série 2.
Groupe 1 : Les petites mangeuses diversifiées Martin A. - Coordonnateur, Apports nutritionnels conseillés pour la
Ce groupe est caractérisé par des apports énergétiques faibles population française, 3e éd., Tec & Doc, Lavoisier, Paris, 2001.
et une consommation de fruits et de légumes importante. Il est
constitué surtout des femmes âgées de moins de 45 ans. La
prévalence de l’obésité y est faible. Rapport du Haut Comité de la Santé Publique. Pour une politique
Conseils nutritionnels : maintenir la diversité alimentaire, préve- nutritionnelle de santé publique en France. Enjeux et propositions.
nir le risque de carences si les AET sont < 1 500 kcal/j. Editions ENSP, Rennes 2000.

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S21


Besoins nutritionnels 50

Besoins nutritionnels (3)


Alimentation du sportif

3 entraînements hebdomadaires, la dépense énergétique


Points à comprendre de la semaine est peu augmentée. Ce type d’activité phy-
sique n’implique donc pas un apport énergétique différent
➤ L’activité physique (travail, loisir, sport) correspond à de celui recommandé pour la population générale dans le
tout mouvement corporel produit par la contraction des cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée.
muscles squelettiques entraînant une augmentation La détermination des besoins énergétiques et le conseil
substantielle de la dépense d’énergie au-dessus de la nutritionnel du sportif se font après une évaluation des
dépense énergétique de repos. apports alimentaires (au mieux par entretien diététique)
➤ Les contractions musculaires ont pour support, au comparée à l’évaluation de la dépense énergétique, en
niveau des fibres musculaires, les glissements des myofi- prenant en compte le type d’activité (intensité, durée,
laments d’actine entre ceux de myosine, avec transfor- fréquence), le degré d’entraînement et la corpulence du
mation d’énergie chimique provenant de l’hydrolyse de sujet (poids et taille, si possible mesure de la composition
l’ATP en énergie mécanique et thermique. L’ATP, présent corporelle). Les besoins énergétiques des sportifs sont
en faibles concentrations dans le muscle, doit être rapi- variables au cours de l’année, élevés lors de la saison de
dement resynthétisé pour la poursuite de l’exercice. Pour compétition, plus faibles en intersaison.
un exercice d’une durée supérieure à quelques minutes, Les apports énergétiques accrus des sportifs pratiquant
l’énergie nécessaire est apportée par la filière aérobie (en des activités d’intensité élevée doivent être consommés
présence d’oxygène), principalement à partir de l’oxyda- sous forme de repas et de collations. Ceux-ci doivent
tion du glucose et des acides gras au niveau de la chaîne être riches en énergie, apporter suffisamment de pro-
respiratoire mitochondriale, l’oxydation des acides ami- téines et de micro-nutriments et être facilement digérés
nés étant quantitativement moins importante. La puis- et absorbés.
sance maximale du métabolisme aérobie correspond à la Certains sportifs (ex. sports à catégorie de poids) peuvent
consommation maximale d’oxygène (VO2max) mesurée réduire leurs apports alimentaires dans le but de contrô-
couramment lors d’un exercice standardisé d’intensité ler leur poids et de réduire leur masse grasse. Des apports
croissante. énergétiques insuffisants peuvent entraîner une perte de
➤ L’alimentation du sportif doit répondre aux besoins masse musculaire, une perte de masse osseuse, une dimi-
nutritionnels spécifiques qui découlent des adaptations nution de la performance et une augmentation du risque
physiologiques à l’exercice. de fatigue, d’accident, de maladie intercurrente et de
trouble du comportement alimentaire. Lorsqu’une perte
de poids est souhaitée, elle devrait se faire avant le début
A savoir absolument de la saison de compétition et être suivie sur le plan nutri-
tionnel. A l’inverse, un excès d’apport énergétique peut
Besoins en énergie entraîner une prise de poids et de masse grasse et altérer
le profil de risque cardio-vasculaire (glycémie, lipides, pres-
Assurer ses besoins énergétiques est la première priorité sion artérielle). Un suivi médical est alors nécessaire.
nutritionnelle pour le sportif.
L’activité physique, qu’il s’agisse d’entraînement ou de com-
pétition, augmente la dépense énergétique quotidienne
(voir Pour approfondir : Energie). Pour répondre à ces besoins Besoins en macro-nutriments
énergétiques accrus, les sportifs doivent augmenter leurs Besoins en glucides
apports alimentaires en fonction de la dépense énergétique
prévue. A noter cependant que pour une majorité de sujets Les glucides représentent le principal substrat énergé-
pratiquant des activités physiques ou sportives de loisir, tique pour la réalisation d’activités sportives de haut
avec au plus 3 heures par semaine d’activité et au maximum niveau d’intensité élevée. Les apports en glucides sont

2S22 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Besoins nutritionnels
51

essentiels pour maintenir la glycémie pendant l’exercice Les apports nutritionnels conseillés en acides gras essen-
et pour remplacer le glycogène musculaire (voir Pour tiels pour la population générale s’appliquent aux spor-
approfondir : Glucides). tifs (10 g/j d’acide linoléique, au moins 2 g/j d’acide
Les apports nutritionnels en glucides conseillés pour le alpha-linolénique).
sportif d’endurance peuvent représenter 55 à 65 %, voire
70 % de l’apport énergétique total quotidien équilibrant Besoins en protéines
la dépense énergétique. Les apports recommandés en
glucides varient de 5 à 12 g/kg de poids corporel par jour Les protéines ne représentent un substrat énergétique
en fonction de l’intensité de l’activité prévue. Le type de significatif de l’exercice que dans le cas d’exercices d’in-
glucides est variable en fonction du délai par rapport à tensité élevée, de durée très prolongée et/ou lors d’une
l’exercice (avant ou après) : plus ce délai est long, plus les déplétion préalable des réserves de glycogène. Une
glucides seront de type complexe et à index glycémique éventuelle augmentation des besoins protéiques
faible ; inversement, plus ce délai est court, plus les glu- dépend également du type de sport pratiqué (endu-
cides seront de type simple et à index glycémique élevé. rance ou force) (voir Pour approfondir : Protéines).
Avant la compétition, différents régimes ont été propo- En général, l’apport protéique nécessaire est obtenu par
sés pour obtenir des taux maximaux de glycogène mus- l’augmentation des apports énergétiques totaux nécessai-
culaire au départ de l’épreuve. Le principe est de “saturer” re au maintien du poids chez les sujets sportifs, sans besoin
l’organisme en glucides pendant la semaine précédant de supplément en protéines ou en acides aminés. A noter
l’épreuve. Ceci est obtenu par la prise de 600-800 g/jour que pour les sujets pratiquant une activité physique ou
de glucides, représentant 60-70 % de l’apport énergé- sportive d’intensité modérée, sur une base régulière, par
tique total, principalement sous forme de glucides com- ex. 3 fois une demi-heure à 1 heure par semaine, les
plexes et d’index glycémique moyen à faible (pâtes sur- besoins protéiques seront couverts par les apports nutri-
tout, riz, pommes de terre…). Parallèlement, le volume tionnels conseillés pour la population correspondante.
quotidien d’exercice est progressivement diminué. Ce Pour les sportifs d’endurance (ex. coureurs de longue dis-
type de régime n’est indiqué que pour des compétitions tance), l’objectif est l’obtention d’un bilan azoté équili-
d’une durée minimum de 1,5 à 2 heures. bré, c’est-à-dire un équilibre entre les apports et les
Pendant la compétition, des glucides simples et d’index pertes protéiques. Les apports nutritionnels conseillés en
glycémique élevé comme le glucose, le saccharose et les protéines dans ce cas ont été estimés à environ 1,8-2
maltodextrines sont d’efficacité égale pour le maintien fois l’apport nutritionnel conseillé pour la population
de la glycémie. Les glucides en solution sont plus effi- générale correspondante (soit 1,5-1,7 g/kg/jour) et
caces que sous forme solide accompagnée d’eau. En correspondent à 12-16 % de l’apport énergétique total
pratique, pour des efforts de plus d’une heure, l’inges- quotidien équilibrant les dépenses énergétiques. Ces
tion de boissons glucidiques est conseillée correspon- apports sont couverts par les aliments courants, dans le
dant à la prise régulière, toutes les 15 à 30 minutes, de cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée.
150 à 300 ml d’une solution (30 à 100 g/l) de glucose ou Pour les sportifs de force (ex. haltérophiles), si le but est
de polymères de glucose ou de saccharose. A noter que le maintien de la masse musculaire, l’objectif est l’obten-
la prise de glucides pendant l’effort ne paraît pas aug- tion d’un bilan azoté équilibré avec des apports de sécu-
menter la performance pour des épreuves d’une durée rité estimés à 1-1,2 g/kg/j. Si le but est d’augmenter la
inférieure à 1 heure. masse musculaire, l’objectif est de positiver le bilan
Après l’effort, il est important pour le sportif de consom- azoté. Il est alors possible de conseiller des apports de 2
mer des glucides le plus rapidement possible après la fin à 3 g/kg/j pendant des périodes ne dépassant pas 6 mois
de l’exercice. En pratique, est conseillée dès la fin de et sous contrôle médical et diététique. Les 2/3 de ces
l’exercice la prise de boissons contenant du glucose (à rai- apports doivent être couverts par des aliments courants,
son de 0,15 à 0,25 g/kg toutes les 15 minutes pendant le reste par des suppléments (sans dépasser 1 g/kg/j,
2 à 4 heures). Au-delà de 1 heure après l’exercice, des sous forme de protéines à haute valeur biologique). Des
apports en glucides sous forme solide peuvent être ajou- apports supérieurs ne permettent pas une accrétion pro-
tés ; poursuivis toutes les 2 heures, sur 6 heures ou plus, ils téique musculaire supplémentaire et ne sont donc pas
permettront en 24 heures une régénération presque com- justifiés en termes d’efficacité.
plète des réserves de glycogène musculaire et hépatique.

Besoins en lipides Besoins en eau et en électrolytes


Les lipides sont utilisés préférentiellement comme Les apports en eau et en électrolytes (NaCl) sont indis-
substrat énergétique lors d’exercices d’intensité modé- pensables pour remplacer les pertes liquidiennes lors de
rée (40-60 % du VO2max) et lors de l’entraînement en l’exercice, principalement sous forme de sueur (voir Pour
endurance (voir Pour approfondir : Lipides). approfondir : Eau et électrolytes). La déshydratation diminue
L’importance des apports en lipides dans l’alimentation du la performance et expose au risque d’accident (coup de
sportif découle de l’énergie, des vitamines liposolubles et chaleur).
des acides gras essentiels qu’ils apportent. A l’exercice, la soif n’est pas un critère fidèle de l’impor-
Les apports nutritionnels conseillés en lipides pour le sportif tance de la déshydratation et de l’efficacité de la réhy-
d’endurance correspondent à 20-30 % de l’apport énergé- dratation. Un bon moyen pour apprécier l’importance de
tique total quotidien, compte tenu du fait que les apports la déshydratation est la pesée avant et après l’exercice.
en glucides sont nettement favorisés (cf. ci-dessus). Des La diminution de la performance est proportionnelle à la
apports insuffisants en lipides (< 15 % des apports) ou au déshydratation exprimée en pourcentage de poids cor-
contraire hyperlipidiques, de même que la prise d’un repas porel perdu. La survenue d’accidents graves, parfois
riche en lipides (60 %) dans les heures précédant l’exercice, mortels comme le coup de chaleur, est favorisée par une
n’apportent pas de bénéfice en termes de performance. déshydratation supérieure à 4 % du poids.

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S23


Besoins nutritionnels 52

L’adjonction de NaCl à la boisson n’a pas d’effet signifi- mentation systématique en fer sans preuve d’une défi-
catif actuellement démontré sur la performance physique cience par un bilan préalable est formellement déconseillée.
par rapport à l’eau seule. Cependant, elle limite la baisse Le statut pour d’autres minéraux importants (calcium,
de volume plasmatique pendant l’exercice et favorise la magnésium, zinc, cuivre, sélénium) est en général satis-
rétention du volume liquidien extracellulaire. Pendant les faisant chez les sportifs.
exercices de très longue durée (allant jusqu’à 8-10 heu- La couverture des besoins vitaminiques du sportif a deux
res, ex. triathlons de longue distance), l’apport de NaCl objectifs principaux : assurer un statut vitaminique satis-
est impératif pour éviter l’apparition d’une hyponatrémie faisant permettant le maintien de l’état de santé et la per-
symptomatique (< 130 mmol/l), qui est une urgence, formance ; aider à la protection cellulaire lors de l’exer-
résultant d’un apport de sodium trop faible par rapport à cice et à la réparation cellulaire lors de la récupération.
la quantité d’eau ingérée. Un apport supplémentaire en vitamines n’améliore pas la
Avant l’exercice, il est important, pour prévenir un déficit performance des sujets dont le statut vitaminique initial
en eau, d’ingérer une boisson appropriée de façon frac- est satisfaisant.
tionnée (500 ml dans les 2 heures précédant l’activité), Pour les sportifs pratiquant une activité physique ou
surtout par temps chaud et humide. sportive occasionnelle ou modérée (1 à 3 heures par
Lors de l’exercice, la quantité de boisson à apporter doit semaine), les besoins vitaminiques sont proches de ceux
être ajustée à la perte d’eau prévisible. Pour un exercice établis pour la population générale correspondante.
continu d’une durée inférieure à 1 heure, la quantité Pour les sportifs réalisant des exercices intenses et répé-
d’eau à apporter doit être au moins égale à la moitié de tés, les besoins et donc les apports recommandés en
la perte de poids prévisible ; une compensation en sel vitamines dépendent du type de sport pratiqué. Pour les
n’est pas nécessaire. Pour un exercice de 1 à 3 heures, sports d’endurance, les besoins en vitamines “à rôle
l’apport de boisson peut aller jusqu’à 1,5 l/h selon l’in- énergétique” (thiamine, riboflavine, niacine, vitamine B6)
tensité de l’exercice et les conditions climatiques ; un et en vitamines “anti-oxydantes” (vitamines C, E et bêta-
complément en NaCl dilué dans la boisson (1,2 g/l) est carotène) sont augmentés. Pour les sports de force, les
conseillé. Pour un exercice de plus de 3 heures, un besoins en vitamine B6 et en vitamines “anti-oxydantes”
apport de boisson de 0,5 à 1 l/h est recommandé et un sont augmentés. En cas de besoin, il est souhaitable
complément de NaCl dans la boisson est absolument d’augmenter les apports de l’ensemble des vitamines et
recommandé. A noter que des concentrations de non pas ceux d’une seule d’entre elles, en priorité par
NaCl >1,2 g/l donnent un goût saumâtre à la boisson qui une alimentation équilibrée et diversifiée apportée par
est alors plus difficile à ingérer. les aliments courants.
Après l’exercice, il est important de restaurer le plus
rapidement possible l’équilibre hydrominéral, surtout si
le sportif doit fournir à court terme un nouvel effort. Points essentiels à retenir
Dans ce but, il est recommandé d’apporter une quanti-
té de boisson compensant 150 % de la perte de poids ➤ L’alimentation du sportif répond aux adaptations
obtenue lors de l’activité. La boisson de récupération physiologiques à l’exercice. Elle est d’abord basée sur
doit apporter du Na (1,2 g/l) sous forme de NaCl, en la prise d’aliments courants dans le cadre d’une ali-
association avec d’autres sels de Na (citrate ou acétate). mentation équilibrée et diversifiée, sous forme de
Les apports de sel sous forme de comprimés ou dragées repas et de collations.
sont déconseillés (aggravation de la déshydratation, ➤ La première priorité nutritionnelle pour le sportif est
troubles digestifs). que son alimentation soit en quantité suffisante pour
couvrir l’augmentation de ses besoins énergétiques.
Les glucides représentent le principal substrat pour les
Besoins en minéraux et vitamines activités d’intensité élevée. Les lipides représentent le
L’augmentation des apports énergétiques totaux chez substrat préférentiel pour les activités d’intensité
les sujets sportifs, dans le cadre d’une alimentation équi- modérée et lors de l’entraînement en endurance.
librée et diversifiée apportée par les aliments courants, ➤ Avant l’effort, l’objectif est d’obtenir un état d’hy-
doit permettre de couvrir les besoins en minéraux et vita- dratation correct et une teneur optimale en glycogè-
mines dans la majorité des cas, sans besoin de supplé- ne musculaire (glucides de type complexe et à index
mentation spécifique. glycémique faible). Au cours de l’effort, les trois priori-
Les sportifs à risque de déficience en micro-nutriments tés sont de réhydrater, resucrer et reminéraliser, pour
sont ceux qui limitent leurs apports énergétiques, en par- éviter la déshydratation et maintenir la glycémie (bois-
ticulier dans le but de perdre du poids, ceux qui élimi- sons sucrées avec NaCl). Après l’effort, l’objectif est
nent de leur alimentation un ou plusieurs groupes d’ali- de compenser rapidement les pertes liquidiennes et
ments, ou ceux qui consomment des régimes riches en de recharger les réserves en glycogène.
glucides avec une faible densité en micro-nutriments. ➤ Le plus souvent, les besoins en protéines comme
Une déficience en fer, dont témoigne une ferritinémie ceux en vitamines et minéraux sont couverts par l’aug-
abaissée, est observée chez un nombre non négligeable mentation des apports énergétiques.
de femmes sportives. Elle s’observe plus rarement chez
les hommes. Cette situation peut s’expliquer par des
apports insuffisants en fer et par une augmentation des Pour approfondir
pertes digestives, urinaires et par la sueur, qui dépendent
de l’intensité et de la durée de l’exercice. Une supplé- Énergie
mentation n’est justifiée qu’en cas d’anémie sidéropé- Lors de la contraction musculaire, l’énergie nécessaire à la
nique prouvée. Dans ce cas, la prescription initiale est de resynthèse de l’ATP musculaire peut être apportée par 3 filières
100 mg/j de fer ferreux pendant 1 mois. Une supplé- en fonction du type d’exercice, de son intensité, de sa durée et

2S24 Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001


Besoins nutritionnels
53

du degré d’entraînement. 1) La filière anaérobie (en absence la fatigue au cours de l’effort en interférant avec des méca-
d’oxygène) alactique (sans production de lactate), mise en jeu nismes sérotoninergiques centraux. La glutamine pourrait limi-
pour des efforts intenses d’une durée inférieure à quelques ter la déficience immunitaire lors d’un entraînement très inten-
dizaines de secondes (sprint), utilise la créatine phosphate mus- sif. Cependant, il n’existe pas actuellement de données établies
culaire dont les réserves sont très faibles, mais rapidement permettant d’alléguer un quelconque effet bénéfique d’une
reconstituées. 2) La filière anaérobie lactique, mise en jeu pour supplémentation par ingestion d’un ou de quelques acides
des efforts intenses d’une durée supérieure à 10-15 secondes, aminés chez le sportif.
utilise le glycogène musculaire par la glycolyse anaérobie abou-
tissant à la production de lactate. 3) La filière aérobie, mise en Eau et électrolytes
jeu pour des efforts plus prolongés, représente le système le
plus important de fourniture de l’ATP, principalement à partir de Lors de la contraction musculaire, 75 % de l’énergie chimique
l’oxydation des substrats glucidiques et lipidiques. provenant des oxydations cellulaires est transformé en chaleur
La dépense énergétique liée à l’activité physique représente la et seulement 25 % sert à produire de l’énergie mécanique. La
partie la plus variable de la dépense énergétique totale (de chaleur produite par les muscles est transférée à la périphérie
24 heures). La dépense énergétique liée à l’activité physique par la circulation. Elle est éliminée à la surface de l’organisme
dépend des caractéristiques de l’activité physique pratiquée principalement par évaporation sous forme de sueur (580 kcal
(intensité, durée, fréquence) et des caractéristiques du sujet qui par litre de sueur évaporée).
la pratique (niveau d’entraînement, dimensions et composition Le débit sudoral peut parfois être considérable. Il dépend
corporelle). Les besoins énergétiques peuvent doubler pour un surtout de l’élévation de la température interne et d’autres
marathon et être multipliés par 3 ou 4 lors d’une course cycliste facteurs tels que l’entraînement, l’acclimatation à la chaleur
comme le Tour de France au cours de laquelle les sportifs peu- et le niveau d’hydratation corporelle. Il est plus élevé en
vent dépenser de 6,500 à 10,000 kcal/jour. ambiance chaude. Les pertes hydriques peuvent ainsi s’éle-
ver à 1-3 litres par heure, parfois sur plusieurs heures. Lors
Glucides d’un footing, un coureur peu entraîné peut perdre de 0,5 à
1 litre par heure. Lors de sports comme le football ou le ten-
Les réserves de l’organisme en glucides sont limitées (quelques nis professionnel, les joueurs peuvent perdre jusqu’à 3 à
centaines de grammes de glycogène musculaire et hépatique). 4 litres par match. L’électrolyte le plus important excrété
La déplétion des réserves de glycogène musculaire est le fac- dans la sueur, constituée en majorité d’eau, est le sodium
teur déterminant de l’épuisement du sportif. Après l’effort, le (NaCl, 20 à 60 mmol/l).
taux de resynthèse du glycogène musculaire est un facteur
important de la récupération, c’est-à-dire la possibilité de s’en- Minéraux et vitamines
traîner à nouveau, voire de refaire une compétition dans de
L’importance du fer chez le sportif vient de son rôle dans le
brefs délais. Le taux de resynthèse du glycogène musculaire est
transport de l’oxygène (hème de l’hémoglobine). Le taux san-
le plus élevé dans les deux premières heures après l’effort.
guin d’hémoglobine est directement lié à la puissance aérobie
Le taux de glycogène musculaire dépend principalement des
maximale (VO2max).
apports en glucides. Les apports en glucides sont donc essen-
L’implication des vitamines dans l’exercice tient, d’une part, à
tiels pour maintenir la glycémie pendant l’exercice et pour rem-
leur participation comme coenzymes à la production d’ATP lors
placer le glycogène musculaire.
du fonctionnement des cellules musculaires (rôle énergétique),
et, d’autre part, à leur pouvoir anti-oxydant (vitamines C, E, et
Lipides bêta-carotène) qui pourrait protéger les structures et consti-
tuants cellulaires des effets des radicaux libres dérivés de l’oxy-
Lors de l’exercice, en valeur relative, la proportion de la dépense gène produits pendant l’exercice.
énergétique dérivée de l’oxydation des lipides diminue au fur
et à mesure que l’intensité de l’exercice augmente. L’inverse se
produit pour les glucides. Après une période d’entraînement Compléments et suppléments pour sportifs
en endurance, la part des lipides comme substrat énergétique De nombreux produits disponibles sur le marché sont supposés
de l’exercice est augmentée ; parallèlement, l’utilisation du gly- augmenter la performance. Pour une majorité d’entre eux, il
cogène est diminuée. L’augmentation de l’oxydation lipidique n’existe pas de données scientifiques permettant de justifier
s’explique plutôt par une augmentation de la capacité oxydati- ces allégations et de prouver leur innocuité. L’ingestion chro-
ve musculaire que par une augmentation de la mobilisation des nique de créatine (20 g/j) permet d’augmenter d’environ 20 %
lipides du tissu adipeux. Les fibres musculaires contiennent en la quantité totale de créatine musculaire et d’améliorer la per-
effet des triglycérides en réserve dans le sarcoplasme (triglycé- formance lors d’exercices de très haute intensité et de courte
rides intramusculaires). durée comme le sprint (filière anaérobie alactique). La toxicité
Un intérêt particulier a été porté aux suppléments en triglycé- de tels apports, qui représentent 10 fois les apports habituels,
rides à chaîne moyenne (TCM). En effet, comparés aux trigly- n’est pas clairement définie. La prescription et la vente de créa-
cérides à chaîne longue, les TCM sont plus rapidement absor- tine est interdite par la loi en France.
bés au niveau intestinal et oxydés au niveau mitochondrial.
Cependant, l’ingestion de TCM n’a pas actuellement d’effet
démontré sur la performance. De plus, du fait d’une tolérance
digestive limitée, la contribution des TCM à la dépense éner-
gétique est limitée à environ 7 %.
Pour en savoir plus
Guilland J.C., Margaritis I., Melin B., Pérès G., Richalet J.P.,
Protéines Sabatier P.P. - Sportifs et sujets à activité physique intense. In: Martin
Les mécanismes pouvant expliquer l’augmentation des besoins A, coordonnateur. Apports nutritionnels conseillés pour la population
protéiques chez les sportifs correspondent principalement à la française. 3e édition. Paris: Editions Tec et Doc; 2001; pp. 337-94.
nécessité de réparation des microlésions des fibres musculaires Guezennec CY. - Le statut nutritionnel du sportif. Cah. Nutr. Diét. X.
pouvant être à l’origine de fuites extracellulaires de protéines
(sports d’endurance), et à l’augmentation des apports pro- Monod H., Flandrois R. - Physiologie du sport. Bases physiologiques
téiques nécessaire au gain de masse musculaire (sports de force). des activités physiques et sportives. 4e édition. Paris: Masson; 1997.
Les effets particuliers chez les sportifs de différents acides ami-
nés ont été évoqués. Certains acides aminés à chaîne ramifiée Pérès G. - Nutrition du sportif. In: Brunet-Guedj E., Genety J., éditeurs.
(ex. leucine, isoleucine, valine) pourraient limiter la survenue de Abrégé de médecine du sport. 8e édition. Paris: Masson; 2000; pp. 274-94.

Cah. Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001 2S25


54

TD 2
Question 110 A
Besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte (femme
enceinte, personne âgée).

Question 16 B
Besoins nutritionnels d'une femme enceinte.

Question 111 B
Besoins nutritionnels chez le sportif

Question 61
Besoins spécifiques du sujet âgé
55
dossier enseignement

dossier enseignement

NUTRITION DE LA FEMME ENCEINTE

Anne-Élisabeth PERRIN, Chantal SIMON

Au cours de la grossesse, les femmes ont besoin d’apports énergétiques et


nutritionnels suffisants pour faire face aux changements physiologiques liés
à la gestation (augmentation du volume sanguin, croissance des tissus mater-
nels, développement du fœtus…). Malgré des possibilités d’adaptation méta-
bolique considérables, les femmes enceintes ne peuvent mener une grossesse
dans les meilleures conditions avec des apports énergétiques et nutritionnels
inadéquats. Si l’adaptation métabolique aide à mener la grossesse à terme,
des restrictions trop sévères peuvent compromettre la santé de la mère, de
l’enfant et même celle du futur adulte. À l’inverse, certains excès, et notam-
ment l’excès de poids ou de gain pondéral pendant la grossesse, sont préju-
diciables à la mère et à l’enfant. Cela souligne la nécessité pour les femmes
de bénéficier de conseils nutritionnels et d’avoir une alimentation optimale
tout au long de la grossesse, et même avant la conception [1].

Adaptations métaboliques lipogénèse et le stockage des graisses au niveau des tissus


pendant la grossesse maternels. Au cours des 2e et 3e trimestres, la production
endogène hépatique de glucose augmente de 16 à 30 %.
Par ailleurs, l’installation progressive d’une résistance des
Les adaptations métaboliques observées au cours de la tissus périphériques maternels à l’action de l’insuline favo-
grossesse ont trois principaux objectifs : la croissance et rise la lipolyse et l’utilisation des métabolites énergétiques
le développement du fœtus, le maintien de l’homéostasie par l’unité fœto-placentaire. L’insulinorésistance et l’hype-
maternelle et la préparation de l’allaitement [2]. Ces ajus-
rœstrogénie induisent de plus une élévation des taux de
tements, associés à des modifications du comportement
lipides, nécessaires à la synthèse de stéroïdes par le pla-
maternel, affectent le métabolisme de l’ensemble des
centa et aux synthèses membranaires.
nutriments. Ils dépendent essentiellement de l’état nutri-
tionnel de la mère avant la conception et sont variables L’adaptation du métabolisme protéique
en fonction de la taille et du nombre de fœtus.
Les ajustements métaboliques sont pour une large part Elle est marqué par des modifications précoces qui antici-
déterminés par les sécrétions hormonales placentaires : pent les besoins fœto-maternels et favorisent la conservation
hormone placentaire lactogène, œstrogènes, progesté- totale d’azote et les synthèses protidiques par la mère et le
rone. Le rôle de la leptine, secrétée par le placenta et fœtus. La capacité de la mère à stocker les protéines en
dont les taux sont élevés chez la femme enceinte, bien que début de grossesse pour les utiliser ultérieurement lorsque la
n’étant pas clairement établi, pourrait être déterminant. demande protéique augmente reste toutefois discutée.
L’adaptation du métabolisme glucido-lipidique L’adaptation énergétique
er
Elle est caractérisée, au 1 trimestre, par une augmenta- Elle est extrêmement variable et est essentiellement fonction
tion de la réponse insulinique au glucose, favorisant la de l’état nutritionnel de la femme avant la conception et du
gain de poids pendant la grossesse. En général, le métabo-
Groupe d’Études en Nutrition, Service de Médecine Interne et Nutrition, Hôpitaux
Universitaires, Hôpital de Hautepierre, Avenue Molière, F 67098 Strasbourg. lisme de repos (MB) augmente progressivement à partir du
2e trimestre et atteint, à 36 semaines, des valeurs supérieu-
Correspondance : A.-E. Perrin, à l’adresse ci-dessus. res de 20 % aux valeurs mesurées avant la grossesse.

Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002 59


56
dossier enseignement

Cependant, les femmes maigres ou malnutries présentent Tableau I.


souvent après la conception une diminution du MB destiné Composition du gain pondéral chez une femme de référence ayant pris
à épargner l’énergie. Au contraire, lorsque les apports sont 12 kg au cours de la grossesse et donné naissance à un enfant de 3,3 kg
excessifs, une augmentation du MB survient dès le 1er tri- (d’après Hytten, modifié par Prentice).
mestre, et s’oppose à un gain pondéral excessif, pouvant
Tissu Poids (grammes)
être néfaste pour le développement fœtal.
Fœtus 3 294
L’adaptation du métabolisme Placenta 644
des nutriments essentiels Liquide amniotique 795
Elle est favorisée par une augmentation de leur absorption Utérus 970
intestinale (en particulier celle du calcium, du fer et du Glandes mammaires 397
zinc) et par une diminution des pertes urinaires et fécales, Liquides extra-cellulaires 1 496
permettant de couvrir les besoins nutritionnels liés à la Masse sanguine maternelle 1 442
grossesse. L’existence d’un transfert actif au niveau de
Tissu adipeux maternel 2 623
l’unité fœto-placentaire pour les acides aminés, les vitami-
nes hydrosolubles et certains minéraux essentiels comme
le calcium et le fer protège dans certaines limites le fœtus
d’un éventuel déficit maternel. risque de RCIU, de prématurité, de petit poids de nais-
sance, de morbidité et de mortalité périnatale et pourrait
Les limites de l’adaptation s’accompagner d’une augmentation du risque cardiovas-
culaire à l’âge adulte. Le poids de la femme avant qu’elle
Malgré des possibilités d’adaptation métabolique considé-
ne soit enceinte est, indépendamment de sa prise de poids
rables, il existe sur le plan énergétique et pour chaque
pendant la grossesse, un facteur déterminant du déroule-
nutriment, des limites au-delà desquelles les carences sont
ment de la grossesse et de l’accouchement et du poids de
préjudiciables à la mère et à l’enfant. Ainsi, on constate
naissance de l’enfant. Un poids faible (indice de masse
encore chez les femmes des pays en voie de développe-
corporelle (IMC) < 20 kg/m2) s’accompagne d’un risque
ment une fréquence très élevée de retard de croissance
réel de RCIU, d’accouchement prématuré et d’hypotro-
intra-utérin (RCIU) et donc de nombreuses naissances
phie à la naissance. Un gain pondéral suffisamment
d’enfants hypotrophiques. D’autres données suggèrent
important pendant la grossesse est alors primordial pour
que l’adaptation fœtale à des carences métaboliques pour-
atténuer ce risque. À l’inverse l’existence d’une obésité est
rait majorer le risque d’obésité et de maladies métaboli-
associée à une augmentation de la morbidité materno-
ques et cardiovasculaires à l’âge adulte. À l’inverse, une
fœtale. Ce risque est significativement réduit par une limi-
prise de poids excessive pendant la grossesse s’accompa-
tation de la prise pondérale en cours de grossesse.
gne d’une morbidité périnatale accrue et favorise la surve-
nue d’une surcharge pondérale ultérieure chez la mère. Recommandations relatives
au gain pondéral pendant la grossesse
Gain pondéral durant la grossesse Les recommandations actuelles sont basées sur l’IMC
avant la grossesse et prennent en compte le risque lié à
Composition et évolution du gain pondéral l’excès aussi bien qu’à l’insuffisance de gain de poids
(tableau II) [6].
Dans des conditions nutritionnelles favorables, les tissus
maternels représentent 60 % du gain pondéral en fin de Elles indiquent pour chaque niveau de corpulence des
grossesse (tableau I). La prise de poids obligatoire (crois- cibles larges, définies d’après des données épidémiologi-
sance fœto-placentaire, liquide amniotique, développe- ques, comme étant les plus favorables au devenir de la
ment de l’utérus et des tissus mammaires et expansion mère et de l’enfant. L’échelle de gain pondéral pour les
sanguine maternelle) est de l’ordre de 7,5 kg [3, 4]. S’y femmes minces est plus large que pour celles qui présen-
associe une prise de poids variable liée à l’augmentation tent une surcharge pondérale. À titre d’exemple, un gain
des liquides extra-cellulaires, des réserves adipocytaires et de 11,5 kg à 16 kg est recommandé pour une femme
des stocks protéiques maternels. Plus de 90 % de la crois- débutant sa grossesse avec un IMC compris entre 19,8 et
sance fœtale s’effectue pendant la 2e moitié de la gros- 26 kg/m2. Chez l’adolescente, dont les capacités d’adap-
sesse et plus particulièrement au cours du 3e trimestre. tation sont moindres, les valeurs hautes des fourchettes

Influence du gain pondéral Tableau II.


sur le devenir de la grossesse Recommandations relatives au gain pondéral durant la grossesse en fonc-
Un gain de poids adéquat est un élément essentiel de la tion de l’indice de masse corporelle pré-gestationnel (IMC en kg/m2).
croissance fœtale et du devenir de la grossesse [5]. Une Catégorie d’IMC Éventail de gain
prise de poids excessive est associée, en raison de la plus pré-gestationnel (kg/m2) pondéral recommandé (kg)ab
grande fréquence de macrosomie fœtale, à une augmen-
tation du risque de complications obstétricales et de la IMC 19,8 12,5 à 18
mortalité périnatale. Par ailleurs, un gain pondéral exa- IMC entre 19,8 et 26 11,5 à 16
géré, qui s’accompagne d’une augmentation des stocks IMC entre 26 et 29 7 à 11,5
adipocytaires maternels, contribue souvent au maintien IMC > 29 6-7
d’une surcharge pondérale dans le post-partum et aug- a
chez les adolescentes, les objectifs devraient se situer dans la partie haute
mente le risque d’obésité ultérieure. À l’inverse, une prise de la fourchette. b chez les femmes de petite taille (< 1,57 m), les objectifs
de poids insuffisante est associée à une augmentation du devraient se situer dans la partie basse de la fourchette.

60 Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002


57
dossier enseignement

sont visées. Chez les femmes de petite taille, en raison du Tableau III.
risque particulier associé à un gain pondéral excessif ou à Apports nutritionnels conseillés pendant la grossesse et l’allaitement.
un nouveau-né de poids élevé, les valeurs cibles sont au Les apports sont exprimés en apports conseillés quotidiens
contraire les valeurs basses. En cas de grossesse multiple, (d’après Bresson).
il faut tenir compte de la masse supplémentaire de tissus Grossesse Allaitement
fœto-maternels ; ainsi un gain pondéral de 16 à 20 kg est Nutriment Apports Apports
souhaitable chez une femme de poids normal présentant recommandés/j recommandés/j
une grossesse gémellaire. Des objectifs moindres peuvent
être proposés si la femme n’a pas l’intention d’allaiter. Énergie (kCal) 2 500 2 700
Dans tous les cas, il convient de ne pas oublier de prépa- Protéines (g) 60 65
rer la femme à réduire ses apports et à augmenter son Minéraux et oligo-éléments
activité physique après la grossesse ou l’allaitement afin Calcium (mg) 1 000 1 000
de favoriser le retour au poids pré-gravidique.
Phosphore (mg) 800 800
Magnésium (mg) 400 390
Besoins nutritionnels Fer (mg) 30 10
Zinc (mg) 14 19
pendant la grossesse et l’allaitement
Cuivre (mg) 2 2
Iode (µg) 200 200
Besoins énergétiques
Fluor (mg) 2 2
L’étude des coûts énergétiques liés à la grossesse révèle Sélénium (µg) 60 60
d’importantes dispersions, d’un pays à l’autre (de Chrome (µg) 60 55
125 000 kCal pour la Suède à 10 000 kCal pour la Gam-
bie) et dans un même pays, d’une femme à l’autre, qui Vitamines
rendent difficile toute recommandation individualisée. Il A – rétinol (µg) 700 950
est préférable de baser le suivi sur les objectifs pondéraux D – calciférol (µg) 10 10
adaptés en fonction de l’IMC. Les femmes doivent être E – tocophérol (mg) 12 1
encouragées à suivre une alimentation équilibrée, à garder C – ac. ascorbique (mg) 120 130
une activité physique modérée, et à laisser leur appétit B1 – thiamine (mg) 1,8 1,8
guider leur apport énergétique. Les apports énergétiques
B2 – riboflavine (mg) 1,6 1,8
spontanés n’ont le plus souvent pas à être modifiés sauf
en cas de surcharge pondérale ou de gain de poids exces- B3 ou PP – niacine (mg) 16 15
sif. À l’inverse, il convient de veiller à ce que l’apport B5 – ac. pantothénique (mg) 5 7
énergétique soit suffisant, en particulier chez les femmes B6 – pyridoxine (mg) 2 2
ayant un état nutritionnel pré-gravidique limite. B8 – biotine 50 55
B9 – acide folique (µg) 400 300
Besoins protéiques
B12 – cobalamine (µg) 2,6 2,8
Les besoins protéiques, en moyenne de 3,3 à 3,5 g/j,
augmentent progressivement au cours de la grossesse : ils
sont de l’ordre de 0,7 g/j pendant le premier trimestre, Besoins spécifiques
de 3,3 g/j et 5,8 g/j au cours des 2e et 3e trimestres. En
tenant compte de l’efficacité de conversion des protéines Les effets délétères de carences sévères, en particulier dans
alimentaires en protéines tissulaires, des apports protéi- la période péri-conceptionnelle, sont établis pour de nom-
ques de 1,3, 6,1 et 10,7 g/j, en sus des besoins de base breux nutriments. Les conséquences pour l’enfant de
(0,75 g/kg/j) sont suffisants pour couvrir les besoins de la carences minimes sont le plus souvent faibles, différents
grossesse au cours des 1er, 2e et 3e trimestres respecti- mécanismes entrant en action pour assurer les besoins
vement. Sur la base de ces données, les apports de sécu- fœtaux. L’augmentation des besoins au cours de la gros-
rité, pour une femme de 60 kg sont de 47, 52 et 61 g/j sesse, notée pour tous les nutriments, est en partie couverte
au cours des 3 trimestres de la grossesse et de 60 g/j pen- par les adaptations métaboliques maternelles. De ce fait,
dant l’allaitement. Dans les pays industrialisés, ces besoins dans les pays industrialisés, en dehors de situations particu-
sont largement couverts par les apports habituels, souvent lières (régimes carencés, troubles digestifs, situation socio-
supérieurs à 80 g/j. économique défavorable), une alimentation équilibrée telle
qu’elle est recommandée en dehors de la grossesse
Besoins glucidiques et lipidiques (tableau III) assure des apports adéquats pour ce qui
concerne la majorité des nutriments. Une attention particu-
Comme dans la population générale, les recommanda- lière doit toutefois être portée à la consommation d’iode,
tions les plus récentes fixent la teneur en lipides à 30 % de fer, d’acide folique, de calcium et de vitamine D [7].
de la ration énergétique, et celles des glucides à 50-55 %.
Il existe peu de données concernant l’impact du contenu Iode
en lipides et en acides gras de l’alimentation sur le déve- L’importance de l’iode dans la nutrition est due à l’action
loppement fœtal. Il est toutefois recommandé de varier primordiale qu’exercent les hormones thyroïdiennes, dès
les sources de corps gras dans l’alimentation de la la vie fœtale, sur les principales fonctions métaboliques,
femme enceinte, afin d’éviter toute carence en acides sur la croissance et le développement, en particulier neu-
gras essentiels, indispensables au développement céré- rologique. Un déficit en iode au cours de la grossesse est
bral du fœtus. associé à une augmentation des avortements spontanés,

Cah. Nutr. Diét., 37, 1, 2002 61


58
dossier enseignement

de la mortalité périnatale, de l’hypotrophie à la naissance de faibles doses de fer (30 mg/j), éventuellement sous
et peut induire une hypothyroïdie néonatale. Générale- forme d’une dose hebdomadaire, sont aussi efficaces et
ment infra-clinique et transitoire dans les zones de carence mieux tolérées que de fortes doses. En présence d’une
modérée, elle peut être d’expression sévère en cas de anémie et d’une carence martiale avérée, une supplémen-
carence importante, et se manifester dès la naissance par tation de 120 à 150 mg/j est justifiée.
une débilité mentale irréversible, le crétinisme endémique.
Chez la mère, la carence iodée, même modérée aggrave Acide folique
l’état de stimulation thyroïdienne qui se traduit par une Les folates jouent un rôle essentiel dans le développement
augmentation du volume thyroïdien et augmente le risque embryonnaire et fœtal car ils interviennent dans la syn-
d’apparition d’un goitre et celui d’hypothyroïdie. Les ano- thèse des acides nucléiques et donc dans le processus de
malies morphologiques (goitre, nodules) ne sont que par- division cellulaire. Une carence précoce en acide folique
tiellement réversibles après l’accouchement. augmente le risque d’anencéphalie et de défaut de ferme-
Les apports conseillés chez la femme enceinte sont, en ture du tube neural. Une carence plus tardive est associée
France où l’environnement iodé moyen est faible, de à une augmentation de l’incidence des avortements spon-
200 µg/j. La consommation d’aliments naturellement tanés, des accouchements prématurés, des RCIU et des
iodés ne suffit pas à couvrir les apports conseillés en iode petits poids de naissance et est susceptible de produire un
pendant la grossesse et l’allaitement. Le sel iodé est une déficit des réserves en folates du nouveau-né. Le maintien
source complémentaire importante. La nécessité de corri- de taux suffisants d’acide folique en cours de grossesse est
ger les carences sévères est évidente. Dans les zones de donc particulièrement important. Or, les besoins chez la
carence modérée, une supplémentation systématique, à rai- femme enceinte sont accrus et les apports souvent insuf-
son de 100 µg/j, doit se discuter en particulier lorsqu’il fisants : une enquête récente [8] indique que, selon les
existe une augmentation de volume de la thyroïde. Un trai- régions et probablement selon les conditions de vie ou les
tement substitutif par L-thyroxine doit être associé en cas habitudes alimentaires, entre 25 et 66 % des femmes
de pathologie thyroïdienne préexistante ou d’hypothyroïdie enceintes reçoivent moins de 250 µg/j d’acide folique
attestée par une augmentation, même modérée de la TSH. alors que les apports conseillés sont de 400 µg/j. Une
anémie mégaloblastique, conséquence d’une déficience
Fer sévère en acide folique est observée chez 2,5 à 5 % des
Les besoins en fer sont fortement accrus pendant la gros- femmes enceintes dans les pays développés.
sesse, de l’ordre de 1 000 mg au total. Ils augmentent de Une supplémentation, à raison de 4 mg/j en période péri-
1 à 2,5 mg/j en début de grossesse à 6,5 mg/j au cours du conceptionnelle (un mois avant le début de la grossesse
3e trimestre. Ces besoins sont en partie couverts par une jusqu’à 12 semaines après le début de la grossesse) est
augmentation des capacités d’absorption intestinale du fer, recommandé en cas d’antécédents d’anomalies de ferme-
qui concerne aussi bien le fer héminique (40 % du fer con- ture du tube neural. En l’absence d’enrichissement en fola-
tenu dans les tissus animaux) que le fer minéral. Le niveau tes des produits céréaliers, tel qu’il est pratiqué dans
des apports alimentaires nécessaires pour couvrir les certains pays (USA, Canada), un grand soin doit être
apports en fer reste l’objet de controverses ; cependant, les apporté pour garantir une alimentation riche en folates à
données les plus récentes indiquent que la couverture des toutes les femmes, dès l’adolescence (légumes à feuilles,
besoins peut être acquise à des niveaux d’apports tout à fait agrumes, maïs, pois chiches, fromages fermentés, œufs).
comparables à ceux observés dans la population française Une supplémentation de 200 µg/j peut se discuter pen-
(soit 10 à 15 mg/j), à la seule condition que la ration ali- dant la grossesse et l’allaitement, en particulier chez les
mentaire soit suffisante (> 2 000 kCal/j) et variée, sans femmes à risque [9] : grossesse multiple, régime restrictif,
exclusion des aliments d’origine animale [7] et qu’il n‘y ait besoins pré-gravidiques accrus du fait d’habitudes (tabac)
pas de carence préconceptionnelle. ou de médicaments interférant avec le métabolisme de
Si les réserves sont insuffisantes en début de grossesse, les l’acide folique (contraception orale, anti-convulsivants…).
besoins liés au développement fœtal peuvent entraîner une Dans ces derniers cas, une supplémentation préconcep-
anémie ferriprive chez la mère. Il existe aussi une associa- tionnelle devrait être conseillée.
tion entre anémie ferriprive maternelle et risque d’accou-
chement prématuré, de petit poids de naissance et de Calcium
mortalité périnatale. Sauf en cas d’anémie ferriprive mater- Les besoins nécessaires à la minéralisation du squelette
nelle sévère, le taux d’hémoglobine du nouveau-né est nor- fœtal sont essentiellement couverts par l’augmentation de
mal, de même que le contenu en fer du lait maternel. l’absorption intestinale du calcium. En l’absence de
Il n’y a actuellement pas de réelle justification à la supplé- carence sévère, celle-ci permet à la mère d’assurer les
mentation systématique en fer des femmes enceintes, besoins fœtaux sans qu’elle n’ait besoin d’augmenter ses
excepté dans des groupes à risque (adolescentes, grosses- apports alimentaires ni de puiser dans ses réserves osseu-
ses multiples ou rapprochées, antécédents de ménorra- ses. En cas d’allaitement, en revanche, il existe une mobi-
gies, régimes restrictifs prolongés ou pauvres en fer, lisation des réserves osseuses ; celle-ci est cependant
femmes appartenant à des milieux défavorisés). La sup- totalement réversible : après le sevrage, la déminéralisa-
plémentation sélective impose un dépistage précoce de tion osseuse se corrige spontanément dans un délai de 3
l’anémie ou de la carence en fer, avant l’expansion du à 6 mois et ne constitue pas un risque d’ostéoporose ulté-
volume plasmatique. En pratique, une numération formule rieure.
sanguine réalisée au courant du 1er trimestre, voire avant En pratique, il n’y a pas lieu de préconiser une augmen-
la conception, complétée par un dosage de la ferritine tation des apports calciques pour les femmes en bonne
permet de dépister et de corriger une éventuelle anémie santé, enceintes ou allaitantes, ayant une alimentation
ferriprive, définie par un taux d’hémoglobine < 11 g/dl et n’excluant pas les laitages et apportant, tel qu’il est
une ferritine < 12 ng/ml. En l’absence de déficit majeur, recommandé en dehors de la grossesse, entre 900 et

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1 100 mg/j de calcium. Concrètement, 3 à 4 portions de non négligeable de femmes françaises en âge de procréer
lait et dérivés doivent être consommés chaque jour. ne consomme pas les apports recommandés pour l’ensem-
ble des nutriments. Ceci est particulièrement vrai pour cel-
Vitamine D les qui consomment peu de légumes et de fruits, de laitages
La supplémentation en vitamine D est la seule recomman- ou celles qui limitent les apports de viande. Le plus souvent,
dée de façon systématique en France. En effet, en raison de simples conseils suffisent à diversifier et à rééquilibrer
du faible niveau d’ensoleillement et de l’absence de sup- l’alimentation. Si les examens usuels sont normaux, il n’y a
plémentation systématique des laitages, les taux circulants pas lieu de poursuivre les investigations. La nécessité d’une
de 25 hydroxyvitamine D (25-OH- vitamine D) sont sou- supplémentation nutritionnelle est alors discutée et les
vent insuffisants chez l’adulte, et notamment chez les fem- objectifs pondéraux précisés ; la surveillance pondérale au
mes enceintes dont la fin de la grossesse se situe en hiver cours de la grossesse permet de vérifier l’adéquation des
ou au début du printemps. Or il existe une relation entre apports aux besoins énergétiques, en sachant qu’une réten-
un déficit maternel en vitamine D et la survenue d’hypo- tion hydrique peut induire des erreurs. En présence de défi-
calcémies néonatales voire, dans les carences plus sévè- cits plus sévères (apports inférieurs à 70 % des apports
res, de rachitisme carentiel chez le nouveau-né et recommandés), d’éléments cliniques orientant vers un défi-
d’ostéomalacie chez la mère. Les apports recommandés cit (anomalies cutanées, augmentation du volume thyroï-
sont de 400 UI/j dès le début de la grossesse. Si la sup- dien, maigreur…) ou d’anomalies biologiques (anémie,
plémentation est retardée, ce qui est souvent le cas, la ferritine, TSH…), une évaluation plus précise de l’état nutri-
dose à prescrire devrait être de 1 000 UI/j pendant le der- tionnel est justifiée, éventuellement associée à une prise en
nier trimestre, ou de 200 000 UI en prise unique au début charge spécifique.
du 7e mois.
Prise en charge nutritionnelle des femmes enceintes
Place des supplémentations appartenant à des « groupes à risque »
Une alimentation diversifiée, naturellement riche en vita- • Adolescentes
mines et en oligo-éléments, permet de satisfaire la plupart L’aspect nutritionnel de la grossesse peut être préoccu-
des besoins pendant la grossesse et l’allaitement. En pant chez les adolescentes, souvent issues de milieux défa-
dehors de situations pathologiques, les supplémentations vorisés et ayant par ailleurs des comportements à risque
ne se discutent dans les pays développés que pour l’iode, (consommation de tabac ou de drogues…). Les adolescen-
le fer, l’acide folique et la vitamine D (cf sus). tes limitent souvent leur apport énergétique et ont un ris-
que accru de déficits, en particulier en calcium et en fer.
De plus, du fait des besoins liés à la croissance, leurs capa-
Surveillance nutritionnelle cités d’adaptation énergétique et calcique sont moindres.
pendant la grossesse Les études concernant l’adolescente objectivent une aug-
mentation des toxémies gravidiques, des RCIU, des petits
Évaluation et surveillance nutritionnelle poids de naissance et de la mortalité périnatale. Contrai-
de la femme enceinte rement à ce qui se passe chez la femme plus âgée, le ris-
que de déminéralisation osseuse pendant l’allaitement est
L’importance de l’état nutritionnel pré-gravidique sur réel et justifie une supplémentation calcique systématique.
l’évolution de la grossesse et l’impact des déficits dans la
période péri-conceptionnelle sont bien établis : idéale- • Tabagisme
ment la surveillance nutritionnelle débute avant la concep- Dans les pays développés, le tabagisme de la mère est la
tion, à l’occasion de l’arrêt de la contraception par principale cause des petits poids de naissance. L’usage du
exemple. Elle repose sur un interrogatoire et un examen tabac est associé à une augmentation du risque d’avorte-
clinique détaillés, éventuellement complétés par quelques ments, de malformations congénitales, de RCIU, d’accou-
examens biologiques habituels. Elle permet de repérer chements prématurés et de mortalité périnatale. Les effets
certaines erreurs alimentaires, de dépister et de compen- combinés de la nicotine et du monoxyde de carbone se
ser d’éventuels déficits nutritionnels – au premier rang traduisent par un apport insuffisant d’oxygène et d’élé-
desquels les anémies nutritionnelles et les carences en fer, ments nutritifs au fœtus, ce qui augmente le risque d’un
en iode, en acide folique et en vitamine D : en particulier retard de croissance. Par ailleurs, la consommation de
dans les populations à risque du fait de conditions socio- tabac induit une augmentation du métabolisme de certains
économiques défavorables, d’un climat peu ensoleillé, de nutriments (folates, vitamines B6, B12, C et E) alors que
l’âge (adolescentes, femmes de plus de 30 ans), de régi- la consommation en fruits et en légumes est diminuée
mes restrictifs ou déséquilibrés (exclusion des protéines chez les fumeuses en comparaison avec les non-fumeuses,
animales), d’habitudes de vie particulières (alcool, tabac, probablement en raison d’une altération du goût qui réduit
drogues), de thérapeutiques associées (anticonvulsi- plus particulièrement la saveur des légumes.
vants…), de pathologies (malabsorption…), ou d’antécé- • Consommation d’alcool
dents particuliers (défaut de fermeture du tube neural…). L’alcool est un agent tératogène dont les effets nocifs,
C’est aussi l’occasion de dépister et de contrôler les notamment sur le système nerveux central du fœtus, sont
pathologies chroniques qui justifient une prise en charge bien connus (cf syndrome d’alcoolisme fœtal). À l’effet toxi-
nutritionnelle particulière (déficit ou excès pondéral, dia- que direct s’associent souvent des déficits énergétiques (les
bète, phénylcétonurie…). calories alcooliques sont mal métabolisées par le fœtus) et
La majorité des femmes sont en bonne santé, sans condi- nutritionnels : protéines, vitamine B, acide folique, zinc et
tion interférant avec l’ingestion, la digestion, l’absorption vitamine A. Il n’existe aucune information concernant la
ou le métabolisme des aliments, ont des apports énergéti- quantité d’alcool qui peut être consommée sans risque au
ques adéquats et ont accès à une alimentation variée. Les cours de la grossesse et, par mesure de prudence,
données disponibles indiquent toutefois qu’un pourcentage l’abstention de toute consommation d’alcool est recomman-

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dée chez la femme enceinte. En cas de consommation régu- conception, sur le développement et la croissance du
lière, une attention particulière doit être apportée à fœtus, est à présent bien établi. Des données récentes
l’évaluation de l’état nutritionnel et des apports. suggèrent que la nutrition maternelle pourrait aussi jouer
• Toxicomanie un rôle sur la santé du futur adulte. C’est dire l’importance
La grossesse chez la toxicomane est à haut risque, en rai- pour la femme enceinte d’une alimentation optimale dès
son de la toxicité propre des drogues, mais aussi des la période de procréation et tout au long de la grossesse.
conditions socio-économiques et d’un état nutritionnel Les apports énergétiques conseillés chez une femme de
précaires, d’une diminution des apports alimentaires, d’un poids normal sont de l’ordre de 2 000 à 2 500 kCal par
suivi médical souvent médiocre, de l’association fréquente jour, à adapter en fonction de l’activité physique mater-
à une consommation excessive d’alcool et de tabac ou à nelle. La répartition en macronutriments est celle recom-
d’autres facteurs de risque (HIV). La consommation de mandée dans la population générale, soit une ration
drogues est associée à une augmentation de la fréquence comportant 50-55 % de glucides, 30 % de lipides et 15 %
des avortements, des RCIU, des petits poids de naissance de protides. En cas de surcharge pondérale avant la gros-
et des accouchements prématurés, résultant de l’effet toxi- sesse ou d’excès de gain de poids, un régime modérement
que direct des drogues sur le fœtus, mais aussi de la dimi- hypocalorique (sans descendre en dessous de 1 500 kCal
nution des apports nutritionnels et des perturbations du par jour) doit être préconisé. Pour ce qui est des micronu-
métabolisme ou de l’absorption des nutriments. triments, une alimentation équilibrée et diversifiée suffit
• Obésité habituellement à couvrir les besoins spécifiques liés à la
L’obésité est associée à une augmentation du risque de grossesse et rend inutile la prise généralisée de supplé-
malformations congénitales, d’hypertension artérielle, de ments polyvitaminiques et minéraux. En dehors de situa-
diabète gestationnel, de prééclampsie, de macrosomie et tions pathologiques, les supplémentations ne se discutent
de mortalité périnatale [10]. Ces risques étant significati- dans les pays industrialisés que pour l’iode, le fer, l’acide
vement réduits par une limitation de la prise pondérale, folique et la vitamine D.
une alimentation modérément hypocalorique, sans des-
cendre en-dessous de 1 500 kCal, doit être proposée. Du
fait des régimes restrictifs répétés, le risque de carences Bibliographie
nutritionnelles est accru et une attention particulière doit
être apportée aux apports en fer, en calcium et en micro-
nutriments. [1] Simon C. Nutrition de la femme enceinte et allaitant. In :
Basdevant A, Lavile M, Lerebours E. Traité de nutrition
• Déficit pondéral et malnutrition clinique de l’adulte. Paris Médecine-Sciences Flammarion,
L’insuffisance pondérale est associée à une morbi-morta- 2001.
lité périnatale et à un risque d’hypotrophie néonatale [2] King JC. Physiology of pregnancy and nutrient metabo-
accrus. L’étiologie doit en être précisée : situation pré- lism. Am. J. Clin. Nutr., 2000, 71 (suppl. 1), 1218S-
caire ou détresse psychologique ; consommation de tabac, 1225S.
d’alcool ou de drogues ; régime restrictif excessif, alimen- [3] Hytten FE. Weight gain in pregnancy. In: FE Hytten, G
tation déséquilibrée ou troubles du comportement alimen- Chamberlain. Clinical physiology in obstetrics. Oxford
taire ; activité physique trop importante. Lorsque le déficit Blackwell Scientific Publications, 1991, 173-203.
pondéral reflète des apports énergétiques insuffisants, les [4] Prentice AM., Spaaij CKJ., Goldberg GR., Poppitt SD.,
carences fréquemment associées, en particulier les caren- van Raaij JMA., Totton M., Swann D., Black AE. Energy
ces en fer, contribuent à l’augmentation de la morbidité. requirements of pregnant and lactating women. Eur. J.
Une prise en charge nutritionnelle précoce et un gain Clin. Nutr., 1996, 50 (suppl. 1), S82-S111.
pondéral suffisant permettent de réduire les risques. [5] Abrams B., Altman SL., Pickett KE. Pregnancy weight
gain: still controversial. Am. J. Clin. Nutr., 2000, 71
• Végétarisme
(suppl. 1), 1233S-1241S.
Un régime végétarien bien conduit fournit les éléments [6] Institute of Medicine. Nutrition during pregnancy, weight
nutritifs nécessaires. Il est plus difficile de satisfaire les gain and nutirents supplements. Report of the Subcom-
besoins lorsque plusieurs types d’aliments sont délaissés, en mittee on Nutritional Status and Weight Gain during Pre-
particulier chez les végétariens stricts. Il convient d’être vigi- gnancy and Lactation, Food and Nutrition Board.
lant à l’apport énergétique, surtout si l’IMC est inférieur à Washington DC: National Academy Press, 1990, 1-
20 kg/m2, à l’état martial et à l’apport en calcium en cas 233.
d’exclusion des laitages. Les apports en vitamine D sont [7] Bresson JL., Rey J. Femmes enceintes et allaitantes. In :
souvent insuffisants et le risque de déficit en vitamine B Martin A. ANC 2000. Apports nutritionnels conseillés
élevé. L’absorption du fer et du zinc peut être inhibée par pour la population française 3e éd. Paris TEC & DOC
un régime riche en phytates et en fibres. À côté des conseils Lavoisier, 2000.
nutritionnels précis, une supplémentation en vitamine B12 [8] Potier de Courcy G., Deheeger M., Chaveroux F et al.
(1 µg/j), en fer et éventuellement en zinc est conseillée. Étude comparée de l’alimentation des femmes enceintes
parisiennes et lilloises. Cah. Nutr. Diet., 1998, 34, 29-40.
[9] Scholl TO., Johnson WG. Folic acid: influence on the out-
come of pregnancy. Am. J. Clin. Nutr., 2000, 71
Conclusion (suppl. 1), 1295S-13030S.
[10] Galtier-Dereure F., Boegner C., Bringer J. Obesity and
L’impact de l’état nutritionnel de la mère pendant la gros- pregnancy: complications and costs. Am. J. Clin. Nutr.,
sesse mais aussi durant les semaines qui précèdent la 2000, 71 (suppl. 1), 1242S-1248S.

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