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So-Pitié militaire, 29 décembre, inédit... Gwne peut Tire, sans un frisson, le réeit de cette Lomentable odY996% que dut subir AS Lebaudyh avant que l'administration militaire eft déctdé de L'envoyer mourir ins, car il stasissait de prouver au capitaine [Almite] que [ ton était pur come hermine, et que, dans Tes bureaux militatres, on ne boit pas de ce vin-la !... I1 est effrayant de penser par combien de poignes galonnées, de chirurgiens, le pauvre tringlot dut passer; ce qu'il lui fallut supporter d'examens préventife et d'auscultations contradictotres; comment son corns, rongé par la phtfaie taté, mantpulé, retourné dans tous les sens, foutllé dana tous ses organes, ren voyé dth8pital en hdpital, ainsi qu'un colis sans adresse, i ncine sorti d'une visite laborieuse pour retonber dans une contre-visite plus connliquée, errant de Fontainebleau & Vernon, de Vernon & Vichy, de Vichy & Vernaillon, de Versailles A Vernon, de Vernon & Rouen, de Rouen & Val-de=Grace, pour ahoutir 2 cette petite bourgade infestée et lointaine des Pyrénées, ot il trouve, enfin, le repos dans la mort | Et pour le meurtre dtun joune homme de vingt-deux ans, caiculé, par ce Iu= gubre itinéraire, par-eette marche au cercuell, ce qu'il fallut mettre en mouvement de mécanismes adninistratifs, calculez 1'incalculable nonbre de rapports et contre- rapports qui furent crite] et voyagerent, eux aussi, de bureaux en bureaux, de brigades en divisions, de divisions en cormandatures, de commandatures en minister timbrés, cachetés, visés, 1épalisés, contresignés { Tous les services de 1'arnée, depuis les états-majons jusqu'aux ambulances, depuis les /députés/ jusqu'aux cabi= nets de:minictres, collaborant, pourquoi 2... pour achever un soldat poitrinaire 1 Out, Je comprends qu’ti dut voir la mort venir avec soulagement, puisqu'elle seule powwait le délivrer de ce cauchemar macabre, et qu'il ntavait plus rien & espérer dune administration, défendue par cing cent mille fusils, par dix mille canons et qui, pourtant, trembla, comme une petite cabotine devant un article de journal Journalistes, mes amig, nous pouvons @tre fiers et nous enorsueillir de la puis~ sance de 1a presse qui avec 1a mousqudterie légére de quelques phrases, oblige & ca= pituler toute une armée qui se vante d'€tre invincible ! On est cependant étonné de ce luxe de précautions, d'hésitations, de contra dictions, de rapports et de conciliabules qui n'est point l*habitude dens 1'armée ob, généralement, on laiese mourir_et povrrir les pioupious avec plus de ‘simpfi-— cité et moins de.fracas. time Séverine, elle-m&me, nous conta, i'hiver dernier, d?hor- ribles, mais rapides drames de la mort dans les casernes. Et nous devrions nous [Bowvenix] encore de ce que peuvent, dans le sommaire et lexpéditif, la sauvagerie et la négligence militaires, par ot se distingua surtout notre admirable campagne a Madagascar. Et puis, & l'heure o& j'écris ces lignes, sonnez combien de “ vies, dans les casernes, ralent, /...] sous 1!implacable botte de 1a discipline. Elles n'auront pas eu d'histoire, celles-1a, étant humbles et pour tout dire ano- nymes. On ne saura rien de leur martyre, sinon qu'elles sont mortes. Un matin, dans leur village, les parente apprenéront, par un sec imprimé, non affranchi, qu!ils ntont plus d'enfant, et ce sera tout. Ile ne sauront jamais que, peut-@tre, se sentant malade, le petit aura été demander protection au chirurgien et qu!iJ aura Sté renvoyé brutalement, et que, le lendemain, on L'a trouvé mort, dans son 1it, fou qu'il est tombé dans la cour, A Iexereice, durant une marche, & aa faction... Ce drame est banal; i1 est de tous les jours; il remplit les colonnes de journaux, aux faite divers, Et l'on finit par penser que cela doit ttre ainsi et que, aprés tout, un soldat cot fdfe pour mourly et-que-clest non-métier; qu'il meure 4 le ca~ ‘Berne, ‘PALIlonné dans les silos d'Afrique, ou percé d'une halle sur le chanp dc bataiile, qu'est-ce que cela fait, pourvu qu'il meure quelque part ? Les occasions ne lui manquent pas de mourir, et on les multiplie chaque jour avec ornueil + le surmenage, les marches forcées.sous le soleil, 1"immobilité dans la froidure, les viandes empoisonnées, les épidémies qu'on cultive come des champs de vignes, nour les rouges vendanges; ot, surtout, les chirurpiens militatres imbus de cette idée hérofque que les soldats ne doivent jamais &tre malades. Le cas tragique de M, Max Lebaudy, malgré les belles phrases ministériclles, [accuse] que rien n'est changé dans les habitudes milftatres, ot quion a dans 1 mée, aujourd'hui comme hier, le mépris des vies humaines. Un honme nf ren; -Aty Fepresente Tieng on le solane moins bien qu'un effet d'équipenent, ou quiur-cheval; ce nieat me plus de la chair A canon, clont de la viande A rorlenent tee ‘J'ai toujours le souvenir d'une affreuse et horrible sctne A Inquelle j'assistai, un soir, durant la guerre de 1870. Clétait & Marchenoir. Toute la journée, dans les mornes plaines, nous avions essuyé le feu des obus prussiens, Le ciel était bas, couvert de rros nuages cuivrewe Une brume sale noyait les coteaux et cachait l'armée ennemie, qui ne se révélatt A nous que par le feu ininterrompu de ses canons, Ah ! que nous étions tristes, je me souviens, tristes non de la peur de mourix, mats de ntavoir pas mangé depuis deux jours. Llintendance, depuis deux jours, n'avait pas paru et nos provisions &tatent épuisées. Navvaise préparation au combat : aur le soir, les canons ces~ serent de tirer. Prés de l'endroit oi: nous avions passé toute cette Lugubre jour- née, il y avait une ferme, Aa moitié démolie, d'ailleurs, par les obus, Je m'y rendis avec quelques camarades, dans l'espotr, bien vague, dy trouver de quoi manger et de quoi boire, car si la faim nous tenaillait le ventre, la soif nous desséchait la gorge. Liunique pice habitable était déja pleine de soldate qui, les uns, amenatent des blessés, les autres, tratnaicnt, comme des fauves affanés tratnent vers leurs repaires la proie encore chaude, des quartiers de viande dénecés sur les chevaux morts, tués dans la plaine. Le majom, qui avait choisi cette ferme comme ambulance provisoire, confisqua les quartiers de viande et fit mettre les blessés, cdtc a ete, sur une table trés longue qui occupait le milieu de la pitce. Crétait un petit homme & visage dur et qui ne pouvait dire deux mots, m&me aux mourants, sans jurer comme un charretier, La nuit était venue. On chercha de la lumiére et l'on finit par trouver dans un tiroir une chandelle de suif que le major alluma ct ficha dans le goulot d'une bouteille vide, Puis, il examina sommairement les bless¢s. Le premier ne cessait depousser des cris de douleur, [1 avait ev le nied droit pres= que entiérement écrasé parun obus, et le cuir de ses godillots se m@lait A sa chair sanglante et & ses os broyés. = Désarticulation du pied ! grommela le major. Il bourra d'abord de tabac une courte pipe qu'il avait dans sa trousse, Lalluna A la chandelle fumcuse et, étalant sa trousse, il en retira un bistouri, dont 41 frotta la lame sur le revers de sa manche. Ensuite, il cormanda 4 quatre hommes de tenir le blessé fortement et de"l'emp&cher de puculer, nom... de D " Enfin, empoignant le malheureux par le bas de la’ jambe, sans lui retirer ses soulters et ses chaussettes, i1 lu désarticula le pied, qu'il jeta, ensuite, par-dessus les t@tes des soldate, négligemment, dans la cheminée. Un chien, qui était 1A, le happa, et s'enfuit. 4h’! jo verrai toujours cette scéne, & la lueur vacillante de Ja chandelle, qui fatsait mouvoir sur tous les visages une ombre tragique, Je verrai toujours \"affreuse douleur du soldat, et cette face de boucher hargneux et tranquille, Lequel, 1a pipe 2 lahouche, et le couteau & la main, fouillait, & travers le cuir deg souliers et la laine pourrie des chaussettes, une pauvre petite chair humaine, Seas enue Ae (Uc Cer : “Mars brez-le clauc faatele Searle |” @Toreual, 24 deceuthne TO

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