INSTITUT LA CONFÉRENCE H I P P O C R AT E
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La Collection Hippocrate
Épreuves Classantes Nationales
HÉMATOLOGIE
Agranulocytose
médicamenteuse :
conduite à tenir
I-10-143
Dr Nicolas BOISSEL
Chef de Clinique
L’institut la Conférence Hippocrate, grâce au mécénat des Laboratoires SERVIER, contri-
bue à la formation des jeunes médecins depuis 1982. Les résultats obtenus par nos étudiants
depuis plus de 20 années (15 majors du concours, entre 90 % et 95 % de réussite et plus de 50%
des 100 premiers aux Épreuves Classantes Nationales) témoignent du sérieux et de la valeur de
l’enseignement dispensé par les conférenciers à Paris et en Province, dans chaque spécialité
médicale ou chirurgicale.
La collection Hippocrate, élaborée par l’équipe pédagogique de la Conférence Hippocrate,
constitue le support théorique indispensable à la réussite aux Épreuves Classantes Nationales
pour l’accès au 3ème cycle des études médicales.
L’intégralité de cette collection est maintenant disponible gracieusement sur notre site
laconferencehippocrate.com. Nous espérons que cet accès facilité répondra à l’attente des étu-
diants, mais aussi des internes et des praticiens, désireux de parfaire leur expertise médicale.
A tous, bon travail et bonne chance !
Alain COMBES, Secrétaire de rédaction de la Collection Hippocrate
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I-10-143
Agranulocytose
médicamenteuse :
conduite à tenir
Objectifs :
– Diagnostiquer une agranulocytose médicamenteuse
– Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge
● L'agranulocytose est définie par la disparition des polynucléaires neutrophiles (PNN) circu-
lants.
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● Une neutropénie est discrète entre 1000 et 1500/mm , modérée entre 500 et 1000/mm , sévè-
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re en dessous de 500/mm . La définition d’agranulocytose s’étend aux formes sévères de neu-
tropénie, qui s’accompagnent d’un risque infectieux comparable.
● L’agranulocytose fébrile est une situation d'urgence car l'infection est gravissime et entraîne,
en l'absence de traitement antibiotique, le décès dans la grande majorité des cas (+++).
PHYSIOPATHOLOGIE
● La forme aiguë typique des agranulocytoses est due à un mécanisme immuno-allergique.
● Les causes toxiques sont plus fréquentes et s’accompagnent régulièrement d’une atteinte des
autres lignées hématopoïétique.
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Agranulocytose médicamenteuse : conduite à tenir I-10-143
● Les cellules cibles de cette réaction immunologique sont des cellules de la lignée granulocy-
taire : inhibition de la granulopoïèse (action sur les précurseurs médullaires), destruction des
PNN circulants.
● Ce mécanisme a été identifié pour l’amidopyrine, les anti-thyroïdiens de synthèse, les sulfa-
mides.
● D'installation plus progressive, l'agranulocytose est liée ici à un effet directement cytotoxique
du médicament sur les précurseurs médullaires et dépend de la dose totale reçue.
● On distingue :
– Les drogues cytotoxiques chez tous les individus.
* La toxicité médullaire est globale (pancytopénie, aplasie médullaire), mais la neutropé-
nie peut être la manifestation initiale.
* Utilisées à titre de traitements anticancéreux ou immunosuppresseurs, leur toxicité est
attendue et dépistée par la surveillance de la NFS.
– Les drogues dont la toxicité ne se manifeste que chez certains sujets (susceptibilité indivi-
duelle=idiosyncrasie). C'est le cas pour les neuroleptiques dérivés de la phénothiazine, par
exemple.
3. Médicaments responsables
● Tout médicament ayant été pris par le patient est a priori suspect (+++). Toutefois, certains
sont plus souvent retrouvés.
● Une liste non exhaustive de médicaments responsables d’agranulocytose est présentée dans
le tableau 2. Cette liste n’inclut aucune chimiothérapie.
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Agranulocytose médicamenteuse : conduite à tenir I-10-143
Antibiotiques Psychotropes
– Pénicilline – Phénotiazines : chlorpromazine, lévomé-
– Sulfamides : sulfaméthoxazole promazine, thioridiazine
– Céphalosporines – Anticonvulsivants : phénytoïne, carbama-
– Chloramphénicol zépine
– Antituberculeux : rifampicine, isoniazide –Tricycliques : clomipramine, imipramine
– Anxiolytiques : diazépam, méprobamate
– Levodopa
Antiviraux Antithyroïdiens
– Zidovudine – Carbimazole
– Ganciclovir, aciclovir – Méthythiouracile
– Propylthiouracile
Antimalariques Hypoglycémiants
– Pyriméthamine – Sulfamides : chlorpropamide, glibenclamide…
– Quinine
Antiulcéreux Diurétiques
– Anti-H2 : cimétidine, ranitidine – Thiazidiques : chlorothiazide
– oméprazole – Acétazolamide
– Spironolactone
Anti-inflammatoires Cardiovasculaires
– Colchicine – IEC : capropril
– AINS – Beta-bloquants : propanolol,
oxyphenbutazone, phénylbutazone – Antiarythmiques : ajmaline, procaïnamide,
indométhacine quinidine, disopyramide
piroxicam – AVK : pindione
ibuprofène, kétoprofène, diclofénac – Antiagrégant : ticlopidine
– Sels d’or
– D-pénicilline
Autres Antalgiques
– Allupurinol – Amidopyrine, noramidopyrine
– paracétamol
DIAGNOSTIC
1. Examen clinique
● Une découverte systématique de l’agranulocytose est relativement rare en dehors de la sur-
veillance :
– D’une aplasie après chimiothérapie.
– De l’effet secondaire attendu d’un médicament non cytotoxique (anti-convulsivant, anti-
thyroïdien…)
● Le tableau infectieux est habituellement d’installation brutale, de type septicémique (tachy-
cardie, frisson, hypotension artérielle).
● L’absence de PNN au foyer infectieux explique certaines particularités cliniques :
– Atteinte ulcéro-nécrotique des muqueuses.
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Agranulocytose médicamenteuse : conduite à tenir I-10-143
– Parfois, absence de foyer infectieux clinique par défaut de réponse inflammatoire locale
(foyer parfois démasqué lors du retour des pnn sur le site infectieux).
● On peut retrouver :
– Une angine ulcéro-nécrotique évocatrice du diagnostic d’agranulocytose (+++).
– Une pneumopathie s’accompagnant de signes auscultatoires et radiologiques parfois peu
importants.
– Une infection des tissus mous, notamment de la face ou périnéale.
– Une cholécystite, une appendicite parfois pauci-symptomatiques.
– Une candidose buccale, notamment en cas de mucite ou d’angine ulcéro-nécrotique.
● Cette infection peut se compliquer d’emblée d’un état de choc.
● Un syndrome hémorragique peut témoigner :
– De l’atteinte de la lignée plaquettaire.
– D’une coagulation intra-vasculaire disséminée associée à l’agranulocytose.
2. Bilan biologique
b) Myélogramme
– Réalisé rapidement, il confirme le diagnostic (+++).
– Il montre :
* Une moelle de richesse normale ou diminuée,
* Des lignées érythroblastique et mégacaryocytaire normales,
* Une atteinte de la lignée granuleuse avec :
■ Soit une absence de précurseurs granuleux. La récupération de PNN prendra 10 à 15
jours.
■ Soit un aspect de pseudo-blocage de la différenciation granuleuse, le plus souvent au
c) Bilan infectieux
– Réalisé en urgence, il ne retarde pas l’administration d’une antibiothérapie (+++).
– Il comprend chez tout patient neutropénique :
* Des hémocultures en périphérie et sur tout dispositif veineux implantable (cathéter, site
implantable).
* Une radiographie de thorax.
* Un examen cyto-bactériologique des urines (absence de leucocyturie +++).
* Un prélèvement de gorge en cas de point d’appel, plus systématique chez les enfants.
* Une coproculture en cas de point d’appel.
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4. Diagnostic différentiel
● Une neutropénie peut accompagner toute infection sévère. Elle n’est généralement pas aussi
profonde (> 500/mm3). En cas de doute, le myélogramme infirme le diagnostic d’agranulo-
cytose.
● Les autres causes de neutropénie isolée sévère sont :
– Neutropénies virales : VIH, EBV, VHB, parvovirus B19.
– Neutropénies auto-immunes : LED, thyroïdite de Hashimoto, Maladie de Wegener.
– Syndrome de Felty : polyarthrite rhumatoïde, splénomégalie et neutropénie dans un
contexte de prolifération à LGL.
– Neutropénie familiale cyclique.
– Neutropénie constitutionnelle : syndrome de Kostmann, neutropénie cyclique.
● La neutropénie ethnique correspond à une neutropénie physiologique de margination. Elle
est observée chez les sujets de race noire. Elle est fluctuante, supérieure à 500/mm3 et ne s’ac-
compagne pas d’épisodes infectieux.
● En cas de pancytopénie, les autres diagnostics différentiels sont exposés dans la question
N° 316.
TRAITEMENT
● L’agranulocyose fébrile est une urgence thérapeutique (+++).
1. Mesures générales
● Hospitalisation
● Mesure de protection du patient neutropénique :
– Chambre seule.
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bactam).
* Aminoside : amikacine, gentamycine, netromycine.
– L’association ceftazidime+amikacine, particulièrement active sur Pseudomonas aeruginosa,
est parfois réservée à une deuxième ligne antibiotique (fonction de la flore locale, surtout
lors des aplasies post-chimiothérapie).
– L’existence d’une porte d’entrée cutanée (dispositif implantable douloureux, folliculite…)
doit faire évoquer une infection à staphylocoque. On associe alors un glycopeptide
(Vancocine®, vancomycine).
– En cas de persistance de la fièvre sans point d’appel infectieux :
* L’antibiothérapie est généralement modifiée au bout de 48 heures par élargissement du
spectre aux staphylocoques et au pyocyanique si cela n’a pas été le cas auparavant.
* Un antifongique est prescrit si la fièvre persiste au-delà de 5 jours où en cas de point d’ap-
pel (aspergillose pulmonaire, candidose systémique…).
● La prescription d’une transfusion de granulocytes reste exceptionnelle et limitée aux infec-
tions graves (cellulites de la face, du périnée) non contrôlées par l’antibiothérapie.
PRONOSTIC ET EVOLUTION
● Le pronostic des agranulocytoses est lié à l’évolution de l’infection et donc :
– A la précocité de l’administration du traitement antibiotique.
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POINTS FORTS
● Urgence thérapeutique :
– Prélèvements bactériologiques : hémocultures, ECBU, Rx Thorax, pvt gorge,
coproculture
– Antibiothérapie dès les prélèvements réalisés
● Diagnostic = myélogramme
● Déclaration à la pharmacovigilance
● Prévention ++
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