♦ Le tournage
pieds sur des platines et des platines sur des tiges, levaient des
kyrielles de lampes à des hauteurs de grues, juraient, s'écartaient,
juraient, revenaient, s'accrochaient aux corniches du Palais,
scotchaient les câbles sur des tringles, essayaient des nacelles,
installaient des vérins, démontaient, remontaient, poussaient,
calaient des rampes, assuraient comme des bêtes et la tête
alouette.
La popule eut tôt fait de les acclimater, et c'était des surnoms
affectifs et encouragements envers chaque, des "vas-y Gandin tu
l'auras", des "chouffe toi de là Musclor, y'a Pendrillon qui radine",
des bravo, des hourras, des oremus pater au moindre clou qui tient.
Pour dire un exemple : Mijonnet (qu'ils avaient intitulé comme à
cause qu'il dandinait le fessier), Mijonnet qui n'avait pourtant pas
entamé grand chose hors des allées-venues, fut convié à rouziguer
la daurade par des admirateurs. Car bientôt le moindre avait ses
fans, qui formaient équipe à l'applaudir. On prenait des paris sur
l'action prochaine, on consouffrait aux efforts, on s'infusait le doute
aux grimaces de son favori, on opinait du chef au bon conseil qu'il
distribuait, car peu à peu les paons s'étaient piqué au jeu, prenant
des poses, parlant fort pour dire l'évidence, s'essuyant sans cesse le
front d'un poignet négligent et cherchant la gratule d'un œil distrait.
Si bien qu'à sept heures, dans ce décor d'Apocalypse qui n'a plus
endroit ni envers que pour la caméra, on installa des tables à
banqueter et jusqu'à fort avancé dans la nuit on fit force ripailles, les
camionneurs contant débonnairement leurs tutoiements à Kirk
Douglas et Sylvana Lambert, qui est vraiment très sympa dans les
jours, et à tous les autres, Pierre Claquevent, Nestor, le présentateur
fameux, Sophie Fonfec, qu'est pas du tout si tarte qu'elle paraît à
l'écran, Pierre-Yves Dechavanne-Delarue de Kersauzon et son
jumeau italien, Onésime Laglu, encore plus drôle en vrai, Françoise
Fourassec, qui aurait dû être un homme, les sœurs Goadec, Sim,
Philippe Noirditi, qui est si bon malgré la fortune qu'il amasse, les
Bomb'Machine, Laho, le chanteur doux, Mama Diouf, qui se révèle
dantesque suceuse, et tant et tant encore et tous tant de modestes,
tant de vrais pâtes avec quelques défauts de caractère quand même
qui font les hommes et de si grands talents, qu'en les écoutant des
heures, nos machinos, parler tant simplement de la famille on en
baignait de délicieuse intimité, et tout le gré qu'on leur en sut.