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FRANCOIS SUREAU, 16,BouLzvano Rasran ANOUAT St CONSE. BYPYAT 1 75007 PARIS Paris, te 25 juin 2014 Objet : Analyse cles conséquences du réglement par I'UMP de la sanction prononeée a Vencontre de M. Nicolas Sarkozy 1 — Aprés que le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2013-156 PDR du 4 juillet 2013, a rejeté le compte de campagne de M. Nicolas Sarkozy, ce dernier a été destinataire de deux titres de perception émis par la Direction générale des finances publiques dont le second Pobligeait & acquitter la somme de 363.615 euros au titre de la sanction prononcée pour dépassement du plafond autorisé des dépenses électorales. 2 = 11 résulte des documents qui nous ont été remis que le réglement de cette somme a été assuré par PUnion pour un mouvement popuilaire (ci-aprés «UMP »), sur la base dune consultation juridique non signée, mais établie, d'aprés les indications qui nous ont été données, par Me Philippe Blanchetier, par ailleurs twésorier, non seulement de I’Association de financement de Ia campagne de Nicolas Sarkozy, mais aussi de Association de financement de Nicolas Sarkozy. Le 25 juin 2014, une seconde consultation, semble-t-il du méme auteur, nous a été remise, dont les conclusions nous paraissent également contestables. 3 - En premier licu, I'allégation selon laquelle la nature de sanction administrative infligée & M. Sarkozy rend inopérante la régle du versement direct de Pindemnité correspondante est erronée (1). En second lieu, "UMP ne pouvait légalement régler le montant d’une sanction dont le versement incombait, par Veffet de ta loi, au seul candidat, si bien qu’en agissant ainsi, Jes mandataires de ce parti politique ont pu commetire un abus de confiance (1). 1—SUR L°OBLIGATION D°EXECUTER PERSONNELLE LA SANCTION INFLIGEE ENT 4 = Si la sanction pécuniaire infligée a M. Sarkozy A raison du dépassement du plafond autorisé cles dépenses de campagne présente bien le caractére d'une sanction administr ce gui n'est pas contesté ~ les conséquences tirées par la note remise le 25 juin sont, a Pévidence, inexactes. § Ii ne pent en effet étre soutents qu°8 vaison de leur nature, les sanctions administratives ne Sont pas scumises au principe de personnalité des peines. La jurisprudence ndmiiistrative rémoigne, 8 Pinverse, que de telles sanctions sont en général régies par ce principe (A), et que est en particulier Je cas pour les sanctions infligées a raison du dépassement dts plafond des {gpenses électorales, si bien que M. Sarkozy était tenu dexécuter personnellement la sanction qui lua é&é infligée CB). A~ SUR LA SOUMISSION DES SANCTIONS ADMINISTRATIVES AU PRINCIPE DE PERSONNALITE DES PEINES 6 ~ Il ne fait aucun doute que Pautorité administrative, lorsqu'elle exerce son pouvoir de sanction, est soumise au respect du principe de personnalité ces peines, Cela est largement corroboré par la jurisprudence du conseil d’Btat (19), de sorte qu’a Pinstar des amendes pénales, il n'est pas possible, en principe, qu’elles soient prises en charge par um tiers (2°) 1° La position de ta jurisprudence administrative 7 = La position de Ia jurisprudence administrative est sans ambiguité a cet égard. De nombreux exemples en témoignent, ainsi que ceia ressort des illustrations suivantes = } Dans sa décision du 25 novembre 1987, Mme Frappier (n° 70.073), le conscil d’Etat a jugé qu'un médecin ne pouvait pas étre sanctionné a raison de faits commis par son époux jpharmacien. Plus engore, la section du contentienx a considéré, dans sa décision du 5 juillet 2000, minisire de l’Eguipement ef Chevallier (n° 207526), que « le propriétaire d'un véhicule volé, dés lors qu'il n'a plus la garde de ce véhicule, ne peut par suite étre tenu pour lautenr de la contravention de grande voirie causée par ce véhicule ». Ov encore, tout récemment. dans un avis contenticux en date du 29 octobre 2007, Sté sportive professionnelle « Lose Lille Métropole » (n° 307736), le conseil d’Eiat a considéré, s'agissant de reglements pris par la Fédération frangaise de football, que cewx-ci «ne méconnaissent pas (..) le principe constitutionnel de responsabilité personnelle en matiéve pénale, qui est applicable aux sanctions administratives et disciplinaires » (adde CE 4 dée, 2013, n® 359637). > Plus précisément encore, le conseil d’Etat a jugé, en ce qui concerne une sanction infligée & une personne morale a raison de manquements propres, pat I’Autorité des marches financiers, que « la circonstance alléguée que ces manquements auraient powr origine les agissemems du président directeur général de ta société ne saurait avoir pow effet dimerdire quills soien! directement imputés & cette société, dés lors que ce dernier a agi dans le cadre de ses fonctions et pour le compte de la société », ce dont il découle que « le moyen tiré de ce que Ia sanction attaguée aurait méconnu le principe de persomnalité des peines en procédat i une telle imputation ne pent done qu’étre écarté » (CE 30 dée. 2010. Sié Ferrigestion, n° 318732) 8 — Les sanctions administratives, (out comme les amendes pénales, suivent donc un méme régime. Une telle identité ne saurait surprendre, eu dard a Punicité du principe de personnalité des peines, que fe Conseil constitutionnel a ratiaché aux articles 8 et 9 de ja Déelaration des droits de 1789, ce que le conseit d’Ftat rappelle parlois pour en déduire qu'il ne trouve és appliquer quien matiéve répressive » ~ formule qu’il faut comprendre comme visant la totalité de la matiere répressive, sanctions administratives incluses (CE 7 mars 2012, n° 355009), Cest ainsi qu'il est juge qu'une mesure de fermetuve d'un débit de boisson pour tune durée de six mois en cas dacies criminels ow délictwex « doit éire regardée (...) nem Cope une sanetion présentint fe caraciere d'wie punition, mais camme une mesure de police », dz sorte que les reqicranis ne «penent ulilement soufentr que cette mesure méconnuitvait les prineipes iivogués [notamment de persornalité des peines} qui ne wouvent application qu'en matieve répressive » (CE 9 mai 2012, n° 356977) 9 = Dans ces conditions, ce n’est done pas @ bon droit que Ia note du 25 juin érablit une différence au sein de la matiére répressive, pour en exclure I'application du principe de personnalité des peines aux sanctions administratives. 29 Linterdiction faite aux tiers @assumer Vexécution d'une sanction administrative 10 — Le principe de personnalité des peines, pleinement applicable aux sanctions ‘administratives, interdit qu'une telle sanction soit infligée & une personne qui ne serait pas auteur du manguement en cause. S’oppose-til également a ce qu'un tiers exécute Ja sanction prononeée 4 Pégard de Pauteur’ du manguement ? 11 —La note en cause exprime avis que das lors que la somme dont M. Sarkozy est débiteur «ne constitue pas une amende au sens pénal mais bien une sanction administrative », « [s}a prise en charge n'est ni pas prineipe ni par nature prohibée » (pt. 5.1). Une telle conclusion, outre qu’elle heurte Pexistence méme dune « matitre répressive », n'est pas fondée en droit. 12— Seul auteur une infraction ~ ou d'un manquement ~ doit en supporter fa peine ~ ou la sanction, notamment pécuniaire. L'existence de ce principe, de rang constitutionnel, ne saurait Btre niée. & D’abord, elle est attestée par la circonstance qu'un texte de Joi est indispensable afin qu'il puisse y élre dérogé. C’est par exemple le cas en droit du travail, of est prévu que le iribunal peut, pour certains motifs, mettre & fa charge de Pemployeur tout ou partie des amendes prononcécs contre un employé qui s’est rendu coupable dune atteinte & la vie ou a Vintégrité des personnes dans le cadre de son travail (C. trav., art. L. 4741-2). Par ailleurs, be code de la route permet dans certains cas de mettre a la charge du commettant les amendes pour exeés de vitesse prononcées contre le préposé (C, route, art, L, 121-1), Le Conseil constitutionnel, pour sa part, a admis que le législatcur peut apporter a ce principe des atténuations justifiées par la poursuite d’objectifs constitutionnels. ce qui I'a conduit & reconnaitre la constitutionnalité du dispositif mentionné ci-dessus prévu par le code du travail (Cons. const., dée. n? 76-70 DC du 2 déc. 1976). > Fn revanche, en Pabsence de derogation prévue par un texte de toi ou, phis généralement, lorsqu'aucun objectif constitutionnel ne te justifie, ce principe doit etre appliqué dans toute sa rigueur. Cela est parfaitement justifié et les tribunaux de Mordre judiciaire en tirent ¢outes les conséquences en présence d'une convention organisaat une telle prise en charge. Dans une telle hypothese en effet, le juge considére que Fobligation repose sur une cause ilficite et la convention est par suite frappée de nullité en application de Particle 6 du code civil, auy termes duquel « On ne peut déroger, par dies conventions particuliéres aux lois qui intéressent Uordre public et les bonnes meur’s » 13 — La jurisprudence judiciaire on a d’ailleurs montré toutes Jes implications @ occasion dun litige dans lequel avait lé souscrife une assurance visant 4 couvrir des sanctions

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