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CONSEIL D'ETAT statuant au contentieux N° 382219 Elections municipales de Bézu-Saint-Eloi (Eure) M. Frangois Leligvre Rapporteur M, Gilles Pellissier Rapporteur public ‘Séance du 16 octobre 2014 Lecture du 3 novembre 2014 LL REPUBLIQUE FRANCAISE, AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS ‘Le Conseil d’Etat statuant au contentiewx (Section du contentieux, 7éme sous-section) ‘Vu la requéte, enregistrée le 4 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Yves Petit, demeurant 100 Route de Gisors & Bézu-Saint-Eloi (27660) ; M. Petit demande au Conseil ¢'Etat : 1°) d'annuler fe jugement n° 1400935 du 5 juin 2014 par lequel Je tribunal administratif de Rouen a, sur la protestation de M. Frédéric Lepagnot, annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 pour Iélection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Bézu-Saint-Bloi (Eure) ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la protestation de M. Lepagnot contre ces opérations électorales et de valider I’élection ; i soutient que : apposition sur les panneaux d’affichege d’une photographie comprenant une combinaison des couleurs bleu, blanc et rouge, d’ume part, ne méconnait pas les dispositions de Particle R. 27 du code électoral et, d’autre part, n’a pas faussé les résultats de I’élection ; = Ies griefs de la protestation de M. Lepagnot ne sont pas fondés ; ‘Vu le jugement attaqué ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 aodt 2014, présenté par M., Lepagnot qui conclut au rejet de Ia requéte ; il soutient que les moyens de la requéte ne sont pas fondés ; Vu Ie mémoire en réplique, enregistré Je 5 septembre 2014, présenté par M. Petit qui reprend les conclusions de sa requéte et Jes mémes moyens ; ‘N° 382219 -2- Vu Ie nouveau mémoire, enregistré le 23 septembre 2014, présenté par M. Lepagnot qui reprend les conclusions de son préeédent mémoire ; il demande, en outre, au Conseil d’Etat de déclarer M. Petit inéligible et de décider que la présidence du bureau de vote sera assurée par des personnes désignées par le tribunal de grande instance ; ‘Vu les pidces desquelles il ressort que la requéte a été communiquée av ministre de I’intérieur qui n’a pas produit d’ observations ; Vu les pitces desquelles il ressort que, par application des dispositions de article R, 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d’étre fondée sur le moyen, relevé d’office, tiré de ce que les conclusions tendant, d'une part, & ce que M. Petit soit déclaré inéligibie et, d’autre part, a ce qu'il soit décidé de faire assurer la présidence du bureau de vote par des personnes désignées par le tribunal de grande instance sont nouvelles en appel et, par suite, imecevables ; ‘Vu les autres pices du dossier ; ‘Vu les notes en délibéré, enregistrées les 20, 21 et 24 octobre 2014, présentées par M. Lepagnot ; ‘Wu le code électoral ; ‘Wu le code de justice administrative ; Aprés avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Frangois Leliévre, maitre des requétes, les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ; ‘Sur la note en délibéré n° 3, présentée le 24 octobre 2014 : 1. Considérant que, lorsqu’il est seisi, postérieurement & la cléture de instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, él ie note en délibéré émanant dune des parties & l’instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d’en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que, en dehors des hypotheses oi il est temu de rouvrir Pinstruction a peine d’imégularité de sa décision, crest-a-dire de celles oi cette note contient l"exposé soit dune circonstance de fait dont la partie qui Pinvoque n’était pas en mesure de faire état avant la cloture de instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu’il devrait relever dofice, le juge a toujours la faculté, dans Pintérét d’une bonne justice, de rouvrir linstruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré ; N° 382219 2. Considérant qu'en espéce, il n’y a pas lieu de rouvrir instruction, dans intérét dune bonne justice, pour prendre en considération a QPC soulevée par M. Lepagnot et statuer sur celle-ci ; ‘Sur Je renvoi au Conseil constitutionnel 3. Considérant qu’é V'issue du premier tour des élections municipales de Bézu-Saint-Eloi (Bure), organisé le 23 mars 2014, la liste intitulée « Pour Bézu-Saint-Eloi, agir ensemble », conduite par M. Petit, a obtenu 334 voix contre 323 pour la liste intitulée « Nouveau souffle pour Bézu-Saint-Eloi » conduite par M. Lepagnot ; que M. Petit reléve appel du jugement du 5 juin 2014 par lequel Ie tribunal administratif de Rouen a annulé les opérations électorales sur la protestation de M, Lepagnot ; 4, Considérant qu'il résulte de Vinstruction qu’un extrait d’article de journal sur lequel figurait une photographie de M. Petit, maire sortant et candidat, ceint de ’écharpe tricolore a été accolée A Vaffiche de campagne du candidat sur deux des cing panneaux Waffichage officiels ainsi que sur une affiche de campagne située 4 proximité du monument aux morts de la commune ; que si l'article R. 27 du code électoral dispose que « Les affiches et circulaires ayant un but ou un caractére électoral qui comprennent une combinaison des trois couleurs : bleu, Blane et rouge & exception de a reproduction de Vembléme d'un parti ow groupement politique sont interdites », cette interdiction, qui n'est prévue que pour les affiches ct circulaires des candidats, ne trouve pas & s’appliquer a l'ensemble des documents présents sur les panneaux ’affichage officiels ; 5. Considérant qu’il résulte de ce qui précéde que M. Petit est fondé & soutenir que c'est a tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen s"est fondé sur les dispositions de Particle R. 27 du code électoral pour annuler les opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune de Bézu-Saint-Eloi le 23 mars 2014 ; 6. Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l'ensemble du litige par leffet dévolutif de Pappel, d’examiner les autres griefs soulevés par M, Lepagnot dans sa protestation devant le tribunal ; Sur les conclusions de M. Lepagnot tendant & I'annulation des opérations Alectorales + En_ce qui conceme les griefs tirés d'irrégularités commises pendant _la campagne électoral 7. Considérant, en premier lieu, qu’il n’est pas contesté que la eérémonie de présentation des voeux aux administrés organisée par le maire de la commune de Bézu-Saint-Eloi le 24 janvier 2014 présentait un caractére traditionnel ; que, si M. Lepagnot affirme que, lors de cette eérémonie, le maire a dressé un bilan partisan de la gestion communale, qui constituait un abus de propagande, il ne résulte pas de instruction que les propos tenus & cette occasion relevaient de la promotion électorale ; 8. Considérant, en deuxitme lieu, qu’aux termes du deuxiéme alinga de Larticle L. 231 du code électoral : « Ne peuvent étre dlus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort oit ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois: / (..) 6° Les comptables des deniers communaux agissant en qualité de fonctionnaire et les entrepreneurs de services municipaucx ; (..) » ; que si M. Lepagnot soutient que M. Correia N° 382219 Torres Alexandre, colistier de M. Petit, devrait étre regardé comme un entrepreneur de services municipaux au sens des dispositions précitées, il ne produit & l'appui de ce grief qu'un extrait de délibération du conseil municipal du 28 juin 2013, soit plus de six mois avant I’élection, faisant état d’tne facture payée A une entreprise de magonnerie dont M. Correia Torres serait le gérant ; que ce grief ne peut, dés lors, qu’étre écarté ; 9. Considérant, en troisiéme lieu, que sil est constant que des affiches €lectorales de la liste conduite par M. Petit ont été apposées avant le scrutin hors des emplacements réservés & cet effet, en violation des dispositions de Varticle L. 51 du code Glectoral qui interdit tout affichage relatif a I'élection en dehors des emplacements spéciaux réservés & cet effet, cet abus de propagende ne saurait étre regardé, en raison du nombre trés, Timité et du contenu de ces affiches, comme ayant été de nature & altérer la sincérité du sorutin ; 10. Considérant, en quatriéme lieu, qu’il résulte de instruction, qu’un extrait article de journal sur lequel figurait une photographie de M. Petit, maire sortant et candidat, ceint de P’écharpe tricolore a été accolée Vaffiche de campagne du candidat sur deux des cing panneaux d'affichage officiels ainsi que sur une affiche de campagne situge & proximité du monument aux morts de la commune ; que si, comme il I’a été dit au point 3, les dispositions de Particle R. 27 du code électoral ne sont pas applicables & ce type de document, I’utilisation non probibée des trois couleurs nationales sur l'ensemble des autres documents de propagande Glectorale ne doit pas constituer, pour autant, un moyen de pression qui serait susceptible d'altérer la sinoérité du scrutin ; qu'il ne résulte toutefois pas de Pinstruction que ce collage révélerait existence de manazuvres destinées A semer le doute ou la confusion dans esprit des @lecteurs qui auraient été de nature A fausser les résultats du scrutin ; 11, Considérant, en quatriéme lieu, que si M. Lepagnot soutient que M. Petit aurait perturbé la réunion publique organisée le 21 mars 2014 par la liste « Nouveau souffle pour Bézu-Saint-Eloi » en prenant la parole de maniére intempestive, il ne démontre pas en quoi cette présence, qui n'est au demeurant prohibée par aucune disposition législative ou réglementaire, aurait ét€ de nature a porter atteinte a Ja sineérité du sorutin ; 12. Considérant, en dernier lieu, qu’en vertu de Particle L. 49 du code Alectoral, les tracts électoraux peuvent étre distribués jusqu’a la veille du scrutin a zéro heure soit, en Pespéce, jusqu’an samedi 20 mars 2014 minuit ; qu'il s’ensuit que la distribution de tracts électoraux les 19 et 20 mars 2014 n’était pas irréguliére ; qu’il ne résulte pas non plus de instruction que ces tracts excédaient les limites habituelles de la polémique électorale ou qu’ils, comportaient des éléments nouveaux auxquels M. Lepagnot n’aurait pas pu répondre compte tenu de leur date de diffusion ; En ce qui concerne les griefs relatifs au déroulement du vote 13, Considérant, en premier lieu, que si M. Lepagnot soutient, d’une part, que M, Petit aurait tenu, au sein du bureau de vote, des propos contraires a Particle R. 48 du code Electoral qui probibe toutes discussions et toutes délibérations des électeurs a Pintérieur des bureaux de vote et, d’autre part, qu’un assesseur aurait été contraint de quitter le bureau de vote, ces grief ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d’en apprécier la portée ou le bien-fondé et doivent, dés lors, étre écartés ; 14, Considérant, en deuxiéme lieu, qu’aux termes de l'article R. 60 du code @lectoral dans sa version en vigueur issue du décret du 19 mars 2014 : « Les électewrs des communes de 1 000 habitants et plus doivent présenter au président du bureau, au moment du N° 382219 =Ss voie, en méme temps que la carte électorale ou l'attestation d'inscription en tenant lieu, un titre didentité; la liste des titres valables est établie par arrété du ministre de Vintérieur » ; que si M. Lepagnot fait état d'une défaillance du controle didentté, il n’établit ni méme n°allégue Vappui de ce grief que les électeurs admis & voter sans produire de titre d’identité n'auraient pas &é réguliérement inscrits sur la liste électorale ou quils auraient voté sous une fausse identité ; qu’en l'absence de toute indication de nature a suggérer existence d'une fraude, le grief ne peut ds lors qu’étre écarté ; 15, Considérant, en demicr lieu, que si M. Lepagnot soutient qu'il aurait été {rrégulitrement expulsé du bureau de vote, il résulte de Pinstruction que les candidats des deux listes concurrentes présents dans les locaux de la mairie, 4 l'exception de ceux affectés au déroulement du scrutin, ont volontairement accepté de quitter ces locaux sur proposition de la gendarmerie appelée & intervenir pour faire cesser les troubles qui seraient nés de la présence & Pentrée du bureau de vote de M. Lepagnot et de certains de ces colistiers ; que ce grief ne peut, des lors, qu’ étre écarté ; 16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précdde que e’est & tort que, par le Jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les opérations électorales de la commune de Bézu-Saint-Eloi ; Sur les conclusions de M. Lepagnot tendant, d’une part, 4 ce que M. Petit soit déclaré inéligible et, d’autre part, a ce qu’il soit décidé de faire assurer Ia présidence du bureau de vote par des personnes désignées par le tribunal de grande instance : 17. Considérant que ces conclusions qui sont nouvelles en appel sont, en tout tat de cause, irrecevables ; Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 d code de justice administrative 18, Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle A ce que soit mis A la charge de M. Petit, qui n’est pas la partie perdante, le versement des sommes que demande M. Lepagnot ; qu'il n’y a pas lieu, dans les circonstances de I’espce, de faire droit aux conclusions de M. Petit présentées au titre des mémes dispositions ; DECIDE Article 1* : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 5 juin 2004 est annulé. Article 2 : Les opérations lectorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Bézu-Saint-Eloi (Eure) sont validées. jon de M. Lepagnot ainsi que ses conclusions tendant, d’une part, & ce que gible ef, autre part, & ce qu'il soit décidé de faire assurer la présidence du bureau de vote par des personnes désignées par le tribunal de grande instance sont rejetées. N° 382219 -6- Article 4 : Les conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente décision sera notifiée a Messieurs Yves Petit et Frédéric Lepagnot. NN? 382219 1. Délibéré dans Ja séance du 16 octobre 2014 oi siggeaient : M. Rémy Schwartz, président de sous-section, présidant ; M. Nicolas Boulouis, conseiller d'Etat et M. Frangois Leliévre, mattre des requétes-rapporteur, Lu en séance publique le 3 novembre 2014, Le président : Signé : M. Rémy Schwartz Le rapporteur : Signé : M. Frangois Leliévre Le secrétaire Signé : Mme Corinne Sak La République mande ct ordonne au ministre de T'intérieur en ce qui le conceme ow a tous huissiers de justice & ce requis en ce qui conceme les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir &I’exécution de la présente décision. Pour expédition conforme,

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