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VOLS ET SANCTIONS EN MEDITERRANEE Sous la direction de Maria Pid DIBELLA éditions des archives contemporaines SR LA MISE EN SCENE DU VOL PAR LES JURISTES MUSULMANS par Baber Johansen ‘Ecole des Hautes Emdes en Sciences Sociales, Paris) 1. Voriginalité de Papproche du droit musulman Contrairement aux “codes de vengeance” méditerranéens? dans lesquels le vo! de bétail semble étre V'enjeu principal’, le droit musulman ne définit pas le vol comme wn crime contre Vhonnour des individus ow des groupes’, ne voit pas dans la restitution de honneur des victimes Je but principal de la procédure et de le peine et n’insére done pas la punition du vol dans un “code de vengeance” et dans les stratégies qu'un tel 1, Voir, par exemple, A. Pigliara, Ze code de la Vengeance en Barbagia (Sardaigne),en annexe dans ce volume, attcles 14, aj et 15, ae 2. Pigliamy, articles 14 et 15; mais pour Vimportance du vol de bétail sméme dans Je droit canoaique da haut moyen age, voir Tancredi Bononiensis ordo iudicarius in Friedrich Christian Bergmann (sous la di- rection de), Pillius, Tancredus, Gratia Libri de Iudiciorum Ordlne, Gottingen, 1842, réimprimé Scientia Verlag Aalen, 1965, p. 158 et note 71. 3, Les juristes musulmans admetient volontiers quo Vacte de voles contient des éléments qui constituent une attaque & Phonneur do la personne volée, un mépris (istith/ay) de se porsonne, et cola indé- pendamment du fait de lenlévement de ses choses, voir Abu Bakr ‘Muhammad b, Abi Sahl al-SarakhsI, Al-Mabsif, Beirut, Dir al: ma'rifa, 3e sition, 1978 (offprint de Iéition du Caire de 1907), vol. IX, p. 147; mais is ne le définissent pas comme un crime contre honncur. 4. Tis insistent, par contre, sur Te caractére infamant (khazan) de Ia ‘eine preserite pour Ie vol qui change de caractére sculement si le voleur Se repontit et s"abstient de commetire des crimes ot des délits (ibid , vol. IX, p. 142, voir aussi p. 135 pour le brigandage) ; pour des procédures infamantes qui dépasseat Yamputation de la main, voir ‘Abdallah b. Abmad b. Muhammad b. Mahmud Ibn Qudama, AL-Mughnt, Beirut, Dar al-Kutub at ilmiyya, sans date, vol. X, pp. 266-267, 42 VOLS ET SANCTIONS EN MEDITERRANEE code offre anx acteurs, Le vol de bétail des piturages n'est, @'ailleurs, sous le droit musulman, punissable comme vol que sous des conditions précises et restreintes. En matiére de vol, le droit musulman se distingue aussi du droit romain. A ses origines, celui-ci donne a la victime du vol Je droit de punir le voleur par la mort* et semble, dans cette solution, garder encore des traces des codes de vengeance’. Ensuite, le droit romain remplace la peine capitale par esclavage pour dette, solution & laquelle, plus tard, lepraetor substitue une amende (résultat de Vactio fiurti manifesti) qui peut atteindre la quadruple valeur de la chose volée’, Dans la période de la République tardive et du Principat, le droit romain développe un parallélisme entre poursuites crimi- nelles (actiones furti) ct civiles (condictio ex causa furtiva) ‘qui peuvent étre facilement combinées®. Ce parallélisme se trouve aussi dans certaines écoles de droit musulman. Loriginalité de la définition du vol par le droit musulman se situe précisément dans le fait qu'il est considéré comme un crime politique parce qu’il coupe le lien de protection Cisma) entre I’ autorité politique et ses sujets’ et qu’il faut donc définir larelation entre la poursuite pénale du crime politique ct la pro- tection de la propristé individuelle privée, De cette relation entre la responsabilité pénale etcivile, les différentes écoles de droit musulman développent des conceptions assez divengentes et T'analyse de leurs divergences va permettre d’établir le caractre profondément politique du délit. 5, Max Kaser, Ramisches Privatrecht, Minchen, CH. Beck, 16. Auflage, 1992, p- 232. 6, Burry Nicholas, An Introduction to Roman Law, Oxford, Clarendon Press, 1972, pp. 207, 208, 212. 7. Kaser, op. cit. p. 232 (pour d'autres formes d'ameades, voir ibid, p23), 8, Ibid, p. 233, 215; voir aussi Heintich Honsell, Ramisches Recht, ‘Berlin, Springer, 1988, p. 111. 9, Pour le lien entre l'autorité politique musulmane et ses sujets voir ‘A.J. Wensinck, Concordance et Indices de la Tradition Musulmane, Lelden, EJ. Bul, 1982, vol TV, pp. 249-250, sub verbis “agama, i'tasama, ¢tigma, Pour la traduction de ces termes en concepts juridiques, voir Baber Johansen, “Der ‘igina-Begrff im hanaftischen Recht”, in: La Signification ‘du Bas Moyen Age dans P'Histoire et la Culture du Monde Musuiman, Aix- en-Provence, Baisud, 1978, pp. 89-108. | | | [LA MISE EN SCENE DU VOL PAR LES JURISTES MUSULMANS 43 IL, Le rdle des écoles de droit dans la définition da crime Je vais, dans ce chapitre, comparer les positions des écoles de droit hanéfite et malékite en ce qui concerne le vol. Je vais faire référence aux systémes des écoles de droit chatf’ite et hanbalite seulement pour souligner le caractéze complexe et pluraiste des normes qui régissent cette matiére en droit musulman sunnite entre le VIlle et le XIVe sitcle dans des différentes régions du monde musulman. L’école hanéfite a pris ses origines cn Irak au Ville sigcle et elle s'est répanduo dans toute la partie orientale du monde musulman, notamment en Inde, en Asie centrale et, a partir du XIVe sidcle, dans tout empire ottoman, y incly? /A? les Balkans et, partir du XVJe sidele, chez les éites politiques des pays arabes. Pendant le [Xe sidcle, elle était I’écote de droit dominante sous l’empire abbaside (750-1258 de notre ae). L'école malékite était dominante surtout dans I’ouest du monde musulman : T’Andalousie, le Maghreb, I’Afrique sub- saharienne, mais aussi T’est de la péninsule arabe. A Ta fin du IXe sidcle, les Malékites deviennent P’école dominante dans T'administration centrale de la justice abbaside. Vers lafin du Xe sitcle, ce sont les juristes chatiites qui les remplacent dans ce r6le, Cette école de droit s’est formée en Egypte ob elle a toujours exereé une influence dominante, & partir du début du IXe sidcle. Elle s"est répandiue assez rapidement dans les prov- inces orientales de V'empire abbaside od, jusqu’a I'arrivée des Mongoles au XIlle sigcle, elle a fortement concurrencé les juristes hanéfites dans la compétition pour les postes de gadis, les juges des grandes villes. Plus tard, elle suit les routes de commerce maritime pour s’établir au sud de la péninsule arabe, sur les o6tes de "Inde et de indonésie. La demitre grande école de droit musulman sunnite, l’école hanbalite, s'est formée A Bagdad au [Xe et Xe sidcle et a exercé une forte influence en Syrie, Depuis le XVIllesidcle, elle domine la péninsule arabe", 10, Pour la formation des éooles et Jeur influence sur 'adkninistration de la justice, voir Baber Johansen, “Wahsheit und Geltungsanspruch : zur Begriindung und Begrenzung ‘der Autoritit des Qadi-Urteils im islamischen Recht", in La Giustizia nell’Alto Medioevo (Secoli X-XI), sous la direction du Centro Italiano di Studi sul’ Alto Medioevo, Spoleto, rosso La Sede del Centro, 1997, pp. 991-1002. 44 VOLS BT SANCTIONS EN MEDITERRANES Les sources des différentes 6ooles que je cite ont été composées ‘entre le IXe ete XIVe sidcles. Elle eprésentent donc la doctrine du droit musulman sunnite de la période formative (VIe-Xe sidcles) jusqu’au début de la période post-classique (XIle— XVIlle sigcles). Dans ma contribution, je vais comparer la doc- trine des juristes hanéfites & celle des mal6kites parce que ces deux doctrines montrent des modes assez. contrastés, des positions opposées, concernant larclation entre Ie politique et le social. Je fais référence aux deux autres écoles aussi pour souligner ce qu’il y de commun entre ces écoles. Ma contribution ne sera pas centrée sur la responsabilité pénale ou le droit des preuves et de la procédure. J’ai traité de ces questions ailleurs''. Dans ce chapitre, je décris et analyse a maniére par laquelle les juristes musulmans utilisent Te débat sur le vol pour délimiter le monde de la “civili- sation” Cumran) urbaine et villageoise contre “le désert” ; pour séparer, dans les villes et villages, I’ espace public, acces- sible & tous, de Pespace privé, réservé aux membres des maisonnées ; Ie statut des batiments et espaces commerciaux contre celui des “ensembles urbains” privés et du changement de ces statuts entre le jour et la nuit, La définition du vol sert aux juristes pour délimiter les genres de vic, espace, les temps et pour déterminer la scéne sur laquelle le vol peut prendre place. Mais cette sctne faite d’espace et de temps a besoin d’acteurs, II faut done délimiter les groupes sociaux solidaires au sein desquels la peine d’amputation, de mutila- tion des étres humains, n’est point acceptable pour résoudre: les conflits de propriété et au sein desquels, pour cette raison, Je vol ne peut pas exister, parce que la peine n'y est pas imposable, Ces groupes doivent étre distingués des personnes ‘qui peuvent étre qualifiées de voleurs et qui rendent donc le ‘vol possible, Ce débat sert pour définir les mécanismes qui assurent la cohésion sociale au sein de la maisonnée et limitent Ta compétence de I’autorité politique d'imposer des peines de mutilation. Un troisiéme aspect du vol concerne Ia classifica 11, Voir mes articles sur“Zam Prozessecht der UqUDIC, in Zeitschrift der Deutschen Morgenlindischen Geselschat, 1977, Suppiément Ul, 1, pp. 477-86; “Eigentur, Familie und Obcighet’ im Hanaftschen ‘Strafecho”, in Die Welt des Islams, 1979, vol. XIX, no. 1-4, pp. 38-46. [LA MISE EN SCENE DU VOL PAR LES FURISTES MUSULMANS 45 tion des biens et des marchandises dont’ appropriation secréte et illégale, suite & Jour enlévement d’un “lieu sOr” (/tirz), con- stitue le vol. Les écoles de droit se distinguent par les principes qui réglent Jes classifications des biens et des marchandises en tant qu’assise de la consommation de la maisonnée et de Téchange commercial, dont Penlévement illégal justific la peine de mutilation pour protéger es fondements matériels dela vie civilisée. Le débat surles groupes solidaires et sur la classifi cation des objets susceptibles détre volés, tout en limitant le pouvoir de punition des autorités politiques et tout en soulignant aspect social de l'économie, sert aussi pour déterminer les stratégies que la personne volée et le voleur peuvent suivre hors des tribunaux ou devant le juge pour éviter ov assurer la punition du voleur. Finalement, un débat est engagé parmi les juristes musulmans autour du sens de la peine et de la forme de son exécution : est-ce que ’autorité politique et sa justice ont Ie droit d’exécuter les peines de mutilations au récidiviste jusqu’d V'annihilation de toute autonomie de sa personne ou doivent- elles respecter une certaine limite, un minimum de sa dignité physique, de sa mobilité, de sa capacité & se nourrir ? Sur tous ces points, les différentes écoles de droit musulman sunnite prennent des positions divergentes. La comparaison de leurs di- ‘vergences permet de voir que les dispositions légales quiréglent les détails font, dans chaque cas, partie d’un ensemble qui ‘exprime un concept concernant la relation entre gouvernement, groupes sociaux, genres de vie, stratification sociale, échange ‘commercial ct individus, bref, un modéle normatif de la société sédentaire. IIL. Ravir Ia chose d’autrui sans la voler ‘Tous les juristes musulmans se réferent au Coran (sourate 5 (al-ma’ida), verset 38) qui dit : “Au voteur et & la voleuse, tranchez les mains en récompense de ce qu’ils se seront acquis et en chitiment d’Allah. Allah est puissant et sage”. La majorité des écoles de droit sunnite concluent de ce verset que la poursuite du crime incombe & l’autorité politique, 2°Imam 12, Traduction Régis Blachire, Le Coran, Paris : Maisonneuve et Larose, 1980, p. 138. 46 ‘VOLS ET SANCTIONS EN MEDITERRANEB ‘ou au Sultan, qui remplace Diew dans administration de la justice pénale. Mais les Chafi'ites, les Malékites et les Hanbalites réduisent, en matiére de chatiments de droit public, Je monopole qu’exerce l’autorité publique sur I’imposition et Pexécution de ces peines aux personnes libres et aux esclaves qui ont des titres juridiques pour revendiquer leur ‘émancipation, Ils attribuent aux maitres des esclaves qui n’ont pas ce titre, la compétence (wilaya) d’exécuter ces peines sur eux. Les Malékites et les Hanbalites restreignent cette compétence des maitres & la seule fustigation”, les Chafi'ites eur donnent aussi le droit de couper les mains de leurs esclaves". Les malitres des esclaves confisquent donc, en ce qui conceme les peines de droit public, une partie de la compétence de Iautorité politique et de la justice nommeée par elle. D'aprés les doctrines de ces. écoles, les esclaves sont médiatisés dans leurs relations avec la justice par leurs maitres, Les Hanéfites sont Ja seule école de droit sunnite qui réserve a la justice nommée et instituée par l’autorité politique Je monopole de Vimposition et de Fexécution des peines de droit public concernant toutes les classes de personnes!® La peine corporelle pour vol est done définie par tous les, juristes comme un droit absolu de Dieu. L’autorité politique | ‘musulmane et les juges qu’elle nomme l’imposent en tant que | représentants de Dieu. Et méme les maitres des esclaves, quand ils exercent leurs compétences en la matire, agissent en tant que représentants de T’autorité politique et de Dieu. 13, Voir pour les Hanbalites, Tba Quatro, ak Mugs (op. cit voit supra note 4), pp: 146-150; pour les Molékites, Sanda b, Sa’ al- “Tani, Al- Mudawwana al Rubra, Le Caite, Matbaatal-Se'téa, 1323 H,, vol. XVI p. 57. 14. Muismmad b Kets el-Shaf, Al-Unm, Bey Bout, Dar a-Mette, sans date, 6, Muhammad Zuhit al-Naljé, vol. VI, p. 150 voir aussi pp. 135-136, 145, 149, Yahya b. Sharaf al-Nawaw,"al-Minhg”(imprimé ix marges’ de Muhammad al-Shiebiot, Mughnt alu} ta. ma'ifat rma’ ify al-minha), Le Ceire, Mosfafa al-Babi al-Halabi, 1377EL/ 1958, vol- IV, p. 151. 18, Sarakhst, Mabsap, op. cit, voir supra note 3, vol. IX, pp. 81, 82, 141, 168, 196-197; Abi Bakr b, Mas'ud al-Kisins, Kiab Bada’? al- sand'ifilarnb ab-shara’t, Beyrouth, sans date ; réimpression photo- ‘mécanique de édition cairote de 1910, vol. VIL pp 88, 96. LA MISE EN SCENE DU VOL PAR LES JURISTES MUSULMANS 47 Pourquoi le vol fait-l partie des compétences du gouver- xnement et du droit public ? Pour la plupart des écoles de droit sumite il ne s'agit pas, dans les conséquences juridiques qu’entraine le crime, de restituer un équilibre ~ détruit par Vracte criminel du voleur — aux personnes privées. Le rétablissement d'un tel équilibre aurait lieu griice a la restitu- tion de la chose volée de Ia part du voleur ou par engagement de sa responsabilité civile pour dédommager le propriétaire, Mais la peine corporelle ne rend pas la chose volée etn’ établit pas le dédommagement : elle punit la violation du lien Cisma) qui lie le sujet de l’autorité politique & celle-ci, Le vol est un crime contre Dieu et Etat parce qu’il nie la garantie fondamentale de protection et de sécutité que I'autorité politique musulmane donne a ses sujets : sécurité des biens, des personnes et de In vie. Il est donc, comme disent les juristes, “un crime pur” (jinaya mahda), “un acte interdit en soi” (flun haramun li‘ainih)". lest un vol qualifié, distingué de tous les autres actes a travers Iesquels on peut établir un pouvoir de fait sur les choses d’autrui. Contrairement au droit romain od le délit de furtum comprend également le vol, Yrabus de confiance, la fraude, usurpation", le vol qualifié (sariga) en droit musulman est un délit défini de fagon précisc. Il est distingué de tous les autres actes d’appropria- tion illégale des choses d’autrui. Parmi de tels actes, les jjutistes mentionnent le “vol & Ia tire” (ikatilas)®, le ravisse- 16, Pour la ‘igma, voir supra note 9. 17. Voir Kasant, op. cit, vol. VIL, p. 70, voir aussi p. 67; Sarakhs, op. cit, vol, IX, pp. 157, 158. 18, “Fortum est contrectatio rei fraudulosa Iueri faciendt gratia vel {psios rei vel etiam usus eius possessionisve”, voir le commentaire de Heinrich Honsel, op. cft., pp. 109-110 et de Max Kaser, op. cit. p. 232 19, Pour les Hlanéfites, voir Ahmad b. Muhammad al-Qudri, “Al- Kitab” Gumprimé aux marges de ‘Abd al-Ghanital-Ghantmt, A-Lubab fi shark al-itab), Beyrouth, al-Maktaba al-Tisiyya, 1400 1/1989, vol. Til, . 205; Sarakhs, op. cit, vol. DX, pp. 140, 151, 160, 201; Kasih op. ct vol. VIL, p. 65. our les Shafites: Shafi, op. cit, vol. VI,p. 151; Shirbia, ‘op. ct. (supra note 14), vol. IV, pp. 171, 180, 181, Pour les Malékites, voir Sabu, op. cit, (supra note 13), vol. XVI, pp. 75, 80 et Muhammad b. “Abdallah b ‘AM al-Kharasht, (shark) ‘ala multhtasar stdt’al-Khatt, Beyrouth, Dar Sadir, sans date, vol. VII, pp. 92, 100-101. Pour les Hanbalites, voir Ibn Qudsma, op. cit, vol. X, pp. 239, 240, 259, 260, 264. 48 ‘VOLS BT SANCTIONS EN MEDITERRANES ment (intihaby®, l’abus de confiance (khiyana)*, le fait de subjuguer quelqu’n par la force et par intimidation (rmukabara ox mughalaba)®. Mais ils définissent mal les types d'action dont il s'agit. A Ia limite, ils nous disent qu'il s'agit d’actes commis en public, ouvertement (‘ala sabil al-mujaharay®, d'une “indécence’ violente” (da‘ara ‘mughaliba) ou que la personne qui commet un vol a la tire “se fie Ala fuite, n’utilisant pas la violence et agissant sous les ‘yeux du propriétaire”®, Mais ces bréves descriptions du type ‘action sont & peu pras tout ce qu’on trouve chez les juristes sur ce genre de vol : il n'est pas question d'une définition précise du délit, de ses conséquences légales, du droit procédural, des preuves prévues. La méme concision caractérise le traitement du “ravisseur” (muntahib) dont Shitbing, un juriste chafi'ite du XVle sidcle, nous fait savoir “qu'il agit sous les yeux des gens et se fie & sa force et & sa capacité de vaincre”®. Le juriste hanéfite du XIle sidcle, Kisani, traduit évidemment une attitude générale des jusistes musulmans sunnites quand il cite, & propos du vol & la tire et du ravisseur, un rapport du prophéte qui aurait dit que ces 20, Pour les Hanéfites: Qudts, op. et, vole il, p. 205; Kasia, op. cit vol. VI, p. 65: Sarekhs, op. cit, vol. IX p. 151. Pour les Hanbalites, Iba Qudims, op cit, vol. X. pp. 240, 264. Pout les Shal ites Nawawi op. cit, YoL.IV, p. 171 et Shit, op. cit, VoL. IV, pp. 171, 180, 181 21, Pour les Hanefites: Quin, op. et, vol Ti, p, 305; Sarakst, op. it, vol. TK, p. 151; Kastnl, op. cit, vol. Vl, pp. 65, 74. Pour les ‘anbelites, oir Iba Qudarma, op. ct, vol. X, p. 240. Poor les Shafi'ites Shafi, op. cit, vol. VI, pp. 149, 151; Shicbiag, op. et, vol. 1V, p. 171 Pour les Melékites: Kharasht, op it, vol. VI, p. 100. 22, Pour les Hanéftes : Kiséni, op. cit, vol. VI, p. 65: mughdlaba comparer Sarakhsi, op. cit, vol IX. p. 140, Pour les Malékites, Karas, p. cit. vol. VII pp. 100-101 23. Kasint, op ct, vol. Vil, p. 65. 24. Sarak, op. cit, vol IX, p. 140. 25. Shisbin, op cit, vol TV, p. 171 26. Ibid, vol V, p. 174; voir aussi Sano, op. cit, vol. XIV, p. 57: ‘rajulen intahaba min rejulingurrata dananira wa-nasin Janguriina ait dans le eas ob i est caplré est deposition qui compte pls que celle de Ta personne dont ia pris la bourse. LA ISE EN SCENE DU VOL. PAR LES JURISTES MUSULMANS 49) deux formes d’appropriation illégale de la chose d’autrui “sont du badinage sans conséquence Iégale” (tilka da‘aba 1a shai’a fika)””, De méme, V'abus de confiance (khiyana) ne constitue pas un délit de vol qualifié (sariga)*., De la bridvets des descriptions par les juristes et du manque de définitions des conséquences juridiques de ces actes illégaux commis en 50 ‘VOLS BT SANCTIONS EN MEDITERRANEE Siun bien de cette catégorie est usumpé, par exemple le vin d'un musulman on les peaux non tannées des animaux morts sans étre abattus rituellement®, Ieffet de la propriété consiste dans obligation imposée & 'usurpateur de rendre ce bien & son propriétaire®. Cette obligation dure tant que la chose usurpée existe, En revanche, si Pusurpateur abu le vin outa dissipé ou

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