Ce texte est une réponse aux questions qui n’ont pas été
publiquement posées par les « laudateurs » et les « ennemis « de M.
Paul-Eric Blanrue au sujet des deux livres Sarkozy, Israël et les Juifs et Le
Monde contre soi. Anthologie des propos contre les Juifs, le judaïsme et le
sionisme.1 Surtout, il souhaite rappeler aux lecteurs – anonymes ou
connus - de cet ouvrage que le sens critique ne devrait jamais être sacrifié
aux passions.
1 A notre connaissance, seul M. Alain Gresh a tenté une véritable analyse critique, sans
toutefois développer ses intuitions sur le livre Sarkozy, Israël et les Juifs.
3Pour les questions liées à l’expertise, on lira avec profit Dr Marc Girard. Alertes grippales.
Paris : Dangles, 2009. En particulier le chapitre 2 : Auditer les experts.
1
Un livre victime de la « censure par le vide » ?
4Nous avons contacté les éditions La Fabrique qui affirment – sauf erreur de leur part – de
pas avoir reçu le manuscrit de M. Blanrue.
5Nous renvoyons les lecteurs à la discussion très vive qui a opposé M. Blanrue à deux
internautes sur Wikipedia, entre le 14 mars et le 2 juillet 2008. Il s’agissait de savoir si M.
2
prévaut d’une qualité qui n’est manifestement pas la sienne mais cela ne
semble pas gêner les internautes alors que tout expert autoproclamé
passant dans les médias traditionnels serait, à n’en pas douter,
immédiatement brocardé pour cette raison. Et nous ajoutons qu’à notre
connaissance rien ne permet de dire que M. Blanrue a effectivement
présenté son manuscrit à telle ou telle maison d’édition comme il
l’affirme, et rien ne démontre que si refus d’éditer il y eut, ce fut
uniquement en raison du sujet du livre. La mise en ligne des mails des
maisons d’édition (annoncée par l’auteur durant sa conférence de presse
et curieusement absente de son blog) permettrait peut-être enfin de lever
une partie de nos doutes légitimes…
Paul-Eric Blanrue était bien historien : il nous semble que les conclusions, à l’issue de cette
querelle, sont sans appel et, malheureusement pour notre écrivain, lui sont défavorables.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Paul-%C3%89ric_Blanrue/Archive1
6 Voir http://editionsmarcopietteur.blogspot.com/, http://www.resurgence.be/ et
http://www.testezeditions.be/accueil.php
3
L’écriture du livre, nous dit-on, a été dictée par l’urgence (l’attaque
israélienne contre Gaza en décembre 2008). L’argument étonne et
questionne lorsque l’on sait que M. Blanrue préparait déjà, 3-4 mois
après l’attaque israélienne contre le Liban (été 2006), son Dictionnaire de
l’antisémitisme, résolument « sioniste » si l’on veut bien admettre les
critères de classification de l’auteur.7 L’urgence ne semblait alors pas
guider son écriture, et son « antisionisme » était pour le moins discret…
7« L’arme essentielle du sionisme, c’est la guerre des mots. Et la guerre des mots, c’est le
chantage à l’antisémitisme » P-E Blanrue dans l’entretien avec Clap 36. Nous en déduisons
donc que le livre de M. Blanrue est un livre « sioniste »…
4
promotion, et a profité des travers de la contestation radicale sur le net, à
savoir les réflexes pavloviens très fréquents « anti-Sarkozy », « pro-
Palestine », « anti-médias traditionnels ». Les internautes anonymes,
mais aussi étrangement les intellectuels (MM. Collon et Bricmont) n’ont
pas voulu (ou pas su) voir l’ « effroyable imposture » de M. Blanrue, qui
a reproduit à l’identique les techniques promotionnelles du Parti de la
Presse et de l’Argent que dénonce avec talent le journal Le Plan B. Cette
cécité a conduit tout ce monde à abandonner la critique objective du
livre, tant au niveau de la forme que du fond. On peut raisonnablement
se demander si M. Blanrue, rompu à la communication et aux pratiques
éditoriales et médiatiques, a délibérément mis en oeuvre cette stratégie
de vente, considérant que le scandale ou l’interdit qui font vendre lui
permettraient à terme de réintégrer le circuit de vente traditionnel. Sans
doute conscient des lacunes et du vide analytique de son livre, et se
souvenant de l’échec commercial cuisant du Monde contre soi… qui, pour
le coup, visait à séduire les « pro-Sarkozy », les « pro-Israël » et les
médias traditionnels, il a très bien pu miser sur la naïveté et la partialité
d’une partie des acheteurs qu’il visait. Par chance pour lui, le pari a
réussi…
9Pour autant, nous ne souscrivons pas aux extrapolations de Mme Roudinesco au sujet de
M. Blanrue qui témoignent d’une lecture hâtive, imparfaite et de présupposés idéologiques.
Rappelons que c’est cette même Roudinesco qui avait brandi l’accusation d’antisémitisme
5
collection Hugo doc sous le titre Dictionnaire de l’antisémitisme. Il ne s’agit
pas d’une erreur du net comme le dit M. Blanrue. Jean-Paul Enthoven,
dans sa lettre du 25 avril 2007, dit bien : « j’ai donc regardé de très près,
et avec un vif intérêt, ce Dictionnaire de l’antisémitisme. ». Et M. Blanrue le
confirme lui-même dans son introduction : « (…) ce dictionnaire se
présente exclusivement comme un livre sur l’antisémitisme et non sur les
antisémites (…) dictionnaire classique et actuel ». Dans les faits, les
éditions Hugo et Cie se seraient apparemment débarrassées en dernière
minute du livre encombrant, et l’auraient laissé à leur partenaire du
même groupe, les éditions Blanche, plus habitué aux publications
« sulfureuses ». Cela explique d’ailleurs que l’introduction de l’ouvrage
parle exclusivement d’antisémitisme plutôt que d’antijudaïsme ou
d’antisionisme.
« En fait, il existe autant d’antisémitismes que d’antisémites [NB : il existe sans doute
aussi autant de coquilles d’escargot que d’escargots, et peut-être autant de cerveaux
humains que d’êtres humains] que ceux-ci se rattachent ou non à un courant
idéologique, religieux ou politique quelconque. Voilà le cœur du sujet, l’objet de ce
6
dictionnaire et la justification du classement qu’il propose. (…) dans ce dictionnaire,
je fais ainsi la recension de la plupart de ceux qui avec des accents antisémites plus
ou moins prononcés, et parfois sous la forme de simples blagues , ont joué quelques
rôle dans le monde politique, artistique, littéraire, économique, scientifique de leur
temps.(…) Puisqu’au fond les « judéophobes », selon le néologisme popularisé par le
politologue Pierre-André Taguieff, qui assimile dans un même élan , antisémitisme,
antijudaïsme et antisionisme, ont tous une dilection commune, c’est cette constante
qui constitue le socle du livre. »
« Ce projet se propose de montrer les hommes tels qu’ils sont ; de les mettre face à
leurs démons ; de rassembler leurs propos oubliés dans l’enfer des bibliothèques et le
trou noir des consciences, afin de rédiger une sorte de manuel d’éducation civique
non conformiste et d’ouvrir les yeux de ceux qui veulent savoir d’où ils viennent, à
quel type d’humanité ils appartiennent et quelles directions s’offrent à eux dans le
grand labyrinthe de la Venise universelle, où les masques ne sont pas toujours portés
par ceux que l’on croit. »
Il ne fait donc aucun doute que Le Monde contre soi est un livre
militant, de combat, un livre à thèse qui doit permettre d’identifier les
antisémites. Etrange livre donc, diamétralement opposé aux ambitions
de Sarkozy, Israël et les Juifs, et qui pose la question du retournement
idéologique si rapide de son auteur…
Mais le véritable scandale du Monde contre soi est ailleurs et tient en trois
mots : diffamations, médiocrité et plagiat.
Diffamations :
10
J-F Kahn : « Peuple élu : Une seule question se pose : a-t-il été élu démocratiquement ?
D’ailleurs, y avait-il d’autres candidats ? » (Dictionnaire incorrect, Plon, 2005).
Commentaire de PEB : « Il s’agit ici d’humour douteus » (sic)
PEB sur Maxime Rodinson : « Il est fréquemment cité par les antisémites et les
révisionnistes. » CQFD ?
PEB sur Emmanuel Todd : « Il est parfois cité comme caution par des antisémites.»
CQFD bis ?
Robert Mitchum (questionné sur le massacre de six millions de Juifs par les nazis) :
« C’est ce que les Juifs disent… Il y a des gens qui en discutent. » Interview dans
Esquire Magazine, février 1983, p.56 (par Barry Rehfeld). M. Blanrue voudra bien
nous indiquer comment accéder à la source qu’il cite, introuvable sur le net et
indisponible en France. Et il nous dira sans doute à quelle occasion il a pu la
consulter. Merci d’avance.
Georges Patton : PEB donne un extrait du journal du général Patton et comme
référence le National Vanguard, n°53, 1977. Il reprend la traduction française
disponible sur le site de la Racial Nationalist Library qui réunit des écrits antisémites,
négationnistes, antisionistes. Le journal ou les mémoires de Patton, parus il y a près
de 35 ans, n’ont en effet jamais été traduits en français. Et PEB reproduit l’erreur de
traduction du site qu’il a visité : il aurait du écrire National Vanguard Tabloid, le
National Vanguard étant un parti nazi américain qui s’est détaché de la National
Alliance à la fin des années 1980, et le National Vanguard Tabloid étant donc sa revue.
Ironie de l’histoire : le mois de parution du Monde contre soi (mai 2007), le site
armees.com, pour lequel PEB avait écrit un article, Hitler a-t-il vécu jusqu’en 1964 ?
(sic !), proposait sa propre une traduction de l’extrait présenté par notre auteur. Voir
http://www.armees.com/spip.php?page=imprimer&id_article=6770 ;
http://www.armees.com/Le-general-George-S-Patton-son-discours-D-Day-et-
son,15914.html
Pour ne pas allonger à l’infini nos notes, nous arrêtons là notre recension mais nous tenons à
disposition des internautes curieux le reste des éléments critiques dont nous disposons.
8
En outre, il affirme dans l’introduction : « Je note si tel ou tel est,
par la suite, revenu sur ses déclarations, s’il les a nuancées dans d’autres
écrits, ou s’il ne s’agit que d’un trait d’humour, douteux ou non. ». Mais
rien de tel dans le corps de l’ouvrage : les affaires Dieudonné ou Soral ne
sont pas développées ou nuancées, les citations prêtées à Salvador
Allende ou Mahmoud Abbas ne sont pas critiquées, Maurice Duverger
est de facto à nouveau diffamé, Maxime Rodinson et Emmanuel Todd
sont présentés comme inspirateurs ou références des antisémites… 11
Médiocrité et plagiat :
Il reprend sans le dire 108 entrées sur les 165 du livre d’Emmanuel
Haymann, et reproduit fidèlement nombre d’entre elles : Juvénal,
Bossuet, Chesterton, Cicéron, Clémenceau, Cloots, Collin de Plancy,
Denoël, Drieu la Rochelle, Ben Khlouf, Fichte, Willette, Alfred de Vigny,
etc. D’autres citations sont coupées ou allongées: Daniel-Rops,
11Informations disponibles sur simple demande à l’auteur, ou dans quelques temps sur le
blog noammailer@blogspot.fr
9
Feuerbach, Fourier, Grégoire de Tours, Montesquieu, Voltaire, Verne,
Tharaud, etc.
Une très grande majorité des notices biographiques qui précèdent les
citations sont les copies exactes mais raccourcies des notices que l’on
trouve sur Wikipedia. Pour s’en convaincre, il suffit de vérifier les
versions des mois de décembre 2006 ou janvier 2007 que l’on trouve dans
l’historique. Si nous n’avons pas entrepris la quantification exacte du
nombre de notices plagiées (travail ô combien fastidieux) nous avons
établi une liste de 50 notices vérifiées, ce qui suffit amplement, nous
semble-t-il, à caractériser le plagiat : Soljenitsyne, Bourdaloue, Brauman,
Bürger, Chomsky, Casino, Duverger, Mandel, Steiner, Renoir, Le Carré,
Moïse, Moore, Ramadan, Reed, Rodinson, etc.
12
Son livre ne contient aucun index et aucune bibliographie, contrairement à celui
d’Emmanuel Haymann.
10
Concluons ce survol rapide du Monde contre soi en apportant
quelques corrections aux affirmations de M. Blanrue lors de la
conférence de presse du 4 juin 2009 : « Je vous informe que ce livre, Le
Monde contre soi, m’a valu d’être invité au salon du B’nai B’rith. Zéro
ligne dans la presse. C’est pour vous dire que, j’ai été invité au salon des
écrivains du B’nai B’rith en 2007.» Si la presse n’a en effet pas écrit une
ligne, on trouve en revanche quelques recensions promotionnelles sur le
site de l’UPJF (mise en ligne par Menahem Macina), sur Novopress.info,
sur Le Mague et sur le blog de Michel Louis Lévy. Toutes les recensions
sont alors faites dans le cadre de « politesses amicales » : Michel Louis
Lévy se serait en effet vu proposer la préface du Monde contre soi mais
aurait refusé ; Menahem Macina, virulent polémiste pro-israélien renvoie
les internautes au blog de son prédécesseur qu’il connaît bien et au site
Novopress.info ; enfin, sous la plume d’Olivier Chapuis d’Orgival, M.
Frédéric Vignale parle de son ami Paul-Eric Blanrue pour Le Mague.
11
mai 2009 plusieurs moutures de longueurs variables avec des titres
parfois différents. La plus ancienne version que nous avons retrouvée a
été mise en ligne par LesOgres.org le 15 février 2005 (le texte est daté du 6
février) sous le titre Don Sarko et l’Internationale sioniste. Elle est ensuite
reprise par plusieurs sites : Stormfront.org (octobre 2005), Ism-France.org
(23 juin 2008). Mais c’est sur le site Toutsaufsarkozy.com qu’elle est le plus
publiée (à 12 reprises), évoluant progressivement entre le 13 avril 2007 et
le 26 janvier 2009 de sa forme d’origine vers la forme plagiée par M.
Blanrue (cf les versions des 12 janvier 2008, 30 juin 2008 et 26 janvier
2009). Le titre est toujours le même : La France sous le joug de l’empire
israélo-américain. Notons également que la revue Réfléchir & Agir en
publie un extrait dans son numéro 32 de l’été 2009 (pp. 29-31). Pour
simplifier, on peut globalement dire que le chapitre « Sarkozy
l’Israélien » correspond à « Sarkozy au pays d’Arik » et que « L’homme
des réseaux américains » est la reprise de « Sarkozy au pays d’Arnold ».
12
Chapitre 6 : Crif (127-144), B’nai B’rith (144-145), UPJF (145-147), UEJF (147-148),
WIZO (148-149), Siona (149), François Zimeray (149-150), France-Israël (150-152),
Rudy Salles (152-153), Groupe parlementaire d’amitié France-Israël (153-155)
13
La promotion répétée et mimétique de l’ouvrage assurée par
plusieurs sites d’informations alternatives (qui permettent des
rapprochements affinitaires entre internautes transcendant les
appartenances sociales, professionnelles et politiques), cette publicité
appuyée par des cautions intellectuelles a été l’autre élément décisif du
buzz. Cela doit nous conduire à réfléchir et à critiquer la tendance
perverse des médias alternatifs à se comporter comme leurs confrères
des médias traditionnels dans le traitement de l’information.
"Je dois préciser ici, et j'essaierai de le montrer plus loin, que, contrairement aux
allégations convergentes des antisémites et des publicistes juifs autosatisfaits, je ne
pense pas que les invocations de l'Holocauste aient eu la moindre influence
significative sur la politique américaine envers Israël. Cette politique s'est appuyée
essentiellement sur des considérations de Realpolitik et, dans une moindre mesure,
sur des calculs concernant l'influence politique des Juifs américains"
(Peter Novick. L'Holocauste dans la vie américaine. Paris: Gallimard, 2001. p.18)
Saidchomsky,
le 02 février 2010
Bibliographie indicative
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Normand Baillargeon. Petit cours d'autodéfense intellectuelle. Québec: Lux,
2005
Peter Novick. L'Holocauste dans la vie américaine. Paris: Gallimard, 2001
Blog www.sarkozyisraeletlesjuifs.blogspot.com
15