Kobané (Kurdistan de Syrie),
envoyé special
out semble calme,Sicalme. Depuis
Tiétage de cette petite maison, on
‘ousrirait presque la fenétre pour
se pencher et mieux distinguer
auloin, les villages quis'étendent
aflanc de coteau. On s'amuserait de voir la
frontire turque tellement proche. On pourrait
méme:s’enhardir et marcher un peu le long
dela Voie ferrée qui serpente entre les deux
pays. On aurait tort! Tly ad’abord ces tran-
‘chées qui ont été creusées de part et d'autre
s blanche,
poses des
‘mortiers en position de tr, vers cette cam
;Pagne qu'on pensait si accuellante. Hy 2auss
‘ces lourds panneaux de metal pais qui en
cadrent rescalierextérieur de habitation et
sur lesquels on apergoit ds impacts de balls,
Btpuis ily ace groupe de combattants kurdes
quiarborent sur leurs vestes le sigle de leur
unité, YPG ou YPI, selon qu'ilssoient hommes
ou femmes. Certains ont posé leur kalach~
nikoy. Accroupis prés d'un robinet, ls font
Javaisselle.D'autres préparent e thé. D'autres
encore chantent. Un moment de répit dans
lune zone particuliérement exposée aux tirs
des snipers de « I'Etatislamique ». Comme
un gazouilisentre deux coups de tonnerre,
Ladiscipline est militaire,
larelation militante
Letile dutonnerre, ici, Kobané, est jou
par lesobus de mortier dont les sifflements
annoncent destruction et mort. Ien faut
‘pourtant plus pour effrayercesrésistants qui,
depuis bientot quatre-vingt-dix jours, em
péchenttouteavancde des dihadists, malgré
une pression de tous les instants. Pas d'in
souciance, ni de forfanterie. Homme ou
ferme, jeune ou vieux, chacun saitce qu’
doit faire. La discipline ext militaire, lareation
miltante. Ilya hla jeune Kurdistan, c'est
son nom, dx-neuf ans, quin'a pas pus'ins-
crire4"université cause de la guerre; Dall,
lapassionnée, quis'estengagée des le danger
islamiste en vue. Elles cétoient Rewi, qui
pperd sa timidité lorsqu’i tient son arme;
Abdo, dont ei été salement amoché par
un éclat, et anssi Arman, un solide gaillard
‘labarbe aust rousse que pourrait étecelle
un Ilandais, un foulard rouge-jaune-vert
Jes couleurs du Kurdistan ~ autour de la
téte, en bandana.
Lesous-solde la maison est sans doute ren.
droit le plus sécurisé du secteur. Tousy vien-
nent prendre leur repas. Sur une natte, une
assette est pleine de dolmas(eulles de vigne
fouméesde ize de viande)sacrementépices,
Le résistant qui lit:
Ocalan et Deleuze
Les combats se poursuivent dans la ville assiégée par les isiamistes.
Les unités combattantes YPG-YPI empéchent toute avancée.
Aan, coneartanr KURDE QU DEFEND LE FROKT OUEST De KOBANE, DONEC DES HOUYELLES
‘des pains sont empilés (la récente pénurie due
aubombardement de a boulangerien'est plus
‘qu'un lointan souvenir, les veressontremplis
de thé. Un writable festin! Comme tous les
autres, Armane ne se fait pas prer et attaque
de bon cceur les mets & disposition. Mais,
ccontrairement aux autres, ilse dépéche de
terminer, se cale contre un pilier et allume
son ordinateur. Sa quéte de savoir, son besoin
«échangesle démangent. Uhomme est proixe.
Face 4 un Francais, i dit immédiatement:
penie sean
« Deleuze, Foucault, Cuattari! » On peut ima
giner la surprise qui esta notre!
‘Cest en lsant les crits Abdullah Ocalan,
leleader du Parti des travailleurs du Kurdistan
(PKK) toujours emprisonné, qui évoque Gilles
Deleuze, qu’ Armane s'est plongé dans la
Philosophie. Delewze, dailleurs, ne disait-il
‘pas quel philosophie ne s'adresse pas qu'aux
spécialstes? « Laphilosophie @'Ocalan appelle
{larésistance. Deleuze parle de a résistance
de 'érre huumain, souligne celui qu résisteKoban¢. Notre phlosophie est en contradiction
avec systéme capitalist, qui considerePu-
main comme un esclave. Nous, au contraie,
nous aimons la vie, nous considérons que les
hommes et les femmes sont égaux. La philo~
sophie du PKK, c'est de ibcrer ls femmes, de
les cider dévlopper leur personnalité, dé ne
pas ne Pesce des ames. 1, nous com-
‘ensemble, épaule contre épaule. »
Téaliste mais pas dowx réveur, Armang est
venu de Diyarbakir (Kurdistan de Turquie)
pour comibatre& Kobané avec ne conscience
politique dé fongée dit ais: « De nombre
amis sont morts dans les villages autour de
Kobané. Les pays arabes eta Turquie ont sou-
tenet encouragé Daesh («Etat islaique »
=NDLR) demvahir Kobané pour empécher nore
projet d'autonomie démocratique, d'égalité
homunes-fermes, Mais larésistance de la po~
pulation a mis en échec ce plan. Dela méme
maniére, ta coalition (mise en place par les
Etats-Unis et alaquele participent de nombres:
pays arabes et européens, dont la France ~
NDLR) n'est pas intervenue lorsque Daesh
avancait vers Kobané. En fit les Americans
voulaient faire la démonstration que nous, YPG,
ne pouvions pas contre ies slamistes, qui
allot compter sur ex. Mais sure terrain, cest
nous qui combattons. Nous et personne d'aute.
Les peshmergas nous soutiennent mais ne sont
« Je resterai ici jusqu’a
la victoire », insiste
Armanc, qui compare
la résistance kurde
« celle des républicains
espagnols, en 1936 ».
pas dans les rues, face auxislamists. Ce sont
les YPG qui meurent, les armes & la main. »
‘Ce combat, Armang est prét a le mener
jsqu’au bout, «Je resteraiicijusqu’ala vie-
tore, assure-t-i. Ie, ai renconré des gens
diférens, des communists, des socilistes
urs, des arabes membres des VPC, des Kurdes
de Kobané, des combattants du PKK... Certains
mont ait changer para force ql gage.
Comme ces ies que} ai vu se bate jus’
eur dernier souffle. Ce est pas out le temps
qu on rencontre des persons aussi braves. >
Cette ésstance de Kobané, Arman la com
pare celle des républicains espagnols, en
1936. Et pour qu'elle ne connaisse pas le
meme sort, il appelle les progressistes du
rionde enter venir a Kobane, « pour vance
abarbarie».«
IERRE BARBANCEY