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TEXTE PRIERE DF FAIRE CIRCULER CE TEXTE PRIERE OF FAIRE CIRCULER CE TEXTE PRIER RESPONSABILITE DU SAVANT DANS LE MONDE D'AUFOURD' HUE (LE SAVANT ET LYAPPAREDL MILITAIRE A. Grothendieck Le texte qui suit a 6té Gerit & LYoceasion d'un exposé de ame titre & 1a Faculté des Sciences d'Orsay 1e 26.6.1970, puis & 1"Université de Montréal te 8.7.1970. 1 diff¥re assez sensiblement de I'exposé oral, tout d'abord par le fait qu'il déveleppe beaucoup de points qui étaient. 3 peine abordés ou passés sous silence” dans Ltexposé oral, et de fagon RénGrale 2 cause dos interactions entre 'auditoire et 1e conférencier, ayant pour effet de remplacer un exposé plus o1 moins cohérent par une discussion parfois "B batons rompus* (ef. Appendice A). Mes intentions dans cet oxposé, et es exposés oraux que Je compte faire sur le nee thame chaque fois que jen aurai l'occasion, ne sont pas de nature acadé- sique, nais bien pratique. Je suis de coux qu: réalisent Je danger gran- spice et In vie en général La prolifé- issant que représente pour notre ration des appareils militaires et des stocks d'armes destructices partout ans le monde, et 1a nécessité dYune action ractcate et imédiate pour faire face a ce danger. En une temps je constate que 1a grande majorité thsi des savants, pour des raisons de connodité parfaitenent dérisoirt ‘tent pas de collaborer directenont ou indirectenent avec 18s appareils mi- itaires. 115 se nettent ainsi dans une situation psychologique qui teur rend inpossibie de prendre conscience des dimensions du périi et tes ene ferme dans une passivité qui équivaut & une dénission pure et sinpte devant L1it6 vis A vis de 1a communauté sumaine. Cet exposé se veut eur respons donc avant tout un plaidoyer pour un changonent dvattitude et de comporte: sent des savants dans leurs relations avec les appareils militaires, plus précisément pour Ioption suivante, qui me senble le préiiminaire indis- Pensable pour toute espice de tutte contre ces appareils; Ja non-coltabo-, Je du (*) Ainsi te par. 1 du présent exposé ne figuesit pas dans I'exposé oral Cet exposé stadresse avant tout & des savants ov des futurs savants, et plus particul:2renent aux plus jeunes parai eux, qui ne sont i, prisomives Whabitude de pense pas encore, ou moins que tov ‘et d'action (cela revient au mine) consacrés par des usages regrettables: Par contre, les jeunes ont sur teurs sings le désavantage (si on peut dire) de ne pas avoir connu Ia guerre et ces séquelles. Celui qui a vu devant Iui, ne serait-co qu'une fois, un homme tre abattu come un chien, fou un garde-chiourne frapper & mort un prisonnier désarné, il en restera wearqué pour Ja vie; il @ compris co qu‘est 1a guerre, Et pour ui dire NOW A janis, 1 ntaura pas besoin de longs discours, ni de visions ren vu do tel, svoquer un eiltion Arapocatypse. Mais pour celui qui n fra, ou le fait que la dernitre guerre non de mores au Vietnam ou au Giale a fait cinquante millions de victimes rien qu'en Esrope, - cela suscite un Stonnement poli quand il s'agit du passé, parfois une indigna tion un peu gdné et & fleur de peau quand il s'agit du présent), crest Crest de la 1ictérature 53 Join, dans te temps ou dans I'espace! A fortiori, si vous Gvoquer Ja probabilité de 1a disparicion de I*hunanité dans Les prochaines décades (trois milliards d’hoones, trois ailliards Atannées é"évolution biologique ...): c'est trop Snorne pour Btre vraiment concevable, etest une abstraction. Absolunont nul come contenu émotif. Done impossible & prendre au séricux. On lutte pour des augnentations de salaires, pour le liberté de parole et 1a Liberté de presse, 1a sécurité do Ltonploi, contre 1a sélection & I'tiniversité, contre a bourgeoisie, Hatcoolisne, Ia peine de mort, le cancer, Ie racisee, @ 1a rigueur contre Ja guorre au Vietnam ou contre 1a guerre tout court, Mais I'anaihilation de la vie sur Ia terre dépasse I'entendement de chacun de nous, c'est un sable"; comment inciterait-i1 & L'action? On a presque honte d’en parler, se sentant suspect de chercher des effets faciles par recours & lun théme qui, pourtant, est Je plus anti-effets qu'on puisse trouver, on wnslyser les "vraies causes" des maux contre Lesquels je propose d'agir, causes qui es mangué de me reprocher de ne pas avoir essayé (7) Quand ce n'est I'appitoyenent sur son propre sort, c¢ gui fUt Ia réaction de quelques étudiants "comestataires" lors de I'expost oral; cf. $7. jeraient résunées dans des notions (j*atlais dire: des formules incan- tatoires) telles que société de classe, profit, ete... Fe reconnais vo Tontiers mon ignorance en sociologie et en écanonie politique, ainsi que 1a coupable tendanee 4 voir I'aspect individuel et psychologique 14 02 Arautres aiment & invoquer plutde des afcanisnes Economiques. J'ai observé cependant que ce reproche qu'on ne faisait était surtout un des arguments parmi cent autres invogués pour ne pas agir, pour continuer le vieux train train conme devant. Faut-i1 done disputer indéfininent sur les "vraies causes", ce qui est une fagon paral cent autres de renettre ses responsa- Di1it6s présentes pour Le jour hypothétique oD 1a société aura change? Si tne maison brOle, on commence par Steindre le feu en jetant de Iteau dessus: Hanalyse des "vraies causes" c'est pour apr8s. Ft si on veut utter contre lun appareil quion a reconnu condannable et mortellement dangereux, on con ‘rence par renoncer a se faire payer per ce méxe appareil, ot & avertir du anger ceux qui ne Lont pas vu encore. Le reste est du boninent Un reproche plus sGrieus, et auquel je suis certainonent sensible, crest que le type daction que Je préconise reste extrinenent 1isité, C'est lun prélininaire, et guére plus, & une action radicale contre 1'appareil sititaie, Ea particulier, cette aetion se place delinérnent sur Je plan Individuel, ce qui Lisite sa portée pratique!” Pour tre efficace, une action devrait Sere concertée et organisée, fut-ce mins, d'abord, & une petite Gchelle. Je serai reconnaissant & tous ceux qui voulraient apoorter & ce sujet des idées ot des suggestions, ou ne mettre au courant dtefforts entre- pris ds)a ailteurs dans 1e monde scientifique dans ce sens Pour terminer cette introduction, Je youdrais renercier les trds nombreux collagues et amis qui, au cours de nor discussions, n'ont aidé rune Fagon ou dune autre & arriver & une neilieure compréhension des ques tions abordées ici. Je suis plus particulitrenent redevable & non ani Gérard Daechsel de n'avoir fait comprendre par =a pationte persévérance les dimensions véritables des périls qui nous menaceit tous Bucarest-Missy-Montréal, juin-juitlet 1970. TY CH cependant App. 8 et C (558, 9) Kidde uicéricurenent ) Mon adresse: A. Grothendieck, ? Avenue de Yerridres, 91 Massy, France Je ne serai plus 4 1°T8.8. A partie du 1-10.1990. ann EERE EERE (cos aspects dans une Large mesure résultent ce 1a conjonetion de doux facteurs: tes progrés rapides de 1a science et Ia technologie, Maccroissenent rapide de a population hunaine, ce second Facteur stant fer (progrds de 1"hygi@ne = abaisseaent de la Staitieurs subordoané au pre rortalité) Le principal aspect positif est Gvidement a tris nette augnen- tation du niveau de vie dans 1a plupart des nations non sous-développées (dont ont bénsticié principalenent tes pays d'Europe, d'Anérique du Nord, Uasie sovistique). Cette évolution est allée avec une augmentation cor- vis de Ia maladie, 11 est extra respondante de la sécurité de 1a personne, surtout vis- ‘et aussi dans I'esploi (surtout dans tes pays socialistes). rmement rare, aujourd'hui, dans un des pays envisagés, qu'une personne, voir lune fanille, moure de fain par faute de soins - chose qui était encore ralativenent courante {ly a seulenent cinquante ans. Uh autre aspect posi- TLE A beaucoup d*égards est I'interpénétration de plus en plus grande (en tne tops que le nivellesent et L'afadissenent, il faut bien le dire) des cultures nationales, une sorte d!internationalisation de la cvlture. Cotte évolution est 1iée & L'enprise grandissante des "noyons de coumnication de masse” sur ia vie de chacun dans 1es pays développés, et en adae temps sux progrds spectaculaires de l'industrie touristique, eccomplissant une sorte de brassage saisonnier des populations de nationalités diverses. ces imarées touristiques ont certainesent contribué chez I"henme moyen des na- tions dévelopnées A éliminer au moins une partie des terdances chauvinistes, fondées le plus souvent sur 1'sgnorance des "autres" Matheureusement, cette connaissance superficielle de l'autre comuniquée par les voyages touristiques et par ies moyens de communication de masse, n'a pas abouti chez es aasses, ni néme chez une najorité de ce qu'on appelic les "élites", un vrai sentiment de solidarité avec le reste de ivhunanit6, et en tous cas pas avec celle des pays sous-développés: té. woins indifference relative de I'opinion en France pendant les guerres aindochine ot d’Aigérie (guerres coloniales senées par des gouvernement joi-dssant sociatistos), 1attitude cynique des syndicats anéricains vis tale devant Le drane biafrais (ou presque toutes les grandes puissances avaiont partie 1:66). L'apathie est d'ailleurs totale dans 1es pays so- clalistes, malgré tes Litanies & doni-convaineses de la propagance offi cielle au sujet de In guerre du Vietnam, ou (nonentandes) sur te coup a'6- tat fasciste on Grice; il n'est pas surprenant sous ces conditions que occupation de 1a Tehéquostovaquie avait rencantré qu'indifférence dans Hopinion publique(en U-R.S.S. Par contre, cette atae opinion publique, apris les incidents frontaliers sino-soviéeiquos, était visiblenent déque que leur gouvernenent n'ait pas "donné a ces jaunes 1a punition qu’ ils néritaient™ (come nous savons par des ténoignages soviétiques dignes de foi) Nous voyons done que tes faits posit:és que nous avons relevés Yont pas ou n'ont que superficiellenent modifié Lattitude des menbres des nations développées vis & vis des peuples sous-développés, alors que ces peuples n'ont pas bénéficiés, pour leur part, d'une augaentation sen- fart entre pays sible du niveau de vie, Les experts estiment néme que | Léveloppés et pays sous-d6veloppés ne cesse de s*aceroitre d'année on année. L'actif pour ces pays, dans 1'évolution des dermitres décennies, seable avolr consisté avant tout & se 1ib6rer de structures féodales (Chine, Corée is Nord, Vietnam duu Nord) 0 coloniales au sens propre du tere. ta stagnation avon constate chez Ia plopart d'entre eux est &videmment aggravée par la charge inproductive que représente I'entretien d'une force araée. Cette charge engloutit tout ou majeure partie de "I*aide" consentie & ces pays par des puissances protrectrices, pour lesqueties elles ne sont en fait qu'un pion sur 1'éehiquier international, quand elles ne sont pas l'objet d'une exploitation directe de type néo-colonialiste ce fossé qui stélargit entre pays développés et pays sous-d6- 1. qui caraceé veloppés nfest qutun des aspects du cynisme crois: relations internationales dans ces dermeres decennies, au nene titre que 1a souvagerie des guerres menéos ou conpiaisanment entretenues par les la sauvagerie aussi dans 1a répression des sinorités religseuses, politiques). Tant tinages arandes, pulssances diverses (nationales, "raciales' 1 ce propos se pressent en ane tenps devant soi qu'on ne sait par lax quette conencer Lune des plus abjectes et des plus humiiantes sans doute est celle de 1'univers concentrationnaire dont notre vingti@ue sidcle a 1a ‘Esoudre” ces proltmes de minorités. Comme on sait, triste exclusive pour les camps de concentration ont conencé & foisonner en Allemagne aussit6t aprds la prise du powoir par Hitler en 1935, au début 3 Lusage des oppo Ssants politiques, surtout communistes. far La suite, grossis par un Flot de prisonniers de guerre de toutes nationalités, par des groupes ethniques de toutes provenances déportés an Allenagne, et surtout par les juifs ane- nés en wagons & bestiaux de tous es pays d"Europe, ces canps ont forné le cadre d'un univers cauchenardesque pour des millions d'individus, et le lieu de Liquidation physique pour environ Six millions de juifs, y compris bien sir fenes, vielllards, enfants. On doit noter on passant les prodiges Arorganisation et d!ingéniosité qu'il a fallu déployer par des milliers de technictens allenands houtesent qualifiés pour venir a bout de 1a eSche (taliais dire surhumaine) aanener, Liguider et faire disparaitre dans tes siais inpartis cette misérable mare humaine, &¢ on ne peut s*emptcher de réfléchir au fait que le pays quis initié la formule concentrationnaire 4 6t6 on néne teaps un des pays les plus évolués du glebe, au point de vue technologique aussi bien qu'au point de vue du niveau intellectuel de ses Glites, et qui selon les prévisions marxistes devait &tre un des premiers 4 acconplir 1a révolution prolétariene. fon sait Ia fortune qu'a connie depuis lors 1a formule concentra- tionnaire. Ltexample Ie mieux connu est celui des camps soviétiques pendant les épurations stalinionnes depuis 1937 jusqu'a 1a mort de Statine, qui ont englouti des muititudes peut-Btre plus nonbreuses encore que les camps altenands, dans des convulsions d'hystérie collective orchestrée vvidentes, sont les conditions et alae I'existence de I'univers concentrationnaire frangsis entre 1958 et 1945, 11 fut eréé (8 ironie) par le gouvernement du front populaire pour y interner quelques centaines de milliers de républicains et d’anarchistes espagnols avec leurs fanitles Fuyant les massacres massifs & 1a fin de 1a guerre civile d*Espagne, Des + des suites de mauvais nilliers y moururent, bien avant la guerre de 59/4: traitenents ou des conditions de vie trés dures, dans les camps d'Argelts, liu Vernet, de Gurs, et d'autres encore. Dans In prospérité générale et te vent de xénophoble qui souffiait alors, personne ne se souciait du sort de ces internés. Au monont de la guerre, ces canps servirent & inter- nner a plupart dos étrangers résidant alors en France, mis 4 1a disposition de L"Altenagne par Jes accords de Vichy. De is furent acheninés vers les chambres & gaz allenandes de nombreux convois de juifs, a partir de 1942, En fait, que co soit sous forme des “canps de travail” sovigeiques, ‘des canps politiques en Grice, ou de “camps de réfupiés” en Moyen-Orient ou au Vietnan, 1 est clair que l'univers concentrationnaire n'est pas une rEalit6 restreinte aux années 30 et 40. Ti est aujourd'hui encore univers ‘quotidien de millions d’atres humains, et rien ne permet d'espérer actuel- loment, en cas de convulsions politiques ou ailitaires importantes dans ‘quelque pays que ce soit, qu'il ne ressusciters pas dans des proportions et sous des fornes conparables & celles qu'on « connues aux pires nonents a grande guerre de 1939/48, mene pourtant avec des noyens tech- niques infiniment moins puissants que ceux dont on dispose aujourdthul, a G6 une saignée sans précédent dans i'histoire do L'humanité; on estine 4 environ cinquante millions ie nombre total de victines rien quien Europe, Js plus grande partie parmi ceux-ei dans ies populations clviles. Sans tous bien nous en rendre compte, nous portons encore lourdenent les héri- tages de cette guerre, sans pourtant en avoir tiré 1a legon qui s!inpose Ceux qui ont subse de pris en ont été marqués profondénent; ils nen arlant pas valontiers at ne denandent qu! Ioublier, Pour tee meine de trente ans elle n'est 4638 plus qu'une guerre parai tant d'autres dont les Livres dthistoive reporgent. Dans les positions offictelies, cette avonture sonstrucuse est présentée, chez les uns (alleminds et leurs ex- 11165) comme 12 faute d'un seul Grand Chef, chet les autres come Ie com- sappy end” Le Dat dos forces dy bien contre celles du mal, avec comme trionphe au dernier acte des forces du bien, incarnées yar Jes alliés. Pour se convainere que cette deuritne position n'est, hélas, pas besucoup plus cconforne & Ja vérité que la prenitre, i suffit de se rappeler certains les épisodes qui ont warqué les derniers soubresauts de cette guerre: Vareae des troupes soviétiques devant Varsovie, pour leisser sux troupes allenandes Le temps de mater 1'insurrection populaire, wwe d'un mauvais ell par le "1ibérateur" sovistique; Ia livraison 4 la Gestapo, par Les sutorités soviGtiques, des conmunistes non sovi6tiques touchés par 1"épu- ration stalinienne; Le refoulenent par les autorités suisses de milliers de réfupiés, juifs surtout, fuyant les canps de la ort; le refoulenent par tes autorités anglaises des réfugiés juifs arrivant en Palestine; Dinutite angantissenent de Hizoshina par 1a presire bbe atomique anéri- caine. Quant aux tractations entre puissances victoricuses, décrétant nifestenent les dans Ia zone d! influence soviétique cercains des pays soins disposés au communisne (tels la Poiogne et Ia Rounanie), et dans la zone d*influence “occidentale” des pays fortenent connunisés comme 1a Grace, une containe de millions d*hoanes paient encore asjourd’hui, et sans oute pour longtemps encore, Le prix de ces arrangenents de princes: Depuis ce tenps, 11 y a vinge-eing ans, 41 ne semble pas qu'il y pratique des relations fait eu une €1évation notable dans les principes et fentre 6tats, ni dans le niveau de conscience de 1a grande majorité des hommes, tel quion Le reconnatt on particulier dans leurs réactions vis a vis de la politique suivie par tours gourernenents respectifs, ou leur attitude vis 3 vis de Iappareii répressif ou de t'appareil militeire, Qu'sl nous suffise de rappeler a ce sujet 1a sauvagerie des guerres de type colonial qul ntont cessé de se suceéder deputs 1945: guerre d*indochine, d'Algérie, de Gorge, du Vietnan, guerre du Biafra enfin senge avec 1a conplicité que capitalistes; Le soutien pour sinsi dire automatique donné par les USA a cous les régines tes plus réactionnaires et tes plus inhunains, du woment quiils se déclarent anticonmunistes (Foraose, Hafti, Saint-Dosingue, Jo Cuba do Battista ...); "invasion et Ltoesupation de Ia Tehéquoslovaquie par les forces soviétiques, et 1a conédie sinistre de 1a "normalisation": In non-reconnaissance par 1°0.N.U. de 1a Chine populsire, qui conpte 8 ele seule un quart de In population hunaine éu globe; et sur un autre plan Ja persistance sous forme virulante des préjugés racine, anti-noirs aux U.S.A. ot on Afrique du Sud (Ggatenent un des pays Les plus prospdres et les plus avancés, en co qui concerne sa minorité blanche), antisénite dans 1a plupart des pays conmnistes. Ipleau norai" peu réjouissant de notre temps, Pour compléter ce 41 faudrait mentionner également Ie phénonane symptomatique de réazparition de 1a torture, pratique qui avait disparu des socistés dites cfvilisées ‘depuis 14 fin du 18e sidcle, pour réapparsitre soudain dans Le nBtre, sous Fore de technique perfectionnée et systématique, dans les années trente. Apparue d'abord en Allemagne avec I'arrivée au pouvoir de Hitler, pour y ete ene tre utilisée systématiquement jusqu’a Ja fin de ta guerre en 1945 également pratique courante en U.R.S.S. pendant les Gpurations staliniennes apes 1938, et elle senble Stre devenve 1'inséyarable compagnon de toutes les guerres qui ont sévi depuis lors (c'est particulirenent notoire pour celles dtindochine, d’Aigérie, du Vietnam), et de 1a plupart des répines policiers, qu'ils soient communistes ou capitalistes (comme 1a Grice ou 1e Brésit) 2. LAMULIIPLACITE OES "PERILS", ASPECT DE LYAGRESSIVITE ENTRE GROUPES oa. 11 est beaucoup question un peu partout dans le monde des divers périls qui nenacent ou menaceraient telle ou telle conmnauté hunaine plus fou soins vaste, Dans Ioccident capitaliste, qui se pare du nom de "nonde Libre", ctest 1*épouvantali du “périt communiste", qui menacerait la li bert de 1a personne et les valeurs dune cortaine culture bourgeoise assimil6s 3 Ja culture tout court. Au nom de ce péril se sont établis, fet maintonus grice 2 I'appui des nations dites démocratiques, des régines policiers comparables ou pires que ceux qu'il s'agit de conbattre (Espagne, Portugal, Foraose, Sud-Vietnam, Hafti, St-Nomingue, etc.) Parfois I'accent fost mis sur le "périt asiatique' (e'6tait 48)8 un des leitaotifs de Uhitlérisne des années de guerre), voire le "périi jaun dandantix 1héeitage cuiturel de Ioccident, héritage avsinilé Gales pour tes besoins de 1a cause, & 1a culture tout court”) ans tes pays connunistes, on Invoque depuis cinquante ans Ie péril intérieur et extérieur de “I'impériatione eapitaliste”, qui menacerait dtanéant.r les conquétes iu prolétariat. Ce "péril" semble surtout aujourd'hui ux prétexte commode pour muintenir dans ces régines un fort arbitraire policier, et pour Justifier des opérations telles que celles de Budapest ov de Tehéquostovaguie, Le tomps n'est d'ailleurs probablesent pas éloigné ov te "péril principal Leaent Ie soi-disant officiel, on U.R.S.5. et Les pays satellites, sera 6 “péril jaune", D'autres "périls", pour atre plus localisés, nten obmubslent pas moins Ia conscience dune fraction non négligesble de I*humanst® ot servent de motivation ou de prétexte pour beaucoup d'injustices et de “péril noir en Afrique du Sud ou dans les états du Sud des U.S.A., (*) Coane 21 historiquenent le berceau de Ia culture n'était pas orient, et comme s'il était possible aujourd'hui, avec I'universalisation et {a Standareisation de Ia culture # laquelle nous assistons, de faire lune distinction tranchée entre deue formes de culture, respect ivenent Dbeptisées occidentale et orientale. arabe" en Israel, pour w Sri sioniste" dans les pays arabes, flter que quelques-uns fen appacence bien spéeifiques et mutuellenent contradictoires, ne peut rmanquer d'8tre frappé par leur extraordinaire ressenblance dans 1e fond, Iidentité devrait-on dire: chaque fois est ressenti ct dénoncé comme pri" Lexistence ou Iexpansion (effective, ou appréhendse) d'un groupe hhusain pergu comme distinct du groupe d'origine, que cette distinction fordre religicux, ou Linguistique, ou etinique ("raciale"), ou Geo- omique, ou politique (i.e. concernant Iorgan:sation de 1a société) De tele "périis”, conme les conflits dont ils sont le reflet émotionnel, rhe datent fvidennent pas daujourd’hui, ai d*hier. te réeit de tels périis Jaloanent par milliers Les savants ouvrages décrivant Ihistoire de 1"hu- ranit6 depuis 1"invention de 1'écriture, il y © six ou sept miliénatres, - périls innonbrabies, dont 1a plupart ne subsistent plus que dans In nénoire de quelques historiens spécinlisés dans telle cu telle culture, de telle fou tolle époque. On peut rononter plus loin, tien avant I'invention de 1écriture ou née 1"établissenent des premiBres sociétés agricoles, ot Gvoquer 1a rencontre inopinge de deux eribus hunaines trangéres, de quel= ques douzaines ou centaines dtindividus, i1 y a quelaues dizaines ou cen- taines de milliers d'années. 11 est pernis de supposer (c'est du moins opinion prédominante chez tes anthropotogues) que 1a rencontre dune triby Strangtre était pergue par chacune conne péril nortel, et qu'elle devenait sénéralomont Ie signal d'une lutte sans merci, we cessant qu'avee I'exter- Inination d'une des tribus protagonistes, Par delA toutes les différences Gvidentes entre cette situation ancestrale et crlies dont nous sommes au- Jourd"hui es ténoins et les acteurs (Facteur ninérique de cent mille ov ix millions pour 1"isportance nunérique des groupes en présence, substitu tion de I'asservissenent A I'anGantissenent pur et simple du groupe vaincu) ~ par dela toutes cos distérences superficieties, i1 est impossible de ne [PAs reconnaitre I*identité essentielle entre Yume et Iautre, Cette réac- tion primitive qui nous vient des temps innénoriaur, et par laquelle nous a sommes en fait inférseurs aux groupenents animaux (oui ne se détruisent pas 3 1intérieur d'une mine espace), cest celle-18 mdse qui aujourd’hui encore est doninante dans beaucoup de relations entre tes prineipaue roupements hunains, et tout particulidrenent entre nations Revenons pour quelques instants au prototype ancestral dy “péril” pour Le groupe, qui me senble un nodéle, simplifié mais essentiel- lenent fidble sur Le plan psychologique, des conflits d'aujourd*hui, Le 1 fondé, Sentiment de périt peru par chacune des tribus protagonistes est ou illusoire? 11 est difficile de nier qu'il soit fondé, vu Le dénouenent: le massacre de 1a teibu plus faible par Ja plus forte, Mais en ame texps, fon voit que Je péril n'était pas fondé sur un antagonisne objectivenent mo- tivé (conpétition pour 1a recherche do Ja nourriture, notanaent, 3 un ronent 02 Ios ressources de Ia nature étaient encore illinitées), mais sur Hoxistence chet les menbres de 1'un et de l'autre grouje d'un mane mé- eanisne psychotogique é1émontaire de crainte et d'hostilité, Mécanisme sur les origines daguel ii serait sans doute vain de spéculer ict, ais qui en tous eas apparait cone auisibte Ria fois A 1"irtérét des deur groupes et des individus Les conposant, et & celui de I"espdce qui a’a rien A gagnor dans IanGantissenent d'un de ees groupes par autre. Sans doute 1a tendance opposée, celle de 1a tolérance mutuelle puis de 1a coopération fontre groupes distinets, conengant par dos groupes plus ou moins étroite- nent apparentés pour s*étendre peu B peu A des groupes plus Cloignés, nvest= ‘elle apparue que beaucoup plus tard, 3 1a veille de Ia formation des pre- midres sociétés agricoles. On pourrait I'appeler, par opposition A Ia ‘tendance "atavique" que nous venons de décrize, 1a tendasce "rationne fou MGthigue™ dans ies rapports entre groupes, Sous sa forme 1a plus Gvoluge eite aboutit & In conception de a solidarité essentieile entre tous les Gtres humains quels que soient les groupes auxquels ils appartien- nent ‘, conception qu’on rencontre 4&)8 cher certains penseurs anciens () Ou mene ta sotidarité entre tons les atres vivants, du moins au niveay des esptces, = idée inportante, et qui aujourd'hui seable rencontrer hoins de résistance que celle de la solidarité entre les hoanes! 1s abs avant notre Bre (par exemple cher Lao-Tsev, Houddha et étautres) Liapparition graduetle de cette tendance “rationnelle", préliminaire in- Aisponsabie 3 1a formation de socistés elvilisies, doit sans doute etre reyanlée (avee celle du langage) coane 1a congstee Ja plus snportante de esprit husain”), - conquéte d'aildeurs qui est loin d’atre achevée, ‘comme nous avons vu. Il daveait atre possible peut-étre, dans cette optique, de rogarder 1'histoire de I'hunanité come I'histoire de 1a lutte jusqu'3 aujourd'hui incertaine entre ces deux tendances oppostes dans les relations entre groupes humains, Et on est en droit de se desander si, en absence d'un groupe de génes maloncontreux ou de cortsines traditions spice, transacttant nalencontreuses renontant aux origines aénes de notre cet atavisne autodestructeur, telle une maladie héeéditaire, 1a civilisa- ‘ton technique n'aurait pas atteint des dizaines ou des centaines de nil- iors d'années plus t8t Le nivers que nous Ii connaissons aujourd'hui (et se trowerait par suite aujourd'hui un stade qui dépasse de bien loin nos possibilités d imagination) Quoi qu'il en soit, i1 est hors de doute que te réFtexe atavique non Liquidé d*hostitité et de erainte été au cours des millénaires et reste encore aujourd'hui, jour pour jour, une source dune infinité indes- criptible de souftrances, datrocités, de dégralations et de cataciyssc: col- leetifs, et (come on Le constate & nouveau chaque jour) Le frein 1e plus puissant au progeds social conse au progr8s sora! de I'homne, Tour cette raison, la tdche 1a plus inportante et 1a plus haute qui se pose aux hones, c'est ia liquidation de co réflexe ancestral, ot la pleine réali- sation de la solidarité inéluctable qui lie entre eux tous ies homes, quels que soient les groupes hunains auxquels is apportiennent. Cette tiche est infininent plus importante que celle de faire avancer nos techniques et nos connaissances scientifiques. Car c'est dans 1a mesure seulement of elle stacconplit que nous pouvons espérer que nos techniques et nos connaissances (©) On pourra néditer sur cet apparent paradoxe: que cette “conquéte”’ nest en fait que le prenier tatonnenent pour nous Libérer dvune tare spécifique & notre propre espace, tare qui aujourd*hus constitue ne snenace sérieuse pour l'ensemble de la biosphere scientifiques ne serviront pas a Iandantssenent et 9 labaissenent de homme par Thome, comme cela a été le cas jusqu'A aujourd*hui, dans des propustions du plus en plus alarmntes. Crest dans a aesure of s'accom- DLE cette tache que nous serons assurés que ces progrés serviront au con traire 2 la Libération de L*honne de cortaines de ses servitudes ances- rales, et que nous serons en droit, nous autres scientifiques, de nous considéror conse des pionniers intrépides du aonde de denain, au leu a'étee que nous Je youlions ou non, Les fossoyeurs de notre propre espace en mine veaps que de In vie sur notre plandte. NOTRE VRAL HERITAGE, la guerre de 1939/45 @ Fait plus de cinquante mittions de vie~ tines, co qui fait plus da vingtitne de 1a popuiation humaine vivant alors. Depuis Iors, Ja puissance de nos moyens de destruction: atoniques, chimi- ques, bactériologiques, sans compter arsenal classique, - c'est sultiplié par un Facteur de t'ordre de milliers, votre de millions. Cela implique aw firait & anéantir, non seulenent ta population humaine du globe, mais (av dire des oxperts) toute vie organique quelle quelle soit. Crest 18 une Situation entiBrenent nouvelle dans 1histolre de 1a biosphére, et qui donne tune dimension nouvelle & 1a tAche dont nous avons parlé: celle de réaliser fe fraction des stocks de ces ares existant actuellenent suf ne fai de la solidarieé entre tous Les hones. [1 ne stagit plus "seulement" 4'éLiminer une source de souffrance et d'sbairsenent pour un million, 0 dix ailiions, ov un mifliard d*honmes, I stsgit désormais de ta survie de Mespice, et nine de 1a vie tout court Le fait de nature Yarithnétique” qu'on vient de rappeler peut Bere considéré comme "bien connu, du moins parm les intellectuels et en particulier les scientifiques, - malgré la diserétion des noyens d!infor- imation de masse sur cette question. Ltindifférence de Ia quasi-totalité Jos homes inforads devant cette menace parnit A prenidre vue assez extra- ordinaire. ta “rationalisation” de cette indifférence est coulée dans un roule Strangenent uniforme, File stexprime Le plus souvent par des sinples professions do fol: "Je n'y erois pas, moi, A ces visions de destruction de Lvespace humaine", "ies choses ne sont jamais aussi teagiques quton ne le dit, tout Finit toujours par starranger", os “au Moyen-Age déi2, on annongait périodiquenent 1a Fin du sonde, et, voyer, nous sommes toujours 12", Parfois elle s'élive A une argumentation du genre: “Personne n'osera se servir Ie promier de ces arses, de peur des représailles". Tout cela rend un son Strangenent fanitier, Que de fois n'a-t-on entendu ces némes paroles avant 1a catastrophe de 1939, que tant de signes présageaient, te que tres peu dthonses ont su pressentir avec Iucidité: “tout finit bien pes eepiché Ia catastrophe de stabattre par starranger oo", = ce qui a! sur l'Europe, Cela a “Fini par starranger" en effat, diune fagon ou une autre, - pour es survivants. (ais aujourd’hai, 11 pourrait ne pas y avoir de survivants.) Chet 1es juifs restés en Allenagne, aussi bien avant Ta guerre, au plus fort de la propagande antixénite, que plus tard, dans les convois anenant les juifs sur les Lieux de la "solution finale", fet jusque dans os canps d'externination eux-némes, jusque devant les ton entendu ce nage refrain portes des chanbres 8 gaz, que de fois n (Ga ne peut cand méne pas tre si "So schiinn kann es ja nicht sein grave), -c0 qui n'a pas empaché ies choses d'étre précisément ce qu'elles font Sti, et de dépasser dans 1a réalité 1"inagination méne de ceux qui, aujourd'hui, par es téaoignages et les documents, savent, - l"inagination néne des reseapés qui ont pass@ par 12. C'est ce nine pouvoir d' illusion qui fait espérer, chaque fois qu'est introduit une arxe nouvelle plus meur- tridre ou plus effrayante que les armes précédemment connues, que cela jonont, yoire in fin des guerres, que “personne rarquera 1a fin de cet ench 'osera sien servis". C'était déjA ce qu'on disait pendant 1a prepidre guerre mondiate pour I'usage des gaz, qui n'a &é abandonné que pour faire place & das armes chimiques beaucoup plus efficaces, utilisées quotidienne- ment aujourd”hui méme au Vietnam, Quant aux arses stoniques, on n'a appris fon, par I'explosion leur existence qu'au nonent de leur preniire uti lisat Ge Wiroshina, quia anéanti une ville de cinguante milte habitants, et réduit des milliers d'autres @tres humains (survivants contaninés par "explosion, fw descendants de coux-ei affligés de malformations) 4 1'état d'"'intouchables" Ge la société humaine. Par sureroit, on sait aujourd'hui qu’avcun impérati tactique ne justifiait cette explosion, qui n'était qu'une “explosion pour voir", Depuis lors, et jusqu’® aujourd*hui, 41 na pas mangué aux U.S.A. de militaires, de politiciens ni mine, hélas, de savants Eninents, pour réclaner avec force I'utilisation massive ou linitée de I'arsenal atoxique, que ce soit contre 1°U.R.5.5. ou Ia Chine ou dans des conflits linités. ce refus étomnant de la r6alité dont on vient de donner des nisme bien conma des psychologues. ‘oxenples proctde en fait d'un née Crest sans doute celui-I8 méne qui stoppose chet chacun de nous 8 stima- giner sa propre disparition, & se convaincre ser un plan autre qu'sntel~ lectuel et spéculatif de sa propre nortalité. Chez 1s malade incurable condasné A une mort prochaine, on constate le xine phénonine, déerit parfois avec lucidité par le patient Iui-néne. C'est ce néme mGcanisne qui souvent, dans des aoments de péril, indivicuet ou collectif, stoprose A la perception du péril et prévient ta réacticn de défense adéquate, Cette deritre situation prévaut surtout lorsque le périt nait par évotu- tion progressive dune situation familidee, corsaceée par Iusage ot I*ha- sprit 8 aucune bitude, - étune situation Initiale qui ne stassocie dans 1 nage monacante: 1 en a 6t6 ainsi de Ia nontée de Uantisémistisae en Allenagne, qui a 6t6 extrOmenent brutate pourtant ds Iaccession de Hitler su pouvoir en 1933, et qui a débouché dix ans plus tard & 2'externination de six millions de juifs, Une illustration 1ittéraire frappante de cet fengrenage se trouve dans 1a pidce de Tonesco “Le Rhinocéros". C'est un tel fengronage que nous retrouvons aujourd'hui, avec I"accunslation progressive, as 1a fin de La dornitre guerre mondiale, de stocks dlarnes destructrices sur toutes les parties du globe, et I'emprise grandissante de l'appareil militaire sur 1a vie économique, politique et culturelie des nations. Ce mécanisne de refus de Ia réalit6 devant un péril graduellenent lssu d'une situation familidre stexprime dans un optimisne béat envers et contre tout, et 1a passivité vis B vis de 1'Gv@nenent. 11 ne peut etre confondu avee Iespoir, principe d'action, dant i1 est comme te négatif. 11 a Gt€ souvent fatal, aux individus Isolés comme aux conmunautés, Aujour- mai que nous sommes confrontés 3 un péril d'une dimension sans précédent dans L'histoire du globe, le péril de I'extinction de Ia vie sur la terre, ce méne nécanisne irrationnel s!oppose 3 1a réalisation de ce péril et aux réactions de défense adéquates chez 1a presque totalité des hones, y compris chez les "6lites" intetiectuelies et scientifiques de tous tes pays du ae onde. (1 risque aujourdthui d?@tre fatal A ta survie de Ja vie sue 1 est grand teaps que nous, Jes honnes, prenions conscience, pour le préserver, des dimensions véritables de notre Néritage conmun, (que nous partazeons avec Iensenble des @tres vivants de la terre, de Vinfusoire Anos fires directs, tes sannif¥res. Cet Aéritage dipasse infininent toute oeuvre jamais accomplice par "homme, fUt-ce par les qénies tes plus prestigicux (Hondre, Archin@de, Newton, Shakespeare ...) ou par los civilisations les plus briliantes (babylonieane, greeque, arabe, aztique fou la ndtee). 11 dépasse infininent encore 1a substance des quelque dix nile ans désignés sous Ie nom de "tonps historiques" Aly eft une espaco qui sOt onregistrer par crit sa propre histoire, 11 aépasse do loin dans Je temps et Je contenu mine les deux ou trois millions pendant lesquels annses pendant lesquedes stest accomplie, d'une démarche tAtonnante, 1*évolution dune espBce qui sO¢ un jour utiliser L'outl1 pour sounettre eu 3 peu a sa merci les autres esptces. La dimension véritable de notre heritage est 1a sone de I’ innenbrable processus d*évslution biologique Ala surface de Ia terre, depuis I'apparition de 1a cellule primitive dans 1a chaude “soupe organique” il y a trois ou quatre milliards d'années; dun processus qui sest poursuivi sans tr8ve B travers Jes ages jusqu!d aujour- Abus, Notre héritage est fait de ia substance de suite de miriades " de I'6volution, dont ies biologistes conrencent "inventions" et dtesse seulenent 2 se faire une id6e, marquée par des paliers décisifs come ov'invention" du code génétique assurant 1a transmission des progranmes Araction cellulaire; celle de 1a photosynthdse; JVorsanisation pluricellu- aire, ouvrant a Ia vie des voles entirenent nouvelles, dont 1a reproduce ‘lon sexude est sans doute "une des plus extraordinaires; ou beaucoup plus tard et sur un autre pian, 1a conquéte de a terre ferme par Ia vie confinge Jjusque 18 au milieu marin, puis, celle de I’air par les lointains ancétres de nos oiseaux; L*spparition de 1'esptce humaine enfin et de ces conquétes spécifiques, cette espace qui, pour avoir su s'affranchir peu a peu des rnécanisnes de sélection naturelle, porturbe gravenent aujourd*hui Le délicat équilibre geotogique de notre biosphire, et net en péril 1exis- tence wine de celle-ci A qui a pris conscience de cot extraordinaire héritage que nous font 16gués plus de trois mitliards dtannées d'évolution biologique, com- bien senbient dérisoires les enjeux des conflits en Jesquels aujourd’hul staffrontent les groupes husains, au non ou sous Ie cowert de principes LdGotopiques, religieux, raciaux les plus divers: communisne, capitalise, oceident, monde libre, solidarité blanche, péril jaune, socialisne ista- Inique, supprématie aryienne, judaicité, conscience de classe, anerican way of tite... ces conflits cependant, en extretenant dans tous les groupes Ja crainte de "I'autro™, emptchent de prendre conscience du grand et unique péril dans equel ces conflits les précipiten:, Lenjau véritable pour les prochaines décennies, Le patrinoine uitine qu'aucune propagande offi- clelle ne stest encore soucige de défendre(”” n'est incarnée dans aucun texte sacré ou profane: mi I'Ancien, ai Le Houveau Testament, ni te Coran, ni la Bhagavad Gita, al les oeuvres de Marx ov de Mao-Tse-Tung, ni celles de Shakespeare ou de ach, ni mine dans toute 1a science et 1a sagesse réunie rasseabIGe dans les millions d'ouvrages qui renplissent nos biblio- ‘tiques ou nos musdes. Car tout ce que ivesprit et Ia main de "hone font fait, Thome, un jour, peut Le dépasser et le dGpassera, aRt-i1 recomsencer & z6r0, - du moment qu'il reste des honnes (©) Par cette énunération, je nventends pas sugeérer que tous ces prin= Eipes soient nécessaitenent sans valeur, ou qu'ils soient de valeur Equivaiente; "mais plutot expriner 1'equivelent, sur Le plan des fenjeux, du fait mathématique que des quantité tines, réne fort Inggates, sone toutes égalonent "négligeables™ devant une quantité infinie Sauf des vell6ités dans la propagande officielle roumaine; malheu- reusenent, condamnée qu'elle est a rester dans la *ligne” fixée par son puissant allid, cette propagande fait porter aux souls pays Eapitalistes Ia responsabilité des dangers cours par I'hunanité, et Fencontre dans la population Le scepticisne désaburé que celle-ci Péserve A toute propagande officielle d'endoctrinenent pro-conmuniste. 20 St mine tout ce que esprit et 1a sain de I*honne ont fait devait au- Jourd’hai périr par notre folie et notre veulerie collectives, Le seul, présorver & tout prix, él est, & Ja Limite, contenu tout entier dans un seul couple hunain, un homme ct une fenne, aux capacités de procréation et au message chronososigue intacts, sains des- eit pour pouvoir transnetere & leur progéniture des 6iénents d’un con portenent social hunaia, et plaeé dans un etvironnenent suffisanont intact nt social hunain, et pi ss emi Meritage qu'il fa pour pouvoir assurer leur subsistance et celle de leur descendance eu inporte alors si cet honne et cette feme ont in peau noire, jaune, rouge ou blanche, e418 sont conmunistes ou farcistes, chréeions ‘ou misulnans ou hindowistes, bourgeois ou prolétaires, - qu’importe tout cela, du moment qutils sont en mesure d'engendrer et 4*élever une progs? niture saine, porteur de notre commun héritage. Pour préserver cet héritage de In destruction stupide qui te enace, 11 faut que ds aujourd*hui de plus en plus d’honnes conscients de tous los pays entreprennent Ia lutte contre le danger. 11 faut que Pour leur propre compte iis déclarent hors 1a toi I*usage des armes dans les rglenents des probimes nationaux et internationsux; qu'ils déclaront oralenont hors 1a loi Jes appareils militaires de tous les pays du monde, A consencer par le leur: on refusant toute collaborstion avec eux, en incitant les hones autour d'eux & faire de néme, pour qu'un jour, avant qu'il ne soit trop tard, les appareils militaires soient mis hors 1a loi dans es faits et qu'ils Solent angantis, conme des vestiges d'une Bre de barbarie enfin révolue. (9) Les Gcologistes nous diront A quel point cette dernidre condition Acite seule est exigeante, vu les innonbrables et délicates interre- ations des esptces animales et végétales A 1a surface du globe. Rien assure qu'elle sera réalisée apres un conflit arné a 1"échelle mon- diate, méne si un tel confiie devait laisser des ilions de survivants. hunaine génétiquenont et nentalement sains. _ 1A RESPONSABILITE DU SAVANT 11 est Evident et universetlesent ceconnu que I'évolution rapide rytime croissant exponentietle- (du monde depiie un ou deux si8cten, 3 a sent avoc Ie temps, est conmandée avant tout par le progrés des sciences et des techniques, De ce fait, 1e rdle du savant, ouvrier de ces progrds, iealenent évident et reconnu par tous, Ce rOle vaut au savant une Place privilégige dans ta société, aussi bien du point de vue de a séeu- Fit matériolte et du prestige social () que des noyens d'information et d'échange professionnels. que ce soit en cégine comuniste ov capi taliste, Je savant, surtout s'i1 jouit de quelque notoriété, a généralenent arout A dos éards auxquels peu d'autres classes sociales peuvent prétendre, Pour conserver leur précieux capital en matitre grise, 1a plupart des Etats Uwsent aujourd'hui de 1a "carotte” (des bonnes conditions de travall ot une existence confortabies) ov du "baton" (interdiction d*énigrer), ce dernier Stant dfaitieurs rarenent utilisé sans son conplément gratifiant'"). ce fest que trés exceptionnellenent qu'on voit des régines assez stupides Pour chassor ou andantir ses propres Elites scientifiques (canne ce fut le [48 sous les purges staliniennes, et plus récement au Brésil et on Gr¥ce). Signaions par contre 1a “course aux savants allonands” entre anéricains ef soviétiques qui eft Lieu dis ie fin de 1a deenire guerre mondiale, et dont es anérieains sortirent vainqucurs; et Le “brain drain” exercé de plus em plus par les pays eapitalistes Les pius riches, et surtout les Etats- Unis, sur les pays qui ne sont pas en mesure, cu qui ne sont pas disposés & offrir & tours savants des conditions de travail et de vie attrayanes (On voit done quien r8gie générale, ie savant est un enfant gate 44u monde draujourdhui, Jouissant de priviltges comparables & ceur du haut (0) Ge prestige est d'ailleurs en train de décroitre. Un récent sondage fait dans une ville d/Allenagne de 1'Quest place les professours fee Inédiatenent aprés ies généraux dans "échelle du prestige! Neon ren vieagrons plus bas sur ce diserédit moral dans lequel est on tsave de tonber la communauté scienestique dans. sor enseabie Les pays satellites de I'URSS sont cepeniant enclins & utiliser Le baton 4 L'erciusion de 1a carotte. La néthode n'est appsremeet pes gouronnée de succ#s (Gnigration clandestine, bas nivenu de Ia recherche dans certains de ces pays) Fonctionnaire de nos sociétés burequeratiques. Faisint incontestablesent partie des classes les plus privilégiges 1e savant ne se situe pour autant pas, Le plus souvent, dans Jes secteurs d'opinion votontiers réactionnaires de celles ci, Des moyens d*inforsation plus étendus, des contacts ré- PEGS avec des colldques d'autres pays, des loisirs et une liberté plus grande pour s*instruire et pour réfiéchir, et aussi ine &ducation souvent plus ouverte sur le monde, favorisant une vocation scientifique, ~ voila autant de factours qui ont tendance 4 libérer les savants d'un certain nonbre de préjugés nationalistes, religieus ou raciaue qui prévalent dans leurs pays respectifs, et & lui tneulquer en méne tems un certain godt de la Liberté, Un certain minimus de Liberté est d'ailieurs une nécessité our Wexercice d'une activité eréatrice, et du fait den ressentir 1a nécossité pour Iui-néae, le savant se trouve généralenent peédisposé & Souhaiter que d'autres en bénéfieient Ggalenent, Pour toutes ces raisons, 1¢ du Targe Sventail d*opinions personnelles qu'on ren- et abstraction fa: ‘contre dans 1a conmnauté scientifique, on peut dire que Le savant se place généralenent dans un secteur d'opinions nettenent soins conservateur que a plupart des autres classes sociates(”) (y compris ia classe prolé- tarienne, en voie de disparition, qui en U.R.S.S. come dans 1a plupart des pays capitalistes, & connencer par les U.S.A., est actuellenent une des plus conservatrices, voir une des plus réact onnaires) De ce tableau superficiel quasi-idyitique jusqu'a présent de 1a position du savant dans te onde et de s8 personnatité sociale, nous con- eluerons surtout, pour notre propos Le savant, prineipat artisan des progris tecinnlogiques, est de ce mine fait 1e principal responsable des abus souvent révoltants qui sont faits de ces progrds, et des pérsis sans précéuent que ces progrds font courir & L'espace humaine: () Voir a ce sujet les chiftees extrémenent intéressents du courageux essai de Andrei Amalrik "L'lnton Soviétique survivra-teetle en 1984?" . 108, note 12 (Payard 1970}, dont "auteur (luicnéme savant’ (historien)) fest en’prison au nonent od ces lignes sont éerites. 25 icux inforné, et plus ouvert sur le monde que Ia grande najorieé do 1a population humaine, 1e savant a moins que quiconque dvexcuse & fermer es yeux sur 1imminence et Les dimensions de ces périls qu'il a ceéés; Jouissant collectivenent d'un prestige indéniable aupe’s de 1a Population, refiet du prestige s*attachant asx progr8s technologiques, Jouissant également d'une sécurité matérielle enviable, tes savants ont moins ‘que quiconque iexcuse de 1'inpuissanee et de 1"insécurité personnelle pour Se dérober & une action énergique pour préverir cos périts, notannent en en informant 1a communauté scientifique et Iensenble de le population et en donnant I exemple de 1a non-collaboration avec les appareils militaires 11 est clair matheurcusenent, pour quicongue observe ta réalité, que 1a quasi-totalité des savants, quels que sofext leurs pays respectifs, ne veuent pas voir ia gravité des périts qui menacent I*husanité, ni reconnai- tro 1a part majeure de responsabitité qui leur revient dans Ia situation ace tuelle, Bien plus: par leur passivité et leur complaisanee vis & vis des ‘divers appareils militaires, ils s'en font en fait souvent inconsciement es cosptices Une premi@re constatation brutale: les armes destructrices, no- ftamnent ies armes atomiques, chimiques at bactériotogiques, sont non seu lesent construites & l'aide des proge’s scientifiques dts aux savants, mais BA dos savants, parmi lesquels il est méne des savants fainents(). 1) fest vrai que ees savants forment seulement une minorité dans 1a communauté Selentifique, surtout en temps de paix. Cette ninorité est plus om moins éesavouse, ov du soins désapprowvée, par une grande partie de 1a communauté Scientifique. Oésapprouvée assez molleaent, i1 est vrai. Loin de Te netere au ban de 1a communauté scientifique, te fait rour un savant de collaborer Sctivenent avec Tappareil militaire ne l'empéche nullenent do renplir des Fonctions importantes dans n'importe quelle société scientifique, ni d'a- votr des relations cordiates, yoire ése anicales avec 1a plupart de ceux (4) 11 st assez cocasse que, par suite précisinent de leur z0le dans 1a concoption des arnenents ui peut-atre nous détratront tous, ces sueants aont les micux conus et les plus prestigicux auprés du grand public Qui ne connait le nom de von Braun! Et qu:y dans Te large public, connait celui de Ferm ou de Hilbert? rr uM de cos colldgues qui, pour leur propre compte, ont des objections contre Lune collaboration active avec araée") , Ltinpression qui se déeage de cos promiscuités, c'est que 1a majorité des savants regarde In question morale de Ia cotlavoration avec Ivarnve, y compris ia collavoration ac- tive, cone une simple question de godt ou de couleurs, essentiel tenent platonique, 4 mettre au méne niveau que les avis sur 1a qualité artisti- que dun flim ou d'un Live, ou 1a question d'atre ou ne pas tre végétarien 11 est jugs de mauvais ton d'attacher une iaportance excessive A ces distin- guos subtils. Une minorité seulement parmi les savants ccllabore activensnt avec L'appareil militaire, i.e, en accepte de Iargert en contrepartie d’un travail expressénent comandité par cot appareil. Néannoins, 1a quasi- totalité des savants ne se fait aucun scrupule de coliaborer fen acceptant des contrats avec i'arméel"*) ou en orgenisant des séninaires ou des colloques financés partietlement ou totalement avec des fonds mili- aires, De cette fagon, les savants ont été des collaborants intSressés dans 1a minsise progressive des appareils militaires sur 1a recherche scientifique dite "pure" 8 laquelle on assiste un peu partout on Occident, fet qui est particulidrenent avancée aux U.S.A. On sait 1a proportion erois- sante, depwis une vingtaine d'années, des papiers scientifiques acconpagnés des mentions "Fait sous contrat No... avee 1a U.S. Air Foree, ou U.S. Navy, fete", On connait In “ruGe aux contrats militares” des universités et des scientifiques anéricains, année par année; elle a fini par alarmer mene les autorités publiques (peu enclines pourtant 3 MTansinilitarisne), qui ont jug6 nécessaire de Limiter 1es abus, - & la déception des scientifiques, () Ainsi, jtai 6t6 surpris dtentendre un hone cone 5. Smale me parter (0) Aux U.S.2., cos contrats souvent ne couvrent qu'une période de quelques nots de Iannée, correspondant aux vacances universitaires, et per- hettant aur universitaires d'augnenter substantiellement leurs revenus annuels. La seule contrepartie damandse est Ivindication, pour les Travaux scientifiques faies pendant In durée dee contrats, da service de I'Arnée ayant finance cette recherche \Wsireuwx avant tout de voir cont inver Ja "manne militaire’. 11 sexbte ue 1a plus grande partie de 1a recherche scientifique dite pure aux rage, Cela ne fait que réflé- U.S.A. soit actuoltenent contrélée par 1 ‘ter au mivenu des institutions e fait que pretiquenent ‘tous Les savants, anéricains ou Gtrangers ayant eu Loceasion de venir aux U.S.A. (ctest~ Adire 1a quasi-totalité des savants des pays occidentaux) ont accepté fu acceptent, si Ltoveasion se présente, des contrats ou subventions ai- Litaires ~ soit a titre personnel, soit pour organisation d'activités scientifiques spécifiques (invitation de colldgues Strangers ou d'autres Universités, organisations de coltoques, ete.), soit a titre de satarié institutions scientifiques (universités, fondations, etc.) subventionnées véquli®rement par des fonds militaires. Quoiqie cette Svotution soit nettonent moins avancée dans les autres pays dloccident, elle y existe ‘gansoins et conduira 8 une situation identique si Ia passivité actuelle de 1a communauté scientifique devait se naintenir. es Collaboration massive de Ia communauté scientifique ay appareils wiliteires (souvent au nonent ane ob ceur-ci planifient et exécutent dos guorses ies plus sauvages); collaboration & laquelle partici ent pratiquenent tous les savants du monde entier, tout au noins da monde gccidental, pour des avantages dérisoires ot sois des justifications futiles cette collaboration est la grande honte de Ia connunauté scientifique Haujourd'hui, Crest aussi te signe te plus Gvident de 1a démission des ants devant leurs responsabilités dans 1a soriété humaine, face aux _ rls gu ta anecnt Je discuterai plus bas 1es justifications @ posteriori données énéralenent 2 leur attitude par les nombreux coll@gues avec lesquels j'ai iscuté A ce sujet. Nous allons d'abord analyser quelques unes des causes, Gui exptiquent extraordinaire passivité et le manque de tucidité intel- ectuetle et morale de la plupart des savants, confrontés aux probltaes ‘et confiits du monde d'aujourd*hui.

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