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COLLEGE DE FRANCE - CNRS CENTRE DE RECHERCHE D'HISTOIRE ET CIVILISATION DE BYZANCE TRAVAUX ET MEMOIRES 15 MELANGES JEAN-PIERRE SODINI Ouvrage publié avec le concours de la Fondation Ebersolt du Collége de France et de 'Université Paris I Panthéon-Sorbonne Association des Amis du Centre d’Histoire et Civilisation de Byzance 52, rue du Cardinal Lemoine - 75005 Paris 2005 LES PLAQUES-BOUCLES BYZANTINES DE LiLE DE CRETE (FIN #Y"-IX' SIECLE)* par Nathalie POULOU-PAPADIMITRIOU Summary: The present paper studies the Byzantine belt buckles found in archaeological context on different sites in Crete, in particular in Eleutherna and Pseira. The data collected on the 34 known pieces (6 types of rigid and 3 types of articulated buckles) provides new insights on the date and distribution of the buckles, on their users and, more generally, on the daily life in the 7th-8th centuries. Les plaques-boucles, objets liés 4 la culture vestimentaire, constituent un des vestiges les plus intéressants de |’ activité humaine relevés sur un site byzantin. Leur étude et leur publication nous aident 4 mieux comprendre leur usage, leur diffusion dans les différentes régions de I’empire byzantin ainsi qu’au-dela de ses limes, et surtout, dans le cas od elles proviennent d’un site archéologique bien daté, elles nous fournissent des éléments typologiques et chronologiques plus siirs. Ces données contribuent & mieux comprendre leur emploi et, par la, 4 avancer des interprétations intéressantes de certains aspects de la vie économique et culturelle. Bien qu’aujourd’hui tous les chercheurs admettent l’origine byzantine de ces objets métalliques', nous devons rappeler que pendant plusieurs décennies les plaques-boucles comptaient parmi le matériel archéologique qui, avec la céramique * Tout au long de mes études doctorales & l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, débutées en 1980, le Professeur Jean-Pierre Sodini a non seulement suivi de prés mon parcours, mais m’a également intro- duite dans une sphére peu connue de la recherche archéologique, celui des petits objets d’usage quotidien. En me faisant découvrir l'importance pour la recherche archéologique de ces objets qui avaient jusqu’alors trop peu intéressé les chercheurs, il m’a menée & m’intéresser aux trouvailles modestes et & premitre vue insignifiantes (céramique, métaux), sans pout autant oublier le grandiose et l'imposant (architecture, sculpture), Il a ainsi déterminé mon parcours scientifique, tout au long duquel il m’a généreusement fait profiter de ses connaissances et de son soutien moral. Que la présente étude sur les plaques-boucles byzan- tines de la Crete soit considérée comme une infime preuve de ma profonde gratitude. 1..J, WERNER, Byzantinische Giirtelschnallen des 6. und 7. Jahrhunderts aus der Sammlung Diergardt, Kélner Jahrbuch fir Vor- und Frithgeschichte 1, 1955, p. 36-48 ; D. Csttany, Les monuments de Vindustrie byzantine des métaux I, AAASH 2, 1954, p. 311-348 ; D. PALLAS, Ai « BapBapixat » ndprar tig KopivOov, ‘EAAnvixc 7, 1954, p. 87-104 ; D. PALLAS, Données nouvelles sur quelques boucles et fibules considérées comme avares et slaves et sur Corinthe entre le vr et le 1x* s., Byzantino- bulgarica 7, 1981, p. 295-318. Mélanges Jean-Pierre Sodini, Travaux et Mémoires 15, Paris 2005, p. 687-704. \x 688 NATHALIE POULOU-PAPADIMITRIOU, non tournée, ont le plus préoccupé archéologues et historiens A cause de I’origine ethnique particuliére que leur attribuaient certains chercheurs?. Matériel archéologique peu publié, notamment pour tout ce qui vient des sites du bassin oriental de la Méditerranée, les plaques-boucles ne font que trés rarement Vobjet de publication sur les sites fouillés autour de la mer Egée. La majorité des plaques-boucles qui ont été mises au jour nous sont parvenues des collections de musées’, et de ce fait, nous sommes dépourvus des données de fouille, si importantes pour dresser une typologie et avancer avec certitude des limites chronologiques En Asie Mineure et en Chypre, bien que nous disposions d’un nombre important de publications de sites protobyzantins*, le probléme est loin d’étre résolu. Deux publications récentes, celle de M. Lightfoot consacrée aux plaques-boucles du site d’Amorium et au matériel de la collection du musée archéologique d’ Afyon, et 1’étude que M. Kazanski a consacrée aux objets métalliques de Qal‘at Sem‘an, nous donnent des renseignements intéressants non seulement sur la région de I’ Asie Mineure et du Proche-Orient qui font l’objet de I’étude, mais pour toutes les régions de la Méditerranée orientale‘. Les recherches des archéologues russes dans les nécropoles sud et sud-ouest de la Crimée nous ont fourni des éléments importants pour l’apparition et la durée de diffusion de certains types et pour leur datation’, tandis que les archéologues hongrois nous ont informés sur la distribution de ces objets métalliques parmi les Avars, distribution qui prouve des relations et des échanges trés denses entre ces populations et les Byzantins durant la période envisagée’. Enfin, nous pouvons constater un troisigme groupe constitué d’objets métalliques qui viennent des fouilles de sauvetage ou de prospections de terrain et ne sont publiés que d’une maniére peu systématique. 2. Sur ce probléme voir notre analyse dans III, Interprétations. Pour la céramique non tournée, voir E. ANAGNOSTAKIS, N. POULOU-PAPADIMITRIOU, [pwtoBuCavtivr| Mecorivn (55-795 audvac) Ko RpoBArwata. ths xeiponointns Kepayrxris otHv MeAondvvnoo, SYuperxta 11, 1997, p. 230-322, et spéc. p. 242-291 3. Voir la publication récente de M. SCHULZE-DoRRLAMM, Byzantinische Giirtelschnallen und Giirtelbeschlage im Rémisch-Germanischen Zentralmuseum, I, Mayence 2002. 4. M.-J. CHAVANE, Salamine de Chypre IV. Les petits objets, Paris 1975 ; J. WALDBAUM, Metalwork from Sardis: The Finds through 1974, Cambridge Mass., Harvard University Press 1983 ; J. RUSSELL, Byzantine Instrumenta Domestica from Anemurium: the Significance of Context, dans City, Town and Countryside in the Early Byzantine Era, éd. R. L. HOHLFELDER, New York 1982, p. 133-163 ; M. V. GILL, The Small Finds, dans R. M. HARRISON, Excavations at Sarachane in Istanbul I, Princeton University Press 1986, p. 264-266. 5. M. Ligutroot, Belt buckles from Amorium and the Afyon Archaeological Museum dans Amorium Reports Il, Research Papers and Technical Reports, 6d. C. S. LIGHTFOOT, BAR International Series 1 170, 2003, p. 81-103 ; M. Kazanski, Qal‘at Sem‘an. Vol. IV: 3, Rapport final, Les objets meétalliques, BAH 167, Beyrouth 2003 6. A.K. AmBRoz, Problemy rannesrednevekovoj khronologij vostenoj Evropy, Sovetskaya Arkheologija 2, 1971, p. 96-123 et 3, 1971, p. 106-132 ; A. I. ANBABIN, Progrebenija konca VII- pervoj poloviny VIllv. V Krymu, Moscou 1982, p. 165-192. Voir aussi A. BORTOLI-KAZANSKI et M. KAZANSKI, Sites archéologiques au Nord et au Nord-est de la Mer Noire, 7M 10, 1987, p. 458-461. 7. E. GARAM, Funde byzantinischer Herkunft in der Awarenzeit vom Ende des 6. bis zum Ende des 7. Jahrhunderts, Budapest 2001 LES PLAQUES-BOUCLES BYZANTINES DE LILE DE CRETE (FIN ff-1X: SIBCLE) 689 En Grece, les seuls objets métalliques publiés provenant de fouilles systémati- ques étaient pendant plusieurs années ceux de Corinthe, d’Athénes et plus récemment de Samos’. Mais depuis bientét une décennie la publication des objets métalliques a suscité l’intérét des chercheurs. La mise au jour des plaques-boucles trouvées en surface dans les ilots et les cétes est d’Argolide’ et de celles retrouvées en contexte a Messéne de Péloponnése" et a Eleutherna en Crate" nous a fourni des éléments trés importants concernant leur distribution et leur datation, et nous a menée a des interprétations sur leurs usagers ainsi que, dans certains cas, sur la cohabitation de populations différentes et leurs interférences culturelles". Nous nous proposons de présenter ici les plaques-boucles — 34 exemplaires — jusqu’a présent retrouvées sur différents sites de "lle de Crate (fig. 1). La Créte, province éloignée de Byzance, a pourtant joué, par sa place géographique, un réle trés important dans l’histoire de l’empire. II serait intéressant de découvrir des éléments nouveaux sur l’apparition et la durée de diffusion de ces objets métalliques dans les différents sites de l’ile, éléments d’ ailleurs disponibles lorsqu’ il s’agit d’ objets trouvés en contexte. 8. G. Davison, Corinth XIL. The Minor Objects, Princeton 1952 ; J. TRaVLOS, A. FRANTZ, The Church of St. Dionysius the Aeropagite and the Palace of the Archbishop of Athens in the 6th century, Hesperia, 34, 1965, p. 137-202 ; W. MARTINI, C. STECKNER, Das Gymnasium von Samos. Das friihby- zantinische Klostergut, Samos XVI, Bonn 1993, p. 119-139. 9. A. AvraMEA, Le Péloponnése du 1v‘ au viu" siécle, Changements et Persistances, Byzantina Sorbonensia 15, Paris 1997, p. 86-87. 10. ANAGNOsTAKIS, POULOU-ParADIMITRIOU, HpwtoBuGavtwvr| Mecorivn (cité n. 2), p. 243-250, pour I’étude détaillée d'une plaque-boucle dérivée du type Emiing, attestée aussi & Athenes et & Délos, que nous avons appelée type « Messéne ». N. POULOU-PAPADIMITRIOU, BuCavtuvéc népnes: 7 nepintwon, 71g Mecorivns xox ms FAewGepvac, dans Mpatoputavewve| Mecorjvn xa Okyutia. Aatixi xa o77p0- tuxds zoipog ot Avtixrj Medondvvqoo. IIpaxtixct tov AteBvous Zuurociov, ABrive 29-30 Maiov 1998, éd. P. G. THEMELIS, V. KONTI, Athénes 2002, p. 125-136. 11. N. POULOU-PAPADIMITRIOU, Ot yaAxwec népnec, dans MporoBuCavervy| ELevepva,, Touéas I, I, 4. P.G. THEMELIS, Athénes 2004, p. 230-252. 12. PouLou-PAPaDIMITRIOU, [ldpreg (cité n. 10), p. 126-128, pour l'étude d’une fibule du type dit «ante » et I’analyse sur les interférences culturelles entre les différents peuples pendant le Moyen Age. 690 NATHALIE POULOU-PAPADIMITRIOU, Nous avons jugé utile, avant de procéder a la présentation des différents types, d’apporter quelques remarques concernant deux sites archéologiques ot un bon nombre de plaques-boucles a été mis au jour en contexte, Eleutherna, évéché et ville trés importante, et Pseira, ilot avec un habitat rural de caractére monastique possible ; dans ces deux sites provinciaux de caractére bien différent, les données archéologiques nous laissent entrevoir le passage de I’ antiquité tardive au Haut Moyen Age byzantin. L’étude des plaques-boucles de Crate nous a permis de faire des rapprochements intéressants pour les datations et interprétations, dont nous faisons état a la fin de notre étude. I. DONNEES ARCHEOLOGIQUES Ia. Eleutherna protobyzantine Eleutherna antique était naturellement fortifiée, construite dans une région fertile de la Créte centrale”. Durant la période protobyzantine, la ville s’étendait sur plusieurs agglomérations comme |’attestent les documents de fouille dans la région. Plus précisément, un grand ensemble d’habitations occupait le terrain Katsivélos, dans le secteur I des fouilles'*. Dans ce secteur, seuls la partie centrale ainsi que la basilique et quelques édifices importants ont survécu. Les quartiers qui ont di accueillir une occupation dense n’ont pas encore été fouillés, et ils se trouvent sans doute sur le versant de la colline au sud de la basilique'’. Les fouilles du secteur II, sur la colline dite Pyrgi, ont mis au jour une église tétraconque protobyzantine ainsi que des habitations au sommet de la colline, qui ont dé constituer la deuxiéme agglo- mération d’Eleutherna'®. Sur les deux emplacements est attestée une deuxitme phase d’occupation durant laquelle plusieurs édifices ont été abandonnés et d’autres changent de fonction. Les données archéologiques et numismatiques, permettent de proposer une datation de cette deuxi&me phase dans le vir siécle, voire dans la deuxiéme moitié. Les monnaies de Constantin IV (follis, 669-674) trouvées dans le secteur I nous donnent notre terminus post quem". En 670 est attesté un séisme qui a détruit un grand nombre de villes crétoises, Gortyne en particulier'’. Dans plusieurs 13. Les fouilles menées par l'Université de Créte depuis 1985 ont mis au jour sur trois secteurs (I, Ul, Il) différentes parties de la ville antique qui recouvrent sa phase néolithique et vont jusqu’a la période post-byzantine ; voir en demier lieu le catalogue de l’exposition EAevBepva. [16An. AxpoxoAn. NexpénoAn, éd. N. STAMBOLIDIS, Athénes 2004, avec bibliographic détaillée. 14, Sur les fouilles du secteur I, dirigées par le Professeur P. Themelis, voir Mpatopulavrivy} EhewOepvar, Touéas |, I, éd. P.G. THEMELIS, Réthymno 2000, et le catalogue de I'exposition Edev- Gepvar (cité n. 13), p. 46-80 avec bibliographic 15. PG. THEMELIS, Apyaia Eevepva, Avarodixds Touéac, Athénes 2002, p. 80-111 16. Sur les fouilles du secteur II, dirigées par le Professeur A. Kalpaxis, voir A. KALPAXts et al., EAetBepve IL. 2 - Evor EXAqvionixd onitt (« Sxizt A») orm on Nnoi, Réthymno 1994, et A. KAL- PAXIS, Ot oxponéAec, dans EAewBepvas (cité n. 13), p. 104-115 avec la bibliographie antéricure. 17. K. StDIROPOULOS, dans Nowicucrta-MohvBd6povdcr, dans EdevOepver (cité n. 13), p. 169, n° 52. 18. A. pr Vita, I terremoti a Gortina in eta Romana e Protobyzantina, Una nota, Annuario 57-58, 1979-1980, p. 440 ; MpwroPuSavtivr, EAevOepva (cité n. 14), p. 11. LES PLAQUES-BOUCLES BYZANTINES DE L'ILE DE CRETE (FIN Hf-1X- SIECLE) 691 édifices du secteur I, il y a des traces de destruction, d’abandon précipité ainsi que des traces d’incendie”, sans pour autant garantir que cette destruction est due au séisme attesté ailleurs en Créte. Néanmoins cette catastrophe n’a pas entrainé la fin de l’occupation de la ville. On doit noter que la partie sud-est de la nef centrale de la basilique (secteur I) a été déblayée et son usage poursuivi a des fins liturgiques méme durant le var siécle. Il reste probable qu’au long de cette derniére phase étaient également en usage certains des autres édifices qui nous livrent des témoignages d’occupation tardive”, tandis qu’un certain nombre de tombes ont di étre creusées pendant cette période. Au méme moment, d’autres tombes prennent place dans I’église tétraconque du secteur IT, et le sceau du vir siécle mis au jour dans |’espace de l’église témoigne également que la vie A Eleutherna n’a pas cessé tout au long de ce siécle”. Par ailleurs les sources écrites nous donnent un renseignement de premier ordre sur Fleutherna au vur siécle : l’évéque d’Eleutherna, « cvetEiog Exupetvetoc », participa au concile de Nicée en 787 apr. J.-C. Ce témoignage littéraire est corroboré par les données archéologiques : les fouilles de ces dernigres années, dans le secteur II, ont mis au jour de la céramique qui date de la fin de la période protobyzantine et des débuts de la période médiobyzantine (fin vu*/début vin’ — Lx* siécle) et notamment les amphores de type « byzantin », considéré comme une survivance du type LRA 2”. Ces témoignages d’une importance significative nous font dire qu ’Eleutherna n’a pas été abandonnée la fin du vir’ siécle. Bien au contraire la vie n’a pas cessé de mener son cours malgré les changements, certainement tout au long du vint siécle, et probablement jusque dans le 1x*. Ib. Habitat rural de caractére monastique (?) de I’ilot de Pseira Lilot de Pseira est situé A proximité des cétes nord-est de la Créte, a la pointe du golfe de Mirabello (fig. 1). Dans sa partie sud, dominant la calanque, et l’extrémité du secteur d’habitations minoen, un habitat rural protobyzantin avec une église 4 nef unique a été fouillé ; les données archéologiques nous ont menée a supposer que cet habitat rural avait un caractére monastique possible. Pendant les travaux de 19. K. Sipmopoutos, Nowroyotixc evprivata, dans MpwtoBugaveive) EdevBepvar (cité n. 14), p.270, 20. THEMELIS, Apyaia EAevBepvaz(cité n. 15), p. 106-107. II reste toutefois probable que quelques- tunes de ces structures ont aussi été utilisées durant le sidcle suivant (var .). 21. Cx, Tstconakt, dans Nou{ouora-MoAvBSsBov}.., dans EAevBepva (cté n. 13), p. 172, n° 60. 22. D. TSOUGARAKIS, Byzantine Crete. From the 5! Century to the Venetian Conquest, Historical Monographs 4, Athénes 1988, p. 354 et 394 ; Manst XIII, col. 145, 369 et 391 (voir en dernier lieu E. LaMBERZ, Die Bischofilisten des VI. Okumenischen Konzils, Munich 2004, p. 62). 23. N. POULOU-PAPADIMITRIOU, BuCavtive kepapixt] and tov EXANVIKE vNOLOTURS 165pO Koxt ad ‘aay TleAoxdvyoo (7%-9* at.)- wie: xpaitn mpock yon, dans Or oxotewvoi audves tov Bufaveiov (75-9 an.), EBvix6 “ISpona Epevvev, Ivortovto Buavtway Epevvav, Avevr Suuxdou. 9, éd. E. KounToura-GaLaki, Athénes 2001, p. 246, n.75; A. YIANGAKI, dans EAevepvar (cité n. 13), p. 193, n° 106-107. 24. P. BETANCOURT, C. DAVARAS, Excavations at Pseira, 1985 and 1986, Hesperia 57, 1988, p. 207- 225 ; J. ALBANI, Das Kloster auf Pseira. Die Architektur, Akten des XII. Internationalen Kongresses fiir 62 NATHALIE POULOU-PAPADIMITRIOU fouilles, nous avons pu distinguer trois phases d’occupation du site, la phase I n’étant pas éloignée chronologiquement de la phase II ; c’est la couche correspon- dant 4 sa phase Il qui nous a livré, entre autres, une plaque-boucle du type « Corinthe »*, Etant donné l’absence de monnaies, |’étude de la céramique a repré- senté le seul moyen de dater ce site protobyzantin. Les données archéologiques nous ont permis de constater qu’a la fin de la phase II (fin vun'/ début 1x* siécle), cet ensemble a subi une destruction partielle et fut abandonné. Si I’on accepte I’idée que ces types de plaques-boucles, plus complexes, apparte- naient a des dignitaires de |’armée ou de |’administration, il en résulte que la présence de ce type de « Corinthe » a Pseira doit étre mise en relation avec la présence occasionnelle d’un dignitaire sur l'ilot, dont la morphologie offre jusqu’a nos jours un abri naturel aux navires de petite taille lorsque la houle ne permet point de jeter V’ancre aux rivages du nord de la Créte. Ces ilots dont la mer Egée est parsemée devaient étre des refuges connus des marins pour faire face au gros temps, et de surcroit ont di représenter des points cruciaux pour les expéditions de la flotte byzantine, et pour contréler un secteur plus large contre les incursions enemies”. IL. LES TYPES ET LEUR DIFFUSION Les trente-quatre plaques-boucles que nous allons présenter ont été trouvées dans les fouilles d’Eleutherna (treize exemplaires), de Gortyne (un), de ilot de Pseira (un), d’Héraklion (un) et de la Canée (un). A ce matériel on a rajouté une plaque- boucle trouvée en Créte” ; un groupe assez important (seize), aujourd*hui au Musée archéologique d’Héraklion, vient des fouilles clandestines effectuées dans l’ile. Nous avons distingué deux groupes, selon que la plaque-boucle est rigide ou articulée®. Christliche Archtologie, Bonn 22.-28. September 1991, 1, Munster 1995, p.466-471 ; N. PouLou- Parapimirriou, Le monastére byzantin & Pseira-Créte : La céramique, Akten des XII. Internationalen Kongresses fiir Christliche Archtiologie, Bonn 22.-28. September 1991, 2, Munster 1995, p. 1119-1131. 25. POULOU-PAPADIMITRIOU, Monastére (cité n. 24), p. 1125, fig. 10. 26. E. MALAMUT, Les iles de l'empire byzantin vur-xur siécles, Il, Byzantina Sorbonensia 8, Paris 1988, p. 536-546, note a juste titre I'importance de ces petites ies et ilots non seulement comme repaires ou abris éventuels pour les petits navires, mais également pour la flotte byzantine & partir du moment ou I’on devait traverser 'Egée. 27. Je remercie le Directeur de I’Ashmolean Museum & Oxford, le Prof. M. Vickers, de m’avoir accordé I’autorisation de publier cette plaque-boucle en or trouvée en 1909 en Créte qui appartient aux collections du musée. Mes remerciements vont aussi 4M. M. Andrianakis, éphore des antiquités byzan- tines, et & l'archéologue M™ Liana Starida qui ont bien voulu m’autoriser la publication des plaques- boucles des fouilles de sauvetage dans la région de la Canée et d’Héraklion 28. Nous avons adopté la typologie de J. Werner pour la majorité des plaques-boucles et de M. Kazanski pour certains exemplaires. Les trois boucles de type simple qui ont été trouvées & Eleutherna (secteur I) ne font pas poartie de la présente étude ; pour les plaques-boucles d'Eleutherna, voir POULOU-PAPADIMITRIOU, XiAxtves népnes (cité n. 11), 70. LES PLAQUES-BOUCLES BYZANTINES DE L'ILE DE CRETE (FIN fY-IX: SIECLE) 693 ILi. Plaques-boucles rigides ILi.1. Plaques-boucles a décor ajouré (type Maskenschnallen de Csallany) Un seul exemplaire de ce type a été trouvé en Créte pendant les fouilles d’Eleu- therna (secteur I) (fig. 2). J. Werner est le premier 4 avoir étudié les plaques-boucles & décor ajouré en forme de croix et « 4 masque » et il les a regroupées sous le type « Sucidava »”. Quelques années plus tard, D. Csallany a étudié en détail ce type, sous le nom de « Maskenschnallen », et a méme complété le catalogue de J. Werner avec des objets de Constantinople, d’Egypte et de Crimée*. Des plaques-boucles analogues viennent d’ Asie Mineure*', tandis que d'autres datées du vir siécle ont été retrouvées a Sardes et 4 Anemurium*. Des objets trés similaires ont été aussi mis au jour en Syrie*. La datation de ces plaques-boucles est sujette a discussion. J. Werner les a attribuées 4 la deuxiéme moitié du vr siécle, en soulignant que leur emploi ne devait pas se prolonger dans le vir *. D. Csallany propose une datation vers la fin du vr siécle, mais souligne en méme temps que certains sous-types devaient rester en usage durant la premiére moitié du vit ®. La plaque-boucle d’Eleutherna a été retrouvée dans le remblai d’une citerne avec des monnaies d’Héraclius (follis, 613/614) et de Constant II (follis, 642-668). Nous sommes donc en mesure de proposer pour l’exemplaire de Créte une datation dans le vir siécle, voire dans sa deuxiéme moitié. Ces observations nous donnent les limites chronologiques de ce type : de la fin du vr jusqu’au troisiéme tiers du vir siécle. Ii. 2. Plaques-boucles de type « Syracuse » Nous connaissons, jusqu’a présent, deux exemplaires mis au jour en Crete: le premier vient des fouilles de sauvetage dans la région de la Canée (fig. 3), le deuxigme des fouilles du tétraconque protobyzantin 4 Eleutherna (secteur II) (fig. 4)°*. Ce type a été étudié pour la premiére fois par J. Werner, qui a démontré sa diffusion dans les différentes régions de l’Empire, mais aussi a l’extérieur de ses 29. Des plaques-boucles de ce type proviennent d’Olympie, Constantinople, Egypte, Crimée, des Balkans, des régions danubiennes, d'Italie et de France, voir WERNER, Giirtelschnallen (cité n. 1), p. 39-40, 42, 45-46 ; sur la méme collection, voir E. V. RiEMER, Byzantinische Giirtelschnallen des 6. und 7. Jahrhunderts aus der Sammlung Diergardt im ROmisch-Germanischen Museum Koln, Kdlner Jahrbuch fiir Vor- und Friihgeschichte 28, 1995, p. 777-809. 30. D. CsaLLany, Byzantinische Schnallen und Giirtelbeschlage mit Maskenmuster, AAASH 10, 1962, p. 55-77. 31. SCHULZE-DorRLAMM, Giirtelschnallen (cité n. 3), p. 146-151 (le sous-type D1 type Sucidava), p. 152-155 (le sous-type D2 = Maskenschnallen), p. 155-156 (le sous-type D3), p. 159 (le sous-type D5). 32. WALDBAUM, Metalwork (cité n. 4), p. 119, n” 693, 695, pl. 44 ; RUSSELL, Instrumenta (cité n. 4), p. 139 (type 6), p. 143, fig. 6, 13. 33. Kazanskt, Objets métalliques (cité n. 5), p. 41, fig. 34. Werner, Giirtelschnallen (cité n. 1), p. 39-40, 42, 4 35. CsALLANY, Schnallen (cité n. 30), p. 62-65. 36. Fouille du Professeur A. Kalpaxis ; M. XANTHOPOULOU, dans Edev@epvar (cité n. 13), p.227, 234, .5, fig. 9: 5, 6,8. 5-46, \a 694 NATHALIE POULOU-PAPADIMITRIOU limes”. Cette premiére carte de diffusion a été trés vite complétée par d’ autres sites, notamment des villes de l’Empire comme Constantinople, Sardes, Pergame, Samos, Anemurium, Salamine de Chypre, Amorium et le naufrage de Yassi Ada*. La collec- tion du Rémisch-Germanisches Zentralmuseum Mainz posséde un nombre consi- dérable d’ objets analogues provenant d’Asie Mineure”. Les sites archéologiques du Bospore Cimmérien ont également donné un nombre important de plaques-boucles de ce type®. En territoire grec, outre Samos, des plaques-boucles analogues ont été retrouvées a Edesse, Corinthe et Athénes, et dans les ilots du golfe d’Argolide". J. Werner les a attribuées a la premiére moitié du vir siécle alors que les recherches d’A.K. Ambroz et A. I. Ajbabin ont permis de préciser la datation de ce type dans la deuxiéme moitié du vir siécle et le début du vim. Les éléments de datation fournis par les objets métalliques trouvés en contexte en territoire grec sont a noter: a Edesse, une plaque-boucle du type « Syracuse » a été retrouvée dans une tombe avec deux fibules du type « ante » datées de la fin du vr'siécle et de la premiére moitié du vit, & Samos avec des monnaies d’Héraclius (follis, 613/16, 611/12) et de Constant II (la plus récente de 659-665), 4 Corinthe avec un follis de Constant II*. Les plaques-boucles de I’ile de Créte, trouvées en contexte, datent du vir siécle. Nous pouvons donc supposer que ces objets étaient en usage sur une durée de prés d’un siécle — fin vi‘ / fin vir siécle. Ili. 3. Plaques-boucles du type Balgota Deux plaques-boucles de ce groupe appartiennent au type Balgota : une retrouvée dans la tombe 7 d’Eleutherna (fig. 5), et une autre lors des fouilles de sauvetage dans la ville d’Héraklion (fig. 6). La plaque scutiforme de l’exemplaire d’Héraklion porte un décor gravé et son ardillon est a saillie rectangulaire. Il s’agit d’un type trés répandu : on le connait dans les pays méditerranéens, dans les Balkans“, ainsi qu’en Europe orientale et en Syrie. Des plaques-boucles analogues ont été retrouvées en Asie 37. WERNER, Giirtelschnallen (cité n. 1), p. 37, en Hongrie, en Allemagne, dans les régions sud de la Grande-Bretagne, en Espagne et 4 Carthage. 38. CSALLANY, Monuments (cité n. 1), p. 344, pl. III 1-2; WALDBAUM, Metalwork (cité n. 4), p. 118, n° 689, pl. 44, 689 ; MARTINI, STECKNER, Gymnasium (cité n. 8), p. 123-124, 126, pl. 36,6 ; 37,3 ; 38,4; RussELt, Instrumenta (cité n. 4), p. 133, fig.7, 14-16, p. 142, fig. 9 ; Licetroor, Belt buckles (cité n.5), p.82, 85, fig. VI/1. n* 1, pl. VI/I; CHAVANE, Petits objets (cité n.4), p. 162, n° 466, pl. 46, 466 ; pl. 69, 466 ; G. F. Bass, FH. VAN Doorninc, Yassi Ada. A Seventh-Century Byzantine Shipwreck, Dallas 1982, p. 276-277, fig. 12-15, pl. 12-16 ; RIEMER (cité n. 29), p. 778-779, 793-794, n° 1-5, p. 798-801, fig. 30. 39. ScHULZE-DorRLAMM, Giirtelschnallen (cité n. 3), p. 171-179. 40. BoRTOLI-KAZANSKI, KAZANSKI, Sites (cité n. 6), p. 459-460, fig. 8-9. 41. F. Petsas, Edessa, ArchDelt 24, 1969, p. 305, pl. 320 ; Davipson, Minor Objects (cité n. 8), p.271, n° 2185, pl. 114; PALLAS, Données (cité n. 1), p. 298, fig.5; A. FRANTZ, From Paganism to Christianity in Athens, DOP 19, 1965, p. 198, fig. 12; TRavtos, FRANTZ, Church (cité n. 8), p. 168, pl. 43 ; AvRAMEA, Péloponnése (cité n. 9), p.90, pl. VIa, 1, pl. Vic, 1. 42. Kazanskt, Objets métalliques (cité n. 5), p. 46. 43. Voir n. 38 et 41. 44, Werner, Giirtelschnallen (cité n. 1) p. 38, n. 24, fig. 2, 4. 45. Pour une bibliographie compléte voir KaZANSKI, Objets métalliques (cité n. 5), p. 45-46. LES PLAQUES-ROUCLES BYZANTINES DE L'ILE DE CRETE (Fin f-1X" SIECLE) 695 — Mineure*, a Salamine de Chypre®, & Athénes®, Leur datation a mené a des proposi- tions différentes: si J. Werner et A. Frantz attribuent ces objets au vir siécle, A.L. Ajbabin, se fondant sur les découvertes des nécropoles en Crimée, les date de la premiére moitié du vur siécle®. La plaque-boucle d’Eleutherna vient d’une tombe creusée dans le remblai de I’atrium sud de la basilique, qui tsmoigne d’un changement de fonction de cet endroit pendant la demiére phase du site. Les données archéolo- giques nous permettent de proposer pour I’exemplaire d’Eleutherna une datation entre la deuxiéme moitié du vir siécle et la premigre moitié du vu. Notre datation s’accorde avec celle proposée par M. Kazanski pour ce type de plaque-boucle, soit le vir et la premiére moitié du vin siécle®. 1Li.4. Plaques-boucles lyriformes (type Boly-Zelovce = Csallany groupe 16) Nous connaissons un seul exemplaire en Créte : la plaque — la boucle manque — retrouvée dans la couche de surface de I’habitat protobyzantin a Eleutherna (fig. 7). Le trait caractéristique de ce type est la bande bipartite ou tripartite, qui en s‘incurvant crée le corps de chaque plaque. Les extrémités s’achévent soit en bec doiseau soit en téte de serpent — selon D. Csallany* — ou souvent aussi en goutte, et se replient sur le corps rond, ovoide ou en forme d’amande. Certaines variantes de ce type emploient des motifs stylisés semblables*. Les pices de ce type, découvertes d’abord dans Ia région danubienne-balka- ‘ nique*, étaient considérées comme une production de I’ Albanie du Nord™. Toutefois les pices semblables retrouvées en Gréce, en Syrie, en Iran’, et surtout les plaques- boucles en or de Mytiléne, Chypre et Constantinople* — dont les pi&ces en bronze 46. WeRNER, Giirtelschnallen (cité n. 1), p. 38, pl. 8, 1-4 (un exemplaire de Pergame). 47. CHAVANE, Petits objets (cité n. 4), pl. 46, 467, 48. Pattas, Données (cité n. 1), p. 306, fig. 8 ; A. Frantz, From Paganism (cité n. 41), p. 198, fig. 12. 49. WeRNER, Giirtelschnallen (cité n. 1), p.38, n.24, fig.2, 4, pl. 8, 1-4. Pour la Crimée voir A. 1. Assasin, Mogil’niki VIl-nacala X wv.v Krymu, Materialy po Arheologii, Istorii i Etnografii Tavrii 3, 1993, p. 122 ; KAZaNsk1, Objets métalliques (cité n. 5), p. 46. 50. KAZANSKI, Objets métalliques (cité n. 5), p. 45-46, fig. 2:14, 15:1, 15:9, 15:15-18. 51. D. CsALLaNy, Les monuments de l'industrie byzantine des métaux II, AAASH 4, 1956, p. 261- 291, pl. VI. 1-6, 1.2 ~ 3, 1.4, IL 1, V. 7, VIILI et 6. 52. Davipson, Minor objects (cité n. 8), p. 267, n° 2187-2189 ; G. Gounaris, XdAxwes népnes and 10 Oxtéyavo tov didiznoy Kar my Kevipixt} Maxedovia, BuCaveiaxd 4, 1984, p. 57, fig. 1b, 2ce, 53. Le type est aussi attesté dans la région de la Hongrie : Garam, Funde (cité n.7), p.99-102, pl. 64-68 54. U. IBLER, Pannonische Giirtelschnallen des spiiten 6. und 7. Jahrhunderts, Arheoloski vestnik 43, 1992, p. 138. 55. KAZANSKI, Objets métalliques (cité n. 5), p.37. 56. To EhAnvixé réounua. 6000 Xpdvia Mapddoon, 21 AexeuBpion - 21 beBpovapion 199% Thessalonique 1997, p. 204, n’ 232 ; CSaLLANY, Monuments II (cité n, 51), pl. VIS ; Age of Sp ‘uality, Late Antique and Early Christian Art, 3rd to 7th Century, Catalogue of the Exhibition at the Metropolitan Museum of Art, New York 1979, n° 304 ; Land of Civilizations, Turkey, Tokyo 1985, n° 289 ; M. Kazanskt, J-P. Sopint, Byzance et I’art « nomade » : remarques & propos de l'essai de J. Werner sur le dépét de Malaja Pere&éepina (Pere&éepino), RA 1987, p. 80, fig. 11 Bete te tee eeu 696 NATHALIE POULOU-PAPADIMITRIOU étaient sfirement des copies moins chéres — témoignent en faveur d’une production byzantine et d’un groupe caractéristique de la Méditerranée orientale. La plaque-boucle en or retrouvée dans le trésor de Mytiléne (Lesbos) avec trente- deux monnaies en or de Phokas et d’Héraclius a une grande importance pour la datation de ce type : on peut conclure que les années 630 sont le terminus post quem tandis que le type continue & étre attesté dans la deuxiéme moitié du vit siécle et méme au début du vi”. La piéce d’Eleutherna retrouvée avec une monnaie d’Héraclius confirme cette datation. ILi. 5. Plaques-boucles cruciformes Il s’agit de petites plaques-boucles spécifiquement byzantines, trés répandues dans Empire. Elles apparaissent chronologiquement aprés les plaques-boucles cruciformes plus grandes, datées du début au troisitme quart du vir siécle*. L’absence du type dans les régions en dehors des frontigres de l’empire byzantin a été liée a la présence de milieux religieux non chrétiens. Une petite plaque-boucle de ce type vient des fouilles de Gortyne”, un exem- plaire a été trouvé dans la couche de la derniére phase d’habitation & Eleutherna (secteur I ; fig. 8), un autre au tétraconque protobyzantin d’Eleutherna (secteur II), et deux autres, dont le contexte est inconnu, font partie de la collection du Musée archéologique d’Héraklion. En territoire grec, elles ont été trouvées 4 Samos dans une tombe avec des monnaies d’Héraclius, 4 Athénes, datées du vir sicle, dans les lots du golfe d’Argolide et dans l’ile de Kythéra®. Des plaques-boucles analogues ont été inventoriées 4 Constantinople, a Anemurium dans des couches de la seconde moitié du vut s.%', tandis que dans la collection du Rémisch-Germanisches Zentral- museum Mainz figurent seize exemplaires qui viennent d’Asie Mineure®. Ces plaques-boucles, trouvées dans les nécropoles du Sud et du Sud-ouest de la Crimée, sont datées de la premiére moitié du vurr siécle, comme I’ont confirmé les recher- ches d’A. K. Ambroz et de A. I. Ajbabin®. L’exemplaire d’Eleutherna, trouvé dans la derniére couche de I’habitat avec des monnaies de Constant II (follis 642/43 et 652/3), nous permet de confirmer l’usage de ce type au cours de la deuxiéme moitié du vir sigcle, usage qui peut éventuellement se prolonger dans la premiére moitié du vu siécle comme en témoignent les données archéologiques de la Crimée. 57. IBLER, Giirtelschnallen (cité n. 54), p. 140 ; KAZANSKI, Objets métalliques (cité n. 5), p.37. 58. KazaNskl, Objets métalliques (cité n.5), p. 46. Les dépots funéraires indiquent que ce type objet était utilisé par des hommes, femmes et enfants comme agrafe de ceinture ou comme plaque- boucle de petits sacs, voir SCHULZE-DORRLAMM, Giirtelschnallen (cité n. 3), p. 196-197, fig. 70. 59. Gortina I, vol. III, 6d. A. DI ViTa, Rome 1988, p. 292, fig. 232. 60. Marmini, STECKNER, Gymnasium (cité n. 8), p. 122, 127-128, fig. 36 (2.5), fig. 39 (5.4) ; FRANTZ, From Paganism (cité n.41), fig. 12; AVRAMEA, Peloponnese (cité n..9), p. 90-91, pl. IV ; b. 1, b2, b3, pl-IV, c5 ; Kythéra : matériel en cours de publication du site Agios Georgios sto Vouno. 61. RUSSELL, Instrumenta (cité n. 4), p. 139, 142, fig. 7.18-20, et n. 41 pour les plaques-boucles de Constantinople dans la collection Menil (C9-C18) en cours de publication par G. Vikan. 62. SCHULZE-DORRLAMM, Giirtelschnallen (cité n. 3), p. 193-199 63. BORTOLI-KAZANSKI, KAZANSKI, Sites (cité n. 6), p. 459-460, fig. 8-9 ; KAZANSKI, Objets métal- liques (cité n. 5), p. 46. LES PLAQUES-BOUCLES BYZANTINES DE L'ILE DE CRETE (FIN MIX: SIECLE) 607 Ii. 6. Petites plaques-boucles a décor gravé Ils’agit de plaques-boucles de dimensions restreintes décor gravé, qui devaient tenir des laniéres étroites des ceintures ou de petits sacs. Les exemplaires de Créte sont nombreux : trois objets de ce type ont été mis au jour pendant les fouilles d’Eleutherna (fig. 9 et 10) et dix autres font partie de la collection du Musée archéo- logique d’Héraklion. Ces petites plaques-boucles ont été retrouvées sur bon nombre des sites de la mer Egée ainsi que dans d’autres régions de l’empire byzantin. Elles sont attestées 2 Messéne*, a Corinthe — basilique de Kraneion avec une monnaie de Constant II® —, dans des ilots de I’ Argolide*, 4 Samos dans une tombe avec une monnaie d’Héra- clius®. Des objets métalliques analogues attestés 4 Anemurium, & Constantinople et & Antioche sont datés du vir" siécle*. Les exemplaires provenant des nécropoles de la Crimée sont datés du vur' siécle®. Sur le site d’Eleutherna, la premiere plaque-boucle (fig. 9) a été trouvée dans Vhabitat protobyzantin daté par des monnaies de Constant IT (follis, 651/54 et 652/55), dans la derniére période d’occupation du site, c’est-a-dire entre le milieu du vir siécle et le début du vm. La seconde (fig. 10) vient de la tombe 37, creusée dans le remblai de I’atrium sud”, et la troisiéme vient du tétraconque protobyzantin (secteur IT). Une datation dans la deuxiéme moitié du vir siécle et le début du vint nous semble done probable. ILii, Plaques-boucles articulées Iii.1, Plaques-boucles a disque La piéce la plus intéressante des garnitures de ceinture’ de Créte est sans doute la plaque-boucle en or, trouvée en 1909, A Kastelli de Palaiochora (éparchie de Selinos) —un Kéortpov sur la cote Sud-ouest de I’ile — et aujourd’hui 4 I’ Ashmolean Museum d’Oxford” (fig. 11). Comme l'on a déja soutenu, ces exemplaires en or, peu nombreux, avaient di appartenir 4 des dignitaires qui les ont probablement regus de 64. PouLou-Papapimrrriou, Hiépnes (cité n. 10), p. 129-130, fig. 4. 65. PALLAS, Données (cité n. 1), p. 298, 66. AvraMea, Péloponnese (cité n. 9), p. 90-91, pl. IV b, 4, IV ¢, 4. 67. MARTINI, STECKNER, Gymnasium (cité n. 8), p. 127, fig. 39, 5.5. 68. RusseLL, Instrumenta (cité n. 4), p. 138-139, fig. 7. 22, p. 143, n. 43 ; ScHULZE-DorRLaMM, Giirtelschnallen (cité n. 3), p. 189-192. 69. A.I. AspaBty, La fabrication des garnitures de ceintures et des fibules & Chersonése, au Bospore Cimmérien et dans la Gothie de Crimée aux vr — vu siécles, Outils et ateliers d’orfevres des temps anciens, Antiquités Nationale, Mémoires 2, Paris 1993, p. 166, fig. 7.5. 70. Pour les données stratigraphiques, voir plus haut notre discussion du type Balgota, en TLi3, et PouLOU-ParabiMITRIOU, XciAxwes népnes (cité n. 11), p. 232-233. Pour I’étude des tombes du secteur I, voir A. YIANGAKI, Ot Tergot, dans Mpwropuavewvrh EdevBepva (cité n. 11), p. 115-183. 71. H. PeiRce, R. TYLER, L'Art Byzantin Il, Paris 1934, p. 141, pl. 208g. 698 NATHALIE POULOU-PAPADIMITRIOU. lempereur byzantin lui-méme comme marque d’une dignité importante”. La grande plaque est arrondie, terminée par un petit bouton. Une charniére ornée de quatre sphéres se trouve entre la plaque et la boucle ovoide ; l’ardillon, de section carrée & sa base, est recourbé et €paissi prés de son extrémité. Le décor de la plaque consiste d'un grand disque, a ’extrémité, qui porte gravé le monogramme N(I)K(OA)AOY et deux gouttes plus petites prés de la boucle, ces derniéres ornées du motif caractéris- tique de l’artisanat byzantin dit « point-virgule »”. II s’agit d’un objet dont la forme et le décor sont indéniablement byzantins. Les paralléles de cette plaque-boucle — également en or - sont au Walters Art Museum de Baltimore et au musée de Cleveland ; bien que de fabrication plus soignée, ils présentent la méme forme ainsi que des analogies dans le décor. Ces derniers objets sont reliés a la trés grande plaque-boucle en or trouvée A Perescepino et publiée par J. Werner, L’exemplaire publié de Sardes et la plaque-boucle trouvée a Yassi Ada offrent des contreparties en bronze”, D’autres copies en bronze de cette pice précieuse ont été mis au jour sur plusieurs sites : dans la région danubienne”, en Syrie”, en Asie Mineure, en Egypte, en Espagne, en Albanie et en Sicile”. Ces pigces sont apparentées aux plaques- boucles lyriformes qui présentent également des exemplaires en or (voir IL.ii.3). La datation de ces plaques-boucles peut étre précisée grace 4 la découverte de Perescepino, du deuxiéme tiers du vir sicle, au trésor de Mytiléne, daté par les monnaies d’or d’Heraclius, et A l’exemplaire de Yassi Ada, épave nauftagée vers 630. Les années 630 peuvent alors étre considérées comme le terminus post quem pour ce type de plaques-boucles. ILii.2. Plaques-boucles du type Corinthe Six exemplaires de ce type ont éé mis au jour en Crate : une plaque dont la boucle et l’ardillon manquent a été trouvée pendant la fouille du petit complexe monastique de l’ilot de Pseira ; le disque de la plaque porte un monogramme gravé : TEQP(TI)OY (2) (fig. 12)®. La deuxiéme vient de la tombe 18 d’Eleutherna (fig. 13) ; quatre autres exemplaires appartiennent a la collection du Musée archéologique d’Héraklion. 72. J. Werner, Der Grabfund von Malaja Perescepina und Kurvat, Kagan der Bulgaren, Munich 1984, p. 21-24, pl. 26 ; KAZANSKI, SoDINI, Art « nomade » (cité n, 56), p. 80. 73. KAZANSKI, Objets métalliques (cité n. 5), p.45, 47. 74, Early Christian and Byzantine Art, An Exhibition held at the Baltimore Museum of Art, Walters Art Gallery, Baltimore 1947, n° 469 ; KazaNskt, SopiNt, Art « nomade » (cité n. 56), p. 78-79, fig. 7, 9; KazaNskl, Objets métalliques (cité n. 5), p. 37-38, 45 75. WERNER, Grabfund (cité n. 73), p. 21-24, pl. 26. 76. WALDBAUM, Metalwork (cité n. 4), no 691, pl. 44 ; Bass, VAN DoorNINck, Yassi Ada (cité n. 38), p. 278, n° 20, fig. 12-7. 77. GaRAM, Funde (cité n.7), p. 102, pl. 59.5, pl. 64.4. 78. KAZANSKI, Objets métalliques (cité n. 5), p.37, fig. 4 :7,4 :11,9:1 79. ScruLze-DORRLAMM, Giirtelschnallen (cité n. 3), p. 184-185. 80. POULOU — PaPaDIMITRIOU, Monastére (cité n. 24), p. 1125, fig. 10. LES PLAQUES-BOUCLES BYZANTINES DE L'ILE DE CRETE (FIN [{-1X' SIECLE) 699 Les premiéres plaques-boucles retrouvées 4 Corinthe appartenaient a ce type, d’ou la terminologie proposée par J. Werner*'. G.R. Davidson les a considérées comme des indices incontestables de la présence des Avaroslaves a Corinthe®, mais l'on a vite prouvé I’ origine byzantine de ces objets". A. I. Ajbabin, d’aprés les objets analogues mis au jour en Crimée, oi le type a connu une imitation locale, a pu distinguer deux variantes selon l’existence (variante I) ou non (variante II) des tétes zoomorphes stylisées prés du disque de la plaque ajourée. La premiere, trés rare en territoire grec, date de la fin du vi-premiére moitié du vur siécle ; la deuxigme variante, trés répandue en Gréce, est datée de la seconde moitié du vur et du Ix* siécle*. La boucle de ces objets est ovale et l’ardillon long recourbé vers le bas. La plaque porte trés souvent un décor gravé, a motifs géométriques et linéaires, tandis que sur le disque sont fréquemment gravés des étoiles, des croix et des monogrammes. Il s’agit d’un type largement diffusé en Méditerranée : M. Kazanski a publié des plaques-boucles dérivées du type Corinthe attestées en Syrie et a donné les régions de diffusion de ce type". Un exemplaire semblable vient du musée d’ Afyon®. En Gréce, il est attesté, outre Corinthe, 4 Tigani*’, Daskaleio*, Athénes”, Délos®, Corfou et Thessalonique”. Comme I’on a déja souligné, la céramique qui provient de la couche qui renfermait l’exemplaire de Pseira est datée du vir siécle et s’étend jusqu’aux débuts du 1x: la céramique peinte du vu siécle de Gortyne, le plat a réchaud des vitt-1x" siécles, ainsi que des amphores de type « byzantin » — survi- vances du LRA 2 — qui appartiennent ala méme période constituent les exemples les. plus caractéristiques de vases qui ont partagé la méme couche que la plaque-boucle retrouvée”, A Eleutherna, la tombe qui renfermait la plaque-boucle a été creusée devant le narthex de Ia basilique dans la voie principale et date de la phase tardive de habitat (deuxigme moitié du vur-début vur' siécle)®. Les données archéolo- giques des sites égéens nous donnent les limites chronologiques de ce type : de la deuxiéme moitié/fin du vir siécle au début du 1x*. 81. WERNER, Giirtelschnallen (cité n. 1), p. 37-38, 47-48 82. G. R. Davison, The Avar Invasion of Corinth, Hesperia 6, 1937, p.227-23 83. WeRNER, Giirtelschnallen (cité n. 1), p. 37-38 ; CSALLANY, Monuments II (cité n. 51), p. 340. 84. BORTOLI-KAZANSKI, KAZANSKI, Sites (cité n.6), p. 460; AiBaBIN, Fabrication (cité n. 69), p. 166, fig. 7.45 85. Pour la diffusion du type voir KAZANSKI, Objets métalliques (cité n. 5), p.38 ; RIEMER (cité 1n, 29), p. 784-786, fig. 22. 86. LiGHTFooT, Belt buckles (cité n. 5), p. 86, n° 15, pl. VI/21. 87.N. B. DRANDAKIS, N, GIOLES, Avaraxcegt} oto Tiydivt mg Mavng, PrakiAE 1980, p.256, pl. 149e. Voir aussi To EAAnvixd xdopnuc: (cité n. 56), n° 205. 88, AvRAMEA, Peloponnése (cité n. 9), p. 90, pl.IV a2. 89. Frantz, From Paganism (cité n. 41), fig. 12. 90. W. DEONNA, Le mobilier délien, Délos XXVII, Paris 1938, n° 638, pl. 77. 91. H. BULLE, Ausgrabungen bei Aphiona auf Korfu, AthMitt 59, 1934, p. 282 et p. 226, fig. 27 ; WerNer, Giirtelschnallen (cité n. 1), p. 47-48. 92. PouLou-ParADIMITRIOU, BuCav tiv} xepapiri) (cité n. 23), p. 236-239, p. 245-248, fig. 3,9,24-25. 93. Pour les données stratigraphiques, voir la discussion du type Balgora en I1i.3 et Ill. Inter- prétations, wu 700 NATHALIE POULOU-PAPADIMITRIOU ILii.3. Plaques-boucles du type Bologna I est important de préciser que la plus large diffusion de ce type est relevée dans les régions autour de la mer Egée et en Asie Mineure, c’est-a-dire les régions du centre de l’Empire*. Les trois exemplaires de Créte viennent de deux tombes (n° 41 et 27) (secteur I) Eleutherna (fig. 14 et 15), et du tétraconque du secteur IT (fig. 16). Des plaques-boucles identiques ont été mises au jour & Corinthe, a Chinitsa d’Ermione, datée du vir siécle”, 4 Athénes, 4 Samos (dans des tombes, associées a des monnaies, dont la plus récente est de Constant II, follis 652/3)%, 4 Constan- tinople, a Anemurium datée du vir sigcle”, en Chypre®, en Italie du Nord, en Hongrie et en Crimée, ces derniéres datées par A. I. Ajbabin de la deuxiéme moitié du vir au vu siécle”. Les tombes d’od proviennent les plaques-boucles d’Eleutherna furent creusées dans le remblai de I’atrium, respectivement au nord (n° 41) et au sud (n° 27) de la basilique. Leur datation dans le courant du vursiécle et probablement les débuts du vir est déduite des indices archéologiques'”. TIL. INTERPRETATIONS Les plaques-boucles figurent parmi les objets métalliques byzantins qui ont longuement préoccupé aussi bien archéologues qu’historiens. Le fait que les premiers exemplaires retrouvés provenaient en majorité de régions extérieures VEmpire ou en bordure des frontiéres a conduit certains chercheurs 8 les rattacher aux ensembles de populations qui habitaient ces régions pendant le haut Moyen Age". On a cru bon de relier en méme temps tous les objets similaires provenant des provinces de Byzance & la présence de ces mémes groupes culturels, étrangers aux populations locales. Et méme si pour certains cas, comme le Péloponnése, les événements historiques fournissaient une justification, il semblait impossible d’envi- sager ce rapport dans d’autres régions comme Athénes, Sardes ou Anemurium et 94, WERNER, Giirtelschnallen (cité n. 1), p. 48, carte 2 ; MARTINI, STECKNER, Gymnasium (cité n. 8), p. 196, fig. 45. 95. DAVIDSON, Minor Objects (cité n. 8), pl. 114, n° 2191 ; AVRAMEA, Peloponnese (cité n. 9), p. 90, pl. Vd 1 96. TRaVLOS, FRANTZ, Church (ci n.41), fig. 1 32. 97. RUSSELL, Instrumenta (cité n. 4),n. 38, des plaques-boucles de la collection Menil ; p. 139-140, 142, fig. 7.25. 98. CHAVANE, Petits objets (cité n. 4), p. 164, n° 470-471, pl. 46. 99. WeRNER, Giirtelschnallen (cité n. 1), p.47-48 carte 2; CsaLLANy, Monuments (cité n. 1), p. 325, 327, pl. 6, 10-11, pl. 7,5 ; BORTOLI-KAZANSKI, KAZANSKI, Sites (cité n. 6), p. 460, fig. 9, 5. 100. Pour les données stratigraphiques, voir la discussion du type Balgota en Ii3 et III. Inter- prétations 101. Voir n. 1; Davison, Avar Invasion (cité n. 82), p. 227-239, fig. 3-5 ; K. SETTON, The Bulgars in the Balkans and the Occupation of Corinth in the Seventh Century, Speculum 25, 1950, p. 502-543 ; Ip., The Emperor Constans II and the Capture of Corinth by the Onogur Bulgars, Speculum 27, 1952, p. 351-362. n. 8), p. 167, n° 4, 5,6, pl. 43.0; FRANTZ, From Paganism (cité ; MARTINI, STECKNER, Gymnasium (cité n. 8), p. 120-121, fig. 35, 1.5, p. 124-125, fig. 37, LES PLAQUES-BOUCLES BYZANTINES DE L'ILE DE CRETE (FIN f{}-1X: SIECLE) 701 méme Constantinople". Trés vite, la recherche a prouvé qu’il n’est plus possible de mettre en question l’origine byzantine de ce type d’objets'®. Malgré l’ample diffusion des types examinés, la ressemblance des traits et Iuniformité des éléments spécifiques ont conduit certains chercheurs & conclure que ces plaques-boucles sont dues un atelier central de production, sans étre non plus en mesure d’écarter V'hypothése de la présence d’ateliers de production dans plus de régions que celles enregistrées jusque 1A, voire dans la région égéenne™. Les plaques-boucles de Créte corroborent I’avis de J. Russell, exprimé déja en 1982, qui pensait 4 un usage par une vaste part de la population d’une ville protoby- zantine, et pas seulement par les federati de l’armée byzantine. Pendant la période transitoire du vir siécle, des changements se reflétent aussi dans les habitudes vesti- mentaires des citadins 4 Byzance. Les plaques-boucles, objet lié par excellence au vétement, nous renvoient 4 une culture vestimentaire qui se différencie des habitudes qui ’ont précédé, lorsque par exemple on retenait les tuniques a l'aide de fibules. Le type de Bpdixtov (culotte), probablement répandu a l’origine chez des ethnies barbares"”, se retrouve généralisé pendant le vir siécle et adopté par de larges pans de populations, qui utilisent les plaques-boucles afin d’agrafer une ceinture en cuir. D’ailleurs, le fait qu’il existe un tres large éventail de types et dimensions pour les plaques-boucles, et surtout l’existence d’exemplaires fabriqués en fer et en bronze aussi bien qu’en argent, ou méme en or, confirme la thése selon laquelle ces objets étaient en usage dans des couches de la population dont faisaient partie éventuellement des soldats ou federati, mais sans pour autant exclure des dignitaires de l’administration'. Les villes protobyzantines telles qu’Eleutherna, Gortyne, Samos, Anemurium ou Sardes, n’étaient pas peuplées uniquement d’une garnison pendant I’époque de transition que fut le vit sigcle. Des dignitaires de l’armée, de l'administration et du clergé devaient composer Ja population pendant la période 102. Bien sr, on a avancé des explications différentes, et ceux & qui ont appartenu les plaques- boucles, qu’on n’a pas cessé de considérer comme des produits étrangers a la culture matérielle byzantine, ont fait figure de soldats de I'Empire qui les auraient obtenues comme butin de combat, voir: FRANTZ, From Paganism (cité n.41), p. 198 ; A.FRANTZ, The Athenian Agora in the Late Antiquity 267-700, The Athenian Agora 24, Princeton 1988, p. 119 103. Voir n. 1 et récemment AVRAMEA, Péloponnase (cité n. 9), p. 86-87 ; POULOU-PAPADIMITRIOU, Tléprec (cité n. 11), p. 240-241. 104. RuSSELL, Instrumenta (cité n. 4), p. 145 ; MARTINI, STECKNER, Gymnasium (cité n. 8), p. 133, 105. H. S. RoBINSON, S. WEINBERG, Excavations at Corinth, 1959, Hesperia 29, 1960, p. 235, pl. 60.b, c,d; J.S. Crawrorb, The Byzantine Shops at Sardis, Cambridge Mass. 1990, p. 73-74, 77, 132. 106. RussELL, Instrumenta (cité n. 4), p. 145. Le rapprochement entre les plaques-boucles et les mercenaires barbares, les federati, est di a E. A. Ivison, Burial and Urbanism at Late Antique and Early Byzantine Corinth (c. 400-700), dans Towns in Transition, éd. N. CHRISTIE et S. T. LOSEBY, Aldershot 1996, p. 116-119, et & MARTINI, STECKNER, Gymnasium (cité n. 8), p. 133-136. 107. RUSSELL, Instrumenta (cité n. 4), p. 145 ; LiGHTFOOT, Belt buckles (cité n. 5), p. 81-82 108. Des inscriptions funéraires d’ Aphrodisias, de Korykos et de Sardes, nous informent que la confection de Apcixta: était un métier a part entiére pendant I’époque protobyzantine, voir RUSSELL, Instrumenta (cité n. 4), p. 146, n. 58. 109. On trouvera des interprétations intéressantes sur ce sujet dans l'étude de A. CUTLER, Art in Byzantine Society: Motive Forces of Byzantine Patronage, JOB 31/2, XVI. Internationaler Byzantinisten- kongress, Wien 1981, p. 772-776. Fig. 2 Fig. 3 Fig.4 Fig. 5 Fig. 6 Fig.7 Fig. 8 Fig. 9 Fig. 15 Fig. 16 LES PLAQUES-BOUCLES BYZANTINES DE LILE DE CRETE (FIN f}-1X: SIECLE) 703 étudiée. L'apport du matériel archéologique est d’une importance significative pour la connaissance de cette période de Byzance’, L’étude des sites protobyzantins (Gortyne, Eleutherna, Pseira....) et du matériel que l’on y a retrouvé révéle quelques aspects de la vie quotidienne pendant la période envisagée. La présence de plaques- boucles de types et de qualités divers (en bronze, en or) dans les différents sites de Tile de Créte peut étre lige a la présence des dignitaires (de I’armée, de l’adminis- tration...), présence également indiquée par les sceaux des vir et vur' siécle qui ont été mis au jour 4 Eleutherna, mais aussi ailleurs en Crete". La présence des digni- taires dans les villes du vir siécle était, selon J. Haldon, un phénoméne général, expliqué par les changements de structure des villes qui ont lieu dans ces années". Certaines garnitures de ceintures, en Créte comme ailleurs, étaient des dépéts funéraires ; l'étude du contenu de ces tombes montre des phases d’inhumations successives et une diversité de dépéts funéraires ; ces deux constatations nous permettent de comprendre que I’ensemble de la population d’un site fut enterré pour une longue série d’années dans le cimetiére local. L’emplacement des tombes, trés souvent dans les églises ou dans des endroits dont la fonction était différente (Eleu- therna : nefs de la basilique, atrium nord et sud, voie principale de la cité, église tétraconque ; Gortyne : tombes autour des habitations), va de pair avec la consta- tation que dans les cités du vir sigcle grand nombre de batiments ou d’espaces publics changent de fonction". La découverte des plaques-boucles, surtout celles des types tardifs, en contexte avec des monnaies, des sceaux ou de la céramique — dont nous relevons peu a peu les caractéristiques — nous aide a dater les couches tardives de ces sites que lon n'a pas abandonnés pendant le vit sigcle. A Gortyne les habitants continuérent & vivre dans la cité, ott les potiers n’ont pas cessé leur activité tout au long du vur siécle. Cest apres le séisme de 796 qu’ils se retirent sur les hauteurs de l’ancienne acropole'"*. A Eleutherna, méme si une partie de la population cesse d’habiter le nucleus de la cité romaine (secteur 1) au début du vu siécle, les traces d’habitations sur les collines avoisinantes (secteur II) indiquent que la majorité d’entre eux continua A cultiver la terre, dont les produits ont été transportés dans les amphores du type « byzantin », datées de la fin du vir au 1x sigcle, et que les potiers poursuivirent leur activité, en 110. J.-P. SopiNi, La contribution de M'archéologie & la connaissance du monde byzantin (iv vr sigcles), DOP 47, 1993, p. 139-184 ILL. Voir n.21. Pour le sceau du vir s. (#otewod dnd dndtov), voir EdevBepve. (cité n. 13), p.172,n’ 59. Sur ce sujet voir aussi D. TsouGaraKis, The Byzantine Seals of Crete, DOP 1990. p. 137 152, 112. J. F. HALDON, Byzantium in the seventh century. The transformation of a culture, Cambridge 1990, p. 97-99 ; Ip., The idea of the Town in the Byzantine Empire, dans The idea and Ideal of the Town between Late Antiquity and the Early Middle ages, éd. P. BROGIOLO et B. WARD-PERKINS, Leyde, Boston et Cologne 1999, p. 19. 113. J. RusseLt, Transformations in Early Byzantine Urban Life: The Contribution and Limitations of Archaeological Evidence, The 17th International Byzantine Congress, Major Papers, New York 1986, p. 144, 147, RUSSELL, Instrumenta (cité n. 4), p. 138 ; HALDON, Sevensh century (cité n. 112), p. 108. 114. A. v1 Vita, Il Pretorio fra il I secolo a.C. e I'VIIT d.C., dans Gortina V. 1. Lo scavo dei Pretorio (1989-1995), éd. A. DI Vita, Padoue 2000, p. 35-74. | a 704 NATHALIE POULOU-PAPADIMITRIOU, adoptant méme des techniques nouvelles comme la glagure'’. Enfin, a Pseira, dont Vemplacement sur les voies maritimes est-ouest est a noter, la diversité de la poterie datée de la fin du vir au début du 1x siécle indique une petite communauté ouverte aux contacts et aux échanges du monde égéen. Ces témoignages d’une vraie impor- tance nous font déduire que, aussi bien dans les cités au centre de ’ile que dans les sites sur les c6tes et les ilots, la vie a suivi son cours tout au long du vir s., et, dans certains cas, du Ix* s. aussi. Néanmoins tout ce que les sources sont incapables de décrire est entrevu par l'étude des indices archéologiques : 4 partir du vir siécle dans les villes de Créte, on observe les mutations qui, ressenties dans la plupart des villes de I'Empire, sont caractéristiques du passage de I’antiquité tardive au haut Moyen Age ; les structures d’organisation des villes, ot la présence de dignitaires est incontestable, sont en train de changer, son nucleus post-romain se restreint, grand nombre d’espaces changent de fonction ou sont abandonnés'"’. En méme temps les habitants, dont le mode de vie change aussi, en adoptant de nouvelles techniques de fabrication de poterie comme de nouvelles habitudes vestimentaires, s’adaptent aux nouvelles conditions de vie. La contribution de la culture matérielle s’est néanmoins avérée déterminante pour permettre ces remarques. 115, PouLoU-ParabimiTRioU, Butavtwvi} kepaytixr (cité n. 23), p. 236-240, 245-248, fig. 34, 7-12 21-24; N. POULOU-PAPADIMITRIOU, H eguadopévn Kepaurxr. Néa ctorzeia ya THY enedivion ts eovdhweng oto Butdvto. dans MpwroButaveivr} Exev@epver (cité n. 11), p. 208-226, 116, RUSSELL, Transformations (cité n. 113), p. 147.

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