Le paradoxe historique du problme de la mtaphore est qu'il nous atteint travers une discipline qui mourut vers le milieu du xixe sicle, lorsqu'elle cessa de figurer dans le cursus studiorum des collges. Ce lien de la mtaphore une discipline morte est une source de grande perplexit; le retour des modernes au problme de la mtaphore ne les voue-t-il pas la vaine ambition de faire renatre la rhtorique de ses cendres? Si le projet n'est pas insens, il peut paratre convenable d'en appeler d'abord celui qui a pens philosophiquement la rhtorique, Aristote. De sa lecture nous recevons, au seuil de nos entreprises, quelques avertissements salutaires. D'abord, le simple examen de la table des matires de la Rhtorique d'Aristote atteste que ce n'est pas seulement d'une discipline dfunte que nous avons reu la thorie des figures, mais d'une discipline ampute. La rhtorique d'Aristote couvre trois champs : une thorie de l'argumentation qui en constitue l'axe principal et qui fournit en mme temps le nud de son articulation avec la logique dmonstrative et avec la philosophie (cette thorie de l'argumentation couvre elle seule les deux tiers du trait) une thorie de l'locution , et une thorie de la composition du discours. Ce que les derniers traits de rhtorique nous offrent, c'est, selon l'heureuse expression de G. Genette, une rhtorique restreinte l , restreinte d'abord la thorie de l'locution, puis la thorie des tropes. L'histoire de la rhtorique, c'est l'histoire de la peau de chagrin. Une des causes de la mort de la rhtorique est l : en se rduisant ainsi l'une de ses parties, I. Grard Genette, Rhtorique restreinte , Communications, 16, Puis, d. du Seuil, 1970.