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METHODE
LJEAN- CHRISTOPHE CHADANSON | CAROLINA MARTINEZ TABARES
Changer sa mobilité pour changer la mobilité
Linvitaion peut surprendre et pour-
tant elle répond 3 une nécessit celle
de penser local pour penser global
Moins utiliser son automobile at profit
autres modes plus durables représente
le «prix» individuel & payer si nous
voullons atteindrelocalement les objec-
‘if francais de réduction des émissions
de gaz 3 effet de serre. En elle, déve~
lopper un réseau de tramway et de bus,
construire des pistes cyelables sont des
conditions nécessaires mais pas suffi-
santes pour wansformer notre modele
de mobilité. [és villes européennes
comme Karlsruhe, Copenhague, Bern
fou Zurich se situent au #palmares »
des cités écomobiles parce quelles pré-
sentent des offres de mobiliés alter-
natives 3 la voiture et des politiques
réduisane sa place mais aussi pace que
leurs habitants ont une mobilité plus
durable qu’en France. Nos wisins alé-
rmaniques acceptent généralement des
ddurées plus élevées de déplacement &
vélo, 2 pied ou en transport collectf
Levocation d'une différénce culurelle
pour expliquer cette situation est un
peu simpliste. Le role des pouvoirs
publics nest pas neutre, notamment
parce quils peuvent inciter 3 des chan
gements de comportements.
Quelques agglomérations francaises
cont dja mis en place des démarches
de marketing de la_mobilité. Elles
Sappuient sur des outils de communi
cation et dinformation qui sadressent
aux usagers et les inctent 2 changer
leurs comportements (mode de trans-
port, horaires, activités, localisation...)
Usilisées depuis de nombreuses années
dans les transports collectifs, elles
fidélisent les clients d'un réseau et en
attirent de nouveaux autour d'zctions
{qui portent sur des mesures incitatives
(promotion, tarification), de la com-
‘munication (publicité, événements), de
information multimodale et du mar-
keting individuel.
Design de services
tt psychologie de l'engagement
Parmi ces différentes actions, celles qui
concernent le marketing individualisé
iéritent une attention particuliére car
elles ciblent la question du comporte-
‘ment. Cette technique vise & contacter
chaque individu et 4 comprendre les
raisons qui influencent ses choix d'iti-
néraires, sa connaissance des modes
alternatifs & la voiture et les réticences
a leur utilisation
Ces démarches sont peu développées
dans les agglomérations francaises, sans
doute parce quélles offrent un niveau
de visbilité moindre par rapport 3 la
réalisation @'équipements et dinfras-
tructures de mobilité. La faible repro-
uctbilité de ces démarches est aussi
Gvoquée. Pourtant, deux méthodes
complémentaires 4 celles habituelle-
‘ment mobilisées pourraient palier ces
inconvénients : Ie design de services et
la psychologie sociale dt engagement.
Lapproche du design de services est
basée sur tne description trés fine de
Ja manitre de penser et de percevoir
dun usager. Elle utilise différentes
techniques afin de décrire Yexpérience
des fucurs utilisateurs et notamment
les dispositifs matériels et immatériels
(signalétique, jalonnement, sites web,
etc) au service d'une compréhension
de Pinformation
approche de la psychosociologie de
engagement est quanta elle basée sur
Tidée que Ia communication ne suffit
pas 2 faire changer le comportement
des usagers. C'est Texpérimentation
dun autre comportement qui va pro-
gressivement amener Pusager vers le
changement. La question posée est la
suivante : « Quels sont les actes qui vont
permettre dexpérimenter tun compor-
‘ement différent et de le transformer en.
engagement plus définitif ?»
Ce nest pas ce que Fon pense qui induit
ce que fon fait ;au contraire, cestce que
Ton fait qui engendre ce que Ton pense.
‘Ainsi, daprés les tenants de la psycho=
logie sociale de Yengagement, la com-
‘munication et la sensibilisation ont pew
de chance 3 elles seules de se tradui
par un réel changement tant que cer-
taines conditions ne sont pas remplies.
La premitre dentre elles est dinserire
individu dans un contexte de liberté,
Cest-a-dire d'inviter Pindividu a choisir
«librement » son changement de com
portement.-La seconde consiste & pro=
poser un acte qui engage peu, qui cotte“nN
sO ™
MOTIVER
peu. Ce dernier prépare un second acte
Qui engagera davantage este principe
du «pied dans la porte» A ce stade, i
test alors possible dexposer la personne
3 des arguments persuasifs. On parle de
‘communication engageante»
Appliquée au projet actuel de Plan de
Déplacements Urbains de la métropole
bordelaise, ces théories ont permis de
dégager un ensemble actions dont
celle dite des «pionniers de la mobili.
Pionniers de la mobilite’ :
sensibiliser, expérimenter, changer
Cette démarche a &€ mise en place
pour offrir A un maximum de per-
sonnes opportunité de tester pendant
tune péfiode une autre figon de se
déplacer grace & son engagement per
sonnel. Plusieurs étapes la composent.
La premitre consiste 2 rencontrer des
habitants dans le cadre d'ateliers durant
lesquels il leur est proposé de décrire et
évaluer leur itinéraire quotidien du
domicile vers le travail, den analyser le
colt (frais de carburants, prix d'achat
du véhicule), son incidence environne-
mentale et sa vitesse. Un débat permet
‘ensuite d'évoquey les freins personnels
et les leviers mobilisables dans Top-
tique dune évolution vers un mode de
déplacement plus durable (covoiturage,
transports collectifs, vélo, marche 3
pied), Cette demande, facile & acceptet,
PEs naire eb
‘err dann oe =
‘reer nie nian
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meTHODE
EXPERIMENTER
porte sur Tévaluation de son parcours.
Elle est suivie d’une implication plus
coliteuse : Sengager a modifier sa pra~
tique de déplacement. Cette seconde
Gtape Sachéve lors de cette réunion, par
Ih formalisation engagements de la
parede ceuxcquiacceptent dexpérimen-
ter, pendant une durée donnée, une
autre manitre de se déplacer quotidien-
nement, devenant ainsi «les pionniers
de la mobilité », Ces volontaires signent
tune charte d’engagement personnel.
La troisitme étape est celle du test pen-
dant loquel les pionniers expérimentent
autres trajets, de nouveaux moyens
de transports et, éventuellement, des
hhoraires différents. Crest le temps de
appropriation d'une pratique nouvelle
La quatritme étape est celle du bilan
Elle est décisive car une expérience
positive se transforme souvent en pra
tique habituelle. Au final, Taction est
fondée sur trois principes : sensibiliser,
cexpérimenter et changer
Ainsi, deux défis sont 3 relever. Le pre~
ier est de nature méthodologique : il
serait pertinent de construire une intel-
ligence collective associant les savoirs
des différents acteurs et professionnels
du changement comportemental que
sont les psychosociologues, les desi-
gners de service, les spécialistes de la
concertation et ceux de la mobilité. Le
second est de nature organisationnelle
il faudrait former des professionnels,
définir des objectfs (en nombre d'habi-
tants & solliciter pour patticiper 3 cette
FAIRE
LE BiLAN
expérimentation de lécomobilité ou
encore, en parts modales faire évoluer)
et affecter un budget 3 cette nouvelle
politique publique qui doit également
Sarticuler avec les politiques inves
tissement, par exemple en infrastruc-
tures de transports, avee les nouveaux
services et les autres mesures visant &
engendrer des comportements plus
vertueux
itcwrrages