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Genre, sexualité & société 1 | Printemps 2009 Lesbiennes Dossier Savoirs et points de vue situés De « On ne nait pas femme » a « On n’est pas femme ». De Simone de Beauvoir a Monique Wittig Naracua CHErcuti Résumés Frangais English A partir de la formule de Simone de Beauvoir « On ne nait pas femme, on le devient » et de celle de Monique Wittig « On n'est pas femme », cet article se propose de revenir sur la notion de « devenir femme » et ainsi de rendre compte de I’élaboration des catégories de sexe au ceeur du systme social de Ihétérosexualité normative. Analyser en les comparant les textes de Beauvoir et Wittig permet d'interroger le présupposé de la différence des sexes comme ‘modale cognitif ct son maniement dans les études sur le genre et celles sur hétérosexualité et Thomosexualité. Quelle voie dans la conquéte du statut d'humain pour des sujets en devenir : la « masculinité » comme forme de mise A distance du conditionnement femme ou la redéfinition du principe de Taltérité par la dénaturalisation des rapports entre sexe et genre ? Revisiting the two famous quotes from Simone de Beauvoir's “One is not born, but becomes a woman” and Monique Wittig’s “Lesbians are not women”, this article aims to discuss the concept of becoming woman. It analyzes how gender categorization is constructed in a heteronormative social system. Analyzing both Beauvoir's and Wittig’s works, I recall the general assumption about sex differentiation, and question the way it is used in studies on gender, homosexuality and heterosexuality. How can subjects reach human status? By using masculinity to distance themselves from female conditioning or by denaturalising the sex/gender divide? Entrées d’index Mots-clés : sujet, femme, lesbianisme, genre, hétérosexualité Keywords : subject, woman, lesbianism, gender, heterosexuality Texte intégral Les prémices du constructivisme C'est dans la partic « Formation » du Deuxiéme Sexe, écrit en 1949, au chapitre « Enfance »*, que l'on trouve la trés célébre formule de Simone de Beauvoir : « On ne nait pas femme, on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revét au sein de la société la femelle humaine ; cest l'ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le male et le castrat qu'on qualifie de féminin ». (Beauvoir, 1976, 13) Cette formule opére une rupture avee les textes médicolégaux et psychiatriques du XIXe sidcle, qui ont établi Yadéquation entre sexe biologique et construction des catégories hommes et femmes. Autrement dit, Simone de Beauvoir, aprés la parution de Macurs et sexualité en Océanie de Margaret Mead en 1935, met en doute les classifications naturalistes du sidcle précédent, qui laissaient supposer qu’a male et femelle correspondaient, a travers des réles et des pratiques spécifiques, le masculin et le féminin, définis par une surdétermination biologique. Ces travaux ont inauguré un changement dans les sciences humaines, en remettant en cause le déterminisme biologique fondé sur une opposition nature/culture, inné/acquis, et ont ouvert Ia voie A ce que l'on appelle aujourd'hui le constructivisme dans les études sur les rapports sociaux de sexe. Ces analyses ont été également a l'origine des critiques soulevées par les mouvements et les théorisations féministes contemporains, qui ont décrit et analysé les diverses formes d’exploitation que subissent les femmes, tant dans la construction collective et individuelle des corps que dans Yorganisation sociale de Yespace domestique et public. Les études francaises issues du féminisme matérialiste s'attacheront, dés les années 1970, a la critique de la naturalisation® des réles féminins et masculins Guillaumin, 1978 ; Mathieu, 1989, 2000). Ces analyses ont révélé que le rapport social se construit autour du marqueur de sexe et opére ainsi un classement entre les individus qui, en les hiérarchisant, justifie le rapport de domination des hommes sur les femmes. ‘Tout comme le marqueur couleur de peau justifie une autre division sociale des individus®. Ces évolutions théoriques ont permis de montrer que ce n'est pas le sexe biologique qui fait dun son genret social, -dire une construction arbitraire et sociale des représentations des réles propres aux hommes et aux femmes, résultats de rapports de pouvoir (Seott, 1988). ‘Toutefois dans le domaine des recherches sur les rapports sociaux entre les sexes, certains auteurs s'interrogent sur utilisation dela notion de genre parce que, d’une part, son usage reléguerait le sexe 4 un registre biologique invariant et réduit & Vanatomie. D’autre part, le maniement de la notion de genre aurait tendance & neutraliser, en la masquant, la relation de domination régissant les rapports entre les sexes (Devreux 2004 ; Hurtig, Kail, Rouch, 2002 ; Mathieu, 19895 ; Tahon, ju un homme ou une femme mai crest 2004). Devenu un outil d’analyse au cours des vingt demiéres années, le genre indique désormais « un rejet du déterminisme biologique implicite dans Pusage de termes comme “sexe” ou “différence sexuelle”. Le “genre” souligne également l'aspect relationnel des définitions normatives dela féminité » (Scott, 1988, 126). Beauvoir et le conditionnement a Phétérosexualité Dans le chapitre consacré a l'enfance, Simone de Beauvoir analyse la maniére dont les enfants deviennent les unes un « étre femme », les autres un « étre homme ». Dans sa démonstration, elle insiste sur la socialisation des petites filles, montrant que le « devenir femme » se construit en référence au masculin et que le statut de Yétre femme s'acquiert, dans son aboutissement, par la pénétration d’un sexe homme, la maternité et le mariage. « est une étrange expérience pour un individu qui s'éprouve comme sujet, autonomie, transeendance, comme un absolu, de découvrir en soi titre essence donnée Vinfériorté : est une étrange expérience pour celui qui se pose pour soi comme I'Un d’étre révelé a soi-méme comme altérité. C'est Ii ce quilarrive ala petite fille quand faisant 'apprentissage du monde elle s'y saisit comme une femme. La sphére a laquelle elle appartient est de partout cenfermée, limitée, dominée par Vunivers male : si haut qu'elle se hisse, si loin quelle saventure, ily aura toujours un plafond au-dessus de sa téte, des murs qui barreront son chemin, » (Beauvoir ibid. 52) Elle critique un systéme social of Autre du masculin est le féminin qui en plus d'étre censuré et nié n'est pas considéré comme le tout, alors que 'Un, les hommes sont des étres a part entire et ce dés la premiére socialisation, Par voie de conséquence, la catégorie homme constitue en elle-méme l'ensemble, Elle constate: «Chez la femme ily a, au départ, un conflit entre son existence autonome et son étre autre ; on lui apprend que pour plaire il faut chercher A plaire, il faut se faire objet; elle doit done renoncer A son autonomie ». (Beauvoir, ibid., 30) « L'un symbolise a virlité, Pautre la féminité : Cest parce que la féminité signifie altérité et infériorité que sa révélation est accueillie avec scandale », (Beauvoir, ibid, 75) Le moment de la puberté marque ce que Beauvoir appelle le « verdict de I’étre femme » dans le formatage de ce devenir femme : « la souillure menstruelle incline vers le dégoiit et la peur. “Voila done ce que signifient ces mots : étre une femme !” » (Beauvoir, ibid., 75). Nous devons a Simone de Beauvoir une magistrale avancée de la pensée, mais son analyse comporte un point aveugle : son impossibilité de penser un au-dela de la catégorie femme. En effet, pour la philosophe, il est un élément fondamental dans ce qui détermine les relations entre les sexes, cest le principe de Valtérité. Dans la fe beauvoirienne, les modéles fémi perspeet acquis, semblent indépassables. La contradiction de Beauvoir se situe dans son analyse du devenir adulte, od Vindicateur de temporalité prend toute son ampleur et od Vauteur semble faire retour & un essentialisme, remis en cause initialement dans la dé/naturalisation qu'elle propose du rapport social sexe/genre et de la catégorisation par le sexe. En in et masculin, malgré leur caractére effet, pour Beauvoir, le devenir adulte passe par une forme naturelle de sexualité qui fait de Phétérosexualité le stade supérieur dans V'ordre de la sexualité humaine. Ce devenir obligatoire s‘atteint par Vaccés a Phétérosexualité reposant sur la dualité ‘masculin/féminin incontournable. On trouve par exemple une illustration de ce point de vue dans le chapitre « Enfance » ot elle évoque les amitiés entre adolescentes qu'elle pergoit comme transitoires, jetant ainsi le discrédit sur ce qu'elle ne considére pas comme normal, & savoir toute relation non conforme a l'impératif hétérosexuel. On peut dire que chez Beauvoir l'hétérosexualité est naturalisée, car méme si elle instaure une critique du biologisme, la philosophe n’échappe pas au discours doxique qui lie une certaine forme de déterminisme psychique de la masculinité et dela féminité au principe ontologique de Vhétérosexualité. Cette ambivalence s'illustre particuligrement dans les quelques pages consacrées & « la lesbienne » of Beauvoir oppose la femme normale (done hétérosexuelle) & « Finvertie », « la virago », « 'homosexuelle » ou encore « la lesbienne »6, Lanalyse beauvoirienne du lesbianisme met en avant une position doxique androcentrée, que je vais présenter en quatre points : 1, Beauvoir présente les relations entre lesbiennes comme le résultat de l'absence ou deéchee des relations hétérosexuelles (Couillard, 1999). 2. Elle ne peut concevoir 'homosexualité que comme une relation entre deux mémes od chacune des protagonistes ne serait que le miroir de autre. « Crest seulement quand ses doigts modélent le corps d'une femme dont les doigts modélent son corps que le miracle du miroir s'achéve. Entre homme et la femme 'amour est un acte ; chacun arraché a soi devient autre : ce qui émerveille Tamoureuse, c'est que la langueur passive de sa chair soit reflétée sous la figure de la fougue virile ; mais la narcissiste dans ce sexe dressé ne econnait que trop confusément ses appats. Entre femmes l'amour est ‘contemplation ; Ies caresses sont destinées moins a s'approprier T'autre qu'a se reeréer lentement & travers elle ; la séparation est abolie, il n'y a ni lutte, ni victoire, ni défaite ; dans une exacte réciprocité chacune est dla fois le sujet et objet, la souveraine et lesclave ; la dualité est complicité », (Beauvoir, ibid., 207-208) Crest sur ce point qu'intervient la dimension de la temporalité évoquée plus haut ; pour Beauvoir, 'homosexualité n'a de sens que comme partie intégrante — mais qui doit rester passagére sous peine de stagnation a l'état d'immaturité - du processus de construction du sujet, puisque le statut d’adulte ne peut s'acquérir que dans la relation l'autre, 'alter ne pouvant étre que Vhomme face a la femme. « Chez les femmes physiologiquement normales elles-mémes, on a parfois, prétendu distinguer les “citoridiennes”, et les “vaginales”, les premidres étant vouées aux amours saphiques ; mais on a vu que chez toutes lérotisme infantile est clitoridien ; qu’il se fixe & ce stade ou se transforme ne dépend aucune donnée anatomique ». (Beauvoir, ibid., 194) Elle catégorise les lesbiennes dans un dispositif binaire’. Les féminines, parce qu’elles ont peur des hommes, sont restées A l'état de fixation infantile. Cet état Les masculines, elles, veulent imiter Vhomme ou encore Végaler : s’affranchissant des « entraves qu'implique la illustre une forme d’inachévement du soi, féminité », « la femme virile » choisit de répudier son sexe, affirme Beauvoir. Dans les deux cas, comme le souligne Marie Couillard (1999, 2), « la » lesbienne « se retrouve enfermée, par un processus d’attribution od sexe et genre sont souvent confondus ». 3. Lhomosexualité est uniquement considérée comme une perversion érotique, une 6 6 sexualité agressive qui ne peut pas trouver son épanouissement avec un corps homme. De fait selon Beauvoir, les lesbiennes se trouvent face a des difficultés érotiques qu’elles doivent sans cesse surmonter. 4, Enfin, Beauvoir catégorise les lesbiennes dans une dualité de genre qui les fige dans une stéréotypie de personnages : virilité versus féminité. Cette détermination des r6les ne s‘applique pas de la méme fagon selon que Beauvoir traite de « la » lesbienne ou des femmes dans T'hétérosexualité. Alors que dans le couple homme/femme cette dualité semble s‘inscrire dans une authenticité inhérente au cadre naturel hétérosexuel, elle situe les lesbiennes dans un schéma ot ce couple opposition de genre semble étre une récupération des représentations sociales, qui n'est en fait qu’une mise en scéne, un travestissement dela détermination biologique des réles de sexe. On pourrait dire que les lesbiennes, pour auteur, se situent dans une opposition des dualités : réel us. imaginaire et vrai us. faux. En fait, « la » lesbienne chez Beauvoir est, selon le terme de Couillard (1999), « une figure ex- centrique » triplement marginalisée : par sa non-conformité & son devenir/étre femme, par sa dé/conformité corporelle (corps disgracieux) et par un déséquilibre psychique que justifierait sa situation d’opprimée (sensation d’infériorité). « Une personne douée d'une vitalité vigoureuse, agressive, exubérante souhaite se dépenser activement et refuse ordinairement la passivité isgraciée, malformée, une femme peut essayer de compenser son infériorité ‘en acquérant des qualités viriles; si sa sensibilité érogene n'est pas développée, elle ne désire pas les caresses maseulines. Mais anatomie et hormones ne définissent jamais qu'une situation et ne posent pas objet vers lequelcelle-ci sera transcendée ». (Beauvoir, ibid. 193) Dailleurs dans le chapitre consacré A Venfance, Beauvoir oppose, dans la construction du devenir, les femmes normales qui sont dans une féminité authentique en cours d’adultisation® et les homosexuelles féminines qui restent en Vétat d'immaturité, n’échappant pas aux catégories de sexe ; les lesbiennes féminines restent dans une situation d’inaccomplissement, perdant ainsi tout statut a’humanité. En ce qui conceme ’« inclination virile », selon les termes beauvoiriens, elle peut parfois conduire a « une vocation lesbienne » ou a inversion (Beauvoir, ibid., 193). Le « travestissement > dans un personage vitil dans ladolescence peut engendrer une future orientation sexuelle lesbienne. Toutefois, 1a philosophe note le caractére non systématique de ce processus. « Mais il ne faudrait pas conclure que toute invertie est un “homme cach sous des formes trompeuses. [...] Sous linfluence d’hormones miles, les, femmes “viriloides” présentent des caractéres sexuels seoondaires masculins ; chez les femmes infantiles les hormones femelles sont déficientes et leur développement demeure inachevé. Ces particularités peuvent motiver plus ou moins directement une vocation lesbienne ». (Beauvoir, ibid., 193) Plus tard, toujours dans les lignes consacrées a « la lesbienne », elle affirme : « Cest en partie pour répudier toute complicités avec elles [les compagnes soumises] qurelle [la lesbienne masculine] adopte une attitude masculine ; elle travestit son véetement, son allure, son langage, elle forme avec une amie féminine un couple od elle incarne le personage male: cette comédie est, en cffet, une “protestation virile” ; mais elle apparait comme un phénoméne secondaire ; ce qui est spontané, c'est le scandale du sujet conquérant et souverain aT idée de se changer en une proie charnelle ». (Beauvoir, ibid., 200) 2» a Beauvoir présente sur ce point une ambiguité : alors que, dans le chapitre « Enfance » elle montre que l'on apprend aux enfants a « jouer a étre », a « jouer a faire », que le devenir « femme » et « homme » serait le fruit d’accomplissements imaginaires répondant aux demandes sociales, lorsqu'l s‘agit du lesbianisme, elle n'applique pas le méme raisonnement puisqu'elle oppose authenticité et inauthenticité, normalité et a/normalité. Que serait donc 'authenticité du genre ? ¥ aurait-il un ou des genres authentiques ? Pour Beauvoir, 'authentique se situe du cété de la revendication du sujet dans son désir souverain de liberté (justement ce qu’elle applique aussi a « la » lesbienne masculine), qu'elle oppose au désir inauthentique, identifié & la démission, la passivité et la fuite, Pour auteur, les femmes, mémesi elles appréhendent le devenir qui leur est imposé, ne peuvent que eéder aux impératifs sociaux acceptant sa passivité, elle [la femme] accepte aussi de subir sans résistance un destin qui va lui étre imposé du dehors, et cette fatalité V'effraie » (Beauvoir, ibid., 53). Quen est-il pour Beauvoir de organisation sociale de la sexualité qui situe les femmes en référence A la norme masculine ? Malgré son analyse de la socialisation du féminin construit pour étre au service de ordre masculin, pour auteur, il n'y a pas d'alternative au « devenir ferme », puisque V’équilibre de la société se maintient par la relation et Valtérité entre les deux catégories de sexe/genre. Beauvoir a dénoneé le conditionnement des femmes comme résultant dune construction idéologique au service d'une pensée androcentrée. Sa remise en cause, que l'on peut qualifier de constructiviste, est toutefois limitée par la notion du devenir femme. Pour Beauvoir, le devenir femme est un accomplissement quasi ontologique, non récusable et en référence a la catégorie homme. De plus, ne discutant pas le statut de Vhétérosexualité dans toutes ses dimensions — sociale, culturelle, économique, politique —, elle maintient l'idée que la dualité des catégories de genre est la source de l'équilibre du psychisme humain, Cette restriction de point de vue se manifeste lorsque Beauvoir décrit les processus de socialisation et d'apprentissage de la virilité chez les jeunes garcons : « Certains choisissent obstinément la féminité, ce qui est une des maniéres de s'orienter vers 'homosexualité » (Beauvoir, ibid., 17). Quelques phrases plus loin, dans le chapitre consacré a « la lesbienne », la lectrice ou le lecteur peut lire : « L’homme méme ne désire pas exclusivement la femme ; le fait que Vorganisme de 'homosexuel male peut étre parfaitement viril implique que la virilité d'une femme ne la youe pas nécessairement a l’homosexualité » (Beauvoir, i 193). Beauvoir distingue done la sexualité et le genre & propos de Phomosexualité. Cette distinetion confirme la pensée de Beauvoir concernant « la lesbienne virile » puisque le sujet conquérant et souverain s'applique seulement a « la » lesbienne masculine dans son désir absolu de liberté, les lesbiennes féminines restant toujours définies par leur sexe d’appartenance. Enfin, lorsque Beauvoir parle de Vhomosexuelle masculine, cette demigre est systématiquement renvoyée a la classe de sexe générale : homme = humain. Se conduire en étre humain dans 'approche beauvoirienne, c'est s'identifier comme sujet souverain done finalement « au male ». On pourrait done voir chez Beauvoir un début de distinction entre genre et sexualité, puisqu’elle reconnait la capacité & conquérir Je statut d’humain aux lesbiennes « viriles ». A propos du port de la ité de certaines lesbiennes, elle précise : « Blle ne veut pas renier sa revendication d’étre humain'®; mais elle n’entend pas non plus se mutiler de sa féminité » (Beauvoir, ibid., 200). « mais en 2% En ce qui conceme le plan de la stricte sexualité lesbienne, il est intéressant de constater que Beauvoir opére un déplacement de la pensée doxique. En effet, pour Vauteur, la sexualité homosexuelle est une « spécification féminine ». Alors que la philosophe nous a démontré que le processus de conditionnement de la catégorie femme et son aliénation est lié au principe de masculinitg, il n'existe done pas de sexualité féminine puisque la sexualité hétérosexuelle se construit en référence at masculin. Serait-ce que la sexualité lesbienne briserait la définition de la sexualité androcentrée, puisque « seule la lesbienne posséderait® une libido aussi riche que celle du male, elle serait donc un type féminin “supérieur” » (Beauvoir, ibid., 195) ? 2 Qu'en est-il chez Beauvoir de la conquéte du statut d’humain — centre méme de Yauthenticité du sujet - puisque ce demier est toujours réservé a une seule catégorie ? Serait-ce que les femmes pour Beauvoir seront toujours exclues du général, done toujours en devenir de, en devenir par, en devenir étre ? Wittig et la critique du devenir femme 24 Wittig écrit en 1976 The Category of Sex, article traduit et publié en frangais en 2001 sous le titre La catégorie de sexe. Elle y analyse la dimension politique de Vhétérosexualité et critique le présupposé de la différence des sexes qui structure la pensée de la différence en donnant un statut inné et a priori a Vhétérosexualité. Elle démontre que cette différence sexuelle qui émanerait du corps n'est que la justification d'une idéologie qui opére une classification arbitraire structurant le rapport de force inégalitaire entre les hommes et les femmes. La conséquence d'une pensée naturalisante considérant logique et inévitable la distinction entre masculin et féminin est d’entretenir le déséquilibre social de la répartition duu pouvoir entre hommes et femmes. Pour Wittig, la distinction entre homosexualité et hétérosexualité dépend de la distinction construite entre homme et femme et féminin/masculin, cette distinction étant la base de la société hétérosexuelle. « La catégorie de sexe est une cat6gorie politique qui fonde la société en tant qu’hétérosexuelle. En cela, elle n'est pas une affaire d’étre mais de relations| (car les “femmes” et les “hommes” sont le résultat de relations). La catégorie de sexe est la catégorie qui établit comme “naturelle” la relation qui est la base de la société (hétérosexuelle) et & travers laquelle la moitié de la population — les femmes ~ sont “hétérosexualisées” [...] et soumises & une économie hétérosexuelle ». (Wittig, 2003, 46) 25 Pour Wittig, le changement social ne pourra s'opérer que si ’on abolit Vutilisation de la catégorie de sexe comme outil de perception du social. En outre, V'annulation dela catégorie de sexe supprimerait la bipolarité homosexualité/hétérosexualité, conclut son article par ces mots : « Ia catégorie de sexe est une catégorie totalitaire [...J. Elle forme Tesprit tout autant que le corps puisqu’elle contréle toute la production mentale. Elle posséde nos esprits de telle mani@re que nous ne pouvons pas penser en dehors d’elle. C'est la raison pour laquelle nous devons la détruire et ‘commencer a penser au-dela d’elle si nous voulons commencer & penser vraiment, de la méme manidre que nous devons détruire les sexes en tant que r6alités sociologiques si nous voulons commencer a exister ». (Wittig, ibid 49) 2 Ainsi que le précise Claire Michard : comme « Ia tres justement relevé Guillaumin ..], Wittig ne produit pas & proprement parler un discours critique de la pensée a naturaliste et de ses catégories : “sexe ”, “genre”, “femme”, “homme’, “différence”, “hétérosexualité”, mais le discours de leur destruction. Une guerre est menée pour libérer le discours de ces catégories » (Michard, a paraitre)", Critique de la catégorie femme Pour Beauvoir comme pour Wittig, le corps des femmes est programmé par Vintervention du social. Cependant Wittig se distingue de la formule beauvoirienne « On ne nait pas femme, on le devient » dans un article écrit trente ans plus tard, of elle énonce laphorisme suivant : « On ne nait pas femme »*4, En supprimant « on le devient », elle opére une rupture épistémologique. Dans une perspective matérialiste, Wittig démontre qu'il n’existe pas de groupe naturel « femmes » et remet ainsi en cause « la-femme », qui n’est selon elle qu'un mythe. C'est pourquoi 'auteur conteste la maniére dont certains courants féministes et lesbiens féministes ont repris la formule de Beauvoir en continuant de penser que la base de Poppression des femmes serait biologique autant qu’historique. «Certaines d’entre elles prétendent méme trouver leurs sources chez. Simone de Beauvoir. La référence au droit maternel et une “préhistoire” ot les femmes auraient eré6 la civilisation (8 cause d'une prédisposition biologique) tandis que Thomme brutal et grossier se serait eontenté daller & la chasse (& cause d'une prédisposition biologique) est la symétrique de interprétation biologisante de histoire que la classe des hommes a produite jusquiei. Elle reléve de la méthode méme qui consiste a chercher dans les femmes et les hommes une raison biologique pour expliquer leur division, en dehors de faits sociaux. Du fait que cette facon de voir présuppose que le commencement ou la base de la société humaine repose nécessairement sur Thétérosexualité, elle ne saurait pour moi étre au départ d’une analyse lesbienne/ féministe de oppression de femmes. Le matriarcat n'est pas moins hétérosexuel que le patriarcat : seul le sexe de loppresseur change. Cette conception, outre qu'elle reste prisonniére des catégories de sexe (femme et homme), maintient de plus idée que ce qui seul définit une femme, cest sa capacité de faire un enfant (biologie) ». (Wittig, 2001, 5253) Wittig se démarque des théories féministes en récusant le terme « femme ». Elle montre la nécessité de distinguer les femmes luttant pour les femmes en tant que classe sociale et pour labolition de cette classe et les femmes se battant pour « la » femme en tant que concept essentialiste, ce qui est de son point de vue une position anti-féministe, puisque la notion de femme est ce qui naturalise la subordination des femmes. Blle dénonce le mythe de « la » femme et son utilisation dans certains groupes de femmes ou féministes qui, en utilisant le point de vue du féminin comme valeur positive, renforcent ce mythe. La mythification de « la » femme, en entretenant un discours sur la différence, évacue la dimension politique contenue dans « les femmes ». A ce propos, Wittig éerit : « En 1949 Simone de Beauvoir détruisait le mythe de la femme. tly a dix ans, nous nous mettions debout pour nous battre pour une société sans sexes's, Aujourd’hui nous revoila prises au piege dans impasse familidre du “e'est merveilleux-d’@tre-femme”. En 1949 Simone de Beauvoir mettait précisément ‘en 6vidence la fausse conscience qui consiste & choisir parmi les aspects du mythe (que les femmes sont différentes... des hommes) ceux qui ont bon air et Ales utiliser pour définir les femmes. Mettre a Pceuvre le *cest merveilleux- d’tre-femme', c'est retenir pour définir les femmes les meilleurs traits dont Voppression nous a gratifiées (encore qu'ils ne sont pas si bons que ca), cest ne 2» 2 26 pas remettre en question radicalement les eatégories “homme” et “femme” qui sont des catégories politiques (pas des données de nature) », (Wittig, ibid., 56- 57) Critique du biologisme hétérosexuel et place du lesbianisme Le parcours obligé du devenir femme beauvoirien est remis en cause par Wittig qui place le lesbianisme en position d’alternative. Refuser de devenir ou de rester hétérosexuelle est un mode de résistance au devenir femme. Elle comparela fuite des lesbiennes hors du systéme hétérosexuel 4 la fuite des esclaves noits qui traversaient le Mississippi pour étre libres. Wittig appelle a amplifier cette fuite afin de détruire le rapport d’'appropriation constituant les sexes : « Notre survie exige de contribuer de toutes nos forces & la destruction de la classe - les femmes ~ dans laquelle les hommes s'approprient les femmes et cela ne peut s'accomplir que par la destruction de Vhétérosexualité comme systéme social basé sur loppression et Tappropriation des femmes par les hommes et qui produit le corps de doctrines sur la différence entre les sexes pour justifier cette oppression ». (Wittig, ibid., 56-57) Cet extrait explique la formule désormais célébre od Wittig déclare : « les lesbiennes ne sont pas des femmes » : « “lesbienne” est le seul concept [...] qui soit au-dela des catégories de sexe (ferme et homme) parce que le sujet désigné (lesbienne) nest pas’® une femme, ni éonomiquement, ni politiquement, ni idéologiquement » Wittig, ibid., 63). En effet, bien que subissant les effets de appropriation collective dees femmes — salaires inférieurs, agressions, viols, etc. — les lesbiennes échappent a appropriation privée par un homme. Si pour auteur les lesbiennes ne sont pas des femmes, c'est qu’elles échappent a appropriation privée « car [..] ce qui fait une femme, Cest une relation sociale particuliére & un homme, relation que nous avons autrefois appelée de servage, relation qui implique des obligations personnelles et physiques aussi bien que des obligations économiques (“assignation & résidence”, corvée domestique, devoir conjugal, production d’enfants illimitée, etc), relation & laquelle es lesbiennes échappent en refusant de devenir ou de rester hétérosexuelles ». (Wittig, ibid., 63) Wittig décrit comment, pour échapper & 'appropriation privée, il n'est pas possible de se situer comme « individu », mais comme : « transfuges & notre classe de la méme fagon que les esclaves “marron” américains Pétaient en éhappant Vesclavage » (Wittig, ibid., 63-64). Pour Vauteur, Varticulation entre une conscience de classe de sexe et Vobtention du statut de « sujet » n'est pas suffisante car « une conscience de classe ne suffit pas. Il nous faut comprendre philosophiquement (politiquement) les concepts de “sujet” ‘conscience de classe” et comment ils fonctionnent en relation avec notre histoire » Wittig, ibid., 61). Tl ne s'agit pas pour Wittig de proposer une société lesbienne ; le lesbianisme n'est pas une fin en soi, mais elle est la seule forme possible, pour le moment’, qui permette la destruction du systéme hétérosocial'®, Wittig situe les lesbiennes dans un ensemble de résistances aux diverses formes oppression, dans lesquelles elle situe les rapports d'esclavage, les rapports 2% a 2” capitalistes et les rapports de classes de sexe. Cette position de résistance individuelle et collective aboutirait a 'annulation des systémes de pouvoir. Pour Wittig, a la suite de Guillaumin et de son analyse de la naturalisation du sexe, il n'y a pas deux genres puisque les femmes sont le sexe : « le féminin porte la marque du genre et ne peut jamais étre au-dela des genres » (Wittig, ibid., 131), dans la mesure oi le genre « dit, & tort, masculin signifie fondamentalement 'humain en général » (Michard, a paraitre). Le lesbianisme n'est pas pergu comme une catégorie fixe mais comme porteur de l'avénement de la personne humaine, c’est-a-dire non genrée, non sexualisée, car non-incluse dans le contrat hétérosexuel reproductif. Wittig se saisit de 'utopie comme d'un outil heuristique permettant d’envisager la dynamique sociale et son changement. En proposant de penser au-deld de la catégorisation par le sexe qui fait que les femmes ne peuvent pas étre congues au- dela de cette catégorie’, elle met A distance la réalité présente et permet ainsi éviter de la penser comme naturelle, nécessaire, voire inéluctable. La rupture sociale imaginée par la proposition utopique wittigienne permet de repenser Vordre du réel et de rendre possible une rupture épistémologique dans Vordre de la pensée. Ainsi que V'écrit Paul Ricoeur, « la seule manigre de sortir du cercle dans lequel Vidéologie nous entraine cest @assumer une utopie, de la déclarer et de juger Vidéologie de ce point de vue » (Riccrur, 1997, 231). AY’époque du « pragmatisme » néolibéral, du formatage des esprits, dela culture du management, du « marketing du genre »2° ot la pensée rationnelle est refoulée au profit d’un marketing narratif™, oi les utopies des années 1968 sont renvoyées au domaine de Villusion, de Vinsensé, il est plus que nécessaire de nous saisir de Vutopie afin de pouvoir penser et étre critique face a un présent dés/enchanteur et ainsi creuser des espaces de résistances. Entre Beauvoir et Wittig, trente ans ont séparé les conceptualisations de ce qui n'avait jamais été interrogé auparavant : Cest-a-dire un systéme de sexualité dominant, 'hétérosexualité, qui a comme corollaire fondamental : le corps « féminin ». Un corps non existant, toujours peru comme Autre en référence au général : le masculin. Un corps qui a comme caractéristique le fait d’endosser la maternité comme essence/nature propre. Leeuvre de Simone de Beauvoir a influencé toute la premiére génération du féminisme contemporain, des années 1970, en permettant aux unes et aux autres, détablir un point de vue commun de lutte contre un systéme social fondé sur la domination des femmes par les hommes. Si Wittig appelle apres Beauvoir « universaliser le point de vue minorit (Wittig, 1982), alors que Beauvoir reste ambivalente en cherchant & « regagner » Te > pour atteindre Vhumanité, leurs travaux ont participé a la dénaturalisation et au questionnement du déterminisme biologique des catégories de genre, de sexe et de sexualité, Ils ont permis de questionner la supposée neutralité des sciences dans leur ensemble, reproduetrices d'une pensée doxique androcentrée, jusque-1A non soumise & Pépreuve des faits et de leur rationalité. Bibliographie Des DOT (Digital Object Identifier) sont automatiquement ajoutés aux références par Bilbo, Youtil d'annotation bibliographique d'Openkdition.. es utilisateurs des institutions abonnées a l'un des programmes freemium d’OpenEdition peuvent télécharger les références bibliographiques pour lesquelles Bilbo a trouvé un DOT, Format APA MLA Chicago Le service dexport bibliographique est disponible pour les institutions qui ont souserit & un des programmes freemium d'OpenEdition. Si vous souhaitez que votre institution souscrive & Tun des programmes freemium d'OpenEdition et bénéficie de ses services, écrivez 8: access @openedition.org, Atkinson Ti-Grace, 1975, Odyssée d'une amazone, traduction de Vanglais (Etats-Unis) par Martha Carlisky, Paris, Des Femmes (premiere publication : Amazon Odyssey, New York, Links Books, 1974]. BARNES HAZEL E.Bames, « La lesbienne », in GALSTER Ingrid (dir.), Simone de Beauvoir : Le Deuxiéme Sexe, Paris, Honoré Champion, 2004, pp. 315-336. 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Si vous souhaitez que votre institution souscrive Tun des programmes freemium 'OpenEdition et bénéficie de ses services, écrivez a; access @openedition.org, MICHARD Claire, « Assaut du discours straight et universalisation du point de vue minoritaire dans les essais de Monique Wittig », Genre, Sexualité et Société, 1, 2009. DOL : 10.4000/¢ss.711 MICHARD Claire, « Monique Wittig : sujet souverain dans le corps & corps avec le langage », dans BOURQUE Dominique, BALEN Julia (dir.), in Annuling gender: the Legacy of ‘Monique Wittig, Ottawa, Presses de l'Université d’Ottawa, & paraitre, MONEY John, « Hermaphroditism, Gender and Precocity in Hyperadrenocorticism : Psychologie Findings », Bulletin of the Johns HopkinsHospital, 96, 6, 1955. Questions féministes, 7, 1980. Questions féministes, 8, 1980. RICOEUR Paul, L'ldéologie et lutopie, Paris, Le Seuil, 1997 (1986). SALMON Christian, Storytelling, la machine a fabriquer des histoires et & formater les esprits, Paris, La Découverte, 2007. 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Le terme naturalisation se différencie du terme naturalité qui fait référence aux processus proprement biologiques de détermination du sexe (par exemple chromosomiques). 3 Colette Guillaumin a montré dans LTdéologie raciste que le concept de race dans son ‘acception moderne n'existait pas avant Iesdavage. 4. Le psychologue américain John Money utilise le premier le terme genre en 1955 pour différencier le sexe biologique d'un enfant de son identité sexuée, dans le cas d'enfants intersexes. 5 Llanthropologue Nicole-Claude Mathieu distingue les notions de sexe, de sexe social et de genre. Elle définit le sexe de la fagon suivante : « La notion de sexe est lorganisation mentale a'idées (représentations, mythes, utopies, ete: le sexe “pensé”) et de pratiques (rapports sociaux entre les sexes: le sexe “agi”) souvent contradictoires »(Mathieu, 1989, 228). Elle le différencie de la notion de « sexe social » : «Jentends par sexe social a la fois la définition idéologique qui est donnée du sexe, particuliérement de celui des femmes (ce que peut recouvrir le terme “genre”) et les aspects matériels de Forganisation sociale qui utilisent (et aussi transforment) la bipartition anatomique et physiologique » (Mathieu, ibid, 266). 6 Drautres analyses du chapitre « La lesbienne » ont été proposées (Bonnet, 1998, 1999 ; Couillard, 1999 ; Bourcier, 2002 ; Barnes, 2004 ; Lancelin, 2008). 7 Cependant méme si Beauvoir distingue, & la suite de Jones et Hesnard, deux types de lesbiennes : les unes « masculines », les autres « féminines », elle rajoute que pour quantité de raisons, cette distinction lui parait assez arbitraire. 8 Le terme @’adultisation, ou autrement dit la possession de la « culture adulte » sexuée, est tiré du livre Haro sur les fumeurs. Jusquioi ira la prohibition ? (Charest, 2008). Danielle Charest utilise cette notion pour décrire les procédés du marketing actuel, notamment & travers la publicité, qui laisse @ penser aux enfants qu’ils/elles sont décideurs dans les modes de consommation. Elle prend, entre autres, comme exemple la publieité od un bébé explique ses parents les avantages techniques d'un systéme de chauffage par rapport & un autre, ou encore le phénoméne d'hypersexualisation des petites filles, qui les transforme des leur plus Jeune Age en objets sexuels. {9 Dans Fédition de 1976 on trouve A la place du terme complicité, le terme complexité dans le texte, 10 Souligné par moi. 11 Iei Beauvoir utilise le conditionnel, on peut done penser qu’elle ne parle que de ce que les gens pensent en général de 'homosexualité féminine et qu'elle s'en démarque. En fait, elle iblie un « résumé » de la pensée deGregorio Marafion : « Marafién considérait que la sexualité est & “sens unique’, et qu'elle atteint chez homme une forme achevée tandis que chez la femme elle demeure “A mi-chemin’ ; seule la lesbienne posséderait une libido aussi riche que celle du male, elle serait done un type féminin “supérieur”. En fait la sexualité feminine a une structure originale et Vidée de hiérarchiser les libidos male et femelle est absurde ». 12. Liidée d'une société asexuée dans laquelle tout le monde aurait une sexualité indéterminée, n’est pas le souhait de Wittig, Se débarrasser de la catégorie « femme » n’exclut pas le « corps lesbien » (Wittig, 1969, 1985 ; Cheteuti, Amaral, 2008). 13. Voir aussi dans ce méme numéro, Michard Claire « Assaut du discours straight et universalisation du point de vue minoritaire dans les essais de Monique Wittig » 14, Le début des années 1980 marque, en France, un tournant trés important sur le plan théorique et politique concernant le rapport lesbianisme/féminisme. Les deux articles de Wittig qui formalisent analyse de I'hétérosexualité comme régime politique, La pensée Straight (février 1980) et On ne nait pas femme (mai 1980), sont les catalyseurs de Texplosion d'un conflit larvé, présent depuis le début du Mouvement de Libération des Femmes, sur Phégémonie de Thétérosexualité. Ce conflit politique entraina la rupture entre les membres de la revue Questions féministes. 15 Liauteur fait référence au texte de Ti-Grace Atkinson traduit ainsi dans V'édition frangaise : «Si le férminisme a une logique queleonque, il ne peut tendre que vers une société sans sexe » (Atkinson, 1974, 15) 16 En italique et souligné dans le texte. 17 Ce qui signifie que dans Yabsolu, il peut y avoir d'autres formes possibles de relations dont les termes sont encore ineonnus. 18 L’hétérosocialité est a saisir ici comme un ordre social et politique instauré contre les femmes et dont le pivot rendu invisible est PhétGrosexualité, ee lien total de la femme homme pens6, dans la plupart des sociétés, comme naturel et immuable. 19 En établissant un forcage du sexe. 20 « Le “marketing du genre” consiste & prendre un produit qui s‘adresse a priori aussi bien ‘aux hommes qu’aux femmes et a le décliner en deux versions : male et femelle, dans le but ‘augmenter les ventes. » Voir Agnés Giard, « Les cartes bleues ont-elles un sexe ? », Les 400 Cus Laplante sexe, ue | et —racontée par Agnés | Giard. http: /sexes.blogs.iberation fr/agnes_giard/2007/12/les-cartes-bleu.html, site consulté le 28/12/2007. a1 « Le but du marketing narratif n'est plus simplement de convaincre le consommateur d'acheter un produit, mais de le plonger dans un univers narratif, de lengager dans une histoire crédible. II ne s‘agit plus de séduire ou de convainere, mais de produire un effet de croyance. Non plus de stimuler la demande, mais d'offrir un récit de vie qui propose des modéles de conduite intégrés incuant certains actes d'achat, travers de véritables cengrenages narratifs ». (Salmon, 2007, 42) Pour citer cet article Référence électronique Natacha Chetcuti, « De « On ne nalt pas femme » « On n'est pas femme ». De Simone de Beauvoir 4 Monique Wittig », Genre, sexualité & société [En ligne}, 1 | Printemps 2009, mis €en ligne le 08 juillet 2008, consulté le 12 janvier 2016. URL :http:ligss.revues.orgi477 ; DOI: 10.4000/988.477 Auteur Natacha Chetcuti Sociologue, Docteur en anthropologie sociale LAS-EHESS, Paris Articles du méme auteur Monaceti Martine, Pruw Michel (dir.), Ces hommes qui épousérent la cause des femmes. Dix pionniers britanniques [Tex intsgral Paris, Les Editions de Atelier, 2010 Paru dans Genre, soxvalté & société, 4 | Automne 2010, 5, politiques et expériences sociales [Texte intégral] Paru dans Genre, sexvalté & société, 1 | Printemps 2009 Héléne Rouch [Texte intégral] Paru dans Genre, sexvalté & société, + | Printemps 2009 1s 1970 Fuawanr Frangoise, A tire dels. inéraires de féministes radicales des an {Texte intégra Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007 Paru dans Genre, sexual & sooét, 1 | Printps 2009 Droits d’auteur © Tous droits réservés

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