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LES composts ¢ PHENOLIQUES DES VEGETAUX Un exemple de métabolites secondaires d'importance économique JEAN-JACQUES MACHEIX ANNIE FLEURIET CHRISTIAN JAY-ALLEMAND PRESSES POLYTECHN ES ET UNIVERSITAIRES ROMANDES Dans la meme collection Principe de phytopathologie et de Lutte contie les maladies des plantes Roger Corbaz, Métabolisme des végétaux Physiologie et biochimie Gerhard Richter Géobiologie des montagnes Perspectives globales Paul Ozenda Histoire du développement de la biologie en 3 volumes Hendrik C.D. de Wit Botanique systématique des plantes a fleurs Une approche phylogénétique nouvelle des Angiospermes des régions tempérées et tropicales Rodolphe-Edouard Spichiger, Vincent V. Savol Murielle Figeat, Daniel Jeanmonod Les Presses polytechniques et universitaires romandes sont une Fondation scientifique dont le but est principalement la diffusion des travaux de I’ Ecole polytechnique fédérale de Lausanne ainsi que d” antres universités et écoles Wingénieurs francophones Le catalogue de leurs publications peut éire obtenu par courrier aux Presses polytechniques et universitaires romandes, EPFL. — Centre Midi, CH-1015 Lausanne, par E-Mail ppur@ep!l.ch, par téléphone au (0)21 693 41 40, ou par fax au (0)21 693 4027. www.ppurorg ISBN 2-88074-625-6 © 2005, Presses polytechniques et universitaires romandes, CH-10 Tous droits réservés. Reproduction, méme partielle, sous quelque forme ou sur quelque support que ce soit i de P éditeu 5 Lausanne interdite sans Paccord Imprimé en Italie TABLE DES MATIERES INTRODUCTION vii Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 atuse et diversité des composts phénoliques des végétaux 1 Ll Les différentes formes chimiques [2 Extraction, caractérisation et dosage des composés phénoliques . 6 é i 18 1.3 Les composés phénoliques dans ln plante, istribution et variations 27 14 Bibliographic eer ses 33 Biosynthése et accumulation des composés phénoliques 2.1 Les suspensions cellulaires végétales, mo ul aa Serato de la Reyne et de Faccumulation - a7 Moduls atonieRes ression du métabolisme phénolique composés phénoliques dans les interactions entre la plante de nodulation dans les symbioses 3.1__Induetion des g fixatrices dazote 68 Mise er place des symbioses mycorhiziennes. . n 3 Activation des génes de virulence de bactéries Participation des composés phénoliques 4 la résistance 3.6___Les compesés phéncliques dans les interactions lantes/animaux . 37__Les comp plantes supérieures. 91 3.8 _ Bibliographic = 93 Elsments Chapitre 4 composé phénofiques et la physiologic de la plant. 101 La Tignine et le rle de spear et 101 4.2 Intervention des composés piendanes dans la croissance He laplante..... x co 102 43 Bibliopraphie Chapitre 5__Les composés phénoliques utlisés par homme et leur importance Seon a Composés phénoliques, parameues de la qualité sensorielle des produits végétaux et de ses variati; AU cours des traitememts technologiques............. 122 5.2 Importance de l'oxydation enzymatique des composés phénoliques dans la modification des qualités sensorielles et nutritionnelles des végétaux. .... . 5.3 Les composés phénoliques dans alimentation et la santé de ’homme 141 54 Quelques exemples implication industrielle des composés phénoliques.. se 162 55 Bibliographic. . su cnet bd ata e 168 CONCLUSION ..... in i ia re aa tia rn 18] BIBLIOGRAPHIE GENERALE. 183 INDE 185 Elsments sous droits d'auteur AVERTISSEMENT AU LECTEUR Le terme «polyphénols» est frquemment utilisé dans le langage courant et méme dans des articles scientifiques ou de vulgarisation pour désigner ensemble des compo- sés phénoliques des végétaux. En fait, il devrait étre réservé aux seules molécules présentant plusieurs fonctions phénols, ce qui exclurait alors les monophénols, pourtant abondants et importants chez les végétaux. Pour éviter toute équivoque, nous avons done préféré utiliser dans cet ouvrage la désignation générale «composés phénoliques» qui conceme A la fois les mono-, di- et polyphénols dont les molécules contiennent respectivement une, deux ou plusieurs fonctions phénoliques Une des originalités majeures des végétaux réside dans leur capacité & produire des substances naturelles tres diversifiées. En effet, & coté des métabolites primaires clas- siques (glucides, protides, lipides, acides nucléiques), ils accumulent fréquemment des métabolites dits «secondaires» dont la fonction physiologique n'est pas toujours évidente mais qui représentent une source importante de molécules utilisables par homme dans des domaines aussi différents que la pharmacologie ou Pagroalimentaire. Les métabolites secondaires appartiennent des groupes chimiques variés (alealoi- des. terpenes, composés phénoliques...) qui sont tres inégalement répartis chez les végétaux mais dont le niveau d’accumulation peut quelquefois atteindre des valeurs élevées, La notion de «métabolite secondaire» résultait initialement de trois groupes d’ observations: d’abord une difficulté & attribuera ces métabolites une fonetion précise dans la physiologic méme de la plante, ensuite une répartition tes inggale selon les végétaux, quelquefois entre des espdces tres voisines ou méme entre différentes sous- espéces ou variétés a l'intérieur d'une méme espéce, enfin une certaine «inertie biochi- mique> car ces substances sont rarement remobilisées dans la plante apres qu’elles y ont été accumulées, Cependant, comme cela sera montré dans cet ouvrage pour les composés phénoliques, la désignation de «secondaire» apparait aujourd'hui de plus en plus discutable a la lumitre des résultats obtenus au cours des vingt dernitres années. Bien que cet ouvrage ne traite que d’un groupe de substances naturelles, celui des composés phénoliques, il a cependant une valeur beaucoup plus générale car il illustre de maniére frappante deux caractéristiques communes a tous les végétaux: dune part leur remarquable capacité de biosynthése, d’autre part lintérét fondamental et appliqué que l'on peut accorder aux métabolites secondaires et a leur diversité, Vii LES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX On connait actuellement plusieurs milliers de composés phénoliques, un nombre qui augmente sans cesse et qui en fait un groupe chimique particuligrement important. La plupart d’entre eux sont caractéristiques des végétaux, et nous n’envisagerons que ceux-ci dans le cadre de cet ouvrage. Cependant, a titre plus exceptionnel, certains peuvent étre présents chez, les animaux, par exemple I’@stradiol, 1a plus importante des hormones de type eestrogéne chez les Mammiféres. II faut également signaler que la tyrosine, acide aminé de nature phénolique, entre dans la composition des protéines chez tous les tres vivants tout en étant également i Porigine de métabolites secondaires chez les végétaux (dont certains composés phénoliques et certains groupes d’alcaloides). Les produits d’oxydation et de polymérisation de la tyrosine conduisent par ailleurs, chez les champignons, les animaux et les plantes, a la formation des mélanines, pigments bruns ow noirs qui colorent Ia peau et les cheveux ainsi que la cuticule des insectes Le rdle des composés phénoliques est maintenant reconnu dans différents aspects de la vie de la plante et dans l'utilisation que fait 'homme des végétaux. Ils peuvent en effet intervenir: * dans certains aspects de la physiologie de la plante (lignitication, régulation de la croissance, interactions moléculaires avec certains microorganismes symbiotiques ou parasites...): + dans les interactions des plantes avec leur environnement biologique et physique (relations avec les bactéries, les champignons, les insectes, résistance aux UV), soit directement dans 1a nature soit lors de la conservation apres récolte de certains végétaux; + dans les eritéres de qualité (couleur, astringence, amertume, qualités nutritionnel- les...) qui orientent les choix de l'homme dans sa consommation des organes végétaux (fruits, légumes, tubercules...) et des produits qui en dérivent par transformation; lans les variations de certaines caractéristiques des végétaux lors des traitements technologiques (préparation des jus de fruits, des boissons fermentées...) pendant lesquels apparaissent fréquemment des brunissements enzymatiques qui modifient la qualité du produit fini; + dans la protection de Phomme vis-4-vis de certaines maladies en raison de leur inter- action possible avec de nombreuses enzymes et de leurs propriétés antioxydantes Une originalité de cet ouvrage est de pouvoir regrouper des informations en langue frangaise dans les différents domaines fondamentaux et appliqués od sont impliqués les composés phénoliques. L’approche biochimique et moléculaire permet l’analyse des principaux groupes de composés phénoliques présents chez les végétaux et l'étude des voies métaboliques conduisant & leur mise en place & partir du métabolisme primaire L’approche fonctionnelle permet de préciser leur re & la fois dans la physiologie de la plante et dans ses relations avec l'environnement oi elle se développe. Enfin, une approche plus appliqu ance des composes phénoliques dans certaines technologies liées aux activités humaines dans les domaines industriels, de environnement et de Ia santé humaine. Ces différents aspects s‘appuient a la fois sur des données biochimiques et technologiques classiques et sur les apports récents de la biologie moléculaire végétale et du génie génétique. En effet, ces approches ont apporté des éclairages nouveaux, en permettant de mieux comprendre dune part la régulation de la biosynthése des compos¢s phénoliques dans la plante et d’autre part leur inter- vention dans la vie méme de la plante et dans ses relations avec environnement. viii INTRODUCTION Cet ouvrage a comme objectif d’étre accessible A un large public scientifique et s’appuie sur une longue expérience des auteurs dans les domaines de l’enseignement et de la recherche. Il s’adresse aux étudiants francophones des établissements d’enseigne- ment supérieur de disciplines variées: chimie, biologie, physiologic végétale, écologie. technologie, agronomie, agroalimentaire. II intéressera également les jeunes chercheurs engagés dans la recherche fondamentale ou appliquée concernant ces domaines et les chercheurs confirmés pourtont y trouver & la fois un rappel de données classiques et certains des éclairages nouveaux qui ont été développés au cours des dernigres années. Plusieurs sociétés scientifiques traitent réguligrement des composés phénoliques des végétaux et de leur importance. L’une dentre elles, le Groupe Polyphénols, y consacre la totalité de son activité. Ce groupe scientifique international est né a! INRA de Narbonne en 1970 et son originalité réside dans les interactions entre les chercheurs et les industriels intéressés par les composés phénoliques. Le Groupe Polyphénols tient maintenant un congrés tous les deux ans dont les actes sont régulitrement publiés (essentiellement en anglais), Les congrés précédents se sont tenus & Lille (1998), Munich (2000), Marrakech (2002) et Helsinki (2004). En plus des actes des congrés, le Groupe Polyphénols publie une petite revue Polyphénols Actualités avec des articles jentifiques consacrés aux composés phénoliques. Tout renscignement peut étre obtenu auprés du secrétariat du Groupe Polyphénols, actuellement localisé 8 Bordeaux (www. groupepolyphenols.com). D’autres sociétés scientifiques s*intéressent, de manitre plus ponctuelle, aux composés phénoliques, en particulier la Phytochemical Society of Europe, Ia Phytochemical Society of North America, et de manitre plus épisodique, la Société frangaise de Physiologic végétale, la Société Botanique de France, la Société Frangaise de Nutrition et Ia Société Frangaise des Antioxydants. Les auteurs tiennent A remercier tres chaleureusement tous leurs collegues frangais et étrangers pour les informations et les précisions qu’ils ont bien voulu apporter au cours de la rédaction de cet ouvrage. Ils souhaitent rendre un hommage tout particulier au Professeur Ragai Ibrahim de l'Université Concordia Montréal, pour les encoura- gements et les conseils qu’il leur a régulitrement prodigués depuis plus de vingt ans. ix Elsments sous droits d'auteur aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, Acides hydroxyhenzoiques R, acide benzoigue (non phénotigue) Ry on acide p-hydronybenzoique a R, R)=0H secide protoeatéchigue oon OCH, Ry= OH acide vanilique 8 coon Ry R,=08 acide galique ‘ Ry OCH,.R, tide syringique R, cide salieyigue acide gentsique jques («phénylprop: coor R,=R,=R,=H seide einnumique (ron phénoliquey By Ss Ry =Ry=11,8,=011 seide p-coumarique R,=R,=OH.R,=H acide catéique ® R, acide feruique B Ry = Ry= OCH, 8; = OH side sinapique Fig. 1.1 Les principaus acides phénoliques. cooH coon ‘OH -CO-CH acide salicylique iylsalicylique cOOCH, C00 -glucose colt ‘Onl ‘ou 'o— glucose salicylate de méthyle ester slucosylé 2,0-f-elucoside Fig. 1.2 L’acide salicylique et ses principaux dérivés naturels (salicylate de méthyle, ester glucosy| side}, Lacide acétylsalicylique, principe actif de l'aspirine, est également représenté gluco: Ces acides sont rarement présents 4 1’6tat libre et ils sont en général combinés & d'autres molécules organiques ({1.4], [1.6], [1.7]) (fig. 1.3). Les liaisons impliquent souvent la fonction carboxylique conduisant alors A des esters (avec le glucose ou avee différents alcools-acides: comme les acides quinique, tartrique, shikimique, malique...) ow & des phénolamides (avec des mono ov des di-amines: tyramine, putrescine, spermi- dine....). Les liaisons avec les sucres peuvent également se faire par ’intermédiaire de Tune des fonctions phénoliques, conduisant alors 4 des glucosides (par exemple le glucoside de I'acide p-coumarique) Parmi les acides hydroxycinnamiques, l’acide cafgique a une répartition quasi universelle chez les végétaux [1.4]. Initialement isolé dés le XTX® siécle @ partir des fruits et des graines du caféier oi il est trés abondant, il est souvent présent sous forme d’esters (fig. 1.3) dont acide chlorogénigue (= 5-caféoylquinique) est le plus fréquem- Lis COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX oo, R SS — cooit HO \ Ho } You R=OH acide chlorogénique (=5-caféoylquinique) R=H acide p-coumaroylquinique iooe coo H-¢-on HO. Sy i COOH at. Ho HO, on HO acide caféoylshikimique acide eaftarique = aside cattoyltrtarique i ae foot! CHO oC. 0 10 Nou A Ho Non, on ‘orl ‘peeoumaroylatiense glucoside de acide p-coumarique ° (=x-ciecu, on 18,C0. SS " . ° i Ho" © =N=CHae NH loyltyramine many y ho féruloylputrescine Fig. 1.3 Exemples de formes combinées des acides hydrox, namiques, ment rencontré, par exemple dans la pomme ou le café. Mais on le retrouve également sous forme d'acide cafgoyltartrique (désigné quelquefois sous le nom d’acide cafta- rique) dans le raisin, d’acide caféoylshikimique dans la datte, d’acide caféoylmalique dans le radis, de caféoylglucose, de caféoylputrescine, Les esters sinapiques sont particuligrement abondants chez les Cruciféres, en parti- culier chez Arabidopsis thaliana (la plante modele des biologistes moléculaires!) (fig. 1.4) ob sont présents le sinapoylglucose, le sinapoylmalate et un composé plus rarement rencontré chez les végétaux, la sinapoylcholine [1.8]. Les acides hydroxycinnamiques existent aussi fréquemment sous forme d’esters multiples dont les acides di-caféoylquiniques, communément appelés iso-chlorogé- niques. Des formes proches comme acide rosmarinique (fig. 1.5) sont des antioxy- dants naturels tres classiques. Dans certains cas. la liaison avec des stérols conduit & des NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, Aco, = ae nce me eo sinaposlcholine 4 Ho ‘0 Hyco cH.ou \S p nco! 4 0, x0 », on sco Ho. Snapoylglucose sinapoyimalate {14 Les principaux décivés sinapiques d’Arubidupsit thaliana: composés & caractére apolaire, par exemple le féruloylsitostérol qui est abondant dans le son et les farines de diverses céréales [1.9]. Par ailleurs, comme cela sera développé plus loin, les acides hydroxycinnamiques peuvent éire transformés en monolignols par réduction chimique et participer alors & la formation des lignines, Dérivées des acides hydroxycinnamiques par cyclisation interne de la chaine laté- rale, les hydroxycoumarines sont également trés nombreuses chez. les sous formes libres (umbelliférone, esculétine, scopolétine), soit sous formes plus complexes (formes glycosylées, prénylées...) (fig. 1.5). Elles ont fréquemment un rdle Ecologique ou biologique (chap. 3) mais certaines d’entre elles, les aflatoxines, peuvent 8tre des contaminants trs dangereux de denrées alimentaires. Un autre groupe de composés, les stilb&nes, dérivent aussi des acides hydroxycinnamiques, par exemple le resyératrol (fig. 1.5) qui apparait chez la vigne en réponse a des attaques parasitaires. HO, CO gétaux, soit O-G-cH cH oll o ho on Un exemple de stil Acide rosmarinique le resvératrol ©. oy? neo. . oO vA, och, Un exemple d’hydroxycoumarine, Un exemple de furanocoumarine, la scopolétine le bergapene 15 Quelques exemples de dérivés des acides hydroxycinnamiques. LES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX Flavonoides L’ensemble des flavonoides, de structure générale en C15 (C6-C3-C6), comprend & lui seul plusieurs milliers de molécules regroupées en plus de dix classes ([1.2], [1.10)) dont certaines ont une ts grande importance biologique et technologique: les antho- cyanes, pigments rouges ou bleus, les flavones et les flavonols, de couleur creme ov jaune clair, les flavanes dont les produits de condensation sont a Vorigine d'un groupe important de tannins et les isofiavones qui jouent un rdle dans la santé humaine. Pour désigner chacun des flavonoides, plutdt que d’utiliser les terminaisons en «ol» (par exemple quercétol, cyanidol), nous avons généralement préféré celles en «ine» (quereétine, cyanidine) qui sont les traductions directes de la nomenclature anglaise et qui ont Pavantage d’éviter des Equivoques (par exemple en ne confondant pas le caté- chol, phénol simple, et la catéchine qui est 'un des flavonoides). Dans certains cas cependant, comme celui du kaempférol, on a gardé la désignation consacrée par usage, aussi bien en frangais qu’ en anglais. Cest d’abord la stucture de I’hétérocyele central et son degré d’oxydation (lig. 1.6) qui permettent de distinguer les différentes classes de flavonoides. Le cas extreme Woxydation de I"hétérocycle central correspond aux anthocyanidines, toujours préseates en milieu acide sous forme d’un cation de couleur rouge, dit cation flavylium. Au contraire, dans le cas des flavanes (flavane-3-ols comme la catéchine; flavane-3,4-diols (quelquefois dénommés Jeucoanthocyanes car ils penvent donner des anthocyanes rouges sous l’action d’un acide), le cycle central est ies fortement réduit, On trouve des situations intermédiaires chez les flavanones, les flavones, les flavonols et d'autres grou- pes. Exceptionnellement, le noyau central de la molécule peut ne pas étre totalement cyclisé (chez les chalcones et molécules voisines) ou se présenter sous forme d’un cycle ne présentant que 5 sommets (cas des aurones, de couleur généralement jaune vif). A Vintérieur de chacune des classes, les variations autour du squelette chimique de base en C15 portent principalement sur trois points: + Le degré d’hydroxylation des différents cycles: ainsi, le cycle B est mono-hydro- xylé chez le Kaemptérol on Ia pélargonidine, di-hydroxylé chez la quereétine ou la cyanidine, tri-hydroxylé chez la myricétine ou la delphinidine. Il en résulte des ditfé- rences de spectre d’absorption done de couleur chez les anthocyanidines et les autres pigments (tab. 1.2). * Le niveau de méthoxylation (groupements O-CH, a Ia place des seules fonctions phénoliques): par exemple, chez les anthoeyanes du vin, on rencontre la pétunidine, monométhoxylée et de couleur violacée et la malvidine, la plus abondante, di-méthoxy- Ige et de couleur mauve (tab. 1.2). La méthoxylation diminue Mhydrosolubilité des molécules qui, dans des cas extrémes, sont alors présentes dans les exsudats de certains bourgeons (peuplier) ou liges A des structures lipidiques comme les cires de feuilles deucalyptus. + Leniveau de glycosylation. En dehors de quelques exceptions (dune part le groupe des flavanes et d’autre part quelques flavonoides excrétés dans les exsudats), les flavo- noides des végétaux sont presque tous liés A des sueres. A ce titre, ils appartiennent au grand groupe des hétérosides, la partie phénolique représentant ici aglycone. Tl en résulte une complication dans la nomenclature que nous expliciterons seulement dans le cas des anthocyanes, Ainsi, alors que le terme «anthocyanes» a une valeur générale (dési- gnant soit les formes naturelles glycosyiées soit la molcule non glycosylée), Ia partie NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, phéaolique seule est désignée sous le nom d’anthocyanidine (par exemple la pélargoni- dine ou la malvidine), alors que I’hétéroside (molécule phénolique + sucre associé) prend celui d’«anthocyanine» (la pélargonine ou la malvine). Des régles semblables ou voisines sont adoptées pour les autres flavonoides (par exemple la quercétine désignantl’aglycone alors que la quercitrine correspond & ce méme aglycone lié au thamnose) Cx oi "Al | ‘ot Ho. o. Cy ono Chateones: butéine Flavanones: naringéoine (R=H) Eriodictyol (R=OH) ou 0 Placomets acmpférol( quercetin ¢ Saquclette motécutaive de base des flavomsites ec ta mméreation classique — om | . GO, uo Ieoflevones:ginisttine Ho, Ci 0 Anihucynitites Aon Ty cevanicine ( ou Flavane-s-4-divts: leucceobinetinidine Ho, on Les principales classes de flavouoides. Un (ou deur) exemple(s) précis « été donne dans chacun des cas, on La numérotation classique des différents sommets des cycles est rappelée sur le squelette moléculaire de base. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. Lis COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX taux (fig. 1.8) [1.4]. Nous citerons par exemple certains phénols tr2s simples comme le catéchol, le résorcinol ou le phloroglucinol, des aldéhydes comme la vanilline, des lignanes comme Ie pinorésinol, correspondant a la dimérisation de deux alcools en C6- C3, Voleuropéine responsable de l'amertume de I’olive... Par ailleurs, d'autres consti- (uants végétaux, bien que rattachés 2 des groupes chimiques différents en raison de leur origine biosynthétique ou de leurs propriétés les plus caractéristiques, ont également un caractére phénolique. C'est le cas de certains acides aminés dont en premier lieu la tyrosine, acide aming constitutif des protéines qui est présent chez.tous les étres vivants, mais également d'acides aminés non protéiques, en particulier la 3,4-dihydroxyphény- lalanine, abondante dans des graines de féves et d'autres Légumincuses. Ditférents autres métabolites secondaires sont également de nature phénolique mais sont rattachés a d’autres groupes en raison de leurs propriétés chimiques et biologiques principales: c’est le cas de certains terpenes (dont un monoterpéne volatil, le thymol, ou un sesqui- terpéne jaune abondant chez le cotonnier, le gossypol), de certains alcalotdes comme la morphine, la papavérine ou la capsaicine, ou encore de composés azotés dont la bétani- dine, pigment rouge de la betterave, est l'un des exemples représentatifs. Les tocophé- rols (vitamine B) et les tocotriénols sont également caractérisés par un noyau portant un hydroxyle phénolique (chap. 5). Les quinones peuvent également étre rattachées aux composés phénoliques simples dont elles dérivent par des processus incluant des oxydations. On peat citer les benzo- quinones, tres fréquentes chez les micro-organismes et les végétaux supérieurs, les cHo ° on om ou ‘ou cts on ou 8 Catechol Resor Vanittine Jagione oc, on Z oS oil ° ° CHe-6~0-~CH.- CH on d co He, os ( 07 ’o~Ghewse S nal (4 Pinorésinol Olearoptine den, Fig. 1.8 Quelques exemples de composés phénoliques particulier. 10. NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, naphtoquinones (par exemple Ia juglone chez le noyer, fig. 1.8), les anthraquinones fortement colorées. Ces substances sont souvent présentes dans la plante sous forme glycosylée et c’est seulement aprés hydrolyse que la quinone est libérée. Ainsi, chez le noyer, la juglone qui colore en. brun sombre la partie externe du fruit au cours de la maturation provient de la dégradation enzymatique de son 4-glucoside [1.14]. Certaines quinones plus complexes, chez qui la partie aromatique est lige & une chaine latérale isoprénique, assurent souvent des fonctions biologiques essentielles chez les atres vivants, en particulier le transfert des ectrons: ubiquinones des mitochondries, plastoquinones des chloroplastes. 1.1.2 Les formes condensées Ces composés résultent généralement de la condensation de certaines des formes simples précédemment évoquées. Selon la nature des constituants impliqués et selon le type de condensation, on obtient des composés plus ou moins complexes pouvant encore présenter une hydrosolubilité suffisante pour étre présents dans la vacuole (tannins, certains produits de brunissement) ou au contraire acquérir un caraetdre lipo- phile marqué et s'accumuler alors dans les structures pariétales (lignine, formes présen- tes dans la cutine et la subérine....). Dans tous les cas, les formes condensées sont particuligrement difficiles & étudier et, dans Ia plupart des cas, on est obligé de les dégrader, chimiquement ou enzymati- quement, avant de pouyoir les analyser. On peut également, dans certains cas, faire appel des reconstitutions chimiques modéles qui permettent de mieux préciser certai- nes caractéristiques chimiques, Par ailleurs, la connaissance actuelle des voies de biosynthase et de leur régulation 4 l’échelle moléculaire (chap. 2) est également une approche prometteuse pour comprendre comment s'effectuent certaines réactions de condensation et en tirer des conclusions sur la structure des formes condensées. Nous distinguerons dans ce chapitre deux grands groupes de formes phénoliques condensées: les tannins et les lignines. Quelques bréves indications seront également données concernant les composants phénoliques des humus. Par contre, le cas des produits bruns de type mélanines qui se forment chez les animaux et les végétaux par polymerisation oxydative des monoméres phénoliques, sera éyvoqué ultérieurement, en relation avec les brunissements enzymatiques qui affectent fréquemment les produits végétaux utilisés par "homme (chap. 5). Les tannins Utilisés depuis I’ Antiquité par "homme pour le traitement des peaux d’animaux, les tannins ont une importance économique et écologique considérable et sont respon- sables de Pastringence de nombreux fruits et Iégumes et des produits qui en sont déri- vés (vin, thé, bigre...). En premiére approximation, on peut considérer que les tannins sont des formes phénoliques condensées capables de se lier aux protéines en solution et de les précipiter. Aussi les premigres estimations quantitatives des tannins ont-elles utilisées 1a condensation avec des protéines modeles: gélatine, albumines, hémoglo- bine, I est classique de distinguer deux grands groupes de tannins ([1.15] a [1.17]) diffé- rant A la fois par leur réactivité chimique et par leur composition: les tannins hydroly- sables et les tannins condensés. ay aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, Les tannins condensés Les tannins condensés sont des oligoméres ou des polymeres de flavane-3-ols (éventuellement de flavane-3,4-diols) dérivés de la (+)-catéchine ou de ses nombreux isoméres (fig. 1.10). Contrairement aux tannins hydrolysables, ils sont résistants a I'hy- drolyse et seules des attaques chimiques fortes permettent de les dégrader. Ainsi, par traitement acide & chaud, ils se transforment en pigments rouges et, pour cette raison, les formes diméres et oligoméres sont dénommées «proanthocyanidines». Les proan- thocyanidines diméres présentent déji une affinité pour les protéines et des propristés tannantes mais ces deux paramétres augmentent avec la taille moléculaire des polymé- res qui sont formés par adjonction de nouveaux monoméres aux diméres initiaux Lenchainement des différentes unités constitutives se fait soit de maniére linéaire grace a des liaisons C-C (fig. 1.10) soit par des ramifications grace a des liaisons C-O-C conduisant des structures de plus en plus complexes qui restent cependant solubles dans l'eau des vacuoles. on. ‘Om. on 8 Ov i 0 on on i on on Keita orang ie a cttine ROM / ue eid, died alecaeie HO, Fig, 1.10 Exemple de structure d'un tannin condensé. Les tannins condensés sont trés abondants dans certains organes végétaux consom- més ou utilisés par "homme, par exemple de nombreux fruits (pomme, prune, fraise...) ou des boissons fermentées ou non (thé, vin, cidre...). Dans tous les cas, la matiere premitre végétale de départ, les traitements technologiques et les conditions de conser- vation du produit influencent fortement la copacité tannante done ses propriétés orga- noleptiques. Ces aspects seront évoqués ultérieurement (chap. 5). 13. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, qui sont beaucoup plus difficiles 4 dégrader et qui associent des unités dites condensées Des approches spécifiques de dégradation permettent de caraetériser chacun des deux groupes de liaisons dont la proportion est variable avec la nature des bois et le type d'or- gane végétal. La encore, les facteurs hormonaux (auxine, acide abscissique) peuvent jouer sur ce niveau dhéiérogéneite. + Lohétérogénéité due A une hétéropolymérisation, c’est-A-dire incorporation, au cours ou aprés 1a polymérisation oxydative des trois monolignols de base, de molécu- les différentes: acides hydroxyeinnamiques (p-coumarique et férulique en particulier), aldéhydes phénoliques, sueres simples ou polyosides... L’acide férulique pent ainsi former un lien entre des polyosides de la parvi (en particulier certaines fractions d’hé- micelluloses) et la lignine [1.26] grice d’ une part une liaison ester avec un ose et d’au- tre part & une liaison éther impliquant T'un des carbones de la chaine latérale d’un monolignol incorporé dans la lignine (fig. 1.13). [en résulte une augmentation de la résistance mécanique de la paroi. P isnine my (>) Fig, 1.13 Présentation sehématique des liaisons possibles de la lignine avec certains acides phénoliques (ApC et AP: acides p-coumarique et férulique) et avec d”autres macromolécules de la paroi (hémicelluloses ou composés pectiques) (apres [1.26). Les composés phénoliques des humus L’activité biologique du sol permet de libérer des molécules phénoliques & partir de la matigre végétale, issues soit de la solubilisation des formes simples initialement présentes dans 1a matidre organique, soit de Ja dégradation de la lignine [1.27]. Par oxydation enzymatique ou non, les noyaux aromatiques ainsi libérés peuvent 2 nouveau se condenser entre eux, en incluant également des composés azotés. Ce processus de polycondensation conduit alors aux différents constituants organiques de "humus du 7 LES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX sol: acides eréniques de faible poids moléculaire, acides humiques moyennement condensés et humines trs fortement condensées qui se lient la matidre mingrale des sols, Il faut signaler par ailleurs qu'une partie de l"humine provient directement des activités de biosyathése des micro-organismes du sol qui utilisent alors les sucres et les matidres azotées issus de Ja dégradation des composanis de la matitre végétale (cellu- lose, protéines...) 1.1.3 Les formes liées 4 des macromolécules non phénoliques Certains acides hydroxycinnamiques peuvent étre liés 2 des macromolécules non phénoliques ((1.2], [1-4], [1.28]). Dans ce cas, le caractére chimique reléve principale- ment de la macromolécule concernée mais ses propriétés biologiques peuvent étre modifiges par la présence dune petite proportion de composés phénoliques. Ainsi, les acides p-coumarique et férulique sont retrouvés: + Liés a certains composants glucidiques de la paroi pectocellulosique comme les hémicelluloses ou les composés pectiques. Cette situation existe dans les parois primai- res et secondaires de nombreuses plantes, indépendamment des éventuelles liaisons qui pourraient s*établir ultérieurement avec la lignine (voir ci-dessus). Les résidus gluci- diques qui interviennent dans ces liaisons sont fréquemment l’arabinose, le galactose. le xylose ou encore acide galacturonique des pectines. Ainsi, | 2 2% des résidus gallac- turoniques des pectines de la pulpe de betterave sont estérifi¢s par l’acide férulique Sous l'action des peroxydases, des ponts déhydrodiféruliques (fig. 1.13 et 1.14) peuvent alors étre mis en place entre deux chaines glucidiques et jouer alors un réle essentiel dans la réticulation de la paroi en en modifiant ses propriétés mécaniques [1.26]. Les conséquences biologiques et physiologiques de ce phénoméne seront rappe- lées ultérieurement (chap. 3 et 4). + Ligs a la cutine, revétement superficiel des feuilles et des fruits & caractére particu- ligrement hydrophobe. Les teneurs en phénols (acides hydroxycinnamiques et certains flavonoides) de Ta cutine du fruit de tomate peuvent atteindre jusqu’a 6%. + Ligs a la subérine, composé également trés lipophile qui est l'un des constituants principaux du lige ou qui apparait souvent en réponse & des blessures. La fraction phénolique de la subérine peut atteindre 30 & 40% de la masse des écorces de chéne ow de pin et jusqu’& 75% du périderme du tubercule de pomme de terre [1.29]. Dans ce cas, ce sont essentiellement les acides hydroxycinnamiques ou leurs dérivés avec des amines (par exemple la féruloyltyramine) qui constituent Ja fraction phénolique poly- mérisée ce qui la différencie de la lignine dans laquelle les monolignols sont les formes monomeéres constitutives ({1.29], [1.30)) Dans les deux derniers cas, il est tout a fait vraisemblable que les composés phéno- liques ligs aux structures lipidiques de surface participent 3 la défense de la plante vis- a-vis d’attaques biologiques (chap. 3) 1.2 EXTRACTION, CARACTERISATION ET DOSAGE DES COMPOSES PHENOLIQUES Les méthodes de séparation, de dosage et d’identification des composés phéno- liques ont fait des progrés spectaculaizes au cours des trente dernidres années, grace en 18 NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, on Fig. 1.14 Exemple de pont dshydrodiférulique entre deux macromelécules glucidiques RI et R2. particulier & Vutilisation quasi systématique de la chromatographic liquide a haute performance (CLHP) et des détecteurs & barette de diodes permetiant Ianalyse des spectres d'absorption en ultraviolet et le couplage de la CLHP avec les techniques physico-chimiques modernes (spectrométrie de masse, réscnnance magnétique nucléaire. ..). On pourra se reporter, pour avoir une yue d’ensemble, a l’ouvrage collec- tif publié sous la responsabilité de J.B, Harborne et qui est consacré aux méthodes utili- sées pour I’analyse des composés phénoliques des végétaux [1.31]. Chaque groupe important de composés phénoliques, y compris ceux des lignines et des tannins, y est traité par un spécialiste, ce qui permet de mettre en évidence a la fois les principales techniques moderes utilisées et les principaux résultats obtenus quant & l’analyse et au dosage de ces composés. La quasi-totalité des publications scientifiques des vingt derniéres années concernant les composés pénoliques font maintenant appel a Pune ov plusieurs de ces techniques et il est tout & fait impossible de les rappeler ici dans le détail. Des mises au point bibliographiques sur 'amélioration des techniques et sur les principaux résultats obtenus dans la chimie des polyphénols ont été faites réguligrement lors des colloques bisannuels du groupe scientifique «Groupe Polyphénols» et l'on pourra se reporter utilement aux comptes rendus de ces réunions (voir l'introduction de cet ouvrage). 1.2.1 Extraction La présence d’un ou plusieurs cycles benzéniques hydroxylés chez tous les compo- sés phénoliques est responsable de certaines propriétés communes utilisées pour les 19 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, extrait global ainsi obtenu, d’abord en éliminant les pigments chlorophylliens et caro- (énoides (extraction a I’éther de pétrole), puis en extrayant les composés phénoliques avec un solvant de polarité intermédiaire comme Iacétate d’éthyle. La plupart des phénols se retrouvent alors dans ce solvant, qu’il est ensuite aisé d’éliminer sous vide afin de transférer finalement dans le méthanol la fraction phénolique correctement puri- fiée, Cette fraction sera ensuite utilisée pour les analyses qualitatives et quantitatives. Le schéma d’extraction et de purification indiqué ci-dessus ne convient cependant pas aux fractions phénoliques tres polaires, par exemple les pigments anthocyaniques qui, aprés extraction par un mélange méthanol/HCl, ne pourront pas ensuite étre puri- figs avec l'acétate d’éthyle. L'sciditication permet dans ce cas de stabiliser les antho- cyanes sous la forme du cation flavylium, sans étre cependant & labri d’une certaine dégradation des molécules les plus fragiles. A l’opposé, certains flavonoides apolaires, par exemple ceux ligs aux stérols ou ceux présents dans les exsudats de bourgeons ow sur les tissus externes foliaires, doivent étre extraits avec des solvants plus apolaires, comme le chloroforme ou hexane. Les formes condensées de composés phénoliques posent également des problémes extraction. Si les tannins sont encore correctement extraits par des mélanges acéione/eau, ce ne peut étre le cas pour les phénols insolubilisés au niveau des parois pecto-cellulosiques et dans la cutine ou la subérine. On peut alors avoir recours & des hydrolyses chimiques (acides ou alcalines) ou enzymatiques (par exemple sous I"action d’estérases d'origine bactérienne) des parcis cellulaires, permettant de libérer les composés phénoliques avant de les analyser et de les doser. Dans les cas extremes comme celui de la lignine, l’extraction n'est possible qu’aprés dégradation oxydative (par exemple sous effet du peroxyde d’hydrogtne) qui va entratner une dépolyméri- sation et une solubilisation progressive. I] est alors bien évident que les analyses ne portent plus sur les composés natifs mais sur leurs produits de dégradation. 1.2.2 Dosage global I1n’existe aucune méthode permettant de doser de maniére satisfaisante et simulta- née l'ensemble des composés phénoliques présents dans un extrait végétal non purifié Néammoins, une estimation rapide (et souvent trés fortement sur-évaluée) de Ia teneur en phénols totaux peut étre obtenue par différentes méthodes, en particulier par uti tion d’un mélange de phosphomolybdate et de phosphotungstate commercialisé sous la dénomination de réactif de Folin-Ciocalteu [1.31]. Le caraetére réducteur des composés phénoliques et leur complexation possible avec les métaux lourds conduisent dans ce cas 4 Ja formation de complexes colorés bleus que I’on peut alors doser par colorimétrie vers 720 nm, Cette méthode est tres sensible mais malheurement peu spécifique car beaucoup d’autres composés réducteurs peuvent interférer, en particulier acide ascorbique. Il est done vivement recommandé de ne utiliser que sur des extraits suffisamment purifiés (voir ci-dessus) et de réaliser des témoins négatifs, par exemple 2 l'aide d'un deuxitme dosage apres avoir enlevé les phénols de extrait (par adsorption sur du polyvinylpyrro- lidonne insoluble). Par différence on peut avoir alors une bonne approximation de la teneur de l'extrait en phénols que l'on exprime alors par rapport 4 un composé de rété- rence (par exemple en équivalents d’acide gallique ou d’acide chlorogénique). La valeur obtenue n’en est pas pour autant tres satisfaisante car elle reste trés globale et ne donne aucune indication sur les différents composés présents dans I’ échantillon, en sachant que chacun d’ entre eux peut réagir de maniére différente dans la réaction colorée. 21 LES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX Dans les quelques rares cas oi! un composé phénolique est tres fortement majori- (aire dans un matériel végétal donné (par exemple I’acide chlorogénique du tubercule de pomme de terre, les acides hydroxycinnamiques des feuilles de Pécher, les anthocya- nes du raisin rouge), on peut alors avoir une estimation approximative rapide de la teneur du matériel & partir du spectre d"absorption (en UV ou dans le visible) de T'ex- trait global. Mais, en dehors de ces exceptions, ies! Le de tirer des conclusions qualitatives ou quantitatives précises de la seule étude du spectre d’ahsorption dun extrait phénolique global de végétal 1.2.3 Caractérisation et dosage des composés phénoliques par leur spectre absorption en ultraviolet ou en lumitre visible Tous les composés phénoliques végétaux absorbent en UV et certains d’entre eux (anthocyanes, flavonols, chalcones, aurones, mélanines...) absorbent également dans le visible et participent alors & la coloration des organes végétaux (fleurs, fruits...) et des produits qui en dérivent. Le spectre d’absorption résulte de la présence combinée du (ou des} cycle(s) benzénique(s), des fonctions hydroxyles (phénoliques) portées par ce eycle(s) et des différentes doubles entes dans la molécule isons pr D’innombrables travaux ont été consacrés & la détermination du spectre d’absorption des composés phénoliques et & son utilisation pour les caractériser et les doser, dans la mesure oli ils ont été préalablement séparés par chromatographic. Quelques exemples significatifs peuvent étre donnés (fig. 1.16): le spectre d'absorption de l'acide chlorogé- nique (hyyay = 328 nm, avec un épaulement marqué aux environs de 300 nm) est représen- tatif des nombreux esters naturels des acides hydroxycinnamiques, celui de la (+)-caté- chine (maximum a 280 nm) va se retrouver chez les tannins condensés, celui de la quereé- time (Ayyay = 375 nm, avec un deuxiéme maximum vers 265 nm) est représentatif de nomb- roux flavonols et de leurs détivés glycosylés, celui des anthocyanes montre une absorption significative vers 500 nm, ce qui explique leur couleur rouge naturelle. Le dosage des composés phénoliques utilise trés fréquemment leur spectre d’ab- sorption, soit dans le visible pour les anthoeyanes, soit dans PUY pour Ia plupart des autres composés, en choisissant pour chacun d’eux la longueur d’onde d’absorption maximale. C'est sur ce principe que fonctionnent la plupart des détecteurs qui équipent les appareils de chromatographie, qu'il s’agisse de chromatographie classique sur colonne ou de chromatographie liquide & haute performance (§ 1.2.5). La concentration du composé phénolique en solution est déduite en utilisant la classique loi de Beer- Lambert qui lie cette concentration Cen moV/L. & la densité optique DO mesurée sur le spectre d'absorption: DO =eCd oi ¢ est le coefficient d’extinction du composé considéré a la longueur d’onde utilisée pour la mesure et oi d représente la largeur de la cuve de mesure (en em). A titre d’exemple en solution éthanolique, ¢ est égal 3 18500 pour I’acide chloregénique & 328 nm, 2 3000 pour la (+)-catéchine 280 nm, 2 24500 pour la quereétine 4 364 nm et 3 29500 pour la malyidine en milieu acide & 515 nm. Pour un squelette chimique doané, par exemple celui des flavonoids, les variations du spectre d’absorption sont fonction des modifications chimiques: hydroxylations, méthylations, glycosylations, condensation avec d'autres molécules, phénoliques ov non, De plus, les caractéristiques physico-chimiques du milieu sont également des 22 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. LES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX papier ou des couches minces, silice, polyamide...), ensuite celle des solvants d°éhution (pH, large gamme de polarité depuis Peau tres polaire jusqu’au benzine fortement apolaire) et enfin les propriétés chimiques des composés phénoliques eux-mémes qui permettent leurs révélations caractéristiques sur les chromatogrammes. En effet, parmi les multiples propriétés des composés phénoliques, certaines ont des applications direc- tes en chromatographie ([1.1], [1.34] & [1.36]): + D'une part celles du (ou des) groupement(s) phénolique(s) porté(s) par le cycle benzénique: caractére dacide trés faible conduisant & des phénolates, absorption et flucreseence en lumire ultra-violette permettant un repérage aisé sur les chromato- grammes, oxydation aisée et complexation avec des métaux (Fe**, AB+....), permettant également une bonne révélation (réactif de Neu, Al Cl, nitrate d’argent...). Le réactif de Benedikt permet quant & lui de mettre en évidence les o-diphénols (composés présentant deux fonctions phénols adjacentes) + D’autre part celles liges au cyele benzénique, souvent associées & des réactions colorées permettant de visualiser les composés phénoliques: réaction de nitrosation en présence de nitrite de Na, formatic avec les aldéhydes. Dans ce demier cas, Io vanilline en milieu chlorhydrique réagit avee le noyau A de certains flavanes pour donner des dérivés de couleur rouge utilisés pour la révélation ou le dosage de ces composés. Il en est de méme du 4-diméthylaminocin- namaldéhyde (DMACA) qui donne une couleur bleue intense avec les flavanols simples et bleu-vert avec les formes polymérisées [1.35] de sels de diazonium, réaction de condensation 1.25 Les séparations par CLHP et par électrophortse caj et les couplages CLHP/UV et CLHP/spectrométrie de masse La chromatographie liquide & haute performance (CLHP) est, de trés loin, la tech- nique la plus performamte et la plus utilisée pour la séparation et le dosage des compo- sés phénoliques comme en témoignent les excellentes séparations déji obtenues il y a plus de vingt ans (fig. 1.17) ({1.37]. (1.38). Elle ne demande qu’une faible quantité d’échantillon végétal et permet de combiner en une seule opération rapide et reproduc- tible les analyses qualitative et quantitative d’un extrait phénolique complexe, ce quia permis I’étude de matériels végétaux tres variés ([1.4], [1.31}, [1.32], [1.39], [1.40)) Les séparations sont basées sur les polarités respectives des phases stationnaires utili- sées, du solyant d’élution et des composés phénoliques concernés, en particulier leur degré Whydroxylation, de glycosylation et de méthylation. A partir de ces principes généraux, deux approches analytiques sont possibles: d’ une part la chromatographie de composés phénoliques non polaires sur une phase stationnaire de silice avec élution par un solvant apolaire de composition constante (par exemple un mélange heptane-étha- nol), d’autre part, ce qui est le plus utilisé dans le monde des composés phénoliques, la fixation de 8s sur une phase dite inversée (par exemple de Ia silice sur laquelle on a préalablement greffé des chaines aliphatiques apolaires) suivie de leur Glution par un mélange de solyants (fréquemment eau/acide acétique/acétonitrile ou eau/méthanol) dont on fait varier la composition done la polarité avec le temps de Fana- lyse. Les composés élués sont généralement repérés en sortie de colonne par leur absorption en lumire visible pour les anthocyanes (vers 520 nm) et en ultraviolet (280, 325 ou 360 nm) pour tous les autres phénols; ils issent alors sous forme de pics sur les chromatogrammes (fig. 1.17). La surface de chacun des pies est proportionnelle s compos: 24 NATURE ET DIVERSITE DES COMPOSES PHENOLIQUES DES VEGETAUX, >| 0 15 30 45min @ (b) Fig. 1.17 Deux exemples de séparation des composés phénoliques par chromatographie liquide & haute performance: (a) Dérivés hydroxycinnamiques de Pabricot. 1 et 2: esters 3'-caféoylquiniques (cis et trans) 3 ot 4: esters 3'-p-coumaroylquiniques (cis et trans); 5 et 6: esters 3-féruloylguiniques (cis et trans); 7 et 8: esters S*caféoylquiniques (trans et eis) (wacide chlorogénique): 9 et 10: esters 5-Féruloylouiniques (trans et cis) (apres [1.38], reproduit avec Pautorisation de Elsevier). (b) Anthocyanes du raisin, Les pies 1a 4 correspondent respectivement aux 3-ghicosides de la delphinidine, de la pétunidine, de la péonidine et de la malvidine. Les pics Set 6 sont ceux de la malvidine 3-glucoside acylée soit avec F'acie accétique (pic 5) soit avee acide p-coumarique (pie 6) (a’aprés [1.37], reproduit avec Pautorisation de I'American Society for Enology and Viticulture. a laconcentra n du composé qui est alors dosé 3 Ia longeur d’onde choisie pour ’ana- lyse par référence A des composés témoins obtenus commercialement ou A partir d’ana- lyses antérieures. Grice aux progrés de informatique et de la microélectronique, les détecteurs dits 4 barrettes de diode permettent d’obtenir simultanément des réponses pour toutes les longueurs d’onde du spectre, ce qui conduit & une premitre étape de caractérisation de chacun des composés séparés en comparant leur spectre d’absorption avee celui de témoins Le degré initial de purification de extrait végétal, les conditions chromatogra- phiques elles-mémes et le type de détection utilisé en sortie de colonne orientent fréquemment une analyse CLHP vers une classe de composés phénoliques (acides phénoliques, flavonols, anthocyanes, coumarines...) (fig. 1.17). Cependant, les progres réalisés dans les différents domaines permettent maintenant d’envisager une analyse simultanée de la plupart des composés présents dans un extrait végétal [1.41] A cété de la CLHP, une autre technique de séparation performante des composés phénoliques est I’électrophorése capillaire (EC) développée depuis une dizaine d’an- nées pour ce type de molécules [1.42] et dont la sensibilité est environ LO fois supé- rieure 4 celle de la CLHP. La séparation est dans ce cas influencée par de nombreux paramatres dont la taille de Ia molécule, le nombre, la position et le pK des groupe- ments hydroxyles, le degré et la nature des glycosylations. le pH et Ia concentration du 25

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