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le M2 Opera «Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants ?» C'est le titre provocateur qu’a choisi le politologue et essayiste Thomas Guénolé pour son ouvrage dans lequel il s’attaque ce qu'il nomme la «balianophobie ». Les jeunes de banlieue ne sont pas tous radicalisés ni tous des délinquants, rappelle-t-il sans pour autant gommer les réalités de la banlieue. « Déconstruire cette rhétorique haineuse envers le “monstrueux jeune de banlieue’” » Cet ouvrage est-ll un essai ou une enquéte ? Cest un essai qui fait appel aux instruments de la recherche sociologique et aux techniques din sation du journalisme. Il est né dune nausée. A Te 2014, je rentrais de vacances etai prise pleine face toute la vague d’expression haineuse qui s'exprimait alors sur les jeunes de banlieue. Des manifestations Avaient eu lieu autour du confit israélo-palstinien et, en marge de certaines d'entre elles, quelques dizaines de jeunes avaient semé le désordre. Lac- cumulation d’éditoriaux et de photos sur ees débor- dements a créé un effet de loupe totalement dispro- portionné. Cet événement a été le point de départ une réflexion dont Vobjectif était de déconstruire cette rhétorique haineuse envers le « monstrueux jeune de banlieue et, au-dela, de rendre compte de la réalté des jeunes des banlieues. Vous avez forgé le terme «balianophobien. Que désigne-t-il? II agit d'un mélange de peur et de haine envers un jeune de banlieuefantasmé, qui n'est, au fond, que la synthase des peurs des classes moyennes dominantes ‘qui craignent les jeunes, ls pauvres, les musulmans, 30 | actuatives sociates HEBDOMADAIRES Jes immigrés, surtout africains... Orle jeune de ban- lieue, tel qu'on imagine, est un gargon de type rmaghrébin ou africain, immigré, mosulman et pauvre, A noter que ce n'est jamais une fille ni un Blane Pourtant, par définition, la moitié des 1,5 million de jeunes de banlieue sont de sexe féminin et, par extra- polation, jestime qu'environ la moitié de cette pop lation a la peau blanche. Evidemment, selon les ban- liewes cette proportion va de 2éro& 100 %. Je précise tout de suite que lorsque je dis que quelqu’un a la peau blanche, c'est un élément de description. Si je parlais des « Blancs», je commencerais a faire des . Fn effet, mais avec une nuance ence qui concern la séparation entre les sexes. Nous sommes champions cdu monde des mariages mixtes, Autrement, le terme «apartheid » ne semble pas contestable. Les jeunes des banlicues sont en bas de la pyramid sociale en termes dopportunités socioprofessionnelles. Leur chémage est deux fois plus éevé que celui des jeunes en général, Is sont discriminés parce quis vivent dans des quartiers populaires, et encore plus lorsquils ‘ont un nom & consonance étrangére. Crest la défi nition méme de Papartheid, qui signific « développe- ment séparé >. Bien sii, il n'existe pas de volonté politique explicite d’apartheid raciste en France, mais, dans les faits, on enferme toute une catégorie de population dans des opportunités socioprofession- nelles systématiquement dégradées. Peu import les intentions affichées par les responsables politiques. ‘Ce qui compte, ce sont les résultats. «Le jeune de bantieue, tel qu’on Pim: est un garcon de type maghrébin ou africain, immigré, mu A noter que ce n’es Alun Blanc» ine, mais une fille Pour lutter contre Ia «balianophoble», vous appelez a un retour au «républicanisme frangaisy. Clest-idire ? existe deux grandes lectures possibles de Videntité nationale. La premie est cultuelle. Cestediscours sur la France éterelle, le oman national que nous avons tous appris & 'écoe. Il en existe malheureu- sement une version dégenérée autour d'une France calturellemen ig. Fle nstrumentalise des cements ‘denote patrimoine commun comme argument dat torité pou rejeter es musulmans. autre lecture pos sible de identi nationale et cele du républcanisme, qui est une idgologie dont le projet politique est contenu dans la Déclaration des droits de I'Homme et duccoyen. Le épublicanisme préne 'émancipation desindivids, qui doivent Ere libres de leurs opinions, aux en droits et disposer des mémes chances rai- | sonnables de réussir par ler mérite. I nesagit done pas que ls jeunes des banleuesaien strictement les | memes résutas que le autres, mais simplement quis bénéficient d'opportunités raisonnables de suecés,& Ja mesure de leur poteniel. Ce quien découle, c'est tune politique active égalieé des chances par tous les moyens possibes, y compris la discrimination positive, & condition de la limiter dans le temps et de Passeoir sur des critres scientifiques de disc | ‘mination et non sur des considérationsethniques ou | i culturelles, sm Propos reels par rome Vachon |

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