la respiration
et ses mécanismes
Travail présenté au IV* symposium de I’A.F.A. Royaumont, mai 1981
J. M. KESPI
RESUME
Sont envisagées ici les relations de la respiration avec la zone rythmique et relationnelle
gu’est la poitrine, avec les poumons en tant que ministres d'état du gouvernement du corps
et avec les processus de création et, par-Ié, avec le pelvis,
Mots clés : respiration, souffle, création, poitrine, poumon, pelvis.
SUMMARY
Here are considered the relationships of the rythmic relational zone, that is the chest, with
the lungs as senior minister in the body's governement and with the process of creation and
through that with the pelvis.
Key words : respiration, breath, creation, chest, lungs, pelvis
J 1 emploierai une méthode différente de celle du Pare Larre, bien que la
sienne refléte fidélement la vie, la tradition chinoise et la maniére
dont les choses doivent @tre dites ; mais, sur un plan didactique, je pense
qu'il sera plus facile que je passe en revue dans un esprit et un discours occi-
dental, les différents facteurs qui entrent en jeu dans la respiration en
médecine traditionnelle chinoise.
Nous les évoquerons les uns aprés les autres, mais il est bien évident qu’en
pathologie, dans toute maladie respiratoire, deux, trois ou quatre facteurs
sont en cause et I’on aura & déterminer dans chaque cas quels sont les fac-
teurs perturbés, parce que seul le traitement de tous les facteurs perturbés
permet de guérir ces maladies, d’autant que les maladies respiratoires, les
maladies du souffle sont parmi les plus difficiles & guérir, nous en verrons la
raison ultérieurement.
Nous allons envisager les mécanismes de la respiration dans la tradition chi-
noise, en allant de la superficie & la profondeur, du plus externe au plus
interne, du léger au grave. Ces mécanismes font appel a trois types de rela-
31
1982, 29, 31-48. A.F.A., Paris, 1982.
Rev. fr. d'acup,la respiration
et ses mécanismes
tion : la relation de la respiration avec la poitrine, la relation de la respira-
tion avec les poumons en tant qu’administrateurs, en tant que ministres du
corps et la relation de la respiration avec les processus de création. Et
puisqu’il nous faut suivre un plan, dans un esprit occidental, nous suivrons
celui.
Remarquons que cette derniére relation est la plus importante. I! est difficile
de iraiter et de guérir les maladies du souffle, car si l’on sait, en acupunc-
ture et en Occident, s‘attaquer aux problémes de poitrine, on sait déja beau-
coup moins bien comment agir sur le pournon en tant que ministre d’Etat, et
Von ne sait pratiquement pas comment agir sur les relations entre respira-
tion et processus de création : c’est & ce niveau que se situent nos échecs,
dans la maladie asthmatique en particulier.
RESPIRATION ET POITRINE
Poitrine. Lieu des mouvements du Yin et du Yang.
On sait qu’il est au niveau du corps entier des mouvements globaux du Yin
et du Yang. Ils vont de bas en haut, de l’intérieur 4 l’extérieur, de l'extérieur
& Vintérieur, de droite 4 gauche, de gauche 4 droite, d’avant en arriére, et
d’arriére en avant. {I est aussi des mouvements locaux au niveau de diver-
ses zones du corps, des membres, du tronc, de Ia téte ; et bien entendu au
niveau de la poitrine. Ainsi, en pathologie, un certain nombre de syndro-
mes sont dus & une perturbation de ces mouvement du Yin et du Yang. Ces
perturbations des mouvements du Yin et du Yang se traduisent par un vide,
une plénitude ou une stagnation de Yin ou de Yang. Le diagnostic en est
posé par les huit ragles. Je ne vais pas ici tout reprendre en détail, je pré-
fére essayer de mettre en place tous les mouvements, toutes les fonctions et
structures qui interviennent dans la respiration. Le diagnostic de vide, de
plénitude, de stagnation de Yin et de Yang se fait 4 travers les huit ragles :
Yin/Yang, intérieur/extérieur, vide/plénitude et froid/chaleur. L’intérét est,
ici, qu'il y a un certain nombre de syndromes respiratoires, je pense en par-
ticulier aux emphysémes, dans lesquels parmi les facteurs perturbés se trou-
vent un vide, une plénitude ou une stagnation de Yin ou de Yang.
J‘ai constaté, pour ma part, un assez grand nombre de cas d’emphysémes
dans lesquels il y avait une plénitude de Yang et pour lesquels on obtenait
une amélioration en ne traitant que cette plénitude de Yang.
Il faut done connaitre les points qui gouvernent les mouvements de la poi-
trine. Je les cite rapidement :
Pour que I’énergie de la poitrine puisse circuler, il faut d’abord qu’elle soit
mise en mouvement, pour le Yin par Shao Yin, pour le Yang par Shao Yang.
Le point qui, pour moi, commande la mise en mouvement du Yin du niveau
de la poitrine sur Shao Yin, c’esi le premier point du Shou Shao Yin, situé au
32la respiration
et ses mécanismes
niveau de laisselle. Le point qui commande la mise en mouvement du
Yang au niveau de la poitrine est, pour moi, le vingt-deuxiéme point du Zu
Shao Yang.
Ce sont deux points que l'on peut puncturer suivant une stagnation de Yin
‘ou de Yang au niveau de la poitrine.
On peut aussi avoir affaire & un vide ou une plénitude. Vide ou plénitude
due & une mauvaise répartition des souffles Yin ou Yang entre la poitrine et
le reste du corps. Cela veut dire que, par exemple, les souffles de la poitrine
ne montent pas vers la téie et le cou, que les souffles de la poitrine ne des-
cendent pas vers ‘abdomen, ou méme que les souffles du tronc ne montent
pas vers la t€te et le cou, cette perturbation se manifestant au niveau de
Vabdomen et de la poitrine. La, toute une série de mécanismes sont en jeu.
Par exemple si le Yang est bloqué dans la poitrine et ne peut sortir vers la
téte et le cou : faire le 14 |G ou le 12 E. Si le Yin est empéché de sortir vers
la téte et le cou : faire le 2 P. Si le Yang est empéché de descendre de la
poitrine vers ‘abdomen : faire le 27 E... A chaque fois, il s‘agit d’un cas spé-
cifique.
La premiére notion & avoir présente & I’esprit, est que devant toute patholo-
gie respiratoire, il faut s’interroger sur existence ou non d'un vide, d’une
plénitude ou d'une stagnation de Yin ou de Yang, parce que la poitrine,
comme fout le reste du corps est un lieu o se manifestent les mouvements
du Yin et du Yang.
Nous allons maintenant envisager des relations plus spécifiques entre la res-
piration et la poitrine.
la poitrine est une zone rythmique, c’est une zone d’échange et c/est une
zone de confluence des liquides organiques (ceci est important, sur le plan
de la physiologie et de la pathologie).
Il est évident que quand on considére le tronc divisé en deux par le dia
phragme (il doit inévitablement &tre divisé en deux en fonction méme de la
loi du Yin/Yang), on distingue deux zones, la poitrine et 'abdomen ; la poi-
trine est plutét une zone d’échanges avec l'extérieur alors que abdomen
est davantage une zone métabolique.
La poitrine est aussi une zone rythmique avec le poumon et le cceur alors
que l’abdomen est plus statique, avec les reins, le foie et la rate.
Poitrine. Zone rythmique
La poitrine est une zone rythmique avec le poumion et le cceur, les deux vis-
céres les plus Yin du corps ; et c/est parce qu’ils sont les deux viscéres les
plus Yin du corps qu’ils vont dans la zone la plus Yang du tronc, c’est-d-dire
dans !a poitrine, la loi étant que le Yin va au Yang et le Yang au Yin. Les
entrailles, Yang, vont au Yin c’est-t-dire & abdomen. Les organes, Yin,
voni au thorax et & ’abdomen. Parmi les organes, les plus Yin vont au tho-
33la respiration
et ses mécanismes
rax parce que situé en haut (Yang), alors que les plus Yang vont & l'abdo-
men parce que situé en bas (Yin).
Les organes Yin sont les poumons et le coeur, parce qu’ils sont le rythme. Et
parce que le rythme est & l’origine de la vie. Les rythmes cardiaque et pul-
monaire sont deux manifestations du rythme ; ils sont les deux aspects fon-
damentaux du rythme & Vorigine de la vie, car dés qu’il y a vie, il ya
rythme. Avec le rythme, on est & la source, & l’origine, on est au plus pro-
fond : c’est pour cela que ces deux viscéres sont Yin par rapport aux autres
qui sont plus « tardifs », moins originels, qui n’ont pas trait au rythme mais
au métabolisme, et c’est pour cela que les viscéres qui sont plus « tardifs »,
plus lointains par rapport au rythme, par rapport au Shen — principe de vie,
par rapport & IEmpereur immobile, au centre, sont Yang par rapport aux
organes rythmiques.
La poitrine est ainsi la zone rythmique par excellence. Je n’insisierai pas
longtemps sur cette relation entre rythme et respiration, entre rythme et
souffle. Le Pére Larre et Annick de Souzenelle en ont suffisamment parlé ce
matin, mais il est important de mettre en exergue cette notion de zone
rythmique ; notion qui existe en anthroposophie, dans les médecines tradi-
tionnelles, et que on a un peu perdue de vue en médecine occidentale.
Poitrine. Zone d’échanges
La deuxiéme relation fondamentale sur le plan de la respiration, est la rela-
tion enire la respiration et la poitrine en tant que zone d’échanges.
La poitrine est une zone d’échanges avec l'extérieur par rapport & l’abdo-
men qui est une zone plus interne, plus métabolique, plus tournée vers
V'homme, alors que la poitrine est davantage orientée vers extérieur. C'est
une relativité ; c’est du Yin/Yang. On ne peut pas dire que la poitrine c’est
Vextérieur, les échanges, mais on peut dire que la poitrine c’est plutét
Vextérieur, plutét les « échanges » par rapport 4 l'abdomen qui est plutét
Vintérieur et le « métabolique ».
La poitrine est une zone d’échanges & double titre : c’est une zone d’échan-
ges a l’intérieur de I’homme, et c’est une zone d’échanges dans les relations
de I’homme avec \’extérieur.
Les échanges & I'intérieur de l'homme
Ce problame a été évoqué par le Pére Larre ce matin avec les relations de la
poitrine et du Gi, de la respiration et du Qi, La respiration intervient sur le Qi
4 plusieurs niveaux : elle intervient d’abord dans la mise en mouvement du
Qi au niveau du TR moyen, elle intervient aussi au niveau de la distribution
par la poitrine, sous le contréle du triple réchauffeur supérieur.
Elle intervient dans sa mise en mouvement. Il est écrit dans le Nan Jing,
qu’& chaque inspiration le souffle descend jusqu’au pelvis, qu’ chaque
34la respiration
et ses mécanismes
expiration, le souffle remonte jusqu’au thorax, et qu’a chaque inspiration et
expiration, le Qi élaboré au niveau du TR moyen est poussé de trois pouces.
Ainsi, le Qi élaboré au niveau du TR moyen est poussé de trois pouces & cha-
que inspiration et & chaque expiration quand le souffle descend et remonte.
Jai parlé de Qi, et non d’énergie parce que traduire ce mot par énergie,
est le plus souvent un contresens. C’est trahir non seulement idéo-
gramme, mais la médecine chinoise également. C’est pourquoi il est préfé-
rable de conserver lidéogramme avec tout ce qu'il sous-entend, sans le tra-
duire.
Imaginez donc cette respiration qui pousse le Qi de trois pouces & linspira-
tion et de trois pouces 4 I’expiration vers la poitrine o¥ il est distribué, sous
Vinfluence du TR supérieur dont a parlé le Pére Larre. Le TR supérieur a une
fonction de ramassage et de distribution, de ramassage de I’air et des ali-
ments, de distribution de l’énergie et du sang dans le corps. Qi et sang qui
arrivent & Ia poitrine préts & @tre distribués, sont distribués, pour le Qi par le
Poumon, et pour le sang par le coeur, sous l'influence du TR supérieur.
Ceci est important au niveau de la respiration, parce qu'il y a des liaisons
étroites enire la respiration, la mise en mouvement du Qi au TR moyen et la
distribution du Qi au niveau de la poitrine par le poumon sous la direction
du TR supérieur.
Relevons les trois mots clés : poitrine, poumon et TR supérieur dans sa fonc-
tion de distribution.
Trois points sont ici importants :
Le 6 MC qui gouverne le TR supérieur et deux points qui régissent la distribu-
tion du Qi, Yin et du Qi, Yang, parce qu’inéluctablement le Qi a un aspect
Yin et un aspect Yang que |’on peut voir dans ses deux fonctions, nourriciére
et défensive. Nourriciére, on parle de Rong Qi, défensive, on parle de Wei
Gi. I ne faut pas limiter la dialectique Yin/Yang du Qi & Rong et & Wei
Rong et Wei ne sont que deux aspects, deux illustrations de Ia dialectique
Yin/Yang. Le Qi, Yang, est disiribué par le 18 Gl et le Qi, Yin, “est par
le 2P.
Ce mécanisme intervient souvent dans’ la pathologie respiratoire, soit
comme cause, soit comme conséquence, car nombreuses sont les maladies
qui présentent une perturbation de la distribution des Qi, Yin ou Yang, des
Qi, Rong et Wei au niveau de la poitrine.
Les échanges avec le monde extérieur
On peut ici envisager deux sortes d’échanges, échanges avec latmosphére
par la ventilation et, plus largement, échanges avec le monde exiérieur : ce
sont des échanges plus globaux avec les mondes extérieurs dans lesquels
nous vivons.
35la respiration
et ses mécanismes
La respiration permet les échanges avec atmosphére par la ventilation que
tout le monde connait.
Je rappelle, car c’est important sur le plan thérapeutique, |a relation ici éta-
blie avec le Shou Tai Yin. L’alimentation et la respiration sont mis en relation
avec Tai Yin ; air, plus subtil que !“alimentation, est mis en relation avec le
Yang du Tai Yin, c’est--dire avec le Tai Yin de main. L’alimentation qui est
quelque chose de plus matériel, de plus concret, est mise en relation avec le
Yin de Tai Yin, c/est-d-dire le Tai Yin de pied. Le Tai Yin est en effet double,
avec le Tai Yin de main : le Shou Tai Yin et le Tai Yin de pied : le Zu Tai Yin.
Le Tai Yin de main, qui est en haut, est Yang par rapport & celui de pied qui
est en bas. On met en relation le Yang avec le Yang, c’est-d-dire l’air, la res-
piration avec le Shou Tai Yin, alors que (‘alimentation l’est avec le Zu Tai
Yin. Cela nous est signifié au niveau des trajets ; c'est entre autres pour
cette raison que l’on nous dit que le méridien Shou Tai Yin, du poumon
passe parallélement au pharynx et au larynx alors que le méridien Zu Tai
Yin, de la rate, lui, passe prés de I’cesophage.
‘Au niveau de ces échanges avec I’air, il faut dire le réle fondamental du
17 VC qui est la mer de V’énergie. Le 17 VC régit la relation avec le ciel,
avec les ciels. La meilleure maniére d’illustrer le réle du 17 VC est de com-
parer ’homme & une cathédrale. C’est en superposant la construction de
Vhomme et celle d’une cathédrale ou d’un temple que I’on peut le mieux
comprendre le réle du 17 VC |
Le temple est & l’image de I‘homme, car I’homme est un microcosme &
Vimage du macrocosme ; tout temple, qu’il soit japonais, chinois ou occi-
dental, qu’il soit une cathédrale ou une mosquée, reproduit un macro-
cosme, il reproduit les lois de la vie et donc celles de I’homme : c’est pour-
quoi nous avons l’auiorisation de faire une analogie entre la construction, la
structuration et les fonctions de ‘homme et celles du temple. Si ’on essaie
de prendre ’exemple dune cathédrale, on voit qu’elle est faite de deux
parties : la nef avec le labyrinthe en son centre et le choeur. Si l'on y inscrit
dans la nef le nombril et I'intestin gréle, qui répondent au labyrinthe, le tho-
rax et la poitrine s‘inscrivent dans le choeur. Le diaphragme correspond au
transept ; partant du transept, la fléche monte vers le ciel et correspond & la
zone du coeur, du coeur-centre, du coeur dépositaire du Shen ; au milieu de
la poitrine et du choeur se trouve lautel, I’altare, le haut-lieu, ot l'on com-
munique avec celui qui est en haut, c’est-a-dire avec le ciel, avec les ciels ;
ici est le 17 VC ; c'est le Pére Larre qui a fait & 'un des séminaires de |’Ecole
européenne d’acupuncture une relation entre Vautel et 'idéogramme du
17 VC ; et il est vrai que la meilleure définition du 17 VC est I’autel, c’est-a-
dire les relations avec les ciels.
Qu’est-ce que cela veut dire chez homme ?
Chez homme, le ciel est d’abord la téte. Si on décompose [homme en
trois parties, avec le ciel, Homme et la Terre, le Ciel répond & la téte et aux
membres supérieurs, ‘Homme au tronc et la Terre aux membres inférieurs.
36la respiration
et ses mécanismes
On a donc une premiére relation célesie entre le tronc qui est I‘homme et la
téte qui est le Ciel de ‘homme : le 17 VC gouverne ces relations entre le
ironc et la téte. Il gouverne aussi un deuxiéme type de relation avec le ciel
la relation avec le ciel que I’on respire, car la respiration est céleste par rap-
port I’alimentation, terrestre, et ce, parce que lair est plus subtil que les
aliments, Le 17 VC gouverne donc toute la relation avec lair, avec le ciel en
fant que nutrition aérienne, ou nutrition subtile. De plus, le 17 VC gouverne
les relations avec le ciel qui nous couvre, avec tout ce qui est au-dessus de
nous.
Enfin, le 17 VC est en relation avec le ciel le plus subtil, j‘allais dire avec le
ciel mystique, spirituel, avec le ciel qui répond & l’autel, avec le Christ par la
communion. Ainsi, ce qui définit le mieux le 17 VC, c’est la relation avec les
ciels, avec la téte, ciel de I‘homme, avec le ciel que l’on respire, avec le ciel
qui nous couvre, avec le ciel qui est & lorigine et qui nous crée. En effet,
dans le couple ciel-terre, le ciel donne l’ordre de création alors que la terre
assume cette création et la méne 4 terme ; le Yang qui crée est céleste. Or,
ce ciel-la, plus subtil, plus spirituel, plus transcendant est en relation avec le
17 VC ; voil& pourquoi j’ai un certain respect pour ce point...
Cest en effet, & travers des expériences de ce type que I’on commence &
avoir une nouvelle vision des points d’acupuncture, c’est quand on percoit
que ce point est en relation avec tous les ciels, qu’on le regarde autrement
et que l’on n’ose plus le puncturer inutilement, en passant ; puis, & un
moment donné, on finit par ne plus oser le puncturer du tout et alors, on
comprend Chamfrault et Laville-Méry, qui disent qu’il ne faut pas piquer ce
point, mais qu'il faut y faire des moxas.
Je crois qu'il est important d’avoir une vision plus cosmique des points, on
apprend ainsi & les respecter et on apprend aussi que piquer un point, c’est
faire plus que détruire des cellules ou que stimuler un nerf, c’est faire beau-
coup plus que cela ; c’est stimuler des fonctions archétypielles ou cosmiques
ou qui pourraient |’étre si l’on était, comme le disait le Pére Larre ce matin,
dans |’état de vacuité qui devrait tre celui de tout acupuncteur.
On vient de voir la relation entre lair et la poitrine, mais la poitrine est une
zone d’échanges plus étendue qui établit des relations, plus globales, avec
tous les mondes extérieurs.
Je rappelle, parce que cela peut étre important au niveau de la thérapeuti-
que, que le 6 MC gouverne le TR supérieur en tant que ramassage ; le 6 GI
régit le Lo longitudinal qui, pour moi, gouverne la poitrine en tant que zone
d’échanges avec tous les milieux ef sur tous les plans. :
On comprend, & partir de la, la relation qu’il y a entre poitrine et Shao Yang,
poitrine et Yang Wei. Shao Yang est la charniére du Yang dans les trois
niveaux du Yang. II est celui qui s‘ouvre vers I’extérieur et vers l’intérieur du
Yang et qui permet la libre circulation du Yang
jen curieux qui gouverne les espaces Yang. Or, le
37
Yang Wei est le méla respiration
et ses mécanismes
monde extérieur dans lequel on circule est Yang par rapport & nous, car il
est & l’extérieur de nous ef que nous sommes & lintérieur. L’assistance est
Yang par rapport & moi, parce qu’elle m’entoure ; la périphérie, la peau
pour moi est Yang par rapport & lintérieur.
Si je considére mes échanges avec lassistance qui m’est périphérique, elle
est un espace Yang par rappor! & moi. Ici, Yang est le monde extérieur,
alors que I’homme est Yin dans cette référence. Le Shao Yang, la charniére
du Yang, est libre circulation dans le monde extérieur et le Yang Wei qui
gouverne les relations avec les espaces Yang, gouverne la relation avec les
espaces extérieurs. Ainsi, devant un malade présentant un syndrome dé &
une pénétration d’énergie perverse vent-froid, on doit piquer le Yang Wei,
parce que le Yang Wei est la relation avec les espaces Yang, c’est-d-dire
avec les mondes extérieurs. C’est pour cela qu’un certain nombre de points
situés sur Shao Yang gouverneni les relations avec le monde extérieur
comme les 8 VB et 9 VB. 8 VB et 9 VB contrélent Ia libre circulation de
homme dans le monde extérieur : le 8 VB régit cette libre circulation de
homme sur un mode matériel ; le 9 VB le fait sur un mode immatériel. Au
niveau du 8 VB on nous parle d’alcool, de toxicomanies, de tabac, alors
qu’au niveau du 9 VB sont décrits des troubles psychiques, immatériels, sub-
tils.
Et parce que la poitrine est une zone d’échanges, on trouve souvent des
symptémes thoraciques dans les blocages de la charniére Shao Yang ou
dans des perturbations du Yang Wei, et il faut dans ces cas intégrer les
symptémes thoraciques dans Shao Yang ou Yang Wei.
Poitrine. Zone de confluence des liquides
La poitrine, chose importante dont il faut parler, est la zone de confluence
des liquides organiques. Ilya, en effet, une grande affinité entre poumons
et liquides organiques en médecine chinoise.
Rappel du métabolisme des liquides : les aliments absorbés sont constitués
de liquides et de solides ; au premier tri, les liquides purs absorbés, ils vont
& la rate, au poumon, puis av coeur (chap. 22 de Su Wen).
Au deuxiéme tri, une méme séparation entre le pur et ’impur, entre le clair
et le trouble fait que ce qui est clair va aux reins pour monter & la rate, aux
poumons, puis au coeur, quand ce qui est trouble est éliminé en particulier
par la vessie.
Arrive ainsi au niveau de la poitrine une quantité considérable de liquides
organiques. C’est peut-étre pour cela qu’il y a une liaison entre poumons et
sécheresse de par la nécessité qu’il y a & assécher tous ces liquides qui arri-
vent.
Que se passe-t-il alors ?
Les textes précisent le réle fondamental et énigmatique du poumon, « toit
38la respiration
et ses mécanismes
des viscéres qui abaisse les liquides organiques ». Je ne comprends pas trés
bien ce que cela veut dire.
On peut imaginer que ces liquides descendent vers le bas du corps pour
gagner le triple réchauffeur, le rein, la vessie, mais quoi qu’il en soit, le
poumon est une zone de concentration, de confluence importante des liqui-
des organiques.
Quelles en sont les conséquences pathologiques ?
Les liquides, qui, normalement, sous leurs aspects Yin et Yang, circulent
dans le corps, pathologiquement stagnent, se coagulent et produisent des
glaires (Vidéogramme de glaire est « lan » qui veut dire « liquide qui se coa-
gule »), d’ot une accumulation de glaires au niveau de la poitrine, zone de
confluence des liquides organiques ; c’est pour cette raison qu’un grand
nombre de maladies de la poitrine sont liges & une pathologie des glaires et
qu’a l'inverse, les maladies des glaires se manifestent irés souvent au
niveau de la poitrine. Les maladies des glaires ont irois localisations privilé-
giées : digestive au niveau de I'estomac-rate et du TR moyen, thoracique (et
Fon comprend pourquoi) et cérébrale, en particulier au niveau des orifices
du Shen avec des répercussions mentales ou neurologiques.
RESPIRATION ET POUMONS
Le poumon, ministre d'Etat
Les fonctions des poumons sont dites au chapitre 8 de Su Wen, qui décrit le
gouvernement du corps avec, au centre le cceur, le souverain, ’empereur,
immobile, transparent, médiateur entre I’ordre idéal du monde, l’ordre du
ciel, les lois de la vie et son pays. Un gouvernement l’assiste qui agit puis-
que l'empereur n’agit pas, avec ses dix minisires : chez ‘homme ce sont les
dix viscéres. Le premier est le poumon ; c’est le ministre d’Etat. Quel est son
réle ? Le mieux est de prendre I’exemple d’un pays comme la Chine ;
Vempereur est au centre, transparent, médiateur. Un ministre transporte les
lois de la vie dans tous les territoires de la Chine, dans toutes les administra-
tions, dans toutes les familles et puis, en retour, il informe l’“empereur de
l'état de ses administrations, de ses familles, de ses contrées, de ses territoi-
res. Il y a ainsi un va et vient incessant entre cet empereur au centre de la
roue et l’infinité des contrées et des familles qui composent la Chine. Ce va
et vient incessant, c’est la respiration.
Tout respire
Nous sommes ici au niveau d’un échange fondamental entre l’ordre du
monde et toutes les conirées d’un pays ou d’un homme, car ’échange est le
méme au niveau de I’homme. Dés qu’il y a vie, il y a respiration, obligatoi-
39la respiration
et ses mécanismes
rement. Dés qu’il y a vie, il faut qu'il y ait le mécanisme qui permette cet
&change entre l’empereur, cest-d-dire ordre idéal du monde qui est con-
tenu en lui, et tous les mécanismes, toutes les structures, toutes les fonctions
de la vie.
Cela veut dire qu’il ne peut y avoir de vie sans respiration ; c’est impossible.
Ainsi, on dit que I’univers est en expansion ; a priori, il n’est pas en expan-
sion, il est dans une alternance d’expansion et de rétraction, car nécessaire-
ment il respire. Ceci, nous explique le réle privilégié dy poumon en tant que
Premier minisire d’Etat ; le deuxiéme ministre d’Etat est le coeur viscére,
c’est l'ambassadeur, c’est le ministre du centre. Le coeur est |’émissaire,
Vambassadeur qui diffuse les ordres de I’empereur (non pas ‘ordre du
monde, mais les ordres).
Pathologie et thérapeutique
Cela est important en pathologie parce que, bien entendu, dans un certain
nombre de troubles respiratoires, il y aura une perturbation du poumon en
tant qu’adminisirateur avec des troubles respiratoires et une perturbation de
cette relation & ’ordre : ce sont des étres dispersés, non reliés, en désordre.
On ne peut pas séparer apparent du caché. L’un manifeste ‘autre, Cela
veut dire que ce sont des gens qui manifestent par leur attitude, par leur
mode de vie, un grand désordre, cette apparence répondant & un grand
désordre intérieur
Il ne faut donc pas oublier ici qu’il doit y avoir des troubles respiratoires et
des perturbations de la relation avec ordre, pour pouvoir incriminer les
poumons, en tant qu’administrateur. Car d’autres mécanismes peuvent étre
én jeu : on ne peut pas dire que la respiration : ce sont les poumons, cela
serait trop simple.
Dans les troubles du poumon en tant qu’administrateur, deux points sont
indiqués, le 22 Rn et le 13 V.
RESPIRATION ET PROCESSUS DE CREATION
Allons plus profondément encore et abordons ce sur quoi nous butons tous,
tant sur le plan de la connaissance que sur celui de la qualité d’étre, parce
que, pour atteindre a ces niveaux de profondeur, il faut une qualité d’éire,
/allais dire une initiation. C’est la que nous butons, que nous échovons et
nfavons que peu d’action, sur nombre d’insuffisances respiratoires, de
maladies asthmatiques, d’emphysémes, dans cette relation, entre respira-
tion et création.
Le réle fondamental de I'« expir divin »
lly a une relation fondamentale entre respiration et processus de création.
40la respiration
et ses mécanismes
Remontons & l’archétype, & I’expir divin, Dans nombre de textes tradition-
nels, on nous dit des lois de la vie, on nous dit, scientifiquement, des lois de
la vie. C’est la jonction de lart et de la science dont on nous parlait ce
matin.
Viconographie qui représente le Créateur, le Principe de Vie, Dieu, (le nom
ne change rien & la réalité de la chose), nous dit qu’l! donne la vie par son
expir, elle nous’signifie une loi : le souffle est créateur, tout expir est créa-
teur a tous les plans ; c'est un archétype. Un archétype, c’est une loi fonda-
mentale, universelle, qui se manifeste a tous les plans. Quand on expire, on
crée, méme si |’on ne soit pas comment ; et ce, sur tous les plans, matériel,
psychologique, énergétique et spirituel. Nous en verrons un exemple tout &
Vheure.
Expirer, c’est créer, c’est appliquer l’archétype du Divin qui crée, qui donne
la Vie, qui insuffle la Vie. Cette relation entre souffle et création, entre res-
piration et création est fondamentale.
Respiration et pelvis
Ceci explique trois mécanismes fondamentaux décrits en acupuncture : les
relations entre respiration et reins, entre respiration et pelvis et entre respi-
ration et Verbe.
Relations entre respiration et reins
Les reins, dans le gouvernement dont nous parlions tout 4 I’heure, sont char-
gés des processus de création. Ils sont la force créatrice. IIs détiennent toutes
les potentialités créatrices. Ils sont en relation avec la création sous toutes
ses formes et 4 tous les plans, avec la sexualité, création la plus immédiate
par la procréation, mais aussi avec tous les autres processus de création
ly a une relation fondamentale entre respiration et reins ! On retrouve ici
ce qu’ont dit le Pére Larre et Annick de Souzenelle au niveau de cette rela-
tion archaique, archétypielle entre la respiration et les reins ; je n’insisterai
pas sur le nombre de textes chinois qui nous disent de traiter les dyspnées et
les troubles respiratoires en agissant sur les reins en tant que ministres
(avant tout par les 14 Rn et 23 V).
Ancrage et assise
Il existe une relation plus large entre respiration et pelvis. Ici je passe vite
car Jean-Marc Eyssalet en parlera tout & ’heure.
On ne peut pas comprendre la respiration, si ’on ne descend pas le souffle
inspiré jusqu’au pelvis. || faut imaginer, comme le dit le Nan Jing, que le
souffle & l'inspiration descend au pelvis et qu’il y jette 'ancre comme un
bateau jette l'ancre au fond de l'eau ; si ’on ne peut pas jeter l’ancre, on ne
atla respiration
et ses mécanismes
peut pas inspirer. A inverse, & expiration, le souffle prend appui sur le
pelvis comme on prend appui par terre pour sauter ; si l'on ne prend pas
appui par terre on ne peut pas sauier ; si ’on ne prend pas appui sur le pel-
vis, on ne peut pas expirer, C’est la seconde relation fondamentale. Quand
on inspire, on jette Vancre dans le pelvis, et quand on expire, on prend
appui sur le pelvis.
Le seul espoir que l'on ait de pouvoir agir sur la maladie asthmatique, — je
ne dis pas la crise d’asthme, qui peut étre soulagée —, se situe au niveau de
cette relation souffle-pelvis : c’est-d-dire que nous aurons a traiter les mala-
dies asthmatiques au niveau du pelvis par des points qui permettent de jeter
Vancre, par exemple les 3 et 4 VC ou par des points qui permettent de pren-
dre appui pour expirer comme les 2 et 5 VC.
Fonctions créatrices
Ilest bien évident qu’au niveau du pelvis, Ia respiration est en relation avec
tout ce qui, dans le pelvis, est créateur et d’abord avec la région des reins,
située en avant, en bas et entre les reins, ob sont concenirées les énergies
héréditaires, o¥ sont situés les organes génitaux et 'enveloppe de I’utérus.
Utérus n’est pas une bonne traduction, les textes ne parlent pas d’anatomie,
mais de fonction ; il faudrait dire envelope de gestation.
Car il y a une envelope de I’utérus chez tous les étres, chez la femme
comme chez l'homme.
Chez la femme, il y a deux gestations possibles : celle qui lui permet de
donner naissance & un étre matériel, & un étre de chair qu’elle accouche par
le bas, et celle qui permet de donner naissance 4 un étre spirituel, et qu’elle
accouchera par le haut. On a trop tendance, en Occident, & parler d’enve-
loppe de I’utérus, en tant que poche anaiomique avec ses muscles et ses
membranes, alors qu’il est ici question d’enveloppe de gestation qui, proté-
geant toutes les gestations & quelque plan que ce soit, protége la mise en
mouvement de la vie. C’est la que la vie se met en mouvement avec Chong
Mo. C’est l& que les mutations débutent & quelque plan de manifestation
que ce soit, Les premiéres mutations se font au niveau du pelvis. Cela expli-
que une relation importante que tout le monde connait entre respiration et
Shao Yin, qu’il ne faut pas confondre avec celle entre respiration et reins.
Nous parlions précédemment de respiration et de reins en tant qu‘adminis-
trateurs chargés de la procréation, Nous parlons ici de relation entre respira-
tion et pelvis, entre respiration et mise en mouvement de la vie, en tant que
premiéres mutations de l’étre qu'il s‘agisse d’un éire matériel ou d’un nou-
vel &tre ; cette relation se fait 4 travers Shao Yin. On sait que Shao Yin est,
d'une part la mise en mouvement du Yin, la mise en mouvement de la vie,
et, d’autre part la premiére mutation du Yin, le premier état du Yin. Cela
explique cette relation fondamentale entre respiration-pelvis et Shao Yin,
que I’on peut traiter, soit par des points de commande, soit par des points
42la respiration
et ses mécanismes
spécifiques comme le 4 VC ou le 13 Rn pour la mise en mouvement, comme
le 11 Rn, le 9 Rn, pour la premiére mutation du Yin.
Respiration et verbe
Le souffle est le support du verbe. On ne peut pas les dissocier. Comme le
verbe est créateur, le souffle a nécessairement une fonction créatrice. Le
verbe est créateur sur tous les plans, en nous et en dehors de nous. C’est
connu ; pourtant, on l’oublie sans cesse. Quand on dit une chose, on la rend
possible. Quand on prédit que « la guerre aura lieu en 1982 », on la rend
possible et ce, parce que le verbe est créateur. Quand un astrologue dit un
tel va avoir un accident, il rend la chose possible. C’est une notion que
Vacupuncture nous rappelle car il est vrai que l'acupuncture nous apprend
la gravité, gravité des gestes, gravité de ce que I’on fait.
Ici, il me semble que I’on est & lorigine, & la racine de la respiration entre le
souffle, le verbe et Ia création.
Et si nous effectuons lors de ce symposium, le retournement qu’a esquissé
Annick de Souzenelle ce matin, en passant d’une respiration mécanique &
une respiration archétypielle avec ses relations avec le souffle, le verbe et
la création, nous aurons déjé bien travaillé.
Pour illustrer cette relation enire respiration et verbe, le mieux n’est pas de
parler, mais d’écouter, d’écouter un « mantra soufi » basé sur I’évocation du
nom divin. Cette évocation est créatrice, car elle permet la conception d’un
nouvel étre, car elle nous rappelle que la vie est dans le méme temps le
déroulement des attributs divins dans son expir et la réintégration en Lui lors
de son inspir.
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