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« Noe Anabaptist » :

Le kuypérianisme et la théonomie chez


les premiers réformés baptistes

Par Tribonien Bracton1 Dernière m-à-j : 30 octobre 2020

« Les autorités civiles ont été ordonnées par Dieu, et sont établies par Dieu afin de
punir les malfaiteurs et de louer ceux qui font le bien. »
— Confession de foi réformée baptiste de 1644\1646, article 48

« Nous sommes de plus accusés de promouvoir la tolérance universelle de toutes les


hérésies, tant dans les choses civiles que religieuses, sous prétexte de liberté de
conscience. Cela est notoirement faux : nous déclarons devant Dieu qui nous jugera
promptement à notre mort, oui, devant les anges et les hommes, notre détestation
absolue d’une telle tolérance ; car dans les choses civiles, nous ne désirons pas qu’il y
ait la moindre tolérance des hérésies de quiconque, encore moins parmi nous. »
— Jonathan Spilsbury, William Kiffin et Christopher Blackwood, 1659

« La loi morale oblige à l’obéissance pour toujours tous les hommes, qu’ils soient
justifiés ou non ; cela, non seulement en rapport à son contenu mais aussi concernant
l’autorité de Dieu le Créateur, qui l’a donnée. Christ dans l’Évangile, loin de l’abroger,
en a considérablement renforcé l’obligation. »
— Confession de foi réformée baptiste de 1677\1689, article 19:5

1
L’auteur, Canadien français, est réformé baptiste de conviction, et historien & juriste de formation. La présente
étude doit préférablement être lue conjointement avec cette étude complémentaire : Tribonien Bracton, « La
Confession de foi réformée baptiste de 1689 est théonomique », Le Monarchomaque,
http://monarchomaque.org/2015/07/17/1689-theonomique/, publié le 17 juillet 2015.
1
English Abstract: Kuyperianism and Theonomy among the Early Reformed Baptists

The author is a French-Canadian, a Reformed Baptist, and a historian & jurist.

This study argues and demonstrates that in the middle of the XVIIth century, the founders of
Reformed Baptism were unanimously kuyperians and massively theonomists — rather than
pietists and devotees of Radical Two Kingdom (R2K) Theology. It also provides evidence that
many prominent leaders and key figures of this puritan denomination in the two following
centuries were kuyperians and theonomists as well.

The author defines Kuyperianism as the affirmation that “the lordship of Christ [extends] over all
temporal affairs” and that “Scripture governs all aspects of human life, including culture and
government.” Kuyperianism is well summarized in Abraham Kuyper’s inaugural address at the
dedication of the Free University of Amsterdam: “There is not a square inch in the whole domain
of our human existence over which Christ, who is Sovereign over all, does not cry: ‘Mine!’,” and in
the first of his six Stone Lectures delivered at Old Princeton: “Calvinism [is] a life-system.”

After reviewing several definitions of Theonomy, the author retains, as qualifying criteria, the
promotion (either express or tacit) of the establishment of the protestant religion (not the
establishment of a state church) — measured by the refusal of political polytheism (religious
pluralism) — and the promotion of the reformation of positive law according to the Bible.

The author defines Pietism as a religious movement that emphasizes “Christian” piety in a
Hellenic & Pagan dualistic sense, which opposes “spiritual” otherworldliness to earthly
“worldliness” and thus leads to antinomianism and the rejection of the Dominion Mandate.

This study shows that the first generation Reformed Baptists kuyperians and theonomists were:
John Spilsbury, William Kiffin, Hanserd Knollys, Daniel Axtell, John Carew, Thomas Patient,
Samuel Richardson, Edward Cresset, John Tombes, William Steele, Paul Hobson, Thomas Gower,
John Pendarves, John Vernon, William Allen, Christopher Blackwood, and Christopher Feake. All
of these godly men were pastors or magistrates (often chaplains in the New Model Army)2.
The author humbly hopes that this studious scholarship may help clear away some of the present
academic and popular confusion regarding Reformed Baptist orthodoxy and identity.

2
Henry Jessey (who later became a Seventh-Day Baptist) and Thomas Collier (who later became a Socinian) could
also be added to the list.
2
Table des matières

1. Définitions du kuypérianisme, de la théonomie et du piétisme ................................... 4

2. Problématique : quelle est l’orthodoxie réformée baptiste ? ........................................ 8

3. Ni monopole presbytérien, ni anarchie niveleuse : la coalition réformés baptistes—


congrégationalistes ........................................................................................................... 10

4. Le Protectorat théonomique d’Oliver Cromwell : la Réformation constitutionnelle .. 14

5. Les réformés baptistes loyaux au Protectorat : les théonomistes gradualistes qui


priorisaient la consolidation............................................................................................. 17

6. Le Barebones’s Parliament de Thomas Harrison : la Cinquième monarchie et la


Réformation totale ............................................................................................................ 21

7. Les réformés baptistes hostiles au Protectorat : les théonomistes qui voulaient hâter
l’Eschaton ......................................................................................................................... 24

8. Réitération de la théonomie par les dirigeants réformés baptistes au crépuscule de la


Révolution anglaise .......................................................................................................... 26

9. Cas particuliers de Christopher Feake et de Christopher Blackwood ......................... 29

10. Continuité théonomiste chez les réformés baptistes jusqu’au XIXe siècle ................ 30

11. Bibliographie.................................................................................................................38

Dans le présent document, sauf indication contraire,


les citations traduites de l’anglais l’ont été par l’auteur,
les emphases (caractères gras ou italiques) sont le fait de l’auteur,
et les guillemets & la ponctuation ont été standardisés par ce dernier.

3
1. Définitions du kuypérianisme, de la théonomie et du piétisme

Qu’est-ce que le kuypérianisme ? C’est l’affirmation que « la Seigneurie de Christ s’étends sur
toutes les affaires temporelles3 » et que « l’Écriture gouverne tous les aspects de la vie humaine,
incluant la culture et les gouvernements4 ». Le nom de cette doctrine provient d’Abraham
Kuyper (1837-1920). Il fut député puis sénateur aux États-Généraux des Pays-Bas de 1874 à 1920,
et Ministre-Président des Pays-Bas de 1901 à 1904. Abraham Kuyper cofonda l’Université Libre
d’Amsterdam en 1880, où il fut professeur de théologie. En 1892, il châpeauta la réorganisation
de 700 congrégations calvinistes orthodoxes qui formèrent les nouvelles Églises réformées des
Pays-Bas. Actif sur tous les fronts, surnommé la tornade bottée, Kuyper s’est battu avec
acharnement pendant toute sa vie pour défendre la liberté scolaire des chrétiens et
l’indépendance de l’Église. Il a, à ce titre, obtenu un succès non-négligeable5.

Le kuypérianisme est bien résumée par Kuyper dans son discours d’inauguration de l’Université
Libre d’Amsterdam : « Il n’existe pas un seul centimètre carré dans tout le domaine de
l’existence humaine sur lequel Christ, qui est Souverain sur tout, ne s’écrie : “C’est à Moi !” 6 »,
ainsi que par le titre de sa première (sur une série de six) conférence prononcée à l’Université
de Princeton (New Jersey) en 1898 : « le calvinisme est un système de vie7. »

Pour plus d’informations sur le kuypérianisme, le lecteur se réfèrera aux notes infrapaginales8.

3
John Frame, Systematic Theology : An Introduction to Christian Belief, Phillipsburg (New Jersey), Presbyterian &
Reformed Publishing, 2013, p. 17.
4
John Frame, « Is Natural Revelation Sufficient to Govern Culture ? », Frame & Poythress, http://frame-
poythress.org/is-natural-revelation-sufficient-to-govern-culture/, publié le 21 mai 2012.
5
Pour une présentation sommaire de la vie & de l’œuvre de Kuyper, consultez la section III de cet article : Pierre
Courthial, « Le mouvement réformé de reconstruction chrétienne », Hokhma, N° 14, 1980, p. 44-70, en ligne :
http://vbru.net/src/divers/divers/courthial_mrrc.html, consulté le 1er mars 2016 ; Pour une biographie complète de
Kuyper, consultez ce livre : James Bratt, Abraham Kuyper : Modern Calvinist, Christian Democrat, Grand Rapids
(Michigan), Eerdmans Publishing, 2013, 500 p.
6
James Bratt, Abraham Kuyper : A Centennial Reader, Grand Rapids (Michigan), Eerdmans Publishing, 1998, p. 488.
7
Abraham Kuyper, Lectures on Calvinism, Grand Rapids (Michigan), Eerdmans Publishing, 1999 (1931), p. 9-40.
8
Pour un exposé exhaustif du kuypérianisme de la plume de Kuyper lui-même, consultez : Our Program : A
Christian Political Manifesto, Bellingham (État de Washington), Lexham Press, 2015, 432 p. Pour des exposés
contemporains du kuypérianisme, consultez : John Frame, « Toward a Theology of the State », Frame & Poythress,
http://frame-poythress.org/toward-a-theology-of-the-state/, publié le 7 juin 2012 ; Robert Charles Sproul,
4
Qu’est-ce que la théonomie ? La Société théonomiste de France (active dans la décennie 2000 et
parrainée par les distingués théologiens Paul Wells, Pierre Courthial, Jean-Marc Berthoud et
André Coste) répond : La théonomie est la doctrine selon laquelle « la loi (nomos) de Dieu
(Theos) est l’unique norme par laquelle l’homme est appelé, non seulement à plaire à Dieu et
à se sanctifier, mais encore à conformer sa vie personnelle et communautaire. [La vocation du
chrétien consiste] à étendre le règne de Dieu sur terre en prêchant avec courage le scandale
de la Croix et en élevant nos enfants dans la crainte de Dieu et l’obéissance à ses
commandements afin de préparer des générations de chrétiens théonomiques [...] aptes à
appliquer naturellement les commandements et directives de Dieu à tous les domaines de la
réalité9. »

La théonomie se définit, dans sa plus simple expression, comme suit : C’est la doctrine
protestante du Sola Scriptura appliqué en droit, ou encore la doctrine réformée du principe
régulateur appliqué en droit10. Concrètement, cela signifie que le droit en vigueur dans
tout gouvernement — familial, ecclésial ou civil — doit provenir entièrement et
exclusivement des Saintes Écritures, directement ou indirectement. Aujourd’hui, dans les
milieux protestants dits « conservateurs », la théonomie dans les sphères des gouvernements
familial et ecclésial est largement acceptée. Toutefois, la théonomie dans la sphère du
gouvernement civil soulève beaucoup d’objections — infondées — en ce début de XXIe siècle.
Le débat entre théonomistes et piétistes s’articule donc largement autour de la question à savoir

→ How Should I Live In this World ?, 2009, 94 p. ;


→ What Is the Relationship between Church and State ?, 2014, 56 p. ;
Orlando (Floride), Reformation Trust. (Téléchargeables gratuitement sur le site web de Ligonier Ministries.)
9
Simon Scharf, « Qu’est-ce que la théonomie ? », La Croix & l’Épée, volume 1, numéro 11, 2002, p. 4-5.
10
William Einwechter, Walking in the Law of the Lord : An Introduction to the Biblical Ethics of Theonomy,
Hopeland (Pennsylvanie), Darash Press, 2010, p. 12, 17 (citant Greg Bahnsen), 21, 68 (citant Cornelius van Til), 169,
181 et 183 (citant encore Bahnsen) ; Steve Halbrook, « Sola Scriptura and Civil Government : Part 1 : The Regulative
Principle of the State as Advocated in the Reformation », Theonomy Resources,
http://theonomyresources.blogspot.ca/2014/11/sola-scriptura-and-civil-government.html, publié le 22 novembre
2014.
5
si « les lois civiles mosaïques sont obligatoires pour les gouvernements civils
aujourd’hui11. » La théonomie soutient l’affirmative, et le piétisme soutien la négative.

Or ce dernier critère de qualification, quoique pertinent, n’est pas adéquat, pour trois motifs.
Premièrement, dans la Bible, il n’existe nullement de catégorie distincte de « loi civile » séparée
de la loi morale, malgré qu’il existe un bon nombre de lois qui relèvent de la compétence du
gouvernement civil et qui peuvent par conséquent être appelées des « lois civiles » spécifiques12.

Deuxièmement, en mettant l’emphase sur les lois spécifiques (case laws), ce critère dissocie
celles-ci des Dix Commandement dont elles ne sont, en réalité, que l’appendice13. Comme le
signale Frederick Fyvie Bruce, professeur de critique biblique et d’exégèse à l’Université de
Manchester (Angleterre du Nord-Ouest) : « L’organisation des lois du code de l’alliance n’est
pas arbitraire : chacune de ses sections développe un des Dix Commandements, d’où
l’appellation de ‹ midrash [interprétation] du Décalogue › qu’on lui a donné14. » James
Hamilton, professeur de théologie biblique au Southern Baptist Theological Seminary de
Louisville (Kentucky), renchérit : « Tout ce qui suit le récital des Dix Commandements en
[Deutéronome] chapitre 5 sert à exposer ces Dix Paroles. Généralement parlant, tout
Deutéronome 6 à 25 peut être compris comme un développement des Dix Commandements15. »

Troisièmement, le champ d’application de la théonomie étant très vaste (tous les domaines de la
réalité), il serait mal avisé de retenir ce critère, puisque l’extrême multiplicité des applications
potentielles fait en sorte que l’historien peut très aisément s’enfarger dans les fleurs du tapis.
Pour savoir si un individu, groupement ou document est théonomiste, nous retiendrons donc
ces critères de qualification :

11
Joel McDurmon, « Theonomy Debate – McDurmon v. Hall », American Vision,
http://americanvision.org/11704/theonomy-debate-mcdurmon-v-hall/, publié le 27 février 2015.
12
Jean-Marc Berthoud, L’Alliance de Dieu à travers l’Écriture sainte : Une théologie biblique, Annexe au chapitre 4 :
Brève note sur la théonomie et les trois aspects de la loi, Lausanne (Romandie), Éditions L’Âge d’Homme, 2013, p.
185-188.
13
James Hamilton, « The Glory of God in Salvation through Judgment in Deuteronomy », Southern Baptist Journal
of Theology, volume 18, numéro 3, automne 2014, p. 27-28 ; Jean-Marc Berthoud, op. cit., p. 173-178.
14
Frederick Fyvie Bruce, « Livre de l’Alliance », Grand Dictionnaire de la Bible, 2e éd., Charols (Rhône-Alpes),
Éditions Excelsis, 2010, p. 45.
15
James Hamilton, loc. cit., p. 26.
6
 Il considère que le christianisme protestant doit être la religion établie dans la
collectivité civile, qu’il doit seul jouir du droit de cité, qu’il doit bénéficier d’une
exclusivité juridique, autrement dit qu’il récuse le polythéisme politique16 (pluralisme
religieux). Attention : ceci n’implique pas nécessairement l’établissement d’une Église
d’État détenant un monopole ecclésiastique.
 Il considère que le droit étatique doit être réformé et façonné en suivant la Bible.

Qu’est-ce que le piétisme ? « Le piétisme est un mouvement religieux qui commença au XVIIe
siècle. Il souligne à juste titre le besoin d’une application personnelle du christianisme mais le
fait — à tord — en suivant les catégories du dualisme hellénique [païen] ravivé par la
Renaissance [XVe-XVIe s.] et la pensée des Lumières [XVIIe-XVIIIe s.]. Le piétisme est une
emphase sur la piété comprise dans un sens dualiste, c’est pourquoi il tend incessamment vers
une pureté subjective et antinomienne (anti-nomos, anti-loi de Dieu). Le piétisme
comprend le christianisme d’une façon ‹ spirituelle ›, mystique & angélique, et le
perçoit en opposition à la [prétendue] mondanité des activités humaines quotidiennes.
Le piétisme, en fait, voit le christianisme comme une retraite hors des préoccupations terrestres
et mondaines, qu’il abandonne toujours davantage17. »

Le lecteur l’aura compris, le kuypérianisme n’implique pas nécessairement la théonomie, mais


la théonomie implique nécessairement le kuypérianisme. Le piétisme, quant à lui, si situe en
marge de l’orthodoxie chrétienne protestante représentée par le kuypérianisme et la
théonomie. D’autre part, même si les mots kuypérien et théonomiste furent inventés au XXe
siècle, les positions doctrinales que ces mots dénotent furent présentes tout au long de
l’histoire de l’Église. Ce n’est donc pas un anachronisme de qualifier des protestants réformés
ayant vécus du XVIIe au XIXe siècle de kuypériens ou de théonomistes18.

16
J’emprunte ce vocable à Gary North, Political Polytheism : The Myth of Pluralism, Tyler (Texas), Institute for
Christian Economics, 1989, 795 p.
17
Mark Rushdoony, « How Christianity Marginalized Itself », Chalcedon Foundation,
http://chalcedon.edu/research/articles/how-christianity-marginalized-itself/, publié le 18 juillet 2005.
18
Doug Wilson et Toby Sumpter, « Conversation : What does it mean to be “Kuyperian” ? », Canon Wired,
http://www.canonwired.com/resources/conferences-audio/kuyperian/, publié le 1er octobre 2010.
7
2. Problématique : quelle est l’orthodoxie réformé baptiste ?

En ce début de XXIe siècle, c’est un lieu commun pour les chrétiens baptistes de croire et de
dire que la liberté religieuse illimitée, vache sacrée du droit-de-l’hommisme, est au cœur de
l’identité baptiste parce que les pionniers de cette dénomination protestante l’auraient
défendus becs et ongles. Prenons un exemple notoire : Étienne Lhermenault. Professeur à
l’Institut Biblique de Nogent-sur-Marne (IBN), Directeur administratif de la Faculté libre de
théologie évangélique de Vaux-sur-Seine (FLTE), Secrétaire général de la Fédération des églises
évangéliques baptistes de France (FÉÉBF), et Président du Conseil national de évangéliques de
France (CNEF), Lhermenault allègue sans gêne aucune : « La passion des baptistes pour une
totale liberté religieuse est au cœur de leur identité. [...] Thomas Helwys, Roger Williams, Isaac
Backus, John Leland, Johann Gerhard Oncken, William Knibb, Paul Besson et d’autres baptistes
ont été des avocats de la liberté religieuse. [...] Les baptistes ont toujours plaidé en faveur d’une
liberté religieuse totale, non seulement pour eux-mêmes, mais également pour les autres, quelle
que soit leur religion. Aujourd’hui, les baptistes [...] défendent une laïcité ouverte de stricte
séparation des Églises et de l’État19. »

Aujourd’hui, dans le monde baptiste de sympathie réformée, plus précisément, plusieurs figures
de l’establishment avancent que la théonomie est à l’antipode du baptisme réformé. Ainsi, les
théologiens américains James Renihan, Richard Barcellos et Samuel Renihan — les trois
hommes derrière le site de vulgarisation historico-théologique 1689Federalism.com —
soutiennent qu’« il est impossible d’adhérer en même temps à la théonomie et à la théologie
des alliances de la Confession de 168920. » Le théologien Samuel Waldron clame que la
théonomie est complètement à l’opposé du baptisme réformé, et que la théonomie est
carrément une singularité du pédobaptisme21. Le prolifique blogueur Jay Engels prétends qu’il y

19
Étienne Lhermenault, Les églises baptistes : Un protestantisme alternatif, Mus (Languedoc), Éditions Empreinte,
2009, p. 91-92 et 141-142.
20
James Renihan, Richard Barcellos et Samuel Renihan, « 1689 Federalism & Theonomy », 1689Federalism,
http://www.1689federalism.com/1689-federalism-theonomy/, publié le 27 janvier 2015.
21
Samuel Waldron, « Theonomy : A Reformed Baptist Assessment », Reformed Reader,
http://www.reformedreader.org/rbs/tarba.htm, consulté le 1er mars 2016.
8
a une « différence frappante entre les compréhensions baptiste et pédobaptiste du Royaume de
Dieu22. »

La thèse cette intelligentsia « réformée » baptiste postmoderne est donc celle-ci :


Historiquement, la promotion et la mise en œuvre de la théonomie furent le propre des
réformés pédobaptistes, tandis que les réformés crédobaptistes rejetèrent cette doctrine et
optèrent plutôt pour une forme ou une autre de piétisme. Certains agents de cet establishment
vont jusqu’à trompeter que la foi réformée baptiste est consistante avec la théologie radicale des
deux royaumes (Radical Two Kingdom — R2K), une variante sophistiquée du piétisme23. Cette
théologie hétérodoxe fait évidemment l’objet de vives réfutations de la part des théologiens
réformés24 puisqu’il s’agit d’une perversion de la théologie réformée des deux royaumes25.

Cette position de l’intelligentsia est-elle conforme à la réalité historique et théologique, ou ne


reflète-t-elle qu’un cliché à la mode ? La présente étude soutient et démontre qu’au milieu du
XVIIe siècle, les fondateurs du baptisme réformé étaient unanimement kuypériens et
massivement théonomistes (plutôt que des piétistes adeptes de la théologie radicale des deux
royaumes), puis qu’aux cours des deux siècles suivants, des continuateurs importants de cette
dénomination puritaine étaient également kuypériens et théonomistes.

22
Jay Engel, « New England Reformed Baptists and the Historical Foundations of American Liberty », Reformed
Libertarian, http://reformedlibertarian.com/articles/history/new-england-reformed-baptists-and-the-historical-
foundations-of-american-liberty/, publié le 6 juin 2014.
23
Jason, « Interview #42 – Larry Vincent – Baptists & Two Kingdom Theology [1 of 2] », The Confessing Baptist,
http://confessingbaptist.com/podcast042/, publié le 18 février 2014 ; Id., « Interview #42 – Larry Vincent – Baptists
& Two Kingdom Theology [2 of 2] », The Confessing Baptist, http://confessingbaptist.com/podcast043/, publié le
25 février 2014 ; Ronald Baines, « Separating God’s Two Kingdoms : Two Kingdom Theology among New England
Baptists in the Early Republic », Journal of the Institute for Reformed Baptist Studies, numéro 1, 2014, p. 27-68. Larry
Vincent est pasteur de la Heritage Baptist Church de Mansfield au Texas et Ronald Baines est pasteur de la Grace
Reformed Baptist Church de Brunswick au Maine.
24
Pour une critique kuypérienne du R2K, consultez : John Frame, The Escondido Theology: A Reformed Response to
Two Kingdom Theology, Lakeland (Floride), Whitefield Media Publishing, 2011, 381 p. ; Pour une critique
théonomiste du R2K, consultez : Joel McDurmon, Inglorious Kingdoms : Saving the Public Square from the
Tyrannies of Bad Theology, Powder Springs (Géorgie), American Vision Press, 2014.
25
La théologie réformée des deux royaumes remonte à Jean Calvin et est consistante avec la théonomie :
Québécois Anonyme, « Jean Calvin, les deux royaumes et la loi civile », Scribd,
https://fr.scribd.com/doc/272331661/Jean-Calvin-les-deux-royaumes-et-la-loi-civile, téléversé le 23 juillet 2015.
9
Avant d’entamer notre analyse historique, mentionnons que la genèse du baptisme réformé se
situe dans un contexte politico-militaire dont la séquence chronologique est particulièrement
complexe. Le lecteur voudra peut-être s’aider avec les lignes du temps mises à notre disposition
par le British Civil Wars, Commonwealth & Protectorate Project26.

Les références bibliographiques des sections 3 à 10 sont


faites à l’anglaise car elles furent initialement publiées en format HTML.
Ces sections contiennent plusieurs hyperliens intégrés pour cette même raison.

3. Ni monopole presbytérien, ni anarchie niveleuse : la coalition


réformés baptistes—congrégationalistes

La décennie 1640 fut le théâtre d’une amélioration formidable de la situation spirituelle en


Angleterre. De 1640 à 1649, le Parlement anglais était dominé par des presbytériens. En 1642, ce
Parlement presbytérien (appelé le Long Parlement) abolit l’anglicanisme et sa hiérarchie
épiscopale (Tuttle, 21-25). En 1643, le Long Parlement convoqua l’Assemblée des théologiens de
Westminster, chargée d’approfondir la réformation de l’Église d’Angleterre. Toutefois, ces
presbytériens entendaient asseoir leur parti au pouvoir et octroyer à leur dénomination tous les
privilèges.

En 1645, le Long Parlement vota deux documents conçus par cette Assemblée et destinés à
conférer au presbytérianisme un monopole en Angleterre. Quoique plus souple que le Book of
Common Prayer anglican, le Directory for Public Worship, un manuel liturgique, visait
notamment à imposer le baptême des bébés aux parents crédobaptistes, et le Form of
Presbyterial Church Government, un guide d’ecclésiologie, visait à imposer une unique structure
presbytéro-synodale à toute la population anglaise et galloise.

En 1643-47, la menace de l’établissement d’un monopole ecclésial presbytérien sur le modèle de


l’Écosse planait donc sur l’Angleterre. Un tel régime aurait impliqué le versement d'une dîme
obligatoire et la participation obligatoire de tous les habitants des îles britanniques à cette

26
Collectif, « Timeline Index », British Civil Wars, Commonwealth & Protectorate Project (1638-1660), http://bcw-
project.org/timelines/, consulté le 1er mars 2016.
10
unique dénomination réformée (Juillet-Garzon, 243-254). Dans ce projet, le Long Parlement
était appuyé par les Communes de la Cité de Londres, également contrôlées par le parti
presbytérien. Par ailleurs, ces autorités presbytériennes cherchaient à empêcher tout ministère
de prédication qui n'était pas autorisé par elles-mêmes.

Pendant ce temps, les réformés baptistes sont apparus en tant que dénomination à Londres en
Angleterre. Ils sont issus des congrégationalistes, dénomination à laquelle étaient affiliés la
plupart des puritains anglais. Plusieurs de ces congrégationalistes estimaient l’Église anglicane
tellement corrompue qu’ils rejetaient le baptême anglican et se faisaient rebaptiser (ce
phénomène est attesté au plus tard en 1630). Parmi ces congrégationalistes « rebaptiseurs »,
certains adoptèrent rapidement des convictions crédobaptistes (cela au plus tôt en 1633 et au
plus tard en 1638). C’est en 1641 que les réformés baptistes adoptèrent le baptême par
immersion, après avoir envoyé en 1640 une délégation aux Pays-Bas pour s’enquérir sur la façon
correcte de procéder auprès de vaudois crédobaptistes (les baptistes arminiens pratiquaient le
baptême de professants depuis 1609, mais ils le faisaient par aspersion — comme les
mennonites — jusque vers 1660) · (McBeth, 44).

En 1643 et/ou 1644, le prédicateur réformé baptiste Benjamin Coxe fut emprisonné à Coventry
(comté des Midlands de l’Ouest) pour avoir dénoncé le projet presbytérien sus-évoqué. En 1645,
les autorités presbytériennes interdirent une discussion publique sur le baptême organisée par
les réformés crédobaptistes William Kiffin (1616-1701) & Hanserd Knollys (1599-1691) et le
réformé pédobaptiste Edmund Calamy (1600-1666) · (Wright, en ligne).

Ce danger fit en sorte que le premier positionnement politique des réformés baptistes fut leur
éphémère alliance avec le mouvement des Levellers, c’est-à-dire des « niveleurs ». On peut les
qualifier de proto-libertariens. À l'opposé du monopole presbytérien, le programme des
niveleurs prônait l’abolition des dîmes compulsives et une liberté religieuse plus étendue. Dans
ce contexte, un rapprochement entre les baptistes et les niveleurs s’opéra aisément, et nous
observons un chevauchement des effectifs de ces deux groupes au milieu de la décennie 1640.

Les pasteurs réformés baptistes Hanserd Knollys et William Kiffin condamnaient alors
publiquement les velléités liberticides du Long Parlement et des Communes de la Cité de

11
Londres. Knollys critiquait les presbytériens car ils ne voulaient pas tolérer les autres
protestants non-conformistes — « God’s poor innocent ones » (Dix, 1). Loin d'être intimidé par
cette conjoncture ironique où un monopole presbytérien semblait succéder à un monopole
anglico-catholique, l'auteur réformé baptiste Thomas Collier annonçait que « la grandeur du
Royaume sera donné au peuple des saints », et par là il entendait les baptistes, les niveleurs et
les congrégationalistes qui formaient alors l'opposition au Long Parlement (Tuttle, 55 et 143-
144). Tout en s’opposant aux excès des presbytériens, Collier soutenait que la liberté de
conscience ne doit pas être étendue aux catholiques romains et aux blasphémateurs (Dix, 10).
Collier est plus tard devenu socinien, mais comme le reconnaissent les blogueurs piétistes
Patrick McWilliams (du Confessing Baptist) et Sam Renihan (de Particular Voices), le
socinianisme mis à part, ses écrits « reflétaient la même atmosphère et les mêmes arguments
que ceux de la tradition réformée baptiste du XVIIe siècle qui l'entourait. »

Dès 1647, une brèche s’ouvrit dans le front commun formé par les niveleurs et les réformés
baptistes. Un collectif de dirigeants religieux incluant William Kiffin et Hanserd Knollys publia
à Londres un livret réfutant les idées niveleuses intitulé A Declaration by Several Congregational
Societies. Les auteurs y dénonçaient l’appel niveleur pour une « liberté charnelle » et y
rejetaient la proposition niveleuse pour un gouvernement séculier, argumentant que « les
magistrats craignant Dieu sont plus enclins à protéger les hommes pieux » (Bell, 111-112).

En réalité, le rapport de force n’était pas favorable aux presbytériens. Par un paradoxe
historique salutaire, le bras armé du Long Parlement — la New Model Army — était surtout
constituée de congrégationalistes et de baptistes. Cette force militaire était éminemment
théonomique27. C’est pourquoi les documents presbytériens votés par le Long Parlement
restèrent inappliqués en dehors de Londres et du comté de Lancastre (au nord-ouest de

27
Concernant le caractère éminemment théonomique de la New Model Army puritaine, consultez ces articles de
Steve Halbrook sur Theonomy Resources :
→ « Confessional Theonomy : Part 7 : The Soldier’s Catechism »,
http://theonomyresources.blogspot.ca/2014/01/confessional-theonomy-part-7-soldiers.html, publié le 3 janvier
2014 ;
→ « The New Model Army’s “Laws and Ordinances of War” (Theonomy Applied) »,
http://theonomyresources.blogspot.ca/2014/03/the-new-model-armys-laws-and-ordinances.html, publié le 4 mars
2014.
12
l’Angleterre), et même là les autres dénominations réformées conservèrent leur droit de cité.
Conscient de la puissance de l’armée, le Long Parlement cherchait à en diminuer l’influence,
notamment en ne rémunérant pas les soldats tel qu’il le devait.

Pour mettre fin à cette impasse, en décembre 1648, des militaires congrégationalistes et le
colonel réformé baptiste Daniel Axtell opérèrent une Purge du Long Parlement : la plupart des
députés presbytériens furent expulsés. C'est par la bouche de Daniel Axtell que la Chambre des
Communes fut solennellement informée de la teneur de ce coup de force salutaire
(Underdown, 145). Cela permis aux congrégationalistes de s’emparer du pouvoir et d'asseoir la
Révolution puritaine. Ce Parlement épuré (Rump Parliament) abolit promptement la royauté et
l’aristocratique Chambre des Lords, et confirma l’abolition de l’anglicanisme en saisissant et
vendant les terres de l’Église anglicane (Witte, 1535). Au même moment, les niveleurs s’auto-
marginalisaient en faisant campagne contre le commandant de la New Model Army, Oliver
Cromwell. Une coalition plus censée était donc née entre les réformés baptistes et les
congrégationalistes.

Le 2 avril 1649, William Kiffin, le pasteur de l’Église réformée baptiste de Devonshire Square à
Londres de 1640 à 1701 (pendant 61 ans !) qui avait convaincu sept congrégations réformées
baptistes londoniennes à s’associer et à adopter la Confession de foi réformée baptiste de 164428,
plaida devant le Rump Parliament en faveur des réformés baptistes. L’Orateur de la Chambre
des Communes lui répondit que les réformés baptistes jouissaient de la liberté de culte ainsi
que de la protection du Parlement. Très encouragé, Kiffin publia sous peu un pamphlet réfutant
le programme niveleur, intitulé Walwyn’s Wiles (« Ruses de [William] Walwyn », un meneur
niveleur). Le colonel Axtell arrêtât le libelliste niveleur Richard Overton en 1649. Vétéran des
Guerres civiles anglaises, Axtell était le commandant de la Garde parlementaire pendant le

28
Notons qu’il n’y a aucune preuve historique à l’effet que la Confession de 1644 emprunte aux écrits mennonites
(anabaptistes pacifistes), mais qu’il est démontré qu’elle emprunte à la True Confession congrégationaliste de 1596 :
→ Dustin Bruce, « The Intellectual Origins of the 1644 London Baptist Confession », Andrew Fuller Center for
Baptist Studies, http://www.andrewfullercenter.org/blog/2013/03/the-intellectual-origins-of-the-1644-london-
baptist-confession/, publié le 4 mars 2013 ;
→ Steve Halbrook, « The “True Confession” of 1596 and the Regulative Principle of the State », Christian
Civilization Blueprints, http://christiancivilizationblueprints.blogspot.ca/2014/11/the-true-confession-of-1596-
and.html, publié le 7 novembre 2014.
13
procès du roi-tyran Charles Ier (Bell, 113-115) ; il signa sa condamnation à mort. Dans le même
ordre d’idées, un des juges régicides était le réformé baptiste John Carew, député du comté de
Cornouailles.

En histoire anglaise, la période de quatre ans qui suit l’abolition de la royauté est connue sous
l’appellation de Commonwealth. La coalition théonomique entre les réformés baptistes et les
congrégationalistes s’y poursuivit. Ainsi, John Carew fut membre du Conseil d’État du
Commonwealth en 1651-53. Thomas Patient, copasteur de l’église de Devonshire Square aux
côtés de Kiffin de 1645 à 1649, fut sélectionné par le Parlement pour aller servir en Irlande, où il
exerça l’office d’aumônier dans la New Model Army jusqu’en 1651. Il resta ensuite en Irlande où il
servit comme prédicateur dans trois assemblées jusqu'en 1660 : à la Christ Church Cathedral (à
Dublin) et dans les congrégations réformées baptistes de Swift's Alley (aussi à Dublin) et de
Waterford (en Irlande méridionale).

En 1652, les pasteurs réformés baptistes William Kiffin, Hanserd Knollys, Henry Jessey, ainsi que
quinze autres, publièrent un manifeste prônant la mise en place d'un gouvernement des
saints. Il s'agit de la Declaration of Divers Elders and Brethren of Congregational Societies in and
about London, où il était affirmé que les communistes, les anarchistes, les polygames et les
libertins ne devraient pas être éligibles aux offices de magistrats (Farnell, 39 ; Woolrych, 1982,
18-19). Henry Jessey était pasteur de l’Église réformée baptiste de Swan Alley à Londres depuis
1645 et prônait la réformation du droit anglais en l’alignant sur le code mosaïque (Bell, 65).

4. Le Protectorat théonomique d’Oliver Cromwell : la


Réformation constitutionnelle

En décembre 1653, le Protectorat, le premier gouvernement intégralement constitutionnel en


Europe et le second en Occident (après le Connecticut en 1639), fut instauré avec Oliver
Cromwell comme Protecteur (chef d’État) des Trois Nations (Angleterre, Écosse, Irlande) sous
l’égide d’un document légal appelé l’Instrument de Gouvernement. Ce texte, fondamental dans
le déploiement historique de l’État de droit, est sans contredit théonomique. L’article 15 stipule
que « ceux qui professent la religion catholique » sont « privés à vie du droit d’éligibilité et du
droit de vote au Parlement ». L’article 17 insiste que « les personnes qui seront élues au
14
Parlement devront nécessairement être d’une intégrité notoire, craignant Dieu, honnêtes
dans leurs propos ». L’article 25 affirme que les membres du Conseil d’État, cooptés par les
parlementaires, devront obligatoirement « avoir la crainte de Dieu ».

Mieux encore, l’article 35 annonce que « la religion chrétienne, telle que contenue dans les
Écritures, sera proclamée et prescrite comme foi publiquement professée par ces [Trois]
Nations [… et …] qu’une disposition législative [… sera prise …] pour l’instruction du peuple
ainsi que pour la découverte et la réfutation de l’erreur et de tout ce qui et contraire à la saine
doctrine. » L’article 37 reconnaît la liberté de culte et accorde la protection à toutes les
dénominations non-conformistes, mais précise que « cette liberté ne s’étendra pas au
papisme et à la prélature [anglicanisme], ni à ceux qui, sous couvert de professer le
Christ, pratiquent la licence ». L’article 39 prévoit la saisie des terres des « délinquants
religieux » par les pouvoirs civils.

En 1657, l’Instrument de Gouvernement fut remplacé par un second texte constitutionnel, la


Humble Petition and Advice, qui restât en vigueur jusqu’en 1659. Ce second document est en fait
une révision augmentée de l’Instrument de Gouvernement. Tout en maintenant les dispositions
théonomiques du premier texte, la Humble Petition and Advice en accumule de
supplémentaires. L’article 5 stipule :

Ne pourront pas siéger [au Parlement] ceux coupables d’une des infractions figurant
dans la loi portant la date du 9 août 1650, intitulée Loi contre plusieurs opinions
athéistiques, blasphématoires et exécrables, attentatoires à l’honneur de Dieu et
destructrices de la société humaine, ceux tournant en dérision ou avilissant la religion ou
quiconque professant de telles idées. Il en ira de même de tout homme ayant épousé une
femme de religion catholique, ayant élevé ou qui élèvera dans cette dernière son ou ses
enfants ou tout enfant qu’il doit éduquer ou dont il a la responsabilité, autorisera ou
tolérera que son ou ses enfants soient élevés en cette religion, ou ayant consenti ou qui
consentira à ce que son fils ou sa fille épouse un fidèle de cette religion, ainsi que de
toute personne niant que les Écritures sont la Parole de Dieu ou que les
sacrements, la prière, la magistrature civile et le ministère religieux sont des

15
ordonnances de Dieu, profanant le jour du Seigneur, jurant de façon profane ou
blasphémant, se saoulant ou hantant les tavernes ou les brasseries.

L’article 10 prévoit la protection étatique des prédicateurs de la Parole de Dieu :

Nous désirons sincèrement que ceux qui ridiculisent publiquement les ministres du culte
ou leur congrégation ou qui perturbent ces dernières lors des services, portant atteinte à
l’honneur de Dieu, scandalisant les honnêtes gens et troublant l’ordre public, puissent
être légalement punis selon le droit.

Et pour ce qui est des relations inter-réformés, la Humble Petition and Advice est plus
substantielle que l’Instrument de Gouvernement :

La véritable religion chrétienne protestante, telle que contenue dans les Saintes
Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament, à l’exclusion de toute autre
source, sera promue et formellement reconnue comme religion publiquement
professée de ces [Trois] Nations. Une confession de foi […] conformément aux règles et
commandements des Écritures, devra être établie, prêchée et recommandée au peuple
de ces Nations. […] À l’endroit de ceux [autres non-conformistes] qui diffèrent, sur
d’autres points de doctrine, de rite ou de discipline de la profession publiquement
proclamée [ils doivent êtres] protégés de tout dommage et molestation à cette occasion
comme lors de la célébration de leur culte […] Ces ministres ou prêcheurs publics, en
accord avec la profession publique de foi précitée, quoique différant dans leur
jugement et pratique en matière de rite et de discipline, bénéficieront non
seulement de la protection de leurs églises et rites, mais seront considérés capables,
en dépit de telles différences […] d’exercer toute charge ou tout emploi comme de
bénéficier de toute promotion de quelque nature que ce soit dans ces Nations. […] Les
personnes n’acceptant pas les articles de foi de cette profession publique ne seront, en
revanche, pas capables de percevoir le traitement public destiné aux ministres du culte
[cette dernière clause ne concerne pas ceux couverts par la protection sus-évoquée].

Comment les réformés baptistes se sont-ils positionnés par rapport au Protectorat


théonomique (1653-1659) ? Deux affiliations politiques se dégagent chez les réformés baptistes
16
pendant cette période. Une partie des réformés baptistes est demeurée loyale au Protectorat car
ce régime garantissait leurs droits et concourait à l’avancement de la Réformation. L’autre
partie des réformés baptistes adhérait à la mouvance eschatologique de la Fifth Monarchy
(Cinquième monarchie), qui rompit avec Cromwell en 1653. Ceux-ci refusaient que la
Réformation soit graduelle et exigeaient qu’elle soit entièrement accomplie du jour au
lendemain. Ces deux courants ne rompaient pas avec le consensus puritain & théonomique de
ce temps. Leur différence réside dans leur différente façon d’envisager la Réformation et la
théonomie : gradualisme ou catastrophisme.

5. Les réformés baptistes loyaux au Protectorat : les théonomistes


gradualistes qui priorisaient la consolidation

Jonathan Spilsbury (le premier pasteur calviniste à avoir pratiqué le baptême des professants en
1638), William Kiffin et un autre pasteur baptiste londonien, Joseph Fansom, écrivirent à leurs
frères de la Cinquième monarchie pour les calmer en janvier 1654. L’année même, le pasteur
Samuel Richardson — un des signataires de la Confession réformée baptiste de 1644 et copasteur
de l’Église réformée baptiste de Wapping — publia une Apology for the Present Government où,
tout en reconnaissant que ce n’est pas le rôle de l’État de récolter les dîmes (qui étaient alors
équitablement réparties entre les églises réformées ; Martin, 145), défendit le Protectorat
théonomique de Cromwell.

Richardson reprit la plume en 1656 et publia Plain Dealing où il défendit encore le Protectorat,
argumentant que les chrétiens crédobaptistes jouissent d’une liberté sans précédent et qu’il faut
consolider le gouvernement en place si l’on veut éventuellement que se manifeste avec encore
plus de splendeur le Royaume terrestre de Dieu. Richardson explique que les saints réformés
étaient tenus par la Loi divine de renverser la tyrannie anglico-catholique, mais qu’il était
maintenant de leur devoir de collaborer avec le Protectorat et Cromwell29.

29
Pour un exposé plus complet sur la pensée théonomique de Samuel Richardson, consultez : Tribonien Bracton,
« La théonomie chez les réformés baptistes du XVIIe siècle : La réédition de 1646, Samuel Richardson et Benjamin
Keach », Le Monarchomaque, http://monarchomaque.org/2013/09/20/1646-richardson-keach/, publié le 20
septembre 2013.
17
Le pasteur Thomas Patient, qui passât la décennie en Irlande, fit parvenir une pétition de
loyauté au Protecteur signée par 117 baptistes dublinois en 1657 (Bell, 154-158 ; Woolrych, 1982,
349). Plusieurs autres réformés baptistes remplirent des fonctions civiles importantes dans le
cadre du Protectorat théonomique de Cromwell. Présentons-en quelques-uns. Edward Cresset
fut Maître de la London Charterhouse en 1650-60, et fut simultanément chargé de la monnaie,
de la vente des forêts et de l’octroi des brevets. Edward Cresset fut sélectionné par Cromwell
comme un des 38 commissaires de la nouvelle Commission des Trieurs (« triers » en anglais)
instituée en 1654 (Nuttall, 187).

Cette Commission des Trieurs était chargée d’évaluer tous les postulants au ministère pastoral
rémunéré par l’État qui continuait de percevoir une dîme. Un quorum de cinq commissaires
était nécessaire pour que la Commission puisse approuver un candidat au pastorat, et neuf
objections (sur 38) étaient requises pour exclure un candidat (Matthews, 183). Dans ses cinq
années d’existence, la Commission des Trieurs approuvé plus de 3500 candidats au ministère.
Le Conseil d’État du Protectorat acceptait les plaintes contre les Trieurs et agissait comme cour
d’appel de leurs décisions (Collins, 29-30). Deux autres réformés baptistes siégèrent sur cette
Commission : l’enseignant John Tombes, un pamphlétaire prolifique, et le pasteur Henry
Jessey de Swan Alley (White, 1973, 104). Signalons que le système des Trieurs et Éjecteurs écarta
l’obligation légale qu’avaient jusqu’alors les prêtres et les pasteurs d’être cautionnés par un
aristocrate local pour régulariser leur situation, ce qui est une avancée non-négligeable.

Les contemporains, dont Cromwell lui-même (d’Aubigné, 273), étaient conscients que le
système des Trieurs — une modification d’une meilleure proposition (voir infra) avancée par les
théologiens congrégationalistes John Owen, Thomas Goodwin et Philip Nye (Collins, 24-26) —
n’était pas idéal. Toutefois, entre les Trieurs et l’anarchie religieuse, le choix s’imposait en
faveur des Trieurs. Le révérend puritain Richard Baxter a écrit à propos des commissaires de cet
organe :

On doit dire qu’ils ont fait abondamment de bien à l’Église. Ils ont sauvés bien des
congrégations, en les délivrant des ministres ignorants, impies, ivrognes. [...] Les
commissaires rejetaient dans la règle les ministres qui prêchaient contre une vie sainte,
ou du moins qui parlaient comme des gens qui n’en avaient aucune idée, et ils
18
établissaient à leur place des hommes capables, sérieux, menant une vie pieuse, quelle
que fût leur croyance, pourvu qu’elle fut chrétienne. [...] Plusieurs milliers d’âmes ont
béni Dieu des ministres fidèles que les commissaires leur donnèrent, et ont été dans le
deuil quand les prélatistes les ont plus tard chassés (d’Aubigné, 271).

L’historien Merle d’Aubigné ajoute : « Les ministres exclus par les commissaires étaient
seulement privés des privilèges du ministère national, ils ne l’étaient point de la liberté
religieuse. [...] Les épiscopaux n’étaient point proscrits, mais un usage fréquent et public
du Livre de prières [Book of Common Prayer] était un motif d’exclusion » (d’Aubigné, 272).
Autrement dit, les pasteurs protestants dissidents à ce système avaient le droit d’être soutenus
financièrement directement par leur église locale ; ce fut le cas pour certaines églises réformées
baptistes du centre et de l’ouest de l’Angleterre sympathiques à la mouvance de la Cinquième
monarchie. Ce dispositif ecclésiastique fut complété par des Commissions d’Éjecteurs dans
chacun des comtés chargés de démettre de leurs fonctions les ministres du culte
incompétents. Mesure humanitaire très singulière pour l’époque, les familles des titulaires
révoqués par les Éjecteurs recevaient une pension correspondant à deux mois et demi de salaire
pastoral (Bastide, 195).

Revenons aux réformés baptistes qui travaillèrent avec le Protectorat. William Steele
fut Recorder de Londres (juge en chef des procès criminels) en 1649-1655, et c’est à ce titre il
condamna à mort le Duc d’Hamilton, commandant de la Engager Army royaliste. William
Steele fut élu député de Londres à la Chambre des Communes du Premier Parlement du
Protectorat en 1654 (siégea jusqu’en 55), nommé Chef-Baron (juge principal) de la Cour de
l’Échiquier d’Angleterre et du Pays de Galles en 1655, puis choisi comme Chancelier d’Irlande en
1656-1659 (Bell, 130 ; Underdown, 305).

William Kiffin fut assurément le héraut réformé baptiste le plus important du XVI e siècle.
Convertit vers 1631, son rôle fut le plus crucial dans la genèse de cette dénomination. Il est le
seul à avoir signé à la fois la Confession de 1644 ET la Confession de 1689 en leur année de
publication respective. Outre son activité d’organisateur à Londres, Kiffin alla prêcher dans le
comté du Kent avec Thomas Patient en 1643 et il y baptisa de nombreux élus. Évangéliste
accompli, Kiffin devint la cible des ennemis de la Réformation. Un prêtre catholique
19
empoisonna et tua son fils ! En matière politique, Kiffin fut nommé Assesseur de la taxation
pour le comté du Middlesex par le Long Parlement en 1647. Il fut ensuite élu député du
Middlesex au Second Parlement du Protectorat en 1656 sous le slogan « Noe Anabaptist » (!) —
son opposant était le baptiste arminien & cinquième-monarchiste Edward Chillenden. Il y
siégea jusqu’en 1658. L’année suivante, Kiffin accepta un poste d'aumônier dans la milice
londonienne (Wrigley, 2 et 4 ; Brown, 110).

En 1663, lorsque douze baptistes allaient être exécutés par le pouvoir anglico-catholique,
l’influence politique de Kiffin était telle qu’il se rendit personnellement à la cour du roi Charles
II et il y obtint immédiatement la libération des captifs. Il fut désigné conseiller municipal de la
Cité de Londres en 1687. À l'apogée de la Glorieuse Révolution de 1688, lorsque les puritains
orchestrèrent le renversement du roi-tyran catholique Jacques II, c’est Kiffin qui fut mandaté
par la communauté réformée baptiste pour présenter une adresse de bienvenue aux nouveaux
monarques constitutionnels, Guillaume d’Orange et Marie II, (Bell, 130-132 ; Brown, 110 et 185),
qui venaient de prêter le serment théonomique de maintenir « la religion protestante réformée
établie en droit » (Berman, 378). Kiffin fut l’un des sept pasteurs qui envoyèrent la convocation
à l'Assemblée générale réformée baptiste de 1689 (Wrigley, 3).

Hanserd Knollys fut ordonné diacre anglican en 1629 puis presbyte l’année suivante. Il renonçât
à l’anglicanisme en 1636 et rejoint les rangs puritains. Il se réfugia en Nouvelle-Angleterre en
1638 où un mandat d’arrêt royal le rattrapa et le fit brièvement emprisonner à Boston. Il réussit
à s’échapper et oeuvra pendant trois ans dans une église à Dover au New Hampshire. Le
puissant pasteur congrégationaliste américain John Cotton le décrivit respectueusement
comme un « godly anabaptist ».

De retour en Angleterre, il devint aumônier dans les troupes parlementaires vers 1641-43. Dans
le contexte de l'intensification du conflit entre le camp royaliste et le camp puritain, Knollys,
identifiant le camp royaliste à Babylone et le camp puritain à Sion, annonçât la chute du
premier et l'élévation du second (Tuttle, 139). Toutefois, il mais quittât l’armée par mésentente
avec des officiers presbytériens. Knollys dénonçait le Long Parlement, si bien qu’en 1644, des
presbytériens le firent emprisonner irrégulièrement, mais il fut aisément acquitté. Knollys
baptisât le pasteur Henry Jessey en 1645. Il fonda l’Église réformée baptiste de Great St. Helen à
20
Londres vers 1645-1646, où il exercera un ministère discontinu jusqu’à son décès en 1691.
Knollys fut encore arrêté en 1648 et traduit en justice devant un comité du Long Parlement qui,
le jugeant irrépréhensible, l’exonéra. Ayant reçu une pétition des habitants de la localité
d’Ipswich dans le comté de Suffolk qui requéraient l’envoi de prédicateurs réformés baptistes, le
Parlement lui donna à Knollys et Kiffin un sauf-conduit pour aller y prêcher. En bons termes
avec le gouvernement de Cromwell, Hanserd Knollys occupa ensuite le poste de douanier
sous le Commonwealth, puis le poste de Clerk of the Check (auxiliaire du Secrétaire d’État) sous
le Protectorat en 1653-1655 (Newport, en ligne).

6. Le Barebones’s Parliament de Thomas Harrison : la Cinquième


monarchie et la Réformation totale

La mouvance de la Fifth Monarchy, c’est-à-dire de la « Cinquième monarchie », adhérait à une


eschatologie pré-millénariste inspirée du Livre de Daniel selon laquelle quatre monarchies
terrestres étaient déjà révolues — les monarchies babylonienne, médo-perse, hellénistique et
romaine — et que Jésus allait venir établir un royaume de mille ans sur terre, la Cinquième
monarchie, dans un avenir imminent. N’ayant pas vraiment de vision à long terme, les partisans
de cette mouvance cherchaient moins à consolider les gains récents qu’à exiger le
perfectionnement instantané de leur collectivité politique. Initialement, et aussi longtemps que
la réformation avançait rapidement, c’est-à-dire pendant les Guerres civiles et le
Commonwealth, les hommes de la Cinquième monarchie supportèrent Cromwell.

Les choses changèrent en 1653. Le Rump Parliament supprima la Commission pour la


propagation de l’Évangile au Pays de Galles et tenta de faire un putsch en essayant de s’arroger à
perpétuité les pleins pouvoirs civils et militaires (Martin, 132-137). Cela conduisit Oliver
Cromwell à le dissoudre. Cromwell se laissa alors convaincre par un des dirigeants de la
Cinquième monarchie, le major-général Thomas Harrison (lequel est usuellement qualifié de
congrégationaliste ; il s’est fait rebaptiser, mais il n’est pas certain s’il le fit par conviction
crédobaptiste ou par rejet du baptême anglican ; Bell, 201) de convoquer une législature spéciale
qui incarnerait les espoirs de la Cinquième monarchie : le règne des saints assuré par un conseil
de 140 sages (les 70 de Nombres 11:16 multiplié par deux — Harrison voulait implanter la loi

21
hébraïque en Angleterre ; Graetz, 34). Or un autre major-général, John Lambert, qui n’adhérait
pas à ce plan, participât au processus de nomination des députés, avec pour résultat que la
députation du Barebone’s Parliament (ou Nominated Assembly) était répartie entre un bloc
minoritaire d’une soixantaine de cinquièmes-monarchistes, assidus et déterminés, et d’un
contingent majoritaire de modérés passablement indécis (Woolrych, 1965, 1495 ss).

Une des ambitions du Barebone’s Parliament était la réformation du droit. L’objectif final des
cinquièmes-monarchistes était de codifier un corps de lois plus simples et équitables, ainsi que
de doter l’Angleterre d’un système judiciaire plus efficace, impartial et beaucoup moins
dispendieux. Les lois iniques et arbitraires, « directement, collatéralement ou obliquement
répugnantes à la loi de Dieu » (dixit le grand juriste puritain anglais de la 1re moitié du XVIIe
siècle, John Coke), devaient être remplacées par des lois plus justes modelées sur la loi
hébraïque (Berman, p. 364). Un Comité des affaires juridiques fut créé à cette fin ; ses travaux
reprirent ceux de la Commission Hale (dirigée par le grand juriste puritain anglais de la 2e
moitié du XVIIe siècle, Matthew Hale) mandatée par le Rump Parliament en 1652. La tâche à
accomplir était immense, et des progrès substantiels furent réalisés en peu de temps : des frais
et des délais procéduraux furent abolis, une loi améliora les conditions de vie dans les prisons et
permis aux prisonniers incarcérés pour dettes de travailler pour payer ces dettes, une autre vint
en aide aux handicapés mentaux, et une loi fixa pour la première fois un âge minimal de
mariage et édicta la nullité des mariages forcés des mineurs (Brown, 35 ; Coward, 12 ; Woolrych,
1982, 290-293).

Ensemble, la Commission Hale et le Barebone’s Parliament instaurèrent plusieurs règles


juridiques protégeant les droits individuels des justiciables. Les accusés cessèrent d’être torturés
lors de leur détention ; ils reçurent le droit de contre-interroger les parties accusatrices et leurs
témoins ainsi que de produire leurs propres témoins pour se défendre (Royer et Lavallée, # 32).
D’autres garanties procédurales des accusés consacrées par la Révolution puritaine (à laquelle
les réformés baptistes furent partie prenante) incluent : le droit d’être assisté par un conseil, le
privilège de non auto-incrimination, le droit de recevoir l’acte d’accusation et d’être informé des
éléments de preuve à charge avant l’ouverture du procès, et le droit d’avoir un temps suffisant
pour préparer sa défense (Berman, 475-480). « À partir des années 1640, tout l’esprit et le

22
caractère des tribunaux criminels [...] semblent s’être transformés par rapport à ce qu’ils avaient
été au cours du siècle précédent, et ont adoptés les traits qui nous leur connaissons de nos jours
(Berman, 476). »

La principale ligne de division dans le Barebone’s Parliament, qui vécut une-demi année, portait
sur l’enjeu du séparatisme versus le non-séparatisme ecclésial. Les séparatistes voulaient
supprimer le rôle de l’État dans la collecte & la distribution des dîmes ainsi que dans
l’attribution des charges pastorales (sans pour autant séparer la religion des affaires civiques),
tandis que les séparatistes voulaient maintenir une participation de l’État — si minime fut-elle
— dans ces processus. Les hommes de la Cinquième monarchie étaient des séparatistes, les
presbytériens étaient non-séparatistes, et les effectifs congrégationalistes étaient partagés entre
ces deux tendances. Les réformés baptistes adhéraient par principe au séparatisme, mais
plusieurs d'entre étaient favorables à une réforme du non-séparatisme afin que la transition au
séparatisme se fasse avec un minimum de heurts (rappelons cette maxime : « la procédure est la
servante du droit et non l'inverse »). Le prêcheur réformé baptiste Benjamin Coxe ne partageait
pas cet étapisme pragmatique (Wright, en ligne).

Dans le Barebone’s Parliament, les députés déférèrent préliminairement la question ecclésiale à


un Comité des dîmes qui déposât un rapport (s’inspirant de la proposition de John Owen, voir
supra) suggérant un compromis consistant en une restructuration décentralisatrice et plus
permissive du régime non-séparatiste : éjection des ministres ignares par une commission
centrale spécialisée, sélection des nouveaux ministres par des comités locaux, maintient de la
dîme compulsive mais introduction d’une possibilité d’exemption pour les dissidents,
obligation pour tous les habitants de fréquenter une église faisant partie du système mais
possibilité de s’enregistrer auprès d’une église dissidente. Les députés non-séparatistes
échouèrent par seulement quelques votes à faire adopter cette loi. De leur côté, les députés de
la Cinquième monarchie échouèrent par deux votes à faire adopter une loi catégoriquement
séparatiste (Collins, 24-26 ; Brown, 41-42).

Même si les travaux du Barebones’s Parliament avançaient bon train sur plusieurs dossiers, un
compromis s’avérait impossible sur l’enjeu considéré le plus crucial, vouant la situation
ecclésiale au statu quo, ce qui irritait toutes les factions. C’est dans cette conjoncture que le
23
major-général John Lambert, qui siégeait dans ce Parlement mais qui y avait été opposé dès le
départ, coordinat un coup avec la députation modérée. Jusqu’ici, la meilleure discipline des
cinquièmes-monarchistes avait compensé pour leur infériorité numérique. Mais le matin du 12
décembre 1653, une quarantaine de députés modérés se rendirent plus tôt que d’habitude dans
la Chambre et, avec la complicité de l’Orateur, ils décidèrent de dissoudre le Barebone’s
Parliament. Rejoints par une quarantaine d’autres députés modérés (formant en tout une
majorité parlementaire), ils remirent leur pouvoir à Cromwell, qui fit expulser les députés
opposés à cette manœuvre, dont Samuel Moyer, le dirigeant des cinquièmes-monarchistes en
Chambre qui s’était agrippé au siège de l’Orateur. Cromwell était sûrement satisfait de cette
tournure d’événements car le Barebone’s faisait éterniser la guerre avec les Pays-Bas protestants
plutôt qu’utiliser les ressources des Trois Nations pour lancer une croisade contre l’Empire
espagnol catholique (Farnell, 45 ; Coward, 13).

7. Les réformés baptistes hostiles au Protectorat : les


théonomistes qui voulaient hâter l’Eschaton

Les hommes de la Cinquième monarchie — congrégationalistes comme réformés baptistes —


furent scandalisés par la dissolution du Barebones’s Parliament. Ils révisèrent dès lors leur
allégeance et commencèrent à militer contre Cromwell.

Ainsi, le colonel Paul Hobson, signataire de la Confession réformée baptiste de 1644 à titre de
pasteur de l’Église réformée baptiste de Crutched Fryars vers 1639-1646, servit sous les ordres de
Cromwell pendant les Guerres civiles, mais se consacra à lutter contre le Protectorat à partir de
1653. Hobson était tellement excessif qu’il finit par « ne pas être bienvenu dans aucune église
baptiste » (Essick, 308) ! Son copasteur Thomas Goere ou Gower, également officier dans la
New Model Army, a visiblement partagé le même itinéraire politique.

Similairement, l’ex-juge régicide John Carew, député réformé baptiste du comté de Devon (sud-
ouest) au Barebone’s Parliament, fit campagne contre Cromwell à partir de 1654. L’adjudant-
général William Allen, le capitaine John Vernon, l’aumônier militaire Thomas Collier, qui
prononça un prêche détonnant aux Quartiers-Généraux de Putney, ainsi que John Pendarves,

24
aumônier militaire en 1642-1650 puis pasteur de l’Église réformée baptistes d’Abington-on-
Thames dans le comté de Berkshire en 1650-1656, se prononcèrent aussi contre le Protectorat.

Qu’est-ce qui nous permet d’affirmer que les hommes de la Cinquième monarchie réformés
baptistes étaient théonomistes ? En 1659, les congrégations réformées baptistes dont le pastorat
et/ou la membriété adhérait à cette mouvance souscrivirent à trois documents théonomistes.
Dans An Essay Towards Settlement upon a Sure Foundation, signé par Thomas Collier, John
Vernon et William Allen, il est prôné que le règne imminent de Christ doit être inauguré par la
réformation et codification du droit (reprenant le programme du Barebone's Parliament) et que
seuls les hommes bibliquement pieux doivent être autorisés à exercer l’office de magistrat
(Mayers, 65).

Dans A Testimony to Truth Agreeing with an Essay for Settlement (1659), qui est pratiquement
une réimpression du document précédent, signé par les représentant des assemblées réformées
baptistes des localités d’Abington, de Wantage, d’Oxford, de Longworth et de Faringdon, il est
de surcroît affirmé que « Sous Christ et ses ministres [de l'Évangile], un certain nombre
d’hommes, qualifiés et limités par sa Parole [de Christ], doivent être mis à part pour
l’office de gouvernement de ces [Trois] Nations en tant que parties du Royaume
universel de Christ » (White, 1974, 267-268). Autrement dit, les magistrats ne peuvent agir
qu’à condition d’y être habilités par la Bible, laquelle doit façonner le droit, et l’Angleterre,
l’Écosse et l’Irlande sont subordonnés — mais en quelque sorte intégrées — dans le Royaume
de Dieu. C’est là la définition même de la théonomie appliquée dans ce contexte particulier !

Dans Towards a Righteous Settlement (1659), des confrégations réformées baptistes (et peut-
être aussi baptistes générales) des comtés de Berkshire, Oxfordshire, Devon, Cornouaille,
Leicestershire, Nottinghamshire, Rutland, Derbyshire, Salop et Warwickshire endossèrent
consciemment les principes théonomistes des deux documents précédents (Mayers, 65).

25
8. Réitération de la théonomie par les dirigeants réformés
baptistes au crépuscule de la Révolution anglaise

Oliver Cromwell ayant rejoint notre Créateur en septembre 1658, son fils Richard Cromwell lui
succédât immédiatement et il convoqua le Troisième Parlement du Protectorat en décembre
1658. Un bras de fer s'engagea alors entre les partisans du Protectorat — majoritaires au
Parlement — et les partisans du Commonwealth — majoritaires dans la New Model Army. Le
Parlement tenta de supprimer l’armée. Le major-général Charles Fleetwood et le Conseil des
officiers répliquèrent en dissolvant ce Parlement en avril 1659, en rappelant le Rump Parliament
(dissous en 1653) puis en dissolvant le Protectorat en mai 1659. Or ce second Rump s'engagea à
son tour dans un bras de fer avec l'armée. Cela poussa le major-général John Lamberth à mettre
en place un blocus militaire autour du Parlement.

Dans ce contexte d’instabilité politique, plusieurs dirigeants baptistes — surtout des calvinistes
mais aussi quelques arminiens — publièrent un manifeste commun intitulé Declaration of
Several People Called Anabaptists in and about the City of London (1659), qui est sans équivoque
théonomiste :

[...] Entendu que nous sommes de plus accusés de promouvoir la tolérance


universelle de toutes les hérésies [miscarriages], tant dans les choses civiles que
religieuses, sous prétexte de liberté de conscience, cela est notoirement faux : nous
déclarons devant Dieu qui nous jugera promptement à notre mort, oui, devant les
anges et les hommes, notre détestation absolue d'une telle tolérance, car dans les
choses civiles, nous ne désirons pas qu'il y ait la moindre tolérance des hérésies de
quiconque, encore moins parmi nous-mêmes.

Nous ne désirons pas non plus, en matière religieuse, que le papisme soit toléré,
le sang de milliers [de martyrs] du peuple de Dieu ayant été versé avec barbarie par les
professants d'icelui ; ni que soient tolérées les personnes qui adorent un faux dieu ;
ni celles qui parlent dédaigneusement et de manière reprochable de notre
Seigneur Jésus-Christ ; ni celles qui nient que les Saintes Écritures, contenues
dans les Ancien et Nouveau Testaments, sont la Parole de Dieu.
26
Toutefois, nous ne sommes pas contre tolérer l'épiscopalisme, le presbytérianisme, ou
une variante dérivée, à condition qu'ils ne contraignent pas les autres à se conformer à
eux : car n'importe quel compositeur d'une forme spécifique de culte peut possiblement
errer ; il est dérogatoire à Dieu et sa Sainte Parole, et injurieux aux hommes, de
contraindre quiconque à une pratique particulière. [...]

Autrement dit, ces baptistes affirmèrent que la véritable liberté est la liberté chrétienne, et que
la liberté chrétienne est la liberté d’être protestant. Qui parmi les réformés baptistes publia ce
texte anonyme ? L’identification des auteurs — du moins de certains d’entre eux — peut être
établie par prépondérance de probabilité. Les réformés baptistes Jonathan Spilsbury, William
Kiffin, Christopher Blackwood (voir sa biographie infra) et Thomas Cooper ainsi que les
dirigeants baptistes généraux Thomas Lambe et Henry Deene ratifièrent cette Déclaration de
1659 dans leur Humble Apology of some Commonly Called Anabaptists (1661) où ils endossèrent
et réutilisèrent la Déclaration théonomiste de 1659 (Essick, 59 et 197 ; Bell, 198-199).

Lorsque Kiffin et Knollys avaient publiés la Declaration by Several Congregational Societies en


1647, ils l’avaient fait anonymement, et ce n’est qu’en 1651, par l’entremise de la Declaration of
Divers Elders and Brethen que l’on appris qu’ils comptaient parmi les auteurs du précédent texte
de 1647. Publier anonymement un texte vigoureux à un moment de crise politique puis ensuite
l’endosser publiquement par la publication d’un second texte lorsque la crise semblait s’être
dissipée était donc une pratique utilisée par ces dirigeants réformés baptistes. L’endossement
de la Déclaration de 1659 via la Humble Apology de 1661 par Kiffin & compagnie se situait donc
en droite ligne de la pratique adoptée par ces mêmes dirigeants réformés baptistes dans des
circonstances similaires lors de la décennie précédente (Bell, 111-112).

Il est intéressant de constater à quel point l’approche des baptistes puritains était
essentiellement la même que celle d’Oliver Cromwell. Dans un discours prononcé devant le
Premier Parlement du Protectorat à la Chambre des Communes le 12 septembre 1654, il affirma
que « la liberté de conscience doit être maintenue à égale distance de la licence et de la
persécution (d’Aubigné, 260-261). Le 22 janvier 1655, lorsqu’il dissout manu militari ce
Parlement qui n’avait passé aucune des 82 ordonnances préparées par le Conseil d’État, qui
manigançait de modifier unilatéralement la constitution, et qui cherchait à s’arroger le contrôle
27
complet de l’armée, Cromwell exposa davantage l’équilibre qu’il prônait en matière de tolérance
religieuse :

[É]craser la conscience de leurs frères [des députés], ce n’était certes pas là l’un des buts
de la bataille que nous avions à livrer à notre commun adversaire. Ne s’agissait-il pas, au
contraire, d’obtenir, pour toutes les classes de protestants, las de la tyrannie des
évêques, la liberté d’adorer Dieu selon leurs lumières ? [...] Ceux qui sont sains dans la
foi ne doivent-ils pas travailler à établir une juste liberté, de sorte que nul ne soit foulé
aux pieds, parce qu’il obéit à sa conscience ? [...] Quant aux blasphémateurs, à ceux qui
prêchent la sédition, aux médisants, à ceux qui cherchent par de mauvais discours à
corrompre les bonnes mœurs, aux personnes dissolues, c’est autre chose. Le magistrat
civil est là pour les réprimer et pour les châtier (d’Aubigné, 264-265)30.

Signalons que plusieurs individus piétistes réagirent négativement à la Déclaration baptiste &
théonomiste de 1659. Le premier d’entre eux fut le quaker Richard Hubberthorn. À sa suite,
l’éditorial Declaration of Several Baptist Belivers, comptant nettement moins de signataires et
aucun signataire d’envergure, continua la dissonance. Toujours dans cet esprit hétérodoxe, une
église arminienne publia sa Declaration of Some of Those in or Near London Called Anabaptists
où elle affirmait que les chrétiens ne peuvent jamais prononcer de serments (ce qui revient à
dire qu’ils ne peuvent jamais contracter) et ne peuvent jamais servir comme officiers civils (ce
qui est une excellente recette pour l’anarchie). Le seul baptiste jouissant d’une quelconque
reconnaissance à critiquer ouvertement la Déclaration baptiste & théonomiste de 1659 fut le
meneur arminien John Griffith (Brown, 8 ; Bell, 199-201).

30
Pour une autre citation de Cromwell sur l’équilibre entre le despotisme et le dévergondage, consultez : Steve
Halbrook, « Quotable Theonomy : Christian Unity, Compulsion, and the Sword of the State (Oliver Cromwell) »,
Theonomy Resources, http://theonomyresources.blogspot.ca/2012/08/quotable-theonomy-christian-unity.html,
publié le 23 août 2012.
28
9. Cas particuliers de Christopher Feake et de Christopher
Blackwood

Il convient de faire le point sur deux individus réformés baptistes de première génération
supplémentaires. Le premier de ceux-ci, Christopher Feake, était un curieux prêcheur à All
Saints à Hertford au nord de Londres puis à St Ann Blackfriars à Londres. En 1654, le poète
Andrew Marvel lui dédia le couplet Mahomet de son célèbre poème First Anniversary — une
allusion sarcastique à sa prétendue tolérance de l'anti-trinitarisme (Connell, 584). Il n'est pas
clair si ce libertarianisme religieux était avéré chez Feake, mais s'il l'était, alors il était
certainement inconséquent. Prophétisant la chute de tous les gouvernements, il insistait sur
celui de Hollande pour sa tolérance criminelle de l'arminianisme. Il faisait chanter par ses
congrégants un hymne célébrant la destruction totale et imminente des « provinces belgiques »
(Pays-Bas) à cause du matérialisme et du mercantilisme de ses habitants. Ses sermons
prônaient de la conquête armée de la France, de l'Espagne et de Rome en vue du retour de
Christ (Woolrych, 1982, 286-287 ; Ball, en ligne). Feake ne peut donc pas être compté au
nombre des piétistes adeptes de la théologie radicale des deux alliances.

Le deuxième de ces personnages, Christopher Blackwood, fut ordonné prêtre anglican en 1628.
Il officie d’abord dans les comtés du Kent et du Sussex. Se rapprochant des puritains, il émigre
dans la colonie de New Plymouth (actuel Massachussetts) où il est pasteur à Scituate en 1640-
42. Il résigne à l'anglicanisme en devenant crédobaptiste en 1644 puis subséquemment
calviniste. En 1652, grâce au colonel réformé baptiste Daniel Axtell, Gouverneur de Kilkenny en
Irlande méridionale, Blackwood obtient un poste de pasteur dans cette ville. En 1655-60,
Blackwood remplace Thomas Patient comme prédicateur à la Christ Church Cathedral de
Dublin et à l'Église réformée baptiste de Swift's Alley, aussi à Dublin. Surnommé l'« oracle
des anabaptistes [sic] en Irlande », Christopher Blackwood est aujourd'hui vanté pour ses prises
de positions contre « la compulsion en matière de conscience », notamment dans son ouvrage
tardif The Storming of Antichrist (1664). Cela veut-il dire qu'il rejetait la théonomie ? La réponse
est négative.

29
Par ses dénonciations de la « compulsion de conscience », Blackwood critiquait l’intolérance
presbytérienne et les baptêmes forcés des bébés. Il était en faveur de l’utilisation du glaive des
magistrats à l’encontre des musulmans, des polythéistes, des théistes non-chrétiens, des
blasphémateurs, des adultères et des homosexuels (Dix, 11). De plus, Blackwood entretenait
d'excellents rapports avec des théonomistes reconnus. Non seulement signa-t-il la pétition de
loyauté envoyée au Protecteur par Thomas Patient en 1657, mais il dédia plusieurs de ses
ouvrages de théologie à Charles Fleetwood (le gendre de Cromwell) et son épouse Lady Bridget
(la fille de Cromwell) en 1654 et 1659. Dans la cadre du règne des Majors-Généraux, Fleetwood
avait imposé la moralité publique dans les comtés de Norfolk, Suffolk et Essex. Christopher
Blackwood admirait donc des magistrats théonomistes (Greaves, en ligne).

10. Continuité théonomiste chez les réformés baptistes jusqu’au


XIXe siècle

Comme nous l’avons vu, la première génération de réformés baptistes était unanimement
kuypérienne et massivement théonomiste, en paroles comme en actions. Qu’en est-il des
générations suivantes ? Le piétisme et l’antinomisme ont apparemment commencés à se
propager chez les réformés baptistes à partir de la deuxième génération. Ainsi, Benjamin Keach
(1640-1704), un pasteur réformé baptiste de deuxième génération et signataire de la Confession
de foi réformée baptiste de 1677, prônait simultanément la tolérance civile de l’hérésie et la
répression civile — au moyen de la peine capitale — du blasphème (Keach, 30 et 787). Keach ne
peut pas être qualifié de théonomiste, mais il peut sans doute être qualifiée de kuypérien31.

En 1677, la persécution de la monarchie anglico-catholique contre les protestants non-


conformistes, ainsi que la prolifération du socinianisme, poussèrent les réformés baptistes à se
doter d’une nouvelle confession de foi. Cette tâche incomba aux deux copasteurs de l'Église
réformée baptiste de Petty France à Londres, William Collins et Nehemiah Coxe. Dans le but de
démontrer qu’ils étaient d’abord et avant tout des réformés puritains, et de faire front commun

31
Pour un exposé plus complet sur la pensée kuypérienne de Benjamin Keach, consultez : Tribonien Bracton, « La
théonomie chez les réformés baptistes du XVIIe siècle : La réédition de 1646, Samuel Richardson et Benjamin
Keach », Le Monarchomaque, http://monarchomaque.org/2013/09/20/1646-richardson-keach/, publié le 20
septembre 2013.
30
avec les presbytériens et les congrégationalistes, ils choisirent d’adapter la Déclaration de foi et
d’ordre de Savoy (congrégationaliste, 1658), qui est elle-même une adaptation de la Confession
de foi de Westminster (presbytérienne, 1646). Sur les 160 paragraphes de cette nouvelle
confession, 146 sont dérivés de la Savoy, huit sont dérivés de la Confession réformée baptiste de
1644 et six viennent de la plume de Collins et de Coxe. Republiée en 1689, cette Confession de foi
réformée baptiste de 1689 demeure le principal standard doctrinal des réformés baptistes plus de
trois siècles plus tard.

Au chapitre 24 de la Confession de 1677\1689, Collins et Coxe reproduisirent les articles 1 et 2 du


chapitre 24 de la Savoy, qui sont implicitement théonomiques, mais ils ne reproduisirent pas
l'article 3 de la Savoy, qui est explicitement théonomique. Ils n’optèrent pas non plus pour
l’équivalent de la Westminster, l’article 23:3, qui est également explicitement théonomiste. Voici
un tableau comparatif de ces trois textes.

Confession de foi de Déclaration de foi et Confession de foi réformée


Westminster, art. 23:3 d’ordre de Savoy, art. 24:3 baptiste de 1689, art. 24:3

Le gouvernant ne peut assu- Malgré que le magistrat est Puisque les magistrats sont
mer lui-même le ministère de tenu d’encourager, de pro- établis par Dieu aux fins sus-
la Parole et des sacrements, mouvoir et de protéger les mentionnées [« pour sa
ou le pouvoir des clés du professants de l’Évangile, de propre gloire et pour le bien
Royaume des cieux ; cepen- gérer et d’ordonnancer public » ... « pour la protec-
dant il a l’autorité, et c’est son l’administration civile dans tion et l’encouragement des
devoir, de prendre toutes dis- l’obéissance aux intérêts de gens de bien et pour le châti-
positions pour assurer l’unité Christ dans le monde, et de ment des malfaiteurs » dixit
et la paix dans l’Église, pour prendre soin que les hommes l’art. 24:1], nous devons leur
mettre fin aux blasphèmes et ayant l’esprit et la conversa- être soumis dans le Seigneur
aux hérésies de toutes sortes, tion corrompus ne publient et en toutes choses légitimes
pour prévenir ou réformer ne divulguent pas licencieu- qu’ils ordonnent, non seule-
toutes corruptions et tous sement leurs blasphèmes et ment par crainte de la colère,

31
abus dans le culte et la disci- leurs erreurs, subvertissant la mais par motif de conscience ;
pline, et pour faire dûment foi et détruisant inévitable- nous devons faire des suppli-
reconnaître, appliquer et res- ment les âmes de ceux qui les cations et des prières pour les
pecter tous les commande- reçoivent. Mais dans des dif- rois et pour tous ceux qui oc-
ments de Dieu. Pour que tout férences telles que les doc- cupent des positions
cela soit mieux réalisé, il a le trines [secondaires] de d’autorité, afin que sous eux
pouvoir de convoquer des sy- l’Évangile, ou les façons de nous puissions mener une vie
nodes, d’y être présent et de louer Dieu, qui peuvent tranquille et paisible, en toute
veiller à ce que tout y soit échoir aux hommes exerçant piété et honnêteté.
traité selon la pensée de Dieu. une bonne conscience, mani-
festant [leurs positions] dans
leurs conversations, adhérant
au fondement [du christia-
nisme], et ne perturbant pas
leur prochain dans leurs voies
ou leurs louanges qui peuvent
différer de celles d’autrui, le
magistrat n’a aucun mandat
sous l’Évangile pour les priver
de leur liberté.

Comment interpréter cette discordance ? Doit-on conclure que William Collins et Nehemiah
Coxe étaient des piétistes, que la Confession de 1677\1689 est piétiste, et que la dénomination
réformée baptiste est invétérément piétiste ? Il serait téméraire d’en tirer une conclusion aussi
hâtive. Cela, pour deux raisons.

Premièrement, même en admettant que Collins et Coxe étaient possiblement coupables de


piétisme, ce piétisme n'engage que ces deux hommes. Il est clair que ce piétisme ne faisait pas
l'unanimité en 1677. Leur prédécesseur William Kiffin ne partageait toujours pas leur théologie
politique en 1687 (Dowley, 236). Autrement dit, la dissonance de Collins et de Coxe n’était pas
généralisée. Ces jeunes pasteurs ne convertirent pas les pasteurs plus expérimentés à leurs

32
errements piétistes — s’il en fut. Ce rejet hypothétique de la théonomie par ces deux pasteurs
de deuxième génération n'est en rien caractéristique de l’ensemble de la dénomination
réformée baptiste. Il est plutôt symptomatique du libéralisme théologique qui se propageait à
partir du milieu du XVIIe siècle... pensons au Half-Way Covenant de Nouvelle-Angleterre, à la
résurgence des remonstrants (arminiens) aux Pays-Bas, à l’amyraldisme (« calvinisme quatre
points ») de l’Académie de Saumur (Maine-et-Loire), au rationalisme indécrottable de la
Compagnie des pasteurs de Genève, etc.

Deuxièmement, l’article 24:3 de la Confession de 1677\1689 n’est même pas directement de la


plume de William Collins et de Nehemiah Coxe. En fait, les clauses de l’article 24:3 proviennent
tout droit des articles 48 et 52 de la Confession de 1644. En toute vraisemblance, les réformés
baptistes, en 1677 et 1689, conservèrent quelques clauses de la Confession de 1644 par souci de
continuité historique : même si le baptisme réformé se situe dans la grande famille du
puritanisme, les réformés baptistes ont aussi leur histoire et leur identité propre. Ainsi, ce n’est
guère significatif que l'article 24:3 de la Confession de 1677\1689 soit implicitement
théonomique tandis que les articles 23:3 de la Westminster et 24:3 de la Savoy sont
explicitement théonomiques. L'article 24:3 de la Confession de 1677\1689 reprend
simplement les articles 48 et 52 de la Confession de 1644, sans pour autant que ces deux
confessions ne contiennent la totalité de leur théologie politique (qu'ils exprimèrent dans
d'autres écrits). Comme nous l'avons amplement démontré, la génération fondatrice des
réformés baptistes — celle ayant catéchisée Keach, Collins et Coxe — étaient massivement et
ouvertement théonomiste. La 1644 et la 1689 n’expriment donc simplement pas la pleine
orthodoxie réformée baptiste en théologie du gouvernement civil, et il serait anachronique de
s’y limiter.

Il faut attendre l’influence pernicieuse de la philosophie des soi-disantes « Lumières » du XVIIIe


siècle pour que le piétisme et l’antinomisme n’atteigne sa gravité actuelle dans les écrits et les
prêches des Américains Isaac Backus (1724-1806) et Abraham Booth (1734-1806) ainsi que du
Britannique John Leland (1754-1841), trois individus crédobaptistes adhérant à la sotériologie

33
calviniste32. Or même à cette époque, le piétisme et l’antinomisme n'ont pas contaminés toute
la dénomination réformée baptiste. L’exemple du révérend John Gill (ministre pendant 51 ans
de 1720 à 1771 à Londres) illustre la continuité théonomique parmi les réformés baptistes
orthodoxes au XVIIIe siècle. Voici un plaidoyer théonomiste signé par Gill dans son maître-
ouvrage, A Body of Doctrinal Divinity :

Nous pouvons nous enquérir si les lois judiciaires, c’est-à-dire les lois concernant le
régime politique juif, sont actuellement en force ou pas, et à être observées ou pas ; ce
qui peut être résolu en distinguant entre elles ; il y en avait qui étaient particulières à
l’état des Juifs, à leur continuité dans le pays de Canaan. […]

Mais il y a les autres lois judiciaires, qui furent fondées sur la lumière de la nature, sur la
raison, et sur la justice et l’équité, et celles-ci demeurent pleinement en force ; et elles
doivent êtres des lois sages et vertueuses, celles qui furent faites par Dieu lui-même, le
Roi et Législateur, telles qu’il est dit qu’elles sont en Deutéronome 4:6-8.

Ils sont, certainement, les gouvernements les mieux constitués et régulés ceux qui
se rapprochent le plus du Commonwealth d’Israël et de ses lois civiles, qui sont du
type précédemment décrit ; et où elles sont appliquées, que ce qui est dit par la Sagesse
est réellement vérifié : « Par moi les rois règnent, et les princes décrètent des
jugements » ; et si ces lois étaient plus strictement obéies, la punition des
offenses, spécialement les offenses capitales, les choses seraient sur un meilleur
pied qu’elles le sont dans certains gouvernements ; et les juges, en passant leurs
sentences, seraient capables de remplir cette partie de leur office avec plus de certitude
et de sûreté, et avec une meilleure conscience.

32
Remarquons que le succès de ce piétisme chez les baptistes des Treize Colonies s’explique largement par le fait
qu’ils souffrirent du principe d’établissement (Église d’État) en vertu duquel les anglicans et les congrégationalistes
non-séparatistes s’étaient octroyé des monopoles ecclésiaux au détriment des autres dénominations protestantes :
→ Tribonien Bracton, « Les baptistes en Amérique coloniale : Entre restreinte inexcusable et liberté excessive », Le
Monarchomaque, http://monarchomaque.org/2014/03/02/baptiste-colonial/, publié le 2 mars 2014 ;
→ Collectif, « Religion and the Founding of the American Republic », Library of Congress,
http://www.loc.gov/exhibits/religion/index.html, consulté le 1er mars 2016.
34
Étant donné que le Commonwealth d’Israël fut gouverné par ces lois pour plusieurs
centaines d’années, et n’en nécessitait aucune autre dans son régime politique ; même en
ce temps, chaque cas qui surgissait ordinairement devait être mené devant une cour
juridique. Je ne peux pas ne pas être de l’opinion qu’un digeste [recueil
méthodique de droit] de lois civiles pourrait être fait à partir de la Bible, la Loi du
Seigneur qui est parfaite, soit en transposant expressément les mots, ou en déduisant
par analogie des choses et des cas et, par juste conséquence, cela serait suffisant pour le
gouvernement de toute nation, et ainsi il n’y aurait pas de besoin pour autant de livres
de droit, ni autant d’avocats, et peut-être qu’il y aurait moins de poursuites judiciaires
(Gill, 367-368).

Cet héritage théonomiste est aussi évident chez le successeur de John Gill, le fameux révérend
Charles Haddon Spurgeon qui fut ministre pendant 38 ans — de 1853 à 1891 — au Metropolitan
Tabernacle de Londres, la plus importante assemblée réformée baptiste au Royaume-Uni.
Charles Spurgeon affirma, en commentant les écrits du juriste réformé écossais Samuel
Rutherford (1600-1661) — auteur du traité de droit constitutionnel Lex Rex (« la loi est le roi »,
plutôt que « le roi est la loi »), un ouvrage absolument théonomiste publié en 1644 — qu’il s’agit
là « des écrits qui se rapprochent le plus de l’inspiration [divine] qu’il soit possible de trouver
parmi tous les écrits des simples hommes » (Coffey, 6).

Selon Spurgeon, les offices civils ne doivent pas être conférés aux non-chrétiens. Ainsi
s’exprimait-il en 1880 :

Je ne devrais pas permettre à un mormon d’être juge dans une cour de divorce, ni à un
quaker d’être commissaire des serments, ni à un athée d’être aumônier à la Chambre des
Communes et, pour la même raison, à un catholique romain, qui a juré allégeance
au pape, d’être vice-roi de l’Inde (Spurgeon, 126).

Spurgeon croyait que Dieu juge les nations collectivement, ce qui va dans le sens de la
théonomie (mais à l’encontre du piétisme) :

35
Les péchés nationaux exigent des châtiments nationaux. Que chaque chrétien s’efforce
d’enlever les péchés de sa nation de son propre vêtement, et œuvre & fasse tout son
possible pour purifier cette terre de sang et d’oppression33.

Les citations reproduites ci-dessus ne sont qu’un infime échantillon des nombreuses
déclarations théonomistes de Spurgeon34. En matière d’eschatologie, Spurgeon prônait le
postmillénariste, ce qui va dans le sens du kuypérianisme et de la théonomie mais à l’encontre
du piétisme et du R2K, comme l’indiquent les citations ci-dessous :

J’ai hâte au jour où les préceptes de la religion chrétienne seront la règle parmi
toutes les classes des hommes et toutes les transactions. J’entends souvent dire
“n’amenez pas la religion dans la politique”. Or c’est précisément là où il faut l’apporter
et la mettre devant la face de tous les hommes, comme une chandelle. Je veux que le
Cabinet et les membres du Parlement fassent l’œuvre de la nation devant le Seigneur
(Boot, 259).

Il serait aisé de démontrer qu’au présent rythme du progrès, les royaumes de ce monde
ne deviendront jamais des royaumes de notre Seigneur et de son Christ [Apocalypse
11:15]. En effet, plusieurs croyants dans l’Église abandonnent cette idée [de la royauté
terrestre de Christ], excepté en ce qui concerne la seconde venue de Christ. Étant donné
que cela [l’idée de la non-royauté terrestre de Christ] nous conforte dans notre paresse,
[cette idée] va vraisemblablement devenir une doctrine populaire. Personnellement, je
crois que le Roi Jésus va régner et que les idoles seront totalement abolies [à l’Eschaton],
mais je m’attends à ce que la même puissance qui a jadis “tourné le monde à
l’envers” [Actes 17:6] continuera de le faire. Le Saint-Esprit ne souffrira jamais que

33
Citation reproduite sur le mur Facebook d’American Vision, https://www.facebook.com/americanvision, publié
le 7 février 2015.
34
D’autres déclarations théonomistes de Spurgeon sont reproduites par Steve Halbrook sur Theonomy Resources :
→ « Spurgeon on the Myth of Neutrality in Politics – And the Need for Nations to Acknowledge God, Rule by
God’s Law, and Enforce the Sabbath », http://theonomyresources.blogspot.ca/2015/03/spurgeon-on-myth-of-
neutrality-in.html, publié le 5 mars 2015 ;
→ « More Spurgeon on Politics – Including “This Bible Is the Magna Carta” of Liberty »,
http://theonomyresources.blogspot.ca/2015/03/more-spurgeon-on-politics-including.html, publié le 6 mars 2015.
36
son nom sacré supporte l’affirmation qu’il n’était pas capable de convertir le
monde » (Hodge, 132).

11. Récapitulatif : les réformés baptistes, des kuypériens et des


théonomistes comme toute la famille puritaine

Dans cette étude, il a été démontré que le baptisme réformé de la génération fondatrice était
unanimement d’obédience kuypérienne et adhérait massivement à la théonomie. Cela est vrai
autant pour les réformés baptistes gradualistes et consolidateurs qui s’alignèrent sur le
Protectorat théonomique d’Oliver Cromwell que pour les réformés baptistes membres de la
Cinquième monarchie.

Les sources d’époque de même que l’analyse attentive des événements historiques nous
obligent à reconnaître que ces fondateurs du baptisme réformé étaient tous des théonomistes
ou, au minimum, des kuypériens : Jonathan Spilsbury, William Kiffin, Hanserd Knollys, Daniel
Axtell, John Carew, Thomas Patient, Samuel Richardson, Edward Cresset, John Tombes,
William Steele, Paul Hobson, Thomas Gower, John Pendarves, John Vernon, William Allen,
Christopher Blackwood, et Christopher Feake. Henry Jessey (qui est plus tard devenu un
baptiste du 7ème jour) and Thomas Collier (qui est plus tard devenu un socinien) pourraient
aussi être ajoutés à cette liste. En ce qui concerne la deuxième génération, il appert que
Benjamin Keach était un kuypérien et que William Collins et Nehemiah Coxe étaient
possiblement des piétistes modérés (ce qui est inconséquent). De surcroît, il a été prouvé que
les géants réformés baptistes des XVIIIe-XIXe siècles que sont John Gill et Charles Spurgeon
étaient de fervents théonomistes. Tout cela nous oblige à conclure que le kuypérianisme et la
théonomie sont des éléments constitutifs essentiel de l’orthodoxie réformée baptiste.

PAX QUÆRITUR BELLO.

37
11. Bibliographie

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