Le Soir Mercredi 24 et jeudi 25 décembre 2008
tempsfort
Comment se conçoit un message royal de crise ?
rise politique oblige, ce
C n’est que ce mercredi ma-
tin que le Roi enregistrera
son discours de Noël. Voilà qui
tranche avec les habitudes : géné-
ralement, l’allocution est enregis-
trée (par la RTBF à Noël, la VRT
le 21 juillet) environ deux jours à
l’avance – ce qui permet à Al-
bert II de recommencer autant
de fois qu’il le souhaite… Et aussi
d’ajouter d’éventuels éléments
d’actualité – comme l’affaire de
fraude à la Marine, fin 2006.
Une fois le discours enregistré
« Erigeons une société
interculturelle »
esdames et Messieurs,
M En cette période de
crises, je souhaite insis-
ter sur plusieurs défis qui sont
autant de bonnes résolutions
en préambule de l’année nou-
velle.
Notre pays traverse une pério-
de de troubles institutionnels. Il
est important que les deux gran-
des communautés linguisti-
ques et leurs représentants re-
trouvent les chemins du fédéra-
lisme intégratif. Nous devons et
pouvons montrer que nous
sommes capables de construire
un fédéralisme, panaché et
sans tabou, qui ne soit pas uni-
quement une fédération. Il ne
fait aucun doute que nous som-
mes capables de communier au-
tour de valeurs partagées.
À cet égard, j’en appelle à tou-
tes les bonnes volontés pour
concevoir le processus actuel à
l’aune du projet européen de
« rapprochement des peuples »,
qui est le fondement de l’Union
européenne, dont la Belgique
est un des États fondateurs.
Par ailleurs, je suis convaincu
que l’avenir de notre pays se
www.lesoir.be
(en présence de la Reine), les ra-
dios et télévisions qui le souhai-
tent peuvent se procurer le dis-
cours, avec embargo jusqu’au 24
décembre à 13 heures. Outre la
RTBF, RTL-TVI, VRT et VTM,
l’allocution est diffusée par la
BRF, TV5, RTBFSat, AB3 et Bel-
gaTélé ; en radio par Nostalgie et
Radio catholique française. Mais
aussi à l’étranger, par la ZDF et
l’ARD allemandes (en tout ou en
partie). Qui et comment se rédi-
ge le discours royal ? La Belgique
n’est pas l’Angleterre, où la Reine
construira avec la participation
de tous les Belges, y compris les
nouveaux Belges. Ainsi, les dis-
cussions actuelles doivent aussi
faire place à l’apport des ci-
toyens belges d’origine étrangè-
re, dont les aïeux se sont instal-
lés durablement sur le sol belge
et qui sont donc autant concer-
nés que les autres citoyens par
tous les débats de société.
Dans le prolongement de cet
objectif, j’exprime mon souhait
que notre société bascule d’un
modèle multiculturel vers un
modèle interculturel : la grande
diversité des cultures qui fait la
fierté de notre pays ne s’accom-
pagne pas suffisamment d’ini-
tiatives visant à jeter des ponts
entre les personnes, à permet-
tre aux individus de transcen-
der leurs appartenances com-
munautaires. Les initiatives al-
lant dans ce sens doivent être
plus fortement soutenues.
La crise financière doit nous
conduire à repenser les structu-
res de notre économie, afin de
généraliser l’économie réelle au
détriment de la spéculation. Il
est important de répondre aux
3
L’IMPOSSIBLE DISCOURS ROYAL
reçoit un discours tout fait du Pre-
mier ministre : chez nous, le Roi
entame la rédaction de son texte
environ une semaine avant sa dif-
fusion, avec son chef de cabinet,
Jacques van Ypersele. Compre-
nez : c’est essentiellement ce der-
nier qui tient la plume. Des con-
tacts ont lieu par téléphone avec
le 16, rue de la Loi, et des modifi-
cations peuvent être suggérées
par le Premier ministre. Lorsque
l’épure est prête, elle est remise
au Premier. Celui-ci donne alors
son approbation définitive et as-
© ÉRIC VIDAL/ BELGA.
demandes d’augmentation du
pouvoir d’achat adressées par
la population. De plus, il faut
poursuivre la lutte contre la pau-
vreté, un défi plus que jamais
d’actualité. Par ailleurs, au-delà
de la question des richesses,
c’est celle de leur répartition,
très inégalitaire, qui doit nous
préoccuper et nous mobiliser.
Enfin, parallèlement aux ob-
jectifs mondiaux dans le domai-
ne du développement durable,
notre pays doit prendre ses res-
ponsabilités en tant que mem-
bre de la communauté interna-
tionale et œuvrer à l’instaura-
tion d’une indépendance vérita-
ble du continent africain et
d’une paix juste au Proche-
Orient.
Dans l’espoir que notre pays,
pour répondre à ces défis, puis-
se s’inspirer de la décision de
l’Union européenne de déclarer
l’année 2009 Année européen-
ne de la créativité et de l’innova-
tion, je vous souhaite à toutes
et à tous d’excellentes fêtes de
fin d’année. ■ Mehmet A. Saygin
Secrétaire général de l’Union des
démocrates turcs européens
La crise
sume la responsabilité du texte. jardin (UCL), le Roi a prononcé est devenu systématique. » Dans
Qu’il soit démissionnaire ou en
fonction, le Premier ministre
« couvre » le Roi – jusqu’à la pres-
son discours de Noël alors que
son gouvernement était démis-
sionnaire (sous Eyskens deux
les années 80, la pratique s’est
étendue au 21 juillet : « S’il y en a
eu un dans la tourmente congolai-
tation de serment de son succes- fois, Leburton, Vanden Boey- se en 1960, ils ne sont devenus sys-
seur, s’il est en affaires courantes. nants et Martens deux fois). tématiques qu’en 1983. »
Durant ce processus rédaction- Car les discours royaux radio- Albert doit s’habituer aux dis-
nel, des suggestions de traduc- télévisés ne remontent qu’aux an- cours perturbés par l’actualité :
tion peuvent aussi provenir d’un nées 60 (en avance sur plusieurs en juillet dernier, Yves Leterme
deuxième homme de confiance monarchies européennes) : « En lui avait remis sa démission (te-
du Roi, de l’autre rôle linguisti- 1960, à l’occasion de leur maria- nue en suspens) une semaine
que que le chef de cabinet. ge, Baudouin et Fabiola ont enre- avant le 21 ; et en décembre
Pour la petite histoire, on re- gistré une vidéo informelle, expli- 2007, Guy Verhofstadt ne lui a of-
tiendra qu’à six reprises depuis que le Pr Dujardin. Et en 1961, le fert un gouvernement transitoire
1960, a calculé le Pr Vincent Du- discours de Noël radio-télévisé que le 20 ! ■ MARTINE DUBUISSON
« Oui, we kunnen ! »
M
esdames et Messieurs,
Monsieur le Prem…
Monsieur le… Mon-
sieur l’Explorateur,
L’année dernière, à la même
époque, je vous parlais Europe,
solidarité, équilibre, solutions,
identité, entente et harmonie.
Je saluais notre tradition de
compromis, de bon sens et no-
tre créativité. En y repensant,
c’était un super bon discours.
Mûri. Pensé. Chaque mot bien
pesé. « La Belgique, un laboratoi-
re pour l’Europe », c’est pas sur
un coin de table qu’on trouve
une formule qui tue comme cel-
le-là.
Mais voilà, cette année, c’est
la cata. Pas eu une minute à
moi. Je comptais m’y atteler di-
manche dernier, tranquillos,
j’avais commencé à noter deux
ou trois trucs bien sentis – la cri-
se, l’élection d’Obama, la sépara-
tion des pouvoirs… – mais vous
avez bien vu : on ne m’a pas fi-
chu la paix. Trois jours que je
cherche un coin peinard au pa-
lais où fignoler le bazar ! Et là,
j’ai dû enregistrer tout ça dans
l’urgence, relu par des gens qui
n’ont plus la tête à ça, bonjour
l’improvisation !
C’est pourtant pas compli- © BELGA.
qué, les vœux royaux, à force, je
commence à assurer. Et puis, ça bien, je veux dire une vraie din- tueuse année.
booste ma mémoire, c’est de, qu’on farcit, qu’on met au Malgré l’augmentation du
mieux que l’Entraînement Céré- four et qu’on mange –, c’est coût de la vie, de l’eau du robi-
bral du Dr Kawashima pour Nin- sans espoir. net, des titres-services, de la pol-
tendo DS (quoique, se rappeler Alors voilà. Cette année, les lution de l’air, des catastrophes
qui est Wilfried Martens, y a rien vœux royaux, ça craint. « It climatiques, du nombre de fu-
de tel pour vous réchauffer les sucks », dirait Barack. Désolé. meurs, de faillites, de cas de vio-
neurones – tiens, il doit y avoir Franchement, je ne jette la pier- lence conjugale et de harcèle-
moyen de commercialiser un re à personne mais c’est pas de ment au travail en Belgique,
jeu vidéo là-dessus, j’en parlerai ma faute. C’est eux tous, là, ils hum… comme on dit en Améri-
à Laurent…). font rien que me rendre le rè- que (OK, ça fait un peu resucée
Mais bon, il faut un minimum gne impossible. Donc on va fai- mais en bilingue, on ne l’a pas
de calme et de concentration, re vite et bien, on va dire qu’on encore fait, je crois) : « Oui, we
quand même. Et à Laeken, en- vous souhaite à tous, la dind… kunnen ! »
tre la dinde et la course aux ca- pardon, la Reine et moi, et toute Votre bon Souverain qui a un
deaux – attention, quand je dis
« la dinde », entendons-nous
notre famille, comme tous les
ans, une très heureuse et fruc-
petit coup de barre, là, d’un
coup. ■ Julie Huon, journaliste
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