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Louis Claude SAUDAU


15 Octobre 1827 — 9 Novembre 1912

L'archéologie charentaise est en deuil ! Tous les apôtres du


régionalisme, tous les fervents d'histoire locale, tous les
amoureux de folklore sentiront cruellement la disparition de ce
grand vieillard, à la patience inlassable, à la complaisance
souriante, dans la mémoire duquel ils venaient puiser comme en
un trésor chaque jour accru.
Certes jamais destinée ne présenta une plus remarquable unité,
malgré une certaine diversité d'emplois et de fonctions, car cette
unité trouva son point d'appui dans un amour profond pour sa
ville natale.

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Angérien de naissance, puisqu'il naquit à Saint-Jean-


d'Angély le 15 octobre 1827, Louis-Claude Saudau fut bien « le
plus angérien peut-être de tous les angériens », comme l'a si
heureusement dit M. Paul Daubigné dans le discours que le
jeune Maire de notre vile prononça lors des obsèques.
Après avoir fait au Collège communal ses études
classiques jusqu'à la 3eme, le futur archiviste était entré tout
jeune dans la grande librairie Stassin-Xavier, de Paris, où
l'attirait déjà une
Sorte de culte pour le livre par qui s'acquiert cette science
vers laquelle il aspirait de toutes les forces de sa jeune âme
enthousiaste.
Et certes il avait de qui tenir, et son ascendance justifie
bien ce gout naturel : son père, Jacques Saudau, était en effet
lui-même libraire, Rue du Petit Saint-Jean, actuellement Rue du
Minage, dans une maison aujourd'hui rebâtie et occupée par la
famille de M. Baudry-Lacantinerie ; — son oncle, Jean Saudau
possédait et dirigeait alors, Rue des Bancs dans la maison
Omnès, l'imprimerie qui est devenue l'imprimerie Rogé.
Dans ce milieu parisien si lettré, car à cette date (1840) les
langues étrangères n'étaient cultivées que par une élite, le jeune
commis se vit entouré de sympathies accueillantes : il continua
ses études grecques et latines, en même temps qu'il se
familiarisait avec la langue anglaise. Il se plongea avec amour
dans les livres pour en extraire la substance ; il sut y nourrir son
esprit et son âme, y former son jugement, y affiner son goùt
littéraire.
Quinze ans il resta dans cette ruche laborieuse ; mais
après, la retraite de M. Stassin, qui par testament lui légua la
somme de quatre mille francs « à titre de souvenir d'affection
inaltérable », il se retira malgré les instanees des successeurs.
Les circonstances le ramenèrent alors vers sa ville natale
où il devint successivement secrétaire de mairie, puis greffier de
la justice de paix. Dès cette époque il se voua tout entier à
l'étude de sa petite cité longtemps capitale de la Saintonge du

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nord et si riche en souvenirs historiques ; il travailla au


dépouillement et au classement de ses précieuses archives. La
voie rêvée s'ouvrait dès lors devant lui : il serait l'historien de
Saint-Jean-d'Angély.
Je me souviens de notre première entrevue dans le vieux
moulin familial où il habitait à cette date. Ecrivant alors les
contes qui ont fourni la matière du volume « Sous le Pignon de
mon Logis, j'avais été séduit par quelques épisodes pittoresques
de la vie angérienne et je venais me documenter auprès de lui
sur les sources et sur quelques particularités obscures de cette
histoire locale. Comment dirais-je la cordialité et la saveur de
son accueil? Je le revois avec sa haute taille, avec sa tête
puissante et expressive, toute empanachée de blanc par la neige
de la chevelure et de la barbe, avec ses yeux pleins d'une fougue
juvénile, debout près de la fenêtre, découpant sa silhouette
robuste de septuagénaire sur le petit jardinet où poussaient de
modestes fleurs amoureusement cultivées. J'entends encore,
dominant la basse grave de la rivière qui coulait à nos pieds, sa
voix mâle et bien timbrée précisant les souvenirs, contant les
anecdotes, marquant de traits caractéristiques les figures du
passé ou les personnalités à peine disparues. J'étais introduit —
et par quel introducteur, le plus sûr, le plus documenté — au
coeur même de cette chronique angérienne dont j'étudiais alors
les époques ; en compagnie de ce guide avisé j'y marchais à
travers les siècles, je me promenais dans les rues, je stationnais
sur les places, je reconstituais même par l'imagination les
monuments disparus, les remparts abattus, les douves comblées,
tout ce décor de grâce et de force qui fut celui de l'ancien Saint-
Jean. Avec quelle puissance d'évocation il esquissait d'un trait,
d'une épithète pittoresque telle physionomie savoureuse d'antan,
comme ce Jean Bidet, huissier à la sénéchaussée de la ville, qui
devenu échevin et ennobli par cette fonction, ne trouva rien de
mieux, n'ayant pas de terre dont il put, comme ses collègues,
prendre le nom, que de s'affubler du titre de Sieur de la Plume.
Quelques années plus tard, je retrouvais Louis-Claude

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Saudau dans la petite maison de la rue de l'Aireau, quand je


venais, au nom du Comité de Paris, lui demander d'entrer dans
notre Comité Angérien, constitué pour élever un monument à la
gloire d'André Lemoyne. Certes, sa place y était toute marquée,
puisqu'il avait été pendant de longues années l'ami et le
confident du vieux Maître saintongeois dont nous voulions
honorer la mémoire. Mais telle était la modestie de ce laborieux
ouvrier que je dus mettre une. véritable insistance pour vaincre
ses scrupules. J'eus alors l'heureuse idée de faire appel à son
dévouement ; dès l'instant où il comprit que sa présence pouvait
nous être utile, ma cause était gagnée, car ce n'était pas en vain
qu'on faisait vibrer en lui certains sentiments. Dès lors nos
relations devinrent plus fréquentes et plus intimes ; et pendant
plusieurs mois d'une étroite collaboration j'ai pu apprécier à sa
valeur la droiture de son caractêre, la justesse de son jugement,
la ténacité de son vouloir.
Je fus un des premiers à le féliciter de sa nomination
comme bibliothécaire-archiviste de la ville, quand devint
bibliothèque municipale cette riche « Librairie » de Chancelée
dont j'avais naguère dénombré les trésors en compagnie d'un
autre esprit distingué trop tôt disparu, notre jeune ami Marcel
Daunas. Logé dans la vaste demeure de la rue d'Aguesseau, côte
à côte avec la maison qui fut autrefois celle de Regnault de St-
Jean-d'Angély, face au clocher, dernier vestige de l'antique
Eglise abbatiale de St-Jean-Baptiste, qui faisait jadis l'orgueil de
la ville et que les protestants ont détruite de fond en comble en
1568, Louis-Claude Saudau, membre de la Société des Archives
historiques de la Saintonge et d'Aunis, m'apparaissait
véritablement comme « the right man in the right place ». C'est
dans la vaste salle de gauche, assis à sa table de travail près de la
fenêtre, au milieu de ses six mille volumes, qui lui semblaient
autant d'hôtes familiers, qu'il fallait le voir et l'entendre pour en
avoir une idée parfaitement adéquate ; l'homme et le milieu se
fondaient pour ainsi dire en une sorte d'unité organique ; il était
l'homme de ses livres, de ses documents, de ses archives.

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D'eux il avait tiré le meilleur de son oeuvre toute entière


concentrée dans l'histoire de sa ville. Dès 1875 on trouve des
articles de documentation locale, signés simplement : Louis-
Claude dans la Chronique charentaise, une petite feuille curieuse
éditée par l'imprimeur Lemarié, alors installé 6, Place du Marché
et dont le rédacteur gérant était Victor Billaud, qui depuis a
poursuivi une heureuse carrière de journaliste et d'homme de
lettres à Royan. Plus tard dans la Chronique de Saint-Jean d'
Angély, qui succéda à la Chronique charentaise et qui vit
toujours sous la direction de V. Billaud, parurent les premiers
chapitres de sa future oeuvre" historique. Ces pages éparses
réunies en volume donnèrent l'Histoire de Saint-Jean-d'Angély
d'après les Archives de l'Echevinage et les sources directes de
sou histoire. Le public fit un accueil si favorable à cet ouvrage
que l'auteur dut en publier une nouvelle édition en 1905, rare
fortune pour un livre d'érudition et d'histoire locale. Quatre cents
pages in-8 et de texte compact arrivaient à peine à épuiser la
matière, tant cet infatigable chercheur avait entassé de
documents, inédits la plupart, dans ce cadre apparu presque trop
étroit.
Eh! certes, on a pu faire quelques réserves sur la méthode
de l'auteur et on a beau jeu de dire que « l'Histoire de Saudau
n'est pas définitive ». A voir le discrédit dans lequel sont
tombées les grandes compositions autrefois si vantées d'Henri
Martin, de Thiers et même de cet incomparable virtuose de la
plume que fut Michelet, on est .en droit de se demander s'il
existe des « histoires définitives ». Chaque siècle modifie son
optique, révise les jugements de ses prédécesseurs et le temps en
histoire, comme en bien d'autres choses, est un grand maîtres
contre lequel ne prévalent que quelques oeuvres privilégiées,
mais bien peu d'oeuvres historiques.
Saudau a eu le grand mérite, dont on ne saurait trop le
louer et le remercier, de débrouiller le chaos de nos riches
archives, d'y mettre de l'ordre et d'y faire pénétrer la lumière. En
1904 il publiait toute une série de documents relatifs aux

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Corporations, Maîtrises ou Jurandes de la Saintonge et de


l'Aunis. Grâce à lui on a pu consulter et utiliser les documents ;
je ne crois lui rendre qu'une stricte justice en disant que sans son
travail de classement, ni l'oeuvre de M. Eugène Réveillaud :
Histoire de la ville, commune et sénéchaussée de St-Jean-d'
Angély (des origines à 1789),ni celle de M. Amédée Mesnard :
St-Jean-d'Angély (1789-1909) n'auraient été possibles. Comme
il l'écrivait dans la préface de sa premiére édition, Saudau n'a eu
pour but que de s vulgariser l'histoire de Saint-Jean-d'Angély » :
il a mieux fait, il a créé un courant de sympathie en faveur de ses
études, il a suscité des imitateurs qui ont profité de ses
recherches et à qui leur talent personnel a permis de produire des
oeuvres plus châtiées et plus littéraires.
Avant de mourir il a voulu faire une dernière promenade
dans les rues, ruelles, impasses, places et carrefours de sa ville
natale afin de se remémorer tous les vieux souvenirs, tous les
détails pittoresques, toutes les anecdotes piquantes qu'il avait
accumulés dans sa mémoire ou qu'il avait recueillis à leur sujet
dans les livres spéciaux. Les résultats de cette vaste enquête ont
été publiés dans l'Echo Saintongeais sous ce titre suggestif : «
Miettes et Rogatons de l'histoire locale, trouvés au cours de
promenades dans les rues et chemins de la commune par un
vieux bouquiniste angérien ». Elles allaient paraitre en un
volume, que voici, dont il venait à peine de corriger les derniers
feuillets quand la mort l'a surpris, debout, en pleine santé,
pourrait-on dire, et l'a ravi d'un coup aux affections dévouées
qui l'entouraient. Il avait clôture le récit de ses excursions par
ces vers empruntés au recueil d'un de ses amis, M. Léon Duret,
un de nos compatriotes disparu depuis assez longtemps déja

Ami lecteur, de toi je ne réclame


Aucun conseil afin de faire mieux ;
Je ne pourrais. Hélas ! Je suis trop vieux.

Vieux, il l'était en réalité puisqu'il avait dépassé quatre-

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vingt-cinq ans depuis le 15 octobre dernier ; mais il était resté


jeune, malgré les deuils et les épreuves, par sa verdeur physique,
la chaleur de ses sentiments, la vivacité de sa pensée ; il était
jeune surtout par son ardeur au travail.
Et maintenant qu'il dort son dernier sommeil dans nôtre
cimetière aux côtés de ses vieux amis André Lemoyne et le
docteur Pascal Bourcy, maintenant que nous ne risquons plus
d'effaroucher son ombrageuse modestie, il nous reste à formuler
un voeu : nous sommes quelques-uns à penser que la
municipalité de nôtre ville s'honorerait en accrochant le nom de
ce fidèle angérien au coin d'une de nos rues, une de celles dont
la dénomination n'évoque aucun souvenir historique, aucune
figure disparue, aucune tradition morte, la rue du Collège par
exemple qui se trouve précisément la plus voisine dé sa dernière
habitation. Sa bonne ville de Saint-Jean doit bien ce dernier
hommage à celui qui l'a tant aimée et qui a tiré de l'oubli par le
labeur de toute une vie droite et loyale les fastes de son histoire
locale.

ALFRED BRUN.

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MIETTES ET ROGATONS
DE L'HISTOIRE LOCALE

TROUVÉS AU COURS DE PROMENADES DANS LES RUES ET -


CHEMINS DE LA COMMUNE PAR UN VIEUX BOUQUINISTE
ANGÉRIEN ET PUBLIÉS PAR

LOUIS-CLAUDE SAUDAU

Bibliothécaire-Archiviste de Saint-Jean-d'Angély. Membre du Comité


Départemental chargé de rechercher les Documents Économiques
de la Révolution Française. Membre de la Société des Archives
Histosiques de la Saintonge et de l'Aunis. Officier d'Académie

SAINT-JEAN-D'ANGÉLY
Imprimerie A. ROGÉ, Libraire-Éditeur
Rue de l'Hôtel-de-Ville, n° 2
1912

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MIETTES ET ROGATONS

DE L'HISTOIRE LOCALE

Les trouvailles du vieux bouquiniste, que nous nous


proposons de faire connaître à nos lecteurs, contiennent un peu
de tout, l'origine vraie ou supposée du nom des rues et des
villages de la banlieue, les légendes qui s'y rattachent, les
curiosités que l'on y rencontre, les faits remarquables et les
crimes sensationnels qui à différentes époques y ont excité
l'émotion publique, le tout formant une sorte de salmigondis
dans lequel, ceux qui auront le courage de nous suivre dans nos
longues promenades, trouveront peut-être quelque fait les
intéressant assez pour leur en atténuer la fatigue.
Pour donner à nos compagnons de promenade une juste
idée de l'importance qu'avait autrefois notre chère cité fortifiée,
nous ne pouvons faire mieux que citer l'appréciation qu'en
faisait le roi Charles VII en 1427, dans une ordonnance par
laquelle il défendait aux receveurs de ses finances en Saintonge
de poursuivre jusqu'à l'emprisonnement les Angériens pour
défaut de paiement des tailles et aides, par le motif « que leur
ville était de fondation royale et de toute ancienneté chambre des
rois de France, grande, spacieuse et de très grand garde en la
frontière des Anglais nos anciens ennemis. Le territoire de la
commune de Saint-Jean-d'Angély est â peu près le même que
celui de l'ancienne paroisse, la plus importante
des modifications qui y ont été apportées, fut la réunion de la
partie à gauche du faubourg Taillebourg comprise entre
l'impasse du Lard près du pont Perrin et l'église Saint-Nazaire ou
Saint-Lazare qui dépendait de la paroisse de Ternant avant la
Révolution. Les limites en sont fort irrégulières, au midi elles
forment une enclave étroite dans la commune d'Asnières par la
pointe de la Touzetterie et au sud s'allongent entre celles de

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Saint-Denis-du-Pin et de La Vergne. Les fortifications disparues


de Saint-Jean-d'Angély consistaient en un mur d'enceinte de dix
pieds d'épaisseur dans les fondations, de huit au centre et de six
dans la partie supérieure, relié par douze tours et coûtaient six
livres la brasse, ils avaient été construits
à la hâte, pendant une période critique. du )(ive siècle, avec des
moellons extraits en grande partie pour ainsi dire â pied
d'oeuvre,
te de temps et de moyens de transport, transformant la ville en
e vaste carrière, dont les excavations ont servi ensuite de caves,
vent à plusieurs étages, qui servirent pendant les nombreux
sièges que la ville eut à soutenir, à soustraire au pillage les
objets précieux et de retraites secrètes pour les femmes et les
jeunes filles exposées aux pires outrages de la part des
vainqueurs en cas de prise d'assaut.
On entrait dans la ville par quatre portes principales, dites de
Taillebourg, Matha, Niort et Aunis et deux poternes pour les
piétons appelées de Jélu et Parthenay. Des douves larges et
profondes, alimentées par le canal Saint-Eutrope et la fontaine
du Coi, ou Koa selon un ancien manuscrit, en défendaient
l'approche. Les murs t t les tours rasés pour crime de lèse-
majesté des habitants après le siège de 1621, n'ont pas laissé de
traces visibles, niais on rencontre çà et là quelques vestiges des
douves, qui peuvent servir à déterminer exactement leur tracé,
que nous allons suivre avant leur disparition complète, en
partant du « Moulin à Papier », appelé anciennement « Moulin
de la Bonde », à l'ouest de la ville.
Le front- ouest de la place était occupé en grande partie par
l'ancien « Château Royal », appelé aussi « Château Gaillard »,
surnom donné au moyen-âge dans la plupart des villes aux
forteresses royales ou seigneuriales qui les dominaient ; la douve
au pied du château se terminait un peu avant le Moulin de la
Bonde construit seulement après le démantèlement de 1621 en
utilisant le déversoir appelé « la Bonde » qui servait à nettoyer
la douve spéciale du Château. La bonde consistait en un barrage

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