C’est vrai que tout fout le camp 2
J} dito du numéro 987 (30 septembre 2010) de
Lien Social part d'un constat : « tout fout le
camp », détaillé par une énumération qui pour-
rait Sallonger pendant des pages et des pages.
En France et ailleurs, de vastes domaines de
Yexistence individuele et collective donnent Impression
qu‘en effet tout fout le camp, implacablement. Le champ
social et médico-social ne fait nullement exception. Pourquoi
le ferait-il ? Ce constat rend encore plus prégnante une
question complexe mais incontournable, que beaucoup se
posent : que faire ?
Pareille question exige une compréhension aussi rigou-
reuse que possible de ce qui est en jeu aujourd’hui :on n'a
jamais intérét a se tromper d’adversaire ! Commengons
par écarter une premiére posture aussi habituelle que
catastrophiste. Ce sont les multiples dénonciations des
temps présents, trop souvent nourries de la nostalgie d'un
passé magnifié aprés-coup, mais qui fut, pour beaucoup
de gens, dificile, tres difficile, et auquel, quoi quil en soit,
on ne retournera certainement pas. Contrairement a ce
qu'affirment des auteurs pressés, nous ne vivons aucune
«mutation anthropologique », « mise a mort de Vhumain »,
«perte des repéres », « cassure du lien social » et autres
lieux trés-trés communs....
Pourquoi ne pas tenter de faire plus et mieux qu’idéaliser
le passé et diaboliser le présent ? Voila "hypothése que
je souhaite soumettre au lecteur. A savoir : nous vivons
4& Vépoque de la révolution néolibérale, Telle est la vérité
contemporaine. Révolution, soit un processus de trans-
formation relativement radicale des conditions de vie,
objectives et subjectives, non seulement économiques mais
aussi intimes. Non seulement collectives mais aussi indivi-
duelles. Ce ne sont pas uniquement des réformes, grandes
ou petites, qui sont en cours, Ninon plus des modifications
substantielles dans la production et la distribution - ef-
frontément inégalitaires - des biens et des ressources.
Sont également en cause la maniere de naitre, de vivre et
de mourir, la maniére de penser, de se penser et de ne pas
penser, les modalités du vivre-ensemble,
Ce n'est nullement lhhumain qui est menacé de disparition,
mais certaines de ses représentations, qui résistent mal
aux offensives tous azimuts des doctrines néolibérales. Ce
n'est pas rien, certes ! Mais ce n’est pas tout non plus. De
méme que le diagnostic sur une personne n’est pas cette
personne, mais juste une des manidres de la percevoir et de
Ja traiter les représentations avec lesquelles on s'approche
du réel ne sont pas le réel. Celui-ci peut faire Tobjet de bien
autres représentations, de bien d’autres tr
Bref, ce n'est nullement de la fin du monde quil s'agit, mais
de certaines de ses configurations idéologiques, humanistes
notamment. Heureusement tout ne fout pas le camp, mais
juste un certain nombre de nos naivetés. Tout compte fait,
ce n'est pas forcément malheureux..
Restent alors des combats effectifs & mener : le combat
des idées, capables @aller au-dela de la dénoneiation nos-
talgique et-ou de la diabolisation & outrance ; le débat
argumenté quant a ce que peut et ce que ne peut pas
Tintervention sociale et médico-sociale ; la défense, dans
des actions collectives, d'une démocratie impossible a sau-
vegarder si ce n'est au prix de son extension ininterrompue.
Faute de quoi, nous continuerons a faire, objectivement,
le lit de cela méme que nous dénigrons subjectivement.
Saiil Karsz
(18. K. responsable des Journées d'Etude du Réseau Pratiques
Sociales - Lien Social - Girfas, Eduquer, accompagner, soigner..
pourquoi et comment, aujourd'hui # (15-16-17 novembre 2010)
‘www.pratiques-sociales.org - Tél. 06 45 90 67 61.
14 octobre 2010 - LIEN SOCIAL n®