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11-036-F-30

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-036-F-30

Complications des stimulateurs cardiaques


C Alonso
JC Daubert

Résumé. – Les complications de la stimulation cardiaque peuvent être réparties en complications


périopératoires et postopératoires tardives. Les complications peropératoires sont dominées par les risques
liés à la ponction veineuse sous-clavière avec en particulier le risque de pneumothorax. Les complications
postopératoires les plus fréquentes sont l’hématome en regard de la loge et les déplacements de sonde de
stimulation. En ce qui concerne les complications tardives, il peut s’agir d’un dysfonctionnement de sonde, ou
de complications liées au stimulateur avec, en particulier, le risque d’interférences. Mais la complication la
plus redoutée est l’infection qui peut survenir précocement ou à distance de l’implantation jusqu’à plusieurs
années après celle-ci. Sa gravité est liée au risque de retard diagnostique lorsque l’infection survient à
distance de l’implantation et en l’absence de signes locaux, et à la nécessité d’explanter l’ensemble du
matériel de stimulation. Enfin, certaines techniques plus récentes comme la stimulation ventriculaire gauche
ont un taux de complications actuellement plus élevé que la stimulation conventionnelle et des complications
spécifiques liées notamment au cathétérisme du sinus coronaire.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : pacemaker, complications des stimulateurs cardiaques, infection et stimulateur cardiaque,


stimulation ventriculaire gauche, sinus coronaire.

Introduction L’incidence des complications nécessitant un traitement invasif est


de l’ordre de 3 à 5 % [1, 14].
Depuis ses débuts dans les années 1950, la stimulation cardiaque a Les complications les plus fréquentes sont liées à la ponction
connu une évolution considérable tant sur le plan technique que sur veineuse sous-clavière. Il s’agit du pneumothorax dont l’incidence
celui des indications. est, dans la plupart des études, d’environ 1 %, de l’hémothorax,
voire de l’hémomédiastin [1, 14].
Si certains aspects ont facilité la procédure d’implantation, d’autres
ont pu contribuer à la rendre plus complexe. Les systèmes implantés L’embolie gazeuse comme la tamponnade sont des complications
sont en effet de plus en plus sophistiqués ; on est passé de la rares, mais graves.
stimulation simple chambre à la stimulation double chambre puis à Enfin, la possibilité de troubles du rythme graves lors de la mise en
la resynchronisation cardiaque, utilisant trois ou quatre électrodes place des électrodes impose la surveillance continue de
de stimulation. l’électrocardiogramme.
Les complications liées aux stimulateurs cardiaques sont
actuellement bien connues, ce qui permet d’en améliorer la COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES PRÉCOCES
prévention. On distingue les complications survenant dans la Il s’agit essentiellement des complications liées à la (ou aux)
période peropératoire ou postopératoire précoce de celles survenant sonde(s). Il peut s’agir d’une élévation transitoire des seuils de
à distance de l’implantation. La complication la plus redoutée, quelle stimulation, nécessitant parfois une reprogrammation du
que soit la période de suivi, reste l’infection du matériel implanté. stimulateur ou d’un déplacement de sonde imposant la
réintervention pour son repositionnement. Le taux de déplacement
de sonde est de 1,5 % dans la plupart des études et concernerait
Complications périopératoires plus souvent les électrodes atriales que les électrodes ventriculaires [1,
14]
.
L’existence d’une stimulation pectorale ou diaphragmatique est
COMPLICATIONS PEROPÉRATOIRES prévenue par l’utilisation de sondes bipolaires et par la recherche
L’échec d’implantation est devenu extrêmement rare et est lié en systématique d’une stimulation phrénique lors du positionnement
général à un problème d’abord veineux requérant d’utiliser une des électrodes.
autre voie d’abord pour la mise en place des électrodes. L’hématome en regard de la loge est une complication en général
bénigne ; son incidence est faible (0,5 à 1 %). Elle est favorisée par la
prise d’anticoagulants ou d’antiagrégants plaquettaires. Elle
nécessite rarement une évacuation chirurgicale [1, 14].
Christine Alonso : Docteur. Il a également été décrit que la sonde ventriculaire droite, qui
Jean-Claude Daubert : Professeur.
Département de cardiologie et maladies vasculaires, centre cardio-pneumologique, centre hospitalier
traverse la valve tricuspide, pouvait être responsable d’une fuite
universitaire Pontchaillou, 35033 Rennes cedex, France. valvulaire. En fait, cette complication serait rare et le plus souvent

Toute référence à cet article doit porter la mention : Alonso C et Daubert JC. Complications des stimulateurs cardiaques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie,
11-036-F-30, 2003, 3 p.
11-036-F-30 Complications des stimulateurs cardiaques Cardiologie

sans conséquence. Dans une étude récente, il a été observé une


majoration de l’insuffisance tricuspide d’un grade ou plus dans 11 %
des cas. [16].

COMPLICATIONS POSTOPÉRATOIRES TARDIVES


Leur taux global varie selon les études de 2 à 7 % [9, 14].

¶ Complications locales
Le déplacement, la menace d’extériorisation ou l’extériorisation du
boîtier de stimulation ne sont pas exceptionnels et nécessitent une
réintervention. L’extériorisation, en particulier du boîtier, implique
l’explantation de l’ensemble du matériel qui doit être considéré
comme infecté.
Ces complications relativement rares après primo-implantation
(0,4 %) voient leur taux atteindre 4,5 % s’il s’agit d’une
réintervention pour remplacement de boîtier [9].

¶ Complications liées aux sondes


Le déplacement tardif des sondes de stimulation est une
complication rare.
Le dysfonctionnement des électrodes en rapport avec une rupture
d’isolant ou du conducteur interne est plus fréquent et impose de 1 Infection végétante sur sonde endocavitaire chroniquement implantée. L’échocar-
diographie transœsophagienne montre une volumineuse végétation appendue sur une
remplacer le matériel en cause. électrode (L) dans son trajet atrial (RA) avant le franchissement de la valve tricuspide
Certaines complications sont spécifiques au matériel utilisé. C’est le (T). RV : ventricule droit ; » : localisation de la végétation ; RA : oreillette droite.
cas des sondes Acufix et EnCor (Télectronicst) qui contiennent un
guide de rétention. Les risques sont la fracture et la protrusion du
guide de rétention qui risque de lacérer, voire de perforer l’oreillette – les interférences les plus fréquentes, qui sont sans doute celles
droite. Enfin, le guide de rétention peut migrer dans la circulation rencontrées dans le milieu médical. L’utilisation de l’imagerie par
pulmonaire. Dans un premier temps, l’attitude a été d’explanter de résonance magnétique (IRM) doit être proscrite chez les porteurs de
façon systématique ces électrodes en raison du risque de stimulateur cardiaque. L’utilisation du bistouri électrique, le choc
complications fatales. Mais les risques liés à l’explantation elle- électrique externe ou interne, la radiofréquence, la radiothérapie, la
même, avec une mortalité de 3,4 % en cas d’explantation par lithotripsie imposent des précautions lors de leur utilisation [5, 10, 18].
thoracotomie et de 0,9 % par voie transcutanée, ont conduit à
surveiller ces électrodes et à ne les explanter qu’en cas de protrusion ¶ Infection
du fil de rétention [13].
La thrombose veineuse enfin est une complication qui n’est pas rare Il s’agit de la complication la plus redoutée. Son incidence est, selon
(0,6 à 3,5 %) et qui peut, et c’est le cas le plus fréquent, être sans les auteurs, de 0,13 à 13 %. Trois mécanismes peuvent être à l’origine
conséquence clinique ou bien provoquer des symptômes allant de cette complication : une contamination locale peropératoire, une
jusqu’au syndrome cave supérieur [3] . érosion cutanée ou une contamination par voie hématogène [6]. Sa
survenue est favorisée par une immunodépression, la présence d’un
¶ Complications liées au stimulateur hématome, la durée prolongée de l’intervention, les réinterventions,
la présence d’une sonde d’entraînement temporaire à l’implantation
Une stimulation pectorale peut parfois être observée lors de la et l’inexpérience des opérateurs [6] . Elle peut se manifester
stimulation unipolaire. Son apparition peut être retardée par rapport précocement, dans les 6 semaines suivant l’intervention ou
à l’implantation en cas de déplacement du boîtier de stimulation [12, tardivement après un délai variable pouvant atteindre plusieurs
17]
. mois ou années. Les symptômes sont variables. Dans les infections
Les pannes de stimulateur sont actuellement extrêmement rares aiguës, ils sont dominés par la présence de signes infectieux locaux
ainsi que l’usure prématurée de la batterie. en regard de la loge. Dans les infections chroniques, on observe
En revanche, les interférences, bien que les stimulateurs en soient de souvent fièvre et frissons et parfois des symptômes en rapport avec
mieux en mieux protégés, sont à craindre à la fois dans la vie une localisation infectieuse secondaire. Si la forme locale est souvent
quotidienne du patient et dans l’environnement médical. Les évidente, le diagnostic est souvent retardé en ce qui concerne
conséquences des interférences sont variables. Elles peuvent l’endocardite sur sondes. Cela a conduit à définir des critères
provoquer une panne du stimulateur, un passage en mode secours, diagnostiques à partir des critères de Duke pour l’endocardite
une élévation des seuils de stimulation pouvant aller jusqu’au bloc infectieuse. Le diagnostic repose sur des données cliniques,
de sortie ou une inhibition temporaire de la stimulation. Leur gravité bactériologiques et sur les résultats de l’échographie cardiaque
immédiate dépend essentiellement de la dépendance du patient vis- transœsophagienne (fig 1). La gravité de cette complication est liée
à-vis de la stimulation. Elles peuvent nécessiter par la suite la d’une part aux risques liés à l’infection (choc septique, localisations
reprogrammation ou le remplacement du stimulateur. secondaires) et, d’autre part, à la nécessité d’explanter l’ensemble
Les interférences les plus fréquentes peuvent être classées en trois du matériel [6, 15, 19]. En effet, si certains auteurs ont proposé un
catégories : traitement conservateur fondé sur l’antibiothérapie et un geste local,
il apparaît indispensable pour la plupart des équipes d’associer à
– les interférences endogènes, représentées par les myopotentiels une antibiothérapie parentérale l’ablation de l’ensemble du matériel
qui peuvent, essentiellement avec les électrodes unipolaires, infecté. L’extraction de sondes, simple lorsque les sondes ont été
provoquer une inhibition de la stimulation ; implantées récemment, est en revanche complexe et peut comporter
– les interférences « domestiques » rencontrées dans la vie un risque vital lorsqu’elles sont en place depuis plusieurs années.
quotidienne des patients, les plus fréquentes étant liées aux plaques Grâce à d’importants développements techniques, l’ensemble du
à induction, aux téléphones portables, aux radars, aux portiques des matériel peut le plus souvent être retiré par voie percutanée mais
aéroports, à la soudure à l’arc ; une intervention chirurgicale reste encore parfois nécessaire [15, 20].

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Cardiologie Complications des stimulateurs cardiaques 11-036-F-30

¶ Cas particuliers initiale, 25 % de réinterventions ont été nécessaires [2]. Ce taux


devrait diminuer grâce à la plus grande expérience des opérateurs
Stimulation épicardique et au développement de matériel spécifique. Certaines complications
Si cette voie d’abord est beaucoup moins utilisée que la voie sont, en effet, plus fréquentes avec la stimulation gauche. Il s’agit
endocavitaire, elle garde des applications en pédiatrie et chez des complications infectieuses dues à une durée de procédure plus
l’adulte lorsque la voie endocavitaire est impossible. importante (de l’ordre de 3 %) de la stimulation phrénique liée au
Avec la stimulation épicardique, les seuils de stimulation sont positionnement des sondes sur la paroi latérale du ventricule gauche
généralement plus élevés que lors de la stimulation endocavitaire et au taux de déplacement des sondes qui, non seulement est plus
avec une consommation plus importante d’énergie [7]. On observe fréquent, mais peut survenir plusieurs mois, voire plusieurs années
également un taux plus important de fracture de sonde avec après l’implantation [2].
nécessité de remplacement [11]. Grâce au développement de nouvelles Enfin, certaines complications sont spécifiques à ce type de
électrodes bipolaires à stéroïdes, cette technique est néanmoins tout procédure. On peut en effet observer, lors du cathétérisme du sinus
à fait acceptable [7, 11]. coronaire, une dissection, voire une perforation de celui-ci. Si la
Stimulation ventriculaire gauche première est habituellement bénigne, la seconde peut conduire à la
tamponnade. Ces complications sont néanmoins rares [2].
La stimulation ventriculaire gauche, utilisée dans le cadre de la
resynchronisation cardiaque, est habituellement assurée par la mise
en place d’une électrode dans une branche collatérale du sinus
coronaire. Conclusion
Cette technique est associée à un taux plus élevé d’échecs
d’implantation qui varie, selon les études et l’expérience de Les complications de la stimulation cardiaque sont actuellement rares.
l’opérateur, de 7 à 16 %, que lors de l’implantation de sondes droites. La plus redoutée reste l’infection, compte tenu de sa gravité potentielle
Cela est lié notamment aux variations anatomiques du réseau et surtout des risques liés à l’explantation du matériel de stimulation.
veineux coronaire d’un patient à l’autre [2, 4, 8]. Les techniques plus récentes, telles la stimulation ventriculaire gauche,
Le taux de complications est également plus élevé qu’avec la ont un taux de complications plus élevé qui devrait cependant diminuer
stimulation conventionnelle droite. Ainsi, dans notre expérience avec l’expérience.

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