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Le Style de Montesquieu 

Jean Brèthe de la Gressaye , un des éditeurs de M parlant de l’ esprit des lois :


« Un ouvrage de droit qui est un chef d’œuvre de la littérature française, c’ est une chose si insolite qu’
elle n’ est bien comprise de part ni d’ autre. »

1. Un style de juriste
Ex : XVI en entier ; Ch 2 : « Des lois divines et des lois humaines. »
« On ne doit pas statuer par les lois divines ce qui doit l’être par les
lois humaines, ni régler par les loi humaines ce qui doit l’être par les
lois divines. »
Recherche leur principes et les énumère de 1 à 3.

// le sens de la subtilité qui fait penser à un juriste :


 XXVI, 18 p881 :
Les explications des contradictions apparentes mais rationalisables entre lois civiles et lois
politiques. Prend l’ exemple de Rome. Une loi permet au mari deprêter sa femme à un autre.
Une autre loi punit le mari qui ne condamnerait pas sa femme pour ses débauches.
Montesquieu montre que ces deux loi apparemment contradictoires ne le sont pas. Il distingue
donc entre loi politique, destinée à « donner à la République des enfants d’ une bonne
espèce » et loi civile, ayant pour objet de conserver les mœurs.

2. Un style de sociologue
- Objectif, descriptif, explicatif , que Montesquieu élabore contre les
théologiens(il recourt peu au lexique de la foi, au mot âme)

3. Un style de philosophe des Lumières :


- Multiples références à la vue
- XXV, 7 : « Platon dit la tout ce que la lumière naturelle a jamais dit de plus sensé
en matière de religion »
- 13 : « vous vivez dans un siècle, où la lumière naturelle ….
- La définition de la liberté : « La liberté consiste principalement à ne pouvoir être
forcé à faire une chose que la loi n’ ordonne pas ; et on n’ est dans cet état que
parce que qu’on est gouverné par les lois civiles : nous sommes donc libres, parce
que nous vivons sous des lois civiles. »
- Original : Montesquieu dénonce les abus et les dégâts du religieux , tout en
défendant l’utilité pratique de la religion.
 XXV, 9 «  De la tolérance en matière de religion »
Ce chapitre sur la tolérance n’ est un éloge, comme on aurait pu le penser sur la
religion. M constate qu’en matière de religion, les religions ne sont jamais tolérantes.
C’est donc aux lois d’ un Etat d’imposer cette tolérance :
« Il est donc utile que les lois exigent de ces diverses religions, non
seulement qu’ elles ne troublent pas l’ Etat, mais aussi qu’ elles ne se
troublent pas entre elles. »

- thème du contrat social , très à la mode


- thème du contrat social, XXV, 15 il est évoqué

4. Un style de moraliste :
- Maximes : XXV, 1 « Du sentiment pour la religion » : «  L’ homme pieux et l’
athée parlent toujours de religion, l’ un parle de ce qu’il aime, et l’ autre de ce qu’
il craint. »
- Le pessimisme , mêlé à l’ ironie :
XXV, 13 (Très humble remontrance aux inquisiteurs d’ Espagne et de Portugal) :
« Une juive de 18 ans, brûlée à Lisbonne au dernier auto-da-fé ,donna occasion à
ce petit ouvrage ; et je crois bien que c’ est le plus inutile qui ai jamais été écrit.
Quand il s’ agit de prouver des choses si claires, on est sûr de ne pas convaincre. »
 Peut-être y a-t-il 3 sens à moraliste pour Montesquieu ?
- Il énonce les maximes de conduite et prone une éthique (stoïcisme)
- Il réfléchit sur la morale et ses sources religieuses, naturelle, civiles) entre bonté
naturelle et vertu enseignée 
 XXIV : « rendre l’ homme bon citoyen »
D’où le rôle de l’ amour et de la crainte comme correctif et la fonction des lois comme
motif opprimant.
- Il étudie en fait les mœurs . il anticipe sur l’ ethnologue et le sociologue et rejoint
la pratique de l’ essayiste entre dogmatisme et réalisme.

5. Un style d’ écrivain :
- L’ obscurité des énoncés
- Les saillies
- La brevitas héritée d’ une lecture admirative Tacite
 XXV, 12(Des lois pénales) «  Il faut éviter les lois pénales en fait de religion »
Brièveté de la formule.
Qui ne fait que reprendre le titre.
- La manière de composer les paragraphes,
- La manière de distinguer et former les chapitres
 XXV, 1 : interrogation sur la longueur du paragraphe, très court, qui aurait pu
être un titre (XXV, 1 Du sentiment pour la religion ) L’ homme pieux et l’
athée parlent toujours de religion ; l’ un parle de ce qu’il aime et l’ autre de ce
qu’ il craint.
- La structuration à la fois droite, ondulatoire et cyclique de la Veme partie comme
tout autonome et en même temps conclusion, reprise ,et aboutissement de tout L'
Esprit des Lois
Avec un tout un art du tissage et du leitmotiv (la loi naturelle, la nature, des
thèmes, l’inceste, les Japonais qui reviennent)

6. Un style d’ homme :
- L’ obsession de l’ un et du multiple
- Les métaphores de l’ attraction empruntées à Newton

7. Un style des Lumières.


Roger Laufer Style rococo style des Lumières
- Entre évidence d’une défense de la tolérance (XXV, 9) et sa limitation paradoxale
(XXV, 10)
 XXV, 9 ( De la tolérance en fait de religion) : Il y a un nécessité de la part de
l’ Etat à imposer, par la loi, la tolérance en matière de religion, concernant les
rapports des religions entre elles.
(esthétique de la surprise)
 Une limitation de cette tolérance au niveau de l’ Etat :
« Ce sera une très bonne loi civile, lorsque l’ Etat est
satisfait de la religion établie, de ne point souffrir l’
établissement d’ une autre. »
- Entre ordre géométrique et esprit de finesse
- Entre accumulation de curiosité ; et projet unique (la défense de la loi comme
principe salvateur)
- Entre concentrique et excentrique
- Entre refus des monstres
XXIV, 3 « Lorsque ni l’ un ni l’ autre n’y
consentent, c’ est un monstre que le
divorce. »
Et fascination pour les bizarreries (s’intéresse aux lois pour les Wisigoths en
XXVI , 14)

 On peut donc réfléchir sur le style de Montesquieu :


a) La rhétorique en tant qu’ elle est « actio » , jeu , comme au
théâtre.
b) Le recours à la faction
c) Et à la poésie

I. Rhétorique de M :
Le but de tout ouvrage à thèse comme L' Esprit des Lois est à la fois d’ enseigner (docere), de
convaincre pour faire agir ses idées exprimées (movere)et le plus souvent en réussissant à
plaire (placere)

L’ admiration de M pour Cicéron ne vise certainement pas le seul philosophe, ou le juriste-


consul auteur de De Legibus, mais aussi le théoricien et le praticien de l’ art oratoire.
A. DOCERE
a) La volonté de transmettre un enseignement se manifeste par :
- La présence de composition logique :
 XXIV, 5
Lorsque la religion naît et se forme dans un Etat, elle suit
ordinairement le plan du gouvernement où elle est établie : car
les hommes qui la reçoivent … 

Quand la religion chrétienne souffrit il y a deux siècles,…

C’est que….

On commence par la règle générale


Et son explication « car… »
Puis au paragraphe suivant, une illustration historique(référence au schisme entre catholiques
et protestants. Le paragraphe suivant , commence par « quand », cela créé un effet de suite et
de cohérence, même quand on passe du général au particulier. Puis explication et
commentaire au para 2 introduite par « c’ est que » et le paragraphe suivant examine des
divisions secondaires au protestantisme après avoir au début envisagé la division catholiques-
protestants.
- Maîtrise de tous les types de raisonnements et les types de syllogismes
 XXIV, l’ enthymème initial
XXIV 2 réponse au sophisme de Bayle par des réponses elles-mêmes
sophistiques.

b) La présence de définitions à fonction pédagogique :


Montesquieu rappelle des notions déjà vues.
 XXV, 14 : « j’ai parlé…. » et note de renvoi A
 XXVI 13, note a , à propos des lois Papiennes soumettant à des peines le
mariages qu’ elle prohibait.
« Voyez ce que j’ ai dit ci- dessus, au chap XXI du livre XXIII. »
c) Le martellement d’un certain nombre de termes :
-esprit, nature et tout son champ lexical jusqu’ aux jeux de mots sur
naturellement signifiant conformément à la nature et logiquement.
- XXVI, 2 note b
«Ceci n’est point contradictoire avec ce que j’ ai dit au
chapitre pénultième… »
=art du dialogue avec le lecteur , Montesquieu répond à
une objection qu’ un lecteur attentif pourrait lui faire.

B. Monere et movere. Les analyses débouchent sur la mise en place d’ une stratégie de
conviction caractérisée par :
1. La récurrence de :
a) Formules prescriptives du type : il faut, il ne faut pas, on doit
XXIV, 4 : [sur le caractère de la religion chrétienne et celui de la
musulmane,] on doit, sans autre examen, embrasser l’ un et rejeter l’ autre.
b) Renvoi à des textes antérieurs, qui ont une fonction d’ autorité indiscutable.
(ref XXIV, 25 26 à Boulainvilliers et Chardin)
2. La mise en scène de ce qui se passe lorsque ces impératifs de la raison naturelle ne
sont pas respectés. Et// le recours au futur. Ex : XXV,4 Montesquieu note l’ absurdité
d’introduire le célibat dans des pays à climat chaud.
3. Le recours à des effets de pathos où auteur et lecteur sont fortement impliqués.
a) Exagération pour entrainer l’ adhésion ; simplification par jeu de parallèles m
inexacts. Antithèse, paradoxes frappant, voc expressif.
Art des fins de phrases, paragraphes, chapitres qui s’ apparente à des chutes
ou des points.
 Comparant Etat despotique et tribunal de l’ inquisition , il conclut :
« il est destructeur comme lui »
b) L’ art de l’ interlocution :
- les questions oratoires
- l’ appel au visuel : l’ hypotypose :  « que d’ un côté l’ on se mette sous les yeux
les massacres continuels des rois … »
c) quand le je deviens nous : XXV , 2 (du motif d’attachement pour les diverses
religions.) « Nous sommes extrêmement portés à l’ idolâtrie. »
- il y a une réelle dramatisation du texte : cf ? , même pour poser un cas :
 XXV, 16 ;
«  Est- ce une bonne loi , que toutes les obligations civiles passées dans le
cours d’ un voyage entre les matelots soient inutiles ? »
XXVI, 14 : « On a vu dans le livre premier , que les êtres intelligents
ne suivent pas toujours leurs lois. Qui le dirait ! »
(ironie de l’ exclamation , mime la surprise .)
- Les changements de rythmes d’ une phrase à l’ autre avec une alternance entre
phrases courtes et longues, jusqu’au style télégraphique , comme s’ il s’ agissait
seulement de notes jetées sur le papier (P844)

C. PLACERE
Faire passer indirectement les thèses par le recours à :
a) Des anecdotes, Montesquieu introduit des curiosités, et a recours a des ref
exotiques comme eros ( les questions sexuelles dans les divers pays) et
thanatos (autodafe des juifs, XXV ? 13, massacres religieux/..)
→ L’ univers de l’ L' Esprit des Lois est quand même sombre. C’ est au
philosophe d’ y remettre de l’ordre avant d’ y faire triompher la
lumière.
b) Goût du paradoxe
c) Et le sens des formules : XXV, 1 (du sentiment pour la religion)
d) Organisation en livres en chapitres, en § généralement courts ( sauf XXV, 14
et XXVI, 14) et structurés par des anaphores. (XXV, 2 : la série des Quand
qui annonce chacun une des causes de l’ attachement à la religion.)

II. Montesquieu et la littérature.


Entre l’ esprit géométrique et l’ esprit de finesse , des effets de brouillage naissent qui rendent
le style de Montesquieu moins transparent.
Cf XXV, 3, absence de précision conduisant à l’ erreur : réf à Tacite n’est pas le livre II mais
III. , est jugée médiocrement scientifique. (cf critiques de Voltaire)
A. Du point de vue de la leçon, on notera des décalages démonstratifs, des ruptures.

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