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istoriquement, la campto- cyphose thoraco-lombaire progressive entraînant
cormie a tout d’abord été une projection du tronc vers l’avant. La campto-
considérée comme une mani- cormie se définit cliniquement par une posture
festation hystérique, notam- anormale du tronc réductible, s’aggravant lors
ment chez les soldats de la de la marche et disparaissant en position allon-
première guerre mondiale. gée [3-5]. Sa fréquence est difficile à évaluer, peu
Le terme a été utilisé pour la première fois par d’études ayant été publiées dans la littérature
Souques et Rosanoff en 1915 à la Société neuro- depuis l’introduction de cette terminologie.
logique de Paris [1]. Après la description de
quelques autres cas psychiatriques, l’association Démarche diagnostique
avec des affections neuromusculaires ou neuro- Elle repose avant tout sur l’examen clinique qui
dégénératives comme la maladie de Parkinson a permettra de confirmer la camptocormie et de
été soulevée. Cependant, aucune donnée épidé- rechercher des signes orientant vers une étiolo-
miologique n’est clairement établie, la campto- gie spécifique qui pourra être soutenue par les
cormie restant un signe clinique souvent négligé examens complémentaires.
qui peut résulter de différents processus patho- Le patient consulte le plus souvent pour lombal-
logiques [2]. Même si la plainte principale du gie mais une douleur abdominale, conséquence
patient est souvent une lombalgie, le neurologue d’une contracture ou d’une dystonie des muscles
a une place particulière dans la recherche d’une abdominaux (le plus souvent grand droit) peut
étiologie, étape indispensable pour orienter la aussi se rencontrer. Parfois, les complications
prise en charge thérapeutique. (insuffisance respiratoire, chutes) constituent le
motif de consultation.
Définition
Le terme « camptocormie » provient étymologi- Examen clinique
quement des termes grecs « kamptein » (je fléchis) À l’inspection, le patient se présente avec une
et « kormos » (tronc). Il correspond donc à une attitude en rétroversion du bassin, légère flexion
des hanches et des genoux et bascule du haut du
tronc en arrière ou une antéflexion majeure
du tronc. Le caractère totalement réductible en
Camptocormie : que faire ? décubitus permet d’éliminer les cyphoses d’ori-
gine ostéo-articulaire. Il devra être aussi recherché
Le terme de camptocormie désigne une courbure du dos qui fait par les manœuvres de redressement autonomes
pencher le sujet en avant en position debout. Elle est la (grâce à un support antérieur ou l’appui des mains
conséquence d’une faiblesse des sur la face antérieure des cuisses) ou l’extension
muscles rachidiens qui peut être passive par l’examinateur. Dans les formes frus-
causée par différentes maladies. tres, la camptocormie peut être révélée unique-
ment lors du port de charge ou de l’élévation
simultanée des membres supérieurs.
Étiologies et caractéristiques
particulières
La camptocormie doit être considérée comme le symptôme
d’une pathologie plus générale dont la nature peut être
extrêmement variable. Le tableau 2 reprend pour les prin-
cipales étiologies et les résultats attendus des examens
complémentaires. Une camptocormie a aussi été rapportée
dans des polyradiculonévrites inflammatoires chroniques,
des dystonies primaires ou secondaires, des myopathies à
bâtonnets, des amyotrophies spinales et des déficits en
carnitine [2, 4, 7].
La camptocormie est un symptôme qui a été particulière-
ment étudié dans la maladie de Parkinson. Longtemps
supposée conséquence d’un phénomène dystonique, ce
mécanisme semble rare en pratique. Les différentes équipes
Affections neurodégénératives
Maladie de Parkinson Asymétrique, syndrome Normales Myopathique Œdème avec prise de Aspect myopathique
(et autres syndromes parkinsonien contraste à un stade
parkinsoniens) précoce (IRM), involution
adipeuse ensuite
Sclérose latérale Mode évolutif, Normales Neurogène (atteinte Atrophie des muscles Aspect de
amyotrophique Fasciculations, ou peu corne antérieure) déficitaires dénervation-réinnervation
perte de poids, crampes élevées
Affections neuromusculaires
Dermato- ou polymyosite Déficit moteur proximal, Élevées Myopathique avec Hypersignal en séquence Foyers de nécrose focale
atteinte faciale et ou normales activité spontanée STIR et de régénération
bulbaire, signes anormale, parfois des fibres musculaires,
cutanés, syndrome neurogène infiltrats inflammatoires
inflammatoire (+)
Myosite à inclusions Début après 50 ans, Élevées Neurogène ou Involution adipeuse de la Infiltrats inflammatoires ;
déficit moteur des ou normales myogène (avec tête du muscle jumeau vacuoles bordées ou
ceintures avec myalgies, polyneuropathie interne non ; dépôts amyloïdes
troubles de la déglutition sensitive axonale)
possibles
Dystrophie Déficit moteur proximal Élevées Myopathique Topographie de l’atteinte Aspect dystrophique
des ceintures et FSH variable selon l’étiologie et éléments propres
à chaque étiologie
Maladie de Steinert Myotonie, cataracte Normales Myopathique Atteinte prédominante Aspect myopathique
précoce, atteinte faciale ou peu avec décharges sur les muscles soléaire,
et cardiaque élevées myotoniques vaste interne et la tête
des muscles jumeaux.
Dystrophie myotonique Déficit moteur proximal, Normales Myopathique Atteinte sélective des Aspect myopathique
proximale (PROMM) cataracte ou peu avec décharges grands et érecteurs du
élevées myotoniques à rachis
rechercher dans les
muscles proximaux
Affections métaboliques
Maladie de Pompe Insuffisance respiratoire, Modérément Myopathique Involution adipeuse des Atrophie prédominant
déficit moteur proximal élevées ou neurogène muscles paravertébraux sur les fibres de
et des ceintures type 1, vacuoles
cytoplasmiques
contenant du
glycogène
Ostéomalacie Myalgies, hypocalcémie, Normales Absence de donnée Absence de donnée Absence de donnée
hypophosphorémie,
25-OH vitamine D3 basse
Prise en charge 1. Lenoir T, Guedj N, Boulu P, Guigui P, 8. Margraf NG, Wrede A, Rohr A, et al.
Camptocormia in idiopathic Parkinson's
Le traitement étiologique, quand il est possible, est primor- Benoist M. Camptocormia: the bent
disease: A focal myopathy of the para-
spine syndrome, an update. Eur Spine J
dial car il peut apporter un bénéfice clinique très net, par 2010 (sous presse). vertebral muscles. Mov Disord 2010 ;
exemple dans la myasthénie ou dans une polyradiculoneu- 25 : 542-51.
ropathie démyélinisante chronique [7] ou encore dans une 2. Serratrice G, Pouget J, Pellissier JF.
Bent spine syndrome. J Neurol Neuro- 9. Ricq G, Laroche M. Acquired lumbar
myopathie inflammatoire [11], à condition de ne pas débu- surg Psychiatry 1996 ; 60 : 51-4. kyphosis caused in adults by primary
paraspinal myopathy. Epidemiology,
ter le traitement à un stade où l’involution adipeuse est computed tomography findings, and out-
3. Umapathi T, Chaudhry V, Cornblath D,
déjà importante. Drachman D, Griffin J, Kuncl R. Head comes in a cohort of 23 patients. Joint
Bone Spine 2000 ; 67 : 528-32.
Dans la maladie de Parkinson ou lorsqu’un syndrome par- drop and camptocormia. J Neurol Neu-
rosurg Psychiatry 2002 ; 73 : 1-7.
kinsonien est mis en évidence, la réponse à la lévodopa 10. Laroche M, Delisle MB, Aziza R,
doit être testée. Cependant, un redressement total est 4. Azher SN, Jankovic J. Camptocormia: Lagarrigue J, Mazieres B. Is camptocor-
pathogenesis, classification, and res- mia a primary muscular disease? Spine
rarement obtenu et les différentes études menées en ouvert (Phila Pa 1976) 1995 ; 20 : 1011-6.
ponse to therapy. Neurology 2005 ; 65 :
n’ont pas prouvé l’efficacité de la lévodopa ou de la stimu- 355-9.
11. Kuo SH, Vullaganti M, Jimenez-Sha-
lation sous-thalamique. De même, le traitement chirurgical hed J, Kwan JY. Camptocormia as a
5. Mayoux-Benhamou MA. La campto-
ne prévient pas l’apparition d’une camptocormie[8]. cormie. Ann Readapt Med Phys 2007 ; presentation of generalized inflamma-
tory myopathy. Muscle Nerve 2009 ; 40 :
Les patients sont orientés en médecine physique et réadap- 50 : 60-61.
1059-63.
tation pour adaptation de la prise en charge en fonction 6. Mercuri E, Pichiecchio A, Allsop J,
de l’hypothèse étiologique et du retentissement fonctionnel Messina S, Pane M, Muntoni F. Muscle
et orthopédique. La kinésithérapie doit être axée sur l’as- MRI in inherited neuromuscular disor-
ders: past, present, and future. J Magn
souplissement des courbures, un travail en délordose et de Reson Imaging 2007 ; 25 : 433-40.
verrouillage du bassin, la lutte contre les rétractions myo-
7. Terashima M, Kataoka H, Sugie K, Ho-
tendineuses et les attitudes vicieuses et sur les méthodes rikawa H, Ueno S. Coexistence of chro-
antalgiques. Le renforcement musculaire doux est tenté en nic inflammatory demyelinating polyneu-
ropathy and camptocormia. J Neurol
particulier selon le degré et l’importance de l’atteinte Neurosurg Psychiatry 2009 ; 80 : 1296-7.
musculaire et le plus précocement possible.