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La définition du broutement
On entend par “broutement“ des vibrations générées dans la zone de
l’embrayage et se manifestant dans la chaîne cinématique d’un véhicule
lors de la phase de glissement de l’embrayage. Cette définition reste
volontairement générale et ne tient pas compte des causes de ces
vibrations. C’est ainsi qu’elle est généralement comprise dans d’autres
publications portant sur le sujet (1).
La chaîne cinématique peut aussi entrer en vibration lorsque l’embrayage
est fermé, et ce dans une gamme de fréquences similaire à celle du
véritable broutement. Ce “pseudo-broutement” se manifeste par exemple à
un régime moteur très bas, lorsque les paliers-moteur sont défectueux ou
lors d’un embrayage trop brutal. On confond souvent le „pseudo-
broutement“ avec le vrai broutement.
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4 . V ib r a tio n r e s s e n tie s 3 .V ib r a tio n s lo n g itu d in a le s
p a r le c o n d u c te u r d u v é h ic u le
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phénomène, la figure 2 propose un modèle de substitution. Un objet exerce
sur un tapis roulant une pression équivalente à son poids. De ce fait, un
frottement se produit entre l’objet et le tapis. Ce dernier se mettant en
mouvement, il entraîne l’objet avec lui, du fait de l’adhérence, et provoque
ainsi l’extension du ressort. A un certain degré d’extension du ressort,
l’objet s’immobilise, car l’effort ressort est équivalent à la force
d’adhérence. Il s’ensuit un mouvement relatif entre l’objet et le tapis roulant.
Si alors le coefficient de glissement au point de contact est plus faible que
le coefficient d’adhérence, le frottement diminue brusquement et le ressort
ramène l’objet vers son point de départ, et ce jusqu’à ce que ce dernier, du
fait de l’adhérence, soit de nouveau entraîné par le tapis roulant. Le même
processus se répète - l’objet entre en vibration.
μ (v)
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1. Le coefficient de frottement diminue au fur et à mesure que la
vitesse augmente: Le système, du fait d’un apport supplémentaire
d’énergie au moment du couplage, subit une excitation vibratoire. C’est
le cas que nous venons d’étudier.
2. Le coefficient de frottement est indépendant de la vitesse de
glissement: le frottement au point de contact se comporte de façon
neutre, et l’objet trouve immédiatement une position d’équilibre
stationnaire.
3. Le coefficient de frottement augmente avec la vitesse: Le frottement
au point de contact amortit l’effet ainsi produit, car lors du retour au
point de départ par effet ressort, la vitesse de glissement augmente, et
avec elle la force de frottement, laquelle à son tour freine l’objet. Le
système perd ainsi de l’énergie. Dans ce cas également, l’objet se
stabilise en position d’équilibre stationnaire.
μ' > 0
coefficient de frottement
amortissant
μ' = 0
neutre
exitant !
μ' < 0
vitesse de glissement Δv
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fréquence égale à celle de la source d’excitation. Si cette dernière est
égale à la fréquence propre du système objet-ressort, cela provoque un
peak de fréquences par effet de résonance et l’objet subit des oscillations
de fortes amplitudes. Bien évidemmment, le broutement provoqué peut
également se manifester pour un coefficient de frottement constant, le
phénomène de broutement étant excité dans ce cas par une modulation
d’effort extérieure au système. On retrouve aussi l’effet amortisseur du
coefficient de frottement augmentant avec la vitesse, lequel empêche
l’augmentation des amplitudes d’oscillation dans la zone de résonance.
F(t) ≈ F·sin(ωt)
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2 m /s 2
a c c é lé r a tio n lo n g itu d in a le
1 m /s 2
2 0 0 0 /m in
m o te u r
r é g im e
1 0 0 0 /m in
B .V .
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recueillies, à une méthode statistique rigoureuse. Il est possible, jusqu’à un
certain point, d’opérer une corrélation entre les mesures d’accélération et
l’évaluation subjective. Mais nous n’avons pas encore tout à fait les
moyens, à l’heure actuelle, d’établir pour les vibrations de broutement une
véritable corrélation entre des mesures effectuées indépendamment du
véhicule, pouvant faire l’objet de comparaisons objectives, et les
sensations subjectives du conducteur.
Modélisation:
On peut représenter la chaîne cinématique d’un véhicule sous forme d’une
chaîne d’éléments vibratoires torsionnels constituée de masses tournantes
et de liaisons de couplage (ressorts, éléments amortisseurs et frottements).
Partant de là, il est possible de construire un modèle de substitution
composé de six masses tournantes et permettant de procéder à des
simulations.
Les principaux paramètres à retenir sont les suivants:
• le moteur (vibrations axiales du vilebrequin)
• l’embrayage et le mécanisme de commande
• l’amortissement de la chaîne cinématique
• l’ensemble des éléments susceptibles de transmettre des vibrations
entre la chaîne cinématique et le véhicule (pneus, suspensions des
roues, ...)
• la caisse du véhicule (en tant que masse inerte)
• les éléments susceptibles de transmettre des vibrations du véhicule au
conducteur (siège, ...)
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Les simulations dont il est question dans les chapitres qui suivent ont été
réalisées à l’aide du programme “TORS”[3] développé par LuK. Il s’agit en
l’occurrence de constituer une chaîne composée de masses tournantes
reliées entre elles par des éléments de couplages tels que les ressorts,
l’amortissement et le frottement de Coulomb. Les modèles de simulation
permettent d’identifier, dans la zone de l’embrayage, les mécanismes
d‘excitation générateurs de broutement, de représenter les fréquences
propres de la chaîne cinématique et de visualiser son comportement en
termes d’effets ressort et d’amortissement. On peut ainsi procéder à des
variations paramétriques fines de l’embrayage et de la chaîne cinématique,
l’absence d’influences extérieures parasites permettant une modulation
précise et fiable des différents paramètres. Les figure 9 et 10 montrent la
concordance entre mesures et simulation.
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pourquoi il convient de chercher à obtenir un gradient positif du coefficient
de frottement.
Mais même dans ce cas le comportement du système peut s’inverser d’un
seul coup pour peu que de l’huile, de la graisse ou de l’eau pénètre
jusqu’au point de contact. L’effet de l’humidité s’explique ainsi: A vitesse de
glissement élevée, le frottement produit plus de chaleur au point de
contact. Des bulles de vapeur se forment, provoquant un flottement
vibratoire des éléments couplés. Le coefficient de frottement s’en trouve
diminué. Le traitement antirouille au nitrite de sodium qu’on appliquait dans
le passé empêche bien sûr le bloquage des pièces par la rouille, mais il est
hygroscopique. Si bien qu’après une période prolongée d’immobilisation du
véhicule par temps humide, il est possible qu’un broutement se produise
sous l’effet de l’eau de cristallisation soudain libérée. Le broutement
disparaît de nouveau après quelques décollages, l’eau s’étant évaporée.
Le nitrite de sodium n’étant appliqué qu’en surface, l’effet décrit ne se
produit plus à partir d’un certain degré d’usure des garnitures. On peut en
revanche s’attendre à un effet similaire à celui produit par l’eau, dans le cas
de garnitures ayant reçu de l’huile ou de la graisse.
coefficient de frottement μ [-]
μ‘ = 0
0,40
‘μ = -0,008
0,20
0,00
0 2 4 6 8 10
vitesse de glissement Δv[m/s]
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μ' [s / m]
non critique
0
garniture D
-0,002
garniture B risque de
garniture C broutement
-0,007
garniture A
fort broutement
moteur
régime
µ´ = - 0,005 s/m
µ´ = - 0,010 s/m
B.V.
temps
32
moteur
régime
B.V.
temps
Le broutement provoqué
Les dispersions de pièces composantes ainsi que les vibrations axiales du
vilebrequin entraînent des variations périodiques de l’effort de pression et
donc des variations périodiques de couples, celles-ci génèrant à leur tour
des vibrations dites provoquées.
Une vibration de ce type ne se produit que s’il y a conjonction d’au moins
deux dispersions.
Nous proposons pour l’expliquer un modèle simple représenté figure 11.
Un écart au niveau d’un composant - en l’occurrence un défaut de forme du
plateau - qui tourne au régime d’entraînement n1 et glisse à une vitesse
relative sur le disque de l’embrayage (cf figure 11 “en haut” et “en bas”) ne
provoque pas de variations de l’effort de pression. Si l’on y ajoute un
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second écart - ici un défaut angulaire - l’effort de pression varie pendant la
phase de glissement en fonction de la position du plateau par rapport au
disque d’embrayage, provoquant l’acyclisme du régime de sortie.
n1 n2 n1
n2
n1 n2 n1
n2
“bas“ “bas“
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Une course de butée de Δs = 0,01mm entraîne pour un embrayage
transmettant un couple maximum de Mmax = 500 Nm une variation de
couple d’environ 1 Nm (cf figure 13). Celle-ci est encore plus importante
dans le cas d’une variation dans la course du plateau (figure 14). A défaut
géométrique égal, l’excitation de broutement augmente en fonction du
couple transmis par l’embrayage. Les véhicules à motorisation puissante
sont donc par principe plus exposés aux phénomènes de broutement.
Le broutement relatif au régime moteur est susceptible de se produire
durant toute la durée du décollage (cf figure 15).
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• Levée différentielle du plateau (en jaune)
• Levée différentielle du disque d’embrayage (en rouge)
• Ecarts de coaxialité des axes de rotation.
0 mm course butée 5 mm
500 N m
couple transmis
250 N m
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Le broutement relatif à la différence de régime est provoqué par des
défauts de parallélisme du plateau d’embrayage, d’écarts au niveau du
disque d’embrayage et un décalage angulaire entre le vilebrequin et l’arbre
d’entrée de boîte de vitesses (figure 12). Dans ce cas, lors du
réembrayage, le broutement se manifeste uniquement tant que la
différence de régime entre le disque d’embrayage et le plateau se situe
dans la zone de résonance (cf. figure 16).
Le broutement relatif au régime de la boîte de vitesses n’apparaît que
dans le cas d’une conjonction de dispersions relatives au régime moteur et
au différentiel de régime. Des trois types de broutement provoqués, c’est le
moins gênant, car on traverse la zone de résonance juste avant que
l’embrayage ne se ferme, alors que l’écart de régime est déjà très faible
(figure 17).
Ces dispersions se répartissent en une distribution statistique et
s’influencent réciproquement, tout en restant normalement comprises
entre les limites de tolérance - parfois très strictes - définies par les cahiers
des charges.
C’est pourquoi le broutement provoqué doit être considéré avant tout
comme un problème statistique, ce qu’on peut illustrer au moyen de deux
cas extrêmes théoriquement possibles:
• Les composants pris dans leur ensemble ne s’écartent que très
faiblement de la valeur idéale. Mais il se trouve que la somme des
dispersions entraîne un broutement particulièrement important.
• Quelques unes des dispersions sont proches de la limite de tolérance.
Mais, leurs effets s’annulent réciproquement et aucun broutement ne se
produit.
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régime moteur
n ≈ nres
B.V.
± 1Nm!
temps
moteur
régime
ndiff ≈ nres
B.V.
± 1Nm!
temps
38
moteur
régime
nGetr. ≈ nres
B.V.
temps
39
Voilà une donnée supplémentaire à prendre en compte lors de
l’établissement du cahier des charges de nouveaux modèles de véhicules.
Il convient surtout de chercher la meilleure solution en procédant au
préalable à une approche conceptuelle globale du véhicule et de sa chaîne
cinématique, car l’optimisation de l’embrayage ne permet pas à elle seule
d’obtenir un résultat satisfaisant à la fois sur le plan technique et
économique.
moteur
régime
D = 0,05 Nms
D = 0,10 Nms
B.V.
temps
40
7
2
ancien nouveau
1
ancien nouveau
0
41
Des paliers défectueux, notamment les paliers du moteur et de l’arbre de
transmission, renforcent considérablement le phénomène de broutement.
Pour le pneumatique (cf figure 21), il faut tenir compte en plus d’un autre
paramètre important qui est le contact avec la chaussée tel qu’il s’effectue
au niveau de la surface d’appui du pneu. Jusqu’à maintenant, ce dernier
paramètre a souvent été insuffisamment pris en compte dans l’étude des
vibrations torsionnelles et longitudinales de la chaîne cinématique. La
recherche devra s’intéresser à ce problème dans les années qui viennent.
Des travaux actuellement en cours à l’Institut de Construction Mécanique et
Automobile y sont consacrés.
s u p p o r t d e jo in t d e c a r d a n
s u p p o r t B .V . p o n t
a rb re d e
tr a n s m is s io n
B . V .
p n e u m a tiq u e
s u p p o r t d e tr a in
s u p p o rt m o te u r
42
Figure 21: Transmission des vibrations au niveau du pneumatique
Coefficient de frottement
Une garniture présentant un profil de coefficient de frottement augmentant
avec la vitesse amortit les vibrations. Mais il se trouve que les garnitures
fabriquées en série n’ont pas ce comportement à toutes les températures.
Si le gradient du coefficient de friction présente un profil positif s’élevant
nettement dans la zone critique de la vitesse de glissement, il est possible
d’éliminer complètement le phénomène de broutement. En admettant qu’on
réussisse à développer une garniture de ce type, on pourrait réduire
également les vibrations provoquées. Il n’y aurait donc plus de broutement
perceptible.
Il faudrait donc insister davantage sur le développement de garnitures
d’embrayages à sec présentant des gradients de coefficient de frottement
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légèrement positifs. Il est nécessaire pour cela de mieux maîtriser les
phénomènes combinatoires, physiques et chimiques, au niveau de
l’embrayage.
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tendue
souple
effort
Δ F2
Δ F1
course
Δs
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Le volant amortisseur à moteur électrique n’a aucun impact sur les
phénomènes de broutement du fait que pendant la phase de glissement il
est isolé des vibrations de la chaîne cinématique par l’embrayage.
On peut également envisager d’avoir recours à un damper de vibrations
torsionnelles.
Résumé
Le broutement se manifeste uniquement durant la phase de glissement de
l’embrayage et se répartit en deux catégories selon son origine:
• Le broutement de garniture, généré par le système lui-même en
fonction du coefficient de frottement.
• Le broutement provoqué par les dispersions de pièces composantes et
les vibrations axiales.
Le broutement de garniture aurait plutôt tendance à diminuer du fait de
l’amélioration de la qualité des garnitures. Le broutement provoqué, en
revanche, se manifeste d’autant plus que, pour améliorer le rendement, on
s’efforce pour chaque nouveau modèle de réduire encore l’amortissement
de la chaîne cinématique, ce qui fait que, de plus en plus, de très faibles
variations de couple au niveau de l’embrayage suffisent à générer les
phénomènes de broutement. Notons également que, les moteurs étant de
plus en plus puissants, les embrayages sont appelés à transmettre des
couples de plus en plus élevés, ce qui entraîne des variations de couples
de plus en plus importantes. Enfin, la clientèle étant d’une manière
générale de plus en plus exigeante en matière de confort, et du fait des
améliorations importantes survenues ces dernières années pour tout ce qui
concerne la sensibilité des véhicules aux vibrations et aux bruits, le
moindre broutement même sporadique est à prendre en considération.
Les vibrations de broutement ne proviennent pas uniquement de
l’embrayage et du système de commande, mais également du moteur, de
la chaîne cinématique, des roues motrices, de la suspension des essieux et
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de la caisse du véhicule. Tous les éléments transmetteurs de vibrations ont
un impact sur la sensibilité du véhicule au broutement et doivent être pris
en compte.
En l’état actuel des connaissances, les conditions à réunir pour réaliser,
sans composant ou dispositif supplémentaire, un embrayage insensible au
broutement, sont les suivantes:
• une garniture présentant un coefficient de frottement à gradient
ascendant
• une progressivité à caractéristique plus souple
• le resserrement, dans des limites raisonnables, des marges de
tolérance
• des dispositions préventives au montage visant à éviter les contraintes
propres des composants
Il conviendra encore de mener les travaux de recherches nécessaires afin
de mieux maîtriser les causes des vibrations de broutement, leur mode de
transmission et leurs effets, en relation avec l’ensemble du véhicule conçu
en tant que système, l’objectif étant d’éviter autant que possible le
broutement ou d’y remédier dès la phase de conception des nouveaux
véhicules.
Soulignons en conclusion qu’il n’est pas possible d’éliminer le broutement
par des interventions limitées à tel ou tel composant du système pris
isolément, comme l’embrayage par exemple. Seule une approche globale
et une mise au point de l’ensemble du système peut permettre d’aboutir à
une solution efficace et durable.
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Documentation
[1] Winkelmann, S.; Harmuth, H.:
Schaltbare Reibkupplungen, Konstruktionsbücher Band 34; 1985
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