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LA DAME ASSISE SUR LE BANC DE BOIS

Je l’apercevais à tous les lundis matins, assise sur ce banc de bois verdâ tre qui donnait un
certain cachet à ce parc de Lévis. Soleil radieux, pluie battante ou neige virevoltante, aucune
de ces conditions n’affectaient son assiduité matinale. Elle était là , toujours proprement
vêtue, les cheveux noirs aux épaules, parfois bouclés, parfois plats. Ses jambes croisées lui
donnaient une allure particulière qu’il m’était difficile à définir. Une allure fine, douce, qui
lui attribuait une certaine classe. J’imaginais à ses doigts des bijoux éclatants. J’imaginais à
son visage des yeux clairs, bleus et timides à travers lesquels la merveilleuse ville de Québec
y reflétait tout son charme. De l’autre cô té du fleuve s’érigeait le châ teau Frontenac, sans
cesse digne d’une photographie de carte postale. L’été, je percevais les touristes qui, par
dizaines, appuyaient sur le bouton de leur appareil photo, question de capturer le paysage.
L’hiver, c’est le froid, la neige et la glace qui semblaient vouloir l’immortaliser. Mais cette
femme était toujours là , beau temps, mauvais temps.

À chaque lundi, je passais derrière elle. J’allégeais mes pas comme si je ne voulais briser le
silence qui l’entourait. J’étais effrayé à l’idée de la brusquer. Perturber son regard concentré
sur le paysage de la capitale était devenu, pour moi, une phobie. Plus les semaines passaient
et plus elle devenait un personnage essentiel à la beauté du panorama. Elle embellissait le
châ teau, les vagues du fleuve et les bâ timents de pierre d’inspiration européenne. J’adorais
particulièrement les matinées ensoleillées où le bleu du ciel ajoutait une touche particulière
tant à la ville qu’à la femme inconnue. Il m’arrivait de m’immobiliser tout près d’elle,
espérant recevoir du ciel le courage de lui adresser un simple bonjour ou de lui montrer un
tendre sourire, rien de bien spécial.

Plus les lundis passaient et plus je les aimais. Le réveil était plus facile; le boulot, plus
attrayant. Jamais elle se présentait les autres jours de la semaine. L’espoir demeurait. Elle
n’embellissait pas seulement le paysage, elle embellissait ma vie.

Chaque lundi matin, mon cœur battait toujours plus fort.

Guillaume Simard

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