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La force des épices

Notre premier dîner avait été si appétissant qu’il nous avait enflammé les idées. Mes pupilles
gustatives avaient goûté à ta beauté à l’instant même où tu t’étais assis face à moi. La douceur de
la nappe blanche s’était imprégnée dans ma mémoire tout comme l’odeur de ton parfum qui
s’accentuait chaque fois que tu avançais un bras vers ta coupe de vin. Les joues rouges, je t’avais
fait part de mes passions pour l’écriture, la poésie et la musique. Suite à ta demande, j’avais pris
place sur le banc du piano à queue situé sur la scène du café où l’on discutait. L’espace était
éclairé par des corridors de lumière qui illuminaient mes cheveux blonds bouclés, ma robe noire
ajustée et mes mains de jeune fille timidement déposées sur les touches noires et blanches du
clavier. Mes doigts s’étaient mis à frétiller sur le chic instrument, reproduisant une pièce du
premier album d’Enya, fraiche artiste à l’époque. Le portrait de cette musique était la
photographie même du moment que l’on vivait.

Le repas s’était poursuivi. Je jouais des claves avec mes ustensiles, du triangle à l’aide de ma
coupe de vin.

 Tu sembles heureuse.
 Je le suis.
 J’ai de la difficulté à manger. Tu me captives.
 Arrête…
 Pourquoi?
 Tu me gênes…
 Je n’ai pas le droit de dire à la femme devant moi qu’elle est jolie?
 Non.
 Qu’elle est parfaite?
 Non.
 Pourquoi n’acceptes-tu pas les compliments?
 Je ne sais pas. Je suis comme ça.
 Tu les mérites.
 Merci, c’est gentil.
 Pourquoi rougis-tu?
 Les épices me montent à la tête…

Les lignes de ta main avaient embrassé les miennes, un intense mélange de passion et de sueur.

 Je suis heureux que tu aies accepté mon invitation.


 Je suis heureuse que tu m’aies invité.
 Je…
 Quoi?
 Non, rien...
 D’accord.
 Tu rougis de nouveau. Les épices ?
 Je ne sais pas…

Tu m’avais lancé un regard charmeur et un sourire parfait, une recette exquise au goût de mes
globes oculaires.

 Tu es belle.
 Merci. Toi aussi… beau.
 Merci...
 Les épices ?
 Oui, c’est exact. Les épices…

J’avais réussi à te faire rougir pour la première fois. J’en étais fière.

J’avais le pouls hyperactif, les sens drôlement imaginatifs. Et non, ce n’était pas les épices.

Guillaume Simard

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