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Les détraquées
f\46D4
iNCHE DERVAL
dans
de
P.-L. PALAU
Lucienne parait.
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P.-L PALAU
moi ?
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77
2Joh\
696758
ACTE PREMIER Edmée... écoutez... c'est entendu...
Faites le nécessaire pour que l'on ne
Le bureau de M""' de Challens, direc- donne pas de devoirs aux élèves pour
trice de l'Institution Les Fauvettes, à demain... Oui... J'en référerai à
Versailles. Madame. (Au concierge.) Qu'est-ce
Large pièce luxueuse. Au fond, une que c'est, Jean ?
baie vitrée donnant sur un perron domi-
nant le parc. A
gauche de la baie, dans
LE CONCIERGE
un pan coupé, un tout petit placard
sous tenture. Au premier plan, une
bibliothèque; au deuxième, une porte.
— Mademoiselle... c'est le cour-
rier...
Au deuxième plan droite, une porte.
Un vaste bureau à droite perpendi-
culaire à la rampe.
Mil'' CLAIRE
Devant le bureau, un fauteuil de cuir.
Beaucoup de fleurs et de plantes.
— Il y a quelque chose pour moi ?
77
M'if- CLAIRE LE CONCIERGE
— Celle qui est si jolie... — Hein?
'
— Elles sont toutes jolies les petites — Oui... vous dites : c'est curieux.
demoiselles ici... Qu'est-ce qui est curieux ?
— Oui, on le dit... Mais il est préfé- Cinq minutes, pas plus... Madame ne
rable de ne point vous servir d'expres- va sans doute pas tarder à rentrer, »•
sions aussi vulgaires... aussi peuple... et vous savez qu'elle n'aime pas beau-
Madame abomine ce genre-là, vous coup que les hommes viennent parmi :
devez le savoir. les élèves...
78
M"e CLAIRE M'K- CLAIRE
— Eh bien! mais... voyons... je
— Oui... je ne me déplais pas ici...
Oh... évidemment, il y a du travail, de
suis entrée unpeu avant Noël, le
la responsabilité... Madame ne se rend
15 décembre exactement. Nous sommes peut-être pas toujours bien compte de
fin juillet...
l'effort qu'on fournit...
LE CONCIERGE LE CONCIERGE
— Ça fait sept mois... — Tous les patrons... hein!... c'est
un peu comme ça...
Ml'*- CLAIRE
M"'' CLAIRE
— Oui, sept mois. (Un silence.)
— Enfin... je suis satisfaite... mal-
gré tout. Ça n'empêche pas que je vois
LE CONCIERGE les vacances arriver... avec joie...
LE CONCIERGE
— C'est à cause de la fête...
— Comment ? LE CONCIERGE
Mil'' CLAIRE
— Encore!
Mlle CLAIRE
— On dit... pour parler... « pour
— Comment, encore?... (Sonnerie
causer » est impropre...
au téléphone.)
LE CONCIERGE LE CONCIERGE
— Ah... ah...
— Ben oui... l'année dernière...
79
Mlle CLAIRE LE CONCIERGE
— Chut... une seconde... Allô!... — Vous ne vous rappelez donc pas
oui... c'est ici... Ah! madame de Che- ce qui s'est passé ?
LE CONCIERGE LE CONCIERGE
— Ah!... c'est pas des trucs à
— Hé bien! mais pour enseigner les
recommencer... Vous vous rendez pas... les figures du ballet aux
compte... pensionnaires...
80
LE CONCIERGE LE CONCIERGE
— Justement, parmi les élèves, il y —Si... Il paraît que le soir même de
avait une petite jeUne demoiselle de son arrivée ici... M'"" Solange lui avait
treize ans... jolie... jolie... non... vous faitdes observations... on ne sait pour-
ne pouvez pas vous faire une idée de ce quoi... Toujours est-il que le lende-
qu'elle était belle... Je la vois encore! main... je retrouvais son petit cadavre...
Pauvre petite gosse!... tout sanglant... au fond du puits... près
du potager...
Mlle CLAIRE
M"-^ CLAIRE
— Pourquoi... pauvre petite gosse ?
— Mais c'est horrible...
LE CONCIERGE LE CONCIERGE
— Elle est morte!... — Vous pouvez le dire... Mademoi-
vivrais cent ans, je n'oublierais
selle... je
Mil'' CLAIRE jamais ce spectacle-là!... (Un long
silence. Une horloge sonne lourdement
— Morte ? la demie.)
— Ce n'est pas
— Oui... quoi qu'il en soit... ça n'a
possible... pas marché tout seul... La Presse a fait
81
des histoires énormes, la police aussi... SCÈNE II
bien entendu... Enfin, l'affaire a été
classée, comme on dit... MiK- CLAIRE, LE CONCIERGE,
M"''' DE CHALLENS
Mlle CLAIRE
— Et ce douloureux événement n'a M°>e DE CHALLENS
pas causé trop de tort à la pension ?
— Qu'est-ce que c'est ?
LE CONCIERGE LE CONCIERGE
— Madame l'avait craint... vous — C'est... c'est...
pensez... Mais quoi, n'est-ce pas...
c'était pas sa faute...
Mlle CLAIRE
M"' CLAIRE — Le courrier... Madame... que
Jean vient de porter...
— Et... cette demoiselle Solange?
LE CONCIERGE
LE CONCIERGE — Oui, Madame...
LE CONCIERGE
— Il y a un télégramme...
82
M-"'- DE CHALLENS LE CONCIERGE
— Oui, par Saint-Lazare...
— Si... oui... non... oui, Madame...
(Il sort, en proie à une profonde
stupéfaction.)
LE CONCIERGE
— Oh!... avec le changement à
Saint-Cloud... ça fait seize heures... à
peu près. Oui, il arrive à i6 heures. SCÈNE III
— Mademoiselle... Solange... la
Vous le ferez distribuer à la récréation.
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de la température... J'ai cru bien faire sieur Gautret. (On frappe à la porte de
en accordant cette dérogation... droite.) Entrez...
M^ DE CHALLENS
— Vous deviez m'en parler d'abord. SCÈNE V
Je ne m'y serais pas opposée . . . mais vous
deviez me consulter...
Mme DE CHALLENS, M^e CLAIRE
{de droite).
M"e CLAIRE
—Je m'excuse... (Un temps.) Mlle CLAIRE
M™<^ de Cheroy a téléphoné afin de
s'informer de la date des prix...
— Madame, y a la petite Chris-
il
84
venir le D'' Bernier... S'il vous plaît... M-^e DE CHALLENS
ouvrez on étouffe... (Une
cloche
le
résonne au
store...
loin.) Une visite, — Oh! vous êtes très vaillante
voyez donc... encorel...
^M">^ Claire sort par le perron. Un
temps, puis elle reparaît.) M'"*' LE GOFF
M"<^ CLAIRE — Mon Dieu... je n'ai pas à me
plaindre...
— M^e Le Goff demande à vous
parler...
M""^^ DE CHALLENS
Mn'e DE CHALLENS — Je vous en prie, chère madame...
(Elle désigne le fauteuil.)
— M""^ Le Goff?
M"<« LE GOFF
M"<^ CLAIRE
— Oui, la grand'mère de la petite — Merci... Et vous, madame, n'êtes-
Lucienne... vous point trop fatiguée par toute cette
saison scolaire... avec vos multiples
M'"e DE CHALLENS occupations ?...
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M">« LE GOFF qu'elle voudrait revenir à la maison...
M™e LE GOFF
M™"? LE GOFF
— Tout de même... c'est de
—Oui... c'est bien ce que j'ai pensé.,
je sais que, depuis la maladie de sa
l'abnégation...
malheureuse mère..., Lucienne n'est
plus très enjouée... Elle se rend
M^^ DE CHALLENS compte... n'est-ce pas... cette petite...
M-ne LE GOFF
— Comment va M"'^ Le Goff ?...
M-^e DE CHALLENS
Mnie DE CHALLENS
— Triste ?
— Toujours dans la maison de
santé ?
86
Mn>e DE CHALLENS M"'e DE CHALLENS
— Que disent les médecins ? — Oui... en somme, elle travaille
normalement. Oh... ce n'est pas excessif,
M"'«> LE GOFF mais enfin les notes sont dans la bonne
moyenne... le seul point à redire... c'est
— disent qu'ils auront beaucoup
Ils son caractère... autoritaire, tenace...
de peine pour la désintoxiquer, au point Mais, entre nous, je ne déteste pas ça...
où elle en est... la pauvre créature est j'aime l'énergie, la volonté, même chez
perdue de morphine... Quelle épou- un enfant...
vantable chose, n'est-ce pas ?
M"'e LE GOFF
M'"*- DE CHALLENS
— Oui... oui... c'est lamentable...
— Il faut tout de même obéir...
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SCÈNE VII LUCIENNE, avec effort.
M^^ LE GOFF
— Encore quelques jours... et tu
seras en vacances. Ça te va, ça, hein ?
— Chérie...
LUCIENNE, vivement.
M^e DE CHALLENS — Oh! oui... oh! oui... grand'mère...
— Hé bien!... embrassez votre grand'
mère... Lucienne... Mm« DE CHALLENS
LUCIENNE — Lucienne... écoutez-moi... Pour-
quoi avez-vous écrit à votre grand'-
— Grand'mère... grand' mère !... mère que vous aviez peur ?... Pourquoi
(Elle se jette presque convulsivement peur?... Qui est-ce qui vous fait peur,
dans les bras de sa grand'mère.) ici?... Répondez... Qui vous a fait
peur ?
M"!» LE GOFF
LUCIENNE, dans un murmure.
— Ma chérie... comme tu es pâle!...
— Personne... (Puis, brusquement,
Tu n'es pas malade?... (Un long
silence.) elle se réfugie dans
les bras de sa grand'-
mère.) Grand'mère... grand'mère...
emmène-moi... emmène-moi!...
M-^e DE CHALLENS
— Voyons... Lucienne... votre grand'- M"!" LE GOFF
mère vous demande si vous êtes souf-
frante... répondez-lui... — Mais... pourquoi?...
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LUCIENNE vieilles habitudes... mes manies...
D'ailleurs, elle n'est pas à plaindre... la
— Je t'en supplie... grand'mère.. propriété est immense, le parc est au
emmène-moi!... moins le double de celui-ci... avec de
belles pelouses... des arbres cente-
M^ie LE GOFF naires... Lucienne peut s'en donner à
cœur joie...
— Mais enfin... qu'y a-t-il?... Est-
elle drôle!... LUCIENNE
M"'^' DE CHALLENS — Jean-Jean sera là ?
LUCIENNE
LUCIENNE, d'une voix blanche.
— Je l'aime bien, Jean-Jean... Il
— Mon
Dieu, oui... Pourquoi aller — Oh! non... pas ça... pas ça!...
ailleurs Je sais bien que Lucienne
? (Soudain plus calme.) Il ne faut pas
aimerait voyager... le bord de la rner... s'approcher du puits. petite Lucienne.
. . .
Mais je ne suis guère valide... j'ai mes jamais... jamais!... (Un long silence.
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M"^*' de Challens est montée vers la baie M""^ LE GOFF
regarde au dehors, puis elle revient.)
et
Il fait une chaleur accablante... vous
— Ah!... alors... je ne veux pas
ne trouvez pas ?...
d'exception. C'est pour tout le monde
la même chose... la discipline est la
discipline... Dis-moi au revoir ici,
M™e LE GOFF ma chérie... Tu vas être bien sage...
tu me le promets... tu ne veux pas
—Oui... nous aurons certainement tourmenter ta grand'mère ?...
de l'orage, ce soir...
LUCIENNE
M"^*^ DE CHALLENS
Non.
— C'est à souhaiter... cela détendra
un peu les nerfs... M nie LE GOFF
M"'e LE GOFF A vendredi...
— Je ne pleure plus.
M"'« LE GOFF
M""- LE GOFF
— Ah... ma petite, voyons... tu n'es
pas raisonnable... je ne viendrai plus — Au revoir, ma chérie...
te voir... Ne dirait-on pas que l'on te
martyrise? Allons... allons... calme- LUCIENNE
Embrasse-moi... songe que dans
toi...
cinq jours tu seras libre... cinq jours!... — Au revoir, grand'mère...
pas même une semaine! Sèche-moi vite (Entre M"» Claire.)
ces yeux-là... et viens me reconduire...
M"ie DE CHALLENS
M^-e DE CHALLENS — Veuillez reconduire Madame...
(En accompagnant M"'*-' Le Goff.) Les
— Ce n'est pas la règle... mais enfants aujourd'hui, ont aussi leur
enfin... neurasthénie... Mes amitiés, chère
(Elle sonne.) madame... et bon retour.
90
M-^e LE GOFF le commande, je vous l'ordonne... vous
m'avez comprise
— Merci... au revoir... au revoir...
?
M"ie DE CHALLENS
SCÈNE VIII — Vous m'obéirez toujours?...
— DE CHALLENS,
M""- allant au canapé. choir les lèvres de l'enfant.) Vous avez
Lucienne, venez de moi.
près du rouge... Passez par les lavabos...
(Elle s'assied.) Plus près... (L' enfant vous baignerez vos yeux... c'est inutile
obéit.) Pourquoi avez-vous écrit à de montrer à vos camarades que vous
votre grand'mère ?... Pourquoi lui pleurez comme une toute petite fille...
avez-vous dit que vous vouliez partir >... venez par ici... (Elle sort à droite av^c
Pourquoi avez-vous pleuré devant Lucienne.)
elle?
LUCIENNE
Je... je ne sais pas!.. SCÈNE IX
Mme DE CHALLENS, prenant les SOLANGE, puis M">^- DE CHALLENS
mains de Lucienne et la fixant dans Its
yeux. (La scène reste vide un long moment,
puis par la baie, au fond, une femme
— Écoutez... je vous défends, à paraît. Elle est jeune, mince, brune, le
l'aveni", de laisser supposer que vous visage très pur; elle est vêtue de noir,
puissiez être malheureuse ici... je sa tenue très simple mais élégante doit
veux... que vous m'obéissiez aveuglé- indiquer une très légère note masculine.
ment... pour tout ce que je veux, mci... Elle tient à la main une petite valise de
tout ce que je désie... quand je le cuir. Elle reste un moment à regarder le
veux... quand je le désire... Cela, je vous pc'^c, du haut du perron, puis entre
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lentement, sans un geste, les yeux dans SOLANGE
le vague, comme automatiquement. Elle
pose son bagage sur le bureau et demeure — C'est vrai ?
— Solange!...
M'"^ DE CHALLENS
SOLANGE — Assieds-toi... Il fait lourd... n'est-
ce pas ?
— Marthe!
SOLANGE
(Très lentement, Solange étend les
bras vers M'"^ de Challens, qui douce-
ment s'approche. Longue étreinte, puis
— Oui... peut-être...
M"'e DE CHALLENS
— C'est l'orage qui menace...
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M'ne DE CHALLENS SOLANGE
— Tu as trouvé mon domestique à — Avec de la fleur d'oranger, peut-
la gare ? être?... Tu me prends pour un bébé?
(Un silence.)
SOLANGE
— Oui...
M">«^ DE CHALLENS
— Qu'est-ce que tu as fait... depuis
M-n» DE CHALLENS un an que je ne t'ai vue ?
— Il a apporté ta malle ?
SOLANGE
SOLANGE — J'ai donné des leçons... un peu
— Oui...
partout...
M">e DE CHALLENS
M"!*^ DE CHALLENS
— montée dans ta chambre ?
— Pourquoi n'as-tu pas répondu à
Il l'a mes lettres ?
SOLANGE SOLANGE
— Je crois... — Tes lettres ?
SOLANGE SOLANGE
— J'ai horriblement mal aux nerfs... — Tu m'as écri»- ^...
SOLANGE SOLANGE
— Non... c'est inutile... je sens que — Je ne les ai pas reçues...
je ne pourrai rester en place...
M™e DE CHALLENS
M^e DE CHALLENS
Veux-tu un peu de tilleul?...
— Ce n'est pas possible...
93
SOLANGE M">e DE CHALLENS
— Non, Marthe... je n'ai jamais eu — C'est curieux... je ne saurais dire
de lettres de toi... exactement pourquoi j'ai cette idée.
SOLANGE SOLANGE
— voyagé beaucoup... je suis
J'ai
— Étonnée ?...
SOLANGE SOLANGE
— C'est normal... ça t'étonne ?... — Eh bien ?...
SOLANGE SOLANGE
— Comment ?... — Cependant...
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M"'*" DE CHALLENS M"i« DE CHALLENS
— Non... Solange... Il me
semble — Voilà toute notre histoire...
bien que ce petit costume, si simple, si (Un léger silence.)
modeste, dissimule mal ta véritable
personnalité... Tu n'es pas ce que tu SOLANGE
dis... Tu es une femme de mon rang...
de notre monde... Il y a des signes qui — Eh bien!... où vois-tu là-dedans
ne trompent pas... Tu es certainement la raison qui te porte à douter de ce
une grande dame... que je t'ai dit... quel motif aurais-je à
me déguiser ?...
SOLANGE
— Mn>e DE CHALLENS
Romanesque...
— Je ne sais...
M"ie DE CHALLENS
— SOLANGE
Pas pour un sou...
—Allons... laissons cela... c'est
SOLANGE stupide. Parle-moi de toi... Qu'as-tu
fait cet hiver ?
— Mais si... réfléchis, voyons...
souviens-toi... rappelle-toi comment je Mme DE CHALLENS
suis venue ici... comment nous nous
sommes connues... — Pas grand-chose... j'ai eu peu
de Aux vacances de Pâques...
loisirs...
M' DE CHALLENS je suisallée une semaine à Sainte-
Maxime... j'ai vu quelques bons en-
— Oui... l'an passé... j'ai eu besoin droits ...entre autres, une fumerie
d'un professeur de danse... j'ai fait installée magnifiquement. un véritable
. .
SOLANGE SOLANGE
— Cette annonce m'est tombée sous — Où cela?...
les yeux... je me suis présentée... pro-
posée... j'ai été agréée... Mme DE CHALLENS
Mme DE CHALLENS, tendrement. — Dans la propriété d'une Russe
exilée... une femme charmante... une
— Solange... grande artiste... un poète...
(Elle l'embrasse.)
SOLANGE
SOLANGE
—
— Mon Dieu! Marthe... quel enthou-
Et voilà toute l'histoire... siasme...
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Mn-e DE CHALLENS SOLANGE
— Tu le comprendrais si tu avais — Madeleine!...
vu ce cadre féerique qu'elle a réalisé!...
Songe qu'elle a su renouveler cette M""^ DE CHALLENS
chose désuète... une fumerie d'opium!
— Tu la connais donc ?...
SOLANGE SOLANGE
— Qui t'a donné l'idée de la petite
— Oui... oui... j'ai donné des
pilule libératrice ?
leçons... pour un cotillon...
SOLANGE SOLANGE
— Tu regrettes
— Oh!... j'ai trop mal!...
le ? ( Finalement, elle ouvre son sacàmain
qu'elle a déposé sur le bureau et en tire
M"!" DE CHALLENS une petite trousse à morphine, prépa-
rant son injection tout en parlant.)
— J'ai longtemps regretté le cama-
rade qu'il était... l'homme, jamais... M""-- DE CHALLENS
SOLANGE
— Tu n'as pas cessé ?
96
SOLANGE SOLANGE, les yeux dans le vague.
97
M-ne DE CHALLENS ilssont obéissants, C'est bon, n'est-ce
pas ?...
— L'autre jour... j'étais là, à mon
bureau... j'écrivais... justement je rele- M^e DE CHALLENS
vais les notes qui la concernaient... j'ai
pensé à elle... elle est entrée!... —
Oui... ( Les deux femmes ont leurs
mains étroitement unies, une exaltation
SOLANGE croissante semble les animer.)
98
SCENE X Le docteur est chez lui?... Ah! pas
encore... Veuillez lui dire qu'il ait la
SOLANGE, M"'e DE CHALLENS, complaisance de passer le plus tôt pos-
M'"^ CLAIRE sible à l'institution... Bon... merci,
mademoiselle...
Mii« CLAIRE (Pendant cette scène, Solange est
remontée près de la baie et regarde au
— C'est le flacon... dehors. Soudain elle pousse un cii
rauque.)
M""' DE CHALLENS
— SOLANGE
Merci... Eh bien ?
— Marthe... Marthe... regarde... là...
M"'- CLAIRE là... sous les arbres... la grande qui bat
SOLANGE SOLANGE
— Quel est ce bruit ?... — Elle ne viendra pas...
99
fixement au dehors, puis lentement elle LE CONCIERGE
recule... regardant toujours le même
point. Un moment se passe. Les enfants, — C'est moi... Mademoiselle...
au dehors, encouragent leur camarade ; n'ayez pas peur...
d'autres, au contraire la dissuadent.
Puis les voix cessent. Solange est collée
au mur de droite. Par la baie, Lucienne
Mlle CLAIRE
paraît et entre pas à pas, presque d'une
marche automatique. M™'' de Challens
— Qu'est-ce que vous faites ?
M'ie CLAIRE
— Madame Je ne sais pas... je la
?...
cherche moi aussi... Alors, vous avez
ACTE II trouvé quelque chose?...
LE CONCIERGE
Même décor. Il fait nuit noire. La
scène est vide. On
entend l'orage qui — Non.
s'éloigne. Quelques éclairs illuminent la
baie vitrée qui est close. Onze heures Mlle CLAIRE
sonnent au loin.
On entend frapper à la porte de — C'est insensé!... (Elle va sortir et
gauche. Un temps. On frappe de nou- revient.) Ne restez pas dansl'obscurité...
veau. La porte s'ouvre doucement et le allumez... (Elle sort.)
Concierge paraît, enveloppé dans un
capuchon trempé de pluie. Il tient un
falot à la main.
SCÈNE II
100
LE COMMISSAIRE LE COMMISSAIRE
— Quelle est cette pièce ?...
— Hormis vous-même... qui entre
ici ?
M-"" DE CHALLENS
M^e DE CHALLENS
— — Certainement... auprès des élèves.
Sur le parc... voyez...
LE CONCIERGE
LE COMMISSAIRE regarde au dehors.
—Où jouent les enfants pendant les
— Pardon...
récréations ?...
M-"*^ DE CHALLENS
Mn'e DE CHALLENS — Quoi ?... Parlez...
— Mais... ici, devant...
LE CONCIERGE
LE COMMISSAIRE — M""^ Claire vient de venir... il y a
— De sorte que... de cette pièce... on un instant... Elle cherchait Madame...
peut les apercevoir ?
M"ie DE CHALLENS
M-^e DE CHALLENS — Ah!... Par où est-elle partie ?
LE COMMISSAIRE LE COMMISSAIRE
— Il y a toujours quelqu'un ici?... — Quelle est cette porte ?
101
.
LE COMMISSAIRE
— (Il va vers
Oui... la porte de
gauche.) Qui est là?...
— Veuillez m'y conduire, je vous
prie, madame... Par la même
occasion, LE DOCTEUR, paraissant.
je parlerai à votre surveillante...
— D"^ Bernier...
Mn>e DE CHALLENS
—Bien. Si vous voulez me suivre...
LE CONCIERGE
Jean, restez... S'il vient quelqu'un,
répondez... Par ici, monsieur le
— Ah!... pardon... docteur... Bon-
soir, docteur...
commissaire...
LE DOCTEUR
LE COMMISSAIRE
— Je vous suis, Madame...
— Bonsoir, Jean... L'on m'a fait
(Ils sortent par la droite.)
appeler cet après-midi. j 'étais absent.
. . .
O
LE CONCIERGE
SCÈNE III
— Mais... je ne sais pas... c'est-à-
dire... je vais demander à Madame...
LE CONCIERGE,
puis LE D^^ BERNIER.
LE DOCTEUR
(Resté seul, le concierge se promène
un instant de long en large, puis il vient — C'est inutile de réveiller M"'" de
près du bureau pour prendre sa lan- Challens...
102
LE CONCIERGE camarades... elle s'est éloignée un ins-
tant... paraît-il... pour chercher son
— Oh!... mais elle ne dort pas, ballon qu'elle avait perdu... et depuis ce
Madame... elle est là, avec M. Levron. moment-là on ne l'a plus revue...
LE DOCTEUR LE DOCTEUR
— M. Levron ? — Non...
LE CONCIERGE LE CONCIERGE
— Oui... — Oui... on ne sait pas ce qu'elle
LE DOCTEUR est devenue...
LE DOCTEUR LE CONCIERGE
— Levron ici... Pourquoi donc?... — Oui.
LE CONCIERGE LE DOCTEUR
— C'est à cause de la disparition... — A
quelle heure s'est-on aperçu
de sa disparition?...
LE DOCTEUR
LE CONCIERGE
— Quelle disparition ?
—Vers 5 heures, à peu près... C'est
LE CONCIERGE à cette heure-là qu'on est venu me
demander si je ne l'avais pas vue
— La disparition d'une élève... sortir...
Toute l'institution est sens dessus
dessous... LE DOCTEUR
LE DOCTEUR — Et... et vous n'avez rien vu?
— Expliquez-moi vite ça...
LE CONCIERGE
LE CONCIERGE
—Non... je n'ai pas quitté ma loge...
— Oui, docteur... Eh bien! voilà... et ça je suis certain que personne n'a
Tantôt... à la récréation de 4 heures, la passé devant la porte... à moins que
petite jouait là, dans le parc... avec ses la petite se soit sauvée pendant que je
103
payais le laitier... mais faudrait que seconde fois que pareille chose se pro-
ce soit juste à ce moment-là... et ce duit... et à la même époque!
serait bien du hasard!...
LE CONCIERGE
LE DOCTEUR — Oui... seulement, l'année der-
nière... c'était un suicide...
— Oui... évidemment... et... ici...
on a fait des recherches ?
LE DOCTEUR
LE CONCIERGE —
Évidemment, évidemment!...
(Un silence. Le docteur se promène en
— Je pense bien... on a fouillé par- réfléchissant.)Bizarre... bizarre... tout
tout... j'ai visité le parc... le potager... de même... (Au concierge.) Dites
les dépendances... tandis que Madame donc... mais votre maîtresse doit être
et les professeurs cherchaient dans la très ennuyée ?...
maison... Ah!... c'est bizarre...
LE CONCIERGE
LE DOCTEUR — Vous pensez, monsieur... Et
M"e
— Oui... en effet.
Solange, donc!
LE DOCTEUR
LE CONCIERGE
— Mlle Solange?...
— Mon avis... à moi... c'est que
l'enfant s'est sauvée... Seulement LE CONCIERGE
par où a-t-elle pu passer
voilà... ?
— Oui. Par un hasard effarant, cette
affaire se renouvelle juste le jour de
LE DOCTEUR son arrivée!...
— Qui vous fait supposer qu'il y a
LE DOCTEUR, sursautant.
eu fuite ?
LE CONCIERGE
— Comment!... Cette Solange est
ici ?...
104
LE CONCIERGE ensuite son mouchoir et aussitôt étouffe
une exclamation.) Ohl... (A ce moment,
— Bien, monsieur... vers la droite, on perçoit une voix loin-
taine, une voix de femme qui chante;
LE DOCTEUR cette voix se précise, elle est d'un timbre
étrange et mélancolique. Elle est main-
— Mais, écoutez... faites cette com- tenant toute proche, puis brusquement
mission discrètement, je veux dire... cesse alors qu'elle est derrière la porte.
sans que M"'"^ de Challens n'en sache Le docteur se précipite et éteint lo
rien... Vous avez compris? lampe. Seule la lanterne du concierge
éclaire la scène. Le docteur se disrdmule
LE CONCIERGE au premier plan, caché par la biblio-
thèque. La porte de droite s'ouvre
— Parfaitement, monsieur. très lentement et Solange paraît. Elle
avance comme un automate, les yeux
loin devant elle. Les bras en avant, elle
LE DOCTEUR traverse le bureau et disparaît vers la
— Allez vite, mon ami... gauche. Le docteur, cloué au mur, la
regarde passer.)
(Le concierge sort par la droite.)
SCÈNE IV SCÈNE V
LE DOCTEUR, puis LE COMMIS-
LE DOCTEUR, puis SOLANGE SAIRE
(Le docteur est resté seul. Il se pro-
mène, visiblement préoccupé. On l'en- LE DOCTEUR
tend murmurer : Étrange... étrange
coïncidence... Sa promenade V amène — Non... non... ce n'e;t pas pos-
un moment près du bureau; il s'y sible!... Ah!... la malheureuse...
appuie des deux mains et, aussitôt,
les retire en poussant un léger cri,
comme le concierge précédemment.) LE COMMISSAIRE, au dehors.
LE DOCTEUR
— Il est là, le docteur ?
105
LE DOCTEUR LE COMMISSAIRE
— Je crois plutôt que c'est un mau- — Quoi?...
vais vent... Bonsoir, Levron...
(Ils se serrent la main.) LE DOCTEUR
LE COMMISSAIRE
— En deux mots, j'expose la situa-
tion... enfant disparue... branle-bas
— Vous êtes venu pour une malade ?
dans la maison... suppositions diverses,
fuite, accident, enlèvement, suicide,
crime... Et vous concluez?...
LE DOCTEUR
— Oui... et, comme j'ai appris que LE COMMISSAIRE
vous étiez là...
—Sacré docteur, vous en avez de
bonnes... cinq minutes de perqui?ition,
LE COMMISSAIRE un œil à droite, un autre à gauche... et
— Vous avez bien fait de venir... vous pensez que je puis conclure?...
Mon vieux, je voudrais bien que vous
peut-être aurons-nous besoin de vos
services... y soyez...
LE DOCTEUR LE DOCTEUR
— Vous ne croyez pas si bien dire... — Mais, .. c'est que... justement.
d'ailleurs, c'est moi qui vous ai fait j'y suis!
demander...
LE COMMISSAIRE
LE COMMISSAIRE
— — Qu'est-ce que ça veut dire...
Alors... vite... je préfère vous ça ?...
dire tout de suite que je n'ai pas une
minute à perdre... LE DOCTEUR
LE DOCTEUR
—Ça veut dire que je suis arrivé...
bien après vous... et que j'en sais sans
— Moi non plus... je n'ai pas encore doute bien davantage...
dîné et je trotte depuir ce matin huit
heures. Si je reste, c'est pour vous... LE COMMISSAIRE
asseyez-vous et prêtez-moi une oreille
attentive... — Sur quoi ?
LE COMMISSAIRE LE DOCTEUR
— On dit ça dans les tragédies. — Sur tout ce qui se passe ici!...
LE DOCTEUR LE COMMISSAIRE
— C'est de circonstance... — Bravo!... vous êtes un as'
106
LE DOCTEUR LE COMMISSAIRE
— Mais non... Dites donc, cher — Mais non... docteur!
commissaire... vous connaissez bien
la maison, les enfants, le personnel, la
directrice...
LE DOCTEUR
— Vous avez tort... commissaire!
LE COMMISSAIRE
— Ah... pour ça... oui! LE COMMISSAIRE
LE DOCTEUR
— Pourquoi ?
leçons de danse ?
LE COMMISSAIRE
LE DOCTEUR — Tiens... tiens... Et qu'est-ce
— Celle-là... oui... qu'ils font donc... mes petits copains
de la police ?
LE COMMISSAIRE, à la blague.
LE DOCTEUR
— Eh
bien! quoi... vous voulez son
signalement, c'est facile simple, dis-: — Eh bien! mais, dans l'affaire la
tinguée... onduleuse... grands yeux plus minime... la plus innocente, ils
sombres, sourcils arqués, naturels, envisagent toujours les hypothèses les
cheveux en bandeaux... plus tragiques... Tandis que vous... au
contraire... dans une circonstance que
je considère comme particulièrement
LE DOCTEUR
grave... je vous vois d'un calme... d'un
— La femme fatale, quoi... calme...
LE COMMISSAIRE LE COMMISSAIRE
— Non... sans blague... vous croyez — Eh bien! quoi... qu'est-ce qu'il a...
encore aux femmes fatales... vous?... mon calme ?
Moi, vous savez, en dehors des vamps
de cinéma...
LE DOCTEUR
LE DOCTEUR — Il a qu'à mon avis il cadre mal
— Bref... vous n'y croyez pas? avec les circonstances...
107
LE COMMISSAIRE LE DOCTEUR
— Vieil ami... (Il rit.) Excusez- — Mais oui... mais oui...
LE COMMISSAIRE LE DOCTEUR
— Oh... oui!... — Voilà...
LE DOCTEUR LE COMMISSAIRE
— Tant pis!... — Cher ami...
LE COMMISSAIRE LE DOCTEUR
— Vous ne vous en rendez peut-être
— Cher ami... cela ne vous frappe
donc pas, le souvenir de cette enfant
pas compte... mais votre exagération trouvée morte au fond d'un puits, l'an
est... comique!... Mais oui!... Je vous
passé!... Cela ne vous frappe donc pas,
assure qu'il est heureux que, contrai- la disparition étrange de cette autre
rement à nos habitudes... profession- petite... aujourd'hui, à la même
date...
nelles... ainsi que vous avez bien voulu
dans les mêmes circonstances... dont
me le faire remarquer... je ne vous l'une des plus troublantes est la pré-
suive pas sur ce terrain ténébreux où sence de cette même Solange... A votre
il vous plairait de m'entraîner à votre
avis... cette Solange... que fait-elle ici ?
suite... car... je vous vois venir... si
Hein?...
je vous emboîtais le pas... nous abou-
tirions fatalement à cette supposition...
affolante... que l'enfant disparue n'a
LE COMMISSAIRE
pas quitté cette maison!... — Eh bien! mais... pour la fête...
les prix... le bal... c'estconnu...
LE DOCTEUR
— En admettant cela... vous ne LE DOCTEUR
seriez pas très loin de la vérité!... — Façade... prétexte...
LE COMMISSAIRE LE COMMISSAIRE
—
Cher ami... cher ami... attention., — Quoi?...
vous dites ça à moi... comme ça...
sans témoins... ça va... mais rendez- LE DOCTEUR
vous compte... encore une fois... c'est
grave, mon vieux... — Écoutez-moi... Pendant mon
108
.
séjour dans une maison de santé pour etc., chacun s'empoisonne à sa façon...
malades mentaux... pas vrai ?... Une cigarette ?...
LE COMMISSAIRE LE COMMISSAIRE
— Comme pensionnaire?... — Merci...
LE DOCTEUR LE DOCTEUR
— J'ai connu une internée qui res- — Dans cet ordre d'idées, tout est
semblait étrangement à cette Solange... bon pour exciter le système nerveux.
Or, cette malade... j'ai cru la revoir... Petit à petit, les sens s'émoussent,
ici... à l'instant... sous les traits de cette s'atténuent; il faut des sensations plus
même Solange... aussi... admettons que fortes. Alors le détraquement est pro-
ce soit elle... vous le voulez bien ?... duit... la fissure apparaît... L'amour,
les sensations même aiguës ne suffisent
LE COMMISSAIRE plus. L'on voit des femmes quitter leur
mari, leurs enfants, pour suivre une
— Ne vous gênez donc pas! amie et, dans leur folie, introduire des
tiers dans leur intimité, la plupart du
109
LE DOCTEUR êtes!... Oui, cher ami, nous sommes en
présence d'un cas de folie circulaire et
— Mais non. dégradante qu'elle
Si périodique. C'est un cas assez rare...
soit, l'inversion sexuelle est encore une mais il existe, la preuve...
forme de l'amour, puisqu'elle se limite
à un acte physiologique entre sujets du
même sexe. Tandis que la perversion LE COMMISSAIRE
sexuelle
comme
autorise toutes hypothèses,
elle nécessite les actes les plus
— La preuve... la preuve... il fau-
drait pouvoir la faire...
abominables : la flagellation, les plaies
sanglantes et jusqu'à l'assassinat pour
obtenir la jouissance suprême. Enfant, LE DOCTEUR
vieillard, cadavre même, tout est bon
pour l'assouvir!... — Ça, mon vieux... c'est votre
métier. J'ai fait le mien! vous deA
jouer!
LE COMMISSAIRE
— Et... cette demoiselle Solange... LE COMMISSAIRE
serait... ?
— Vous avez des jeux dangereux...
LE DOCTEUR Accusation d'assassinat, simplement...
LE DOCTEUR LE COMMISSAIRE
LE COMMISSAIRE LE DOCTEUR
— Non... non... à partir de mainte- — Ce n'est pas moi qui délivrais les
nant... jene vous suis plus... car, à vous exeat... ce qui m'a permis de la ren-
entendre, il faudrait supposer que ces contrer plus tard, dans le monde, sous
deux femmes se réunissent chaque le nom d'Eisa de Rienza... Ce n'est pas
LE DOCTEUR LE COMMISSAIRE
— Allons donc!... Vous y êtes... vous — Nous sommes en plein dans la
y êtes sans le vouloir, mais vous y noblesse!...
110
LE DOCTEUR LE DOCTEUR
— C'est peut-être une circonstance — ...et salissent ceux qui les
atténuante... entourent. Le procès de l'école du vice
de nos jeunes années, qui peut brus-
LE COMMISSAIRE quement s'épanouir plus tard au coup
de baguette d'un chef de file, d'une
— Donc... à votre avis... M"^' de maîtresse experte ou d'une volonté
supérieure!...
Rienza et M'"« de Challens sont des
démentes ?...
LE COMMISSAIRE
LE DOCTEUR — Belle conférence!
— Oui. Cette folie criminelle est
entretenue par l'ambiance de certaines LE DOCTEUR
pensionnaires favorites, éveillées et
perverses, dignes rejetons d'une géné- — Étant donné tout cela... et d'après
ration pourrie. Qui dira le secret des ce que je sais. j 'affirme, vous entendez
. .
dortoirs, les amours des petites amies... bien, c'est au magistrat que je
les sourires équivoques... les mains m'adresse, j'affirme que voici ce qui
égarées... s'est passé dans cette maison... Une
malheureuse, une folle dangereuse
LE COMMISSAIRE parce qu'insoupçonnée... s'est glissée
ici, attirée par l'appât de la chair jeune.
— Allons, bon... le procès du Elle a soumi; à sa volonté une nature
couvent!... défaillante, déséquilibrée également, et
c'est dans l'union de ces deux êtres de
LE DOCTEUR cauchemar qu'il faut chercher le mys-
tère de la double disparition des fil-
Celui de la promiscuité!... de la vie lettes... Voilà!
en commun, du dortoir et de la claus-
tration. Le procès de tout ce qui vient
contaminer notre race déjà peu floris- LE COMMISSAIRE, ironique.
sante, encore saignée à blanc... Le pro-
cès des métèques vendeurs de drogues
— A quand les assises, monsieur le
juge d'instruction?...
qui trafiquent dans certains établisse-
ments que vous devriez surveiller
davantage, le procès des petits jeunes LE DOCTEUR, gravement.
gens à double emploi qui commercent
sur les boulevards, le procès des satyres — Non, monsieur. A quand le
111
déductions... d'autant qu'elles sont met de l'affirmer, ni même de soupçon-
assez troublantes! ner qu'elle soit atteinte de démence...
LE DOCTEUR LE DOCTEUR
— Je n'en disconviens pas... — Évidemment... la crise est passée.
LE COMMISSAIRE LE COMMISSAIRE
— Mais... tout de même... une sup-
— Quoi?...
position que je puisse vous croire... Il
y a certains faits qui... qui vous LE DOCTEUR
contredisent!
— A cette heure-ci, M^^ de Chal-
LE DOCTEUR lens ne se souvient plus de rien... et en
apparence, pour les profanes tout au
— Lesquels ?...
moins, elle est aussi saine et inoffen-
sive que vous et moi...
LE COMMISSAIRE
LE COMMISSAIRE
— Bien oui... par exemple, tenez...
— Mais enfin...
admettons qu'il y ait eu crime... Ce
crime n'a pu se perpétrer qu'après
4 heures de l'après-midi... les faits sont LE DOCTEUR
là...
— Ohl écoutez... Si vous voulez que
nous discutions scientifiquement sur
LE DOCTEUR la folie, ses formes et ses manifesta-
— D'accord...
tions multiples, nous serons encore là
dans huit jours... Vous avez autre
chose à faire... et moi aussi. Pour le
LE COMMISSAIRE moment, je crois avoir suffisamment
éclairé votre lanterne... faites-en votre
— Ilest II h. 30... Cela fait à peine profit si bon vous semble...
huit heures d'écoulées... Comment
expliquez-vous le calme de M""" de LE COMMISSAIRE
Challens, sa lucidité d'esprit, son sang-
froid, quand elle m'a reçu... Elle dirige — Je vous remercie... Je vais conti-
elle-même les recherches, et sans rien nuer mes perquisitions... Venez-vous
négliger, je vous assure... Cette femme avec moi ?
n'est pourtant pas une criminelle-née,
comme vous dites... et si c'est une LE DOCTEUR
dans son aspect, dans ses
folle... rien,
propos... ni dans son attitude ne per- — Si vous voulez...
112
SCÈNE VI M"e CLAIRE
LE DOCTEUR, LE COMMISSAIRE,
— Il était 5 heures... cela, j'en suis
Mii'^' CLAIRE
absolument sûre... l'heure sonnait...
et c'est peu après que l'on a constaté
l'absence de Lucienne Le Goff, qui
n'était pas rentrée à l'étude...
M'ie CLAIRE, entrant de droite.
LE COMMISSAIRE LE COMMISSAIRE
— Avez-vous vu cette personne à ce — Elle n'est pas polie...
moment-là ?
M"^^ CLAIRE
M'"-> CLAIRE
— — C'est ce que j'ai pensé!
Non, monsieur...
LE DOCTEUR
LE COMMISSAIRE
— Rien ne vous a frappé dans
— A quelle heure l'avez-vous aper- l'attitude... le maintien... l'aspect de
çue pour la première fois ? cette femme ?
113
Mlle CLAIRE LE COMMISSAIRE
— Oh! si... — En admettant que l'enfant ait pu
s'enfuir... à votre avis... est-ce
possible
LE COMMISSAIRE ?
114
Mn^e DE CHALLENS LE COMMISSAIRE, à l'appareil.
LE COMMISSAIRE
— Enfin, bon Dieu!... pardon, SCÈNE VIII
madame... Enfin... il faut se rendre à
l'évidence... Depuis 6 heures de l'après- LES MÊMES, SOLANGE
midi, nous avons parcouru cette pro-
priété de fond en comble... tout a été SOLANGE entre de gauche.
visité, les appartements... les classes,
les dortoirs, les caves... les greniers...
— Alors... alors... cette enfant,
a-t-on des nouvelles ?
— Je vous en prie...
LE COMMISSAIRE, à l'appareil.
SCÈNE IX
— Allô!... oui... c'est moi... Ah... LES MÊMES, moins M"<^ CLAIRE
c'est vous, Morin ?... Eh bien ?...
SOLANGE
M"ie DE CHALLENS, anxieuse. — Nous
allons peut-être apprendre
— On l'a retrouvée?... quelque chose...
115
Mme DE CHALLENS femme... gardez-la à vue... Laissez-
nous seuls...
— Je souhaite... vivre dans cette
le (Les agents emmènent Solange et
angoisse... c'est odieux... Mme de Challens. MH*- Claire les aide.)
(Ils attendent, en proie à une vive
anxiété. Des pas précipités dans le cou-
loir. M''«* Claire entre en courant,
essoufflée.)
SCÈNE XI
LE DOCTEUR, LE COMMISSAIRE
SCENE X LE DOCTEUR
— Eh bien!... cher ami?
LES MÊMES, Mlle CLAIRE
LE COMMISSAIRE
Mlle CLAIRE — Vous étiez dans le vrai... Com-
— Madame... Madame... c'est la ment est-elle morte ?
M">e DE CHALLENS
— Fétichisme... Ces dames prati-
quaient le grand jeu... j'avais tout com.-
— Oui, là...
pris... La table est jonchée de bardes de
plumes cassées... Vous voyez que
(Elle prend une clef sur elle, va au
j'avais raison. Ce n'est pas la prison
placard, l'ouvre. Un
corps s'abat sur le
qu'il faut à ces malheureuses... c'est le
plancher. C'est de Lucienne.
celui
cabanon...
Horreur générale. M'"" de Challens
(Tandis qu'il sort avec le flacon
pousse un cri affreux et s'évanouit.
d'éther qu'il a pris dans le placard, le
Solange, en proie à une soudaine crise
commissaire dit :)
de démence, se précipite sur le corps que
le commissaire a porté sur le divan.)
LE COMMISSAIRE
LE COMMISSAIRE, appelant. — Quelle différence y a-t-il donc ?...
louanges de la presse...