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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Préface
Avertissement
Le Séminaire (1994-1997)
L’indifférence
a) L'Église
b) La Justice
c) Le Politique
d) La Société
Mon combat !
Et après ?
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
a) La vie professionnelle
b) Mes rencontres
- Les prêtres
- Les pharisiens
Mes chiens
Remerciements
Annexes
Résumé
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
A Del et à Dora,
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Préface :
« Les procès pour pédophilie font légion. Ceux impliquant des prêtres
sont plus médiatisés certes, mais à juste titre : ils ne sont pas commis,
comme dans la majorité des cas, par des pauvres gens incultes et dans
la misère. Mais par des hommes intelligents, éduqués et précisément
supposés dignes de foi. Ils n’ont pas besoin de réseaux pour alimenter
leurs phantasmes, ils vivent sur un véritable vivier de proies
potentielles, dans les écoles et les lieux de culte. Quand ils sont
découverts, ils nient et sont mutés ailleurs. En cela l'Église catholique
se comporte comme le plus grand réseau pédophile de la planète.
Les pédophiles sont des pervers psychopathes qui sévissent partout où
il y a des enfants, mais plus facilement dans l'Église parce qu’elle les
nie et les protège par la passivité de sa hiérarchie. Elle pardonne et
les mute au nom du dogme, sans prendre en compte la réalité de l’être
humain. »1
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Enrico Macias
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Avertissement
Pour vous qui me lisez,
Ceci n’est pas un roman. Ceci n’est pas une fiction. Ceci est ma vie…
Une vie détruite à jamais. Ce que vous allez lire est mon histoire, celle
d’un enfant qui cherchait l’affection, ne l’ayant jamais beaucoup
trouvée auprès des siens.
Ils ont volé et violé mon corps; détruit ma foi, anéanti les espoirs de
vie de l’enfant que j’étais au moment des faits, puis de toute
reconstruction de l’adulte que je suis devenu.
Je me suis battu avec âpreté, avec une ténacité qui ne peut se mesurer
qu’à l’atrocité de ce qu’ils m’ont fait subir durant toutes ses années.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Que du bonheur !
1981 à 1987
A la suite de cet accident, mon père perdit son emploi ; il avait trente-
trois ans ! Il se réfugia dans la boisson. Je ne peux le condamner car
j’aurais sans doute agi de même.
Dans le village, résidait une communauté de religieuses de la Doctrine
Chrétienne. Elles étaient cinq. J’ai effectué mon école maternelle
auprès de Sœur Louis-Marie. Puis, j’ai suivi mon école primaire à
l’école communale. Sœur Marie-Thérèse était mon professeur en
dernière année et mettait une énergie remarquable pour que je
m’applique au mieux à mes études. Cette religieuse savait que je
partageais ma chambre avec mon grand frère qui écoutait fort sa
musique, m’empêchant d’étudier. Elle proposa dès la cinquième
primaire (CM1) de m’aider après l’école, à faire mes devoirs dans leur
communauté religieuse.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Dès que l’horloge sonnait 17h45, nous allions à la chapelle pour prier
et puis à l’église pour la messe. Elle avait lieu à la sacristie. C’était
une messe basse, c’est-à-dire sans chant. Puis, je retournais souper
chez les Sœurs.
L’église d'Aubange
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Il me faut dire aussi pour être tout à fait complet, que cet homme
d'Église était très riche. Il avait des carrières de sable dans la région. Il
a pu alors construire une école professionnelle de cuisine dans le
village. Faisant partie du pouvoir organisateur d’écoles privées, il
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Je n’ai jamais aimé bien m’habiller. Des habits propres oui, mais pas
des vêtements de marques. D’ailleurs pouvait-on s’en acheter ? C’est
ainsi que, bien avant l’heure de la messe, je mettais déjà mes habits de
servant de messe. Rien que de me rappeler ces tenues d’enfant de
chœur, je repense non sans émotion à cette belle période de ma vie.
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Monsieur le Curé se mit en colère et lui asséna des coups de poing sur
ses jambes, puis le jeta hors de la voiture. Le jeune gaillard se
demanda le mal qu’il avait pu faire… Il n’avait simplement pas eu le
minimum de respect voulu.
Je n’ai jamais tutoyé un de mes prêtres.
J’adorais être en voiture avec M. le Curé. S’il pleuvait, c’est moi qui
réglais les commandes des essuie-glaces ou du chauffage pour la buée.
Je devais aussi souvent l’aider à tourner le volant car à l’époque, il n’y
avait pas la direction assistée.
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Ayant atteint l’âge de 65 ans, il fut pris d’une telle lassitude pour son
ministère qu’il voulut quitter la paroisse. L’évêque Mathen le supplia
de rester. Et, comme c’était son ami, il accepta. Se savait-il déjà
malade à ce moment-là ? Sûrement.
Deux ans plus tard, en 1987, ayant repris goût à son ministère, on le
força à quitter sa paroisse.
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« Tout bonheur
est une innocence. »
Marguerite Yourcenar
1987-1991
Pour ma part, leurs prédécesseurs avaient été pour moi des modèles
qui avaient fait naître ma vocation. Je voulais consacrer toute ma vie à
Dieu. Je leur vouais donc naturellement, un profond respect et une
grande admiration.
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En 1989, je poursuivis donc mes études dans une ville voisine logeant
à l’internat du collège. De temps en temps, je rendais visite à mon
ancien vicaire, devenu curé dans un village voisin. Le vicaire
Hubermont m’écrivait régulièrement au collège. Il me jurait de ne plus
jamais recommencer et m’offrait de venir chez lui le week-end. Nous
dialoguions par écrit, car une fois chez lui, le mutisme m’habitait, tout
autant que la honte.
Je nourrissais beaucoup de rancœur à son encontre, pour l’engrenage
infernal dans lequel il m’avait sciemment plongé. Je voulais des
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Mon ancien curé tomba un jour du lit durant la nuit et dut être
hospitalisé quelques jours. La consigne du médecin fut sans appel :
interdiction de voiture. Le pauvre : il n’avait déjà plus de charges
paroissiales. Si on lui interdisait la voiture, que lui resterait-il ? Au
début, des personnes venaient le chercher pour célébrer telle ou telle
messe et moi je ne le voyais moins souvent, ne sachant plus venir me
chercher. Ce qui devait arriver, arriva. Un jour, il reprit la voiture et
alla se promener dans un bois. Son frère alerta les villages afin de
demander si l’on savait où se trouvait Monsieur le curé. Il avait
disparu ! Trois jours après, un cultivateur vit une voiture dans un
chemin près d’un bois et eut la mauvaise surprise de voir Monsieur le
curé allongé par terre dans un état de fatigue extrême. Sa voiture avait
été embourbée et voulant sans doute la dégager, eut un malaise. Sans
le passage de ce cultivateur, il aurait été retrouvé mort. Il avait perdu
la parole et j’allais lui rendre visite le plus souvent possible. Il me
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«Être adulte,
c’est être seul. »
Jean Rostand
Le Séminaire
(1994-1997)
Une nouvelle vie s’offrait à moi. J’allais vivre dans une grande ville
et être séminariste ! Je retrouvais une raison de vivre. Enfant de chœur
à l’époque de mes anciens prêtres, j’étais choyé, j’étais heureux.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Ce que je fis…
Je fus invité à l’évêché pour y faire une déposition au tribunal
ecclésiastique. Je leur fis un exposé détaillé, mais empreint de
sobriété, tant la honte m’habitait. Je craignais également de mettre en
danger ma place de séminariste.
Quelques quatre mois plus tard, je fus convoqué une seconde fois à
l’évêché. Je fus soudainement mis en présence de mon abuseur, en
présence du vicaire judiciaire et de mon psychologue. Je disposais de
toutes les correspondances de l’abbé Hubermont. Je n’eus pas à
exhiber la moindre de ces pièces. Le vicaire avoua la totalité des faits.
Les larmes me montèrent aux yeux. Un aveu, devant des témoins
revêtus d’une véritable autorité, était une reconnaissance de ma
souffrance. Je vivais dans cette immense pièce -dite la salle des
portraits- une véritable délivrance. Une déclaration commune fut
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Je répondis par un sourire. Mais, dans ma tête, je savais fort bien que
je ne voulais passer mes jours dans cette abbaye. Le Séminaire et
l'Église ne sont peut-être pas la cage aux folles mais de là à être un
sanctuaire d’hommes asexués, pétris de surnaturel…
Combien de petits mots d’amour n’ai-je pas reçu sous ma porte de la
part de collègues séminaristes lors de ma formation ? Au cas où les
auteurs de ces missives voudraient rafraîchir leur mémoire, je les tiens
encore à ma disposition. J’en joins deux en annexe. Je vous l’ai dit : je
garde tout soigneusement et méticuleusement.
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(1997-2001)
L’abbé Hubermont est un être abject. Je n’ai pas peur de le dire 9. Lors
de ses aveux, il avait promis de m’aider pour mes frais de thérapie,
9 Sœur Emmanuelle qui a vécu parmi les tas d’ordures, les rats et les cochons pour aider les plus faibles a en
1988 dit une belle définition de l’homme mauvais : « L’ordure, c’est le cœur de l’homme qui justement est
devenu dur, c’est le cœur de l’homme qui se ferme, qui ne sait pas aimer, c’est le cœur d’un homme qui écrase
les autres pour lui, ça c’est la vraie ordure ». Mon abuseur a participé et participe à la médiocrité de ce monde!
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
J’avais écrit au Ministre de la Justice pour lui parler de mon vécu, lui
disant que je ne recevais que des promesses du monde ecclésiastique.
Il me répondit qu’il y avait en Belgique la séparation des pouvoirs
entre l'Église et l'État, et que la seule solution était de prendre un
avocat et de porter plainte.
Jamais, je n’avais eu à faire à la justice. C’est donc par courriers
adressés à l’évêque, au prêtre abuseur et au vicaire judiciaire que
j’essayais d’avoir réparation. Je fus nourri de promesses mais remisées
dans une salle d’attente.
J’eus la chance de trouver un autre logement à Bruxelles à moindre
coût et j’invitai à nouveau le prêtre pédophile à venir voir ma nouvelle
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
C’est durant cette même période que suite à mes courriers demandant
l’intervention promise pour mes frais de thérapie10 que le vicaire
judiciaire me répliqua ceci:
– Que tu ailles chez la psychologue ou pas, on s’en moque, ce n’est
plus notre affaire !
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Les procès
2001-200…
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En effet, selon la loi, le viol est tout acte de pénétration sexuelle sur
une personne qui n’y consent pas.11 La Substitut du Procureur du Roi
lui rétorqua lors d’une audience :
– Vous l’abusiez presque tous les jours et vous auriez attendu le jour
de sa majorité pour faire des fellations ?
L’acte d’inculpation fut rédigé de la manière suivante : « Qu'eut égard
à l’existence d’indices sérieux de culpabilité, il est inculpé d’avoir, à
diverses reprises entre 1988 et 1994 commis le crime de viol étant tout
acte de pénétration sexuelle sur une personne qui n’y consent pas, en
l’espèce sur Joël Devillet, né le 7 juin 1973 (art. 375 du code pénal). ».
Dans le réquisitoire, outre toutes les accusations concernant mon
affaire, il y avait en cinquième lieu, le fait que le prêtre avait commis
aussi des attentats à la pudeur sur un mineur d’âge de moins de seize
ans.
En effet, lors de mon audition auprès du juge d’instruction, ce dernier
me demanda si j’avais connaissance d’autres faits. Il était évident que
oui ! Combien d’enfants n’avais-je pas vus sur les genoux du prêtre ?
Je relatai également cette fois où le prêtre nous invita, moi et deux
autres jeunes à aller au carnaval de Binche. Nous avions quatorze ou
quinze ans et au retour du carnaval comme nous avions plein de
confettis sur nous, le prêtre nous donna chacun à son tour le bain. Je
me rappelle encore de la scène là-bas, où il m’avait pris sur les genoux
sur un banc public à me caresser. Et aussi, ses caresses et masturbation
dans la voiture sur le chemin du retour, pendant que les deux autres
jeunes dormaient à l’arrière de la voiture. J’avais aussi donné au juge
le nom de deux jeunes du village qui furent après cela auditionnés par
la police. L’un deux, celui repris dans le réquisitoire contre le prêtre,
dit ceci :
« Je ne me souviens que d’une chose, c’est lorsque nous étions en
voiture avec M. Hubermont et que nous nous trouvions sur le siège
passager, il arrivait qu’il nous frôle au niveau du sexe tout en
s’excusant d’être passé à côté du levier de vitesse en rigolant. Cela a
dû se passer deux ou trois fois, mais comme j’ai rouspété, ça ne s’est
plus reproduit. Je me souviens également avoir été en vacances chez
lui à Flawinne. Nous étions quatre et nous sommes partis une
semaine. Nous sommes également allés à Paris, à Disneyland, avec
11Dans le quotidien « La Meuse » du 13/02/2003 en page 9, un grand article relatait le procès. En sous-titre et
en gras dans l’article : « Il reconnaît les fellations et les actes de masturbation, mais pas les viols ou les
tentatives. »
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
J’invite le lecteur à lire la lettre que l’évêque a adressée des mois plus
tôt au prêtre ! Lettre que je mets en fin d’ouvrage. En 2008, ce prêtre
12 Cela venait à demander le huis clos, nous l’avons toujours refusé !
13 10 décembre 2001 et 12 février 2003.
14 Nous ne devons pas avoir le même sens du mot « scrupuleusement » !
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
habitait toujours son presbytère ! Vous apprendrez -par les pages qui
suivent- que tous mes efforts ont pu mettre fin à cette infâme
protection.
La requête du prêtre pour audition de témoins fut acceptée. L’un
d’entre eux dit ceci : « Cela fait quatre ans qu’il est dans le village
comme prêtre. Je fais partie du comité de la Guimbarde qui est une
salle des fêtes. M. Hubermont s’est inscrit dans le comité comme
président et a pris le village en main. (…).15 ».
Mes demandes d’entendre des témoins furent refusées.
En 2002, la Chambre du Conseil correctionnalisa les faits. Durant les
séances du tribunal, le prêtre ne put nier les faits puisque de nombreux
documents s’étaient ajoutés à ma plainte grâce à la perquisition
effectuée chez le vicaire judiciaire.
Je dois informer le lecteur d’un détail fort important :
J’avais porté plainte contre le prêtre pédophile et non contre l’évêque !
Et c’est l’évêque et son vicaire judiciaire qui eurent droit à une
perquisition et non le prêtre. Serait-ce dû au fait que le père du prêtre
était haut gradé à la gendarmerie ?
En 2003, l’avocat du prêtre bataillait ferme pour dire que les faits
étaient prescrits, donnant au tribunal un arrêt de la Cour de Cassation
rendu quelques temps plus tôt dans une affaire similaire à la mienne et
disant que lorsque la Chambre du Conseil correctionnalisait des faits
de pédophilie pour le motif qu’il n’y avait pas eu d’antécédents de la
part du coupable, les faits n’étaient plus prescrits après dix ans mais
après cinq ans. Alors que le code de procédure pénale prévoit
ceci: «Dans les cas visés aux articles 372 à 377, 379, 380, 409 et
433quinquies, § 1er, alinéa 1er, 1°, du Code pénal, le délai de
prescription de l’action publique ne commence à courir qu’a partir du
jour où la victime atteint l’âge de dix-huit ans. En cas de
correctionnalisation d’un crime visé à l’alinéa précédent, le délai de
prescription de l’action publique reste celui qui est prévu pour un
crime .»
Mon avocat demanda au tribunal de poser une question préjudicielle à
la Cour d’arbitrage : « L’interprétation donnée par la Cour de
cassation aux dispositions relatives à la prescription, ne préjudicie-t-
elle pas les victimes selon que les juridictions du fonds suivent ou non
cette interprétation, étant donné que dans le premier cas, les faits sont
15 Tribunal Correctionnel d’Arlon, audience publique du 12 février 2003.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
prescrits tandis que dans le second les faits ne sont pas prescrits et la
constitution de partie civile sort pleinement ses effets. ».
Mon avocat ne voulait pas faire appel. Le prêtre qui avait reconnu les
faits et promis combien de fois de « réparer » lors des audiences au
tribunal le fit surtout pour s’attirer la clémence du tribunal, car le
verdict de la prescription n’était pas certain. Le ministère public
-représenté par la substitut E. Hautier- demandait aux juges de ne pas
tenir compte de la prescription et de reconnaître la culpabilité du
16Je tiens à rendre hommage à cette magistrate qui a toujours été accueillante et d'une grande écoute lors de mes
visites auprès d'elle; venir dans son bureau avec mon brave lui plaisait. Elle vient de prendre sa retraire, donc cet
hommage appuyé n'est pas suspect.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Le tribunal, avant son jugement, avait même, suite à une nouvelle loi
relative à l’approbation {novembre 2000}, demandé « un avis
motivé » à un service spécialisé dans la guidance ou le traitement des
délinquants sexuels.18
Le tribunal balaya les arguments de mon avocat ainsi que la demande
du Ministère Public et déclara l’action prescrite.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
toujours pas été remis… L’expert désigné par le tribunal dicta une
lettre pour le tribunal disant que le rapport d’expertise ne serait pas
remis avant fin 2008. Ce qui ferait dix-huit mois au lieu de trois! Ce
long délai ne plaisait plus à la partie adverse ou était-ce alors le fait
d’avoir demandé cet examen de génétique concernant ma voix ? Car
fin 2008 le Conseil du prêtre écrivit une lettre à l’expert du tribunal
demandant de remettre son rapport le plus rapidement possible et de
ne plus attendre les examens complémentaires demandés par mon
expert et par mon avocat. L’avocat du prêtre en profita pour dire à
l’expert que je n’étais plus dans le registre de la justice mais plutôt de
la vengeance. Parlant du procès intenté à l’évêque, d’un article paru
dans la revue Golias (presse catholique de France qui fut la première
en juin 2007 à oser donner le nom du prêtre abuseur dans un article),
de dire aussi que j’allais à la rencontre du doyen du prêtre, de
personnes étrangères au dossier (comme le bourgmestre de la
commune du prêtre) et surtout que je disais des contre-vérités. Sans
oublier de rappeler que j’avais gardé d’excellentes relations avec le
prêtre jusqu’en 2000.
Ce courrier montrait une certaine agitation de leur part.
Je repris contact avec mon expert qui n’hésita pas à me dire que
l’examen demandé aurait lieu et que ce n’est pas à la partie adverse de
décider le contraire. De me dire aussi que cela allait me coûter très
cher et à mes frais. Je répondis que je voulais cet examen qui à mon
sens serait bénéfique. Ce qui dérangeait le prêtre était le fait que son
nom ait été publié et que j’allais à la rencontre de personnes qui ont
une certaine autorité sur lui : son doyen qui n’était au courant que de
très peu et également le bourgmestre du lieu. Quant aux contre-vérités
dont l’avocat m’accuse, il n’y en a aucune car à chaque rencontre je
prends soins d’emporter et de montrer tous les documents pertinents.
Et, si vraiment il y en avaient, il leur est loisible de porter plainte
contre moi pour diffamation.
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L’indifférence
a) L'Église:
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Force est de constater l’écart entre les bonnes paroles et la réalité des
faits. A travers mon histoire, j’ai pu me rendre compte de l’hypocrisie
de l'Église31, du moins de l'Église de mon diocèse.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
lui qui, lorsque j’ai dû quitter le Séminaire m’envoya une facture pour
dix séances de thérapie que je n’avais pas encore payées. Il alla même
jusqu’à me renvoyer quelques jours plus tard la même facture avec
une note de sa main et sa signature, me demandant de régler cette note
dans les huit jours ou il la ferait parvenir au juge de Paix. Mon seul
recours était l’évêque. Je correspondais quelques fois avec lui, ainsi
qu’avec le prêtre pédophile toujours dans l’espoir d’avoir une
réparation concrète des abus causés par ce dernier. J’avais aussi
l’espoir d’une reprise de ma vocation comme me l’avait promis
l’évêque. Je me rendis compte que lui aussi était un menteur. Il me
répondit par courrier que je devais payer la note. Je lui rappelai
l’accord signé quelques temps plus tôt. Il me dit alors de payer mon
tiers. Moi, victime, j’étais menacée du juge de Paix si je ne payai pas
une facture de 375 euros. J’ai donc payé ma partie : 125 euros, et
l’évêque m’écrivit pour me dire qu’il était content que cette affaire
soit réglée.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
passer le délai de prescription de 10 à 20 années après la majorité de la victime. Pour le Vatican la pédophilie est
un délit. Pour beaucoup de pays civilisé cela est qualifié de crime. Le jour de la parution de ces nouvelles
normes, j’ai écrit à l’évêque de Namur, ainsi qu’à la Congrégation pour la doctrine de la Foi afin de porter
plainte à nouveau contre mon prêtre abuseur. Deux mois s’écoulèrent et je reçu cette réponse de l’évêché de
Namur: « Monsieur, Votre plainte du 15 juillet 2010 est bien parvenue à l'Évêché de Namur. Elle est transmise à
la Congrégation pour la Doctrine de la Foi pour être jointe à la plainte que vous avez antérieurement déposée à
l'encontre de l'abbé G. Hubermont. Aucune sentence canonique n'a encore été rendue dans l'attente des
jugements qui doivent être prononcés par les Tribunaux belges dans les procédures que vous avez vous-
même engagées à Namur et Arlon. Avec mes salutations distinguées, Jean-Marie Huet, official. » J’avais porté
plainte en 1996 au tribunal de l'Église de Namur et en 2001 au tribunal à Arlon (pénal). Pourquoi l'Église n’a-t-
elle rien fait durant ces 5 années ? A présent, l'Église se retranche derrière mes procédures en cours pour encore
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
ne rien faire son côté… Mgr Charles Scicluna, de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, a émis une violente
mise en garde aux séminaristes, à la basilique Saint Pierre à Rome, lors d’une prière pour les victimes des abus
sexuels de prêtres pédophiles : «Leur punition en Enfer sera pire que la peine de mort sur Terre. » Citant
Grégoire le Grand, ancien pape et moine qui a institué les lois pour le clergé, Monseigneur Charles Scicluna a
déclaré qu’un prêtre qui abuserait de son pouvoir subirait un traitement plus dur lors du jugement dernier que
celui infligé à un profane. Ajoutant que ceux qui font du mal aux enfants devraient être jetés dans la mer avec
une pierre autour du cou. Dans son sermon, il a aussi souhaité que les prêtres qui ont couvert les abus commis
par leurs collègues soient confrontés aux flammes de l’Enfer. www.streetpress.com/sujet/675-le-vatican-
previent-les-pretres-pedophiles-et-leurs-complices-qu-ils-risquent-la-damnation. Il est bon de noter que c’est
Mgr Scicluna qui a été chargé par le pape Benoît XVI d’établir les nouvelles normes pour les délits les plus
graves au sein de l'Église !
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
b) La Justice
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
que quelque chose soit fait pour éviter d’autres victimes et que les
faits actuels non connus de la Justice, le soient enfin. Mon action
n’avait que pour but de leur donner l’endroit où les autorités
ecclésiastiques du diocèse cachaient ces dossiers précieux. Mais, la
Justice paraissait s’en moquer, allant même jusqu’à me dire :
– De quoi vous mêlez-vous ? Ce n’est pas votre affaire.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
c) Le politique
L’évêque au courant des faits depuis cinq années (de façon officielle)
prit cette sanction le jour où je me constituais partie civile et où le
prêtre risquait gros, à savoir l'emprisonnement. Il n’était pas accusé de
vol mais de viol sur mineur. Aux yeux de la Loi, les faits sont
passibles d’une peine criminelle. Pour l’évêque, cela n’était pas assez
grave puisqu’il ne fut mention d’aucune faute et pouvait bénéficier du
chômage. Mais, plus fort encore ! Le prêtre n’eut même pas besoin de
s’inscrire comme demandeur d’emploi. Le jour même de ma
constitution comme partie civile, et de son soi-disant renvoi de
l'Église, il fut engagé comme éducateur spécialisé dans un centre pour
personnes en grandes difficultés sociales. Emploi obtenu grâce à la
Région Wallonne.
J’ai essayé cette tactique. J’ai écrit, sans parler de mes problèmes, à
différents politiques, pour être engagé comme aide-soignant dans une
institution de leur commune. Beaucoup de promesses me furent faites,
38 Annexes, lettre de Mgr Léonard adressée à l'abbé Hubermont, avril 2001.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Les politiques écrivent n’importe quoi ! Mais, ils ne sont pas les seuls.
Un jour, j’ai écrit à la présidente du centre public d’aide social de ma
commune pour lui demander de pouvoir travailler au sein de la maison
de retraite gérée par l’Administration communale. Elle me répondit
qu’il n’y avait pas de place vacante pour le moment mais qu’elle
gardait ma candidature durant une année, me promettant en même
temps, dans ce courrier, de m’engager dès qu’une place serait libre.
Plus d’un an après, n’ayant jamais eu de nouvelles de sa part, j’allais
donc la trouver, lui rappelant sa promesse. Sa réponse fut de me
prendre pour un fabulateur. Je lui mis sous les yeux la réponse qu’elle
m’avait faite dans une des ses lettres, et elle de me répondre avec un
sourire :
– Oui mais, on signe les lettres sans même lire ce qu’on signe !
Et ainsi va le monde…
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
J’ai voulu lui faire part de mon histoire et j’ai reçu comme réponse de
sa part qu’il était trop débordé ! Il me renvoya vers une de ses
collaboratrices. J’ai refusé son offre …
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Ce n’est pas non plus pour rien que lorsqu’un journaliste demanda au
tout jeune Mgr Léonard en 1991 ce qu’il aurait fait comme métier s'il
n’était pas devenu prêtre, il répondit : homme politique !41
40 Il en aura fallu des années pour que le politique se rende compte du coût élevé de la vie. Heureusement que la
Belgique est proche de la France, ainsi il est facile de copier leur politique. Mais les politiques n’ont jamais de
difficultés de fin de mois. De plus avec leur bon salaire, ils peuvent sans souci investir dans l’immobilier et lors
de leurs vieux jours bénéficier des revenus des investissements (locations…). Leurs enfants peuvent aussi faire
de belles et coûteuses études, ainsi la relève sera assurée. L’homme du peuple, travaille pour payer son loyer,
manger… métro, boulot, dodo, et la grande partie de son salaire va à l'État, sans oublier toutes les taxes. Le
peuple se serre la ceinture et les puissants gaspillent l’argent. Que dire quand la presse (La DH 6/11/08) ose
révéler des choses inouïes ? Comme le fait que Sa Majesté le Roi fasse venir en Inde un avion de Belgique, au
cas où celui sur place tomberait en panne ! Ou encore lors de ce même voyage officiel, le fait que le ministre des
Affaires étrangères belge vint en Inde en Falcon depuis Goma et que cet avion repartira vide en Belgique.
Pourquoi ne pas profiter de ces vols pour amener à la population pauvre d’Inde des vivres ? La question
climatique n’est guère une préoccupation pour les élites…sauf dans les discours.
41 Émission télévisée « Strip tease ».
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Mc Solaar
d) La Société
Est-ce sans doute pour cela que les pédophiles abusent d'enfants de
sexe masculin? Car en violant une fille, il y a le risque de la preuve
irréfutable: l'enfant à naître, dont le test ADN prouverait de l'origine
du crime.
Quel courage ne faut-il pas aux victimes enfants et même adultes pour
pouvoir dire un jour ce qu’elles vivent ou ce qu’elles ont vécu !
Combien de personnes meurent en emportant ce pénible secret ? Et
pire ! Combien se suicident, n’osant pas révéler à la société ou même
à une seule personne l’ignominie qu’elles ont subie. Drôle de société
où la victime met fin à ses jours, car elle s’est sentie salie dans son
corps et dans son âme alors que les abuseurs eux ne prennent même
pas conscience du mal qu’ils ont fait et vivent quand ils sont
condamnés à la solde de la société, ou quand ils ne le sont pas,
commettent impunément d’autres crimes. Quand les faits sont
reconnus par l’abuseur et par la Justice – comme dans mon cas-,
combien de fois n’ai-je pas entendu de la bouche de magistrats, de
politiques, de psychologues des encouragements à tourner la page et à
oublier ? Est-ce si facile d’oublier quand je vois comment mon affaire
a été traitée par les hauts responsables de la société de mon pays ?
Qu’on me trouve un pédophile qui ait abusé uniquement d’un seul
enfant ! Il est très rare qu’un pédophile mette fin à ses jours à cause de
son comportement criminel. Combien de fois le prêtre abuseur et son
avocat n’ont-ils pas dit lors des procès que je n’avais aucune séquelle
malgré de nombreux rapports neuropsychiatriques me concernant et
attestant du contraire. Si tel était le cas, enfant, ne connaissant rien de
la vie sexuelle, ayant tout appris de cela par un prêtre, ma vie aurait
été comme celle de toute autre personne (sans cauchemar, sans
sentiments de honte, de culpabilité, ayant une vie affective, amoureuse
et sexuelle normale…) ? Pourquoi alors n’ai-je pas droit à mon nom
dans le livre des records ou à une médaille du chef de l'État ? Non, il
est évident que ma vie après de tels méfaits est remplie de séquelles !
Le prêtre ne m’a pas appris la sexualité mais la pédophilie, puis
l’homosexualité ! J’avais besoin d’affection et il bascula
immédiatement dans la « sexualité ». Pendant longtemps, après ce que
j’ai eu à subir, j’ai pensé que l’issue fatale de l’amitié ou de l’affection
devait être la sexualité. C’est bien pour cela que j’évite d’avoir des
amis. Je sais qu’avec des si on pourrait mettre Paris dans une
bouteille, mais je suis certain que si je n’avais pas eu le courage de
porter plainte contre le prêtre, je serais devenu un drogué, un prostitué
ou un clochard ; Et qui sait… : un suicidé.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Il est clair à la lecture de ces lignes que la seule raison pour laquelle le
prêtre est apprécié dans son travail est sa détermination à la recherche
de fonds. Cette société se préoccupe plus de l’argent que de probables
futures victimes. Elle est remplie d’hypocrisie et de profits. Il n’y a
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question. La Chambre du Conseil de Namur a considéré que les déclarations de Mgr Léonard étaient, certes, de
nature à blesser la communauté homosexuelle mais qu'elles n'avaient pas l'intention de la discriminer, et a donc
bénéficié d’un non-lieu suite à une plainte contre lui pour homophobie.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Belgique sont prévues par l’arrêté royal du 20 juillet 2001 relatif à l’immatriculation de véhicules (M.B.,
8/08/2001) dont voici l’extrait : « Art 20 § 2. 2° la marque d’immatriculation « A », au président de la Chambre
des Représentants, aux membres du gouvernement fédéral, aux ministres d'État, aux représentants de la haute
Magistrature, aux Gouverneurs de province, aux plus hauts représentants des cultes confessionnels reconnus
ainsi que du Conseil Central des Communautés Philosophiques non Confessionnelles de Belgique (…) »
54 Sans oublier que pour Mgr Léonard, beau parleur, il est très facile de quémander de l’argent à ses fidèles, j’en
veux pour preuve ces lignes prononcées lors de son homélie en juillet 2000 lors de la session du Renouveau
charismatique : « Il y a peu, je suis allé passer trois jours à Medjugorje. J’ai vu une des 30 ou 35 communautés
du Cénacle fondées par Sr Elvira. J’ai dit la messe devant une centaine de jeunes sortant de l’enfer de la drogue
par l’adoration du St Sacrement, la prière, l’Eucharistie, le travail. L'Amour de Dieu révélé aux petits. J’espère
d’ailleurs accueillir une communauté du Cénacle dans le diocèse… Mais il me manque l’argent pour lui acheter
une maison. (S’il y a parmi vous des millionnaires qui désirent lâcher des cacahuètes, ils peuvent m’écrire.).
Source : www.renouveau.be Sans oublier ses nombreuses conférences au Cercle de Lorraine à Bruxelles -ou
ailleurs- où l’assemblée n’est pas composée des plus pauvres du pays !
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aucun cas vœu de chasteté. Faire vœu de chasteté est propre aux religieux. Les prêtres s’engagent au célibat. Ce
qui leur permet de se sentir encore une fois moins coupables. Tous les célibataires ne sont pas chastes !
61 Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ! (Pater Noster)
62 (…) Est-il cohérent de professer notre foi le dimanche, puis, en semaine, de promouvoir des pratiques en
affaires ou des procédures médicales contraires à cette foi ? Est-il cohérent pour des catholiques pratiquants
d’ignorer ou d’exploiter les pauvres et les marginalisés, de promouvoir des comportements sexuels contraires à
l’enseignement de l'Église, ou de prendre des positions qui contredisent le droit de vivre de chaque être humain
depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle ? Il faut résister à toute tendance à traiter la religion comme une
affaire privée. (…) Dans le christianisme, il ne peut y avoir de place pour une religion purement privée : le Christ
est le Sauveur du monde, et en tant que membres de son Corps (…) nous ne pouvons séparer notre amour de Lui
de notre devoir de construire l'Église et d’étendre son Royaume. A tel point que si la religion devient affaire
purement privée, elle perd son âme même. » Benoît XVI, 19/04/2008 à Washington, V.I.S., www.vatican.va.
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Dostoïevski
Mon combat
(2006-200…)
J.J. Rousseau
Malgré les agissements odieux d’un prêtre sur moi quand j’étais
enfant, le fait qu’il les ait reconnus et avait, ainsi que l’évêché la
volonté de réparer, j’aurais pu m’en tenir là. Et même si je devais
quitter le séminaire pour telle ou telle raison, je l’aurais accepté
d’autant plus que je ne me voyais pas du tout prêtre. Je n’aurais jamais
su ou aimer prêcher à la messe. Je me voyais plutôt moine. J’aurais pu
être sacristain à la cathédrale ou ailleurs, et les plaintes n’auraient
jamais vu le jour. Ni ce livre …
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Me résigner aurait été une autre possibilité. J’ai d’ailleurs voulu croire
en la fatalité mais je n’y crois pas. Comment expliquer la soif jamais
étanchée, de refuser leur indifférence, le déni de justice et les
mensonges. Depuis ce viol interminable, je dois aller sans cesse chez
des psychologues ou voir des gens disposant du pouvoir politique,
religieux ou judiciaire, afin d’exprimer mon vécu et ma révolte
légitime. Et pendant ce temps, l’abuseur lui, va chez son
psychologue-prêtre uniquement par obligation. Mon violeur n’a
jamais eu de regrets. Les semblants de remords étaient destinés à la
clémence du Tribunal afin d’échapper à toute condamnation ! Pour
preuve encore une fois : je lui ai laissé neuf mois après le procès au
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
J’ai toujours aussi pensé que quand on n’a rien à se reprocher, on peut
aller très loin.
Il n’est pas facile pour un jeune, viré (par la grâce de l’évêché) du
Séminaire, sans un sous en poche, de pourvoir affronter l’autorité pour
réclamer justice. Et bien, j’ai eu le courage de le faire ! J’ai travaillé
64 D'Albert Milet, 1987.
65 Jean 8, 32.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
et, parce que j’ai enfin compris comment agissait cette Église, j’ai osé
l’affronter ! D’abord en m’attaquant au prêtre abuseur et ensuite à
l’évêque afin de révéler leurs mensonges. Ces lignes ont pour but de
voir comment cela est encore possible aujourd’hui. Lorsque je
racontais mon histoire, je sentais souvent l’incrédulité de mon
interlocuteur. On me prenait peut-être parfois pour un affabulateur ou
un malade !
Après un exposé d’une heure ou plus, je leur donnais en main les
documents probants et là, je les voyais stupéfaits de constater la
véracité de mes propos et l’ampleur de l’affaire !
Si vous aussi, cher lecteur, vous avez encore des doutes sur ce que j’ai
écrit, sachez que je veux bien vous rencontrer. Pourquoi pas!
Et vous : victimes de pédophiles, et surtout celles de prêtres
pédophiles : osez dire ce que vous avez subi ou subissez ! Vous,
parents d’un enfant ou d’un jeune abusé sexuellement : ne vous
contentez pas d’écouter la victime. Osez affronter le coupable devant
les tribunaux. Trop de parents se contentent de demander le
déplacement du prêtre auprès de l’évêque. Aux yeux de la victime,
c’est une mini victoire car la victime sait très bien que son bourreau
recommencera. Et, sans sanction, malgré des plaintes, malgré un
procès où les faits seraient reconnus, comment ne pas penser que le
pédophile se sente encore plus fort et qu’il ne recommence de plus
belle ?
Au cas où, vous, bons chrétiens fervents, hésiteriez entre le scandale
dans l'Église et la protection des enfants, je vous donne la bénédiction
du Saint Père, comme on dit…par la note qui suit.66
Que cette société cesse une fois pour toute les beaux discours sans
lendemain ! Il faut à chaque fois des tragédies où les enfants sont
violés et tués pour que le politique et la société se réveillent. Mais la
prise de conscience est fugace. Après l’indignation, tout le monde se
rendort ! Quid des victimes qui n’ont pas eu la chance de mourir après
leurs sévices ? Je suis conscient de la dureté de mes propos mais c’est
la réalité, ma réalité.
66 « Les enfants ont le droit de grandir avec une saine compréhension de la sexualité et de sa juste place dans les rapports
humains. Il faut leur épargner les manifestations dégradantes et la manipulation brute de la sexualité si répandue aujourd’hui.
Ils ont le droit d’être éduqués selon les valeurs morales authentiques qui ont leurs racines dans la dignité de la personne
humaine. » Benoît XVI, 19/04/2008 à Washington, V.I.S., www.vatican.va.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
C’est donc pour cette raison et avec cette ardeur que j’osai m’attaquer
à l’évêque en portant plainte contre lui en décembre 2006, car les
reproches que je lui avais fait parvenir par mon avocat sont restés
vains. Il a fallu relancer l’évêque à plusieurs reprises et le menacer
d’une plainte devant les tribunaux, pour enfin obtenir une réponse.
Il nous fit savoir qu’ « il n’avait rien à se reprocher, mais que par
esprit de charité, cela sans aucune reconnaissance de responsabilité,
l'Évêché n’était pas hostile à consentir une aide temporaire en
intervenant à nouveau, dans une mesure à déterminer, dans les frais
de thérapie… Ceci suppose bien entendu que M. Devillet
reconnaisse irrévocablement le non fondement des griefs formulés
dans les courriers {de son Conseil}, et, plus généralement, qu’il
renonce à toute démarche ultérieure à l’égard de l'Évêché.67 ».
Quel mépris dans ces lignes pour une victime ! C’est grâce à de tels
propos que j’ai eu autant d’ardeur à aller jusqu’au bout. Pour rappel,
l’évêché a payé les frais de ma thérapie à concurrence de 125 euros.
A présent, l’évêque veut bien à nouveau intervenir dans ces frais
malgré toutes mes demandes antérieures restées sans réponse…
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Il disait qu’être prêtre n’était pas un droit. Dans ces pièces déposées au
tribunal il avait mis une note du célèbre dominicain, le Père Timothy
Radcliffe qui commentait l’Instruction du Vatican sur la non
admission dans les séminaires de personnes présentant des tendances
homosexuelles. Pourquoi cet avocat n’a-t-il pas donné l’Instruction,
mais un commentaire ? Parce que dans l’Instruction approuvée par le
Pape Benoît XVI en 2005 il y est écrit: « … le candidat au ministère
ordonné doit atteindre la maturité affective. (…) En ce qui concerne
les tendances homosexuelles profondément enracinées, que présentent
75 En 2008, le prêtre était toujours repris dans l’annuaire du diocèse de Namur comme prêtre auxiliaire et habitait
toujours le presbytère de Bonnerue. Dans l’annuaire de 2009 il y est toujours mentionné mais il y est indiqué :
travailleur social. Mais pourquoi avoir attendu la mi-2008 pour que le prêtre quitte son presbytère et aille habiter
dans un camping. Enfin ! Car ainsi les gens peuvent à présent se poser des questions. Mais ce prêtre est toujours
repris dans la liste des éligibles pour le Conseil presbytéral de 2009 dans la catégorie socio-caritatif ! Vous avez
dit sanction ?
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Étant donné que le Séminaire prenait son temps avec moi pour me
former, puisque j’ai fait une année préparatoire, puis la première année
de philosophie en deux ans; j’aurai effectué mon séminaire en 12 ou
14 années au lieu de 6 ou 7 ! Ce que demande Rome aurait pu être
applicable à mon cas, puisque le vœu de célibat est prononcé en
dernière année et qu’il est demandé de ne plus avoir ses tendances
trois années avant cette ordination diaconale.
activités. Mais pour ce qui est de ceux que l’on appelle « gay », on ne
pourra les admettre.»77
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Georges Clemenceau
ET APRES ?
Comme vous l’aurez constaté, je n’ai que peu ou voire pas encore
parlé des séquelles subies par toute victime d’abus sexuels dans son
enfance. Ne vous attendez pas à ce que je vous détaille mes séquelles.
Si je le faisais, ce serait trop jouissif pour mon abuseur et aussi pour
les personnes qui ne se préoccupent guère des victimes, mais préfèrent
soutenir les agresseurs !
Je vais donc dans ces lignes raconter quelques rencontres que j’ai eues
afin que quelque chose change sur le terrain où vit mon agresseur ainsi
qu’au niveau législatif. Tout un chacun sait que la Justice est lente et il
ne m’était pas permis d’attendre sans rien faire. Il y va de la
sauvegarde de l’innocence d’autres éventuelles victimes. Même si une
seule et unique victime de tels méfaits a pu être évitée grâce à mes
actions, j’aurais atteint mon but.
a) Ma vie professionnelle
Le travail est un remède pour éviter de repenser sans arrêt à mon vécu.
Je n’ai jamais rien attendu de quiconque, et ne rien faire dans la vie ne
me convient pas. Je me suis rendu compte aussi qu’il est facile de
« mourir » au travail à force de ne penser qu’au travail et de ne vivre
que pour ce travail. Comme je l’ai dit plus haut, dès mon éviction du
séminaire, je me suis mis à travailler en tant qu’aide-soignant dans une
maison de repos pour personnes âgées à Bruxelles. J’y étais interne,
mais aussi exploité. La directrice de cet établissement, pour
m’amadouer, me promit un beau calice en or lors de mon ordination
comme prêtre ! J’avais vingt-quatre ans et c’était mon premier
véritable emploi. J’avais toujours dans la tête les promesses de
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moins avec moi, n’était qu’une relation de profit. Quand le matin, une
collègue souriante me demandait : « Comment tu vas ? T’as bien
dormi ? Comment va le petit chien ? Il est gentil ? ». Je savais qu’elle
allait me demander un service pour changer un horaire. Comme je n’ai
jamais su dire non -quel motif aurais-je pu donner pour refuser ?-
j’acceptais toujours. J’étais donc aimé. Après trois années de bons et
loyaux services, je profitais de l’occasion qui était offerte par l'État de
permettre à un aide-soignant de suivre des cours d’infirmier tout en
percevant son salaire. Il était bien spécifié dans la convention que si
l’étudiant abandonnait ou échouait au cours, il retrouvait directement
son emploi précédent. J’ai toujours eu des difficultés à répondre aux
examens oraux. A la fin de ma première année d’infirmier, j’ai eu un
examen de passage au cours d’anatomie. J’ai malheureusement échoué
et suis retourné directement auprès de mon employeur annoncer la
nouvelle. On me répondit qu’il n’y avait plus de place pour moi et que
j’avais un préavis de trois mois à prester. L’on me dit aussi que si
durant cette période de préavis, l’on devait engager un nouvel aide-
soignant, on me réengagerait sur le champ. Je compris très vite une
réelle pression de la direction. La Loi était pourtant claire : si une
personne ratait ses cours ou abandonnait, elle retrouvait d’office son
emploi précédent. L’on me prenait à nouveau pour un imbécile. J’en
fus ébranlé. Je n’ai jamais eu de médecin traitant. Je pris le premier
proche de chez moi, lui racontais ma situation et il me donna un
certificat médical pour une durée d'un mois. Le Syndicat prit en main
mon affaire, tandis que mon médecin m’accorda un second mois de
congé de maladie, la Mutuelle me convoqua et entérina mes certificats
médicaux. Mon employeur ne se gêna pas pour m’envoyer à plusieurs
reprises des médecins conseils afin de me remettre au travail, mais ces
derniers confirmèrent ma maladie. Après deux mois d’incapacité de
travail, le Ministère du Travail condamna mon employeur à me payer
mon préavis, plus une indemnité.
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départ du dernier poste de travail. Qui engagerait une personne qui ose
porter plainte contre son patron, de surcroît un député ?
Vous pensez sans doute que je fais une obsession, mais comme je l’ai
dit, je ne supporte plus l’injustice.
Il est évident que s’attaquer à des puissants n’est pas donné à tout le
monde. La victime doit engager des frais, alors que pour eux ces
dépenses en justice ne proviennent pas de leur poche. Ils se moquent
donc bien des procès. Le député écrivit à mon Conseil en ces
termes : « (…) Le niveau de son diplôme n’entraîne nullement
l’obligation pour un employeur de rémunérer un travailleur à un
barème supérieur à celui de l’emploi qui lui est offert et qu’il remplit.
Par conséquent, nous ne voyons pas pourquoi il conviendrait de
remettre en cause le principe de convention loi. ».
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Denis Diderot
b) Mes rencontres
-Les prêtres
Bien que n’ayant plus la foi, j’ai toujours gardé une estime pour les
prêtres. Il ne faut pas oublier que durant plusieurs années, mon désir
avait été d’en devenir un. Comme je l’ai déjà dit, prêtre pédophile
n’est pas un pléonasme. Je sais qu’il y a des prêtres qui vivent
correctement leur ministère. Avant que le prêtre abuseur ne s’en
prenne à moi, bien des prêtres m’ont donné la preuve qu’il est possible
de bien vivre le ministère sacerdotal. Grâce ou à cause de mes procès
contre le prêtre Hubermont et contre l’évêque Léonard, j’ai gardé des
contacts avec quelques prêtres. Je sais que pour eux, il est « plaisant »
d’écouter mes histoires (car attaquer en Justice leur évêque n’est pas
permis à tout le monde), mais aussi afin de me soutenir moralement
dans mes combats. C’est ainsi que j’ai retissé des liens avec des
prêtres de mon enfance : l’abbé Rossignon et l’abbé De Coster. Leurs
encouragements m’ont été d’un grand secours. L’abbé De Coster fût
la seule personne à me proposer une aide financière si j’en avais
besoin. J’ai toujours refusé sa proposition de peur de perdre son
amitié. Je sais que les prêtres restent des humains comme tout un
chacun, mais je suis frappé de voir comment certains réagissent encore
aujourd’hui face à des victimes de prêtres pédophiles. Ayant l’annuaire
de mon diocèse contenant les adresses emails des prêtres, j’ai pris le
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cracher sur elle. Sache que tout ce que tu es devenu, c'est par sa
bonté, gratuite, que tu l'es devenu. Sans l'Église de Namur, tu ne
serais qu'un paumé, oublié de tous et n'ayant pas droit à la parole.
Ma réponse :
Sachez de deux, que quand j'ai porté plainte en 2001 ce n'était pas
prescrit. Je suis né le 7/06/1973, la prescription est de 10 ans après la
majorité de la victime.
Sachez de trois, que entré au Séminaire, j'ai bien dit ce que j'ai vécu
à Jean Léonard, mon père spirituel, et que c'est lui qui m'a incité à
porter plainte, car les promesses de l’évêché n'étaient pas tenues.
Sachez aussi que, si vous avez bonne mémoire, j'allais chez un
psychologue durant mon Séminaire à mes frais, et ce psychologue est
devenu prêtre en 2002.
Sachez que l'Église de mon diocèse ne m'a jamais rien donné, sans
elle je ne serais pas un paumé !
Durant mes 3 ans de Séminaire, tous les frais étaient payés : près de
250 euros par mois pour logement, nourriture etc.…
Rien ne m’a été donné.
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Sachez qu'un prêtre pédophile n'est pas la même chose qu'un laïc
pédophile. Quand c'est un prêtre, il y a double trahison.
Mais dans les deux cas cela est condamnable, j'en conviens. Dans
mon cas si je m'attaque à votre « Mère » c'est que j'en ai le courage et
les preuves nécessaires.
80 Canon 1492 du codex juris canonici déclare en son par. 1 : « Toute action est éteinte par la prescription selon
le droit ou d’une autre façon légitime, à l’EXCEPTION des actions concernant l’état des personnes, qui ne sont
jamais éteintes. »
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Mais Jésus n'a-t-il pas dit que « celui qui touche à un de ces petits
enfants qui sont les miens, il faut le jeter dans la mer avec une meule
au cou » ?
Trêve de bavardage.
S’il vous plaît, ne priez pas pour moi, je n'en ai pas besoin.
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Je suis bien déçu, mais non étonné que vous ayez réagi à mon mail de
la sorte. Sachez aussi qu’au Séminaire, nous avions un livre : "Être
vrai".
C’est ce que j'ai toujours essayé d'être. La vérité vous rendra libre.
Quant au fait que les faits de pédophiles ne soient pas connus dans
d'autres religions, cela n'est pas de ma faute. Rien n'interdit aux
victimes et aux médias de se rencontrer.
Moi, je ne juge pas. Je combats avec ce que j'ai vécu, avec mes
preuves et la façon d'agir des autorités de mon diocèse. Le reste ça ne
me regarde pas. Mais je sais que c'est un combat utile, vrai et non
abstrait. Et qu'en plus il sert l'Église. Car vous seriez étonné; quand
je montre les pièces de mon dossier à des prêtres ou évêques, ils
enragent. J’ai perdu la foi, mais j'admire les bons prêtres qui à cause
de simple mutation de prêtres fautifs à tout le moins, peuvent être
soupçonnés aussi, lorsqu'on les déplace eux ! C'est cela mon combat.
Car prêtre pédophile n'est pas un pléonasme.
Respectueusement.
Merci de m'avoir lu. Merci d'essayer de comprendre ce que j'ai vécu.
Joël Devillet.»
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Ceci pour dire que mon combat est bien d’actualité, et que je ne perds
pas mon temps. Trop de personnes qui ont le pouvoir de faire bouger
les choses et d’éviter une seule nouvelle victime préfèrent laisser faire.
Je sautais aussi sur une occasion qui m’était donnée. Un prêtre
m’avertit qu’un très proche collaborateur du Pape venait prêcher une
retraite non loin de Bruxelles. Il s’agissait du chef de la section
francophone à la première section de la Secrétairerie d'État (Saint-
Siège) ! Le thème de la retraire était : « Construire son identité
sexuelle ». Encore une fois, bien que n’ayant plus la foi, il me fallait
rencontrer cette personne. J’écrivais à la communauté religieuse qui
organisait cette retraite afin de demander s’il y avait encore de la
place. La réponse fût immédiatement positive. Je n’ai jamais aimé la
malhonnêteté, alors je jouai franc jeu avec la responsable de la
communauté, lui expliquant par courriel mon vécu et le pourquoi de
mon désir de participer à cette retraite. De un, le sujet m’intéressait et
de deux, je voulais rencontrer le prédicateur venant du Vatican. Là, je
dus attendre quelques jours pour avoir une réponse négative : Le motif
étant que le sujet de la retraite allait me rappeler douloureusement
mon passé. N’avoir plus la foi et vouloir la retrouver, n’est pas une
démarche simple après de tels événements subis. Mais si j’entamais
une démarche pareille et si je continuais à côtoyer certains hommes
d'Église, c’est qu’il me reste quelque chose de cette foi. Encore une
fois, je ne suis pas naïf. Il est fort probable que la responsable de cette
communauté ait contacté l’évêque Léonard, qui soit dit en passant est
le responsable des nouvelles communautés au niveau des évêques
belges-, et que ce dernier a sans doute donné la recommandation que
je ne vienne pas rencontrer le haut responsable du Vatican. J’écrivis à
nouveau à la responsable de la Communauté, lui disant que je prenais
acte de sa décision, mais que cela ne m’empêcherait pas de venir
remettre un dossier au prédicateur et de le rencontrer, s’il l’acceptait.
Il faut dire aussi que, parce que je n’avais pas les coordonnées du
prédicateur, j’ai envoyé un fax au Vatican et un mail dans une
communauté religieuse en France, afin que ce prélat sache le motif et
mon désir ardent de le rencontrer. La communauté religieuse en
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pour ouvrir les enveloppes, et voir leur contenu. Je ne sais pas quel
permis ces gens-là voulaient que je passe, mais en tout cas pas celui
des quatre roues. Chaque enveloppe contenait 10 ou 20 euros ! Ces
lignes révèlent beaucoup, mais certains me diront concernant mes
dires sur le prêtre que ça n’a pas d’intérêt. Je trouve au contraire que
cela en a. Ça n’aurait pas d’intérêt si cette personne qui voulait abuser
de moi était un charcutier ou un fleuriste. Ce qui fait mal, c’est que ce
soit un prêtre qui m’avait respecté quand j’étais enfant. Une fois,
devenu adulte, il me propose des choses identiques à celles que me
faisaient subir mon abuseur. Là, est l’ignominie. Cela ne m’aurait rien
coûté d’être amant, mais je n’en ai pas du tout la vocation.
130
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
85Gérald Brassine, Prévenir, détecter et gérer les abus sexuels subis par les enfants, Faut-il parler de ça aux
enfants ? Ed. Dangles, 2008, pp 49-51.
131
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Edmond Rostand
-Les pharisiens
Comme le lecteur l’aura constaté, malgré les abus d’un prêtre sur moi
pendant mon enfance, je ne suis pas devenu un bouffeur de curés86.
Mon vécu, dans le milieu de l'Église, me permet de voir d’une façon
plus clairvoyante, les gens qui n’agissent que pour leur gloire
personnelle.
Je vais me répéter, je n’ai jamais aimé la pitié et encore moins les gens
qui veulent faire du bien à la seule condition que tambours et
trompettes soient au rendez-vous.
Je vais donner un cas concret qui vous montrera, à vous lecteurs,
comment agissent souvent les gens d'Église. Ma théorie n’est pas
nouvelle, elle est présente dans la Bible : « Pour toi, quand tu fais
l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite »87.
Bien souvent les catholiques -que j’appelle volontiers calotins ou
grenouilles de bénitiers- ne sont là que pour le paraître. Fort
heureusement ils ne sont pas tous pareils.
En 2007, j’en ai eu, encore une fois la preuve. J’appris par la presse
qu’une dame88 de mon village avait pris l’initiative de confectionner
des cartes postales et de les mettre en vente afin de pouvoir « faire une
surprise »89 à mon petit frère de dix-neuf ans. Cette « surprise »,
relatée dans la presse, avait pour but « de pouvoir offrir assez
rapidement un chien guide pour l’aider dans tous ses
déplacements. »90.
était de façon privilégiée la seule personne à avoir accès à toutes les pièces de la maison du prêtre. Elle aurait pu
alerter le curé que le prêtre avait partout dans la maison des photos d’enfants sur les murs, un très grand lit, et
encore des lits superposés dans une autre chambre…Non, elle n’a rien fait !
89Journal « L'Avenir du Luxembourg », 19/09/07.
90 Ibidem.
132
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Lorsque mon petit frère était en bonne santé, il n’a guère bénéficié
d’une quelconque aide de cette personne. Il est vrai, et c’est bien pour
cela que le prêtre avait abusé de moi sexuellement, que nous ne
sommes pas une famille riche. Pour cette raison, lors des baptêmes des
enfants de la famille, les religieuses du village demandaient souvent à
de « bons » chrétiens d’être le parrain ou la marraine. Il a fallu que
mon petit frère devienne aveugle pour bénéficier d’un semblant
d’affection.
L’affection ne peut être synonyme de pitié ou de compassion. De quel
droit peut-on se permettre de décider à la place d’une personne, même
si c’est pour son bien ? Comment peut-on se permettre de
confectionner des cartes postales, d’en faire la publicité dans le
journal, et de les vendre sans que l’intéressé ne soit mis au courant ?
La presse avait fait un article d’une demie page, n’hésitant pas à
cautionner cette opération de solidarité, à étaler l’âge de mon frère,
son prénom et son village, sans même vérifier auprès de celui-ci s’il
était informé de cette action et s’il la cautionnait. Mon frère n’a jamais
souhaité faire appel à la pitié des autres et à leur pseudo charité pour
faire face à son handicap.
L’article de presse litigieux posait en outre sérieusement problème
quant à la destination effective des fonds qui étaient ainsi récoltés.
L’article portait aussi atteinte de façon insupportable au respect de la
douleur personnelle de mon frère.
Je n’ai pu que prendre la défense des droits de mon frère et vu que la
rédaction du journal ne voulait pas reconnaître ses torts, croyant avoir
agi en toute bonne foi. Le rédacteur ajouta que si mon frère ne voulait
pas le chien, un autre aveugle serait content de l’avoir! Je fus obligé
de prendre un avocat afin de mettre un terme à cette soit disant action
de solidarité et à restaurer l’honneur de mon frère. Je me suis même
rendu auprès du Substitut du Procureur du Roi -qui me connaissait
bien, puisqu’elle a traité le dossier de pédophilie contre mon prêtre
pédophile-. Cette magistrate ordonna immédiatement une enquête de
police pour mettre un terme à la vente des cartes. Nous n’avons jamais
été des mendiants et d’ailleurs, si un aveugle veut bénéficier d’un
chien guide, il peut l’avoir sans débourser un euro, car ces associations
vivent de dons contrôlés par l'État, étant des A.S.B.L.. Au mieux, si
vraiment ces personnes voulaient faire une surprise à mon frère pour
133
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
lui offrir un chien guide, avec tout l’argent qu’ils possèdent, ils
auraient pu lui offrir un chenil !
Mais non, il faut le « m’as-tu vu » ! Il faut que les gens du village et
des environs croient que sans ces gens-là mon petit frère ne serait rien.
Des gens, soit disant bons chrétiens ont voulu l’infantiliser ou pire, ont
voulu au travers de son handicap, se donner bonne conscience et s’en
faire une publicité ! Jamais, je n’aurais pu rester impuissant face à
cette façon d’agir.
Combien de gens dans mon village ont été au courant de mon histoire
–peu banale- ? A-t-on, là, mis en place une opération de solidarité afin
que je puisse réclamer justice face aux actes commis par le prêtre
pédophile sur ma personne ? J’y ai déjà répondu plus haut. Et pourtant
cela aurait été tout à l’honneur de la paroisse.
Je n’ai donc pu supporter qu’une opération de solidarité soit mise en
route dans la presse sans que mon frère ne soit mis au courant.
L’avocat ordonna à la presse d’insérer dans leur édition un article de
même taille – dans les quarante-huit heures- afin de relater la vérité
des faits. Cela fut fait dans les délais impartis. Il est vrai que j’avais
pris pour mon frère le meilleur avocat dans le domaine de la presse et
fait remarquable il chiffra ses honoraires à O euros. L'histoire de mon
frère l'avait bouleversé.
Mon frère ne veut toujours pas de chien guide et il est heureux comme
cela. –si on peut parler de bonheur !- Cette histoire m’a montré
comment certaines personnes profitent du malheur des autres et
comment, aveuglément, des gens se laissent embobiner par pitié. Si
une personne de ma famille ou moi-même avions pris l’initiative de
récolter des fonds pour mon frère, n’aurions-nous pas eu assez tôt la
visite des policiers pour faire cesser cette action ? Je vous laisse, à
vous lecteurs, le soin d’y répondre.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
En janvier 2010, une nouvelle Commission fut mise en place par les
évêques. Je pris contact par mail avec son président le Professeur
pédopsychiatre Adriaenssens le 9 juin 2010 afin de savoir si sa
nouvelle Commission avait en possession mon dossier. Je n’eus
aucune réponse. Le 24 juin eurent lieu les perquisitions dans le dossier
‘calice'96 et les dossiers furent saisis. Fin juin 2010, j’ai interpellé ce
pédopsychiatre sur un plateau de télévision, lui demandant pourquoi je
n’ai pas eu droit à une réponse de sa part. Il me répondit sans
ménagement : « Vous, vous êtes en justice, on ne répond pas à ceux
qui sont en justice ! » Quel mépris, quelle indifférence face à la
souffrance des victimes, qui osent aller en justice… Quelle hypocrisie
au sein de ces Commissions dites indépendantes…
96 Nom donné à l’enquête menée par le Juge d’Instruction bruxellois Wim De Troy. Le Juge est chargé de
démontrer que l'Église de Belgique protège ses prêtres pédophiles. L’avocat de l'Église utilise toutes les
procédures possibles afin d’anéantir cette enquête. Preuve que cette Église a des choses à cacher…
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Blaise Pascal
-Mes chiens
C’est à eux que je dois tout. Sans Del, un brave petit chien que j’avais
acheté lorsqu’il avait deux mois, au moment où j’ai quitté Namur pour
travailler à Bruxelles, je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui, et ce
livre n’aurait pas vu le jour.
Del
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Grâce encore une fois à Internet, j’ai trouvé après une semaine et après
avoir rencontré deux autres chiens, ma petite Dora. Elle est
exactement comme mon ancien chien sauf que c’est une femelle. Peut-
être un cadeau de la Providence ? Je pense tous les jours à Del, mais
98 Lorsque j’avais été exclu du Séminaire, étant désemparé, j’avais demandé à ce moine de pouvoir rentrer dans
son abbaye. Il avait refusé me disant qu’on ne peut y entrer à cause d’une déception ; me disant que s’il
acceptait, après six mois ou même avant, je partirais. Plusieurs fois, je lui ai fait part de ma reconnaissance suite
à sa décision de l’époque.
144
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Dora m’aide à survivre. Car quelqu’un qui vit seul a-t-il envie de
cuisiner pour lui chaque jour ? Grâce à la présence de mon chien, je
cuisine pour lui et pour moi.
Je peux lui parler, et je sais qu’il me comprend. C’est mieux que tout
médicament antidépresseur ou que la présence d’un humain qui ne
serait là que pour profiter de moi. Je doute fortement de l’amitié des
humains. Comment dès lors croire en l’amour. Telle est ma vie.
Dora
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Je sais que mon vécu est hors du commun. Comme je l’ai dit plus
haut, j’aurais pu rester sans rien faire et attendre le déroulement des
procédures judiciaires, mais je ne pouvais le tolérer. J’avais un
important dossier et il devait servir à faire bouger les choses dans ce
pays. Je ne pouvais admettre qu’une personne qui risquait la prison
pour des faits de viol sur mineur puisse être engagée comme
éducateur dans un centre pour personnes en difficultés, le jour même
de ma constitution comme partie civile. Je ne pouvais non plus
admettre la façon avec laquelle l’évêque Léonard traitait le problème
de la pédophilie au sein de son diocèse, se contentant seulement d’un
déplacement du prêtre incriminé. Il n’est pas facile de faire bouger les
choses en politique. Très souvent, les courriers que les citoyens
adressent aux politiciens sont lus par des collaborateurs et ces derniers
y répondent avec peu d’intérêt. La majorité des politiciens ne lisent
pas les courriers qui leur sont adressés et pire encore, ne lisent même
pas les documents qu’ils signent. Beaucoup de collaborateurs ne
pensent qu’à leur carrière et croient que le citoyen se contentera d’un
simple courrier signé du mandataire politique, peu importe le contenu
et surtout le suivi de la requête.
J’ai déjà parlé plus haut de l’indifférence du parti socialiste face à mes
courriers. J’ai eu plus de chance avec deux mandataires du
Mouvement Réformateur99. Le député Olivier Maingain, après lui
avoir écrit, m’accorda une rencontre de dix petites minutes. Il me
montra son désir réel de vouloir faire quelque chose pour qu’à l’avenir
de telles situations ne se reproduisent plus.
Lui, prenait du temps pour répondre aux courriers des gens, car il lisait
lui-même tous les courriers qui lui étaient adressés et y répondait
99 Parti politique de droite en Belgique
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
148
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
À chaque fois j’en profitai pour dire que Mgr Léonard n’avait pas
gagné son procès. J’étais pour les médias une victime de prêtre qui
osait parler publiquement et eux étaient pour moi la manière avec
laquelle je pouvais dire la vérité et espérer que d’autres victimes
parlent. Il est bon de souligner que grâce à la médiatisation, une autre
victime a dénoncé au Parquet de Namur une plainte contre ‘mon’
prêtre abuseur…
105 L.C.P., émission ‘ça vous regarde’; 01.04.2010. De tels propos étant inacceptables pour la victime que je suis,
je me suis donc constitué partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de
Paris du chef de diffamation publique envers particulier. Une information judiciaire a été ouverte et, après
commission rogatoire, le prêtre fut mis en examen du chef de diffamation publique envers particulier. L'abbé
Alain MAILLARD DE LA MORANDAIS est donc renvoyé devant le tribunal correctionnel pour y être jugé
conformément à la loi. Je ne peux laisser dire, surtout de la part d'un prêtre médiatique- que je serais un
« bourreau » en puissance, du fait de mon statut de violé. Car, ces propos contiennent bien une imputation
diffamatoire, celle d'être un individu dangereux susceptible de commettre à tout instant des faits de viol. Ce qui
est à la fois précis et attentatoire à mon honneur et à ma considération.
106 Il est clair que les médias se sont tournés et se tournent vers moi, car j'ai osé attaquer en justice l'évêque le
plus médiatique, mais le moins aimé de Belgique. Ce n'est en aucun cas du fait de la sortie de mon livre: 'Violé
par un prêtre'.
152
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Cela ne cadrait pas du tout avec les propos de Mgr Léonard quelques
jours plus tôt !
Serv. Presse évêques. : « L’Évêché a été mis au courant des faits imputés
à l’abbé H. par la plainte de Joël DEVILLET en date du 4 juillet 1996. Les
faits étaient, selon la loi belge, prescrits depuis le 7 juin 1996. Non
seulement l’Évêché n’a rien fait pour empêcher la prescription (qui était
déjà acquise au moment de la dénonciation des faits) mais il apparaît
aussi que Joël DEVILLET ne souhaitait pas porter plainte. Dans le procès-
verbal de l’audience de l’Officialité namuroise du 14 novembre 1996, il a
été proposé à Joël DEVILLET de porter plainte, ce qu’il n’a pas fait. Il ne
peut donc accuser l’Évêché de l’avoir empêché de revendiquer ses
droits. »
partie civile en 2001, cette plainte aurait de suite été refusée. Autre
élément, il est dit que c’était prescrit lorsque j’ai dénoncé les faits le 4
juillet 1996 au tribunal de l'Église. Cela n’est pas correct. L'Église de
Namur était au courant des faits bien avant. Dans ma déposition de
plainte, il est indiqué : « L’an dernier, j’ai révélé ces choses à mon
directeur spirituel, le chanoine Jean Léonard. L’abbé Claude Bastin
m’a ensuite demandé d’aller voir le psychologue Jacques Grignon, ce
que je fais chaque semaine. »
155
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
107 Le prêtre auxiliaire, Son identité et sa mission ; Pierre WARIN, évêque auxiliaire de Namur, Juillet 2009.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Ces lignes me confortent dans ma vérité, et j’en suis sûr sera la vérité
judiciaire un jour ! En effet : la défense de Mgr Léonard et celle du
prêtre disent sans cesse que dès ma dénonciation des faits au tribunal
ecclésiastique -en 1996-, le prêtre Hubermont fut déchargé de toute
mission paroissiale. Pourtant en 1999, le prêtre Hubermont
confectionna une carte de vœux pour la nouvelle année et y était
indiqué ceci : « Cette année 1999 sera pour moi l’occasion d’un
tournant, tout en gardant mon engagement social à Banalbois, une
maison d’accueil pour adultes en difficulté, je quitte la Gaume pour
108 Voici un passage où Mgr Léonard parle d’un de ses prêtres pédophiles : « Ici ce prêtre avait refusé de se tenir
à l’écart, et continuait à habiter au presbytère. Alors nous lui avons fait perdre sa condition de curé –il existe
toute une procédure pour cela- et dès lors qu’il n’était plus curé, la commune pouvait le prier de ne plus habiter
le presbytère. En effet quelqu’un n’a le droit d’y habiter qu’en tant que curé. » Monseigneur Léonard, entretiens
avec Louis Mathoux, Ed. Mols, 2006, p.189. Pourquoi demander des choses à la commune, alors que dans le cas
où le prêtre habite un presbytère propriété de l'Église, l’évêque Léonard ne fait rien pour le déloger ?
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
109 St Jean 8, 31
110 Archevêque Léonard, Homélie anniversaire Benoît XVI – 17.04.2010 – Cath. de Bruxelles.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Mon livre n’a pas été rédigé et publié pour l’argent non plus. Tout qui
a déjà publié un livre dans sa vie, sait que cela ne rapporte pas grand-
chose. Et il est facile de se faire avoir par un éditeur 111… Ce n’est pas
pour rien que j’ai changé de maison d’édition pour publier mon livre
en néerlandais.
159
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
‘Le criminel tient le civil en état’ est une règle d’ordre public. Sauf
qu’en espèce elle ne s’applique pas dans mon dossier. Je me suis
constitué partie civile dans le dossier ‘calice’ en portant plainte contre
mon abuseur (viols sur mineurs de 1987 à aujourd’hui) et contre Mgr
Léonard (abstention coupable). Dans quel but ai-je fait cela ? Afin de
montrer à mon abuseur et à l’évêque que ce ne sont plus eux qui
mènent la danse. Je ne suis plus leur pantin. En me constituant partie
civile en 2010, je vais peut-être permettre à la justice de condamner
enfin au pénal mon abuseur, ainsi que l’évêque Léonard.
113Le Professeur Peter Adriaenssens est l’ex-président de la Commission pour le traitement des plaintes pour
abus sexuels dans une relation pastorale (janvier - juin 2010), Le rapport contient entre autres, des témoignages
de victimes, des informations sur le groupe des victimes et celui des auteurs de faits, la méthodologie de la
Commission et divers conseils à la Conférence épiscopale. Le rapport est disponible sur le site de la commission,
www.commissionabus.be. Mon témoignage se trouve aux pages 69 à 73 du rapport. J’ai avec insistance demandé
que mon témoignage soit repris dans ce rapport, même si cette Commission ne m’avait pas entendu.
160
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
161
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
presse (voir plus haut !) de 3 pages envoyé par ses services de presse de
l'évêché de Namur lors de la médiatisation de mon affaire en Flandre!
Alors, dans l'État Belgique, la liberté d'expression existe et n'est pas
réservée qu'aux puissants. Mais, il est vrai que Mgr Léonard est un
récidiviste dans le domaine du mensonge. Si je devais relever rien que
ceux proclamés en Commission lors de son audition, ce livre ne
verrait pas la fin. A la justice de mettre au jour cela grâce à ce que j'ai
pu lui faire part. Je veux rappeler un dialogue qui a été diffusé à la
télévision entre un journaliste et l'évêque Léonard:
Pascal Vrebos: La question que l'on n'ose pas poser mais qu'on pose
quand même!
P.V. : Qui a été victime d'un prêtre pédophile. Et qui vous avait accusé
d'avoir tenté de, d'étouffer l'affaire, disons de régler le problème entre
les murs, il a été débouté d'ailleurs par le tribunal. Alors la question,
on ne va pas revenir sur cette affaire. Est-ce que, quand il y a un cas
comme ça qui se présente, finalement vous avez tendance à régler les
problèmes entre vous?
P.V. : Et, parce que visiblement, j'ai reçu ce garçon sur ce plateau,
euh, il est vraiment mal.
164
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Je sais que c'est de moi dont il parle, mais j'aimerai dire que c'est le
vicaire judiciaire qui s'est agenouillé devant moi pour me demander
pardon au nom de l'Église et non l’inverse. Si une procédure a été
lancée à Rome ou Namur, jamais je n'en ai eu écho. Pourtant ma
plainte au tribunal de l'Église date de 1996 ! Il n’y a qu'en date de
2010 que l'évêché de Namur a répondu à mon courrier (d'une nouvelle
plainte contre mon prêtre abuseur déposée au Tribunal de l'Église de Namur,
puisque le Vatican venait de doubler le délai de la prescription) me disant que
la procédure canonique était en suspens car j'étais encore en procédure
devant les tribunaux civils. Le jour où les procédures civiles se
termineront, l'on me répondra: « Au niveau de l'Église votre affaire est
prescrite, nous prions pour vous. »
118 Controverse, RTL-Tvi, Pâques 2009.
165
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Et, bonne nouvelle, grâce à mon nouvel avocat, nous avons pu avoir
une date assez proche, les plaidoiries concernant le procès de « mon »
prêtre violeur auront lieu en octobre 2011. Durant ces 6 mois
d'attentes: échanges de conclusions tous les mois.
rêve le plus cher. Il y a quelque temps, j'ai appris que mon prêtre avait
une autre plainte. Je me suis rendu au Parquet de Namur où l'on m'a
dit qu'ils attendaient une enquête de police depuis 3 années. Et que
c'est aux avocats à faire bouger les choses. J'ai donc averti mon
conseil de ma visite au greffe du tribunal et il me répondit sèchement
que je n'avais pas à me mêler de cela, que cela ne me regardait pas et
que de plus son client ne voulait pas que son dossier soit mélangé au
mien! Quelle surprise d'apprendre que mon conseil avait une autre
plainte contre mon abuseur et qu'il ne faisait rien pour qu'à Namur cela
bouge. Pourquoi la victime aurait elle prit un avocat à plus de 150 km
de chez elle?
Il est donc évident que je devais changer de conseil, mais il est grave
de se faire rouler dans la farine avec un certains sans gêne! L'avocat
est le porte-parole du client, j'ai donc décidé d'en changer n'ayant plus
de confiance. De plus, mon conseil ne croyait même pas au combat du
juge De Troy et à l'affaire « calice ».
Henry de Montherlant
171
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
tête. Il est vrai plusieurs députés, dont la présidente de la commission ont reçu
des victimes, dont moi.
Mais écouter ne veut pas dire être du côté des victimes.
La commission a écouté des évêques, magistrats, avocats etc.
Pourquoi n'avoir pas entendu en Commission des victimes? Pour ne pas
porter préjudice à leurs procédures en cours ou à venir dit-on. Mais s'il y a
tellement de cas prescrits que seul le tribunal arbitraire pourrait traiter, il aurait
été possible d'entendre ces victimes, puisque le tribunal arbitraire n'est pas un
tribunal judiciaire. Et puisque ce tribunal arbitraire existerait aussi pour les
victimes ne voulant pas porter plainte...
Beaucoup de victimes sont déçues.
Un exemple concret : Souvent l’on dit : « Pourquoi y a-t-il tant de victimes
de prêtres pédophiles en Flandre et beaucoup moins en Wallonie ? »
Une réponse est que cela n’est pas encourageant pour une victime de se
faire connaître et de s’investir dans des procédures judiciaires. Prenez le cas
d’une victime d’Arlon qui viendrait se joindre au combat de justice du Juge De
Troy, assister aux audiences au palais de Justice de Bruxelles, constatant des
appels et des cassations à tout va et ne rien y comprendre du tout. La procédure
étant totalement en néerlandais !
Bien sûr l'on va me dire : « Votre avocat est là pour vous aider et vous
renseigner. » Mon avocat ne croyait même pas au combat du juge De Troy c’est
d’ailleurs pour une de ces raisons que je me suis séparé de lui il y a 3 mois.
J’ai été un des précurseurs dans ce domaine délicat de la pédophilie au sein
de l'Église catholique. Mon livre ‘Violé par un prêtre’ paru début 2009 contient
pas mal d’éléments soulevés au sein des travaux de Commission. Je ne fais pas
de pub pour mon livre. Je demande depuis plus d’un an de ne plus l’acheter,
étant en litige avec ma maison d’éditions francophone. Cfr mon site internet
Je vous partage cette image :
La victime que je suis était à une table d'un bon restaurant et attendait un
bon repas: entrée, plat et dessert.
En venant plusieurs fois aux travaux de la commission « abus », j’étais
comme à ma table en train de manger mon entrée. Bien des fois elle me restait
sur l’estomac.
Mais ce que j’attendais c’était le plat: la commission d’enquête
parlementaire digne de ce nom, digne d’un État de droit
Le dessert aurait été les sanctions. Dire qui est responsable de quoi.
Dans les pays où une commission d'enquête a eu lieu, des évêques ont dû
démissionner,
172
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Il faut arrêter de dire que ce que l’on reproche aux évêques est dû à leurs
prédécesseurs et que quand eux étaient là ça ne se passait plus comme cela, la
stratégie de l’étouffement et de la non sanction du prêtre. Sinon pourquoi n’avoir
pas entendu les évêques à la retraite ?
Je suis sûr que d’une seule chose suite à vos travaux, c’est que dans 10 ans
il y aura de nouveau des scandales qui éclateront et on dira rien n’a changé. Cela
est évident, puisque vous laissez les évêques dans l’impunité.
Les députés me répondront : « La commission n’avait pas pour rôle de
sanctionner qui que ce soit. » Vrai, mais alors je rejoins les propos d’un sénateur
catholique que je n’apprécie guère et qui dit que cette commission n'était qu'un
show. Si les députés posaient des questions parfois de la manière d’un juge
d’instruction, et au final que les réponses importent peu à quoi bon ?
Le travail de la commission a à tout le moins permis de connaître
publiquement des mensonges des évêques surtout dans les questions-réponses.
Puisque leurs déclarations, lues à la virgule près, étaient sous la responsabilité de
leurs avocats. Il faut aussi saluer le fait que le parlement a publié les auditions,
ainsi que les questions réponses.
Je suis sidéré de cette autosatisfaction des élus de la Nation, alors
qu'aucune commission d'enquête digne de ce nom n'a vu le jour. Cela aurait
pu démontrer les mensonges des évêques et permettre des sanctions à leur
égard.
Mgr Léonard a dit que si une victime n'est pas contente de la façon
dont l'évêque traite son dossier, la victime peut toujours s'adresser au
Vatican via le Nonce apostolique. Jamais le Nonce ne daigne répondre à
des courriers de ce genre, même si c'est par courriers recommandés. Ni
même le Vatican.
Les intervenants n'ont pas prêté serment. Pas étonnant qu'à la question
posée par un député à Mgr Léonard: « Avez-vous déplacé des prêtres
pédophiles à l'étranger ou en avez-vous accueilli ? » La réponse fut un non
catégorique. Une commission d'enquête aurait permis de démontrer le
contraire.
La commission « abus » adresse trop d’éloge à la défunte commission
Adriaennssens. Cela n'est pas curieux à la fin de ces travaux
parlementaires, puisque même l'Église regrette, elle aussi, toujours sa
disparition forcée. Trop de connivences entre députés et évêques, surtout entre
évêque et député de la même province! Pourquoi interpeller les évêques
par des « Monseigneur » à tout va? Pourquoi permettre l'exhibition de leur
croix pectorale et autres signes religieux (col romain, anneau épiscopal), le
parlement n'est-il pas le lieu par excellence où la séparation État devrait
173
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
174
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Comme c’est le cas pour de nombreuses victimes, cette main tendue à l'Église me choque
particulièrement quand on sait que depuis des dizaines d’années les plus hauts responsables de
l'Église catholique belge étaient au courant des abus commis par certains prêtres et qu’ils
n’ont jamais réagi préférant appliquer la loi du silence.
Après avoir dû entendre les mensonges exprimés par Monsieur Danneels mais aussi par
Monsieur Harpigny et bien d’autres, comment pourrions-nous croire que l'Église va
maintenant ouvrir tous les dossiers et se soucier enfin de l’intérêt des victimes ?
Pourquoi agirait-elle ainsi aujourd’hui alors qu’elle avait bénéficié d’une privatisation de la
justice accordé par le Ministre De Clerck et matérialisée dans la Commission Adriaenssens
qui avait le droit de juger de la recevabilité de certains dossiers et même de la prescription,
droit dont dispose pourtant, seul, le Procureur du Roi dans un État de droit digne de ce nom.
Il est consternant de voir à quel point les collègues de cette Commission spéciale et en
particulier la Présidente Lalieux se réjouissent du travail accompli. Bien sûr, ils pourront dire
qu’ils ont passé des heures et des heures à travailler, certes avec sérieux et abnégation mais
ayons aussi la franchise de dire que depuis 3 mois, cette Commission n’intéresse plus grand
monde et que les auditions des dernières semaines ont surtout eu pour objet de noyer le
poisson et de calmer le jeu.
De mon côté, je ne peux que déplorer l’absence réelle de volonté de pointer les responsables
de ces abus mais aussi la responsabilité de ceux qui savaient et qui n’ont rien dit et ont ainsi
participé à une non-assistance généralisée à personnes en danger.
Indéniablement, les victimes restent sur leur faim.
Depuis le début, j’ai réclamé, en vain, la création d’une Commission d’enquête mais il n’y
avait aucune volonté politique de faire toute la clarté sur les responsabilités mais aussi sur les
protections dont avaient bénéficié les prêtres abuseurs.
Aussi, après la lecture de ce rapport, je suis assez troublé voire même perplexe au point de
vouloir demander aux membres de la Commission de préciser quelle est pour eux leur notion
de Justice ?
En effet, chers collègues, nous avons des lois que nous devons appliquer et faire respecter.
Nous avons aussi des tribunaux qui sont compétents pour juger des faits punissables. A quoi
cela sert-il donc de créer une Commission de suivi devant mettre sur pied un tribunal arbitral
non-judiciaire ? Surtout quand on sait qu’il ne pourra pas établir la moindre responsabilité.
Je ne peux imaginer que vous ne vous rendiez pas compte qu’en faisant cela, vous suivez la
même voie que celle empruntée par le Ministre de la Justice lorsque ce dernier institua une
privatisation de la Justice qui apparut comme une véritable Justice parallèle.
Il ne manquerait plus que Monsieur Peter Adriaenssens soit désigné pour siéger comme juge-
arbitre…
Sincèrement, mes chers collègues, si les responsables politiques de ce pays ne font plus
confiance en leur Justice et en leur Tribunaux, il est temps qu’ils le disent et qu’ils
entreprennent alors les réformes nécessaires afin de redonner à la Justice la place qu’elle
mérite mais aussi de lui redonner la confiance des citoyens.
C’est une chose que de vouloir indemniser les victimes d’abus sexuels dont les faits sont
prescrits mais ce qui est plus important encore, c’est de reconnaître la culpabilité non
seulement des auteurs mais aussi de ceux qui ont laissé faire ces actes odieux et qui, eux, s’en
sortiront sans le moindre problème.
175
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Il est difficile pour le légaliste que je suis d’accepter ces adaptations de la Loi. Soit un fait est
prescrit et il ne peut être poursuivi soit il ne l’est pas et la Justice étatique doit alors se charger
de la poursuite et du jugement. Dois-je rappeler au pouvoir législatif qu’il est opportun qu’il
respecte et fasse appliquer les propres lois qu’il a votées.
Clairement, la priorité est donnée aux indemnisations qui doivent surtout correspondre aux
frais thérapeutiques engagés par la victime. Et cela doit bien entendu arranger l'Église qui
n’est pas dépourvue de moyens financiers. Par contre, quand il s’agit d’assumer et de
reconnaître ses responsabilités, il n’y a plus personne. C’est déplorable et cela constitue une
preuve supplémentaire, si besoin en est, de l’urgence de mettre un terme au financement
public des cultes.
Selon Raphaël Jacquerye, auteur de « Tempête au Vatican », l'Église belge espère s’en tirer en
versant quelques millions d’euros aux victimes. Très justement, il précise que les traitements
et les pensions des ministres du culte s’élèvent annuellement à 110 millions d’euros. Tout
comme lui, devant ces vies brisées, ces êtres moralement détruits, je me demande si les
responsables ecclésiastiques peuvent s’en sortir à si bon compte en se contentant de participer
uniquement aux frais de thérapie des victimes. N’est-ce pas indécent ?
A la lecture de ce rapport, j’invite le monde politique à faire en sorte que nos lois soient
appliquées, nos institutions respectées et qu’ils mettent tout en œuvre pour mettre un terme
aux réseaux de protections et de pédophilie qui existent dans notre pays.
Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre mais à la fin, on en viendrait à
penser que ces réseaux doivent être bien puissants dans notre pays pour étouffer tant le monde
politique que le monde judiciaire.
A en croire Monsieur Brotcorne, tout ne va pas si mal, c’est du moins ce qu’il a dit dans une
interview donnée à la DH le 25 mars. Allez dire cela aux victimes qui ont été abandonnées
tant pas l'Église, que par la Justice et aujourd’hui par le monde politique.
Tout ne va pas si mal… En effet, c’est ce que l’on doit penser quand on fait la politique de
l’autruche et qu’on s’obstine à ne pas vouloir voir l’évidence. Je dirais au contraire que notre
pays se porte bien mal Monsieur Brotcorne car il est incapable de faire respecter ses lois et
que le monde politique ne croit même plus en sa justice lui préférant une justice privée et
parallèle matérialisée dans ce tribunal arbitral non-judiciaire.
Même les victimes craignent que ce tribunal arbitral soit encombré par des tas de personnes
qui verront là un moyen de toucher un peu d’argent de l'Église. Comment prouver les faits ?
Comment assurer une justice équitable en dehors de toute procédure légale reconnue par notre
Constitution ?
Le problème du passage de la prescription de 10 à 15 ans pose problème en cas de
confessionnalisation des crimes d’abus sexuels et vous n’êtes pas sans savoir que les
correctionnalisations sont fréquentes en la matière. Cette augmentation de la prescription est
en outre critiquée par Child Focus surtout au niveau de l’établissement des preuves.
Je sais mes chers collègues que vous êtes des gens intelligents et je ne peux donc pas imaginer
que vous n’ayez pas pensé à ces conséquences. C’est pour cette raison que je m’en viens à me
demander si, en fait, tout cela n’est pas fait exprès. Vous donnez ainsi l’apparence d’avoir agi
dans l’intérêt des victimes mais au fond, vous savez très bien que cela ne changera rien pour
elles s’il n’y a pas un véritable changement de mentalités au sein de nos institutions.
Madame Christine Clerc, dans son livre, « le pape, la femme et l’éléphant » pointait
dernièrement notre pays et ses 475 cas cités par la Commission Adriaenssens en disant que
ces horreurs avaient été couvertes par la hiérarchie de l'Église qui prit même la défense des
176
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
auteurs. Je l’ai moi-même souvent dit lors des travaux de cette commission, trop souvent les
responsables ecclésiastiques ont pris les victimes pour des coupables et les coupables pour des
victimes d’esprit malins qui tentaient de leur extorquer des fonds… Comme le dit Madame
Clerc, on parle ici de sévices sexuels, pas de genoux discrètement caressés mais bien de
pratiques sadomasochistes. Elle termine en disant qu’il faut que l'Église profite de ce big-bang
pour se repenser et retrouver le message de l'Évangile. Croyez-vous, mes chers collègues, que
le cadeau que vous lui offrez en refusant de soulever les responsabilités et de vous contenter
d’un tribunal arbitral remplira cet objectif ? Je ne le pense sincèrement pas et je suis persuadé
que vous le savez tout autant que moi.
Je terminerai mon intervention en citant un passage de la lettre ouverte écrite par Monsieur
Joël Devillet car elle correspond bien à l’état d’esprit des victimes et je ne voudrais terminer
cette intervention sans les mettre en évidence car je tiens par la même occasion à leur adresser
toute mon admiration pour le courage dont elles ont fait preuve jusqu’ici : Monsieur Devillet
termine sa lettre ouverte pas ces mots : « La victime que je suis, en venant assister aux
travaux de votre commission était comme assise à la table d’un restaurant, elle attendait un
bon repas, le menu était copieux et semblait appétissant : une entrée, un plat et un délicieux
dessert. La commission, c’était mon entrée, elle me restait bien souvent sur l’estomac mais
j’attendais avec impatience le plat consistant. Ce plat principal, c’était une commission
d’enquête parlementaire et le dessert devait être les sanctions, établir les responsabilités et
sanctionner les responsables. »
Vous imaginez que cette victime est bien restée sur sa faim.
Comme elle, j’estime qu’au final cette commission spéciale n’aura été qu’un grand show
devant donner bonne conscience au monde politique.
En prenant la décision de ne pas soulever de responsabilités, vous avez opté pour la voie de
l’inaction et de l’immobilisme. Ainsi, je crains que nous reparlerons dans quelques années de
nouveaux faits de pédophilie dans l'Église et une fois de plus, les plus faibles d’entre nous
seront les victimes de votre politique à laquelle je ne peux m’associer. N’oubliez pas que des
prêtres pédophiles exercent toujours en toute impunité malgré les actes graves qu’ils ont
commis. Et nous, nous les laissons faire !
Pour cette raison, je ne soutiendrai pas le rapport de cette commission car même si Madame
Marghem déclarait il y a peu de temps encore dans la presse qu’elle espérait que l'Église
saisisse l’opportunité qui lui est ici offerte alors qu’elle n’a pas fait le moindre geste jusqu’ici,
permettez-moi de douter de la volonté de l'Église de réparer quoi que ce soit.
Il y aura peut-être des faux-semblants, une légère ouverture mais vu les mensonges exprimés
devant notre commission par les plus hauts responsables de l'Église permettez-moi de ne pas y
croire. Je serai en la matière comme Saint Thomas, je croirai ce que je verrai et j’espère que
vous assumerez vos responsabilités quand vous verrez que l'Église se sera complu dans
l’inaction et le statut quo.
Je vous remercie. Laurent LOUIS - Député fédéral
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
182
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Remerciements
Merci à ma famille, mes parents, grands-parents et ceux qui m’ont soutenu en son sein.
Aux nombreux prêtres, malheureusement décédés, pour leur exemple durant mon enfance;
grâce à leur vie, j’ai également voulu consacrer ma vie à Dieu et aux autres :
L’abbé Maurice Muller, le chanoine René Jacques, les abbés Paul Fonder, Jean Neu, J.
Simonin, Mgr. R.-J. Mathen, les abbés R. Jamin, G. Rossignon, G. Seivert, le doyen E.
Weyland, Mgr J. Hengen
Merci aux gens de mon village pour leur gentillesse lorsque j’étais enfant de chœur et/ou
séminariste. Merci au Père J. Lillig, Mgr R. Le Gall, les abbés J. Nélis (+) et D. Goens et le
Chanoine Jean Léonard (+)
Merci à mes avocats : Maître Raoul Van de Put (+) et Me Régine Meert.
Maîtres Olivier Bastyns, Michaël Mallien, Pierre Chomé.
A Maître Jacques Englebert, Me Cédric Lefebvre, Me Odette Haas, Me Nathalie Crochet,
Merci pour les personnes qui m’ont aidé à la réalisation de ce livre, notamment :
Martial kwindze Mbiakop (dactylographie),
Merci à Yohan Smets, éditions Sea-n Publishing, pour avoir publié en 2010 mon livre en
néerlandais : ‘Ik was 14 en werd misbruikt door een priester.’
Merci à M. Luc Arnault pour le dessin en page 5, et à Jean-Paul Coudeyrette pour le poème.
Merci aux journalistes de la presse écrite, télé et radio. Merci à la télévision d’exister, à la
radio, Internet, aux livres et aux personnalités du petit écran et de la chanson qui nous font
rêver et de la sorte, oublier nos soucis.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Depuis quelques années, des affaires de pédophilie se trouvent sous les feux de
l'actualité. La France est atteinte comme d'autres pays et l'Église est atteinte
comme d'autres institutions. Elle n'est pas épargnée par une réalité dont elle
découvre toute la complexité. L'Assemblée plénière des évêques a pris le temps
d'aborder en vérité le difficile problème de la pédophilie.
**
*
**
*
Les prêtres qui se sont rendus coupables d'actes à caractère pédophile doivent
répondre de ces actes devant la justice. Il est nécessaire qu'ils réparent le mal
qu'ils ont fait et portent le poids de la peine infligée par l'Église et par la
société. Comme tout être humain pourtant, le prêtre qui a commis ces actes
demeure une personne qui a droit à notre respect, à notre accompagnement, à
notre prière.
Nous tenons à redire notre volonté de veiller avec soin à ce que de tels actes ne
se produisent pas, ne se reproduisent plus.
**
*
**
*
Certains d'entre vous, dans votre douleur et votre écoeurement, aurez rejeté
l'Eglise que vous aimiez tant jadis ; mais, paradoxalement, votre abandon de
cette Église a peut-être contribué à la purifier, en la défiant d'affronter la
vérité, de dépasser le déni, de reconnaître le mal qui a été fait et la souffrance
causée aux enfants, affirme-t-il. « Le premier pas vers une forme de guérison
est de permettre à la vérité d'être révélée au grand jour. La vérité nous rend
libres, mais pas de façon simpliste. La vérité fait mal. La vérité ne lave pas avec
du prêchi-prêcha, mais avec un feu qui brûle, qui fait mal, un feu pénétrant ».
Il y a des moments où le silence et l'écoute sont plus importants que les mots et
les paroles.
Que pourrais-je vous dire, à vous qui êtes les victimes d'abus sexuels perpétrés
par des prêtres de l'archidiocèse de Dublin, ou par des religieux ? Je ne serais
ni honnête ni sincère si je vous disais que je sais ce que vous avez souffert. Je
peux essayer de comprendre, mais cette souffrance est la vôtre. Vous seuls
savez ce que signifie d'avoir été abusés, sexuellement ou d'une autre manière.
Je peux essayer d'imaginer l'horreur d'être violenté quand on n'est qu'un
enfant, sans défense, innocent. Je peux essayer d'imaginer comment cette
violence a hanté votre vie jusqu'à aujourd'hui, et continuera peut-être, hélas, de
le faire pour le restant de votre vie.
Je peux reconnaître l'humiliation que vous avez subie, l'atteinte à votre dignité
et à votre amour-propre, la peur et l'angoisse, l'isolement et l'abandon que vous
avez éprouvés. Je peux vous écouter me raconter vos cauchemars, vos
frustrations et votre aspiration à une conclusion, qui peut être n'arrivera jamais.
Je peux imaginer votre colère lorsqu'on ne vous croyait pas et que vous pouviez
voir d'autres enfants pris en charge tandis que vous restiez seuls.
Je peux essayer d'imaginer toutes ces expériences, mais je sais que c'est vous,
et vous seuls, qui les avez connues. Je peux tout imaginer, mais ce que vous avez
vécu doit être mille fois pire. Je peux exprimer mon chagrin, mon sentiment du
mal qui vous a été fait. Je pense à votre souffrance, à chacun, de ne pas être
entendu ni cru, ni réconforté ni soutenu.
Je peux me demander comment cela a pu se passer dans l'Église de Jésus-Christ
où, comme nous l'avons entendu dans l'évangile, les enfants sont présentés
comme des signes du royaume.
186
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
L'Église de Jésus-Christ dans cet archidiocèse de Dublin a été blessée par les
péchés des auteurs de ces abus et par la réponse qui vous a été faite, pour
laquelle nous avons tous une part de responsabilité.
Quelqu'un un jour m'a rappelé la différence qui existe entre s'excuser ou dire
«je suis désolé, je regrette », et d'autre part demander pardon. Je peux
heurter une personne dans la rue et lui dire que je suis « désolé». Une phrase qui
peut être significative, ou une simple formule vide. Quand je dis que je regrette,
cela dépend de moi. Mais quand je demande pardon, cela ne dépend plus de moi,
je m'en remets aux autres. Vous seuls pouvez me pardonner ; seul Dieu peut me
pardonner.
Toutes les victimes sont redevables à ceux qui ont eu le courage de parler, pour
que l'on sache ce qui s'est passé et comment ils ont été traités. L'Église de
Dublin et du monde entier, et chacun ici présent aujourd'hui, leur sont
redevables. Certains d'entre vous, dans votre douleur et votre écœurement,
aurez rejeté l'Église que vous aimiez tant jadis ; mais, paradoxalement, votre
abandon de cette Église a peut-être contribué à la purifier, en la défiant
d'affronter la vérité, de dépasser le déni, de reconnaître le mal qui a été fait et
la souffrance causée aux enfants.
Le premier pas vers une forme de guérison est de permettre à la vérité d'être
révélée au grand jour. La vérité nous rend libres, mais pas de façon simpliste. La
vérité fait mal. La vérité ne lave pas avec du prêchi-prêcha, mais avec un feu qui
brûle, qui fait mal, un feu pénétrant.
Encore une fois, l'Église dans cet archidiocèse vous remercie pour votre courage.
En mon nom propre, je vous présente des excuses pour l'indifférence, voire les
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Les derniers moments de la mort de Jésus ont été marqués par l'obscurité et le
silence. Ce silence est brisé par les paroles de Jésus : il pardonne à ceux qui vont
le tuer. Il adresse le pardon et une vie nouvelle à l'un des deux larrons crucifiés
avec lui. Mais ce n'est pas un pardon bon marché. Un des larrons s'est moqué de
Jésus ; il n'a pas reconnu cet acte d'injustice qui a été perpétré. L'autre larron
reconnaît sa propre faute, ouvrant ainsi la porte au pardon. Aucun de ceux qui
ont eu une quelconque responsabilité dans ce qui s'est passé dans l'Église de
Jésus-Christ dans cet archidiocèse ne saurait demander le pardon à ceux qui ont
été abusés sans avoir d'abord reconnu l'injustice commise et sa propre
défaillance dans ce qui s'est passé.
Mais Jésus fait face à cet abandon et pour finir s'en remet au Père, portant son
amour désintéressé jusqu'au moment suprême de donner sa propre vie par
amour. Cela a ouvert la porte à une vie nouvelle. Nous nous rassemblons sous le
signe de la croix qui nous juge mais qui, en définitive, nous libère.
Cet après-midi n'est qu'une première étape. Il serait facile pour nous tous de
partir d'une certaine manière en se sentant bien, mais aussi avec le sentiment
que maintenant « eh bien voilà » « c'est fini », « maintenant nous pouvons revenir
à la normale ».
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Cher Joël,
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Cher Joël,
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COMPTES RENDUS
Ces comptes rendus peuvent être consultés sur le site de la Chambre:
www.lachambre.be
CHAMBRE-2E SESSION DE LA 53E LEGISLATURE
2010
Ici ii
COMMISSION SPECIALE RELATIVE AU TRAITEMENT
D'ABUS SEXUELS ET DE FAITS DE PEDOPHILIE DANS UNE
RELATION D'AUTORITE, EN PARTICULIER AU SEIN DE L'ÉGLISE
215
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
très posé. Je vais vous en lire quelques mots car il me paraît être utile pour votre
travail en commission. Il s'agit d'une situation particulièrement délicate puisque
c'est quelqu'un qui a été abusé dans son jeune âge, jusqu'à 13, 14 ans. Les faits
sont prescrits pénalement – sauf s'il y avait d'autres faits ultérieurs – mais sur le
plan civil, la situation est plus ouverte et je peux répondre à certaines questions
et vous dire d'office ce que j'en pense. Il s'agit d'une personne qui a participé à
des camps de vacances et à qui on a imposé de dormir nu dans le sac de
couchage du prêtre qui dirigeait le camp et de participer à des bains collectifs
avec d'autres enfants que le prêtre se chargeait de laver de manière assez
perverse. Cette personne a continué son chemin et est devenue prêtre. Ce qui est
extraordinaire – et là nous entrons dans une autre problématique –, c'est ce que
j'appellerai le "sabotage" de sa prêtrise par certains membres du clergé. Cette
situation est hallucinante. On essaie de le "psychiatriser". On lui dit qu'il est
fragile, qu'il n'est pas bien dans sa tête, que pour être ainsi, il doit certainement
être homosexuel, etc. Il m'a expliqué qu'on avait demandé à une personne de le
"draguer" afin de voir s'il était sensible aux charmes masculins.
Après la description "kafkaïenne" de son parcours de souffrance, on décide, non
pas de s'intéresser à l'abuseur qui a été identifié, mais de s'intéresser à lui avec
l'idée de le "psychiatriser". On l'envoie alors chez le professeur Lievens, pour ne
pas le nommer, à qui il va s'expliquer. Et il n'a aucun feedback de ses propos. Il
ne sait pas ce que ce professeur, par ailleurs tout à fait respectable, pense ou dit.
On ne sait donc pas à quoi ont servi ces rencontres. Á discréditer son discours?
Á l'aider? Mais dans ce cas, il fallait lui faire savoir en quoi consistait cette aide.
Toujours est-il qu'il y a eu une absence de dialogue. On l'a écouté raconter son
vécu et sa souffrance, sans qu'il n'y ait de retour. J'ai demandé les conclusions de
l'expert en question pensant que cela pouvait l'aider à titre personnel. Mais je
n'ai reçu aucune réponse, ce qui est assez troublant. Cela prend des proportions
qui peuvent paraître ridicules pour quiconque, mais qui, pour lui, sont autant de
blessures et d'humiliations. Ainsi, par exemple – on a un peu l'impression d'une
histoire à la Cloche-merle, mais c'est son quotidien –, il devait célébrer une
messe dans une des paroisses qu'il dirige, et en arrivant, il s'est aperçu que
l'organiste avait été décommandé. Il n'a donc pu donner cette messe comme il
l'aurait voulu. Chaque jour, il fait l'objet de harcèlements à travers des petits
gestes. Vous imaginez le genre de difficultés qu'il rencontre avec les autorités
ecclésiastiques. Quand il se plaint, on lui dit qu'il n'est pas bien dans sa tête ou
qu'il ne fait pas son travail correctement, etc. En même temps, il n'a aucun
retour. Et quand il s'adresse, comme il l'a fait dans un premier temps, à la
commission Adriaenssens et, ensuite, aux autorités judiciaires, il a le sentiment
d'être écouté, mais se pose alors pour lui un problème de loyauté envers l'Église
car son vœu n'est pas de quitter la prêtrise mais, au contraire, de poursuivre sa
carrière en tant qu'abbé. Voilà un cas qui me paraît intéressant. Il est ici question
de faits vécus en 2010 et la situation de cette personne reste problématique. J'ai
le sentiment que les différents efforts des médias et du monde politique font qu'il
217
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Je voudrais encore citer deux ou trois exemples qui paraissent poser problème au
niveau des poursuites. Il y a un cas que vous connaissez tous, il a été revendiqué
par la victime, M. Devillet. Après l'échec de la procédure pénale, j'ai entamé à
ses côtés une procédure civile, qui est relativement avancée. Le prêtre a reconnu
les agissements accomplis à l'égard de Joël Devillet. Le tribunal d'Arlon a
désigné un expert et cela situe l'importance de l'impact. L'expert a retenu 16 %
d'invalidité, ce qui est énorme. Cela a donc un impact sur sa vie de tous les
jours.
En préparant cette réunion, j'ai retrouvé quelques lignes qui vous situent ce que
peut être la question de l'indemnisation. Une fois que le dommage au plan
médical était reconnu, nous espérions que nous allions recevoir une forme
d'indemnisation quelconque. Mais nous devrons malheureusement faire un
nouveau parcours judiciaire afin d'obtenir un jugement qui correspond au
dommage subi.
Joël Devillet écrivait: "Je ne me marierai jamais, je n'aurai jamais d'enfant. Je ne
peux pas avoir une relation de confiance, j'ai trop peur de me retrouver, un jour
ou l'autre, dans une situation de quelqu'un qu'on suspecterait d'abuser alors que
je l'ai été moi-même. J'ai peur qu'on me soupçonne un jour de devenir un
pédophile. Ma seule vie affective, c'est mon chien." Quand il vient me voir, et
cela énerve un peu mes associés, il vient avec son chien. Son chien le suit
partout. Il n'a plus confiance dans aucune relation de travail. Il n'a plus confiance
en ses amis. Il pense toujours qu'on va l'abuser, qu'on va le rouler. Il a dû quitter
sa région natale, après qu'il ait été renvoyé du séminaire. Tout cela vous montre
ce qu'il se passe maintenant, pour des faits qui se terminent en 1991.
En 1991 et dans les années qui suivent, 1993, 1994, 1995, tout était possible à ce
moment-là parce qu'il s'adresse aux autorités hiérarchiques, il explique ce qui lui
est arrivé et il y a déjà, à ce moment-là, une forme de reconnaissance des abus
du prêtre concerné. Le pénal était donc l'arme tout à fait normale de ce genre
d'agissement particulier. On lui fait une promesse. Il demande trois choses.
Rétrospectivement, c'est horrible ce qu'il demande. Premièrement, il demande
qu'on mette ce prêtre à l'abri de la société civile pour qu'il ne récidive pas. C'est
donc une forme d'altruisme intéressant. Deuxièmement, il demande que l'on
participe à sa thérapie puisqu'une thérapie coûte cher. Et, troisièmement, comme
218
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
sur le plan pénal. Je vous ai dit ce que nous en avons fait sur le plan civil pour le
moment. Une brèche existe donc pour les dossiers les moins anciens.
Voilà la situation. Une dame a eu encore moins de chance: elle avait été abusée
dans une famille d'accueil et on n'a rien trouvé de mieux pour la protéger que de
la mettre en famille d'accueil chez un prêtre qui s'est dit qu'elle était peut-être
suffisamment fragile et habituée aux abus pour faire perdurer cet état. Ce dossier
s'est terminé par une prescription sur le plan pénal après des lenteurs et des
dysfonctionnements. Malgré la question du coût de ce type de procédure, qui se
pose aussi, j'espère encore pouvoir trouver une solution sur le plan civil. À mon
sens, il existe des possibilités pour des faits antérieurs à la loi de 1998 pour faire
valoir une prescription trentenaire, ce qui n'est plus le cas depuis cette date,
depuis que l'ex-Cour d'arbitrage, la Cour constitutionnelle, avait considéré que
les anciens fonctionnements de prescription des affaires civiles découlant du
pénal étaient parfaitement anticonstitutionnels au sens des articles 10 et 11 de la
Constitution. On constate que des appels au secours émanent de cette femme, de
sa famille, et de nouveau, une forme d'indifférence totale. Que peut-on imaginer
dans tout cela? Effectivement, les voies choisies par l'Église étaient terriblement
dangereuses. Vous l'avez certainement stigmatisé dans vos débats antérieurs
avec M. Adriaenssens. La situation par rapport aux interlocuteurs était ambiguë.
Dans certaines situations, des dossiers, qui étaient peut-être sauvables au plan
judiciaire, ont pu être prescrits par cette voie-là. Cependant, si une forme
d'interlocuteur professionnel spécialisé, mais au niveau fédéral – ou d'autres
formes publiques selon l'évolution de notre pays –pouvait collaborer sous la
direction d'un procureur du Roi, sans doute y aurait-il moyen d'intervenir
rapidement et efficacement. Supposons qu'un interlocuteur, dans un premier
temps, garantisse une forme d'anonymat en fonction de l'orientation et explique
ce qu'est une procédure judiciaire, les conséquences et donner les clefs des
poursuites à l'égard de tel ou tel supposé abuseur, peut-être une solution se
présenterait-elle sous la forme d'une véritable écoute? En effet, le principal
problème rencontré est un manque d'écoute total et un manque de
professionnalisme dans le chef des personnes qui écoutent. Il s'agit
manifestement de deux problèmes quasiment insurmontables. Imaginez ce genre
de situation pour une personne, qui l'a tue, qui a pensé ne pas être crue, la honte
qu'elle peut vivre, la méfiance que les autres peuvent éprouver, le discrédit que
cela peut jeter au niveau de petits arrondissements, de petites communes, où il
existe une forme de tabou vis-à-vis des représentants de l'Église sur place! En
l'absence de professionnels à l'écoute pour examiner votre cas et respecter le
choix d'un anonymat éventuel dans le chef des victimes, dont le souci principal
est d'éviter une récidive, le vécu de la personne concernée est dramatique et
parfois, le fait d'être écouté s'avère plus réparateur qu'une réparation provenant
d'une condamnation pénale ou financière. Or, nos services, avec toute leur bonne
volonté d'aide aux victimes ne sont pas du tout outillés pour traiter ce type de
problématique. De plus, il est un fait qui, pour moi, s'avère hautement
220
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
pour des abus qui ont eu lieu il y a une semaine, un mois, un an, etc. Donc,
forcément, la justice pénale ne sera pas sévère. Elle dira que les faits étant très
anciens, l'être humain a évolué, il a pris une autre voie, etc. Il suffit de voir
l'application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme:
que veut dire le délai raisonnable? Cela veut dire plus de clémence; cela veut
dire plus de recul pour l'appréciation des preuves. Et l'on sait la difficulté, dans
des huis clos, à laquelle on est confrontés en ce qui concerne l'appréciation des
preuves. Cela veut dire que si vous avez quelqu'un qui est jugé dans des délais
complètement anormaux, cela va être pire que tout pour une victime. Parce que
pour elle, l'acte qui a été posé, il y a 20 ou 25 ans, c'est l'acte qu'elle a subi hier
et qu'elle revit tous les jours. Vous n'imaginez pas mettre quelqu'un en prison
pour des faits aussi anciens, donc ce sera, pour la victime, une deuxième
humiliation, un échec total. Je crois qu'une autre voie devrait être trouvée, il ne
faut pas nécessairement aller vers une augmentation du délai de prescription
classique.
Voilà ce que je voulais vous dire. Madame la présidente, je me propose, avant ou
après les questions – la décision vous revient –, de vous dire quelques mots sur
les procédures en cours. Il s'agit de choses importantes, mais que je ne me vois
pas exposer en audience publique. Je n'ai rien à cacher, mais j'aimerais vous
apporter une information qui est celle du juriste, par rapport à d'autres
informations que vous avez eues et que vous aurez encore. Si les procédures
n'étaient pas en cours pour le moment, je ne me trouverais pas aussi embarrassé.
Pour vous donner une autre information, je peux vous dire que la procédure à
l'égard de Mgr Léonard, que j'ai voulue tout à fait distincte de la procédure des
abuseurs – loin de moi d'imaginer qu'il soit responsable personnellement de quoi
que ce soit, sauf d'une forme d'indifférence et d'enterrement de la situation de
drame vécue par M. Devillet –, est toujours ouverte au tribunal de Namur. Le
juge a dit que si nous n'arrivions pas à obtenir tout notre dommage à Arlon – qui
est le tribunal de l'abuseur –, nous verrions effectivement si l'on pouvait faire
rejaillir sur Mgr Léonard en tant que responsable de l'évêché de Namur à
l'époque, une partie du dommage. Il est en effet établi par des documents que
toute une série d'engagements qui avaient été pris n'ont pas été respectés à
l'époque et qu'ils étaient parfaitement connus de Mgr Léonard.
qu'à l'instar de la jeune femme qui a été violée avant qu'elle se marie et qui a, par
la suite, les problèmes psychologiques que l'on peut imaginer avec quelqu'un qui
pourtant l'aime beaucoup, il est difficile pour quelqu'un de partager un secret de
cette importance, tant on redoute le regard qui pourrait être porté sur celui qui a
été l'objet de ces sévices. Puis, il y a une crainte de parler aussi parce qu'on a la
peur de ne pas être entendu. Ceci était évoqué à très juste titre par Me Chomé de
manière imagée: cette femme qui court quatre commissariats pour pouvoir dire
ce dont elle a à se plaindre. Je pense que si pendant 30 ans, je n'ai pas entendu
parler de problèmes de cet ordre ou je ne les ai pas vus évoqués devant les
tribunaux, c'est parce que dans l'esprit de l'époque, on n'imaginait pas facilement
qu'on puisse attraire un prêtre, un diacre, un sacristain ou quelqu'un qui se trouve
plus haut dans la hiérarchie religieuse, devant un tribunal correctionnel. Car
c'était inimaginable pour un juge ou pour un procureur dont le palais était dans
la proximité du siège de l'évêché. Ces personnes étaient évidemment sacralisées.
Il n'était pas imaginable qu'un prêtre se livre à de telles ignominies. Et partant de
ce postulat, des magistrats, pendant des années, se sont en partie volontairement
masqué les yeux. Et les dossiers de plainte, s'il s'en est trouvé, ont été
soigneusement tenus au frais avant d'être mis définitivement au frigo. Je pense
que c'est par les révélations récentes que la magistrature prend, au jour
d'aujourd'hui, une autre allure et une autre posture, dans laquelle il faut
évidemment l'encourager.
Elle a contribué, par une forme de passivité, une détermination – un peu comme
les trois petits singes qui ne veulent ni voir, ni entendre, ni dire –, à maintenir
ces personnes dans cet état de souffrance et à maintenir le couvercle sur la
marmite qui était pourtant en relative ébullition. Que faire? La première idée, et
c'est aussi celle sur laquelle s'est exprimé Me Chomé, est de dire qu'on va
rattraper ces personnes qui, il y a si longtemps, ont abusé de leur situation, de la
relation de confiance, de l'autorité qu'elles avaient sur des mineurs. On va faire
en sorte que, quel que soit le temps écoulé, ce temps ne comptera pas pour elles,
et ne comptera pas pour la rémission de leurs péchés. Je parle de l'allongement
de la prescription. On ne va pas l'allonger tous les quinze ans. La dernière fois
qu'on a allongé les délais de prescription, c'était par la loi de 1995, qui a porté la
prescription des crimes à dix ans. En novembre 2000, on a fait courir le délai de
prescription pour les abus à l'égard des mineurs à partir de l'âge de leur majorité,
que ce soit pour des problèmes d'attouchements ou des problèmes de viols. Dans
l'année qui vient ou dans cinq ans, on ne peut pas dire qu'on va rajouter un
wagon au train de la prescription. Ou alors, disons que les infractions des
articles 372, 373 et 375 sont imprescriptibles, ce qui n'existe actuellement, dans
notre État de droit, que pour les crimes de génocides. L'allongement de la
prescription qui permettrait, vingt ou trente ans plus tard, de rattraper l'auteur
des faits et de le conduire devant le tribunal – mais reste encore à voir lequel –,
n'est pas envisageable. Pourquoi? Parce que la prescription est une institution
juridique qui abrite l'ensemble des règles de droit, l'ensemble des corpus
225
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
227
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Daniel Bacquelaine (MR): Maître Chomé, quand vous dites, parlant du prêtre
qui avait été lui-même abusé et qui par la suite se trouvait dans une situation de
fragilité dans son sacerdoce, qu'on a essayé de le psychiatriser et, en fait, on l'a
harcelé, j'aimerais savoir de qui vous parlez. Qui est le "on"? S'agit-il d'un cas
particulier ou, à votre connaissance, cela se réfère-t-il à une sorte de
systématisation? Ma deuxième question: vous avez parlé de non-enquête
pendant des années au sujet de l'attitude des parquets. Vous avez même dit
"plutôt de non-enquête". Là aussi, dans votre expérience, que tirez-vous comme
conclusion par rapport à la pro-activité ou simplement à l'activité des parquets
en la matière? Pour vous, vous semble-t-il que, globalement, il y a une tendance
à minimiser les faits et peut-être à faire en sorte qu'on classe très rapidement la
plupart des dossiers? Ma troisième question rejoint un peu la remarque de notre
présidente mais ma question s'adresse à tous les deux. Je trouve que, très vite,
lorsque l'on parle d'écoute de la victime qui est évidemment quelque chose
d'essentiel, on glisse vers une sorte de privatisation du cas. D'ailleurs, lorsque
j'ai entendu le professeur Adriaenssens en commission de la Justice, la question
que j'avais posée à cette époque c'était vraiment mettre en cause une sorte de
privatisation d'une fonction régalienne essentielle de l'État dans le cadre
notamment des accords qui avaient été passés entre le ministère public et la
commission Adriaenssens. Mais je pense qu'on peut aller plus loin par rapport à
cette constatation: chaque fois que l'on introduit une "écoute particulière", qui
sort donc du régime classique de la relation entre le parquet, la victime et le
228
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
quand même, dans ces matières-ci, qu'il faut du temps à la victime – parfois plus
de 40 ans – pour qu'elle puisse s'exprimer. Dans un tel cas, la prescription au
plan pénal est une évidence. Mais on se rend compte aussi que dans son
cheminement, la victime, à un moment ou à un autre – pas immédiatement après
les faits, pas non plus au moment où elle invoque publiquement ou devant le
monde judiciaire sa situation – a essayé d'en parler à l'autorité. Nous parlons
évidemment de ce problème dans le cadre d'une relation d'autorité. Et en
général, l'autorité, et plus particulièrement dans le chef de l'Église, n'a pas été
réceptive. Or, on se rend compte que la capacité de réaction à ce moment-là est
essentielle pour la victime, pour sa reconstruction, pour l'itinéraire
qu'empruntera son "dossier". Est-ce que, par le biais de la notion de non-
assistance à personne en danger, on ne pourrait pas "rattraper les choses",
substituer à l'auteur initial et véritable un autre auteur qui est l'autorité au sens
général et générique du terme, pour autant qu'on puisse bien l'identifier? Cela
aurait l'avantage que, dans un tel cas, on ne ferait courir un délai de prescription
que bien après les faits, même bien après que la victime ait atteint ses 18 ans.
Cela aurait peut-être aussi l'intérêt de responsabiliser ces autorités et leur faire
comprendre que quand elles sont saisies de ce genre de demande – on en revient
à la présomption de victime -, elles sont obligées, sous peine de se mettre elles-
mêmes en danger sur le plan judiciaire, de réagir adéquatement. J'aimerais
entendre votre opinion de praticiens par rapport à cette notion.
230
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
u ook kennis van problemen in andere arrondissementen? Als u ons daarover wat meer
informatie zou kunnen geven, dat zou ons helpen in onze verdere werkzaamheden.
231
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
des différents dossiers que vous avez eu à traiter une sorte de système ou de
réseau (en Belgique, on n'aime pas beaucoup ce mot) organisé afin que ces actes
demeurent impunis? Pensez-vous qu'il soit possible que de tels faits restent
impunis, voire même non poursuivis sans qu'il n'existe un véritable système
organisé qui participe à la commission de ces abus ou du moins à la non-
assistance à personne en danger? Dernièrement, j'ai été contacté par la victime
dont vous avez évoqué succinctement les souffrances et le quotidien au sein
même de l'Église. Cette Église a couvert les abus qu'il a subis, on ne peut pas
dire le contraire. Et en entendant son témoignage, ses confidences, on voit
clairement que les plus hauts responsables de l'Église, que ce soit Mgr Harpigny,
Mgr Danneels ou Mgr Léonard, devaient au moins être au courant de ces actes
et qu'au lieu d'entendre la souffrance de la victime et de sanctionner, voire de
dénoncer à la justice les faits de l'abuseur, ils ont préféré exercer une pression
sur la victime, sur ce prêtre abusé, afin qu'il cesse de parler de ces faits. On voit
que dans ce cas précis, l'Église ne peut pas réfuter d'avoir été au courant des faits
et des actes commis par l'abuseur. Elle n'a malheureusement jamais voulu y
apporter de réponse. Selon vous, maîtres, ces hauts responsables pourront-ils un
jour être poursuivis pénalement ou civilement? Pouvez-vous retrouver, parmi les
différents dossiers que vous avez eus à traiter, une convergence au niveau des
personnes qui ont tenté – et, il faut l'avouer, ont souvent réussi – à étouffer ces
abus en faisant bien souvent passer les victimes pour des malades et les abuseurs
pour des victimes. Au niveau des services de police, dont vous avez évoqué les
errements en ce qui concerne le traitement des plaintes, pointez-vous plus une
mauvaise volonté de leur part ou une mauvaise formation des policiers de terrain
pour recevoir et traiter ces plaintes d'abus sexuels? Ou pensez-vous qu'il ait pu y
avoir des injonctions au niveau des supérieurs pour qu'on traite de cette manière
et avec une telle désinvolture des cas aussi graves et aussi particuliers? Je me
pose cette question car tant dans l'affaire Dutroux que dans les scandales de
pédophilie que nous connaissons aujourd'hui au sein de l'Église, on semble
retrouver les mêmes mécanismes, les mêmes errements et les mêmes échecs.
Doit-on penser – et ce serait grave – que notre système judiciaire est aussi
défaillant? C'est une question que je me pose. Et est-ce, selon vous, une pure
coïncidence? Dans l'affirmative, ce serait inquiétant car cela voudrait dire que
l'on n'a pas tiré les conclusions de cette horrible affaire Dutroux et
qu'aujourd'hui encore, on répète les erreurs du passé. Mais ce qui me trouble
aujourd'hui, c'est qu'on ne peut quand même que constater au niveau des
différents services de police et au niveau de la justice, qu'il y a une nette
amélioration au niveau du traitement des victimes d'abus sexuels. On voit que
d'énormes progrès ont été réalisés, mais bizarrement, quand il s'agit de
poursuivre des abus sexuels au sein de l'Église, notre justice semble redevenir
inefficace. Comprenez que je me pose quelques questions et je pense que vous
pourrez nous éclairer. Pensez-vous possible par exemple qu'il y ait eu des
injonctions du ministre de la Justice dont les liens étroits avec l'Église ne sont
233
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
plus à démontrer depuis qu'il a offert à cette dernière de pouvoir bénéficier d'une
justice, ou plutôt d'une injustice, privée parallèle? En ce sens, voyez-vous dans
les dossiers que vous traitez une différence de traitement en cas d'abus sexuel au
sein ou en dehors de l'Église?
Pierre Chomé: Je vais essayer de n'oublier aucune des questions posées. Je vais
vous raconter une anecdote qui a tout son poids dans le cadre de ce débat. Lors
d'un débat télévisé, je me suis retrouvé face à Mgr Harpigny. Le journaliste lui a
demandé s'il allait demander pardon. Il répond: "Non, parce que si on demande
pardon, on va payer!" Il ajoute qu'il n'était pas dans cette problématique et qu'il
ne se sentait donc pas responsable. Je l'interpelle en lui disant que le fait que les
autorités demandent pardon pour des drames que des citoyens ont pu subir est
un phénomène planétaire. Même Gordon Brown a demandé pardon aux familles
irlandaises pour le fait que des soldats britanniques ont tiré sur la foule dans les
années '70. Gordon Brown n'était pas aux affaires à ce moment et cela n'a pas
coûté plus cher au gouvernement britannique d'avoir fait ce geste symbolique,
essentiel pour les victimes. Je peux vous annoncer que j'étais très heureux de
mon intervention car, le lendemain, il a dit à la télévision ou à la radio: "Comme
l'a dit Me Chomé, je vais demander pardon!" J'ai quand même réussi quelque
chose, de manière tout à fait modeste. Monsieur Bacquelaine, le "on" n'est pas
indéfini. Il s'agit d'une série de personnes identifiées, responsables de la
hiérarchie ecclésiastique auprès de qui ce prêtre s'est plaint. Il leur a même
demandé d'être délocalisé car il était dans le même diocèse que son abuseur et
qu'un ami de son abuseur qui avait un comportement particulièrement ambigu à
son égard. Ce prêtre parlait de scènes qu'on ne peut pas inventer. Son supérieur
lui demandait de faire un débriefing de sa semaine en fonction des différentes
paroisses. Après un dîner tout à fait convivial, ce prêtre lui a sauté dessus
234
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
qui sont de plus en plus écartés dans une forme de finalité des poursuites où tous
les moyens sont bons. Le crime fait que notre justice court à sa perte; la fin
justifie les moyens. On couvre tout: on couvre des perquisitions illégales, des
écoutes téléphoniques illégales. Moi, en tant que démocrate, après 32 ans de
métier, cela me terrorise. Nous avons là un phénomène très inquiétant. À côté de
cela, dans un dossier qui pourrait être un dossier comme un autre, du jour au
lendemain, on assiste, tout à coup, à tort ou à raison – le problème n'est pas là –
à une intervention "commando" – dirais-je – et le dossier de M. De Troy est
soumis à la censure de la chambre des mises en accusation. Demandez-leur
pourquoi on ne procède pas de la même manière dans les dizaines de dossiers
qui mériteraient pourtant que l'on se penche sur le cheminement de la procédure
et sa régularité. L'idée d'une forme d'écoute professionnelle et publique – il s'agit
de deux choses essentielles – n'est pas du tout liée à une forme de privatisation.
Nous nous inscrivons dans un système que l'on appelle "l'opportunité des
poursuites". Le procureur peut ainsi, sous réserve d'une mise à l'instruction,
décider s'il est opportun ou non d'aller plus loin. On pourrait même imaginer que
cela puisse être le fait non pas d'un procureur, mais un collège de trois
procureurs pour donner une garantie supplémentaire. La victime vient raconter
une histoire très ancienne pour laquelle on peut vérifier s'il y a eu ou non
récidive. Un premier filtre est alors mis en place. Si on apprend qu'il ne s'agit
pas d'un fait isolé, grave et dramatique, mais qu'il y a eu récidive et que l'auteur
à continuer à trouver "de la chair fraîche", il n'y a pas de raison que les
poursuites ne soient pas engagées de manière diligente et musclée. Par ailleurs, à
l'instar de ce qui se fait dans le cadre du grand banditisme – les lois ont été faites
en ce sens –, on pourrait imaginer une forme de témoins anonymes. Il pourrait
s'agir de témoins protégés qui relèvent de sphères du droit pénal différentes avec
des révélations lourdes de conséquence et la protection de l'identité de la
personne. En outre, cela permet d'avoir une forme d'avis. Ainsi, la victime ne
reste pas dans l'inconnu. Le procureur du Roi pourra faire savoir que tout ce qui
est dit, sous réserve de faits plus récents, est prescrit. Il procèdera à des
vérifications, en tant que garant de la sécurité et de la légalité en Belgique. Si les
faits sont prescrits, l'intéressé saura, par exemple, qu'il y a une possibilité de
voie civile. Il sera également informé du fait qu'il existe aussi une voie
thérapeutique. Il sera alors invité à choisir son propre thérapeute. Autrement dit,
celui-ci ne lui sera pas imposé partant du principe que c'est absurde et inefficace.
Je crois véritablement qu'un problème se pose au niveau de la gestion des
dossiers de mœurs pas les parquets. Il se pose d'autant plus quand il est question
d'une relation abuseur masculin-victime féminine. En effet, avec la science
terrible de la victimologie, on a le sentiment que certaines victimes ont pu
provoquer la situation. On se retrouve parfois – et c'est horrible – face à des
jeunes filles qui sont enlevées, abusées, etc. Et puis, leurs parents viennent vous
voir et vous apprennent que l'on a dit au "bonhomme", qui a été identifié grâce à
sa plaque d'immatriculation, de rentrer chez lui et d'être prudent la prochaine
236
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
dans son adolescence? Mais ceci est un autre débat. Donc, le Dr Lievens est
quelqu'un pour qui, au départ, j'ai du respect de par les missions dans lesquelles
j'ai pu le voir à l'œuvre. Mais dans ce cas-ci, je me demande s'il n'est pas, lui,
tombé dans une forme de piège. J'en viens au fait qu'on n'écarte pas la personne.
Vous avez bien entendu, monsieur Deleuze. C'est la réalité. Il y avait une
demande de la part d'une victime, qui était d'au moins éviter qu'il y en ait
d'autres après lui. On lui a répondu: "bien sûr, on va le faire." On a retrouvé
l'abuseur avec une mission de curé auxiliaire, c'est-à-dire une sorte de curé
"intérim", qui faisait des remplacements. Un autre cas – une personne qui veut
rester aussi loin que possible des feux de l'actualité parce que tout cela la touche
dans sa vie personnelle – concerne un enfant de village. J'ai relu sa déposition ce
matin avant de me présenter devant vous. Il cite 10 autres enfants qui pourraient
être des victimes potentielles. En fait, le curé en question, qui est en aveux dans
la première affaire – il n'y a donc pas de problème de présomption d'innocence,
puisqu'il reconnaît dans le cadre d'une procédure interne à l'Église qu'il a fait ce
qu'il ne fallait pas faire -, avait installé une batterie de PlayStation, Gameboy,
etc., dans un petit village;il s'agissait du luna park local. Vous pouvez imaginer
que dans ce lieu, on ne faisait pas que jouer à des jeux vidéos – qui en soi sont
déjà nocifs -, mais qu'il se déroulait des choses bien pires. Et dans ce dossier qui
est toujours en attente à Namur, d'autres victimes pourraient peut-être être
identifiées à travers l'enquête, pour autant qu'elle ait été faite. En ce qui concerne
les problèmes de prescription, je suis d'accord avec vous que les choses ont été
améliorées en 2005 en permettant, pour une série d'infractions extrêmes d'aller
jusqu'à dix ans devant les juridictions correctionnelles. C'est un bien énorme; il
permet de ne pas changer le chiffre pour toute la délinquance classique. Au
niveau de l'application du principe de la responsabilité classique, donc l'article
1382, la non-assistance à personne en danger, il s'agit d'un délit très peu
sanctionné: le maximum possible est d'un an de prison. La peine a été
augmentée il y a quelques années dans un souci parlementaire de solidarité: on
est passé de six mois à un an. Cela fait encore très peu comme conséquence. Le
problème que je soulevais tout à l'heure, c'est que cette non-assistance, à mon
sens, est contemporaine des faits d'abus. Si, après, on vient raconter quelque
chose, je vois mal, même si c'est choquant moralement parce qu'on n'a rien fait,
comment considérer qu'il y a une véritable non-assistance à personne en danger.
Parce qu'il faut que le danger soit concomitant avec les abus. Cela veut dire que,
s'il y a déjà un risque majeur de prescription pour l'abuseur, il y a un risque pour
tous les gens qui auront saboté, ignoré ou laissé faire pendant toute une période.
Ce n'est pratiquement envisageable que si l'on a des faits relativement proches et
que ces faits permettent aussi à la fois d'identifier telle ou telle autorité – ou tel
membre de la famille si l'on sort du cercle de l'Église – et que des poursuites
puissent être concomitantes. La situation est plus compliquée au niveau des
aspects civils. Il faut savoir qu'au départ, la prescription civile d'une action
pénale était de 5 ans; cette prescription ne commençait à courir que quand
240
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
l'action pénale était terminée. Telle était la règle qu'on connaissait depuis
toujours. Vous avez donc un "sans suite" lorsque le procureur ne s'intéresse pas
au dossier; les 5 ans se mettent en route à partir de ce moment; ou pas d'affaire
pénale du tout: vous pouviez aller au civil. Au moment où le fait avait été
commis, il restait un délai de 5 ans. La Cour d'arbitrage, à l'époque, avait été
interpellée: ce n'était pas très normal que, parfois, pour des histoires banales de
la société, on puisse avoir des prescriptions trentenaires: on se plaint pendant 30
ans. Alors que, pour des faits généralement volontaires qui vous touchent bien
plus que des histoires de voisinage ou d'arbre, on n'a que 5 ans. La Cour
d'arbitrage a donc rendu plusieurs décisions considérant que la loi sur la
prescription civile découlant d'une infraction pénale était inconstitutionnelle
parce qu'elle créait une discrimination, selon les articles 10 et 11 de la
Constitution, entre des citoyens qui avaient une affaire civile classique (30 ans)
et des citoyens qui avaient une affaire civile découlant d'un fait pénal (5 ans). On
s'est donc retrouvés, pendant un certain moment, dans un flou. Et le législateur a
recréé une loi cohérente, en 1998, je crois. Il n'a pas été facile d'aboutir à cette
loi, parce qu'on avait tendance à laisser, dans tout ce qui concerne des atteintes
personnelles, des prescriptions plus ou moins longues. Mais il y avait, à
l'époque, des pressions de la part des lobbies des assurances, parce que derrière
tout cela, il y avait le contentieux des victimes d'accidents de roulage, c'est-à-
dire beaucoup d'argent à la clé. Ces dernières voulaient qu'on n'étende pas trop
les délais de prescription. On a donc créé la possibilité de se déclarer plus tard,
si on découvre une conséquence ou une faute médicale ou quoi que ce soit,
longtemps après une opération, par exemple. Et dans ce cas, la prescription
commence à courir plus tard. Donc, maintenant, c'est précis. Il y a une loi qui
s'impose. Elle pourrait être améliorée, notamment sur le plan de ce qui nous
intéresse aujourd'hui. Mais à côté de cela, il y a une période intermédiaire. Il
s'agit des dossiers qui n'ont pas été clôturés définitivement jusqu'à la loi de 1998.
Pour ces dossiers-là, à mon sens, comme il n'y avait pas de nouvelle loi – le
tribunal d'Arlon m'a suivi dans cet argument -, la prescription trentenaire
s'appliquait. La nouvelle loi ne pouvait en effet pas rétroagir. Par conséquent, les
victimes – elles ne sont pas très nombreuses, mais il y en a quand même
quelques-unes – pourraient se retrouver dans une procédure civile devant une
juridiction, un tribunal de première instance quelconque, à demander réparation,
à faire reconnaître symboliquement qu'elles sont victimes – ce qui, pour elles,
est essentiel – et, le cas échéant, à se faire indemniser de manière compensatoire
en fonction de ce que dirait une expertise médicale des séquelles qu'elles
subissent. Je pense avoir fait le tour des questions qui m'ont été posées.
Pierre Chomé: 16 %.
241
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
La présidente: … Oui, 16 % de …
Pierre Chomé: Non. Il y a deux aspects: d'un côté, l'aspect prêtre qui, lui, nous
fait des propositions qui ne sont même pas dignes, selon moi, du règlement d'un
accident de roulage sans conséquences réelles. Je n'ose presque pas dire à M.
Devillet ce qu'il propose, parce que je trouve cela injurieux par rapport à des
barèmes qui ne sont pas issus de mon imagination, mais qui sont des barèmes
indicatifs que les juges de Belgique ont mis au point et qui nous donnent une
fourchette de discussion en négociations. Et, d'un autre côté, il y a une
interpellation à l'égard de Mgr Léonard, qui, pour moi, a été la suite de ce qu'il a
raconté, à savoir que les victimes seraient aidées dans leurs souffrances, c'est-à-
dire dans leur thérapie. Et la réponse est qu'on attend de voir ce qui va se passer
avec l'abuseur à Arlon et de revenir vers lui plus tard si nécessaire. Rien de plus.
entrouvertes mais où on ne m'a pas fait entrer". S'il y avait eu une institution
d'accueil de personnes qui se sentaient victimes de ces faits, qui avaient
l'intention de prendre des informations, qui avaient l'intention d'expliquer ce qui
leur était arrivé et de demander des références, un conseil, un guide, je crois que,
naturellement, la justice aurait pu bien mieux faire son travail parce que,
inévitablement, une partie considérable des dossiers ainsi évoqués par cette
commission lui aurait été déférée. Par quelle voie et sur quels critères? Tout cela
est un travail d'étude et de discussion. Il va de soi que les dossiers ne sont pas
uniformes. Un dossier d'abuseur n'est pas le dossier de l'autre abuseur. Tous les
abuseurs ne sont pas des abuseurs à victimes multiples. Un certain nombre de
critères auraient bien évidemment permis à cette commission de renvoyer
presque automatiquement, si certains critères étaient réunis, le dossier vers
l'intervention judiciaire. On peut l'imaginer dans certains cas, tout en laissant à
une victime majeure, à une victime qui est informée, à une victime qui a la
parfaite conscience de son préjudice et de la mesure qu'elle souhaite voir
prendre, une intervention dans l'orientation du dossier. Imaginons être en
présence d'une victime parfaitement instruite et informée, d'une personne dont il
est acquis qu'elle a été abuseur, mais que c'est un abus non classé parmi les abus
les plus graves, qui ne s'est jamais produit avec d'autres et que c'est un cas
unique; je pense qu'on peut ne pas nécessairement compromettre les intérêts de
la société en traitant ce cas d'une manière différente de celui d'un récidiviste
récurrent, qui multiplie les cibles, les proies et la recherche de la chair fraîche.
On s'est également interrogé sur la passivité des parquets. En effet, ils auraient
dus être informés, puisque les victimes finissaient par s'exprimer. Je vous
répondrai en me basant sur une expérience professionnelle propre à tous les
avocats amenés à s'intéresser à cette matière. En ce qui concerne l'audition des
victimes, on a effectivement fait des progrès tout à fait considérables, tout
d'abord en évitant de multiplier les auditions. Donc, on procède à une audition
filmée censée servir aux enquêteurs, à l'expert inévitablement désigné, l'expert
psychologique ou l'expert pédopsychiatrique, pour déterminer, par exemple, la
crédibilité du discours de l'enfant, de la victime. Elle servira, le cas échéant, au
tribunal correctionnel lorsqu'il aura à juger. Donc, une seule audition, qui évite
que l'enfant ne soit amené devant différents interrogateurs et ne revive la même
souffrance. Ces auditions filmées, nous les voyons. Et je puis vous porter
témoignage de ce que ce sont des moments très difficiles à vivre, car la parole de
la personne, de l'enfant, du mineur entendu est une parole noyée dans les
sanglots, accompagnée de tremblements par le seul fait de l'évocation de ce qui
s'est passé. Si une victime arrive à ce stade de la démarche judiciaire où des
enquêteurs spécialisés, qui ont reçu une formation particulière pour procéder à
ces auditions, l'auditionnent, je vous demande de considérer la difficulté pour
cette personne, d'initiative, d'aller dans un commissariat de police ou dans un
service judiciaire expliquer ce qui lui arrive. Déjà quand elle est dans le
processus judiciaire, c'est une telle difficulté – et on la voit sous les yeux – de
243
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
s'exprimer et d'évoquer cette souffrance qui a été épouvantable, qui pèse sur son
discours, qui pèse sur le choix de ses mots; qu'on s'imagine la difficulté d'un
enfant, d'un jeune qui est seul chez lui, avec des parents à qui il ne veut pas
parler parce que l'un des deux est un abuseur ou des parents à qui il n'ose pas
parler de ce qui lui est arrivé lors du cours de catéchisme, la difficulté pour cet
enfant de 15 ans, par exemple, de vaincre cette résistance, cette inertie et de dire:
"Je vais m'expliquer droit dans les yeux avec un commissaire de police". C'est
bien ce qu'il faut souhaiter qu'il arrivât, mais, malheureusement, les choses ne
sont pas comme ça, la nature humaine n'est pas comme ça: l'enfant, avec ses
moyens de défense, n'est pas comme ça. Il y a des pas qu'on ne peut pas
facilement demander à un enfant de franchir: parfois, on ne peut pas demander à
un adulte de le faire. On le constate. Enfin, je voudrais dire, à la décharge de
mes concitoyens, que je ne pense pas que Namur soit une terre particulièrement
exposée à la déviance sexuelle et aux manifestations multiples de paraphilie. Le
tribunal de première instance de Namur (ce n'est pas un secret) est installé dans
un fort beau bâtiment qui est l'ancien évêché de Namur et il reste peut-être des
fantômes, des fumigations… L'essentiel de ce qui a attiré dans notre propos
l'attention sur Namur, c'est que l'un des adversaires du client de Me Chomé,
l'évêque Léonard, a été évêque de Namur pendant plusieurs années et a
certainement marqué les esprits, non seulement de son clergé, mais aussi de ces
gens qu'il rencontrait à l'occasion des inévitables mondanités administratives et
politiques par la force de son caractère et l'impérativité de sa présence.
La présidente: Nous n'avons pas stigmatisé les Namurois, bien entendu! Nous
parlons d'un rapprochement entre une magistrature et une autorité ecclésiastique.
Jean-Pierre Lothe: Sur le dernier point, je rejoins tout à fait Me Chomé. Je n'ai
pas vu de la part des procureurs généraux une déclaration de guerre totale aux
abus sexuels. Si c'était le cas, cela se saurait! Comme cela s'est su pour la
violence intrafamiliale, zéro degré de tolérance; comme cela s'est vu pour les
trafics d'êtres humains où on a été très loin. Parfois, il est bon d'aller loin car
cela permet de nettoyer un certain nombre d'écuries mais ici, jusqu'à nouvel
ordre, en matière d'abus sexuels, on a l'impression, notamment dans le contexte
qui a institué votre commission, que les parquets se réveillent. Nous allons
suivre les affaires namuroises. Je vais suivre une affaire qui est à l'heure actuelle
à Neufchâteau et je verrai bien si l'on traite le dossier avec la célérité qui
convient compte tenu de l'effervescence utile, indispensable, qui accompagne
ces révélations et qui nous sidère.
page. Vu du côté judiciaire, ce séisme, que vous avez tous plus ou moins bien
connu, a provoqué une forme d'électrochoc: les juges se sont remis en question.
Comme il y avait des victimes qui attendaient parfois pendant des heures car les
juges ne savaient pas qu'elles étaient victimes, ils ont décidé de s'intéresser à ces
citoyens meurtris dans leur chair ou dans leur morale. J'ai vu une véritable
métamorphose des juges pendant tout un temps. Ensuite, on a assisté à des
phénomènes très impressionnants comme les 300 000 personnes dans la rue, etc.
J'ai eu le sentiment que le monde judiciaire considérait alors que le peuple
déraillait, qu'il devenait fou, et qu'il devait se retirer dans sa tour d'ivoire, fermer
le plus grand nombre de portes possible et recommencer comme avant. Ce
rendez-vous, qui pour moi était magique, d'une justice plus humaine et plus
interactive entre les victimes, les magistrats et parfois même des rapprochements
avec des auteurs, a été manqué. Il ne faut pas minimiser le côté de la médiation
pénale. Je vois parfois des choses extraordinaires. J'ai vu récemment une
personne qui a rencontré celle qui l'avait mitraillée il y a des années; elle ne
savait pas qui c'était et avait affirmé que si on lui présentait son agresseur, elle
lui tirerait une balle dans la tête. Le fait de connaître les raisons de l'agression a
été salutaire pour la victime. Elle savait ce qui lui était arrivé et ils sont partis en
se serrant la main. C'était au départ quelque chose d'absurde. Dans des histoires
aussi troubles et aussi sensibles que les histoires de mœurs où il y a eu chez des
abusés des sentiments, qu'ils n'ont pas compris tout de suite que ces sentiments
étaient trahis et avilis, peut-être y a-t-il une voie parallèle à suivre, voie pourtant
judiciaire, la médiation, qui pourrait aboutir à de très bons résultats. Pour
conclure ma réponse, vous m'aviez demandé si la police est mal préparée ou si
elle était de mauvaise volonté et je vous dirai qu'elle est de mauvaise volonté.
C'est clair et désespérant: elle est de mauvaise volonté. Et en milieu moins
urbanisé, s'y ajoute la proximité avec les auteurs présumés. Cela ne se fait pas
d'aller embêter le curé du coin avec qui on sympathise. Avec quelque chose de
plus spécialisé et un peu plus de distance, peut-être qu'on éviterait ce genre
d'écueil. Comme le disait Me Lothe, cela veut dire que plein de gens sont allés
jusqu'au commissariat et qu'ils ont été si mal accueillis qu'ils se disent qu'on ne
les y verra plus jamais D'une part, ces personnes n'arriveront pas à établir leur
souffrance et, d'autre part, il existe ce risque majeur qu'on a souligné tout à
l'heure, le risque de récidive si on ne dénonce pas les faits à temps.
245
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Audition de:
– Mgr. André-Joseph Léonard, président de la Conférence des Évêques
de Belgique
La présidente: Messieurs les journalistes, je pense que vous avez une collection
de photos pour l'année! Je vais demander que chacun reprenne sa place. Nous
allons commencer nos travaux. Au nom de la commission, je remercie Mgr
Léonard de sa présence pour cette audition. Je serai très brève. Il y aura
sûrement deux parties, puisque vous avez d'abord été évêque de Namur pendant
près de vingt ans, et il y aura certainement une série de questions par rapport à
ce que vous avez fait lorsque vous étiez en fonction quant à la problématique des
abus sexuels au sein de l'Église. Et puis, bien entendu, vous êtes aujourd'hui
archevêque. On nous a bien expliqué que c'était un titre honorifique, mais quand
même… Il y aura aussi sans doute des questions sur votre rôle dans la
Conférence épiscopale et en rapport avec ce que vous aimeriez voir à l'ordre du
jour relativement à cette problématique des abus sexuels. Je ne serai pas plus
longue et vais immédiatement vous céder la parole.
246
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Je rappelle que cette commission avait pour but de recevoir les plaintes des
victimes, de leur rappeler la possibilité prioritaire du recours à la justice civile et
de donner un avis compétent et éclairé aux évêques et aux supérieurs religieux
afin que ceux-ci traitent ces douloureuses situations de manière adéquate.
J’ai également reçu quelques lettres se plaignant de faits anciens, une bonne
dizaine environ. La plupart concernaient des prêtres appartenant à d’autres
diocèses ou des religieux. J’ai donc transmis ces lettres aux évêques ou
supérieurs religieux concernés et ai recommandé aux plaignants de s’adresser à
eux. J’en ai exceptionnellement reçu l’un ou l’autre, lorsque la souffrance vécue
me semblait devoir être immédiatement entendue et honorée au-delà des
circonscriptions ecclésiastiques mais en renvoyant toujours aux autorités
concernées, celles de la justice d’abord, celles du diocèse ou de la congrégation
concernés ensuite.
Dans ce dernier cas, qui fut traité par la justice, j'essaie, à la demande de la
victime, de clarifier la situation actuelle de ce prêtre avec l'évêque étranger
concerné.
Des deux prêtres du diocèse, l'un est décédé. Dans l'un et l'autre cas, j'ai renvoyé
ces personnes auprès de la justice civile, ce dont elles ne veulent pas en raison
de l'ancienneté des faits et parce que ce qui compte pour elles, c'est d'être enfin
entendues et crues. Je note qu'aucune ne souhaitait un quelconque
dédommagement, constat fait également par la commission Adriaenssens dans la
majorité des cas qu'elle a traités. C'est d'une reconnaissance morale que ces
248
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
personnes me disaient avoir besoin. Elles ont été soulagées d'avoir enfin été
entendues.
L'une d'entre elles m'a demandé de bien vouloir rencontrer le prêtre abuseur afin
qu'il reconnaisse devant moi son forfait. Il s'agissait d'un prêtre fort âgé,
gravement malade, mais avec des moments de lucidité suffisants pour supporter
une telle conversation. C'est une rencontre qui m'a bouleversé profondément car
ce prêtre m'a dit: "Je n'ai jamais parlé de cela à personne mais je suis heureux de
pouvoir, avant de mourir, reconnaître enfin devant vous ce chapitre noir de ma
vie". Sur quoi je lui ai demandé s'il était disposé à recevoir la victime pour
reconnaître devant elle son forfait. Il a acquiescé. J'ai donc repris contact avec la
victime, laquelle a été très heureuse de cette ouverture. Après quelque temps,
elle est allée rencontrer ce prêtre, qui a reconnu les faits, mais n’est pas allé
assez loin, nous semble-t-il, dans cette reconnaissance et a trop vite interprété la
rencontre comme une réconciliation.
J’espère revoir ce prêtre prochainement et pouvoir l’inciter à aller plus loin dans
l’aveu de son forfait en présence de la victime. C’est à cette situation que je
pensais lors d’une interview qui, tirée de son contexte, a choqué, de manière
bien compréhensible, un certain nombre de téléspectateurs. J’avais
préalablement rappelé qu’en toutes circonstances il convient de s’adresser à la
justice.
Mais que faire lorsque je suis mis au courant des faits alors que la justice les a
déclarés prescrits ou quand les victimes refusent obstinément d'y recourir?
L'Église peut alors infliger des sanctions aux abuseurs. Mais, sauf les mesures
immédiates qui peuvent s'imposer à titre de précaution, l'évêque ne peut infliger
de sanction canonique qu'après avoir soumis le cas à Rome, laquelle tient ainsi à
s'assurer que les mesures nécessaires et les sanctions adéquates seront prises.
Dans un cas comme celui que j'ai évoqué, je me pose sincèrement la question:
qu'est-ce qui est le plus juste à l'égard de la victime et à l'égard du prêtre? Est-ce,
par exemple, qu'on lui interdise publiquement de concélébrer à la messe célébrée
dans sa maison de repos? Ou est-ce qu'avant de mourir, il reconnaisse enfin son
crime devant sa victime?
Je ne suis pas sûr de la réponse, mais j'incline à penser que, dans un cas comme
celui que j'ai évoqué, ce qui s'est passé lors de ces rencontres poignantes était
plus profondément humain pour toutes les parties concernées. Il ne s'agissait
donc en aucune manière de suggérer que le jugement de la justice civile soit
épargné, par principe, au prêtre pédophile âgé ou malade, ce qui n'aurait aucun
sens.
249
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Devenu évêque en 1991, je me suis dit d'emblée que je devais, dans des cas de
ce genre, jouer la carte de la transparence et me préoccuper davantage de
l'honneur des victimes que de celui des abuseurs, en évitant des stratégies de
camouflage, parfois utilisées dans le passé.
C'est ainsi, qu'avec l'aide de mon vicaire épiscopal pour les affaires juridiques, je
suis intervenu de manière énergique dans le cas d'un prêtre ayant commis des
faits atroces et avérés mais qu'en l'attente prolongée de son jugement, le tribunal
laissait paisiblement rejoindre sa paroisse et se pavaner devant ses paroissiens y
compris sa victime.
J'ai donc lancé la lourde procédure canonique qui permet de retirer à un prêtre sa
mission de curé. Au terme de cette procédure, nous avons pu demander à la
commune d'exiger le départ de ce prêtre d'une cure, d'un presbytère qu'il
occupait désormais abusivement.
Outre ce cas gravissime, j’ai été confronté, comme évêque de Namur, à sept
autres cas de délits commis par des membres du clergé diocésain. J’ai été mis au
courant de cinq de ces cas parce que la justice, à travers la police parfois, nous
en a avertis. Quand le jugement a été rendu, nous nous en sommes strictement
tenus aux mesures de prudence, de probation et d’accompagnement décidées par
la justice.
Je note cependant les difficultés auxquelles j’ai été confronté dans les autres cas.
Comme nous n’avons pas ici à traiter de situations particulières, et ce d’autant
plus que des procédures judiciaires sont toujours en cours, je mêle délibérément
les données concrètes de ces diverses situations et m’exprime en général car il
s’agit de situations qui peuvent se présenter en d’autres circonstances.
250
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
intérêt, d’un point de vue égoïste, à ce qu’elle aboutisse à une sanction grave car
le prêtre concerné est un opposant notoire qui lui mène la vie dure.
Je veux indiquer par là que, dans certaines situations complexes et pendant que
la justice civile suit son cours, il faut parfois procéder avec prudence et n’arriver
que progressivement à la décision, par exemple, de retirer toute charge pastorale
à un prévenu.
Nous serons aussi plus attentifs que jamais à l’équilibre affectif des personnes
qui se destinent à devenir prêtre et veillerons plus que dans le passé à
l’accompagnement personnel des prêtres dans leur vie sacerdotale.
serait tout aussi souhaitable, dans la mesure du possible, puisque nous savons
que la majorité des abus ont lieu dans le cadre de la famille.
La question souvent posée d’une indemnisation des victimes est fort complexe,
sauf dans le cas où elle concerne l’abuseur lui-même ou le responsable
ecclésiastique qui n’aurait pris aucune mesure pour empêcher la récidive de faits
avérés.
J’espère de tout cœur que l’audition de tous les évêques de Belgique aidera la
commission spéciale à se faire une idée adéquate de la manière dont l’Église
catholique de ce pays a assumé et assume ses responsabilités en ce domaine. Je
souhaite également que ce travail puisse inspirer les modalités selon lesquelles
la même douloureuse question sera abordée dans les autres secteurs de la vie
sociale.
Sophie De Wit: Monseigneur, ik dank u voor uw komst naar deze commissie. Ik heb
twee vragen. Gisteren heeft Monseigneur Danneels hier duidelijk gesteld dat er binnen
de bisschoppenconferentie een grote discussie aan de gang was over de burgerlijke
aansprakelijkheid. U raakte dat daarnet ook even aan. Hij heeft daarbij gezegd, en dat
is volgens mij toch wel heel belangrijk, dat als er een beslissing moet worden genomen
over die morele of burgerlijke verantwoordelijkheid en de eventueel daaruit volgende
schadevergoeding, het belang van het slachtoffer moet primeren op het belang van de
organisatie en de structuur van de Kerk.
Bent u het daarmee eens en, bij uitbreiding, is de Conferentie het daarmee eens?
Mijn tweede vraag betreft een van de laatste zaken die u hebt gezegd. Het is eigenlijk
een vraag om verduidelijking. Ik weet immers niet zeker of ik het wel goed heb
252
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
begrepen. U zegt dat als er een klacht komt en men preventieve maatregelen moet
nemen ten aanzien van een priester die dergelijke feiten zou hebben gepleegd, moet
men voorzichtig zijn. De priester voor wie veel op het spel staat, zal zich immers
weren.
Als men zware preventieve sancties zou nemen, schendt men eventueel het vermoeden
van onschuld. Maar waar – en dat is dan mijn vraag, als ik u tenminste goed heb
begrepen – is daar dan het belang van het slachtoffer?
Hier, nous avons écouté votre prédécesseur. Je lui ai clairement posé la question
de savoir pourquoi il n'avait rien fait des informations qu'il avait recueillies ou
qu'on lui avait fournies sur des faits graves de pédophilie commis dans d'autres
évêchés que le sien. Il a répondu qu'il devait respecter les règles de son
institution.
Monsieur Léonard, je vais être plus claire. Quelles sont les règles de votre
institution qui obligent un évêque à se taire et à fermer les yeux sur des crimes
commis sur des enfants?
Lorsque vous étiez évêque de Namur, vous nous avez dit que vous aviez été
proactif dans tous les cas qui vous avaient été soumis. Or, nous avons clairement
entendu une série de témoignages de victimes et de leurs représentants. Maître
Chomé, notamment, nous a clairement expliqué que dans certaines affaires, dont
une en particulier qui est assez connue, il y avait eu de votre part une proposition
d'arrangement à l'amiable, portant à la fois sur l'indemnisation de la victime et
sur ce qui était demandé par la victime, à savoir le fait d'écarter le prêtre
abuseur. Malheureusement, cet engagement n'a pas été tenu, ni sur la
problématique de l'indemnisation, qui portait sur le remboursement de la
thérapie assez onéreuse, ni sur le principe d'écarter la victime. Les faits ont été
dévoilés au début des années '90 et on a dû attendre 2008 pour que l'abuseur ne
soit plus repris dans l'annuaire diocésain. Entre les années '90 et 2008, on lui
avait simplement attribué la fonction de prêtre auxiliaire, ce qui ne l'a pas écarté
d'autres victimes potentielles.
Maintenant, vous nous dites que vous allez appliquer une jurisprudence plus
claire. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait quand vous étiez évêque? Que pouvez-
253
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
vous me répondre concernant les faits évoqués par un avocat devant notre
commission?
U hebt een aantal zaken aangekondigd, maar hoe zult u omgaan met vergoedingen?
Welke procedures zullen worden gevolgd door alle bisschoppen op een gelijke manier?
Hoe zullen we aangifte doen in welke omstandigheden? Wanneer niet? Daar blijft u
heel vaag over. Dat had ik eigenlijk wel verwacht, vandaar twee heel concrete vragen,
monseigneur.
Ten eerste, indien slachtoffers u contacteren en u meedelen dat zij geen gehoor of
onvoldoende gehoor vinden bij de bisschop die bevoegd is in zijn bisdom, hoe zou u
dat aanpakken, u als kerkleider? Wij weten dat iedereen, elke bisschop, bevoegd is
voor zijn bisdom en dat u niet zomaar kan ingrijpen in een ander bisdom. Dat weten
we. Maar u als kerkleider, hoe zult u daarmee omgaan wanneer u dergelijke klachten
ontvangt? Zult u de klager gewoon doorsturen, terug naar het bisdom waar hij geen
gehoor heeft gevonden, of zult u andere initiatieven nemen? Dat zou ik heel graag van
u vernemen.
Dat hangt samen met de rol die u voor zichzelf ziet, als voorzitter van de
bisschoppenconferentie. Ziet u die rol als een loutere voorzitter, die een agenda
opmaakt, of ziet u zich ook als voortrekker, als degene die de Kerk zal leiden naar een
nieuw tijdperk, als de echte morele leider van de Kerk in België? Want een te passieve
houding als gewone voorzitter en degene die de agenda maakt, ik denk dat dat niet
meer van deze tijd is.
Tweede vraag, monseigneur, is de vraag die ik aan alle bisschoppen heb gesteld en die
ik ook aan u stel. Hebt u, nu als aartsbisschop of vroeger als bisschop van Namen,
contacten gehad met procureurs des Konings, met politiediensten, procureurs-generaal,
onderzoeksrechters, magistraten, over concrete dossiers? Meer bepaald na de
inbeslagname van de dossiers- Adriaenssens, hebt u na die inbeslagname contacten
gehad met Justitie, met het parketgeneraal?
254
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Cette position de primus inter pares, c'est-à-dire de premier entre ses pairs, est
une position qui vous donne une responsabilité supplémentaire d'impulsion,
comme vous le dites vous-même.
Dans ce contexte, nous avons entendu le cardinal Danneels qui a occupé cette
position avant vous. Selon lui, il faudrait que la Conférence épiscopale se
réunisse et mette au point un système d'organisation du financement des
indemnisations qui seraient sollicitées. Il a ajouté, du bout des lèvres, que cela
pouvait être envisagé pour les frais thérapeutiques. Il nous a même fait savoir
qu'il avait une petite idée sur la question. J'imagine que le cardinal Danneels
peut avoir des idées et que vous ne manquez pas d'idées non plus.
Dès lors, j'aimerais vous demander si vous avez une petite idée sur cette
question et si vous avez l'intention – après avoir lu et entendu ce qui s'est dit
dans cette enceinte depuis que nous entendons les évêques de Belgique –
d'impulser et de coordonner, au sein de la Conférence épiscopale, un système
d'indemnisation pour les victimes qui le souhaitent. Il n'a jamais été question
dans notre chef – je le dis et je le répète – de promouvoir une indemnisation des
victimes qui ne le souhaiteraient pas.
Nous savons pertinemment, par expérience, que les victimes demandent trois
choses. Premièrement, elles demandent à être cru – vous l'avez bien compris –
dans ce qu'elles racontent et dans ce qu'elles ont vécu. Autrement dit, elles
demandent à être reconnues. Cette reconnaissance va parfois, que vous le
vouliez ou non, même si cela vous paraît un peu désincarné parce que ceux qui
présenteraient leurs excuses ne sont a priori pas les abuseurs, jusqu'à demander
symboliquement des excuses de l'institution Église. Deuxièmement, elles
demandent parfois à être indemnisées. Mme Valérie Déom a cité le cas très
précis d'une victime de votre diocèse de Namur au sujet de laquelle un accord
avait été trouvé en termes de remboursement de frais thérapeutiques. Je rappelle
qu'un psychothérapeute avait été assigné à cette personne et qu'il réclamait, à
juste titre d'ailleurs, d'être rémunéré pour ses services.
Un tiers de cette rémunération devait être versée par l'évêché, un tiers par la
personne elle-même, la victime, et un tiers par l'auteur abuseur, qui avait
reconnu les faits. Malheureusement, cette promesse n'a pas été tenue.
255
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Deuxième question par rapport à ces faits. On a bien remarqué que le diocèse de
chaque évêque est son domaine de compétence. Au-delà du diocèse, c'est un peu
les terrae incognitae, c'est-à-dire qu'on ne sait pas ce qui se passe, on ne peut pas
le savoir et on envoie parfois des gens écartés de leur propre diocèse dans
d'autres diocèses sans se préoccuper de la façon dont ils se comportent ailleurs,
puisqu'ils ne sont pas connus ailleurs.
Cela fait penser à un comportement qui met en avant la discrétion. On peut faire
ce qu'on veut du moment que l'on reste discret. On peut faire ce qu'on veut, mais
jamais dans le diocèse; à l'extérieur du diocèse!
Je suis donc fortement interpellée par ce que vous avez dit au sujet du suivi à
l'égard des prêtres abuseurs, ceux dont vous avez traité les dossiers dans votre
compétence d'évêque au sein de votre diocèse, en prenant la responsabilité d'une
procédure canonique qui ne relève pas uniquement de Rome, comme vous l'avez
dit vous-même: vous pouvez prendre cette mesure et introduire une procédure.
J'aimerais donc savoir comment vous assurez le suivi préventif, avant qu'une
sanction ne tombe, et le suivi après la sanction pour qu'un prêtre abuseur ou
fortement suspecté de l'être, ou qui est en aveu d'abus à l'égard de sa victime,
soit écarté définitivement, dans votre diocèse ou ailleurs dans un autre diocèse,
des victimes potentielles qu'il pourrait encore faire.
Ik wil echter toch enkele suggesties doen en uw ideeën horen over een aantal zaken die
wij als wetgevende macht zouden kunnen doen om dit soort zaken in de toekomst te
vermijden. Ik meen dat dit ook uw betrachting is. Het is niet aan ons om u lesjes te
geven. Dat denk ik niet. Er werden hier heel veel goede suggesties gedaan. Men blijft
dat ook nog vandaag doen. U zult daar akte van nemen, maar dat is uw
verantwoordelijkheid binnen de Kerk. Ik denk dat wij als commissieleden moeten
256
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
nadenken over hoe wij wetgevende initiatieven kunnen nemen om een aantal zaken te
verbeteren.
Twee zaken in wat u hier vandaag zelf hebt verteld, hebben mij tegen de borst
gestoten, monseigneur.
Ten eerste, ik heb goed begrepen dat de Kerk verder een rol zal spelen door naar de
slachtoffers te luisteren. Dat hebt u gezegd. Er zouden daarvoor intern, binnen de
Kerk, bepaalde regels, een deontologie of een bepaald vademecum geschreven
worden. Ik denk dat dit onvermijdelijk is. Als iemand zich meldt voor een gesprek, dan
zult u daarop ingaan, maar ik denk dat wij dan opnieuw stoten op de kritiek die ten
grondslag aan de deze commissie heeft gelegen, namelijk het parallelle circuit.
Concreet is mijn vraag aan u wat u vindt van de meldingsplicht naar Frans recht. Zo
kunnen wij vermijden dat wij opnieuw in hetzelfde bedje ziek worden. De hele
commissie heeft al verwijten gemaakt over het parallelle systeem. Op dat ogenblik zou
iedereen, eender wie, ook een bisschop of een priester, die met een slachtoffer
geconfronteerd wordt die meldingsplicht hebben, waardoor wij zouden vermijden dat
in de toekomst dat soort zaken intern kerkelijk blijft. Dat is in de commissie altijd de
grote kritiek ten opzichte van de Kerk geweest. Zou die meldingsplicht niet een goede
stap vooruit zijn?
Ten tweede, diezelfde meldingsplicht zou misschien ook bij het volgende probleem
helpen. U hebt gezegd dat het binnen de Kerk vaak moeilijk is om disciplinaire
maatregelen te nemen, omwille van persoonlijke verhoudingen en door de situatie en
het feit dat men te zware disciplinaire maatregelen zou kunnen nemen en dat priesters
eventueel daarmee verder zouden gaan. Dat stoot mij heel erg tegen de borst, want ik
kan mij voorstellen dat de slachtoffers die dat hier net hebben gehoord, van mening
zijn dat zij veel belangrijker zijn dan de priester en het gevaar dat men tegen hem een
te zware maatregel zou nemen.
Persoonlijk vind ik dat een priester geschorst moet worden, zodra hij in aanraking
komt of verdacht wordt van pedofiele zaken. Nu ben ik mij echter weer aan het
begeven naar een punt waarnaar ik mij niet wilde begeven, namelijk het zich bemoeien
met de interne kerkelijke regels. Daarmee wil ik mij niet bemoeien. Zou in zo’n geval,
als de Kerk, zoals u hebt gezegd, problemen heeft om disciplinair op te treden en als
men niet weet hoe ver men kan gaan of het gevaar loopt om door het kerkelijk recht
teruggefloten te worden, de meldingsplicht per definitie niet het middel zijn om die
feiten te melden, waardoor de gerechtelijke instanties, aan de hand van
probatiemaatregelen of eender wat, kunnen opleggen wat er met die priester moet
gebeuren? Ook dan is het niet meer het probleem van de Kerk, maar het probleem van
het profane recht.
Dat zijn een aantal zaken die wij hier in de commissie moeten doen. Wij moeten ons
misschien niet bemoeien met wat u intern kerkelijk doet. Daarover heeft iedereen zijn
gedacht, ik ook, daarover ga ik niet uitweiden.
257
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Hoe kunnen wij hier in deze commissie echter zoeken naar wetgevende initiatieven
van profaan recht die voorkomen dat u terug in de problemen komt met betrekking tot,
ten eerste, welke disciplinaire maatregelen en, ten tweede, het gevaar dat er terug
hoorzittingen, verhoren of bepaalde gesprekken gaan zijn binnen de Kerk waardoor
naderhand weer het verwijt kan gemaakt worden, terecht trouwens, dat men het niet
aan het gerecht heeft doorgegeven?
Globalement, vous avez apporté deux types de réponses. Un premier volet très
intéressant concerne la formation des futurs prêtres, des séminaristes et des
équipes pastorales. Manifestement, il y a là un effort considérable à réaliser.
Vous avez parlé de "l'équilibre affectif". Il faut, selon moi, aller au-delà de cette
seule considération de l'équilibre affectif. Hier, le cardinal Danneels nous a parlé
de la solitude des prêtres. Le mot "solitude" est peut-être plus adéquat que celui
lié souvent à la notion de célibat. À un moment donné, le prêtre se sent seul, ce
qui peut l'amener à commettre des actes répréhensibles. Le prêtre se sent aussi
parfois seul au moment où les autorités ecclésiastiques prennent une décision,
une forme de sanction, quelle qu'elle soit. Avoir davantage de collégialité dans la
manière de travailler, de gérer et de réfléchir au sein de l'Église serait
probablement une excellente chose. Former les futurs prêtres ou ceux qui sont
chargés d'intervenir dans le cadre de relations pastorales à la gestion de ce type
de situation est aussi essentiel.
Le deuxième volet de vos propos pour l'avenir tournait autour de ce qui est
récurrent au sein de notre commission. C'est le problème de l'indemnisation. J'ai
le sentiment, alors que l'on vous attend ainsi que l'Église catholique sur ce point,
que vous venez d'opérer un transfert de responsabilités. Vous dites que c'est le
travail de notre commission que de dire ce qu'il devra en être demain sur ce
volet, étant entendu que, lorsqu'un abuseur est condamné par la justice, force
reste à la décision judiciaire. Toutefois, vous omettez un point et ce fut
systématique lors de toutes les auditions des évêques jusqu'à aujourd'hui. Il en
est de même pour ce qui vous concerne. En votre qualité de président de la
Conférence épiscopale, je m'attendais peut-être à ce que vous alliez au-delà de
ce qu'on a entendu jusqu'à présent. Il faut prendre en compte la souffrance et
donc la réparation nécessaire pour toutes les victimes abusées par des prêtres
258
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
qui, soit sont décédés, soit pour lesquels les affaires sont prescrites et il n'y a pas
d'issue judiciaire. La réponse que vous nous apportez est une réponse
essentiellement juridique.
Les enseignements du passé vous font dire qu'il n'appartient plus vraiment à
l'Église de s'occuper de ce genre de choses, que c'est à la justice civile
d'intervenir, que c'est la commission spéciale qui doit préciser les formules pour
demain. Ne croyez-vous pas que la responsabilité de l'institution que vous
présidez en Belgique n'est pas seulement juridique mais aussi pastorale? Elle est
morale. On ne vous sent pas prêt à franchir ce pas, pas plus que les autres
évêques.
Votre réponse me paraît dès lors incomplète. En tant que chrétien et comme
beaucoup de chrétiens qui s'interrogent, je suis demandeur d'une réponse de
l'Église qui aille au-delà de vos propos d'aujourd'hui et de ceux que nous avons
entendus hier et avant-hier de la part des évêques. L'Église se grandirait en
reconnaissant cette responsabilité morale dont nous avons déjà régulièrement
parlé et en acceptant d'intervenir dans la réparation financière car c'est aussi une
voie importante de la reconnaissance de la souffrance et la reconstruction des
victimes.
Wat met die situaties waar een burgerlijke rechtbank een vonnis heeft geveld, de dader
is veroordeeld, de schade is begroot, vastgesteld en de priester in kwestie niet kan
betalen?
Wij weten dat de Kerk bereid is om de dader verder onderhoud te bieden. De kosten
van levensonderhoud worden op het ogenblik van intrede van de priester in kwestie
ten laste genomen en gehouden door de Kerk, ook nadien.
Monseigneur, wat met de solidariteit ten aanzien van de slachtoffers? Is de Kerk bereid
om evenveel solidariteit te betonen voor slachtoffers van seksueel misbruik dan voor
de dader van seksueel misbruik?
Wij hebben hierover met aantal van uw collegabisschoppen van gedachten gewisseld.
Er is ook voorzichtig een weg geopend naar een eventuele minnelijke regeling van
schade en het minnelijk vaststellen van een eventuele schadevergoeding om de
slachtoffers te behoeden voor opnieuw een lange weg van strijd met Justitie en de
Kerk aan te gaan.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Denkt u dat in de gevallen waar de schuld niet wordt opgeheven door een
procedurefout, waar de schuld en de verantwoordelijkheid niet zijn weggenomen met
het jarenlang talmen van degenen die verantwoordelijkheid hadden, ook op basis van
een morele verantwoordelijkheid die de Kerk in deze dan toch heeft, men zijn
verantwoordelijkheid ten volle draagt en ook in die gevallen de slachtoffers zou
vergoeden?
Dat is een dubbele vraag. Solidariteit met de slachtoffers. Is men bereid om in die
gevallen waar de schuld vaststaat toch wat meer te doen dan wat in rechten kan
worden afgedwongen? Wil men zijn verantwoordelijkheid nemen?
Ten tweede, monseigneur, hebt u verwezen naar uw pastorale brief van mei. U hebt
gezegd dat de Kerk in het verleden – u schrijft dat ook letterlijk – op een
onzorgvuldige wijze de dossiers in verband met pedofilie heeft behandeld. Inmiddels
is er heel wat gewijzigd, ook met betrekking tot de wijze waarop Rome of de paus u
instructies heeft gegeven over de afhandeling van seksueel misbruik. Er zijn enerzijds
de canonieke regels. Als ik het niet verkeerd voorheb, hebt u de instructie om in alle
dossiers van seksueel misbruik het dossier ten minste aanhangig te maken bij de
Congregatie voor de Geloofsleer. Toen ik u daarstraks heb gehoord, volgt u vandaag
nog steeds uw eigen canonieke regelgeving niet, want u stuurt niet in alle gevallen het
dossier door aan de Congregatie voor de Geloofsleer. Dat gebeurt ook vandaag niet,
nadat u die mooie woorden hebt gesproken, schuld hebt bekend en hebt aangegeven
dat het de Kerk vandaag menens is en dat het gedaan zou zijn met de doofpotoperaties.
Als we op die manier verder gaan, dan heb ik daar toch wel vragen bij. Kunt u daar
nadere toelichting bij geven?
Een tweede werkwijze. Ten eerste hebben we het canonieke recht maar daarnaast is er
ook het burgerlijk recht. Als ik niet verkeerd ben ingelicht, dan is er vanuit het
Vaticaan ook de instructie gekomen dat de Kerk heden haar volle medewerking dient
te verlenen aan de Justitie en in alle dossiers aangifte moet doen en de feiten moet
overleggen aan de Justitie. U zegt dat u in bepaalde dossiers een naam hebt, maar een
naam alleen volstaat voor mij niet. Wat belet u om een onderzoek van de feiten te
doen, de priester in kwestie bij u te roepen en eens te peilen naar de waarachtigheid
van de feiten die u ter kennis zijn gebracht en daar desgevallend het gepaste gevolg
aan te geven, zowel canoniek als burgerrechtelijk? U kunt dan ook het dossier
overleggen aan de Justitie, want ook daar hebt u als burger een plicht.
l'éventuelle mise sur pied d'un troisième lieu d'écoute par le biais d'une troisième
commission au sein de l'Église, j'ai pu lire que, le 14 septembre, vous aviez
déclaré qu'avant Noël, un nouveau centre d'écoute serait ouvert. Le 14
septembre, c'est bien sûr après les perquisitions de juin dont vous aviez dit
qu'elles avaient anéanti le travail de la commission Adriaenssens. Donc, cet
élément-là était déjà intégré dans votre proposition. Et puis, un mois après, vous
avez changé d'avis. Pourriez-vous nous dire quels sont les éléments qui vous ont
fait changer d'avis? Pourquoi avez-vous décidé qu'il n'était plus opportun
d'ouvrir un centre au sein de l'Église catholique?
Dès lors, ne pensez-vous pas que l'Église devrait apporter des réponses
systémiques, globales, coordonnées, malgré la division en huit territoires, à ce
phénomène? Que ce soit l'indemnisation, l'isolement des abuseurs présumés –
dont certains nient, bien entendu, et peut-être qu'on verra pour certains que ce
n'était pas le cas, avec des faits prescrits, etc.? Ne pensez-vous pas que, pour la
société belge, il serait important de percevoir que l'institution apporte des
réponses globales et systémiques, malgré les difficultés dues au droit canonique
et au partage du territoire en huit îlots, d'une certaine manière?
Renaat Landuyt: Monseigneur, ik heb twee vragen. Ik probeer met mijn eerste
vraag beter te begrijpen wat u bedoelt met uw uitspraak dat de Kerk in het verleden
een soort “manque de rigueur” had. In het verdere verloop van uw exposé had ik
immers de indruk dat u in ieder geval altijd al streng bent geweest, terwijl de anderen
misschien die “manque” hadden.
261
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
verband met de gepensioneerde priesters, waarop wij geen wraak mogen nemen en
waarvoor wij enig begrip moeten hebben, uit haar context werd gehaald. U hebt de
context gegeven. Desondanks zit u met enige twijfel.
Ik meen mij te herinneren dat de functie van priester voor gelovigen een belangrijke
functie is. De priester is met enige overdrijving het gezicht van God, de leidsman van
de Kerk of van zijn kleine parochie. In het verleden is altijd aanvaard dat een priester
seksuele misdrijven kan plegen, maar toch priester kan blijven. Is het signaal aan de
gelovigen dat zij begrip moeten hebben voor het feit dat zij die het gezicht van God
zijn, dergelijke feiten mogen hebben gepleegd, een signaal dat u ook in de toekomst
zult handhaven? Ten slotte, mijn tweede vraag houdt verband met de praktische
uitwerking van een beter beleid in de toekomst. Mijn vraag komt er ook naar
aanleiding van de opmerking dat de canonieke procedures de burgerlijke procedures
niet mogen verstoren. Hebt u op dat vlak als voorzitter van de bisschoppenconferentie
of in eigen naam met mensen van het parket-generaal in Brussel contacten gehad naar
aanleiding van wat aan beslagnames bezig is? Hebt u met die personen contact
genomen, contact gehad of afspraken voor de toekomst gemaakt over de manier
waarop beide instellingen – gerecht en Kerk – een en ander beter zouden kunnen
aanpakken?
Daniel Bacquelaine: Monseigneur, j'ai été heurté par un propos que vous aviez
déjà tenu précédemment. Vous récidivez donc aujourd'hui, si je puis me
permettre: vous dites regretter les perquisitions de la commission Adriaenssens.
D'une part, vous nous dites que la commission Adriaenssens était parfaitement
indépendante et, de l'autre, vous portez un jugement sur un acte de justice réalisé
vis-à-vis d'une commission qui serait indépendante de vous. Mais vous, en tant
qu'autorité ecclésiastique, je suppose, vous vous permettez de porter un
jugement de cette nature. Il me semble qu'il y a là matière à réflexion. Une
autorité ecclésiastique, qui a un rôle spirituel et moral important, et qui se
permet de porter un jugement sur un acte de justice, est-ce le bon exemple? Je
pose simplement la question.
262
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Daniel Bacquelaine: Ce n'est même pas une question. Je voudrais savoir si vous
avez eu connaissance ou si vous êtes intervenu dans l'établissement du protocole
entre la commission Adriaenssens et le Collège des procureurs généraux.
Bert Schoofs: Monseigneur, bedankt voor uw uiteenzetting. Ik sluit mij aan bij
collega Terwingen, door te beginnen met de stelling dat de enige bedoeling van deze
commissie kan zijn om maatschappelijke normen te stellen in de vorm van wetgeving
op basis van wat wij hier horen, op basis van wat de instellingen en verenigingen die
hier de revue zullen moeten passeren, ons komen vertellen. Het kan niet de bedoeling
zijn om ons te bemoeien met de interne organisatie van al degenen die hier worden
gehoord. Wij moeten er wel voor zorgen dat elke vereniging of instelling de nodige
voorzorgen kan en wil nemen om misbruik op alle domeinen van het maatschappelijk
niveau te voorkomen.
Hoe wil de Kerk, als instituut dat hier al tweeduizend jaar is gevestigd, op haar eigen
specifieke manier de misbruiken die haar moraliteit en moreel gezag enorm hebben
aangetast in de toekomst voorkomen? Ik geef een aantal voorbeelden van wat wij
gisteren en de voorbije weken hebben gehoord. Ziet u een mogelijkheid om het
canoniek recht aan te passen, een meldingsplicht in te voeren, het biechtgeheim te
versoepelen, eventueel een meer gestroomlijnde organisatie met Rome op te zetten om
tot laïcisering te komen van degenen die zich aan zeer ernstige feiten hebben schuldig
gemaakt, ook en vooral van seksueel misbruik?
Als wij dat van u kunnen te weten komen dan staan wij al een heel eind verder in het
bestrijden van misbruik van kinderen en in sommige gevallen van volwassenen in de
samenleving. Dat is de verantwoording die elke organisatie die wij hier horen zal
moeten afleggen.
Trouvez-vous normal que M. Danneels minimise le rôle qui était le sien au sein
de l'Église catholique belge dont il fut le primat pendant plus de trente ans?
Auriez-vous agi de la même manière si vous aviez été à sa place, face à M.
Devillé et sa délégation de victimes?
Enfin, je vous surprendrai peut-être mais je pense que vous tentez de faire
changer les mentalités et les comportements au sein de l'Église belge et ce, avec
le soutien de Rome, du moins du pape. Cependant, je ne peux que m'étonner des
attaques dont vous faites l'objet depuis votre prise de fonction en tant
qu'archevêque de Malines-Bruxelles. Ainsi, je voudrais vous demander si vous
avez l'impression aujourd'hui d'être victime d'une sorte de cabale et de devoir en
quelque sorte payer pour les fautes commises par d'autres.
264
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Het probleem dat wij hier vaak hebben ontmoet, is dat er voor slachtoffers geen
tweede instantie is. Dat wil zeggen, zij gaan met hun klacht naar de bisschop, maar
worden daar niet gehoord. Dan gaan ze naar de aartsbisschop, maar die is niet
bevoegd, en zendt de klacht terug naar de bisschop. Mag ik u ter overweging geven dat
het misschien maar een heel kleine ingreep zou zijn indien de aartsbisschop, u, zich
zou opwerpen als natuurlijke tweede instantie? Waarom zou u zichzelf niet aanbieden
als een soort van tweede instantie voor alle mensen die in eerste instantie, op het
niveau van het bisdom, niet worden gehoord? Het structurele antwoord luidt dat de
volgende instantie Rome is, maar het zal u bekend zijn dat Rome erg ver is voor
mensen die met dat soort van klachten moeten langskomen.
Een tweede opmerking is iets dat mij verontrust. U geeft hier proef van uw goede
bedoelingen. U wil strikt zijn en van alles opzetten. Van de andere kant lees ik ook wel
eens een interview met u. U neemt daar zelden een blad voor de mond. U bent van de
school, als ik dat zo mag zeggen, die heel strikt in de leer is en die daar een vraag aan
koppelt om meer respect, meer waardigheid voor het priesterlijk ambt. Het is
natuurlijk uw volkomen recht om dat te vinden. Echter, blijkens de verklaringen van
talloze collega’s van u, net de afstand tussen de priesters en de gelovigen, waar u dus
eigenlijk voor pleit, heeft ervoor gezorgd dat de pedofiliegevallen die er zijn geweest,
niet eens gewone pedofiliegevallen waren, maar ook misbruikgevallen waarin het
aspect macht een heel kwaadaardige en zelfs een beetje vieze rol heeft gespeeld. Moet
u op dat punt niet de positie van de priester herdenken?
En même temps, vous contestez et vous revenez contester les actes posés par la
justice, c'est-à-dire la saisie des dossiers. Vous les contestez aujourd'hui
ouvertement. En plus, vous dites que cela a anéanti le travail d'écoute par
rapport aux victimes. Ce sont là des mots forts que vous avez prononcés.
Il nous semble donc assez antinomique d'entendre qu'il faut faire confiance en la
justice, qui est là pour protéger la société, qu'il faut respecter la séparation de
l'Église et de l'État, la séparation de l'Église et de la justice, tout en contestant ce
qu'un juge d'instruction fait aujourd'hui pour protéger la société vis-à-vis de
personnes qui ont commis des crimes, qui sont donc considérées comme des
criminels.
265
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Une autre question. Vous avez rappelé plusieurs fois que "dans le passé, on ne
faisait pas comme ça". "J'aimerais bien jadis". Le passé et jadis, j'aimerais
pouvoir y mettre des dates. J'ai demandé la même chose à Mgr Danneels, hier.
C'est quoi le passé? C'est un passé proche, un passé de trente ans, un passé de
dix ans, un passé d'un an, un passé de quelques mois par rapport à la
commission Adriaenssens qui a révélé tous ces cas?
En même temps, je vous ai bien entendu par rapport aux cas de Namur. Je ne
reviendrai pas sur le cas Devillet: on peut en parler puisqu'il a écrit un bouquin;
on sait qu'un procès est en cours, mais le cas est sur la place publique. Il y en a
eu d'autres où les faits étaient prescrits, où il semble qu'on soit venu vers vous,
où une enquête a d'ailleurs été menée et l'abuseur a reconnu plus de dix victimes.
Il est resté diacre. Aucune mesure n'a été prise. En même temps, la justice a dit
que c'était prescrit; et vous avez dit: "puisque c'est prescrit, pas de mesure prise".
L'évêque de Namur qui vous a remplacé, lui, a pris des mesures. Vous, vous n'en
aviez pas prise.
Si je me souviens bien, cela se passait dans les années 2003-2004. Qu'en est-il
du passé en termes de mesures prises à l'encontre de prêtres, de diacres ou
d'autres personnes qui ont commis des faits d'abus sexuels?
Monseigneur, chers collègues, nous clôturons ici les questions. Les secrétaires
de la commission vont maintenant les classer.
Nous allons entendre les réponses de Mgr Léonard. Comme d'habitude, vous
levez la main si vous souhaitez obtenir des précisions.
266
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Ma conviction est qu'il faut prendre, dans tous les cas, des mesures
proportionnées. Toutes sortes de mesures peuvent ou doivent être prises. Par
exemple, une mesure peut être de confier à un prêtre une tâche qui, par sa nature
même, ne le met pas en contact avec des enfants ou des jeunes. Bien sûr, quelle
que soit la mesure prise, sauf l'emprisonnement, la décapitation ou la peine de
mort, on ne peut empêcher qu'une personne rencontre encore un enfant dans la
vie. Néanmoins, on peut prendre des mesures qui, par leur structure, ne
favorisent pas, voire écartent le contact avec des enfants ou des jeunes. On peut,
entre autres, confier à quelqu'un des tâches purement administratives ou la
mission d'aumônier dans une maison de repos pour personnes âgées. Des
mesures plus graves peuvent également être prises quand des faits ont été jugés
graves par la justice. On peut faire en sorte que la personne ne puisse plus du
tout exercer le ministère sacerdotal.
Je ne tiens pas à être trop explicite dans les affaires qui sont en cours car j'ai la
conviction que, quand il y a procédure, il est inconvenant de publier des livres et
de faire des interviews ou des déclarations publiques. Cela fait partie, me
semble-t-il, du respect dû à la justice. On peut néanmoins veiller à donner une
mission purement profane. Dans le cas évoqué, il en est ainsi depuis de
nombreuses années. En l'occurrence, il n'y a même aucune rétribution liée au
statut de ministre du culte. Encore faut-il être prudent et venir progressivement à
ce genre de décision pour respecter également la présomption d'innocence dans
certains cas et ne pas anticiper sur une décision de justice. La mesure extrême
que l'on ne peut prendre que si Rome l'a prise, c'est la perte de l'état clérical.
C'est une expression qui n'est pas très flatteuse pour les laïcs. Désormais, on ne
l'emploie plus. On parle de "la perte de l'état clérical". Il s'agit d'une mesure
radicale qu'il faut parfois prendre, mais qui n'a pas que des avantages. En effet,
aussi longtemps qu'un prêtre garde son statut de prêtre, on peut exercer un
contrôle sur sa personne. On peut l'encadrer. On peut lui demander de rendre des
comptes, le rappeler à l'ordre s'il ne répond pas aux exigences qui ont été posées
par la justice. S'il est "renvoyé dans la nature" – si j'ose dire – en lui faisant
267
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
perdre son état clérical, il devient un électron libre, par rapport à l'Église. Il y a
donc parfois intérêt à ce que la personne reste dans son statut clérical. Cela aura
notamment pour conséquence que son nom continuera à apparaître dans
l'annuaire diocésain. Elle pourra, même si ce n'est pas souhaitable, être élue par
ses pairs comme représentant d'un secteur sociocaritatif où il travaille. Mais il
faut savoir ce que l'on veut. Si l'on demande à Rome de retirer l'état clérical d'un
ecclésiastique, cela veut dire que, ce faisant, l'Église n'aura plus le moindre
contrôle sur la personne.
J'en profite pour vous dire que vous semblez être – vous m'arrêtez si je me
trompe – le champion toutes catégories de l'ordination de prêtres pendant les 18
années où vous avez été évêque du diocèse de Namur. Il semblerait que vous en
ayez ordonné beaucoup. On m'a dit qu'il y en avait 87.
Vous enquériez-vous de leur qualité ou, lorsqu'il y avait des problèmes, preniez-
vous des mesures d'écartement dans votre diocèse ou à l'extérieur? Je n'en suis
pas sûre à cause des faits qui m'ont été rapportés. Si l'écartement se passe à
l'extérieur, cela pose un problème de contrôle.
André-Joseph Léonard: Quand un prêtre est amené à célébrer les messes dans
une paroisse, out en faisant l'objet de mesures restrictives – on appelle cela assez
souvent un vicaire dominical –, nous mettons au courant les responsables de la
paroisse du fait que ce prêtre fait l'objet de précautions. Nous demandons
explicitement qu'il ne soit jamais seul à la sacristie avec d'éventuels acolytes,
bien qu'une sacristie ne soit pas le lieu le plus favorable à des abus sexuels
caractérisés. Nous prenions cette précaution.
Stefaan Van Hecke: Monseigneur, u verwijst naar een beslissing van Justitie. Indien
Justitie een duidelijke veroordeling uitspreekt, is het voor u gemakkelijker. Justitie
spreekt echter niet steeds een veroordeling uit of toch niet snel. Wij hebben gehoord
dat in Namen een procedure of een onderzoek reeds zeven jaar aansleept. Wat zal ooit
de uitspraak zijn?
En recent, de zaak was vorige week in de pers, ik kan de naam ook noemen, het gaat
over de heer Borremans, was er een vrijspraak vanwege procedurefouten, omdat de
priester een bekentenis heeft afgelegd aan de politie zonder bijstand van een advocaat
en dat betekent volgens de nieuwe principes vrijspraak. Wat zult u doen in dergelijk
geval, waarbij feiten worden erkend maar er juridisch een vrijspraak is op basis van
procedurefouten? Zult u dan ook even streng ingrijpen als in de gevallen waar er een
duidelijke veroordeling is?
André-Joseph Léonard: Dans le cas que vous évoquez – même s'il est délicat
de se prononcer sur des cas individuels –, comme il y avait eu une absence de
jugement en raison d'un vice de forme, nous avons pris la précaution de confiner
ce prêtre à une mission dans une maison de repos, en avertissant le directeur de
cette maison de repos qu'il y avait eu des problèmes et qu'il devait donc être
attentif au comportement du prêtre.
269
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
André-Joseph Léonard: C'est ce que je visais mais je ne désire pas entrer dans
le détail des cas particuliers car ce n'est pas le lieu pour en discuter.
Je voulais savoir si vous aviez agi de cette manière avant le jugement. Votre
successeur à Namur nous a dit avoir pris, avant même un jugement, différentes
mesures, notamment une sanction plus forte que celle qu'on avait l'habitude de
prendre, c'est-à-dire la suspension a divinis.
Valérie Déom: Je voulais connaître votre avis et savoir ce que vous suggériez
pendant l'instruction.
André-Joseph Léonard: Mon successeur a en effet pris cette décision qui est
très radicale, qui n'est pas encore la perte de l'état clérical, mais la suspension a
divinis, parce qu'il y a eu des informations nouvelles, que j'ai d'ailleurs lues avec
horreur dans le rapport de la commission Adriaenssens… De la part de ce prêtre
que je juge un peu pathologique, parce qu'il donnait un nom à ces horreurs. Il
appelait ça le "zimboum". Enfin, a-t-on idée de donner un nom pareil à des abus
perpétrés, avec des arguments théologiques? Donc, on a très bien fait de faire ce
qu'on a fait. Mais, dans les cas que vous évoquez, il y a un faisceau d'indices et
une instruction en cours. Il faut prendre – et c'est ce qu'on faisait – des mesures
270
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Valérie Déom: Juste une demande de précision pour ne pas rester médiocre,
madame la présidente: la laïcisation ne peut-elle être prononcée que par Rome?
Ou peut-elle être prononcée par certains évêques?
Carina Van Cauter: Monseigneur, ik heb nog twee bijkomende vragen. Ten eerste,
nam u met het oog op het nemen van preventieve maatregelen, dus alvorens er een
definitief vonnis wordt uitgesproken, persoonlijk contact op met het parket? Zult u
adviseren en inspirerend voorstellen aan de bisschoppenconferentie dat een bisschop
die kennis heeft van bepaalde lopende onderzoeken, contact opneemt met het parket,
zodat hij inzage in het dossier krijgt en desgevallend op basis van de toegestane inzage
de nodige preventieve maatregelen kan nemen?
Ten tweede, u zegt dat u in bepaalde gevallen niet opteert voor laïcisering en het
aanhangig maken van een procedure in Rome, maar dat u de weg van de schorsing
verkiest omdat u dan nog steeds controle kunt uitoefenen op de priester in kwestie. Als
hij eenvoudigweg geschorst is, kunt u hem ergens plaatsen waar minder gevaar op
recidive is. Maar is het niet zo dat wanneer er een procedure aanhangig gemaakt wordt
in Rome, de Congregatie van de Geloofsleer diezelfde maatregel kan opleggen?
Volgens Canon 1722 – zo werd ons gezegd door andere specialisten – kan men de
aangeklaagde immers niet alleen van de gewijde bediening of het kerkelijk ambt en de
kerkelijke taak weren, maar men kan hem ook een verblijf opleggen, of verbieden, in
een plaats of gebied. Men kan hem ook de publieke deelname aan de allerheiligste
eucharistie verbieden.
Wanneer u, volgens het kerkelijk recht, de instructie krijgt dat alle dossiers inzake
seksueel misbruik aan Rome moeten worden overgemaakt, en wanneer u weet dat ook
daar die maatregelen genomen kunnen worden, teneinde controle te behouden op de
persoon in kwestie, waarom gaat u dan niet systematisch over tot het opstarten van een
procedure voor de canonieke rechtbanken? Dit biedt de slachtoffers daarenboven de
kans voor de canonieke rechtbanken een schadevergoeding te bekomen.
Als wij dan terugblikken naar de situatie in Ierland, waar de paus expliciet heeft laten
weten dat door na te laten die kerkelijke procedures in gang te zetten, de kerkelijke
overheid zich de mogelijkheid heeft ontnomen om precies toepassing te maken van
Canon 1722, dan moet u mij eens uitleggen waarom voor een minder ernstige sanctie
271
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
wordt gekozen, eerder dan voor de toepassing van de geëigende regelgeving die het
kerkelijk recht voorziet?
Pour en revenir à la perte de l'état clérical, je redis qu'il s'agit d'une mesure qui
peut être prise, et qui est prise par Rome dans certains cas. Mais je répète que je
suis perplexe quant à l'efficacité de cette mesure. En effet, une fois qu'un
ecclésiastique a perdu son statut clérical pour reprendre l'état laïc, l'évêque n'a
plus de contrôle direct sur lui.
Dans certains cas, – je n'ai pas vécu ce genre de situation, sinon de manière très
transitoire, à Namur – l'évêque peut, à condition que la personne ait toujours le
statut clérical, imposer à un prêtre un séjour prolongé dans un lieu où il est, en
quelque sorte, en résidence surveillée. Cela est parfois arrivé. Dans le diocèse de
Namur, je ne me souviens pas avoir eu recours à ce genre de mesure, en tout cas
durant une période longue. C'est une solution à laquelle on peut recourir dans
l'attente d'un jugement en bonne et due forme.
Carina Van Cauter: De verplichting om contact te nemen met het parket, bestaat
effectief niet, maar u kunt een brief schrijven, niet telefoneren of afspraken met het
parket maken, maar u kunt een brief schrijven waarin u officieel vraagt om inzage van
het strafdossier, zodanig dat u de nodige preventieve maatregelen kunt nemen. Dat is
een vraag en een suggestie en ik zal het daarbij houden.
272
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Ten tweede, ons werd gezegd dat wanneer een kerkelijke procedure wordt opgestart in
Rome, het aan de bisschop toekomt om een voorstel van sanctie mee te sturen op het
ogenblik van het aanhangig maken van het dossier. Als u op het ogenblik dat u het
dossier aanhangig maakt, niet alleen de laïcisering vraagt maar ook het verplicht
verblijf of het ontzeggen van een bepaalde plaats, van het verblijf in een bepaalde
regio, dan kan men daarmee toch effectief rekening houden in het kerkelijk vonnis en
dan zijn de maatregelen genomen zoals ze zouden moeten genomen worden. Of heb ik
dat verkeerd begrepen?
Aussi longtemps que les procédures civiles sont en cours, il ne faut pas
s'attendre à une décision romaine. Nous sommes simplement invités, par la
nature des choses, à prendre les mesures de précaution qui s'imposent. Ce que
nous avons fait.
U begrijpt echter dat, gelet op het verleden, het vertrouwen in het feit dat de
bisschoppen goede bewarende maatregelen nemen, in twijfel kan worden getrokken.
De overplaatsingen hebben immers niet altijd het gewenste effect gehad, gezien de
recidive.
Mijn vraag, die geen juridische vraag is, blijft. Ik bemoei mij niet met de gelovigen en
hun Kerk. Wij gaan hier na waarom men seksueel misbruik niet ernstig heeft genomen.
Los van alle geschriften die wij kennen, niet als schriftgeleerde, maar vanuit het
oogpunt van de mensen, vraag ik mij af of het signaal dat u blijft geven dat iemand die
seksueel misbruik pleegt, priester kan blijven zolang men ervoor zorgt dat hij in de
sacristie niet alleen is met iemand die hij kan aanraken, geen verkeerd signaal is naar
gelovigen en ongelovigen? Is het signaal dat leiders in de katholieke kerk die
dergelijke feiten gepleegd hebben, zich gewoon kunnen herpakken als priester, terwijl
ze toch een zekere moraliteit moeten uitstralen in het verleden en in het heden, geen
signaal van te veel tolerantie ten opzichte van seksueel misbruik?
sont avérés et jugés, c'est de prendre toutes les précautions possibles pour
empêcher la récidive. C'est la manière dont on peut honorer les victimes et c'est
souvent ce qu'elles demandent: éviter que d'autres personnes doivent subir ce
qu'elles ont subi.
La perte de l'état clérical que vous évoquez sera parfois très importante
symboliquement et je ne l'exclus pas du tout. Dans certains cas, que je n'ai pas
connus, je comprendrais bien que je puisse suggérer à Rome de faire perdre l'état
clérical aux abuseurs. Dans certains cas, cela peut avoir une grande importance
symbolique mais je le répète, il y a aussi un côté moins heureux à cette prise de
position car quelqu'un qui a perdu l'état clérical échappe plus facilement à une
surveillance. Mais symboliquement, dans certains cas, ce sera peut-être
important.
Renaat Landuyt: Ten eerste, het nieuwe argument dat iemand priester moet blijven
omdat jullie als bisschop de bewaking gaan doen over die gevaarlijke priesters is wel
een klein beetje storend als men ervan uitgaat dat het de Staat is, de gemeenschap zelf
die moet zorgen voor de veiligheid van de bevolking. U kunt toch niet de taak op u
nemen om die categorie van gevaarlijke mensen te bewaken? U bent toch geen
gevangenisbewaker? U begrijpt toch dat dit een storend argument is in de
taakverdeling tussen een godsdienst en een gemeenschap?
Ten tweede, ik ben blij dat u mijn vraag begrijpt en dat u ze niet zomaar afwijst. Ik
vraag u echter om begrip op te brengen voor de positie van de gelovigen die dat nooit
ernstig hebben genomen. Zij leefden met de uitdrukking “Kom eens naar mijn kamer.”
Dat is een rare, die pater. Dat is een rare, die priester. Die toestand hebben wij allemaal
laten bestaan en nu zegt u dat u nog altijd twijfelt of u in de toekomst een einde zult
stellen aan die toestand. Als men priester blijft, geeft men toch het signaal dat men een
beetje begrip moet hebben voor seksueel misbruik?
Comment voulez-vous que nous garantissions absolument qu'il n'y ait plus de
récidive possible? Nous prenons les mesures qui sont en notre pouvoir, mais
nous n'avons pas la possibilité d'emprisonner quelqu'un.
J'ai pris contact avec l'évêque concerné et j'ai reçu une réponse qui ne rejoignait
pas tout à fait le témoignage de la victime. Je vais relancer cet évêque étranger
pour tirer au clair la question des dates, qui ne correspondent pas.
Quand un prêtre a été condamné pour des faits de ce genre et que nous désirons
lui retirer toute mission pastorale, soit nous veillons à ce qu'il trouve de quoi
travailler dans un autre secteur de la société pour vivre, soit nous lui donnons
son C4.
275
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Nous savons que le devoir de dénonciation n'est pas universel. Je ne suis pas
juriste mais je pense qu'on n'a pas le devoir de dénoncer des gens de sa propre
famille. Le rapport que nous avons avec nos prêtres n'est pas administratif mais
plutôt de nature familiale. Par exemple, si un prêtre de mon diocèse, lors d'une
célébration commune de la réconciliation, vient me trouver pour se confesser,
que fais-je? Je lui dis d'abord que s'il commence à parler de choses qui auront
des répercussions sur son avenir, je le stoppe aussitôt car je ne désire pas être lié
par le secret absolu de la confession.
Il m'est arrivé de recevoir des prêtres qui viennent me trouver non pas comme un
fonctionnaire son supérieur mais comme un fils son père sur le plan spirituel. Si
ce prêtre me dit avoir quelque chose de très important sur le coeur à me dire, je
le préviens. Je lui dis que je veux bien accueillir ses confidences mais que si
elles ont des répercussions sur les nominations, sur les postes que je lui confie
dans le diocèse, il me délie de toute confidentialité. Et si c'est pour me parler
d'actes répréhensibles qu'il a commis, je lui dis qu'il me délie à l'avance de toute
confidentialité pour que je puisse prendre les mesures.
276
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
La présidente: Mais si, vous venez de nous dire "sauf dans le cas où il y
aurait…"
André-Joseph Léonard: Non. Vous avez été distraite. J'ai bien dit que le secret
de la confession était absolu. Je l'ai spécifié.
Carina Van Cauter: Met betrekking tot de dossiers die werden overgemaakt door de
commissie Adriaenssens. De commissie- Adriaenssens heeft u een aantal dossiers
overgemaakt, waarbij u zegt dat u werd gemeld dat er klachten waren wegens seksueel
misbruik van bepaalde priesters. Deze zijn met naam en toenaam geciteerd in de
briefwisseling die de commissie u heeft geschreven. U hebt gezegd bij uw inleidende
uiteenzetting dat u daar niets mee kan doen want u hebt geen dossier. Ik heb daar twee
vragen bij.
Ten eerste, wat het eventueel nemen van preventieve maatregelen, als tuchtrechtelijke
overheid betreft, vindt u dan niet dat u een onderzoek moet doen naar de feiten, dat u
de waarheid moet trachten te achterhalen, zodanig dat u desgevallend preventieve
maatregelen kan nemen?
Ten tweede, rekening houdende met artikel 422bis van de Strafwet dat stelt dat
wanneer een toestand u is beschreven en men uw hulp inroept, u zich schuldig maakt
aan schuldig verzuim indien u niet optreedt. In dezen heeft de commissie-
Adriaenssens u een aantal namen opgegeven van priesters die verdacht worden van of
aangeklaagd worden wegens seksueel misbruik. Denkt u dan niet dat u, rekening
houdend met deze bepaling, ook maatregelen moet nemen en ten minste melding moet
277
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
maken aan Justitie van datgene wat u is gesignaleerd, zodanig dat men ten minste een
opsporingsonderzoek en desgevallend een gerechtelijk onderzoek kan laten volgen?
Carina Van Cauter: En daarenboven heeft professor Adriaenssens ons gezegd dat
hij enkel die dossiers met potentieel gevaar, bekentenissen of sterke aanwijzingen aan
de bevoegde bisschoppen heeft overgemaakt. Hij heeft niet alle namen zomaar lukraak
in het rond gezonden. Hij heeft zich enkel beperkt tot die dossiers waar er
mogelijkerwijze gevaar was voor recidive en/of aanwijzingen van schuld.
Stefaan Van Hecke: Monseigneur, nog even over de dossiers of de brieven die u
hebt gekregen van de commissie-Adriaenssens. Uw collega’s bisschoppen hebben ook
brieven gekregen van de commissie-Adriaenssens. Zij zeiden dat in die brief vaak een
verzoek aan de bisschop stond om een aantal priesters op non-actief te zetten. Na
onderzoek door de commissie kwam er dus een verzoek aan de bisschoppen om
bepaalde priesters op non-actief te zetten. Waren het brieven in die zin die u hebt
ontvangen van de commissie, met die concrete vraag? Of was het gewoon een
oplijsting van een aantal namen? Bij die namen moet toch iets bij gestaan hebben? Was
het ook een vraag om de bij naam genoemde personen op non-actief te zetten?
André-Joseph Léonard: La question suivante qui était posée, c'est: "si une
victime ne reçoit pas à son jugement l'attention nécessaire d'un évêque et que ces
faits sont portés à votre connaissance, cette personne peut-elle s'adresser à vous?
Y a-til une sorte de seconde instance?"
Mais, si on veut une seconde instance, ce n'est pas l'archevêque qui va servir de
seconde instance, puisqu'il est évêque comme les autres en ce qui concerne la
responsabilité d'un diocèse. Si la question m'était posée avec insistance, je dirais:
parlez avec le nonce apostolique pour voir si on peut faire un recours à Rome, si
on a des raisons graves de penser qu'un évêque n'a pas traité un dossier avec le
respect voulu. Rome instruira alors la question, mais ce n'est pas l'archevêque
qui va faire cela. Je pense qu'il vaut mieux que, s'il y a une seconde instance, elle
soit extérieure à la Conférence épiscopale, que cela ne se traite pas uniquement
entre collègues.
Siegfried Bracke: Monseigneur, beseft u wat voor drempel u nu aan het opwerpen
bent voor slachtoffers? U zegt – en ik neem maar een willekeurig voorbeeld – het zal
of in Gent zijn en de volgende instantie is in Rome. Als ik u een beetje kwaadwillig
zou willen interpreteren, dat is het bewust opwerpen van een muur waar gewone
mensen niet over kunnen.
pour imposer l'écoute. Si elles veulent être entendues à l'intérieur de l'Église, s'il
s'agit de prêtres diocésains, elles doivent s'adresser à l'évêque du diocèse
compétent; s'il s'agit de religieux, elles doivent s'adresser au supérieur de la
congrégation concernée. Et si elles jugent, finalement, ne pas avoir été
suffisamment écoutées, elles doivent s'adresser à une instance supérieure, à
savoir Rome dans le cas d'un diocèse et le supérieur général (et non pas
provincial) dans le cas d'une congrégation religieuse.
Siegfried Bracke: Een laatste poging. Wij zitten hier om ervoor te zorgen dat er
maatregelen worden genomen die er op hun beurt voor zorgen dat er in de toekomst
niet meer gebeurt wat er is gebeurd. Vermits u als instituut toch behoorlijk veel bij dat
soort misbruiken betrokken bent, kan men verwachten dat u ook leert uit de feiten. Er
zijn overduidelijk momenten geweest waarbij gelovigen zich richtten tot hun bisschop
en daar niet gehoord werden, zich richtten tot de aartsbisschop, daar ook niet worden
gehoord, terug naar de bisschop worden gestuurd… Ik neem aan dat u dat niet de
goede manier van doen vindt. Dat is mensen letterlijk van het kastje naar de muur
sturen. Er moet toch ergens een tweede instantie zijn die toegankelijk is en niet ergens
ver weg in Rome.
Stefaan Van Hecke: Mevrouw de voorzitter, ik sluit mij aan bij de redenering van
de heer Bracke. Ik denk dat wij opnieuw – wij hebben dit gisteren ook gezien – in
cirkeltjes aan het draaien zijn. Een slachtoffer wordt altijd doorverwezen. Als men
uiteindelijk de stap zet naar de aartsbisschop, wordt het dossier weer doorverwezen
naar de bisschop en zo blijft dat aan de gang. De suggestie die u nu doet van misschien
ergens een instantie in Rome is inderdaad niet de oplossing.
U wordt gepercipieerd als het hoofd van de Kerk. Of u dat nu graag hebt of niet, dat
zal de perceptie zijn bij de gelovigen. Als er iets fout loopt, zullen ze zich tot u
wenden.
Ik denk dat het zeer goed zou zijn, monseigneur, als u samen met uw collega’s in de
bisschoppenconferentie echt goed zou nadenken: wat kunnen wij in België opzetten
om mensen die geen gehoor in hun bisdom vinden op een correcte manier te helpen.
Ik weet ook niet welke oplossing dat misschien moet zijn, maar ik denk dat het nuttig
kan zijn om daar een oplossing voor uit te denken en de mensen niet door te sturen
naar Rome.
Bent u bereid om die denkoefening te maken? Bij veel overheden heeft men een
ombudsdienst. Misschien moet men ook een ombudsdienst bij de aartsbisschop
inrichten.
Raf Terwingen: Monseigneur, ik wil een beetje concreet worden, want men blijft
hier toch insisteren op adviezen vanuit de commissie aan de kerkelijke organisatie. Ik
neem daarvan akte, ondanks het feit dat onze opdracht niet daaruit bestaat, maar dat is
een discussie die wij naderhand zullen voeren. Ik dacht dat onze opdracht was om na
te gaan hoe de Staat hiermee moet omgaan, maar men is bezig hoe de Kerk hiermee
moet omgaan.
Laten wij dan eens concreet zijn. Monseigneur, weet u of misschien moeten wij dat
vragen aan kerkjuristen of er een mogelijkheid bestaat om zo’n tussenstap,
tussenberoep te creëren? Ik weet dat niet. Ik ben een beetje juridisch gevormd,
profaanrechtelijk. Bestaat de mogelijkheid zoals ze hier wordt geopperd? Ik vraag het
u concreet, maar misschien dat u het ook niet onmiddellijk weet, monseigneur. Ik stel
u de vraag. Bestaat de mogelijkheid om zo’n tussenniveau te creëren als een soort van
beroepsinstantie, zoals hier telkens opnieuw wordt gevraagd? Ik weet het niet.
281
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
André-Joseph Léonard: Cette structure n'a vraiment rien à voir avec ce que
vous dites. Il n'existe pas de culture du silence entre diocèses.
Valérie Déom: Comme cela ne se passe pas chez vous, vous ne faites rien!
Valérie Déom: Je n'ai fait qu'écouter ce qui nous a été expliqué. Je vous ai
écouté dire que vous ne pouviez intervenir, mais qu'il existait un tribunal
diocésain. Ce à quoi je vous réponds que les victimes ne connaissent pas le droit
canon. Elles n'ont d'ailleurs aucune raison de le connaître puisque jusqu'à preuve
du contraire, c'est le droit civil et le droit pénal qui s'appliquent de manière
légale en Belgique et non le droit canon. De plus, comment pourraient-elles être
informées, quand bien même elles voudraient être reconnues devant les autorités
ecclésiastiques?
Valérie Déom: Vous nous avez dit que chaque évêque est compétent dans son
diocèse. On vous a demandé ce qui arrive si un évêque ne réagit pas et que vous
êtes saisi de la question. Et vous nous avez répondu que vous ne pouviez rien
faire et qu'il fallait s'adresser à Rome.
Encore une fois, je n'entends pas de volonté de changer cette structure pour
permettre plus de transparence, une meilleure transmission de l'information,
notamment à la justice.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Marie-Christine Marghem: J'ai envie de dire que Mme Déom n'a pas tout à
fait tort. Je vais me servir du cas public, publié dans un livre, que vous
connaissez bien à Namur. L'organisation du silence n'est pas nécessairement
volontaire, elle résulte d'un ensemble de choses qui paraissent opaques et qui ne
sont pas organisées entre elles pour donner une clarté à un objectif que l'on
poursuit. C'est un peu cela qu'elle veut dire.
Pendant ce temps-là, les prescriptions courent et il est évident que cela peut
parfois arranger certains de les laisser courir, même si elles sont longues. Quand
je lis les documents récents qui viennent du Saint-Siège et qui traitent des
normes sur les délits les plus graves, on en compte six ou sept. Le premier, c'est
l'hérésie, l'apostasie et le schisme, ce n'est pas ce qui nous concerne. Le
deuxième…
284
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Le délit le plus grave – mais, en réalité, le moins grave dans la catégorie des plus
graves -, c'est le délit contre le sixième commandement du Décalogue commis
par un clerc avec un mineur de moins de 18 ans. Et il est équiparé au mineur la
personne qui jouit habituellement d'un usage imparfait de la raison.
Deuxièmement, l'acquisition, la détention ou la divulgation à une fin libidineuse,
c'est-à-dire de plaisir amoral, d'images pornographiques de mineurs de moins de
14 ans de la part d'un clerc, de quelque manière que ce soit et quel que soit
l'instrument employé.
Je lis que, dans l'organisation de cette procédure, et c'est la petite idée à laquelle
je pense et à laquelle j'ai fait référence tout à l'heure en termes d'indemnisation,
il y a possibilité de ranger dans la procédure un chapitre sur l'obligation
d'indemnisation…
Renaat Landuyt: U zegt dat u aan de slachtoffers die bij u komen, zegt dat ze bij
Justitie moeten gaan. Maar het tweede element is naar mijn oordeel nieuw. Uw
collega’s hebben niet zo benadrukt dat er de canonieke procedure is die ze kunnen
laten instellen. Dat opent perspectieven gelet op de mogelijkheden rond verjaring. Dat
opent perspectieven voor de toekomst voor vele gekende gevallen. U zegt dat u bereid
bent, toch minstens in Mechelen, om op vraag van de slachtoffers de canonieke
procedure te starten. En hoeveel zijn er in het verleden geweest?
285
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Renaat Landuyt: Moet ik mij dat dan voorstellen zoals bij de procedures van
huwelijksontbinding, waarvoor men naar de canonieke rechtbank kan gaan en waarbij
er een beroepsinstantie in een ander bisdom is?
Renaat Landuyt: Ook hier zou dus strikt genomen de kerkelijke procedure op
verzoek van het slachtoffer ingezet kunnen worden, met zelfs een beroepsinstantie in
een ander bisdom?
Renaat Landuyt: Ook om schadevergoeding te vragen kan men die procedure dus
instellen? Dat is dan ook opnieuw een zeer goede oproep van uwentwege naar het
publiek.
constate quand même que pendant 5 ans la procédure de droit canon qui avait
été introduite par l’intéressé en 1996 n’a pas été menée. Cela me pose un
problème
La présidente: Vous dites que la procédure de droit canon s’arrête s’il y a une
procédure judiciaire civile ou pénale. Mais par la suite, reprend-elle son cours ou
vous "contentez-vous" de la justice des hommes?
André-Joseph Léonard: Si la justice civile dit que c’est rescrit, je ne suis pas
un spécialiste du droit canon mais j’imagine qu’une procédure canonique peut
éventuellement commencer. Le canon 1730 permet de faire parfois des choses
que ne peut pas faire la justice civile.
André-Joseph Léonard: Elle est obligée de le faire. J’ai eu le cas à Namur dans
un domaine tout à fait différent, qui était plutôt un problème de diffamation. Il
nous paraissait à nous, responsables du diocèse, peut-être inopportun de lancer
cette procédure. Mais la victime – enfin la personne qui se croit victime – d’une
diffamation a le droit de demander que le tribunal diocésain se penche sur son
problème.
J’ai été interrogé sur la question des perquisitions. Je n’ai aucune objection, pas
plus que mes confrères, à ce qu’on mène une perquisition. Cela me paraît tout à
fait normal. Ce sur quoi nous avons eu quelques états d’âme, c’était sur les
modalités de la perquisition et sur la proportion entre les buts poursuivis et les
moyens employés – et même les moyens déployés. À ma connaissance, d’autres,
sur le plan civil et judiciaire, se sont posé des questions semblables. Je pense
qu’il est encore légitime dans ce pays, de se poser une question sur la manière –
non pas sur le principe – dont une perquisition a été menée. Et je dois dire que le
287
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
jour-même, quand nous avons vécu cela, quelques questions, même un petit peu
humoristiques, me sont venues à l’esprit. Quand j’ai appris qu’on allait
perquisitionner y compris dans des tombes d’archevêques, j’ai trouvé les
moyens déployés susceptibles d’un questionnement. Aujourd’hui d’ailleurs, il y
a un jugement qui devrait être rendu sur ces questions-là. S’il y a au moins la
possibilité de ce jugement, c’est qu’il y avait quand même des questions à se
poser sur la méthode et sur la proportionnalité.
André-Joseph Léonard: Oui, mais ce n’est pas moi qui ai fait la perquisition.
Donc, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Dans le cas qui m’a été
soumis, et dont je parle librement avec l’autorisation de l’intéressé, on voit que,
288
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Je ne peux donc pas vous suivre sur la voie que vous évoquez en termes de
disproportion et je rappelle quand même que le juge d’instruction a été confirmé
dans son mandat.
Stefaan Van Hecke: Monseigneur, een heel concrete vraag over de inbeslagnames.
De Kerk vraagt dat de dossiers die in beslag genomen zijn bij de commissie-
Adriaenssens zouden worden terugbezorgd, maar die commissie bestaat niet meer. Wat
moet er volgens u gebeuren met die dossiers als ze worden teruggegeven?
André-Joseph Léonard: Ce n'est pas tout à fait à nous d'en décider mais nous
avons suggéré que ces dossiers soient remis sous scellés, déposés dans un
endroit neutre que désignera la justice et que les victimes décident du sort de
leur dossier. Nous l'avons suggéré mais je ne crois pas que la décision nous
appartient. Nous avons en tout cas dit que nous ne voulions pas qu'ils soient
remis à la conférence épiscopale ou à son siège à la rue Guimard ni à
l'archevêché. Ils doivent être déposés sous scellés dans un endroit neutre. Nous
avons suggéré – mais c'est à la justice d'en décider – que les victimes aient leur
mot à dire dans ce qu'il adviendra des dossiers qui ont été constitués parce
qu'elles se sont adressées à cette commission.
Carina Van Cauter: Mevrouw de voorzitter, ik denk dat mijn vraag gedeeltelijk
vervallen is. Ik wilde vragen, wanneer de bisschop terug in het bezit gesteld zou
worden van de dossiers, of hij ze ter beschikking zou hebben gesteld van Justitie. Ik
verneem net dat er blijkbaar een uitspraak is geweest door de KI en dat de
inbeslagnames in het bisdom regelmatig zijn verlopen. De dossiers zullen dus blijven
waar zij zijn, bij Justitie.
Met betrekking tot de dossiers, in beslag genomen bij de commissie-Adriaenssens, zou
er een andere beslissing zijn gevallen, maar de details daarvan zullen wij nog wel
vernemen.
289
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
S'il y a des dossiers qui nous concernent, que nous soyons mis au courant de
manière suffisante pour pouvoir prendre les dispositions nécessaires dans notre
chef, sous réserve de l'intervention prioritaire de la justice.
J'entends bien de respecter à nouveau la volonté des victimes. C'est une chose.
Les victimes peuvent toujours garder l'anonymat, même si une information
judiciaire est en cours; c'est important si elles le désirent.
D'un autre côté, vous le savez aujourd'hui, 91 prêtres dénoncés sont en aveu.
Vous estimez qu'il faut mettre cela dans un lieu neutre et que vous, la conférence
épiscopale, puisque j'imagine qu'ils sont un peu de tous les évêchés, ne devriez
plus regarder l'ensemble de ces 91 noms de personnes en aveu, que vous vous
lavez les mains de ces dossiers, en quelque sorte?
André-Joseph Léonard: S'ils sont en aveu, qu'on nous dise qui est en aveu et
quelles mesures nous devons prendre! Mais nous n'avons aucune connaissance
du contenu de ces dossiers.
Nous ne demandons pas mieux. Et nous regrettons que tous ces dossiers aient
été mis au frigo pendant tant de mois. Ce n'est pas nous qui en sommes les
responsables.
La présidente: Mais vous avez quand même introduit un recours contre une
perquisition; et ils sont donc au frigo.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Prenons une hypothèse, monseigneur. Si ces dossiers n'avaient pas été mis au
frigo, ce que M. Adriaenssens nous a dit c'est que, de toute façon, on envoyait à
tous les évêques une lettre avec les noms afin de prendre des décisions et sans
doute des mesures.
C'est justement cela que nous n'avons pas reçu parce que la commission
Adriaenssens a été privée de ses dossiers. Elle n'a donc pas pu accomplir à notre
égard ce devoir d'information.
La présidente: Il est quand même préférable que des dossiers soient dans les
mains d'un juge qui va pouvoir mener des devoirs d'enquête que de les avoir
sous scellé, peu importe où, …
André-Joseph Léonard: Ils ne sont pas sous scellé à titre définitif mais
jusqu'au moment où une décision sera prise par l'autorité compétente sur leur
destination et sur leur usage.
Pourquoi demandons-nous qu'ils soient sous scellé? C'est pour qu'on ne puisse
pas soupçonner les évêques de trafiquer ces dossiers, de les faire disparaître.
C'est pour qu'ils soient en sécurité jusqu'à ce qu'une décision soit prise les
concernant.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
André-Joseph Léonard: Oui, depuis 2001, pour les cas postérieurs à cette date,
nous sommes tenus d'informer Rome des décisions prises par la justice civile et
s'il n'y a pas de recours à la justice civile, nous sommes tenus de demander à
Rome quelles sont les mesures à prendre. Après instruction, Rome renvoie à
l'évêque en lui demandant de prendre les sanctions adéquates ou dit elle-même
ce qu'il faut faire, surtout dans les cas qui paraissent les plus graves. Le souci de
Rome est d'éviter que les diocèses soient négligents. Pourquoi Rome a-t-elle
demandé cela depuis 2001, sinon pour s'assurer qu'il n'y ait pas de diocèse où on
laisse passer des choses, où on ferme les yeux, pour s'assurer que les décisions à
prendre soient prises et qu'elles le soient à juste titre.
C'est pourquoi nous avons changé d'avis. Ce que nous avions annoncé le 13
septembre, pas le 14, nous ne l'avons finalement pas fait. Il s'agissait d'instaurer
un centre. On avait pensé changer de nom, pour faire moins officiel. Malgré
l'intérêt d'un tel centre, nous y avons renoncé pour couper court préventivement
à toute interprétation possible d'une quelconque justice parallèle. C'est peut-être
dommage, mais nous allons dans l'Église nous limiter à l'écoute pastorale. Pour
ce qui est d'une écoute d'un autre genre, nous allons renvoyer aux centres agréés
et surtout renvoyer à la justice civile pour l'accueil des victimes.
292
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Le problème d'avoir une unité interne à l'Église qui ne soit pas transparente et
qui collecte 475 dossiers, alors qu'ils ne sont pas transmis à la justice a provoqué
tout le déroulement de cette procédure exceptionnelle dont nous avons parlé il y
a quelques instants.
Pouvez-vous déjà nous dire quelles seront les grandes lignes qui seront
éventuellement tracées dans ce code de déontologie ou dans ce vademecum?
Comme Mme Marghem l'a rappelé, il y a le principe de l'anonymat qui est tout à
fait possible et qui permet de protéger la société et de rendre justice via la justice
des hommes.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les règles qui seront prévues dans ce
code de déontologie et dans ce vade-mecum concernant la transmission des
dossiers à la justice?
Olivier Deleuze: J'ai deux questions concernant ces centres internes à l'Église.
Je crois percevoir à travers votre réponse que, d'une certaine manière, vous
regrettez que cela ait été perçu comme une justice parallèle. S'il n'y avait cette
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
perception, vous êtes toujours d'avis qu'il est peut-être bien de constituer ce type
de lieu au sein de votre institution. C'est l'impression que vous avez donnée mais
elle est peut-être incorrecte.
Cependant, avec mon vicaire épiscopal chargé des affaires juridiques, nous
sommes un peu perplexes: nous risquons de penser que, malgré les précautions
prises, il s'agit d'une sorte de justice parallèle.
Néanmoins, on s'est tous ralliés à l'idée de cette commission, avec laquelle s'est
vite instauré un malaise, ce qui explique qu'on ne lui ait pas donné beaucoup de
travail. Malgré les grands mérites de la personne qui présidait la commission, sa
générosité, son engagement, on avait le sentiment qu'elle travaillait un peu trop
seule, en n'impliquant pas suffisamment les autres membres de la commission.
Et que, peut-être était-ce parce qu'elle était elle-même une ancienne magistrate,
elle vivait la commission un peu comme un tribunal qu'elle présidait, portant des
sentences, déterminant elle-même des montants d'indemnisation à faire.
Nous avons été heureux quand Mme Halsberghe, malgré ses grands mérites, a
présenté sa démission et que nous avons pu avoir une nouvelle présidence de la
part d'un homme qui avait une autre approche et qui nous paraissait plus juste,
inspirant plus de confiance, non seulement aux évêques, ce qui est relativement
secondaire, mais une grande confiance aux victimes. Et surtout, après l'appel que
294
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
j'ai lancé le 23 avril, les victimes ont été en confiance pour s'adresser à cette
commission.
C'était très bien que les dossiers viennent. C'est ce que nous avons voulu: nous
avons voulu la transparence. J'ai lancé un appel marquant dans ce sens le 23
avril et les dossiers sont venus tout seuls; nous n'avons pas eu à en transmettre.
Ils ont été ouverts par la commission Adriaenssens à la suite d'auditions de
victimes. C'est très bien ainsi.
Olivier Deleuze: Bien entendu, les dossiers sont venus tout seuls puisqu'on a pu
lire dans le rapport de la commission Adriaenssens qu'il y en avait eu 475.
André-Joseph Léonard: Il y a eu un pic de 200 dans les jours qui ont suivi mon
appel. L'appel a donc été entendu.
Valérie Déom: Je voudrais revenir sur la notion de rigueur que vous avez citée
pour qualifier les règles qui seront prévues en matière de transmission des
dossiers à la justice dans le code de déontologie et le vade-mecum. Si je vous
comprends bien, ce ne sont pas les règes qui sont rigoureuses, c'est le principe de
l'exigence de transmission à la justice qui sera rigoureux.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
La présidente: Cela ne figurait pas dans les questions. Nous allons donc ajouter
ce petit élément pour l'ensemble des évêques.
André-Joseph Léonard: Puis-je en revenir aux questions qui m'ont été posées?
J'ai un rôle de cohésion. Il est évident que, dans l'affaire qui nous concerne, avec
les évêques de Tournai et d'Anvers, qui sont spécialement en charge de ce
dossier, nous allons chercher à avoir une attitude commune et coordonnée. Le
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
On m'a demandé si j'avais eu des contacts avec la justice, des procureurs ou des
services de police dans les cas précis.
Non. J'ai eu des contacts après avoir été sollicité par la justice qui voulait
m'interroger sur tel ou tel fait. Mais je n'ai jamais cherché des contacts avec la
justice pour "arranger" le traitement de certains dossiers.
Stefaan Van Hecke: Om zeker te zijn, het volgende. U zegt dus dat u geen contact
heeft gehad met Justitie over individuele dossiers. Ook na de inbeslagname van de
dossiers van de commissie-Adriaenssens heeft u geen overleg gehad met de procureur-
generaal in Brussel? Daarin bent u formeel?
Je n'ai eu avec la justice que des contacts auxquels j'ai été soumis parce qu'on
voulait m'interroger, mais sinon aucun.
Il est vrai que des prêtres vivent une certaine solitude. Maintenant, est-ce
intrinsèquement lié au célibat? Là, je serais très prudent. Je connais des
personnes mariées qui souffrent d'une grande solitude à l'intérieur de leur
couple. J'entends souvent des confidences de personnes mariées qui me disent
que, même si elles vivent avec un conjoint, elles vivent une grande expérience
de solitude.
J'éviterais de relier les problèmes de pédophilie au célibat des prêtres, parce que
si le mariage était automatiquement une prévention contre ce genre de problème,
cela se saurait. Et on ne comprendrait pas pourquoi l'immense majorité des cas
de pédophilie sont posés par des personnes mariées ou qui ont un conjoint, et ce
n'est pas cela qui les a empêchées de céder à cette tendance perverse. Je crois
qu'il s'agit d'une évolution psychologique désastreuse chez des individus. On
297
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
retrouve des pédophiles, des gens ayant cette tendance dans le célibat qui n'est
pas celui des prêtres, c'est-à-dire celui des gens qui ne sont simplement pas
mariés. On en retrouve, pour une grande majorité, chez des gens qui sont mariés.
Et, hélas, on en retrouve aussi chez des pêtres engagés dans le célibat sacerdotal.
Mais je ne pense pas que ce soit d'abord lié à l'état de vie.
Cela implique comme conséquence que l'on doit être, dans la formation des
prêtres, et ensuite dans leur accompagnement, plus vigilant que jamais quant à
l'équilibre affectif, quant au caractère humain de la vie des prêtres. C'est une
préoccupation qu'ont tous les évêques désormais.
Il faudra éviter qu'un prêtre, par sa nomination, soit trop exposé à une solitude
qui risquerait d'être pour lui, compte tenu de son tempérament, dangereuse.
Nous sommes désormais très attentifs à ce genre de choses. Nous sommes très
attentifs à la manière dont on nomme les prêtres pour cette raison mais aussi
pour que, dans un monde qui n'est facile pour personne, nous puissions vivre
notre célibat d'une manière positive, équilibrée et juste. C'est une obligation dont
nous sommes très conscients.
Je pense avoir répondu à toutes les questions sauf celles dont j'avais dit que j'en
parlerais en dernier lieu.
Quand je suis devenu évêque en 1991, je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai été
immédiatement conscient de l'importance d'avoir une attitude de transparence.
J'avais en effet été au contact de victimes antérieurement, dans ma vie de prêtre
à l'université, et j'avais le sentiment diffus, pas très argumenté, que dans le
passé, on avait noyé le poisson, pas tellement pour ces problèmes de pédophilie
mais pour d'autres problèmes de désordres moraux dans le chef de prêtres. On
avait déplacé les gens. Or on déplace alors le problème en même temps que la
personne.
Je pense par exemple aux cas de prêtres alcooliques ou de prêtres vivant dans un
certain concubinage. Parfois, dans le passé, j'ai eu le sentiment que le problème
était déplacé. Telle est la période que j'envisage lorsque j'utilise le terme "passé",
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Il y a eu une question que j'ai trouvée quelque peu marginale mais j'y répondrai
quand même: est-ce que je me sens victime de machinations, de conspirations,
de complots? En aucune manière. Ce n'est vraiment pas mon rôle de me
présenter ici comme une victime. Je n'ai pas du tout ce sentiment-là et à
supposer même que dans certains cas, il y ait un fondement à cette impression,
je dois dire de manière prosaïque et quelque peu machiavélique que ce que les
gens pensent être des campagnes dirigées contre moi ont aussi à terme des
aspects très positifs. En effet, cela me donne des occasions de parler
extraordinaires. Si je fais une conférence quelque part, depuis qu'il y a eu toutes
ces attaques – que je ne vis pas comme des attaques –, les salles sont remplies.
S'il y a des machinations, elles ont comme résultat de me donner plus de chances
dans l'exercice de mon ministère. Je dirai donc: "Allez-y!".
La présidente: Nous ne sommes pas là pour cela: nous sommes ici pour obtenir
des réponses à nos questions, pas pour vous attaquer personnellement ou pour
vous juger. Par contre, monseigneur, vous n'en avez pas fini avec nous. Même si
notre objectif n'est pas de vous juger, vous attaquer ou vous mettre au pilori,
comme je l'avais dit hier au cardinal Danneels, M. Bracke a une question!
André-Joseph Léonard: Je vous ai dit tout à l'heure que, dans certains cas, j'ai
été confronté à une difficulté et j'en ai donné les raisons. Je vous ai dit pourquoi
j'ai été amené à prendre certaines décisions progressivement. Une de ces raisons
est notamment l'attitude initiale de la victime. De plus, après un certain temps,
une procédure civile est heureusement engagée et, aussi longtemps qu'elle n'a
pas abouti, il peut être délicat de prendre des décisions radicales du premier
coup car on n'est pas certain de respecter tant les droits de la victime que ceux de
l'auteur présumé des faits. J'ai reconnu ma perplexité et je vous en ai donné les
raisons. Mais le but n'était vraiment pas de me montrer négligent. Et je vous ai
dit de manière un peu plate que, sur un plan personnel, j'avais toutes les raisons
de me montrer le plus empressé possible quand j'avais affaire à des auteurs
présumés qui étaient des gens qui me compliquaient la vie. Egoïstement, je
n'aurais eu aucun intérêt à dissimuler un fait ou à l'atténuer.
Mais, dans ce cas, il faut aussi faire preuve de prudence et ne pas céder à une
sorte de tentation de vengeance personnelle.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Valérie Déom: Monseigneur, je voulais parler des victimes qui sont envoyées
chez un psychiatre.
Valérie Déom: Dans ce cadre, le psychiatre ne vous fait jamais rapport des
entrevues qu'il a eues avec la victime?
Je pense aussi que c'est votre devoir et celui de la société civile, quand il est
question d'indemnisations, de bien peser tous les aspects du problème.
D'abord, à son sens, parce que la plupart des victimes ne le demandent pas, mais
certaines le demandent; que si cela devenait un système, cela pourrait à nouveau
encourager une culture duilence; pour éviter des indemnisations, on cachera
autant que possible les faits; au risque aussi d'encourager des délations abusives,
des délations forcées parce qu'il y aurait des intérêts financiers à la clé. C'était sa
pensée.
Je pense aussi que c'est votre devoir de vous situer au niveau du bien commun,
de ne pas penser seulement à l'Église, mais de penser à tous les autres domaines
de la société.
Il est clair que, si l'on imposait à l'Église de dédommager les victimes, même
sans responsabilité personnelle de ses responsables, on raisonnera sans doute de
la même manière pour tous les autres milieux: pour les milieux sportifs, les
milieux thérapeutiques, les milieux médicaux, etc. où se produit également ce
genre d'abus. Il faut donc pouvoir extrapoler, pouvoir étendre à tous les
domaines de la société le même type de raisonnement.
Il faut aussi se poser la question: où va-t-on s'arrêter? J'ai été fort interpellé par
un arrêt dont j'ai vu l'écho dans la presse récemment, où l'on a jugé en Belgique
qu'il était raisonnable de dédommager quelqu'un qui se plaint du fait qu'il existe:
parce qu'on n'avait pas suffisamment informé ses parents d'un risque d'anomalie.
Il se plaint donc du fait qu'il existe. Cette plainte a été jugée recevable, quelque
part en Belgique.
Par exemple, des études médicales commencent à paraître disant qu'il y aurait
des raisons de penser que les enfants qui ont été conçus par procréation
artificielle seraient, au bout d'un certain temps, plus vulnérables à certaines
maladies génétiques. J'imagine, sans l'approuver du tout, le scénario de gens qui
vont s'adresser aux pouvoirs publics en disant que ceux-ci ont élaboré des
législations en matière de bioéthique qui ont permis qu'ils soient conçus de cette
302
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
manière alors qu'il semblerait que cela entraîne parfois davantage de risques
génétiques. Ils exigeraient donc un dédommagement. On peut multiplier les
exemples.
Cet arrêt m'a interloqué. Je vous demande donc d'être très attentifs à toutes les
retombées possibles d'une logique d'indemnisation. Je ne dis pas non mais je
demande à ce qu'on soit attentif.
Il y a aussi des gens qui font faire des études – cela va commencer car le cas va
se poser de plus en plus – sur les éventuelles séquelles psychologiques des
enfants qui ont grandi en ayant deux mamans ou deux papas. Pensons à cela.
Que va-t-il se passer si un jour des gens commencent à demander des
dédommagements parce qu'une législation…
Je proposerais donc que l'Église catholique, qui est très sensible à la générosité
spontanée, participe librement avec tous les autres milieux de la société à la
constitution de fonds de solidarité, pas parce qu'on y est tenu juridiquement, sauf
si vous nous l'imposez, mais parce qu'il y a en général un devoir de solidarité
avec toutes les victimes: avec les victimes d'inondations, avec les victimes
d'épidémies mais aussi avec des victimes d'abus sexuels, même quand on n'est
pas directement responsable de ces faits.
Cela me paraîtrait être une contribution intéressante que l'Église catholique, qui
n'a pas le monopole de la générosité, qui n'a pas le monopole des abus sexuels
non plus, contribue librement, de manière volontaire, à un fonds de solidarité, si
vous jugez que cette manière de faire est tenable à long terme et en pensant au
bien commun dont vous avez la charge. Vous n'êtes pas vous-même le bien
commun mais vous êtes au service du bien commun et vous devez voir si dans
tous les domaines de la société, on peut trouver une solution qui soit juste à
l'égard des victimes et qui en même temps soit tenable, soit réaliste et respecte le
droit, qui ne fasse pas peser sur des gens qui n'ont commis aucun méfait et qui
n'ont pas montré une négligence coupable une responsabilité personnelle ou
institutionnelle.
Vous le savez, parce que nous tenons à la séparation des pouvoirs. Encore une
fois, il y a certains secteurs tels que le sport et puis, il y a l'Église qui est une
structure qui a une morale, qui avait une puissance dans la société que vous ne
pouvez pas nier et dont la responsabilité morale, en raison aussi de la confiance
que l'État avait mise en elle, puisqu'il y a eu les internats, les écoles et les
hôpitaux – qui existent encore –, est plus forte qu'ailleurs. Et c'était là-dessus
que se basait l'idée d'un dédommagement.
C'est dans ce cadre-là, me semble-t-il, que l'Église pourrait décider, sans attendre
la réaction d'autres milieux dans lesquels se commettent également des actes de
pédophilie tout à fait répréhensibles, d'intervenir aujourd'hui sous la forme d'une
indemnisation au nom d'une obligation morale. Abusés, abuseurs décédés, faits
prescrits… Mon Dieu, monseigneur, cela se passe à l'intérieur de l'institution!
Pour l'essentiel, les victimes ne lui sont pas extérieures. Ce sont des gens
proches des milieux cléricaux, dans les églises et les écoles, "à l'ombre de nos
clochers" comme je le dis très régulièrement.
"Ce que vous avez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous l'avez
fait". Ce sont des textes à partir desquels vous prononcez régulièrement des
homélies. Cela ne doit-il pas inspirer à l'institution, sans attendre que d'autres
milieux bougent, de se conformer à cette obligation de réparation? C'est la
question que je vous pose à titre personnel.
Carina Van Cauter: Monseigneur, zoals de voorzitter al heeft gezegd, wij kunnen u
niet verplichten tot solidariteit. Wij kunnen u ook niet verplichten om vrijwillig de
schade te vergoeden die is aangericht. Evenmin kunnen wij u verplichten om moreel
de volle consequentie te dragen van de vaststelling dat er toch enige
304
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Als wij spreken over solidariteit, dan is het een vaststaand feit dat men binnen de Kerk
solidair is met iedere priester die is ingetreden, ook met priester-daders. Ook met
priester-daders die desgevallend zijn gelaïciseerd, blijft de solidariteit bestaan.
Wanneer een burgerlijke rechtbank een fout aantoont, een oorzakelijk verband met de
schade vaststelt en de priester in kwestie heeft veroordeeld, en als de priester in
kwestie niet kan betalen, dan zou er toch een minimale vorm van solidariteit
opgenomen mogen worden door de Kerk om daarin verder te gaan en ook het
slachtoffer te vergoeden, wiens schade vaststaat? Dat is een eerste opmerking, of liever
een vraag, want ik heb u geen opmerkingen te maken.
Een tweede vraag. Wanneer de feiten vaststaan en de schuld is erkend, denkt u dan niet
dat men beter vrijwillig zou overgaan tot schadevergoeding? U zei daarnet zelf dat een
beroep gedaan kan worden op canon 1730, om via een canonieke procedure
schadevergoeding af te dwingen, ook in die gevallen waar, bijvoorbeeld ingevolge een
procedurefout, men niet komt tot het opleggen van een straf aan betrokkene. Denken
wij aan het geval-Borremans, ons bekend. In het canoniek recht staat dat de
verplichting tot schadevergoeding niet weggenomen is omdat de schuld vaststaat en
dat men dan gehouden is om de schade te vergoeden.
Welnu, als u zich darvan bewust bent, als u dergelijke dossiers onder ogen krijgt, moet
men dan werkelijk aan het slachtoffer vragen dat hij elk procedurea gaat uitputten,
kosten maakt, opnieuw die pijn doorstaat, om uiteindelijk genoegdoening te krijgen, of
gaat men vrijwillig zijn verantwoordelijkheid nemen en vergoeden waar het slachtoffer
recht op heeft?
Ten derde, die morele verantwoordelijkheid, als u erkent in een pastorale brief en hier
vandaag ook in deze commissie dat in het verleden op een foutieve wijze is omgegaan
met seksueel misbruik binnen de Kerk, neemt u dan niet die morele
verantwoordelijkheid op met al zijn consequenties? Het is gemakkelijk om 110
redenen te vinden waarom men het niet zou doen, maar ik kan er u evengoed evenveel
voorleggen waarom men het wel zou doen.
De christelijke leer in ons achterhoofd houdend, verwachten wij van u dat ietsje meer
en verwachten wij dat u de balans in de richting van de slachtoffers en niet in de
richting van de daders zou laten overhellen.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Un, les ministres du culte sont payés par l'État parce que vous provoquez chez
eux cette qualité; deux, c'est vous qui décidez qu'ils la perdent à un moment
donné de façon très réticente, nous l'avons bien compris, ce qui est peut-être lié à
ce que je dis. Il y a donc un lien hiérarchique, juridique en gestation ou qui est
peut-être beaucoup plus précis que je ne l'imagine: je n'ai pas eu le temps
d'approfondir cette question sur le plan juridique, je l'admets.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Une deuxième chose que je veux vous dire, c’est que dans la procédure
judiciaire dont il est parlé dans les normes sur les délits les plus graves que j’ai
rapidement énumérées tout à l’heure, on voit que les frais judiciaires sont réglés
selon ce qu’établit la sentence quand elle clôture une instance ouverte en droit
canon. Et au § 2 de l’article 29, on voit que si le coupable ne peut régler les
frais, ceux-ci seront réglés par l’ordinaire ou par le hiérarque de la cause.
Évidemment, en termes de vocabulaire, j’attends vos éclaircissements – le
hiérarque est évidemment le supérieur hiérarchique, mais l’ordinaire, je ne sais
pas ce que c’est.
Mais ça prouve bien que, même pour des frais judiciaires qui pourraient être
élargis à une indemnisation de victimes… Vous savez, on vous l’a répété et vous
le savez, le droit canon permet des condamnations disciplinaires; mais accrochée
à ça, l’obligation pour celui qui a été condamné disciplinairement pour des faits
d’abus sexuels – en l’espèce, que j’ai indiqués tout à l’heure – d’une réparation à
l’égard de la victime.
Dans ce sens-là, je pense donc qu’il y a des liens qui empêchent, dans un
premier temps, que la solidarité que vous interrogez au niveau de la société…
Un moment, j’ai cru que vous alliez nous demander de nous cotiser pour faire
partie de ce fonds! La générosité de l’Église, c’est très bien. Mais sa
responsabilité objective, je pense que c’es plus cohérent et plus logique par
rapport à ce que je dis.
Het feit dat u die vergelijking maakt, monseigneur, dat choqueert mij.
Ik kan alleen maar vaststellen waarmee ik ook ben begonnen: u voelt aan dat u niets
anders zult kunnen dan iets doen, maar dat is ferm tegen uw goesting.
307
Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Ik zou eigenlijk willen vragen: probeer daar iets positiefs van te maken. Doe het omdat
het noodzakelijk is om de mensen te helpen en niet omdat de maatschappij het van u
verwacht.
De monseigneur zei daarnet dat wij het recht moeten respecteren. Dat is al gezegd door
mevrouw Van Cauter. Waarin voorziet het recht? Fout, schade, oorzakelijk verband,
ook voor een aangestelde.
Het is een interessante discussie of priesters al dan niet aangestelden zijn. Het is hier
eigenlijk te weinig aan bod gekomen.
Los daarvan, het is aangehaald door de heer Van Hecke, het gaat hier niet om een kind
dat twee mama’s heeft of over een natuurramp, maar het gaat om misdrijven die in het
Strafwetboek zijn opgenomen. Het gaat niet zomaar om een simpel feit, maar om een
misdrijf.
Ik vind het heel jammer. Wij hebben het aan elke bisschop gevraagd. Wij hebben dat
gisteren aan kardinaal Danneels gevraagd. De kerkelijke, morele verantwoordelijkheid
is blijkbaar heel moeilijk om op te nemen.
Ik kan besluiten met de vraag die ik in het begin heb gesteld. Wij hebben gisteren
kardinaal Danneels gehoord en hij zei: als wij daarover moeten beslissen – dat was zijn
standpunt – dan is de stelregel dat het belang van het slachtoffer primeert op het belang
van de structuren en het instituut van de Kerk. Ik vrees dat ik moet concluderen dat u
het daarmee niet eens bent.
J'essaie de dire, sans forfanterie, que l'Église catholique est très soucieuse de se
montrer solidaire avec toute une panoplie de victimes dans des situations où elle
n'est pas directement responsable, aussi dans le cas qui nous réunit aujourd'hui.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
L'exarque est le mot grec qu'on désigne pour les églises orientales.
André-Joseph Léonard: Vous avez utilisé la catégorie d'employeur, qui est très
contestée. Nous avons des cas dans la jurisprudence où il est assez clair qu'un
évêque n'est pas l'employeur ou le commettant vis-à-vis de ses prêtres. Ce n'est
pas lui qui fixe leur travail de manière déterminée, de manière réglementaire. Il
y a une très grande liberté d'action individuelle d'un prêtre qui fait que cette
catégorie n'est pas adéquate.
Je répète mon propos essentiel. La priorité est que, en droit canon comme en
droit civil, ce soit l'abuseur qui paie s'il y a des dommages à régler, s'il y a une
indemnisation. Je suis très réservé à l'idée que l'institution comme telle soit
automatiquement tenue d'indemniser les victimes, surtout quand il s'agit de faits
qui sont lointains, qui appartiennent souvent à une autre époque.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
indemnisation par rapport aux victimes de l’Église, comme Mme Van Cauter le
présente souvent.
Je vous ai dit que nous ne pouvions et que nous n'allions rien vous imposer.
Nous respectons la séparation de l'Église et de l'État et la séparation des
pouvoirs qui nous a amenés à constituer cette commission par rapport à l'Église
et à la Justice. Nous respectons cela. Donc, n'attendez pas qu'on vous impose
quelque chose. Cette commission n'est pas là pour ça et elle n'a pas l'autorité
pour le faire.
Les questions qui vous ont été soumises ici tendent simplement à savoir si
l'Église compte, spontanément, de par la place qu'elle a pris dans notre société
depuis des dizaines d'années, par sa puissance, son pouvoir et par le fait que
l'État à un certain moment vous a donné énormément de place, parce que vous
aviez énormément d'écoles, d'hôpitaux, d'internats, etc., par le fait que vous êtes
autre chose qu'un simple club sportif, faire cette démarche.
Cela mérite quand même une étude qui ne doit pas être uniquement produite par
l'Église. Je pense que c'est à vous, en tant que responsables du bien commun,
d'étudier dans quelle mesure on peut généraliser un système où les institutions, à
défaut de l'abuseur personne physique, seront invitées, plus ou moins tenues -
au-delà d'une contribution volontaire – à assumer des frais. Cela me paraît
mériter une étude. Je ne suis pas opposé à ce que l'on étudie cela; je suis même
demandeur. Mais cette étude doit couvrir l'ensemble de la société. Donc, elle me
semble être de votre ressort.
Je vais d'abord remercier Mgr Léonard d'être venu répondre à l'ensemble des
questions. Je sais qu'il doit nous quitter pour prendre le train, car on l'attend à
Namur.
Je voudrais dire à mes collègues que nous reprendrons nos travaux avec les
congrégations. Le lundi 10, nous nous réunissons avec les platesformes. Ce sera
aussi un moment important. Par la suite, nous aurons aussi les congrégations
particulières: Dom Bosco et les jésuites.
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RESUME :
(Témoignage rédigé pour la Commission Adriaenssens, rapport final, 09/2010, pp 69 à 73)
Je m'appelle xxxx. Je suis né le 7 juin 1973 à xxxx dans la xxxx belge. Dès l'âge
de 8 ans je fréquentai les prêtres de mon village, mon papa ayant eu un grave
accident de voiture, il devint invalide et perdit son emploi à l'âge de 33 ans.
J'avais déjà un frère et une sœur.
Le curé et le vicaire étaient pour moi ma famille. De même que les religieuses
du village chez qui j'allais faire mes devoirs après l'école. J'étais l'homme à tout
faire pour les prêtres et les religieuses. Je les aidais dans leur potager, je
préparais et rangeais tout pour les offices religieux. Le curé qui était présent
dans la paroisse depuis plus de 20 ans était respecté. Il venait me chercher à
l'école pour servir les enterrements. J'allais visiter les malades à l'hôpital et à
domicile avec les prêtres. J'étais comme un petit prince, ils me faisaient
totalement confiance. C'est moi qui répondais au téléphone, qui comptais les
collectes et allais les porter à la banque.
Ce fut le bonheur de 1982 à 1987 où là les prêtres durent quitter la paroisse car
le curé atteint l'âge de la retraite, l'évêque en profita pour déplacer le vicaire.
Deux nouveaux prêtres arrivèrent donc en 1987. Le nouveau curé vint habiter
avec ses parents, ce qui fit que le vicaire dû habiter seul dans une maison.
Contrairement aux prêtres précédents qui habitaient ensemble dans le
presbytère. Le nouveau vicaire, arriva 3 ou 4 mois avant le curé, car il fallait
effectuer des travaux dans le presbytère.
Le nouveau vicaire prit possession des mouvements de jeunesse et de
nombreuses responsabilités de groupes de la paroisse. En effet, le curé était
aussi aumônier militaire, et laissa donc beaucoup de responsabilité au vicaire.
Le nouveau vicaire est arrivé à l'âge de 27 ans, j'en avais 14. Chez le vicaire il y
avait de nombreux jeux pour les enfants et les jeunes: Baby-foot, Nintendo, tv,
ordinateur. Il avait un très grand lit, ce qui m'étonnait pour un célibataire. Plus
deux lits superposés dans une autre chambre. Il n'était pas rare que des enfants
logent chez lui. Je me souviens de nombreuses bagarres de coussins dans les
chambres. Le prêtre prenait souvent des enfants dans sa camionnette et en avait
un sur ses genoux pour soi-disant lui apprendre à conduire. C'était surtout pour
les avoir assis sur ses parties génitales et pouvoir toucher celles des enfants en
s'excusant ironiquement en disant: "Je croyais que c'était le frein à main ou le
changement de vitesses."
Le vicaire recevait les adultes au rez-de-chaussée de son domicile, où il y avait
une salle de réunion, un salon, et la cuisine, puis un jardin. A l'étage il recevait
les enfants, là il y avait son bureau, sa chambre et une autre chambre, + un
grenier au-dessus. Dans son bureau, il n'y avait que sa chaise de bureau sur
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
roulettes et un fauteuil trônant devant une tv. Les enfants se mettaient sur les
genoux du prêtre et sur les accoudoirs du fauteuil pour jouer à la console
Nintendo. D'autres enfants jouaient par terre sur le sol qui était recouvert d'une
moquette. Son bureau était rempli de cadre de photos de jeunes d'enfants du
village.
Le prêtre savait que j'avais les clés de l'église et que les anciens prêtres me
faisaient confiance. Le prêtre savait aussi que ma famille était très pauvre. Que
mon papa s'était mis à la boisson et que deux autres frères étaient nés depuis. Il
savait que j'étais souvent hors de chez moi. Il savait que les autres prêtres me
chouchoutaient et que j'étais jaloux de voir des enfants chez lui le nouveau
vicaire du village qui pour beaucoup de gens était le curé, vu le grand nombre
de responsabilité qu'il avait.
Le nouveau vicaire me disait de venir le soir après la messe ou après une
réunion du soir et qu'ainsi l'on serait seul. Il me prenait sur ses genoux sur son
fauteuil et regardais le football, souvent des enregistrements de ceux-ci. Il me
caressait la tête, me donnait des bisous aux oreilles. Je me blottissais contre lui
comme un bébé contre sa mère. J'aimai cette affection physique, pensant qu'il
m'aimait. Je fermai toujours les yeux, n'aimant pas le foot et voulant
m'endormir dans les bras du vicaire.
Les deux anciens prêtres m'aimaient. Mais jamais il ne m'ont touché et abusé.
Le nouveau vicaire profita de la situation du quart monde de ma famille, de ma
carence affective. A la maison on n'avait guère l'habitude de s'embrasser,
seulement pour les anniversaires ou la nouvelle année. Voir que ma maman
cajolait mes petits frères et blottissait le nouveau-né; voir que le prêtre donnait
de l'affection physique à de nombreux enfants, j'en étais jaloux. Je me disais
pourquoi pas moi et donc répondait toujours aux appels du vicaire à venir le
voir. Cela s'est passé en 1987 bien avant l'affaire Dutroux, je ne connaissais
rien à la sexualité, de plus je voulais devenir prêtre depuis mes 8 ou 9 ans suite
à l'exemple des anciens prêtres. Le vicaire abusa rapidement sexuellement de
moi, puisque je le voyais presque tous les jours et il m'abusa progressivement un
peu plus à chaque fois. Je retirai ma main, il la remettait et me disait "laisse toi
faire". Chaque fois qu'il avait jouit il me disait je vais te reconduire ou tu peux
retourner. Jamais je n'ai joui, il n'y avait que son plaisir sexuel qui l'intéressait.
Quand je franchissais la porte de sa maison j'avais un mutisme. Ce qui fait que
je lui écrivais souvent pour lui dire que je n'aimais pas ce qu'il me faisait; il me
répondait pas écrits pour me dire qu'il ne recommencerai plus, de s'étonner
pourquoi je ne parlais pas chez lui et souvent pour me culpabiliser.
En 1990 un conflit entre le curé et le vicaire régna dans la paroisse où des
pétitions circulaient. Je pris ma plume et écrivis à l'évêque auxiliaire du diocèse
de Namur, pour dire que je voulais que le curé reste et que le vicaire parte, en
profitant pour dire les méfaits du vicaire sur moi. Je n'ai jamais eu de réponse.
Je n'ai jamais eu le courage d'en parler à l'évêque, Mgr A, que je connaissais
bien puisqu'il était originaire du même village que moi.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
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fâchais avec lui oralement et suite à cela il me fut interdit de servir les offices à
la cathédrale de xxxx. Mgr B acquiesça à cette décision.
Ma psychologue me dit de porter plainte. Ce que je fis en avril 2001 en me
constituant partie civile contre le prêtre à xxxx. Le prêtre n'eut droit à aucune
perquisition, l'évêque bien. Il fut répondu aux policiers qu'aucun dossier
n'existait contre le prêtre. Les policiers allant chez le vicaire judiciaire, la même
réponse fut donnée, et d'ajouter que l'évêché est au courant de rumeurs de faits
de mœurs de ce prêtre, mais pas de dossiers. Les policiers saisirent 11
documents concernant le prêtre et moi chez le vicaire judiciaire. Preuve que
l'Église ne collabore pas avec la Justice.
Le prêtre avoua les faits à la police, mais redemanda une auditions quelques
temps après pour se rétracter quant aux fellations, les datant qu’après ma
majorité. Car il ne savait pas qu'un viol est tout acte de pénétration sexuelle...
Durant tout le procès pénal il reconnaissait ses abus et désirait réparer. Le
tribunal déclara les faits prescrits par un jugement en 2004, pour la raison que
les faits avaient été correctionnalisés en 2002. Pour cause de casier judiciaire
vierge du prêtre et du fait que rien d'autre n'avait été trouvé contre lui!
Alors que le réquisitoire contenait les aveux d'un autre enfant pour
attouchements.
Je laissais neuf mois d'attente, ni le prêtre ni son avocat ne nous contactèrent.
L'évêque n'obligea même pas son prêtre a enfin réparer; alors que ce dernier
avait eu la grâce de la prescription, pas un non-lieu au bénéfice du doute mais
prescription.
Je portais donc plainte au tribunal civil xxxx pour les dommages et intérêts. La
défense du prêtre était de dire que cela était prescrit. Le tribunal après trois ans
de procédure déclara les faits non prescrits et désigna un expert pour chiffrer le
dommage. En avril 2010 l'expertise m'accorda 50 % d'invalidité permanente
dont 16 % attribué aux abus du prêtre. Le reste, à ma situations familiales de
l'époque, au fait que j'ai raté mon année d'infirmier durant les procès et au fait
que je sois au chômage actuellement, ainsi que du fait que l'on m'ait mis dehors
du séminaire.
En 2006, j'ai aussi porté plainte au tribunal civil de xxxx, car l'évêque a
toujours temporisé pour que je ne porte pas plainte, il ne m'a jamais aidé et a
toujours soutenu et protégé le prêtre pédophile.
En 2009, le tribunal déclara les faits non prescrits, mais me débouta quant à ma
demande matérielle du fait d'avoir perdu 3 années au séminaire. Le tribunal
disant que nous n'avons pas apporté la preuve que c'est Mgr B le responsable.
Quant aux dommages moraux et psychologiques, le tribunal a statué d'attendre
la fin du procès du prêtre pour juger l'évêque.
Le prêtre a toujours été protégé par l'Église de xxxx.
J'ai dénoncé officiellement les faits en 1996 au tribunal de l'Église de xxxx. Le
prêtre fut déplacé en 1997 dans une autre paroisse car il avait une menace de
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Ils savent que je suis régulièrement invité par les médias et ces prêtres disent
qu'ils n'ont pas lu mon livre car je ne leur ai pas envoyé un exemplaire.
Pourquoi ne le lisent-ils pas? Si dans ce livre je dis des mensonges, il y aurait
eu les procès en diffamation qui m'attendaient, car j'y ai mis les noms.
Mais ils ne le lisent pas car ils savent que tout ce que je dis est vrai. Voir ils
l'ont lu, mais disent pour se dédouaner : 'on ne l'a pas lu'.
Cela est du mépris. Cela ne me donne pas du tout l'envie de croire en ce Dieu et
en cette que j'aimai.
Mon combat continue donc et ma vie a été gâchée par les abus du prêtre. Mais
à présent toute ma vie est consacrée depuis 14 ans à ce combat de justice.
Je crois en la justice des hommes, la vérité finira par prévaloir.
N.B.: Je désirai que mon témoignage ne soit pas publié de façon anonyme, mais
la Commission Adriaenssens en a décidé autrement. Je l'insère donc ici comme
il est repris dans le rapport de la Commission.
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
Moi, pédophile!? Tout de suite les gros mots! C’est bien les journalistes, ça: toujours à
faire des pataquès de rien du tout.
Et alors ces députés qui font des "Commissions d’enquête sur les abus sexuels dans
l'Église", pardon, mais ils n'ont rien d’autre à glander? Et la Justice? Toujours à
chercher le mal partout, celle-là! Enfin, heureusement qu’il y a un truc bien dans la
Justice: la prescription. Ça évite de perdre du temps à des broutilles.
Parce que Roger Vangheluwe ne voit pas où est le problème. Il n’a "pas du tout
l’impression d’être un pédophile".Ses treize années de tripotages, c'était juste"comme
une petite relation" avec son neveu,"de l’intimité qui s’installait".Et rassurons-nous,
"ça n’a pas été bien loin". D’ailleurs, faire touche-quéquette au gamin ou se faire
astiquer le tich par le môme, "cela n’avait rien à voir avec la sexualité".
La preuve, c’est qu’"il n’a jamais été question de viol". En plus,Monseigneur savait se
tenir: "Il ne m’a jamais vu nu." Et aussi se retenir: "Il n’y a pas eu de pénétration et
d’orgasme." Avec le second neveu tripoté, non plus. Même qu’avec celui-là, les
attouchements n’ont duré que un an. Rien, quoi. Finalement, pour l’ex-évêque, tout ça
"n’était que des petits jeux". Voilà tout: Monseigneur était juste un peu jouette.
Or, vous savez ce que c’est, la dure vie de prêtre: on n’a pas le sou pour s’acheter des
chouettes jeux. Roger aurait pu faire des puzzles ou construire une chapelle en Lego.
Mais puzzle et Lego, à force, ça devient gonflant. Alors le pauvre curé devait jouer
avec ce qu’il avait sous la main quand la famille venait en visite: ses neveux. Que
voulez-vous, c’était il y a 25 ans, un temps où la PlayStation n’existait pas. C’est con:
s’il avait eu une PlayStation pour un peu s’amuser, peut-être que Tonton Roger
n’aurait pas été obligé de jouer à abus sexuel avec ses neveux.
Et puis, on oublie un truc. À l'époque, il ne savait pas que c’était mal, le tripote-kiki
avec des petits garçons: "Je n’étais pas conscient que cela avait un tel impact sur mon
neveu. Je croyais qu’il s’agissait de choses superficielles." C’est bête: Dieu aurait dû
le prévenir que c’était ultra-traumatisant pour le gosse.
Quelle tête en l’air, ce Dieu! Enfin soit. Après, quand il a super bien réussi dans
l'Église, Tonton Roger a versé de l’argent au gamin. Plusieurs millions de francs,
quand même. Mais attention, n’allez pas imaginer des choses: "Il ne s’agissait pas
d’obtenir son silence." Non-non, qui a dit ça? On disait que c’était juste une grosse
dringuelle d’un généreux mononcle. Ou alors le salaire d’un job étudiant un peu
spécial, mais vachement bien payé. Va savoir.
Enfin, le plus important, dans cette malheureuse histoire, c’est que Monseigneur
Vangheluwe ait trouvé les ressources nécessaires à la réalisation de son destin de
bienfaiteur: "Comme les faits ont cessé il y a 25 ans, j’ai pu vivre avec cela et très
bien travailler." Tout est bien qui finit bien. Sur ce, il faut que je vous laisse. Je dois
aller vomir.134
v.peiffer@moustique.be
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
TORNADE
Les innocents
petits drôles
Joignent gentiment
leurs mains
Et tournent leur
ronde folle.
Ils sont heureux,
les gamins !
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Le combat de Joël, victime d'un prêtre pédophile
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