United
Février 2010
SOMMAIRE
Introduction ......................................................................3
Conclusion ......................................................................25
Bibliographie ...................................................................26
GLOSSAIRE .....................................................................27
Annexes :
Introduction
Le 08 septembre 1998, le conseil d’administration du club de football
Manchester United annonça qu’il approuvé une offre publique d’achat (ou OPA)
d’un montant de 850 millions d’euros, émanant de la chaîne de télévision
BSkyB, filiale du groupe de communication du magnat australien Rupert
Murdoch. Cette annonce déclencha une vague d’indignation, notamment
auprès de nombreux supporteurs qui craignaient que le club ne tombe entre
les mains d’un géant des médias. Selon eux, cette prise de contrôle sonnerait
le glas de l’industrie du football telle qu’ils la connaissaient et l’aimaient depuis
des générations.
Mais les pourfendeurs de l’« ordre nouveau », à leur tête les supporters
traditionnels du club, contestent ces choix et orientations et appellent à la
restauration des nobles valeurs du football, en rappelant ce qui fonde l’activité
social en question.
Certes, à la fin des années 1990, le rythme d’évolution dans les industries du
sport, du loisir et du spectacle était frénétique dans beaucoup de régions du
monde. Cependant, les responsables du Manchester United ne sont-ils pas
allés trop loin lorsqu’ils ont ouvertement choisi de faire partie de l’industrie des
médias en acceptant l’offre de BskyB ?.
1. La démarche d’analyse
La question essentielle qui nous est posée consiste à déterminer si les objectifs
fondamentaux (ou intention stratégique) poursuivis par les responsables de
Manchester United doivent répondre aux attentes des seuls actionnaires ou
plus largement satisfaire d’autres catégories de parties prenantes (supporters,
élus locaux, opinions publique, etc.), voire œuvrer pour le bien collectif au sens
large.
Analyser stratégiquement le cas présent selon ces quatre (4) prismes permet
de considérer la problématique selon différents points de vue et recèle en soi
un réel intérêt pratique pour une compréhension encore plus riche.
1
L’intention stratégique résume l’état futur souhaité et les aspirations d’une organisation. C’est un « rêve
stimulant », un défi susceptible de motiver tous les membres de l’organisation. ( Voir G. Hamel et C.K.
Prahalad, La Conquête du futur, InterEditions, 1995)
Depuis le début des années quatre-vingt, cet aspect de la stratégie connait une
importance croissante.
Suite à une revue de la littérature que nous avons mené, nous avons jugé opportun de présenter la
Théorie des Parties Prenantes (ou TPP) et son intérêt pour le management stratégique.
Cette théorie est peu abordée sous l’angle du management stratégique alors
qu’elle est très largement issue de ce dernier 6 . En effet, la théorie des parties
prenantes est généralement traitée comme une théorie de l’agence et
développe une approche financière de l’entreprise alors que la « stakeholder
theory » s’enracine dans une vision stratégique dès la fin des années 60
(MARTINET, 2001).
2
MARTINET, A- Ch. & REYNAUD, E (2001) « Shareholders, stakeholders et stratégie », Revue Française
de Gestion, Novembre-Décembre.
3
AVENIER, M.J (coord.) 1997 “La stratégie chemin faisant”, Economica, Paris.
4
DONALDSON, T & PRESTON, L.E (1995) « The stakeholder theory of the corporation: Concepts,
evidence and implications », Academy of Management Review, Vol. 20, n°1.
5
MARTINET, A-C (1997) « Pensée stratégique et rationalités », Management International, n° 2, 1997.
6
MARTINET, A-C (1997) « Pensée stratégique et rationalités », Management International, n° 2, 1997.
De plus, dans les années 90-2000, la théorie des parties prenantes offre un
point de vue alternatif à l’approche financière. Cette théorie est, en effet,
susceptible de rendre compréhensible l’articulation entre marché, institution et
gouvernement d’entreprise. A cet égard, la théorie des parties prenantes peut
être considérée comme l’arrière plan théorique des thématiques de la
Responsabilité Sociale de l’Entreprise ou du Développement Durable qui,
toutes deux, reposent la question de la nature et de la mission 7 des
entreprises, notamment des très grandes entreprises.
Si la théorie financière peut se contenter d’une shareholder theory de la firme
puisqu’elle n’a pas à se préoccuper du contenu substantiel des choix (quelles
activités ? quels produits ? quels clients ? …), le management stratégique se
situe d’emblée et obligatoirement dans le cadre d’une stakeholder theory de
l’entreprise puisque le contenu même des choix fondamentaux constitue sa
raison d’être ». Dés lors, la stratégie, comme discipline académique, « ne peut
rechercher son paradigme fondamental que du côté de la stakeholder theory
»8.
7
La mission d’une organisation est l’affirmation de sa vocation primordiale, de sa raison d’être.
8
MARTINET, A- Ch. & REYNAUD, E (2001) « Shareholders, stakeholders et stratégie », Revue Française
de Gestion, Novembre-Décembre.
propositions qui suggèrent que les dirigeants ont des obligations éthiques
envers leurs parties prenantes » 9 .
Freeman 10 (1994, p. 409) précise que le but même de la TPP est de remettre en
cause cette prétendue séparation entre un monde économique (où prévalent
les hypothèses d’égoïsme, de rationalité et de primauté des actionnaires) et un
pôle éthique empreint d’altruisme et de considération sociale envers les autres
PP.
9
Xième Conférence de l’Association Internationale de Management Stratégique - Université Laval - juin
2001
10
Freeman, R. E., « The Politics of Stakeholder Theory: Some Future Directions », Business Ethics
Quarterly, Vol. 4, n° 4, p. 409-421, 1994.
11
Jensen M. C. , Meckling W. H., « Theory of the Firm : Managerial Behavior, Agency Costs and
Ownership Structure », Journal of Financial Economics, Vol. 3, p. 310-311, 1976.
12
(voir également, Harrison, 1998) : Harrison, J. S., Strategic Management of Organizations and
Stakeholders : Concepts and Cases, South-Western College Publishing, Cincinnati, 1998.
13
Goodpaster, K. E., « Business Ethics and Stakeholder Analysis », Business Ethics Quarterly, Vol. 1, p. 69,
1991.
3. Gouvernement d’entreprise
14
Pascal CHARPENTIER, « Management et gestion des organisations », Armand Colin, 2008, page 93.
15
ou « gouvernement d’entreprise », ou encore « corporate governance »
16
Voir T. Clarke et R. Bostock, « International corporate governance »
17
Par contre en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, et au Maroc, le conseil d’administration comprend
deux instances distinctes : le conseil de surveillance et le directoire. Le directoire est en charge du pilotage
de l’organisation, mais son activité est supervisée et contrôlée par le conseil de surveillance.
Le Manchester United étant une société anonyme 21 cotée en bourse, ce qui lui
donne des obligations certaines à l’égard de ses actionnaires. Même si cela
implique de multiplier les produits dérivés et de s’éloigner des attentes des
supporters traditionnels, et de l’esprit sportif originel tel que véhiculé dans
l’imaginaire collectif du peuple anglais, les dirigeants peuvent-ils faire
autrement ?. Au vue de toutes les considérations spécifiques au modèle anglo-
saxon citées plus haut, une chose est sûre : leur marge de manœuvre est fort
18
Pascal CHARPENTIER, « Management et gestion des organisations », Armand Colin, 2008, page 94
19
Pascal CHARPENTIER, « Management et gestion des organisations », Armand Colin, 2008, page 95
20
Voir l’ouvrage de M. Albert « Capitalisme contre capitalisme », Seuil, 1993
21
On peut raisonnablement le supposer vu que le club est coté en bourse depuis 1991.
réduite surtout avec une structure de possession du capital aussi diluée (les
responsables du club réunis ne détiennent que 17% du capital). Rappelons par
ailleurs, que les besoins financiers du club sont si importants (infrastructures,
salaires de joueurs, etc.), que seule la bourse peut satisfaire aisément.
Tenu pour acquis, le modèle dominant de société par actions enferme le club
dans une recherche de maximisation du profit à court terme, qui oublie sa
dimension de communauté humaine et sportive. La Société Anonyme cette
forme statutaire par essence commerciale convient elle à un club de football ?.
Le club Manchester United peut-il avoir une finalité économique comme
n’importe quelle entreprise commerciale ou doit-il se résoudre à circonscrire sa
finalité au plan sportif ?. Autrement dit, est-il avant tout une organisation
sportive ou une organisation économique ?. Peut-il être les deux à la fois ou
doit-il choisir ?.
Et quel dispositif de gouvernance est à même d’assurer, au club, pérennité et
efficience tout en régulant au mieux les conflits d’intérêts entre les différentes
parties prenantes ?. Ce sont « les » questions essentielles qui se posent au
club Manchester United et au football professionnel en général.
Sans rejeter le profit, n’existerait il pas d’autres modèles alternatifs conciliant
le but lucratif au bénéfice social ?. Entreprise propriété de parties prenantes
non financières, régie par une mission d’abord sportive et humaine et où le
pouvoir de contrôle serait entre les mains des porteurs de cette mission, serait
une option à étudier.
Incontestablement, de nouvelles règles de gouvernance et de régulation
adaptées à la particularité du football professionnel restent à inventer.
Selon les intérêts en jeu, les individus ont tendance à appartenir à l’un ou à
l’autre des groupes d’influence, ce qui fait que la composition des parties
prenantes et leurs divergences d’opinion peuvent varier en fonction des
objectifs stratégiques, des situations ou événements spécifiques.
L’analyse des parties prenantes est bien plus utile lorsqu’elle est mise en
parallèle avec l’évaluation des différentes options stratégiques, comme ici
l’attitude face à l’OPA de BSkyB, et peut d’ailleurs être utilisée comme outil
d’évaluation de la stratégie.
4
2
5
C’est souvent avec les parties prenantes de la case C que les relations sont les
plus difficiles à planifier : c’est notamment le cas ici de l’Etat (3) à travers le
gouvernement britannique. En effet, « bien que ces acteurs restent la plupart
du temps passifs, ils peuvent parfois basculer dans la case D, auquel cas la
sous-évaluation de leur niveau d’intérêt peut déboucher sur des situations
désastreuses, et en particulier sur l’abandon précipité de certaines
De la même manière, les attentes des parties prenantes figurant dans la case
B (à savoir supporters, élus locaux, présidents des autres clubs et la
collectivité en général), doivent être correctement estimés. Les responsables
de Manchester United doivent absolument veiller à s’allier le soutien de ces
parties prenantes car elles peuvent contrecarrer, par voie de lobbying par
exemple, les choix stratégiques du club. Dans le même ordre d’idées, la presse
et « l’opinion publique peuvent parfois contraindre une entreprise à adopter ou
à abandonner certains choix stratégiques » 23 .
Pour garantir l’acceptation de la nouvelle stratégie, il est souvent essentiel de
veiller à ce que chacune des parties prenantes reçoive une forme de
rétribution 24 , que ca soit sous forme statuaire, matérielle ou symbolique.
En tant qu’outil analytique permettant d’anticiper les réactions politiques aux
différents changements stratégiques, cette matrice indique le type de relations
que l’organisation doit établir avec chacune de ses parties prenantes. Même s’il
ne s’agit que d’une représentation synthétique des jeux politiques, insuffisante
pour transposer toutes leurs subtilités (on ne saurait confondre la carte et le
territoire), cette matrice permet d’amorcer la réflexion sur le comportement à
tenir vis-à-vis de chacune des parties prenantes.
Par ailleurs, la cartographie des parties prenantes peut s’avérer utile avant le
déploiement d’une nouvelle stratégie. En effet, en comparant les matrices
Pouvoir/Intérêt de la situation prévisible et de la situation souhaitée, on peut
identifier les différences et établir, par conséquent, les priorités politiques
accompagnées d’une liste d’actions opportunes à mener. Apparemment, le top
management du club Manchester United n’a malheureusement pas suivi cette
démarche : ça lui aurait épargné le désaveu public qu’il s’est vu infligé par le
veto du gouvernement britannique.
22
Gerry Johnson and al., « Stratégique », Pearson Education, 2009, pp 245.
23
Gerry Johnson and al., « Stratégique », Pearson Education, 2009, pp 246.
24
Voir R.M. Cyert et J.G. March, Processus de décision dans l’entreprise, Dunod, 1970
Adapté de Stratégique - Pearson Education 8eme édition 2009 - schéma 4.4 - page 178
La 1ere position éthique « Laisser faire » privilégie l’intérêt à court terme des
actionnaires.
actionnaires) doivent être explicitement intégrés dans les buts et les stratégies
de l’organisation.
Cet écart significatif des positions éthiques est source de conflit tout en étant
générateur de tensions. Les dirigeants du club seraient bien inspirés en
œuvrant à le réduire : évoluer vers la 3eme position éthique serait une bonne
action dans ce sens. En effet, Les dirigeants de Manchester United gagneraient
à se montrer plus attentifs aux attentes de partenaires clés comme les
supporters-clients et la population locale en général.
25
Muhammad Yunus, Creating a World without Poverty : Social Business and the Future of
Capitalism, PublicAffairs, 2007.
6. La culture de l’organisation
Source : Stratégique - Pearson Education 8eme édition 2009 - schéma 5.5 - page 229
26
La culture d’une organisation peut être définie comme « l’ensemble des croyances et des convictions partagées par
les membres d’une organisation qui déterminent inconsciemment et implicitement la représentation que celle-ci se fait
d’elle-même et de son environnement. » (Définition reprise de Edgar Schein, Organisational Culture and Leadership,
2eme édition, Jossey-Bass, 1997, p.6.)
27
Reitter R., Cultures d'entreprises, études sur les conditions de réussite du changement, Vuibert, 1991 ; Aubert N.,
Gruère J.-P., Jabes J., Laroche H., Michel S., Management, aspects humains et organisationnels, PUF, 2005 ; E. Schein,
Organisation Culture and Leadership, Jossey-Bass, 1985.
28
Paradigme : ensemble de convictions partagées et implicites au sein d’une organisation (Stratégique –
Pearson Education 8eme édition 2009 - page 230)
29
Les hypothèses implicites constituent le véritable cœur de la culture d’une organisation. Elles rassemblent
tous les aspects de l’organisation que les individus ont du mal à identifier et à expliquer, et qui constituent
son paradigme
30
C’est une représentation des croyances implicites d’une organisation –son paradigme- et des manifestations
physiques de sa culture.
Conclusion
Les supporters traditionnels de Manchester United déplorent que leur club soit
désormais guidé par une logique essentiellement économique et qu’il ait tourné
le dos aux valeurs nobles du football. En dénonçant les dérives du foot
spectacle, ils regrettent tout aussi bien le temps des origines où des valeurs
universelles, immuables et transcendantes caractérisaient l’activité
footballistique.
Aussi charitable soit elle, cette vision nostalgique du football nous paraît
pourtant tout aussi impropre que le déterminisme consacrant inéluctablement
le modèle du foot business. Un modèle ne se décrète pas. Un modèle est
toujours le produit d’un champ de tensions entre des forces qui s’opposent et
qui définissent les contours de sa forme sociale.
Bibliographie :
GLOSSAIRE
Parties prenantes :
« Les parties prenantes – ou ayants droit – sont les individus ou les groupes
qui dépendent de l’organisation pour atteindre leurs propres buts et dont
l’organisation dépend également ».
Stratégique - Pearson Education 8eme édition 2009 - page 161
« Tout groupe ou individu qui peut affecter ou qui est affecté, par la réalisation
des buts d’une organisation. Au sens large, le terme comprend les
fournisseurs, les clients, les actionnaires, les employés, les communautés ; les
groupes politiques ; les autorités politiques (nationales et territoriales) ; les
média, etc. »
FREEMAN, R.E (1984) “Strategic management: a stakeholder approach“Pitman, Boston.
Les objectifs sont en général bornés dans le temps et plus souvent exprimés
de manière quantitative.
Approche intégrée du management, qui affirme qu’il n’existe pas une méthode
idéale qu’il suffirait d’appliquer, mais que les types d’approches ou de solutions
envisagées dépendent toujours du contexte et de la situation rencontrées.
Adapté de : Stephen Robbins, David DeCenzo, « Management : L’essentiel des concepts et des
pratiques », Nouveaux Horizons, 6eme édition, Juin 2009, page 21.
Responsabilité sociale :
31
Alain DESREUMAUX, Xavier LECOCQ, Vanessa WARNIER, « Stratégie – Synthèse de cours & exercices corrigés
», Pearson Education, Aout 2006.
32
Voir notamment A. J. Shenhar, « One Size Does Not Fit All Projects : Exploring Classical Contingency
Domains », Management Science, mars 2001, pp. 394-414.
33
Stephen Robbins, David DeCenzo – « Management : L’essentiel des concepts et des pratiques »
Nouveaux Horizons – 6eme édition - Juin 2009, Page 83.
est alimenté par deux positions extrêmes. D’un coté, la vision classique (ou
purement économique) défend comme seule responsabilité sociale
l’optimisation des bénéfices; de l’autre, une position socio-économique pour
laquelle la responsabilité des entreprises va au-delà de la quête de gains et
inclut la protection et l’amélioration du bien-être social. L’opinion publique en
faveur d’objectifs sociaux en plus des enjeux économiques se fait clairement
entendre.
Adapté de : Stephen Robbins, David DeCenzo – « Management : L’essentiel des concepts et des
pratiques » Nouveaux Horizons – 6eme édition - Juin 2009, Page 67.
Ethique :
Enron aussi en avait un. Aussi, l’efficacité de ces codes dépend donc surtout de
la volonté de la direction à les faire respecter, à les intégrer à la culture
d’entreprise et à sanctionner les personnes en faute.
Gouvernance d’Entreprise :
d’une part et les autres parties prenantes d’autre part ; et ce, dans l’objectif de
création de valeur pour l’entreprise. La Gouvernance d’Entreprise s’intéresse
donc à la manière dont les entreprises sont dirigées et contrôlées et s’assure
de la capacité des organes de gestion :
Code Marocain de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise - CGEM - Mars 2008 - page 5.
Code Marocain de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise - CGEM - Mars 2008 - page 31.
Governance, risk management and control assurance - Standards Australia, SAA HB 254-2005
Systémique (L’approche) :
34
Stephen Robbins, David DeCenzo – « Management : L’essentiel des concepts et des pratiques »
Nouveaux Horizons – 6eme édition - Juin 2009, Page 19.
Adapté de : Stephen Robbins, David DeCenzo, « Management : L’essentiel des concepts et des
pratiques », Nouveaux Horizons, 6eme édition, Juin 2009.
L’analyse PESTEL :
ANNEXE 1
CONSIGNE
- ETUDE DE CAS EN GROUPE SELON LA CONFIGURATION DES GROUPES DE
FORMATION : JEUDI 31 DECEMBRE 2009 (18HOO-21HOO)
- RESTITUTION INDIVIDUELLE : DEPOT COPIE AU SECRETARIAT EMBA
AVANT LE 15/01/2010.
Lors de la présentation des résultats 1997 du club, son président s'était félicité des succès remportés
sur et hors du terrain depuis l'introduction en Bourse de 1991 : « 1997 a été une année
exceptionnelle pour Manchester United PLC. Le conseil d'administration est fier d'annoncer des
profits record et un dividende en hausse. Les performances, tant sur le terrain qu'en dehors, ont été
excellentes. Le stade a été plein tout au long de la saison. Le MU a remporté le championnat de
première division et a atteint les demi-finales de la coupe d'Europe des champions. »
Entre 1993 et 1997, le chiffre d'affaires a augmenté de 350 % pour passer à 120 millions d'euros,
tandis que le bénéfice, en croissance de 600 %, atteignait 26 millions, soit une rentabilité supérieure
à 20 %, dont toute entreprise pourrait s'enorgueillir.
Au cours des armées 1990, l'industrie du football en Angleterre a été profondément transformée,
avec en 1992 la création d'une première division rassemblant 20 clubs et une augmentation massive
des droits de retransmission télévisée, qui sont passés de 26 millions d'euros par an en 1990 à 227
millions en 1998, suite à un accord avec BSkyB.
Plusieurs clubs ont été introduits en Bourse, et les fonds récoltés ont permis d'investir afin
d'améliorer significativement les infrastructures. Le changement le plus notable a certainement été
la capacité et la volonté des principaux clubs - au premier rang desquels le Manchester United -
d'exploiter leur popularité au travers de produits dérivés portant leurs couleurs (vêtements,
accessoires, gadgets, etc.), distribués dans toute la Grande-Bretagne, voire (dans le cas du MU) dans
le monde entier.
Le tableau suivant montre comment ces différentes évolutions ont affecté la répartition des revenus
du Manchester United. Depuis 1990, les droits télévisés sont passés de 8 % à 15 % et les produits
dérivés de 15 % à 33 %, alors que la vente de billets a chuté de 55 % à 34 %.
Répartition du chiffre d'affaires
1990 1997
Vente de billets 55% 34%
Produits dérivés 15% 33%
Droits télévisés 8% 14%
Parrainage 15% 13%
Organisation de conférences 7% 6%
100% 100%
L'activité produits dérivés a augmenté très rapidement, avec plus de 1500 produits proposés dans le
magasin implanté dans le stade de Manchester, plusieurs centaines de points de vente de par le
monde et un catalogue de vente par correspondance. En 1997, le club a conclu un accord avec
BSkyB afin de lancer en 1998 une chaîne satellite consacrée exclusivement au MU et émettant six
heures par jour. Il existe une carte de crédit MU, et il est devenu possible de célébrer son mariage -
mais pas encore ses funérailles - sur la pelouse du stade.
Comme le soulignait fièrement le rapport annuel de 1997, Manchester United est devenu une
véritable marque internationale que des activité telles que la tournée de pré-saison en Extrême-
Orient ont encore contribué à renforcer. Tous les supporters n'apprécient pas cette évolution.
Comme l'a fait remarquer l'un d'eux lors d'une émission télévisée sur Channel 4 en 1995 : C'est
vraiment de la prostitution. Ce n'est pas parce qu'on peut faire de l'argent avec le nom du club qu'on
doit forcément en faire.
En 1996, Robin Launders, alors directeur financier du club, a été interviewé par la revue
Accountancy à propos des objectifs du Manchester United. Il a insisté sur le fait qu'il n'était pas un
homme de football, ce qui n'avait pas constitué un obstacle à son recrutement (au moins il ne
déteste pas le football). Sa formule du succès était la suivante :
Gérer un club de football, c'est facile. Tout ce que vous avez à faire, c'est dégager assez de profit
chaque année pour faire trois choses : développer votre équipe, développer votre stade et - si vous
êtes une société cotée en Bourse - payer un dividende. Si vous pouvez faire ces trois choses tous les
ans, alors la vie est belle. Cette recette n'est pas universellement partagée, comme le montrent les
commentaires suivants :
Le football, c'était la gloire, V amitié, la loyauté et la fierté nationale, pas le marketing, la finance
et les multinationales. Pourtant, c'est exactement ce qu'est devenu le Manchester United.
Un journaliste
Ils ne veulent plus de jeunes de moins de trente ans venus des classes populaires qui chantent des
chansons et qui s'amusent. Us veulent des gens bien élevés qui dépensent beaucoup d'argent, et
c'est bien ce qu'ils ont maintenant. Il n'y a pas longtemps, un supporter a été exclu du stade parce
qu'il se levait pendant la partie.
Un supporter
Les clubs de football ne devraient pas être cotés en Bourse. C'est bon pour les entreprises qui ont
des plans à 1, 2 ou 3 ans. Un club de football a un «audit» tous les samedis après-midi [jour des
matchs]. Quand Eric Cantona a frappé un spectateur du Crystal Palace, le cours de l'action a chuté
et la valeur du club a baissé de plus de 4 millions d'euros.
Un élu local
Venir voir un match, c'est un véritable parcours du combattant. Chaque siège est un produit à
exploiter. Le forfait MU inclue un déjeuner (avec un ancien joueur), une promenade sur le terrain
et peut-être la chance d'échanger deux mots avec un membre de l'équipe. Tout ça pour 275 euros.
Alors qu'il y a déjà 63 loges réservées par des entreprises, 100 autres sont sur la liste d'attente.
Pour les particuliers, vous devez payer 15 euros par an rien que pour figurer sur la liste vous
donnant le droit d'acheter une place, et on ne vous rembourse pas si vous n'en achetez pas. 12 y a
100000 personnes inscrites sur cette liste, ce qui fait déjà 1,5 million de chiffre d'affaires.
Un supporter
La réplique de la tenue officielle (maillot, short et chaussettes) coûte 90 euros, et elle a changé 4
fois en 6 ans. C'est du vol. Quand Dick Turpin [un fameux bandit de grand chemin] vous
détroussait, au moins il portait un masque.
Tommy Docherty (ancien manager)
Le changement fréquent de la tenue officielle a provoqué un fort mécontentement parmi les parents
des jeunes supporters. Ils se sont sentis contraints par leurs enfants de dépenser de fortes sommes,
alors que le club semblait indifférent à leurs plaintes. En mars 1998, deux responsables du
Newcastle United Football Club ont démissionné après les vives protestations qui ont suivi une
déclaration dans laquelle ils se vantaient notamment des profits réalisés sur la vente des tenues aux
supporters. Une émission télévisée a révélé que le marché britannique des tenues de football
dépassait 275 millions d'euros par an, avec une marge de 200 %.
L'une des raisons du changement de clientèle évoqué plus haut a très certainement été
l'augmentation rapide du prix des billets pour ses matchs de première division. De 1992 à 1998, le
prix moyen des billets a augmenté de 144 %, soit plus de quatre fois plus que l'inflation. En 1997, le
gouvernement travailliste a désigné un comité spécial chargé d'enquêter sur l'avenir du football. Le
prix des billets a été l'un des problèmes essentiels sur lesquels ce comité s'est penché. Les primes de
transfert ont également connu une inflation effrénée, tout comme la rémunération des joueurs, qui
rien qu'en 1997 a augmenté de 20 %.
Cependant, la hausse la plus spectaculaire a été celle du capital détenu par les actionnaires suite à
l'introduction en Bourse. Martin Edwards, le directeur général du Manchester United, a ainsi vu sa
participation d'origine de 825000 euros croître jusqu'à 75 millions. Alors qu'il a vendu pour 45
millions d'euros d'actions, il était encore à la tête de 15 % du capital du club en 1997.
Collectivement, les responsables du club détiennent environ 17 % du capital.
Les présidents des clubs de moindre importance (on compte 72 clubs inscrits au championnat
anglais) sont consternés par cette fracture croissante entre les quelques clubs de haut de tableau et
les autres. Comme l'a remarqué l'un de ces présidents :
Les matchs peuvent être reprogrammés au dernier moment pour respecter l'exclusivité des chaînes
de télévision par satellite. On méprise les petits clubs. L'écart entre les riches et les pauvres est trop
grand. Maintenant, le Manchester United est vendu comme l'équipe nationale, ce qui le coupe de
ses racines et de ses supporters traditionnels. Le football devrait être une histoire d'amour, sinon
c'est juste du business. Les grands clubs ont oublié leurs origines.
Certains se sont également inquiétés du fait que trop peu d'argent est recyclé dans les écoles de
football et les clubs juniors, qui constituent pourtant la source naturelle des futures générations de
joueurs. Il faut dire qu'en 1997, beaucoup de clubs de première division comptaient un grand
nombre de joueurs étrangers dans leurs équipes.
L'évolution des activités du club et du profil des clients transparaît au travers d'autres indicateurs.
En 1995, il y avait 42 joueurs professionnels et 31 entraîneurs et accompagnateurs au sein du club,
mais surtout 123 employés dans les produits dérivés et la restauration. Un musée venait juste d'être
inauguré, et il était prévu d'acheter du terrain afin d'agrandir le parking réservé aux tribunes des
entreprises.
Des administrateurs extérieurs au club, représentant toute une gamme d'expertise et d'intérêts,
siégeaient au conseil d'administration, comme on peut le constater sur l'extrait suivant du rapport
annuel 1997 :
À la fin des années 1990, le rythme d'évolution dans les industries du sport, des loisirs et du
spectacle était frénétique dans beaucoup de régions du monde. Plus que tout autre, le cas du
Manchester United a symbolisé ces changements. Cependant, les responsables du MU ne sont-ils
pas allés trop loin lorsqu'ils ont ouvertement choisi de faire partie de l'industrie des médias en
acceptant l'offre de BskyB? C'est ce qu'a estimé le gouvernement britannique début 1999 en mettant
son veto à cette acquisition
BON COURAGE