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Annales Médico Psychologiques 161 (2003) 603–608

Communication

La place de l’électroconvulsivothérapie
dans le traitement des schizophrènes
The Role of electroconvulsivotherapy (ECT)
in the treatment of schizophrenia
H. Fablet-Vergnaux a,*, J.-C. Loirat b, J.-M. Vanelle c
a
DES psychiatrie, service hospitalo-universitaire du Pr Vanelle, hôpital Saint-Jacques, 85, rue Saint-Jacques, 44035 Nantes cedex, France
b
Praticien hospitalier, service hospitalo-universitaire du Pr Vanelle, hôpital Saint-Jacques, 85, rue Saint-Jacques, 44035 Nantes cedex, France
c
Professeur, chef du service hospitalo-universitaire, hôpital Saint-Jacques, 85, rue Saint-Jacques, 44035 Nantes cedex, France

Résumé
À l’ère des neuroleptiques atypiques, soixante ans après sa découverte, l’électroconvulsivothérapie (ECT) demeure un traitement
d’actualité dont les conditions pratiques de réalisation se sont améliorées et les indications affinées. Son efficacité dans le traitement des
patients schizophrènes a été l’objet de nombreuses études, souvent anciennes, de méthodologie hétérogène, rendant les données et les résultats
difficilement comparables. Il existe, néanmoins, un consensus pour recourir à l’ECT chez les schizophrènes lors des exacerbations délirantes,
dans la catatonie, les états schizo-affectifs et en cas de résistance. C’est, le plus souvent, un traitement de seconde intention, après essai d’une
ou plusieurs séquences de neuroleptiques, bien conduites. Dans tous les cas, il est fortement conseillé durant la cure d’ECT de maintenir une
couverture neuroleptique, avec une molécule conventionnelle ou atypique. Deux modalités thérapeutiques d’ECT sont réalisées : l’ECT
curative et l’ECT de maintenance ou d’entretien, comme l’illustre notre pratique au CHU de Nantes.
© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.

Summary
Sixty years after its discovery, electroconvulsive therapy (ECT) remains an efficient technology. The role and the efficiency of this
technology in the treatment of schizophrenia have been the subject of many and more and less recent studies: the literature concerning this
subject shows different methods making the criteria of the studies and the results too difficult to compare. Though the atypical neuroleptics are
the first line treatment for schizophrenic patients, we can also discuss the importance of this therapeutical method in schizophrenia. Nowdays,
most of the authors are in agreement on the main indications of ECT in schizophrenia: acute episode, catatonia, schizo-affective states and
resistant schizophrenia. Its seems that in case of schizophrenic psychosis, the ECT comes in second position after trying several neuroleptics
sequences with full respect of the rules of prescription. In all cases, the ECT is associated with typical or atypical neuroleptics. We’ll discuss
the two main therapeutical modalities of ECT: the curative and the maintenance ones before exposing in details the experience of Nantes
University Hospital Center ECT Unit.
© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.
Mots clés : Électroconvulsivothérapie de maintenance ; Schizophrénie ; Schizophrénie résistante ; Sismothérapie-Électroconvulsivothérapie curative
Keywords: Curative electroconvulsive therapy; Maintenance electroconvulsive therapy; Resistant schizophrenia; Schizophrenia; Sismotherapy

1. Quelques rappels historiques sur l’ECT


convulsive généralisée, il observa une nette amélioration de
L’électroconvulsivothérapie (ECT) fut introduite en jan- la symptomatologie psychotique. Convaincu d’un antago-
vier 1934 par L. Von Meduna en Hongrie. Chez deux patients nisme entre l’épilepsie et la schizophrénie, il eut l’idée de
schizophrènes, délirants et catatoniques, ayant fait une crise provoquer, de façon artificielle, des crises d’épilepsie, en
injectant du camphre, puis du cardiazol. Cette méthode fut
* Auteur correspondant. rapidement interrompue devant l’apparition d’effets néfastes
Adresse e-mail : jean-marie.vanelle@chu-nantes.fr (J.-M. Vanelle). du cardiazol [9].
© 2003 Publié par Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.
doi:10.1016/j.amp.2003.08.003
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L’invention des électrochocs à proprement parler revient à certaines formes cliniques comme les exacerbations
deux Italiens, Ugo Cerletti, et son assistant, Lucio Bini, en délirantes aiguës relèvent d’un traitement par ECT, au moins
1938. Ces deux auteurs s’inspirèrent des travaux de Von à court terme, afin de potentialiser l’action des neurolepti-
Meduna, et provoquèrent artificiellement des crises d’épilep- ques et d’obtenir une plus grande rapidité d’action [20].
sie en remplaçant le cardiazol par l’électricité. Enfin, d’autres auteurs conseillent cette thérapeutique dans
En 1940, le fameux sismothère de Lapipe et Rondepierre, les situations d’urgence vitale, tels le refus alimentaire et la
à courant alternatif sinusoïdal, fit son apparition. La même cachexie d’origine délirante [26].
année furent introduits les agents curarisants prévenant cer-
taines fractures secondaires. 3.1.2. La schizophrénie catatonique
En 1952, les propriétés du premier neuroleptique, la chlor-
promazine (Largactil®) furent découvertes. Assez rapide- Les schizophrénies représentent, avec les troubles de l’hu-
ment, la sismothérapie fut moins utilisée, et même vivement meur, la principale cause de catatonie. Les traitements habi-
combattue par le courant antipsychiatrique des années 1960. tuellement prescrits pour les patients catatoniques sont les
Depuis une vingtaine d’années, elle a fait de nouveau son benzodiazépines comme le lorazépam et les neuroleptiques,
apparition, en raison des limites d’efficacité des psychotropes. l’ECT étant réservé aux cas où ces traitements médicamen-
teux échouent [14, 25].
Les données de la littérature démontrent l’efficacité de
2. Les modalités pratiques de l’ECT
l’ECT sur les symptômes catatoniques, indépendamment du
diagnostic nosographique [3]. En cas de catatonie d’origine
2.1. Latéralisation des électrodes
schizophrénique, le traitement agit sur la stupeur, le négati-
La latéralisation des électrodes a suscité de nombreux visme et l’opposition, généralement rapidement, permettant
débats. Dans les troubles de l’humeur, une quarantaine alors la reprise du contact et l’action concomitante sur les
d’études ont comparé l’efficacité de l’ECT bilatérale et de symptômes affectifs, souvent associés à la symptomatologie
l’unilatérale droite [22, 23]. Seules quatre études ont été dissociative comportementale [19].
consacrées à l’ECT unilatérale et bilatérale dans la schizoph-
rénie, sans retrouver de différence d’efficacité. 3.1.3. Les schizophrénies résistantes
D’une façon générale, l’application unilatérale sur l’hé-
misphère non dominant aurait moins d’effets délétères co- 3.1.3.1. Généralités. Les critères élaborés par Kane (1987)
gnitifs, alors qu’une application bilatérale des électrodes sont souvent utilisés :
aurait une efficacité supérieure. • diagnostic de schizophrénie, selon le DSM-III ;
• avec, au cours des cinq dernières années :
2.2. Fréquence des séances C pas de période où le patient va bien ;
C au moins trois essais de neuroleptiques appartenant à
Dans l’ECT à visée curative, les séances sont administrées des familles chimiques différentes (pour deux au
selon un rythme bi- ou tri-hebdomadaire, en fonction de la moins), pendant six semaines minimum chacun, à une
tolérance cognitive des patients. posologie supérieure ou égale à 1 g/j équivalent chlor-
Le nombre total de séances curatives s’élève, en moyenne, promazine, sans amélioration symptomatique signifi-
à une vingtaine dans la schizophrénie, soit un nombre plus cative [17].
élevé que dans les troubles thymiques [13]. Ainsi, Chanpattana et al. [8] ont-ils utilisé ces critères
dans une étude prospective et randomisée, sur 114 patients
schizophrènes résistants, présentant une exacerbation aiguë
3. L’ECT curative dans la schizophrénie de la symptomatologie positive. Il leur a été administré du
flupenthixol, à la posologie de 12 mg/j la première semaine,
3.1. La revue de la littérature : les principales indications puis 24 mg/j la deuxième semaine, en association aux
séances d’ECT bilatérales, administrées trois fois par
3.1.1. Les exacerbations délirantes aiguës semaine.
La plupart des auteurs qui se sont intéressés à cette indi- Parmi les 114 patients, 13 ont été perdus de vue, et 58 ont
cation décrivent l’efficacité des séances curatives dans les répondu, avec une réduction très significative aux scores de
décompensations aiguës de la schizophrénie, surtout en cas BPRS (< 25).
d’importantes hallucinations acoustico-verbales, de charge
anxieuse de forte intensité, pourvoyeuses les unes et/ou 3.1.3.2. Association ECT et clozapine. La clozapine est la
l’autre de passages à l’acte auto ou hétéro-agressifs [11]. seule thérapeutique dont l’efficacité a été démontrée dans le
La mise en œuvre de séances d’ECT dans la schizophrénie traitement des schizophrénies résistantes, qui constituent sa
peut avoir pour principal avantage de constituer un test thé- principale indication, avec une supériorité d’action par rap-
rapeutique sur le niveau de réversibilité des symptômes aigus port aux antipsychotiques conventionnels et atypiques [4, 6,
après douze à vingt séances [20]. Selon les mêmes auteurs, 10]. La résistance aux traitements antipsychotiques s’élève-
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rait à 25 % chez les patients schizophrènes et schizo- moindre efficacité que celle observée, et pourtant contestée,
affectifs. Quarante à 70 % des malades traités par clozapine de la clozapine sur les symptômes négatifs [13].
n’y trouveraient aucun bénéfice [18].
L’association ECT + clozapine a été dès lors proposée 3.2. Les principales recommandations
[15], avec une trentaine de cas publiés. Une amélioration
La prescription d’ECT chez les patients schizophrènes
clinique significative est évaluée par des échelles standardi-
varie selon les pays, et même au sein d’un pays. Malgré tout,
sées chez 65 à 70 % d’entre eux. Les auteurs ne retrouvent
de nombreux prescripteurs considèrent la schizophrénie
pas de complication évidente liée aux effets épileptogènes de
comme étant une indication de l’ECT. Cette diversité des
la clozapine, en dehors d’un cas de crise convulsive prolon-
pratiques se reflète à travers les recommandations des asso-
gée. La synergie probable de leur combinaison peut contri-
ciations nationales et internationales de psychiatrie.
buer à l’effet thérapeutique, mais son mécanisme d’action
reste à l’heure actuelle inconnu [5].
3.2.1. APA Task Force on ECT
Des études supplémentaires avec monitorage élec-
L’APA Task Force on ECT (APA 1990) recommande son
troencéphalographique sont nécessaires, afin de repérer les
usage dans les exacerbations psychotiques aiguës, où prédo-
changements électrophysiologiques et les risques de prolon-
mine une symptomatologie affective ou catatonique sévère,
gement des crises convulsives.
ou en cas de réponse antérieure jugée satisfaisante. Cette
association suggère également son usage dans les troubles
3.1.3.3. Association ECT et autres neuroleptiques atypiques.
schizo-affectifs [2].
Hirose et al. (2001) rapportent les effets de la combinaison
de la rispéridone, à la posologie moyenne de 6,20 mg/j et de
3.2.2. ANAES
cinq séances hebdomadaires d’ECT sur dix patients schi-
D’après l’ANAES [1], la décision de recourir à un tel
zophrènes (DSM-IV) présentant une hétéro-agressivité. Le
traitement repose sur l’appréciation des avantages et des
nombre total de séances est de cinq à neuf jusqu’à la dispa-
inconvénients respectifs de l’ECT et des autres thérapeuti-
rition des signes d’agressivité ou l’apparition d’effets indési-
ques, au regard d’un examen approfondi de la sévérité de la
rables. La combinaison est efficace sur ce symptôme pour
pathologie du patient, des indications, contre-indications et
neuf d’entre eux, mais avec pour sept la survenue d’effets
de l’échec des autres thérapeutiques disponibles.
secondaires : troubles mnésiques de courte durée, désorien-
L’ECT peut être considérée comme un traitement de pre-
tation temporelle légère à modérée, confusion et céphalées
mière intention dans les circonstances suivantes :
[16].
• l’état du patient est incompatible avec l’utilisation d’une
autre forme de thérapeutique efficace ;
3.1.4. Les troubles schizo-affectifs
• le bénéfice attendu par les traitements dits « classiques »
L’intérêt de l’ECT dans les troubles thymiques associés est jugé faible ;
est bien connu, qu’il s’agisse de dépression ou de manie • c’est la demande du patient, et l’indication est appro-
atypique [20]. priée.
L’ECT peut aussi être utilisée en traitement de seconde
Les données retrouvées dans la littérature ne sont pas
intention :
toujours faciles à analyser, les échantillons constitués regrou-
• après l’échec ou l’intolérance d’un traitement pharma-
pant souvent des schizophrènes résistants et des patients
cologique de référence ;
schizo-affectifs, comme c’est le cas dans l’étude de M. Saja-
• et/ou devant l’aggravation du tableau clinique.
tovic et H.Y. Meltzer [24], qui ont inclus neuf patients. Les
Ces différents groupes d’experts n’émettent pas de
critères de résistance sont définis par l’échec de trois
consensus plus précis quant à l’usage de l’ECT dans la
séquences neuroleptiques, menées sur un minimum de six
schizophrénie.
semaines, avec un score total à la BPRS de 53,7 + / – 9,7. Au
début du traitement, les neuf patients sont traités par loxa-
pine, avec une posologie comprise entre 10 et 100 mg/j. Six à 4. L’ECT de maintenance dans la schizophrénie
douze séances d’ECT trihebdomadaires sont pratiquées :
cinq patients s’améliorent significativement à la fin de la cure 4.1. Définition
d’ECT, d’au moins 20 % du score global initial à la BPRS
L’ECT de maintenance ou d’entretien a pour objectif de
[24] (réduction de 20 % par rapport au score initial).
consolider le bénéfice thérapeutique obtenu à l’aide de l’ECT
curative, mais aussi de prévenir les récidives d’une patholo-
3.1.5. Les schizophrénies à prévalence déficitaire
gie cyclique ou qui tend à évoluer par poussées.
Une revue de la littérature ne permet pas de trancher sur Le début de cette pratique remonte à 1942, avec Ronde-
l’intérêt du recours à l’ECT dans cette indication. Certains pierre, qui préconise de ne pas attendre les rechutes dysthy-
auteurs, dont Sackeim, considèrent que l’ECT est moins miques, celles-ci survenant souvent un mois après une série
efficace dans ce type de schizophrénie [23]. Fink propose un d’ECT, en réalisant des chocs, de façon préventive, tous les
plus grand nombre de séances mais avec, en général, une huit à quinze jours [21].
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4.2. Revue de la littérature dalité thérapeutique, notamment à cause des anesthésies à


répétition [12].
L’ECT de maintenance est beaucoup moins bien docu-
mentée dans la schizophrénie que dans les troubles de l’hu-
meur. Les rares publications recensées concernent des 5. Expérience de l’unité d’ECT du CHU de Nantes
formes de schizophrénie résistante [7].
Fink et Sackeim qualifient même d’anecdotique notre 5.1. Données générales
expérience de l’ECT de maintenance dans la schizophrénie
[14]. Au cours de l’année 2001, 55 patients ont pu bénéficier de
Tous les auteurs insistent sur la nécessité de mettre au séances d’ECT : 85 % d’entre eux souffraient de troubles de
point des protocoles d’études permettant de standardiser l’humeur et 15 % de schizophrénie.
cette pratique. Le plus souvent, le schéma thérapeutique de Contrairement aux troubles de l’humeur où existait une
l’ECT de maintenance se fonde sur un jugement clinique, prédominance féminine du recours à l’ECT, six des huit
susceptible de varier d’un praticien à l’autre. patients schizophrènes étaient de sexe masculin, avec un âge
moyen de 39,3 ans, alors qu’il était de 32 ans pour les deux
4.3. Principales recommandations femmes.
Les indications de traitement par ECT correspondaient à
4.3.1. APA Task Force on ECT celles retrouvées dans la littérature :
L’APA Task Force on ECT propose des lignes directrices • exacerbations délirantes aiguës (6/8) ;
pour sélectionner des patients pouvant bénéficier d’ECT de • répondant peu ou pas aux neuroleptiques ;
consolidation et/ou de maintenance : • résistance établie au traitement (6/8) ;
• séances délivrées pour des patients ayant une histoire • participation thymique (4/8) ;
récurrente ; • et des troubles des conduites à type d’auto ou d’hétéro-
• patients ayant répondu à l’ECT curative lors de la phase agressivité (4/8).
aiguë ; La durée de la maladie était supérieure à deux ans pour
• patients choisissant ce traitement ; sept des huit patients traités.
• malades résistants ou intolérants au traitement pharma- Les modalités thérapeutiques pour ces huit patients étaient
cologique seul. les suivantes :
Elle décrit le schéma thérapeutique le plus couramment • quatre patients ont eu des séances curatives, avec une
utilisé aux États-Unis, consistant à délivrer une séance heb- moyenne de 13,5 séances sur cinq semaines, au rythme
domadaire, en espaçant progressivement la fréquence des de deux à trois séances hebdomadaires ;
séances jusqu’à une séance mensuelle. Est aussi soulignée la • trois patients ont eu dans un premier temps des séances
nécessité de poursuivre le traitement neuroleptique durant curatives, en moyenne treize séances sur cinq semaines,
toute la période où l’ECT de maintenance est pratiquée, mais suivies de deux séances de consolidation et de mainte-
à des posologies moindres [2]. nance par mois sur plusieurs mois ;
• le dernier patient a reçu durant l’année 2001 sept séan-
4.3.2. ANAES ces de maintenance sur douze mois, espacées progressi-
Le groupe d’experts recommande une évaluation périodi- vement jusqu’à onze semaines d’intervalle.
que de l’indication, sur la base du rapport bénéfices/effets Tous les patients recevaient un traitement neuroleptique
secondaires, sans qu’il soit possible d’en définir un rythme avec les séances d’ECT.
précis [1].
5.2. Observation clinique
4.4. Bénéfice en matière d’observance ?
Mademoiselle P., 35 ans, est hospitalisée dans un CHS de
L’un des intérêts de l’ECT de maintenance pourrait être la région nantaise pour prise en charge d’une décompensa-
d’améliorer l’observance des patients schizophrènes, notam- tion aiguë d’une schizophrénie paranoïde, débutée dix ans
ment en autorisant le recours à des posologies plus modérées plus tôt et considérée comme résistante depuis un an.
de neuroleptique, ce qui serait susceptible d’en accroître la La symptomatologie ayant motivé la prescription d’ECT
tolérance. L’administration de une à deux séances d’ECT par durant l’année 2001 est évocatrice d’un tableau de schizo-
mois pourrait renforcer l’étayage thérapeutique auprès du phrénie productive :
patient et contribuer à une plus grande médicalisation des • un syndrome délirant, polymorphe et polythématique,
soins, sur le modèle des contrôles hématologiques en cas de non systématisé, avec une forte adhésion de la patiente,
traitement par clozapine. méfiante et autistique ;
En pratique, nous nous heurtons à certains obstacles : • des troubles des conduites, à type de comportements
insuffisance du nombre des sites adaptés à la délivrance d’un auto-agressifs : la patiente prend « des bains froids ou
traitement par ECT, appréhension des malades de cette mo- des douches brûlantes ».
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Des temps d’isolement sont régulièrement nécessaires, la l’acuité persistante de certains symptômes rend légitime
protégeant d’elle-même, mais sans réel effet thérapeutique. sa réalisation ?
De plus, il existe un retentissement physique marqué, la • définir au mieux les modalités thérapeutiques des
patiente étant dans un état de maigreur extrême. séances.
Plusieurs traitements neuroleptiques ont été administrés, En curatif, la plupart des auteurs considèrent qu’une
typiques ou atypiques, à posologies efficaces et sur une durée moyenne de vingt séances est nécessaire dans la schizophré-
suffisante. Avant de recevoir des séances d’ECT, son traite- nie, contrairement aux troubles thymiques où une douzaine
ment se compose de cyamémazine 600 mg/j, de divalproate de séances est préconisée.
de sodium 1 500 mg/j et de clonazépam 4 mg/j. Ce dernier Dans le traitement de maintenance, les données actuelles
traitement ne fut pas interrompu pendant les séances, malgré sont très empiriques. La plupart des équipes calquent leur
ses propriétés anticonvulsivantes, en raison de son efficacité schéma thérapeutique sur celui des troubles thymiques, à
sur ses troubles du sommeil. En revanche, le traitement savoir une séance hebdomadaire, dont la fréquence est pro-
thymorégulateur par divalproate de sodium est interrompu. gressivement espacée jusqu’à une séance mensuelle. Le bé-
Elle reçoit treize séances curatives en huit semaines, et six néfice thérapeutique est évalué uniquement cliniquement, ce
séances de consolidation en quatorze semaines. Une amélio- qui mériterait d’être mieux codifié.
ration sensible de son comportement est perçue par
l’ensemble de l’équipe soignante, dès la quatrième séance.
Un espacement de quelques jours entre les séances a provo- Références
qué très rapidement une nouvelle aggravation de la sympto-
matologie. Aujourd’hui, la patiente bénéficie de séances de [1] Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé
maintenance, au rythme d’une séance mensuelle. On note le (ANAES). Fédération Française de Psychiatrie. Société Française
d’Anesthésie et de Réanimation : Recommandations pour la pratique
maintien d’une amélioration globale, avec moins de troubles clinique : Indications et modalités de l’électroconvulsivothérapie.
du comportement et des conduites. Elle participe, désormais, janvier 1998.
aux activités sociothérapiques du service, et elle vient de [2] (Task Force on ECT) APA. The practice of ECT: Recommandations
passer une semaine d’essai dans un centre de réadaptation for treatment, Training and Privileging. Washington DC: American
psychosociale, où elle doit être admise prochainement. Psychiatric Press; 1990.
[3] (Task Force on ECT) APA. The practice of ECT: recommandations for
treatment, training and privileging. Second edition, 2001 Washington
DC.
6. Discussion [4] Barnes, Mc Evedy. Pharmacological treatment strategies in the non
responsive schizophrenic patients. Int Clin Psychopharmacology
1996;11:67–71.
L’expérience de l’unité d’ECT du CHU de Nantes illustre
[5] Buckley P, Miller A, Olsen J, Garver D, Miller DD, Csernansky J.
modestement les données nationales et internationales : indi- When symptoms persist: clozapine augmentation strategies. Schizo-
cations, modalités thérapeutiques combinant les séances phrenia Bull 2001;27:615–28.
avec neuroleptisation, innocuité de la méthode, et intérêt de [6] Chakos M, Lieberman J, Hoffman E, Bradford D, Sheitman B. Effec-
poursuivre des séances de consolidation et de maintenance. tiveness of second generation antipsychotics in patient with treatment-
En conclusion, quelques points méritent d’être soulignés : resistant schizophrenia: a review and meta-analysis of randomized
trials. Am J Psychiatry 2001;158:518–26.
• en référence à la Conférence de Consensus sur le traite- [7] Chanpattana W. Maintenance ECT in schizophrenia: a pilot study. J
ment au long cours des patients schizophrènes, les neu- Med Assoc Thai 1998;81:17–23.
roleptiques restent le traitement de première intention [8] Chanpattana W, Chakrabhand MLS, Kongsakon R, Techakasem P,
dans la schizophrénie ; Buppanharun W. Short-term effect of combined ECT and neuroleptic
• l’ECT, qu’elle soit curative ou de maintenance, est tou- therapy in treatment-resistant schizophrenia. The Journal of ECT
1999;15:129–39.
jours associée avec une couverture neuroleptique. Cette
[9] Charpin C, Meynard JA, Bernardet R, Sanchez MF, Modavi D. His-
association permet une synergie d’action, de mécanisme torique de la sismothérapie. Synapse 1997;137:29–30.
encore inconnu. [10] Christison GW, Kirch DG, Wyatt RJ. When symptoms persist: choos-
Quelques axes de recherche peuvent être proposés [27] : ing among alternative somatic treatments for schizophrenia. Schizo-
• isoler des facteurs prédictifs de la réponse aux séances phrenia Bulletin 1991;17:217–45.
[11] De Carvalho W, Olié JP. Électroconvulsivothérapie, publiée par le
d’ECT, si possible cliniques et électriques. Il serait, en
congrès de psychiatrie et de neurologie de Langue française. Paris:
effet, utile de pouvoir confirmer les symptômes répon- Masson; 2001 192p.
dant plus spécifiquement à l’ECT ; [12] Fablet-Vergnaux H. Intérêt de l’Électroconvulsivothérapie dans la
• hiérarchiser la place de l’ECT parmi les séquences thé- schizophrénie. Thèse pour le diplôme de docteur en médecine, quali-
rapeutiques à adopter en cas de schizophrénie résis- fication psychiatrie. Université Nantes; 2002 205p.
tante ; [13] Fink M. Convulsive therapy: theory and practice. New York: Raven
Press; 1979.
• préciser la durée d’évolution de la maladie schizophré-
[14] Fink M, Sackeim HA. Convulsive therapy in schizophrenia? Schizo-
nique compatible avec une efficacité maximale de cette phrenia Bulletin 1996;22:27–39.
modalité thérapeutique. Doit-on se limiter aux deux [15] Fink M. ECT and clozapine in schizophrenia. The Journal of ECT
premières années de la maladie ou plutôt considérer que 1998;14:223–6.
608 H. Fablet-Vergnaux et al. / Annales Médico Psychologiques 161 (2003) 603–608

[16] Hirose S, Ashby CR, Mills MJ. Effectiveness of ECT combined with [22] Sackeim HA, Prudic J, Devanand DP, Klierskyj E, Fitzsemons L,
risperidone against aggression in schizophrenia. The journal of ECT Moody BJ, et al. Effects of stimulus intensity and electrode placement
2001;17:22–6. on the efficacity and cognitive effects of electroconvulsive therapy. N
Engl J Med 1993;328:839–46.
[17] Kane JM. Clinical efficacy of clozapine in treatment-refractory
[23] Sackeim HA, Krueger RB. Electroconvulsive therapy and schizophre-
schizophrenia: an overview. Br J Psychiatry 1992;160:41–5.
nia. Electroconvulsive therapy. 1995. p. 503–45 chapitre 26.
[18] Lôo H, Colonna L, Petit M, et al. Électrochoc. EMC. Psychiatrie [24] Sajatovic M, Meltzer HY. The effect of short-term electroconvulsive
1979;37820 E10:11–30. treatment plus neuroleptics in treatment-resistant schizophrenia and
schizo-affective disorder. Convulsive Therapy 1993;9:167–75.
[19] Lôo H, de Carvalho W, Hartmann F, Amado-Boccara I. Actualités de [25] Ungvari GS, Leung CM, Wong MK, Lau J. Benzodiazepines in the
l’électroconvulsivothérapie. Psychol Méd 1994;26:565–75. treatment of catatonic syndrome. Acta Psychiatric Scand 1994;89:
[20] Loô H, de Carvalho W. L’électroconvulsivothérapie. In: Richard D, 285–8.
Sechter D, Senon é JL, editors. Thérapeutique en psychiatrie. Paris: [26] Vanelle JM, Bouvet O, Brochier P, Allouche G, Rouillon F, Lôo H.
Hermann; 1997. p. 327–47. Place de l’électroconvulsivothérapie dans les troubles psychiatriques
de la puerpéralité. Ann Méd Psychol 1991;3:265–9.
[21] Rondepierre J. Commentaires suivant la communication de M. Tison. [27] Vanelle JM, Brochier P. Les Schizophrénies résistantes. Rapport au
Résultats obtenus par l’ECT dans diverses affections mentales. Ann Congrès de Psychiatrie et Neurologie de Langue Française. Paris:
Méd Psychol 1972;1:309. Masson; 1995 Toulouse 1994, 293 p.

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