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Grumel Venance. L'envoyé de Photius au catholicos Zacharie : Jean de Nikè. In: Revue des études byzantines, tome 14, 1956.
pp. 169-173.
doi : 10.3406/rebyz.1956.1135
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1956_num_14_1_1135
L'ENVOYÉ DE PHOTIUS AU CATHOLICOS ZACHARIE r
JEAN DE NIKÈ
et, comme il croit que ce siège est Nicée (11), il est naturel qu'il le
désigne par la qualité de métropolite. Mais cette qualité attachée
au siège peut fort bien n'être ici qu'une conséquence logique, sans
lien avec le texte original. En un mot, Vardan ne relève pas un texte,
il donne un renseignement qu'il se doit de faire cohérent. C'est de la
même manière qu'il faut juger le témoignage de Nicon et d'Anastase :
ils croient que les textes qu'ils citent appartiennent à Jean de Nicée,
et ils pensent assurément à la ville du grand concile. Eux aussi sont
logiques en appelant le personnage « métropolite ». Ainsi c'est d'une
conséquence logique ici que le titre peut provenir sans qu'intervienne
une transmission des textes.
Il en est autrement de l'autre groupe, qui dit « archevêque ». Les
témoignages de cette catégorie sont d'une particulière autorité. Ils
consistent en effet dans une transcription de documents officiels
ou vivants et non en une élaboration d'écrivains.
Voyons d'abord la lettre de Jean de Nicée à Zacharie, où la suscrip-
tion donne à l'auteur le titre d'archevêque pour un siège qui est celui
d'un métropolite. Ici la logique est en défaut et cela aurait dû donner
l'éveil. C'est un fait en effet bien remarquable que la transcription
manuscrite du document donne constamment à Jean le titre d'arche
vêque(1).
Ce titre ne peut remonter qu'à l'origine. Car il est évident que si
Jean avait été métropolite de Nicée, c'est ce titre qui aurait figuré à
l'origine et continué à figurer dans la transmission et personne n'aurait
eu l'idée de le transformer en « archevêque ». On comprend tout à fait
bien au contraire que dans l'appellation d' « archevêque » de Nikè,
le nom de Nikè, surtout s'il comporte une abréviation, soit devenu
Nikaia. Les copistes transcrivent généralement les modèles qu'ils
ont devant les yeux, comme ils croient les lire. S'il en est qui ont pu
remarquer l'accouplement insolite d'archevêque et de Nicée, il n'est
pas sûr qu'ils y aient vu une déchéance pour la ville célèbre, car le
titre d'archevêque qui est le titre des évêchés dépendant directement
de Constantinople, est aussi, dans un sens plus relevé, celui des sièges
principaux : Constantinople, Césarée, Éphèse. Ces copistes n'avaient
pas à prendre la responsabilité de le changer et, en tout cas, ils ne
l'ont pas prise.
Ainsi donc on aura aucune peine à conclure qu'entre les deux
(1) Bien que la forme du nom soit Nikioy (= de Nicée) qui convient mieux à ???/, -r,~
qu'à ???a?a, -a? (voir p. 172, n. 2), c'est bien Nicée que Vardan devait avoir en vue, car
il pouvait difficilement connaître la lointaine petite ville de Thrace.
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termes « archevêque » et « Nicée », illogiquement unis, c'est Nicée
qui est le résultat d'une transformation, et qu'à l'origine on lisait
Nikè.
Venons-en enfin aux actes du concile de Sirakavan. Rien de plus
autorisé que de tels documents. On peut les en croire, quand le titre
qu'ils donnent aux personnages ne peut s'expliquer par une évolution
subséquente. C'est le cas ici où l'envoyé de Photius est qualifié d'arche
vêque, car si son siège est Nikè, ce titre est bien celui qui lui convient,
comme nous l'avons expliqué plus haut; et si c'est Nicée cette ville
étant alors métropole et l'étant toujours restée le titre eût été
« métropolite » et n'eût pas été changé. Par ailleurs, il n'y a pas lieu
dans ces actes d'opposer au titre d'archevêque le nom du siège qui
en arménien est Nikioj (1). La terminaison oj marque le génitif. Pour
désigner la ville de Nicée au génitif on rencontre plutôt Nikiay, par
où est maintenu le son a de ???a?a, qui, en grec, est conservé dans
toute la déclinaison de ce nom (2). Citons un cas exactement parall
èle. Dans un acte synodal de Michel III concernant l'union rel
igieuse avec les Arméniens, conservé seulement en arménien, il y a
parmi les signataires Nicolas de Nicée. Son titre est : « metropolits
Nikiay », non Nikioy (3). On peut donc considérer que les actes du
concile de Sirakavan, en nommant Jean archevêque Nikioj, trans
mettent avec la titulature le nom du siège, ou du moins une graphie
où il est possible, et hautement plausible, de l'y reconnaître.
Toutes les raisons que nous venons de développer auraient suffi à
elles seules pour faire restituer à l'envoyé de Photius son vrai siège,
Nikè. Il a fallu le texte nouvellement découvert par le P. Darrouzès
pour suggérer un nouvel examen des témoignages. A la conclusion
qui en est résultée s'ajoute maintenant de tout son poids l'autorité
(1) Il ne faut pas se laisser tromper par le catalogue des manuscrits arméniens publié
par Fr. Macler. On y lit dans la description du codex 130 l'indication suivante : « Lettre
de .lean le Sage, évêque de Nicée, au catholicos Zacharie ». J'ai tenu à vérifier : le manuscrit,
dit. archevêque/ On ne saurait être trop exact cet exemple le montre dans la rédaction
des catalogues.
:
(2) A propos du nom de cette ville, je suis assez déconcerté par une note de Muylder-
mans, op. cit., p. 128, n. 3. Il indique la forme Nikios (= ???a?a) d'après TJN, sigles qui
désignent respectivement : 1) la collation propre de Muyldermans, 2) le ms. de Jérusalem
d'après l'édition de Marr (citée ci-dessus), 3) le ms. 130 de la B. N. de Paris. Or l'édition
de Muyldermans citée p. 169, n. 1, aussi bien que J et N, ont la forme : Nikioy. Muyl
dermans ajoute à propos de ce Nikios = ???a?a : « souvent l'arménien met une finale -??
pour le grec, -a ou -r,. Hubsdhmann, Gram., p. 332 ». Hübschmann n'est point aussi catégo
rique. 11 ne dit pas souvent, mais gelegentlich; il ne parle que de la finale en -r,, non de -a;
il ne s'occupe pas des noms propres.
(3) Ilecueil de Narsès, éd. de Jérusalem, 1871, p. 180. Cf. Regestes des Actes des Patriar
ches de CP. N" 1132.
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