L'ERGONOMIE :
UNE PRATIQUE DE CONNAISSANCE DE L'ACTIVITE
EN SITUATION REELLE DE TRAVAIL,
J. Duratfourg, Y. Schwartz, P. Davezies
ACTIVATE.
19 rue des bergers
38000 GRENOBLE
INTRODUCTION
ergonomie s'est développée en fonction d'un objectif pratique
apporter une contribution a {a transformation des situations de travail.
Pour atteindre cet objectif, les ergonomistes ont été progressivement
confrontés a I'exigence d'une connaissance scientifique de l'activité des
travailleurs en Situation professionnelle. Les caractéristiques des outils
disponibles et les problémes posés par [utilisation des résultats que
ceux-ci permettaient de produire, ont conduit les ergonomistes a
développer une double recherche, d'une part sur les méthodes
d'intervention a mettre en ceuvre pour créer les possibilités concrétes de
production d'une telle connaissance, d'autre part sur les méthodes
danalyse de lactivité de travail en situation réelle, étant entendu que
celles dont ils disposaient n'avaient pas été élaborées pour cet objet.
Lthistoire de la pratique ergonomique témoigne ainsi que le
préoccupation de lactivité en situation de travail, dont la connaissance
est une condition d'efficacité de action, change progressivement de
statut.LE DEPLACEMENT DE LA PROBLEMATIQUE
Lactivité fut d'abord un élément du contexte de travail a découvrir
sommairement pour situer les problémes de conditions de travail a
résoudre. La préoccupation n'était pas l'activité mais les caractéristiques
de la situation de travail problématiques au regard des connaissances
physiologiques, biomécaniques, psychologiques ...
Le probléme a résoudre était construit & partir de la confrontation, par
exemple, de la physique du son, de la lumiére, des phénoménes
vibratoires d'une part, et de la physiologie de Treille, de l'appareil
visuel, des caractéristiques biomécaniques d'autre part. Le corpus
ergonomique au départ est ainsi constitué par un rassemblement de
connaissances en vue d'appliquer celles-ci dans le domaine de
"'aménagement et de la conception des différents éléments qui
composent les situations de travail.
La mise en ceuvre concréte s'est heurtée trés vite a des problémes
que les connaissances rassemblées ne permettaient pas de maitriser. En
particulier, le caractére global des situations de travail a révélé les
limites d'un corpus constitué par sommation et d'une pratique
d'application de ce corpus aux situations réelles. La connaissance de
Vactivité de travail devenait centrale a la démarche dés lors que
Vélaboration de réponses efficaces aux problémes de conditions de
travail 4 résoudre dépendait de sa compréhension.
Aujourd’hui, la question de l'accés de I'activité de travail en situation
réelle, au statut d'objet de connaissance a part entiére se pose pour au
moins trois raisons.
La premiére est d'ordre conceptuel. La validité de I'intervention
ergonomique dépend de fagon croissante de |'élaboration de modéles
adaptés aux évolutions actuelles du travail et de Il'entreprise. En effet
ceux dont on dispose ne permettent pas de décrire les situations
professionnelles réelles. De surcroit, ils s'inscrivent dans le cadre des
paradigmes tayloriens d'organisation du travail dont la remise en cause
est la condition fondamentale de toutes possibilités de transformation des
situations de travail,
46La seconde est relative a la conduite du débat nécessaire au sein de
la discipline pour théoriser lexpérience accumulée dans les différents
domaines d'intervention de l'ergonomie. L'absence de clarification
épistémologique laisse la porte ouverte a l'empirisme et au risque d’une
soumission de la pratique ergonomique a des critéres d'efficacité
commerciale.
La troisigme raison résulte des exigences de formation des
professionnels de intervention ergonomique. Sans cadre théorique
adapté aux situations réelles, leur pratique future risque de se réduire &
Vutilisation d'outils pour apporter les réponses que les entités
économiques leur réclame sans avoir les moyens de reconstruire les
questions a traiter sur des bases solides.
SITUATION DE TRAVAIL ET POINT DE VUE DE L'ACTIVITE
L'expérience accumulée depuis plusieurs decennies par la
communauté ergonomique permet, nous semble-t-il, de construire la
situation de travail comme objet de connaissance et d'action, du point de
vue de l'activité concréte des hommes et des femmes engagés dans
celle-ci.
La notion de point de vue est fondamentale. Elle s'oppose en
particulier a la notion de décomposition de la situation de travail selon
les régles épistémologiques qui ont présidé a la constitution des
disciplines concernées par le travail.Un tel découpage de fa réalité en
vue d'identifier des objets distincts ne permet pas d'atteindre la
complexité des situations réelles. Dans ces conditions laction porte
principalement sur chacun des éléments correspondants et seulement de
fagon périphérique sur leurs inter-relations. Or celles-ci sont centrales
pour comprendre et agir sur I'évolution des situations de travail.
Construire ces derniéres du point de vue de lactivité de travail,
quelque soit la question initiale qui déclenche ‘intervention
ergonomique, c'est au contraire se centrer d'emblée sur la maniére dont
se négocient les rapports entre les éléments qui la composent, le résultat
de cette "négociation” étant l'activité offerte a l'investigation
ergonomique.
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