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R S90 28 AUGUSTE RODIN? ‘On sais que le furar Musée ces arts décurutifs doit €tre construc sur les raines acendies de la Coar des Comptes’, sil plait & Dieu et sunout au hasard des oleies ; Cest-t-dire si les frsis génctaux et mine particuliers, inséparabsles cle la rise en aeuvre de toute loterie qui se respecte, laissent les quelques sous nécessaites Pacha des picrres de taille et & la pose des charpentes. Pourtant, biew que ‘architecte n’ait pas enoore remis ses plans et devis, la partie spécialement untistique a éé commandée e les sculpteurs chuisis travailent deja avec acharne- i, Cela ferait croite quon a vraiment lintention d'édifier ce palais ; et, si uve user n'y saffit pas, on on Gmetita une aume, ou phasicurs autres, suivant les >esoins. Au nombre des commancies faites, figure uve porte monumentale dont le cuipteur Rodi achéve, er: ce moment, les études. On ignore encore quelle place secupeta ceite porte, si cest a Tintéricur du Palais, ou a Vextérieur, mais, ce qu'on it deja, c'est qu'elle constime un important et magnifique twvail, Ceux gui one admirer dans Tatelier de ‘artiste? les etucles achevées et culles en cours Nexgeution succorderit 4 dire que cetze porte sera ewuvte capitale de ce siéele. | faut retavacer a Michel-Ange pour avoir Fidée dun att aussi noble, aussi beau, vussi sublime. Auguste Rodin est @ pea prés inconnu ; il a’ pas le quart de la célébrité de Mf Chapu, Dy a a eels quelques raisons. Rodin est un grand artiste. Il a horrear les coteries et vit peu dans le monde. Comme il ne va pas dla échame, fa raclame «¢ vivnt pas i lui I ve, presque obscur, ainsi que les forts et les solitaires, au milien ‘es imaginations et des réves de son génic, et Uédaigneux de la gloire fugitive qui, ‘¢ Rutin, entre par la porte ct sort, le soir, pur la fenétre, il se contente de faire des befi-tl'euvre que sc3 amis admirent et que la postérité, qui ne se trompe jamais, marqués de son estampille éterrelie. Crest 4 Rodin quill activa une aventure qui résume, done fagon éclatante et léfinitive, la malhouneteté et la betise des jurys, Tl avait envoy au Salon une tatue = VAge d'airain, Mais ily avait dans cete ceavre une telle puissance de vie, ine expression si éayventy de la beauzé et de la force corparelies et ~ qu'on me rardonine ce mot, — une edeur si fearche d’humanicé, que le jury déciels que cette tatue était un simple moulage. Ia refusa', ne voulant pas admettre que att seul a & e 16 SEAN. pfit emprunter & la nature des formes aussi parfaites et aussi uraies, er que le génic de homme fat assez créatcur pour animer, de la sorte, un bloc de marbre et hii donner, awee une tlle intensité, le frisson de la chair et fe rayonnement de la pensée. Pourtant, lannée suivante, le méme jury fut bien obligé de recevoir un admirable buste de Victor Iugo, car il était assez difficile de prétendte que notre: gnuid pote et laissé mettre sur san visage des puignées de plate humide sans Je savwir, ov du moins sans protester. Rodin parle de ces choses sans amertume, avec un calme souriant et résigné, s&onnant seulement que des gens qui se disem des artistes, metrent tant de passion aveugle et méchante contre un homme dont la vie wut entire est faite de conscience, de respect et de sacrilices. D faudta bien cependant que le parti-pris des jurys se (aise et s‘ineline devant Voeuvze gigantesque entreprise par Rodin, qui nous aura donné un pendant a la porte du Baptistére de Florence, celle de Lorenzo Ghiberti® dont Michel-Ange disait qu’clle mériterait d’Zive la porte du paradis, car ce seta la porte par laquelle il entrera, malgté les académies, dans !'immortalicé. Le sujet, choisi_ par artiste, est I'Exfer, du Dance. Il est encadré par dexquises moulures dont le style appartient 3 vette Evoque indécise ct charmante qui va du gothique a la Renaissance, époque gardant Je mysticism de fun et Taégance paienne de l'autre. C'est paruni les cercles effrayants tracés par le potte Jorentin dans Jes flammes qui ne séteignent jamais et les laves qui bouillonnent toujours, quill a laissé crrer librement son imagination, Outre des groupes importants, cette vaste composition Iyrique comporre plis de rrois cents figures, toutes différentes d'attitude et de sentient, exprimant chacune, synthétiquement, une forme de la passion, de la douleur et de la malédiction humaines. En examinant ccs bouches tordues, ces poings convulsés, ces poitrines haletantes, ces masques éperdus le long desquels ‘coulent des larmes sans fin, il semble qu'on entend rerentir les exis de la Désolation &ernelle, Au-dessous du chapitcau dela porte, dans un pannau kigtrement crousé en votite, figure le Dante ues on saillie et se détachant complétement sur Ie fond, revétu de bas-reliefs qui représentent l'arrivée aux enters. Sa pose rappelle un peu celle du Penseur dle Michel-Ange. Le Dante ext assis, Je torse penché en avant, le bras druit zeposant sur la jambe gauche, et qui donne au corps un inexprimable mouvement tragique. Son visage, terrible comme celui d'un dica vengeur, s'appuie ourtemene sur la main qui s’enfonce dans la chair vers Ie coin des levees refoulées 5 cw ses yeux sombres plongent dans Vabime d’on montent des vapeurs sullureuses ec la plainte des camnés. Les battants de Ja porte sont divisés en deux panneaux stparés chacun par > groupe, formant en quelque sorte marteau. Sur le batrant de droite, Ugolin et sfils; sur celui de gauche, Paulo ct Francoise de Rimini, Rien de plus effrayant te fe groupe d’'Ugolin. Maigre, décharné, les cores saillant sous la peau que couent les apophyses, la bouche vide ct la levee mule, d'od semble tomber, au intact de la chair, une bave de fauve alfamé, il rampe, ainsi qu'une bytne qui a drerzé des charngnes, sur les corps renversés de ses fils dont les bras et les james rertes pendent gi et fa dans labime, % A gauche, Frangoise de Rimini, enlacée au corps de Paolo, fst le plus suave Ic phas tendre contramte & ce groupe qui synchatise les horreurs de la faim. Le seps joune et charmant oii Vartiste a réuni, comme & plaisir, touies les beautés dlivates ce sensuelles de la femme, es bras noués au cou de Pamant, dans un aouvement ala fois passionné & chaste, ule s'abendonne aux étreiates et au baiser ¢ Paolo, dont la chair frissoane de plaisir et dont la force de jeune athlete apparaie fuss une musculature élégante ct puissante, type de ln beauté de Mhorame, comme Srangoise de Ritnini est le wpe de la grfce de Is femme. ‘Sudessus des groupes, Rodin a composé des bas-reliefs sur lesquels se létachene des figures on ronde-hesse, des scenes en cemi-bosse, ce qui donne & bn quvre une perspective extzordinaire. Chaque batrant est couronné pat des nasques tragiques, des téres de furies, des alléyorics terribles ou gracieuses des sassions coupadles. Anedessous des groupes, des bas reliefs eucore, sur Jesquc!s saillent des nusques de la douleur. fe long du Menve de bone, des centaures galopent, “mporant des corps de femmes gui se dshartent, se ronlent «se tordent sur ies ‘coupes cabrées; dauires cencaues tirent des Méches sur les malheureae qui seufene s'échapper, vt Ton vait des femmes, des prostituées, emportées dans des shunes rapidies, se précipiter et tomber, la tee dans la fauge caflarnmée. Les monrants sont formés aussi de bss-reliels admirables ; celui de droite oxprime kes amours uaudires qui senlacent toujours et ne s‘assouvissent jamais ; celui de gauche, les limbes ot fon voit, dans une sorte de vapeur mysiéticuse, des Hégringulades d'enfants, mélées a d’horrbles figures de vicilles femmes. Bien qu'il xe svit inspiré du potme italien © on ne peur se faire unc idée de imagination personnelle que artiste a déployée pour fixer sur chacue tre et sur chaque corps une expressivn et une attitude différentes. Tl y a dans ces composi

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