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L’Europe a été au centre du débat politique national en mai 2005 quand le projet de traité

constitutionnel a été soumis à l’approbation de nos concitoyens par référendum. Le résultat


négatif a pu surprendre, ravir ou décevoir. La question européenne n’a laissé personne
insensible car la participation électorale fut proche de 70 %, ce qui est important pour un
scrutin européen. Les oppositions se sont notamment cristallisées sur le titre III du projet qui
envisageait le rôle économique de l’Union Européenne en constitutionnalisant certains
principes de nature économique comme la lutte contre l’inflation, la lutte contre les déficits
budgétaires, le rôle des services publics ….. . En fait, l’opposition s’est inscrite dans la
confrontations des théories économiques et le débat ancien sur le rôle de l’Etat en matière de
politique économique (clivage libéralisme/keynésianisme). La politique économique désigne
ici l’ensemble des interventions pilotées par les pouvoirs publics dans l’économie et qui se
fondent sur une hiérarchie des objectifs (la croissance, la lutte contre l’inflation ….) en
mobilisant des instruments spécifiques (budget de l’Etat, taux d’intérêt ….).
Dans cette perspective, il convient de dresser le bilan de l’action des politiques économiques
européennes afin de déterminer si les politiques conjoncturelles et structurelles ont un effet
positif sur la croissance des richesses créées.
Nous montrerons dans un premier temps les effets positifs de ces politiques puis nous
nuancerons dans un second temps en détaillant les limites d’une telle logique.

I – Les effets positifs des politiques économiques.

Il conviendra d’analyser les effets des politiques économiques conjoncturelles et structurelles


par la mobilisation d’outils comme la politique budgétaire et monétaire. On parle alors de
policy mix (politique mixte) lorsque ces deux instruments sont mobilisés de manière
coordonnée. La politique conjoncturelle ambitionne alors d’orienter l’activité économique à
court ou moyen terme, dans une problématique choisie en ayant pleinement connaissance de
ses contradictions et donc des choix que cela implique. La politique structurelle vise une
modification plus profonde, durable et donc de long terme de l’économie, notamment par la
politique industrielle ou la politique de la concurrence.

A – Une politique conjoncturelle qui mobilise surtout la politique monétaire

• La politique monétaire européenne s’inscrit dans une logique mise en place à la fin des
années 70 avec l’instauration du SME (système monétaire européen en 1979). Ce
système fut décidé de manière concertée par le Président de la République V. Giscard
d’Estaing et le Chancelier allemand H. Schmidt. La généralisation du passage aux
changes flottants, officialisé par les accords de la Jamaïque en 1976, illustrait la fin du
système mis en place lors de la conférence de Bretton Woods en 1944. Cette
généralisation des changes flottants dominée par le dollar offrait un cadre monétaire
instable et fortement mis à mal par les chocs pétroliers. La mise en place du SME en
mars 1979 doit alors favoriser la stabilité des monnaies nationales européennes les
unes par rapport aux autres, avec des parités quasi fixes, sous la domination d’une
monnaie pivot, le Mark allemand. Ce choix favorise alors une plus grande prévisibilité
économique dans la mesure où les acteurs économiques s’appuient sur des taux de
change qui varient peu (+ ou – 2,25 % par rapport au cours pivot).
• A partir de ce choix en 1979, la communauté européenne va alors progressivement
s’aligner sur la politique monétaire de l’Allemagne dont l’objectif numéro 1 était la
lutte contre l’inflation (souvenir historique de l’hyperinflation des années 30). Ce pays
met alors en avant une politique de l’offre dont la finalité est de restaurer les
conditions de rentabilité des entreprises, « les profits d’aujourd’hui devant favoriser
les investissements de demain et emplois d’après demain » (Théorème de Schmidt).
La maîtrise de la hausse des prix devient le leitmotiv des politiques monétaires
européennes avec la généralisation de la théorie libérale. L’inflation est perçue comme
le mal absolu dans un contexte économique qui se mondialise. L’analyse
quantitativiste de la monnaie, sous l’impulsion des théories monétaristes de Friedman
aux Etats-Unis, devient dominante dans les élites mondiales et européennes. La
création monétaire, source présumée d’inflation, est combattue. La sortie de crise et la
baisse du chômage ne sont plus envisagées au travers d’une relance de la demande
effective mais au contraire par une politique de l’offre qui vise à accroître le taux de
marge des entreprises. Un des moyens d’y parvenir, dans une économie
progressivement plus ouverte, est de favoriser la désinflation compétitive, synonyme
de parts de marchés, de croissance et d’emplois.
• La politique monétaire va devenir l’instrument privilégié. Dans l’approche monétariste
qui remet à l’ordre du jour, l’équation quantitative de la monnaie de Fisher, toute
augmentation exogène de la masse monétaire (décidée par les pouvoirs publics) plus
rapide que la hausse des richesses dans la sphère réelle, se traduit théoriquement par
de l’inflation. Il convient donc de contingenter la masse monétaire. Cela s’appuie sur
une appréciation initiale des taux d’intérêts nominaux. La création monétaire se réduit,
le financement de l’économie devient plus direct, par mise en relation des agents à
capacité et à besoin de financement sur des marchés. Il y a titrisation (hausse de
l’émission de titres), désintermédiation (recul du rôle des banques commerciales dans
la création monétaire) et financiarisation de l’économie (une place de plus en plus
importante accordée aux marchés financiers). La désinflation devient un acquis
renforcé par une politique de monnaie forte (politique dite du franc fort puis de l’euro
fort) qui permet d’avoir accès à des produits étrangers moins onéreux (d’où
désinflation importée). Cette politique de monnaie forte se situe dans la logique
libérale introduite par le SME sous la domination du Mark allemand. La désinflation
se généralise en Europe. Le taux d’inflation moyen de la zone euro s’est-il affiché
ainsi à 1,9 % en 2006.
• Cette politique est désormais coordonnée au niveau européen par la BCE dont la
mission essentielle est le maintien de la stabilité des prix dans la zone euro. C’est elle
qui définit et met en œuvre la politique monétaire unique en Europe, gère les réserves
et conduit les opérations de change (document 2). Elle est indépendante des
institutions communautaires et des pouvoirs politiques nationaux. La BCE ne reçoit
donc aucune injonction politique. Statutairement, elle est au service d’un objectif
unique, la lutte contre l’inflation avec un objectif de 2 % par an. On constate que les
autorités monétaires n’hésitent pas à mobiliser l’arme des taux d’intérêt comme ce fut
le cas dans les années 80 ou au début des années 90. De même, face à la pression
actuelle des prix de l’énergie et des matières premières ou la hausse de la quantité de
la masse monétaire en circulation, la BCE remonte-t-elle ses taux d’intérêt depuis
2006 pour contenir toute menace inflationniste réelle ou supposée.
• La faiblesse des taux d’intérêt et l’absence d’inflation peuvent ainsi être favorables à
la croissance économique. Ils constituent les fondamentaux libéraux de la recherche de
compétitivité prix de l’économie. Une inflation maîtrisée permet des gains de pouvoir
d’achat notamment pour les ménages à pouvoir d’achat limité mais dont la propension
à consommer est la plus élevée. La désinflation peut aussi être source de gains de parts
de marchés et de hausse des exportations nationales alors que les importations peuvent
être contenues. La demande intérieure et extérieure qui peuvent progresser, constituent
alors le préalable à la croissance économique et à l’emploi. La baisse des taux
d’intérêt à court ou long terme dans la deuxième moitié des années 90 a aussi été
favorisée par les perspectives du passage à l’euro qui a supprimé la concurrence entre
les anciennes monnaies appartenant au SME. Il n’y a plus de nécessité d’attirer les
capitaux flottants par une hausse des taux d’intérêt (prime de risque, document 2).
Cette baisse a aussi été rendue possible parce des critères de convergence qui ont été
imposés par le traité de Maastricht pour le passage à l’Euro. Ces critères imposaient
aux pays désireux de s’associer, une inflation contenue, des taux d’intérêt à long terme
limités, une monnaie stabilisée dans le cadre du SME, un déficit budgétaire limité à 3
% du PIB, une dette publique cumulée contenue à moins de 60 % du PIB.
Globalement, cette détente sur les taux d’intérêt (document 4) peut favoriser alors la
hausse de l’investissement des entreprises puisque mécaniquement, des projets peu
rentables basculent dans le domaine du possible. Il en va de même pour
l’investissement des ménages (hausse de la bulle immobilière depuis 7 à 8 ans) ou
pour la consommation à crédit. Enfin, la faiblesse de l’inflation obtenue depuis 20 ans
limite les pertes de pouvoir d’achat de la monnaie et dégage ainsi l’horizon des agents
économiques qui peuvent consommer, investir ou épargner sans risque, générant alors
un surcroît de création de richesses dans l’économie. Les placements en capitaux sont
attirés par cette zone de stabilité monétaire dont la rentabilité en termes réels est
assurée. L’Europe reste ainsi une destination privilégiée des IDE (en particulier le
Royaume Uni et la France), ce qui reste favorable la croissance et l’emploi. La
politique monétaire s’inscrit maintenant dans la durée depuis 20 ans et elle peut être
assimilée à une politique de long terme, voire être qualifiée de structurelle tant elle a
modifié en profondeur les comportements et briser les anticipations inflationnistes,
caractéristiques des Trente Glorieuses.

B – Une politique conjoncturelle qui mobilise dans une moindre mesure la politique
budgétaire

• Ce deuxième instrument est un compartiment de la politique économique utilisant les


dépenses publiques, européennes, nationales ou locales avec en premier lieu, le rôle du
budget de l’Etat. Celui-ci est un document comptable retraçant l’ensemble des recettes
et dépenses de l’Etat. Les objectifs de cette politique s’inscrivent dans la même
logique que ceux de la politique monétaire : il s’agit de concilier au mieux les objectifs
du carré magique (stabilité des prix, croissance, emploi et équilibre extérieur), sachant
qu’il existe une hiérarchie des objectifs. La politique mixte consiste à articuler les
deux bras de la politique économique en se rapprochant au plus près de ce carré
magique. L’art est difficile car l’articulation de ces deux politiques peut s’avérer
délicate voire contradictoire tant les horizons de ces logiques diffèrent. La politique
budgétaire à la différence de la politique monétaire, n’est pas supranationale mais
relève de chacun des Etats nationaux de manière décentralisée. Elle s’inscrit
néanmoins dans une logique encadrée par le traité de Maastricht ratifié en 1992 et le
pacte de stabilité d’Amsterdam adopté en 1997. Chaque Etat doit contingenter son
niveau de dépenses publiques et son déficit pour ne pas dépasser la limite des 3 % de
PIB. De même, la dette publique doit être contrôlée pour ne pas dépasser un cumul de
60 % du PIB. Ces critères sont contrôlés par la commission européenne qui peut
engager une procédure pour déficit excessif contre les pays se maintenant durablement
au-dessus de ces critères contraignants. Une telle procédure avait été engagée en 2003
contre la France mais elle fut abandonnée en 2005 parce que le déficit est repassé sous
la barre de 3 % du PIB et la dette recommence à se contacter (66,6 % du PIB en 2005,
65,4 % du PIB durant le second trimestre de 2006, le ratio de la dette par rapport au
PIB devrait continuer à diminuer pour atteindre 64,6 % en 2006 et environ 63 % en
2008).
• Ces contraintes s’inscrivent dans l’approche libérale qui vise à limiter les déficits
publics, perçus comme source d’inflation et frein à la croissance économique. En effet,
les déficits alimentent à long terme un possible augmentation de la fiscalité pour
financer le remboursement de la dette (capital et taux d’intérêt). Cela reporte la charge
de la dette sur les générations futures. Selon le théorème de Barro-Ricardo, la relance
budgétaire financée par déficit est assimilée à un supplément d’impôts pour le futur.
Les agents anticipent rationnellement cette crainte en se constituant un supplément
d’épargne intergénérationnel qui contredit les effets immédiats de la relance. Celle-ci a
peu d’effets et se dilue donc dans un supplément d’épargne et d’inflation. De plus, la
relance favorise les anticipations négatives d’agents économiques que l’accroissement
de la fiscalité détourne de la production de richesse. La hausse des déficits briderait les
énergies, favoriserait le départ d’activités économiques à l’étranger, désinciterait au
travail ou au contraire favoriserait l’économie informelle. La hausse de la pression
fiscale induite par le laxisme budgétaire entraînerait une baisse à terme des recettes
fiscales de l’Etat (Courbe de Laffer, « trop d’impôt tuerait l’impôt »). Le débat sur la
fiscalité constitue d’ailleurs un réel enjeu politique comme ce fut le cas à la
présidentielle française.
• Enfin, toujours selon cette approche, l’accumulation des déficits entraînerait un effet
boule de beige de la dette. Celle-ci augmente pour atteindre des proportions
inquiétantes. Par ailleurs, le financement des déficits accapare une part importante de
l’épargne en la détournant de l’investissement productif ce qui favoriserait
l’appréciation des taux d’intérêt (effet d’éviction de la dette). Le remboursement de
cette dette passée mobilise aussi une fraction toujours plus grande du budget de l’Etat
(14,7 % des dépenses pour le remboursement des taux d’intérêt en 2006 contre 6 % en
1983, c’est le 3ème poste de dépenses après l’éducation et la défense), ce qui limite ses
marges de manœuvre en période de conjoncture défavorable. La politique budgétaire
est alors recentrée sur les fonctions régaliennes de l’Etat, une part de plus en plus
importante étant alors rétrocédée au marché.
• La priorité de la politique économique européenne passe donc par une coordination
des politiques monétaires sous l’égide de la Banque Centrale Européenne alors que les
politiques budgétaires restent impulsées par chacun des pays. Ces politiques restent
corsetées par le Pacte de stabilité et doivent répondre à la logique libérale de réduction
des déficits. Ce n’est plus l’outil privilégié même si un budget européen existe et
promeut des politiques plutôt structurelles.

C – Les incidences de la politique structurelle


• La politique structurelle européenne s’est mis en place progressivement. Elle a
d’abord et surtout consister à développer et protéger l’agriculture européenne ce qui
lui a permis d’atteindre l’autosuffisance puis de devenir une agriculture exportatrice
concurrente de celle des Etats Unis. La politique s’est ensuite élargie. L’agriculture
représente certes toujours 43 % du budget mais sa part a régressé. Le FEDER (Fond
Européen de Développement Régional) joue un rôle très important dans l’essor des
régions des pays dont le niveau de vie est en retard par rapport à la moyenne
européenne. Cela a permis à des pays comme l’Espagne ou le Portugal de rattraper
une partie de leur retard en matière d’infrastructures. Par exemple, sur la période
2000/2006, l’Espagne a reçu plus de 43 milliards d’euros, soit près du ¼ des fonds
structurels européens (document 5) Ces investissements européens dynamisent la
croissance des pays dans lesquels ils s’appliquent en ayant un effet multiplicateur sur
le revenu. Ces aides permettent aussi de favoriser la reconversion de région
d’industrialisation ancienne en déclin mais aussi la vie dans les zones rurales ou les
quartiers sensibles. Par exemple, ces mesures inscrites dans l’objectif n°2 des
politiques structurelles européennes, concernent 31 % des populations en France ou 24
% au RU (document 5). Enfin, l’Europe peut promouvoir les politiques de formation
cruciales pour la compétitivité hors prix des pays européens. Il est à craindre
cependant que l’élargissement de la zone européenne à 25 en 2005puis 27 en 2007, à
moyens quasi constants, ne réduisent très fortement la portée de ces politiques
structurelles.
• Ces politiques structurelles passent aussi par une action sur le fonctionnement de
l’économie avec une modification de frontières entre sphère publique et sphère privée.
L’Europe a encouragé un certain nombre de déréglementations qui devaient favoriser
l’efficacité de la dépense publique, limiter le poids des prélèvements obligatoires face
à la concurrence mondiale, réintroduire de la concurrence en luttant contre les
monopoles et favoriser une meilleure allocation des ressources par le marché. La
finalité est alors de dynamiser la création de richesses et l’emploi. On peut citer le
marché des télécommunications, de l’électricité, le transport aérien ….. .

Quelles que soient les modalités et instruments utilisés, il convient maintenant de dresser
le bilan des politiques économiques conjoncturelles et structurelles en montrant les limites
des logiques poursuivies.

II – Les limites de ces politiques sur la croissance économique

A – Un constat très mitigé

• Au niveau conjoncturel, la logique du policy mix est très controversée. Le bilan


économique de la zone euro est l’objet de nombreuses critiques. Il y a un gros
décalage entre les promesses théoriques qui apparaissaient au moment du basculement
libéral des années 80 et les résultats tangibles intervenus depuis. Le niveau de
croissance économique reste faible dans la zone euro sur la période décrite et il est
inférieur à ce qu’il était dans la deuxième moitié des années 90. La croissance
allemande et française (près de 40 % du PIB européen pour les 2 pays réunis) reste
limitée. L’inflation reste par contre modérée, confirmant la période contemporaine de
désinflation initiée par les politiques libérales depuis les années 80. Il semblerait ainsi
que le caractère restrictif de la construction européenne soit dominant dans cette
période, la lutte contre l’inflation apparaissant comme la clé de voûte des politiques
économiques mises en œuvre (document 1). Cette situation illustre bien la mission de
la Banque Centrale Européenne (BCE) dont les statuts mettent en avant la lutte contre
l’inflation en toute indépendance du pouvoir politique (norme d’inflation fixée à 2 %).
Les observateurs critiques de tendance keynésienne, font observer que cette politique
monétaire reste abusivement rigide et trop restrictive car les menaces d’inflation
restent très théoriques dans un environnement moins dominé par le pétrole et par
contre sous pression constante du chômage qui modère les revendications salariales.
• Par ailleurs, la croissance économique est restée faible dans la zone euro : en dehors
du Japon qui se trouve dans une situation de croissance économique faible depuis une
douzaine d’années, on constate que la croissance économique est partout plus élevée
que celle connue dans la zone euro pour la même période. Aux Etats Unis, la
croissance cumulée depuis l’an 2000 est de 20,6 % et au Royaume Uni (pays
n’appartenant pas à la zone euro), elle est de 20,5 % contre 8,5 % en Allemagne et
14,4 % en France. Il y a donc bien une spécificité de faible croissance dans la zone
euro qui est inquiétante. L’objectif désinflation semble avoir supplanté l’objectif
emploi dans la hiérarchie des priorités. Centrée sur son action de stabilité des prix, la
BCE est accusée d’avoir menée une politique trop peu réactive et trop restrictive au
regard de la situation économique. La courbe de Phillips contestée par l’analyse
libérale serait ainsi validée de manière empirique. La lutte contre l’inflation se
solderait par un ralentissement de la croissance. Ainsi, l’inflation cumulée est-elle de
21,5 % aux EU depuis l’an 2000 mais de 12,1 % en Allemagne et de 14,8 % en
France. On constate alors que le taux d’intérêt de la zone euro a baissé pendant les
années 2000 (jusqu’au début 2006) mais que la croissance a peu suivi (document 4).
• Le respect des critères du pacte de stabilité a été sujet à très forte caution depuis 5 à 6
ans. Le ralentissement économique du début des années 2000 a largement fragilisé
cette construction théorique puisque les « gros » pays (France/Allemagne/Italie) ont
connu une forte dégradation de leur finances publiques avec un déficit supérieur aux 3
% requis pendant plusieurs années et une dette cumulée croissante (66,6 % du PIB
pour la France en 2005). La commission européenne a alors décidé d’engager contre la
France et l’Allemagne des sanctions pour déficit public excessif en 2003. La situation
est redevenue « normale » depuis 2005 en France avec un déficit « limité » à -2,9 %
du PIB en 2005 et -2,7 % du PIB en 2006. De même l’Allemagne est passée d’un
déficit de -4 % du PIB en 2003 à -2,9 % en 2006. Cette situation difficile en période
de faible croissance, a amené les gouvernements à assouplir ce pacte de stabilité en
soustrayant du calcul du déficit certaines dépenses publiques comme la recherche. La
logique économique qui sous tend le pacte de stabilité est là aussi fortement contestée
car une période de ralentissement nécessiterait une politique contra-cyclique de
relance économique.
• En matière de valeur externe de la monnaie, l’euro n’a connu une période de sous
évaluation par rapport au dollar qu’au moment de son lancement. L’euro s’est apprécié
fortement depuis l’an 2000 de près de 47 % par rapport au Dollar, 55% par rapport au
Yen ou 41 % par rapport au Yuan chinois. Une devise forte permet de limiter le coût
des importations et à ce titre, l’euro fort a limité la hausse des prix du pétrole libellé en
dollar depuis 2 à 3 ans. Il participe donc de la désinflation importée. Par contre, les
entreprises nationales voient leur compétitivité altérée parce que nos exportations
coûtent plus chères converties en dollar. Il faut donc compenser ce handicap de
compétitivité prix par un surcroît de modération salariale, ce qui renforce le sentiment
de hausse très limité du pouvoir d’achat et incite les ménages à utiliser leur épargne
pour maintenir leur niveau de consommation. Globalement, l’épargne de la nation a
baissé en passant de 21,7 % du PIB en 1999 à 18,7 % en 2006. L’euro fort pénalise la
demande extérieure d’autant que notre principal partenaire économique, l’Allemagne,
a fortement freiné sa demande intérieure depuis le début des années 2000 par une très
forte modération de ses coûts salariaux. L’euro plus faible aurait l’avantage de
relancer les exportations hors zone européenne mais il entraînerait une hausse du prix
des produits importés hors zone européenne, d’où une amputation du pouvoir d’achat
européen. Les choix restent peu évidents.
• Concernant la politique structurelle la réalisation du grand marché a mis en
concurrence les entreprises et les territoires. Comme les charges liées à la protection
sociale sont moins élevées dans certaines pays (l'Irlande, par exemple), cet argument
est souvent mis en avant pour justifier des réformes visant à diminuer les coûts de la
protection sociale, au nom de la compétitivité des entreprises nationales. Cette logique
contribue à flexibiliser les marchés du travail ou renforcer les délocalisations intra
européennes vers les pays de l’est. Cela affaiblit dans un premier temps l’emploi et la
croissance des pays les plus développés (même si les transferts de croissance vers les
pays « neufs » de la zone européenne peuvent avoir des effets bénéfiques dans un
second temps pour l’ensemble des pays européens). Le risque est de voir cette
concurrence entre pays européens se transformer en dumping social et fiscal, ce qui
tirerait l’ensemble de la zone vers le bas avec des effets destructeurs en matière
d’emploi, de répartition du revenu et d’inégalités sociales.

B – Les conséquences économiques et sociales

• Le niveau de chômage reste important dans la zone euro notamment dans les deux
gros pays que sont l’Allemagne et la France. La politique budgétaire est jugée trop
restrictive en période de conjoncture économique atone. En limitant les déficits, la
puissance publique restreint l’injection de liquidités dans l’économie.
L’investissement et la consommation reste limités ce qui dans une logique
keynésienne de multiplicateur et d’accélérateur, fragilise durablement la reprise. Un
cercle vicieux de sous emploi maintient le pays dans un faisceau d’anticipations
négatives qui peut encourager l’épargne de précaution. Le chômage reste plus élevé
fin 2006 en France avec 8,8 % ou en Allemagne 8,9 % qu’au Royaume Uni 4,9 % ou
aux Etats Unis, 4,7 %. Par ailleurs, le niveau de pauvreté en Europe (on retient dans
les statistiques européennes, la seuil de 60 % du revenu médian pour mesurer le seuil
de pauvreté et non pas 50 % comme en France) reste élevé et concerne 16 % des
citoyens en moyenne (de 11 % en Suède à 12 % en France, 15 % en Allemagne, 18 %
au Royaume Uni, 19 % en Espagne ou Italie et 21 % en Grèce ou Irlande).
• Dans une logique de plus long terme, la dépense publique apparaît aussi comme le
fondement de la compétitivité structurelle ou hors prix, par son intervention en termes
de capital humain et d’infrastructures. Elle participe de la croissance économique en
favorisant la mise en place des conditions requises pour son maintien (théorie de la
croissance endogène). Notons par exemple que les pays à plus fort niveau de dépenses
publiques et de fiscalité en Europe (pays scandinaves) sont aussi ceux qui ont le
niveau d’inégalités le plus faible, assurent en même temps un degré élevé de flexi-
sécurité du marché du travail et ont un fort potentiel d’innovations. Ainsi, au niveau
fédéral, le budget européen est trop limité (1,05 % du PIB européen) et en équilibre,
d’où une incapacité à servir d’instrument de régulation conjoncturelle. Les politiques
budgétaires nationales n’ont pu servir de contre balancier à la faiblesse de la
croissance (n’ayant pu reconstituer de marges de manœuvre pendant la période de
forte croissance des années 97/2001). Ainsi, ni la politique monétaire, ni la politique
budgétaire n’ont pu relancer la croissance. Le policy mix connaît des difficultés dans
sa capacité à infléchir le fonctionnement « naturel » du marché. La politique
économique non monétaire relève largement des gouvernements nationaux dont les
situations internes et donc les stratégies, diffèrent fortement. Certains pays connaissent
des situations de croissance plus forte en 2005 (Espagne +3,8 %, Suède +4%, Irlande
+5,3 %) alors que la France, l’Allemagne et l’Italie se situent autour 2 % en 2005.
Alors que ces pays nécessiteraient une politique de soutien de la croissance, d’autres
ont une inflation plus élevée (document 1). L’Europe souffre donc d’une difficulté à
coordonner des politiques dont l’une (la politique monétaire) se veut unique et l’autre
(la politique budgétaire) reste diversifiée et d’essence nationale.

La politique économique européenne répond largement à des objectifs de nature libérale


depuis 20 ans. Les résultats sont flatteurs en matière de désinflation mais décevant en matière
de croissance et de lutte contre le chômage, notamment pour les trois gros pays (Allemagne,
France, Italie qui représentent les 2/3 du PIB européen). Les électeurs des deux pays
historiques dans lesquels des référendums ont eut lieu ont eu un sentiment de défiance à
l’égard de ce modèle économique en refusant d’approuver le texte constitutionnel présenté.
On peut espérer que sous l’impulsion des deux moteurs de la construction européenne qu’ont
toujours constitué la France et L’Allemagne, une nouvelle coopération pourra rapidement se
mettre en place pour faire face aux difficultés actuelles.

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