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• La politique monétaire européenne s’inscrit dans une logique mise en place à la fin des
années 70 avec l’instauration du SME (système monétaire européen en 1979). Ce
système fut décidé de manière concertée par le Président de la République V. Giscard
d’Estaing et le Chancelier allemand H. Schmidt. La généralisation du passage aux
changes flottants, officialisé par les accords de la Jamaïque en 1976, illustrait la fin du
système mis en place lors de la conférence de Bretton Woods en 1944. Cette
généralisation des changes flottants dominée par le dollar offrait un cadre monétaire
instable et fortement mis à mal par les chocs pétroliers. La mise en place du SME en
mars 1979 doit alors favoriser la stabilité des monnaies nationales européennes les
unes par rapport aux autres, avec des parités quasi fixes, sous la domination d’une
monnaie pivot, le Mark allemand. Ce choix favorise alors une plus grande prévisibilité
économique dans la mesure où les acteurs économiques s’appuient sur des taux de
change qui varient peu (+ ou – 2,25 % par rapport au cours pivot).
• A partir de ce choix en 1979, la communauté européenne va alors progressivement
s’aligner sur la politique monétaire de l’Allemagne dont l’objectif numéro 1 était la
lutte contre l’inflation (souvenir historique de l’hyperinflation des années 30). Ce pays
met alors en avant une politique de l’offre dont la finalité est de restaurer les
conditions de rentabilité des entreprises, « les profits d’aujourd’hui devant favoriser
les investissements de demain et emplois d’après demain » (Théorème de Schmidt).
La maîtrise de la hausse des prix devient le leitmotiv des politiques monétaires
européennes avec la généralisation de la théorie libérale. L’inflation est perçue comme
le mal absolu dans un contexte économique qui se mondialise. L’analyse
quantitativiste de la monnaie, sous l’impulsion des théories monétaristes de Friedman
aux Etats-Unis, devient dominante dans les élites mondiales et européennes. La
création monétaire, source présumée d’inflation, est combattue. La sortie de crise et la
baisse du chômage ne sont plus envisagées au travers d’une relance de la demande
effective mais au contraire par une politique de l’offre qui vise à accroître le taux de
marge des entreprises. Un des moyens d’y parvenir, dans une économie
progressivement plus ouverte, est de favoriser la désinflation compétitive, synonyme
de parts de marchés, de croissance et d’emplois.
• La politique monétaire va devenir l’instrument privilégié. Dans l’approche monétariste
qui remet à l’ordre du jour, l’équation quantitative de la monnaie de Fisher, toute
augmentation exogène de la masse monétaire (décidée par les pouvoirs publics) plus
rapide que la hausse des richesses dans la sphère réelle, se traduit théoriquement par
de l’inflation. Il convient donc de contingenter la masse monétaire. Cela s’appuie sur
une appréciation initiale des taux d’intérêts nominaux. La création monétaire se réduit,
le financement de l’économie devient plus direct, par mise en relation des agents à
capacité et à besoin de financement sur des marchés. Il y a titrisation (hausse de
l’émission de titres), désintermédiation (recul du rôle des banques commerciales dans
la création monétaire) et financiarisation de l’économie (une place de plus en plus
importante accordée aux marchés financiers). La désinflation devient un acquis
renforcé par une politique de monnaie forte (politique dite du franc fort puis de l’euro
fort) qui permet d’avoir accès à des produits étrangers moins onéreux (d’où
désinflation importée). Cette politique de monnaie forte se situe dans la logique
libérale introduite par le SME sous la domination du Mark allemand. La désinflation
se généralise en Europe. Le taux d’inflation moyen de la zone euro s’est-il affiché
ainsi à 1,9 % en 2006.
• Cette politique est désormais coordonnée au niveau européen par la BCE dont la
mission essentielle est le maintien de la stabilité des prix dans la zone euro. C’est elle
qui définit et met en œuvre la politique monétaire unique en Europe, gère les réserves
et conduit les opérations de change (document 2). Elle est indépendante des
institutions communautaires et des pouvoirs politiques nationaux. La BCE ne reçoit
donc aucune injonction politique. Statutairement, elle est au service d’un objectif
unique, la lutte contre l’inflation avec un objectif de 2 % par an. On constate que les
autorités monétaires n’hésitent pas à mobiliser l’arme des taux d’intérêt comme ce fut
le cas dans les années 80 ou au début des années 90. De même, face à la pression
actuelle des prix de l’énergie et des matières premières ou la hausse de la quantité de
la masse monétaire en circulation, la BCE remonte-t-elle ses taux d’intérêt depuis
2006 pour contenir toute menace inflationniste réelle ou supposée.
• La faiblesse des taux d’intérêt et l’absence d’inflation peuvent ainsi être favorables à
la croissance économique. Ils constituent les fondamentaux libéraux de la recherche de
compétitivité prix de l’économie. Une inflation maîtrisée permet des gains de pouvoir
d’achat notamment pour les ménages à pouvoir d’achat limité mais dont la propension
à consommer est la plus élevée. La désinflation peut aussi être source de gains de parts
de marchés et de hausse des exportations nationales alors que les importations peuvent
être contenues. La demande intérieure et extérieure qui peuvent progresser, constituent
alors le préalable à la croissance économique et à l’emploi. La baisse des taux
d’intérêt à court ou long terme dans la deuxième moitié des années 90 a aussi été
favorisée par les perspectives du passage à l’euro qui a supprimé la concurrence entre
les anciennes monnaies appartenant au SME. Il n’y a plus de nécessité d’attirer les
capitaux flottants par une hausse des taux d’intérêt (prime de risque, document 2).
Cette baisse a aussi été rendue possible parce des critères de convergence qui ont été
imposés par le traité de Maastricht pour le passage à l’Euro. Ces critères imposaient
aux pays désireux de s’associer, une inflation contenue, des taux d’intérêt à long terme
limités, une monnaie stabilisée dans le cadre du SME, un déficit budgétaire limité à 3
% du PIB, une dette publique cumulée contenue à moins de 60 % du PIB.
Globalement, cette détente sur les taux d’intérêt (document 4) peut favoriser alors la
hausse de l’investissement des entreprises puisque mécaniquement, des projets peu
rentables basculent dans le domaine du possible. Il en va de même pour
l’investissement des ménages (hausse de la bulle immobilière depuis 7 à 8 ans) ou
pour la consommation à crédit. Enfin, la faiblesse de l’inflation obtenue depuis 20 ans
limite les pertes de pouvoir d’achat de la monnaie et dégage ainsi l’horizon des agents
économiques qui peuvent consommer, investir ou épargner sans risque, générant alors
un surcroît de création de richesses dans l’économie. Les placements en capitaux sont
attirés par cette zone de stabilité monétaire dont la rentabilité en termes réels est
assurée. L’Europe reste ainsi une destination privilégiée des IDE (en particulier le
Royaume Uni et la France), ce qui reste favorable la croissance et l’emploi. La
politique monétaire s’inscrit maintenant dans la durée depuis 20 ans et elle peut être
assimilée à une politique de long terme, voire être qualifiée de structurelle tant elle a
modifié en profondeur les comportements et briser les anticipations inflationnistes,
caractéristiques des Trente Glorieuses.
B – Une politique conjoncturelle qui mobilise dans une moindre mesure la politique
budgétaire
Quelles que soient les modalités et instruments utilisés, il convient maintenant de dresser
le bilan des politiques économiques conjoncturelles et structurelles en montrant les limites
des logiques poursuivies.
• Le niveau de chômage reste important dans la zone euro notamment dans les deux
gros pays que sont l’Allemagne et la France. La politique budgétaire est jugée trop
restrictive en période de conjoncture économique atone. En limitant les déficits, la
puissance publique restreint l’injection de liquidités dans l’économie.
L’investissement et la consommation reste limités ce qui dans une logique
keynésienne de multiplicateur et d’accélérateur, fragilise durablement la reprise. Un
cercle vicieux de sous emploi maintient le pays dans un faisceau d’anticipations
négatives qui peut encourager l’épargne de précaution. Le chômage reste plus élevé
fin 2006 en France avec 8,8 % ou en Allemagne 8,9 % qu’au Royaume Uni 4,9 % ou
aux Etats Unis, 4,7 %. Par ailleurs, le niveau de pauvreté en Europe (on retient dans
les statistiques européennes, la seuil de 60 % du revenu médian pour mesurer le seuil
de pauvreté et non pas 50 % comme en France) reste élevé et concerne 16 % des
citoyens en moyenne (de 11 % en Suède à 12 % en France, 15 % en Allemagne, 18 %
au Royaume Uni, 19 % en Espagne ou Italie et 21 % en Grèce ou Irlande).
• Dans une logique de plus long terme, la dépense publique apparaît aussi comme le
fondement de la compétitivité structurelle ou hors prix, par son intervention en termes
de capital humain et d’infrastructures. Elle participe de la croissance économique en
favorisant la mise en place des conditions requises pour son maintien (théorie de la
croissance endogène). Notons par exemple que les pays à plus fort niveau de dépenses
publiques et de fiscalité en Europe (pays scandinaves) sont aussi ceux qui ont le
niveau d’inégalités le plus faible, assurent en même temps un degré élevé de flexi-
sécurité du marché du travail et ont un fort potentiel d’innovations. Ainsi, au niveau
fédéral, le budget européen est trop limité (1,05 % du PIB européen) et en équilibre,
d’où une incapacité à servir d’instrument de régulation conjoncturelle. Les politiques
budgétaires nationales n’ont pu servir de contre balancier à la faiblesse de la
croissance (n’ayant pu reconstituer de marges de manœuvre pendant la période de
forte croissance des années 97/2001). Ainsi, ni la politique monétaire, ni la politique
budgétaire n’ont pu relancer la croissance. Le policy mix connaît des difficultés dans
sa capacité à infléchir le fonctionnement « naturel » du marché. La politique
économique non monétaire relève largement des gouvernements nationaux dont les
situations internes et donc les stratégies, diffèrent fortement. Certains pays connaissent
des situations de croissance plus forte en 2005 (Espagne +3,8 %, Suède +4%, Irlande
+5,3 %) alors que la France, l’Allemagne et l’Italie se situent autour 2 % en 2005.
Alors que ces pays nécessiteraient une politique de soutien de la croissance, d’autres
ont une inflation plus élevée (document 1). L’Europe souffre donc d’une difficulté à
coordonner des politiques dont l’une (la politique monétaire) se veut unique et l’autre
(la politique budgétaire) reste diversifiée et d’essence nationale.