Dans la deuxième édition corrigée, parue en avril 1999, de son ouvrage Les
épistémologies constructivistes, 1 Jean-Louis Le Moigne insiste sur le fait que les
sciences portant sur des objets complexes sont “rarement soucieuses de justifier leur
statut épistémologique, et en appellent volontiers à la modélisation systémique qu’elles
prétendent mettre en œuvre pour justifier pragmatiquement de la scientificité des
énoncés enseignables qu’elles produisent”2. Sollicitant parmi d’autres, la théorie de
“l’action intelligente”3 de John Dewey [1859-1952], il montre : pourquoi ces sciences
devraient, et indique comment, dans une certaine mesure, elles pourraient : “assurer le
statut et l’organisation épistémologique des connaissances qu’elles produisent.”4
S’éloignant de la conception traditionnelle de l’épistémologie comme étude a posteriori
des sciences, 5 on peut prolonger l’approche de John Dewey, inscrite dans la lignée du
pragmaticisme de Peirce et du pragmatisme de William James, pour proposer une
épistémologie appliquée, entendue comme une réflexion associée à la production de
connaissances, réflexion qui vise à formaliser et contrôler les conditions qui permettent
d’obtenir une “assertibilité garantie”6 par application d’une méthode scientifique.
Une telle épistémologie qui prolonge la démarche philosophique de John Dewey
devrait plutôt être qualifiée de social-pragmatiste. Au risque de se confronter au
principe selon lequel la pratique philosophique est d’autant plus spécifiquement
philosophique (tout autre pensée riquant de ne pas « mériter » d’être qualifiée de
philosophique) qu’elle se préserve des injonctions qui s’imposent aux acteurs sociaux
d’une époque donnée, l’épistémologie est envisagée comme « une analyse du processus
de connaissance » dont la valeur peut être déterminée de façon intégrée à la pratique
scientifique, pratique scientifique elle-même intégrée à un contexte social et historique.7
Dans son ouvrage Logique, la théorie de l’enquête8 John Dewey définit trois
conditions logiques qui accompagnent la méthode scientifique : “(a) le statut des
conceptions théoriques comme hypothèses qui (b) ont une fonction dans le contrôle de
l’observation et de la transformation pratique ultime des phénomènes antécédents, et qui
(c) sont éprouvées et continuellement révisées à partir des conséquences qu’elles
produisent dans l’application existentielle” (op. cit. p 609).
Nous appuyant sur de telles approches, nous avons expérimenté durant plus de 10
ans dans un contexte d’exercice professionnel, en qualité de consultant-formateur un
ensemble de conceptions opératoires de l’ingénierie de communication appliquée à des
actions que l’on peut désigner comme relevant de la planification participative de
développement : professionnel, organisationnel, territorial. Ces conceptions se
traduisent par des modalités de gestion d’interactions produisant des représentations
utiles pour guider l’action :
- pour assurer une valorisation de ressources humaines dans un contexte de recherche
d’emploi ou en situation d’activité professionnelle personnelle,
- pour établir ou redéfinir des modes d’organisation d’activité d’entreprises ou
d’organismes,
- pour améliorer les activités économiques, sociales et les conditions d’existence sur
un territoire donné.
Ce faisant, nous avons suivi la proposition de Gérard Deledalle qui écrit dans son
introduction à la Logique de Dewey : “Il (John Dewey) offre une hypothèse. Il
appartiendra aux chercheurs - à tous les chercheurs et pas seulement aux logiciens - aux
chercheurs engagés dans l’enquête anthropologique surtout, de l’expérimenter.”9
Ces procès peuvent être ainsi étudiés selon les critères d’une évaluation :
- épistémique16 et pragmatique (quelles sont les garanties de scientificité apportées
par les modalités de coproduction, de mise en forme et de diffusion d’informations ?
quelles sont les arrière-plans à partir desquels ces informations peuvent prétendre
représenter une “réalité”?),
- pragmatique et pédagogique (quelles sont les conséquences concrètes probables ou
constatables de l’appropriation et de l’utilisation de ces informations par les récepteurs
visés par la communication des résultats de l’intervention ?),
- éthique et axiologique (quels sont les buts d’intérêt public visés et les valeurs
humaines servies par la production et la diffusion des informations ?).
Nous pensons qu’il est opportun et possible que cette évaluation se réalise dans le
contexte même de la conception et de la mise en œuvre de projets de recherche
multidisciplinaire et appliquée. Dans la perspective des problématiques actuelles, une
approche social-pragmatiste peut-être rapprochée des objectifs de “valorisation des
ressources humaines ou environnementales”, que l’on peut définir comme
l’investissement de moyens et/ou de ressources naturelles (plus ou moins artificialisées),
qui, en retour, d’une part permettent d’améliorer les conditions de vie de citoyens-
contribuables17 et/ou de clients-consommateurs18, et d’autre part génèrent en retour des
moyens nouveaux de transformation de ressources qui puissent être mobilisés par les
agents de transformation. Ces cycles de transformation doivent être « contrôlés
démocratiquement »19 (à l’échelle internationale et locale) de manière à garantir les
possibilités de renouvellement des ressources et la valorisation optimale de leur
potentiel. Le livre de José A Prades, R Tessier et J-G Vaillancourt Environnement et
développement. Questions éthiques et problèmes socio-économiques20 précise les
tenants et aboutissants et justifie la pertinence d’une telle définition, y compris du point
de vue de l’analyse économique.
Laissant pour un instant les références à John Dewey, nous devons mentionner que
le projet de philosophie pragmatique d’Emmanuel Kant [1724-1804] préfigure une
épistémologie appliquée social-pragmatiste. Spécialement, dans L’anthropologie du
point de vue pragmatique21 Kant expose :
- le fait que : “La connaissance physiologique de l’homme vise l’exploration de ce
que la nature fait de l’homme, la connaissance pragmatique celle de ce que l’homme,
comme être agissant par liberté, fait ou peut et doit faire de lui-même”22 (ibid, p41) ;
- le principe selon lequel : “Le contentement est le sentiment que quelque chose
favorise le déploiement de la vie” 23 (Ibid, p 189) mais pour un être humain “la
satisfaction n’est jamais pure et complète” (Ibid, p 193)
- la nécessité d’établir cette réflexion dans une perspective socio-politique : “Une
telle anthropologie (…) ne sera proprement pragmatique que si elle contient une
connaissance de l’homme qu’en tant que citoyen du monde” (Ibid, p 42), ce qui suppose
que l’on cherche à connaître et construire l’espèce humaine comme “une espèce d’êtres
raisonnables s’efforçant de s’élever du mal vers le bien à la faveur d’une constante
progression au milieu des obstacles : en ce sens, sa volonté en général est bonne, mais
l’accomplissement est rendu difficile par la manière dont l’accès au but ne peut être
attendu du libre accord des individus, mais uniquement de l’organisation progressive
des citoyens de cette terre au sein d’une espèce et en vue de la constitution de celle-ci
comme un système dont le lien est cosmopolitique.” (Ibid, pp 324-325).
Kant insiste bien dans son début de “traité des caractères” présenté dans la traduction
d’Alain Renaut sur le fait que l’héritage historique et les caractéristiques
psychosociologiques, géographiques, sociales et politiques, sont des composantes à
prendre en compte dans ce projet. Ainsi défini, le projet socio-politique “moderne” est
le résultat d’un héritage de la formation des systèmes d’économie politique, héritage qui
aboutit à une situation présente dans le cadre de laquelle, il s’agit non pas de mettre en
place à l’échelle de la planète un éventail de choix préétablis de formes d’organisation
de la vie humaine en substitution des formes existantes.
Après Kant et avant John Dewey, John Stuart Mill [1806-1873], présenté par
William James comme le précurseur du pragmatisme,24 héritier de Saint-Simon, a su
élaborer une pensée qui tout en prenant en compte les principes évolutionnistes et les
idéaux socialistes, a suéviter toute dépendance vis-à-vis des totalitarismes scientistes ou
communistes, de manière à ouvrir un espace pour une pensée libre accompagnant la
connaissance produite sur les groupes sociaux et leurs environnements. Sa conception
de l’accomplissement d’un projet socio-politique par et pour le développement humain
est explicite, spécialement dans De la liberté.25 Plusieurs des principes méthodologiques
découlant d’une participation à des projets de recherche environnementaux
multidisciplinaires et appliqués par exemple d’animation de prises de décision d’intérêt
collectif s’appuyant sur la prise en compte des “modèles” des personnes concernées sont
sous-jacents dans cette œuvre, complétés plus tard par Walter Lippmann26 et John
Dewey. On lit par exemple (op. cit., pp. 164-165) : “il n’y a pas de raison pour que toute
existence humaine doive se construire sur un modèle unique ou sur un petit nombre de
modèles. Il suffit d’avoir une dose suffisante de sens commun et d’expérience pour
tracer le plan de vie le meilleur, non pas parce qu’il est le meilleur en soi, mais parce
qu’il est le meilleur”.
Liberalism and Social Action, (Prometheus Books, New York, 1991/1935, 93p)
John Dewey met en évidence la manière dont le projet socio-politique américain est un
prolongement des trois valeurs clefs de la première école libérale européenne : 1/ la
liberté, 2/ le développement des capacités des individus, 3/ le rôle central de
l’intelligence s’exerçant librement dans l’expression, 4/ l’enquête, 5/ la discussion (op.
cit. p 40). Pour John Dewey, les philosophes libéraux français et anglais ont été les
premiers à désigner un objectif à l’humanité : lever les limitations imposées à la
réalisation des potentialités humaines au travers de “l’action intelligente volontaire” (
“the voluntary intelligent action”, op. cit. p 34). Pour John Dewey, après avoir proposé
de chercher à atteindre cette fin pertinente, les libéraux se sont fourvoyés lorsqu’ils ont
envisagé que cette fin ne pourrait être atteinte que “par un seul et unique moyen” (“in
but one way”, op. cit. p 42) : “ le moyen de l’entreprise économique privée, non dirigée
socialement, basée sur - et produisant des résultats pour - la propriété privée ; c’est à
dire la liberté de tout contrôle social.” Ce culte aveugle et exclusif de l’initiative
économique individuelle a produit un nouvel esclavage des multitudes, de sorte que
dans les années 30 durant lesquelles Dewey écrit ce texte la priorité apparaît dans de
nouveaux moyens pour atteindre la même fin d’accomplissement libre des potentialités
humaines : “la libération de l’insécurité matérielle et des coercitions et répressions qui
empêchent les multitudes d’accéder aux vastes ressources socio-culturelles qui peuvent
être mises à leur portée”. L’approche social-pragmatiste n’est pas qu’une philosophie
socio-politique, elle conduit aussi John Dewey, spécialement dans Le Public et ses
problèmes à proposer une épistémologie appliquée intégrée à la mise en œuvre des
enquêtes scientifiques et sociales.
John Dewey montre dans ce livre que pour garantir l’organisation d’un “public
effectivement démocratique”, il faut prendre appui sur des conceptions du réel partagées
et des méthodes de connaissance associées à des habitudes individuelles et sociales,
mais il est absolument nécessaire de nous doter de “conceptions” (c’est le mot
qu’emploie Dewey) qui sont “des outils pour diriger nos enquêtes et qui doivent être
testées, modifiées, développées en étant effectivement utilisées” (p168). A l’image de la
fertilisation croisée qui s’opère entre les sciences de la nature, les sciences de la société
doivent être sollicitées sans craindre des “constantes et systématiques interactions
fructueuses” (p 171) . Dewey en appelle à une pratique de recherche multidisciplinaire,
orientée vers l’amélioration des situations vécues par les êtres humains, qui ne distingue
pas la recherche fondamentale de la recherche appliquée (p174) et qui vise à produire un
savoir qui est autant vecteur de communication (et donc de constitution de communauté
d’intérêt et d’action) que moyen de compréhension (et donc d’évaluation des situations
et de définition de moyens d’amélioration, p176). Si Dewey, dans The Public and its
Problems propose une pratique de l’enquête qui correspond à celle qu’il expose dans
Logique, la théorie de l’enquête, il y ajoute la définition de la communication comme
instrument de formation démocratique d’une opinion publique qui résulte du
discernement méthodique des conséquences résultant des réseaux complexes
d’interactions (p177). Pour que les citoyens restent durablement associés à cette
formation de l’opinion publique, il faut nécessairement que soient produits et
communiqués les résultats d’une “enquête continue, continue au sens où elle reste
connectée et obstinée” (p178), les politiques publiques devant être “informées par la
connaissance” et spécialement les connaissances issue des “sciences sociales”, ces
dernières devant être diffusées dans la presse (pp179-180). C’est l’ensemble des acteurs
de la société qui doivent contribuer à produire et communiquer des connaissances qui
permettent la constitution d’un Public élargi, et spécialement les artistes qui peuvent
produire des informations associant “émotion, perception, et appréciation” (p184). Cette
dynamique permettra à la démocratie de s’actualiser comme “vie de communion libre et
enrichissante”, dont Walt Whitman est le prophète, cet accomplissement résultant du
“mariage indissoluble” de “l’enquête sociale libre” et de “l’art entier et changeant de la
communication” (p184).
Le premier principe méthodologique énoncé par John Dewey est celui de l’approche
globale des situations socio-politiques. Il faut appréhender une situation comme un tout
complexe constitué d’éléments en interaction, ce tout étant une autre réalité que leur
simple addition. Dès lors, le problème authentique est celui de l’ajustement des groupes
et des individus dans une société qui “assure une libération régulière des pouvoirs de
tous les individus membres de tous les groupes constitués” (p 192). Les individus
doivent bénéficier d’une éducation, qui ne leur impose pas un modèle de comportement
pré-établi mais qui leur permette d’acquérir des aptitudes à gérer leurs transactions avec
les autres en prenant en compte les conséquences de leurs actes sur la société. Ni
l’individualisme, ni le collectivisme, qui sont des “programmes déterminés” (p 202) ne
peuvent inspirer la “personne” (Dewey écrit : “person”) qui, cherchant le bien social,
devrait abandonner la pensée et les croyances absolues pour adopter la “méthode
scientifique” appliquée à l’action socio-politique qui doit se traduire par (pp 202-210) :
1/ des conceptions qui constituent un ensemble d’outils d’enquête, qui organisent de
façon systématique la production d’une connaissance appliquée,
2/ des politiques publiques et des propositions d’action sociales qui doivent être
envisagées comme des hypothèses à tester et non des programmes à appliquer
strictement,
3/ l’organisation de formes de collaboration entre les experts et les citoyens qui
aboutissent à “libérer et perfectionner les procès d’enquête et de diffusion de leurs
conclusions”.
S’accordant sur ce point avec Walter Lippmann, Dewey insiste ensuite sur la
nécessité d’organiser localement et territorialement la dynamique des “publics”, car “le
local est l’universel ultime”29 qui doit être protégé des “organismes publics
inconscients” (p 215). Le public ne pourra se retrouver sans une restauration de “la vie
commune locale” qui ne doit pas être isolée, mais connectée par la généralisation
permise par “l’âge technologique” d’une “expérience communiquée et partagée”,
accomplissant la vision d’Emerson d’une humanité qui réside “dans le giron d’une
immense intelligence” (pp 216-217-219). Cette vision qui évoque certains discours
enjoués de la fin du XXe siècle pour la “société technologique de l’information”, est
confirmée et élargie, par Dewey dans la postface écrite en 1946, dans laquelle John
Dewey réaffirme la nécessité d’effectuer un “effort ferme et systématique pour
développer cette intelligence effective appelée méthode scientifique en l’appliquant aux
transactions humaines” (p 229) et en l’élargissant aux relations entre les États du
monde, après les horreurs constatées de la Seconde guerre mondiale.
Ainsi, l’épistémologie peut ne pas être considérée comme séparée des enjeux et des
objectifs : d’utilité pragmatique, de validation éthique et de qualité pédagogique des
résultats d’une production scientifique qui cherche, concomitamment, à respecter des
critères d’objectivité. L’ouvrage sous la direction de José A. Prades, Jean-Guy
Vaillancourt et Robert Tessier Environnement et développement, questions éthiques et
problèmes socio-politiques,30 illustre en partie l’effort d’intégration de ses différents
aspects, les auteurs visant à coordonner :
- une mise en perspective historique,
- une éthique de l’environnement,
- une approche empirique de recherche appliquée mobilisant les sciences et
techniques opératoires.
Avant de préciser quelles sont, selon nous, les valeurs associées à une activité de co-
production de connaissance actionnable telle que nous en avons donnés des exemples,
nous voudrions qualifier l'usage et la portée des termes de valeur et valorisation. Notons
tout d'abord que la racine latine val qui a servi a forgé le mot valeur”exprime d'abord
l'idée de vigueur et de santé puis celle de valeur” (in Trésors des racines latines, Jean
Bouffartigue, Anne-Marie Delrieu, Librairie Belin, Paris, 1981, p 77). Avec cette idée
de santé et de vigueur, on retrouve l'analogie de l'organisme déjà associée au terme
développement. Le verbe valoriser attesté dans la langue française en 1933 selon Le
Robert, désigne l'action d'augmenter ou de faire prendre de la valeur à quelque chose ou
quelqu'un. Les verbes valoriser et développer peuvent être considérés dans certains
contexte comme des synonymes dès lors que le second est entendu en tant que verbe
transitif désignant le fait de faire croître , donner de l'ampleur. Cependant, si le verbe
développer fait référence à une extension supposée objective, le verbe valoriser fait
intervenir un facteur de subjectivité ou d'intersubjectivité puisque la valeur n'existe que
par le jugement d'une ou plusieurs personnes. En effet la valeur c'est ce qui est jugé
digne d'estime. Dans le cas de l'expression déjà utilisé de”valorisation des ressources
humaines", il s'agira non seulement de valoriser économiquement les qualités et
compétences des individus et groupes investissant temps et énergie dans un travail de
production ou de service mais aussi de faciliter l'expression et rendre socialement
visible ces qualités et compétences qui -en tant que telles- méritent reconnaissance.
Cette démarche d’ensemble peut être décrite d’un point de vue héritant de la pratique
philosophique comme une “axiologie participative appliquée”, ou encore dans le cadre
des sciences de l’information et de la communication ou des sciences de gestion comme
un “management de la production de valeurs”. Avant de proposer une formalisation de
la démarche, nous souhaitons exposer les différentes dimensions des valeurs porduites :
épistémiques, pragmatiques, éthiques, pédagogiques qui sont en jeu dans le procès
d’activation de développement.
Ce n’est plus “la connaissance objective” qui devient l’enjeu de l’effort de mise en
perspective épistémologique mais la connaissance s’objectivant. Jean-Marc Ferry, dans
Philosophie de la communication,38 (op. cit. p 20), montre que Rorty, prolongeant John
Dewey propose une théorie qui “admet l’insertion des intérêts sensibles dans le
processus cognitif”, intérêts “toujours situés historiquement et déterminés
socialement”, puis cite Dewey lui-même pour qui la question instrumentaliste n’est pas
de “venir à bout de la réalité ultime” mais de “clarifier les idées des hommes en relation
avec les conflits sociaux et moraux de leur époque”. Plus proche des caractéristiques
spécifiques de l’épistémologie appliquée de l’intervention-recherche, Jacques Girin
dans le Chapitre 4 du livre Épistémologies et sciences de gestion,39 propose de
reconnaître le caractère de “technologie sociale fragmentaire”40 de l’intervention sur des
situations de gestion, cette activité associant approches quantitative et qualitative,
“communication relationnelle” et “communication fonctionnelle” pour élaborer des
hypothèses sous la forme de mesures pratiques dont l’efficacité pourra être mise à
l’épreuve.
Tout en relevant d’un questionnement éthique, pour répondre à ces questions, les
intervenants peuvent solliciter les théories appliquées psychologiques et
psychanalytiques de la relation d'aide ou transférentielle, les approches éducatives, ou
encore les théories autopoïétiques de la connaissance, telles que développées par
F.Varela.44 Un des points les plus délicats est celui du caractère plus ou moins explicite
que peut prendre ce questionnement dans un contexte professionnel de mise en scène
interlocutoire, où l’expression d’une fonction réflexive et éthique perturberait un
contrat de communication sous-jacent qui n’intègre pas habituellement ces questions.
Dans le contexte socio-culturel dominant, l’intervenant professionnel est mis en scène
en tant qu’Expert, et l’on attend du procès d’intervention qu’il conforte l’image du fait
que chacun sait ce qu'il a à dire et à faire.45 Un autre enjeu associé à la question du
questionnement éthique est celui de l’éventuelle “dérive activiste” de l’intervention à
visée scientifique “d’activation”.
Nous avions intitulé le travail réalisé dans le cadre du troisième cycle pour
l’obtention d’une Diplôme d’Études Approfondies :”Engager la communication au
service du développement". Comme l'explique P. Foulquié, (op cit, p 211),”aujourd'hui
(écrit en 196246) s'est répandue, dans le domaine religieux et surtout politico-social , une
mystique de l'engagement, lequel peut se caractériser comme l'action : 1° non pas de
s'engager à quelque chose de déterminé, mais de mettre ses forces et sa pensée au
service d'une cause; 2° de prendre une très nette conscience réfléchie de la situation, en
particulier de la situation dans laquelle on se trouve engagé et d'en assumer intérêts et
obligations; 3° d'aller de l'avant comme si l'on était certain de la valeur absolue de son
choix, tout en sachant que l'on court le risque de se tromper.” Le regard critique porté
aujourd'hui sur l'engagement, regard encouragé par une mode du”désenchantement”
s'est trouvé renforcé après la mort de Jean-Paul Sartre dont on a répété jusqu'à saturation
que sa philosophie politique de l'engagement s'était accompagné le plus souvent
d'erreurs stratégiques et de choix erronés.
Cet a priori critique étant posé, nous persistons cependant dans notre utilisation du
verbe”engager” signalant qu'en formulant notre intention nous établissons une
distinction entre”engager la communication” et”s'engager dans la communication".
Cette distinction, qui répète la question du mode de relation s'établissant entre la
personne de l’intervenant visant activation de développement et le système-appropriant
avec lequel il travaille, suppose que l’on ne s’engage pas pour prendre en charge une
activation mais que l’on propose au système-appropriant de valider une reconnaissance
de potentiel et/ou un projet d’actualisation. Engager la communication au service du
développement c'est en fait favoriser l'expression des personnes intégrées dans un
système-appropriant en donnant les moyens d'une prise de conscience des tenants et
aboutissants de la situation de liberté de représentation et d'action sur ce système. Il
s'agit en fait de dévier de leur usage habituel les pratiques contemporaines en matière
d'usage des moyens de communication pour produire un résultat en termes d’influence
réussie.
C’est dans cette perspective qu’une dimension pragmatiste (le savoir produit est
fonction de la reconnaissance par les personnes concernées d’une transformation
physique, organique et/ou socio-politique de la situation initiale [reconnaissance
s’appuyant sur des données d’observation et si possible de mesure “objective”50]) et
personnaliste (le savoir produit est orienté et enrichie des représentations et valeurs que
chaque personne ayant collaboré à la production de connaissance évaluative, opératoire,
réflexive, reconnaît comme améliorant d’un point de vue personnel sa relation à la
situation étudié et modifiée) permet de partager les niveaux de responsabilité afférents
aux objectifs d’activation des potentiels.
De la même manière, dans le titre de cette dernière partie, nous utilisons la forme
d’expression “management socio-politique participatif intégré/associé à une ingénierie
concourante de projet” pour insister sur le fait que l’actualisation d’une fonction
“d’application à” implique53 :
- soit un effort d’intégration à des pratiques d’ingénierie de projets publics, assurée
par les responsables administratifs et politique d’une management socio-politique
participatif,
- soit une association de ces pratiques d’ingénierie à une démarche de management
participatif, qui, dès lors, assure la conduite du mouvement, mais ne peut garantir
d’aboutir à des résultats effectifs et durables qu’en réussissant à s’insérer dans cet
agencement.
Encore faut-il que l’ingénierie de projet socio-politique soit concourant. Ce terme est
emprunté aux méthodes actuelles de management de projet développé dans l’industrie
dans le prolongement des logiques de management par projet apparues dans les années
1950.54 Selon les principes les plus récents du management de projet exposés après
enquête par Jean-Marie Hazebroucq et Olivier Badot,55 les fonctions de directions
n’existent plus que pour aider les équipes de terrain à se concentrer sur leur activité, en
tant que cette activité est au service de bénéficiaires dont les besoins, les attentes et les
aspirations évoluent de plus en plus rapidement. Ces équipes de terrain relèvent du
“front-office” (traduisible par “guichet” mais qui peut être exprimé par “front
d’activité”). Dés lors c’est aux équipes de terrain sur le front d’activité à déterminer
quelle doit être la valeur ajoutée des activités des membres du “back-office” (“l’arrière-
boutique”, que l’on peut considéré comme “l’organisation d’appui”). Des approches
moins radicales reconnaissent au “back-office”, à l’organisation d’appui : l’autorité de
direction, d’évaluation et de contrôle, au “front-office”, au front d’activité le pouvoir
de faire, de définir l’appui aux activités, d’identifier les risques et opportunités
d’évolution des valeurs produites par l’activité.
MtR 2- les managers de projets de terrain et leurs équipes accroissent leur degré
d’autonomie en développant des pratiques de coopération extra- et supra-locale.
MtR 3- l’activité est programmée selon des phases et des langages dynamiques le
plus proches possibles de la pensée opérationnelle naturelle des acteurs, la créativité est
“orientée solutions”.
MtR 4- les managers de projets de terrain et leurs équipes diffusent les informations
afférentes aux états d’avancement des projets et procèdent à des interpellations
constructives des niveaux extra- et supra-locaux de décision et d’allocation de
ressources pour l’action.
Donald A . Schön, dans un texte intitulé “La métaphore générative”71 prend appui sur
la logique de l’enquête de John Dewey pour proposer une approche intégré de la
conception coopérative de gestion de projet qu’il applique : d’une part à l’innovation
technologique pour créer un nouveau type de pinceau industriel, d’autre part à
l’élaboration d’une politique publique d’intervention dans les quartiers connaissant des
problèmes découlant de la présence de squatters. Pour reprendre l’expression utilisée
par Marie-José Avenier, il propose de favoriser une “intermédiation” entre les
“processus de nommer et cadrer”72 les situations-problèmes pour favoriser l’émergence
d’une ou plusieurs métaphores potentiellement résolutives, envisagées comme autant
d’hypothèses créatives à tester. Pour éclaircir le problème de l’inter-compréhension des
savoirs dans l’ingénierie concourante, Pierre Leclair et Frédéric Luzi,73 utilisent eux-
aussi la conception de Donald A. Schön dans The reflexive practicioner74 d’une pratique
courante de “conversation avec la situation”, se traduisant, selon G. Garel et C. Midler75
par le fait que : “La conception est une heuristique ouverte qui met aux prises, d’une
part, des individus tendus vers des finalités, projetant des valeurs et des représentations,
et, d’autre part, un contexte physique et social, transformé par l’intervention, mais qui
“répond”, “surprend” et transforme en retour la trajectoire du concepteur”.
Ainsi, c’est indépendamment de leur réussite partielle ou des restrictions qui leur
sont imposées, que les “enquêtes partagées” contribue au développement d’une
communauté élargie. Fuyant la frustration inacceptable des anciens idéaux socio-
politiques associés au fantasme inatteignable du “citoyen omnipotent” (Walter
Lippmann), le citoyen du siècle qui vient, plus modestement et plus sûrement, semble
désormais s’orienter vers une visée d’actualisation de son potentiel en qualité de
participant à une grande chaîne de valeur78 mais qui est devenue à géo-temporalité
variable. Dans ces conditions, une gestion de l’information et la communication visant
à activer des potentiels de développement professionnel, organisationnel ou territorial,
doit abandonner les anciennes fictions d’un accomplissement socio-politique mais
plutôt se focaliser sur une qualité de la participation interpersonnelle et de ses
conséquences vécues.
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1
Jean-Louis Le Moigne, Les épistémologies constructivistes, Presses Universitaires de France, Paris,
128p, 1995, 2ème édition 1999.
2
Ibid, p80.
3
L’expression est de John Dewey lui-même, voir par exemple dans Logique, la théorie de l’enquête,
ère édition américaine en 1938, traduction française de Gérard Deledalle réédition Presses Universitaires
de France, Paris, 1993, p 596.
4
Ibid, p95.
5
Hervé Barreau, dans L’épistémologie, (PUF, Paris, 1990, 128p), organise de façon classique une
présentation de l’épistémologie : qui distingue la connaissance commune de la connaissance scientifique,
puis expose les différents domaines du savoir : logique et mathématiques, physiques, sciences de la vie et
médecine, histoire et sciences de l’homme et de la société. La perspective d’épistémologie appliquée que
nous exposons ici poursuit la théorie de l’enquête de John Dewey qui considère que l’être humain qu’il
soit savant ou non applique une même démarche de construction d’une connaissance opératoire en
perpétuelle évolution par évaluation des conséquences de son application.
6
L’expression est proposée par John Dewey de manière à ne pas faire dépendre l’activité scientifique
d’un projet d’atteinte d’une “vérité”. Voir p166 dans La philosophie américaine de Gérard Deledalle, (De
Boeck Université, Bruxelles, 1987, 300p). Tom Burke dans Dewey’s New Logic, a Reply to Russel,
(University of Chicago press, Chicago, 1994, 288p) montre que l’épistémologie de John Dewey anticipe
les approches cognitivistes contemporaines même si elle est rarement mentionné dans les ouvrages
d’épistémologie (Russel, justement y est pour quelque chose). Par exemple, Bas Van Fraassen est cité
comme “l’une des principales figures de la philosophie des sciences actuelle” par Anouk Barberousse,
Max Kistler et Pascal Ludwig dans La philosophie des sciences au XXe siècle, (Flammarion, Paris, 2000,
353p) parce qu’il “propose de remplacer la notion de théorie vraie par celle de théorie empirique
adéquate ” (p 320), mais cet ouvrage ne mentionne pas John Dewey.
7
C’est un des thèmes centraux de Reconstruction en philosophie, (publié dans les années 1920,
traduction française publiée par les Publications de l’Université de Pau / Farrago, Pau, 2003, 174 pages).
C’est dans cet ouvrage que John Dewey définiti l’épistémologie comme « une analyse du processus de
connaissance ».
8
Op. cit.
9
Op. cit. page 9.
10
Philippe Lorino, Enquêtes de gestion, à la recherche du signe dans l’entreprise, L’Harmattan, Paris,
2000, 366p.
11
Op. cit. pp 248-249.
12
Les chapitres II et III de Logique, la théorie de l’enquête décrivent en ces termes les conditions de
l’enquête scientifique en général et en sciences humaines en particulier (pp 81-119 in traduction française
de Gérard Deledalle rééditée aux Presses Universitaires de France, à Paris en 1993, 693p). Notre thèse
met en évidence l’adéquation forte entre les conceptions de Dewey et les démarches d’activation du
développement des ressources humaines et environnementales. Les processus vitaux sont, selon Dewey,
“produits par l’environnement aussi bien que par l‘organisme; car ils sont une intégration” (op. cit. p 83)
et ils exigent le “maintien d’un environnement unifié”, de sorte que le but de la recherche scientifique et
de l’action intelligente en général est “l’institution d’une relation intégrée” (pp 83-84-86). La matrice
culturelle, insérée elle même dans la matrice biologique (au sens environnemental du terme) est
caractérisée par les usages de signes et symboles comme des moyens de procéder à une symbolisation qui
caractérise les activités communes, des moyens d’évaluer les situations existentielles et de déterminer des
fins et moyens d’agir sur elles : “Les mots signifient ce qu’ils signifient en connexion avec les activités
communes qui produisent une conséquence commune à laquelle tous participent.” (op. cit. p114)
13
Considérer les conséquences de la recherche comme une partie intégrante de la production
scientifique découle d’un héritage utilitariste assumé pour mieux le maîtriser. John Dewey dans
Liberalism and social action, (Prometheus Books, New York, 1935/1991, 93p) insiste sur le rôle majeur
de la pensée de Jeremy Bentham,[1748-1832] qui, le premier a marqué la pensée libérale et progressiste
par le principe d’une évaluation de toute action organisée par ses conséquences sur la vie concrète des
individus (op. cit. p 26). Le premier utilitarisme qui fut très réducteur, constitua la base du second
utilitarisme de John-Stuart Mill,[1806-1870] qui, enrichi par les idéaux romantiques d’auteurs comme
Coleridge [1772-1834], la pensée de Saint-simon [1760-1825] et plusieurs aspects de la pensée socialiste,
fut à l’origine de nombre de conceptions progressistes et pragmatistes. Pour une présentation de Bentham,
on pourra lire de Christian Laval : Jeremy Bentham, le pouvoir des fictions, (Presses Universitaires de
France, Paris, 1994, 125p).
14
Cet adjectif est emprunté à Chris Argyris, qui l’utilise fréquemment, (voir par exemple Savoir pour
agir , InterEditions, Paris, 1995, 330p) l’adjectif “actionnable” a été utilisé pour la première fois en 1983
par D. Schön (Cf la préface de Jean-Louis Le Moigne au livre Ingénierie des pratiques collectives, (sous
la dir. de Marie-José Avenier, Éditions L’Harmattan, Paris, 2000, 462p).
15
L’adjectif “contextualisé” doit être entendu dans l’optique des usages du concept de “contexte” que
font plusieurs théoriciens de la “pragmatique” - entendue comme science des “usages de la langue” (la
“parole” chez Saussure). “Contextualiser” des conceptions exprimées (des représentations utilisées) par
des auteurs ou des acteurs, c’est considérer leur valeur de repères dans les processus “production de
sens”, leur “énonciation” dans un certain contexte historique produisant du sens par interaction avec le
contexte. Ainsi, ce ne sont pas les conceptions que nous considérons comme “fondamentales” mais le
procès (process) d’interaction entre acte de langage et situation socio-historique. Dans La pragmatique,
Françoise Armengaud montre que le concept de “contexte” adossé à celui de “monde possible” est central
chez des théoriciens comme Francis Jacques, dons les travaux prolongent le pragmatisme de Charles
Sanders Peirce [1839-1914] et l’interactionnisme de G.H.Mead [1863-1931]. (Cf. spécialement pp 60-63,
La pragmatique, Presses Universitaires de France, Paris 1985, 128p). En choisissant d’approfondir la
Logique de John Dewey, et de nous appuyer sur le concept central de situation, comme théorie
contextualisée dans l’Amérique de la fin du prestige de l’École de Chicago, nous cherchons à structurer
un arrière-plan conceptuel plus spécifiquement adapté à une problématique de l’intervention, la
pragmatique s’attachant pour l’essentiel aux usages ordinaires de la parole.
16
Nous réservons l’adjectif “épistémologique” pour désigner une démarche globale de réflexion
associée à l’activité scientifique. Par “épistémique” nous entendons la recherche restreinte de garanties de
scientificité.
17
L’expression “citoyens-contribuables” désigne des co-producteurs/bénéficiaires de biens et/ou de
services publics qui sont financés par des prélèvements obligatoires, directs ou indirects. L’enjeu réside
dans la capacité du contrôle démocratique du rapport coût / avantage du prélèvement imposé au citoyen.
Au plan national français, le manque de capacité d’influence (voire de détention d’informations) par les
Parlementaires sur les décisions prises par les hauts fonctionnaires du Ministère des finances montre
combien nous sommes éloignés en France d’une modalité de contrôle effectivement démocratique dans ce
domaine.
18
L’expression “clients-consommateurs” désigne une catégorie de bénéficiaires dont le statut
présuppose une liberté de la décision d’engagement d’une dépense financière en vue d’obtenir un bien ou
un service. Lorsque le coût d’une partie du bien ou du service est couvert par un prélèvement obligatoire,
le “contrôle démocratique” de la circulation de moyens de financement peut compléter la régulation
assurée par la liberté de l’acte d’achat.
19
Expression deweyenne.
20
José A Prades, R Tessier et J-G Vaillancourt Environnement et développement. Questions éthiques
et problèmes socio-économiques (Montréal, Fides, 1991, 374p,).
21
Emmanuel Kant, L’anthropologie du point de vue pragmatique (Flammarion, Paris, 1993,
traduction Alain Renaut, 351p)
22
Ces quelques propos mette en évidence en quoi le personnalisme contemporain, qu’il soit de
Charles Renouvier ou des auteurs réunis autour d’Emmanuel Mounier est un néo-kantisme.
23
Ici encore, cette conception précise est à rapprocher du kantisme tel que Samuel Coleridge l’a
reformulé et tel que les philosophes américains l’ont importé, ainsi que le montre Gérard Deledalle dans :
La philosophie peut-elle être américaine ?, J. Brancher Editeur, Paris 1995, 306p).
24
Dans son introduction du livre Le pragmatisme, Éditions Flammarion, Paris, 1968, 247p, 1ère édition
américaine en 1907.
25
John Stuart Mill, De la liberté, (Gallimard, Folio-Essais, Paris, 1990, 243p).
26
Walter Lippmann, Public Opinion, Free Press, New York, 1922/1997, 272p. Walter Lippmann, The
Phantom Public, Transaction Publishers, (1927/1999, New Brunswick, USA, 1995p).
27
La conception de “liberté positive“ comme opportunité effective de réalisation personnelle, opposée
à la “liberté négative“ comme absence d’interférence extérieure, a été définie par Isaiah Berlin, par
exemple dans Éloge de la liberté, Calman-Lévy, Paris, 1988. Des économistes du développement humain
comme Amartya Sen prenne appui sur ces conceptions pour structurer leurs propositions de
représentation et d’action sur les situations socio-économiques contemporaines. Voir par exemple :
L’économie est une science morale, La découverte, Paris, 1999, 126p, spécialement pp 47 à 51.
28
Alban Bouvier, Philosophie des sciences sociales, PUF, Paris, 1999, 259p.
29
Nous ne pouvons que penser au fameux mot du moraliste portugais Miguel Torga, rédigé dans les
années 30 de l’autre côté de l’Atlantique : “l’universel c’est le local moins les murs”.
30
Sous la direction de José A. Prades, Jean-Guy Vaillancourt et Robert Tessier, Environnement et
développement, questions éthiques et problèmes socio-politiques, Editions Fides, Québec, 1991, 371p.
31
Deux ouvrages, l'un plutôt orienté vers des applications pratiques, l'autre associant judicieusement
applications et sources théoriques doivent être cités ici. Le premier est Influencer avec intégrité (Génie
Laborde, Interéditions, Paris, 1987). Nous ne soustrayons pas à tous les présupposés majoritairement
comportementalistes des méthodes proposées par cet auteur, ainsi que la croyance en la valeur de
l'efficacité à court terme sur laquelle elles se fondent mais le chapitre “Echelle des valeurs et échelle des
critères”, (p 165 à 174) se rapproche de notre démarche. Le second ouvrage, beaucoup plus proche du
travail que nous présentons ici, spécialement pour tout ce qui a trait au développement organisationnel,
est l'ouvrage de Pierre Louart Succès de l'intervention en gestion des ressources humaines (Editions
Liaisons, Rueil-Malmaison, 1995), qui est une synthèse remarquable présentant une ensemble cohérent de
connaissances et des compétences qui peuvent être sollicitées pour mener à bien une intervention en
gestion des ressources humaines. Il montre ainsi que, par définition, épistémologie et axiologie sont
inséparables dans le cadre d'une méthodologie d'intervention en faveur d'une valorisation des ressources
humaines. (op. cit. p 47)
32
Louis Lavelle, Traité des valeurs, PUF, Paris ; Tome 1, 1951, 751p ; Tome 2, 1955, 560p.
33
Karl Popper, La connaissance objective, Champs-Flammarion, Paris, 1979 ; 578p.
34
L’épistémologie devient cette “connaissance de la connaissance objective”.
35
C’est Karl Popper qui utilise ce mot (op. cit. p 251).
36
Jean-Louis Le Moigne, p 10 in Les épistémologies constructivistes, PUF, Paris, 1995, 128p.
37
Pierre Louart dans son livre Succès de l’intervention en gestion des ressources humaines, montre
que le réel perçu et les valeurs assignées à ce réel étant inséparables, les conditions de production de
connaissances dans le contexte d’une intervention qui n’existe qu’en vue d’améliorer une situation
dépend de l’exercice d’orientations normatives au fur et à mesure du procès d’intervention (Editions
sociales, Rueil-Malmaison, 1995, 314p, voir spécialement le chapitre II)
38
Jean-Marc Ferry, Philosophie de la communication, Cerf, Paris, 1994, 123p.
39
Pp 141-182, in : Épistémologies et sciences de gestion , sous la direction d’Alain-Charles Martinet
(Éditions Économica, Paris, 251p).
40
Op. cit. p 177.
41
Voir : Eliott Jaques, Intervention et changement dans l'entreprise, (Dunod, Paris, 1972).
42
Niveau en arrière-plan mais qui constitue et rend effective l'éthique de communication associée à
l’épistémologie axiologique proposée.
43
Réponses apportées par lui, ses partenaires et/ou des membres du système-appropriant.
44
Voir par exemple : Francisco J. Varela, Connaître, les sciences cognitives, tendances et
perspectives, Seuil, Paris, 1989, 125p.
45
Patrick Richaudeau, dans un article intitulé “ Des conditions de la mise en scène du langage ”,
propose une conception d’arrière-plan utile pour alimenter cette réflexion dans une section du livre
collectif L'esprit de société, (sous la direction de Anne Decrosse, Pierre Mardaga_éditeur, Paris, 1993,
326p) .
46
Année de naissance de l’auteur de cette thèse.
47
Paul-Henri Chombard de Lauwe, Pour une sociologie des aspirations, (Ed Denoël Gonthier, Paris,
1971, 211p).
48
Il existe un champ clinique spécifique “d’épuisement professionnel “qui correspond aux risques
présentés ici. Il s’est surtout développé en s’appliquant aux activités des professionnels de la santé et de
l’action sociale.
49
Emmanuel Mounier, Traité du caractère, Seuil, Points, Paris, 1974, 383p.
50
Au sens positiviste réaliste traditionnel du terme, réévalué par l’analyse critique des conditions
socio-culturelles de production de ce savoir.
51
José A. Prades L’éthique de l’environnement et du développement, (PUF, Paris, 1995, 128p).
52
Sur ce point, nous ne partageons pas ni la visée de cette ambition, ni la prétention à universalité qui
résulte de la fiction de l’avoir atteinte.
53
Encore un verbe dérivé de l’étymon “plicare”.
54
Voir pp 30 à 42 dans Le management de projet de Jean-Marie Hazebroucq et Olivier Badot, PUF,
Paris, 1996, 128p). Pour une présentation plus détaillée de l’ingénierie concourante spécialement dans ses
liens avec la gestion de l’information et de la communication on peut se reporter à : L’ingénierie et la
gestion d’informations, de Patrick Bourdichon, Hermes, Paris, 1994, 249p.
55
Op. cit. Le management de projet, pp 79-80.
56
C. Navarre, in Pilotage de projets et entreprises, (Paris, ECOSIP/Economica, 1993)
57
Adaptation de la synthèse des métarègles de gestion concourante proposée par Jean-Marie
Hazebroucq et Olivier Badot, dans Le management de projet, (PUF Que-sais-je N°3059, Paris, 1996, p
94).
58
Op. cit. p 42.
59
Coordonné par Marie-José Avenier pp 269-297 La stratégie “chemin faisant, Economica, Paris,
1997, 393p.
60
Ibid.
61
Ce titre est très similaires à celui de notre thèse, le mot catalyse étant souvent un équivalent du
terme “activation” dans les sciences de la vie.
62
Sous la direction de Philippe Lorino, pp 153-201, Enquête de gestion, à la recherche du signe dans
l’entreprise, l’Harmattan, Paris, 2000, 366p.
63
Sous la direction de Pacale Brossard, Claude Chanchevrier, Pierre Leclair, Ingénierie concourante,
de la technique au social, Economica, Paris, 1997, 166p.
64
Op. cit. pp 39-55.
65
C’est une expression-clé de John Dewey dans Logique, la théorie de l’enquête, (op. cit.) Donald A.
Schön l’utilise pour construire une proposition de méthodologie de gestion collaborative des politiques
publiques sociales dans le texte “Generative Metaphor : A Perspective on Problem-Setting in Social
Policy”, paru dans Metaphor and Thought, 1979, New York, Cambridge University Press, pp 254-283.
Réédité dans le Tome 7 de Changement planifié et développement des organisations, Presses Université
du Québec, Québec, 1992, pp 311-344.
66
Op. cit. p 117.
67
Inspiré des pp 189-225 dans L’ingénierie et la gestion d’informations, de Patrick Bourdichon,
(Hermes, Paris, 1994, 249p).
68
Herbert A. Simon, Sciences des systèmes, sciences de l’artificiel, Dunod, Paris, 1974, 225p.
69
Op. cit., pp 154-155.
70
Op. cit. p 165.
71
Donald A. Schön , dans : “Generative Metaphor : A Perspective on Problem-Setting in Social
Policy”, paru dans Metaphor and Thought, 1979, New York, Cambridge University Press, pp 254-283.
Réédité dans le Tome 7 de Changement planifié et développement des organisations, Presses Université
du Québec, Québec, 1992, pp 311-344.
72
Donald A. Schön , article cité, p 324.
73
P 91 in : Ingénierie concourante, de la technique au social, sous la direction de Pacale Brossard,
Claude Chanchevrier, Pierre Leclair, (Economica, Paris, 1997, 166p).
74
Donald A. Schön, The reflexive practicioner, How professionals think in action, Harper Collins
Publishers, Basic Books, New York, 1983.
75
G. Garel et C. Midler dans l’article “Concourance, processus cognitifs et régulation
économique “paru dans la Revue Française de Gestion, en juin 1995. Extrait cité p 91 in : Ingénierie
concourante, de la technique au social, sous la direction de Pacale Brossard, Claude Chanchevrier, Pierre
Leclair, (Economica, Paris, 1997, 166p).
76
“Creative democracy : the task before us “In L. Hickman & T. Alexander”(Eds), The essentiel
Dewey : Volume 1, pragmatism, education, democracy, Bloomington, Indiana University Press, 1998.
77
Voir par exemple de Phyllis D. James : Une certaine justice, trad. de l'anglais par Denise Meunier,
LGF Le Livre de poche; 2000, 508 p.
78
Cette question de la “chaîne de la valeur “est centrale dans les nouvelles approches de gestion
publique ou privée. Philippe Lorino et Jean-Claude Peyrolle, en conclusion de Enquête de gestion, à la
recherche du signe dans l’entreprise, (L’Harmattan, Paris, 2000, 366p) insiste sur le fait que désormais
“des pans entiers de la chaîne de la valeur sont confiées à des organisations partenaires situées
quelquefois à l’autre bout du monde” (op. cit. p 329).